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Mercure à la hausse : étude des effets du changement climatique dans l’Arctique

Au XXe siècle, il est devenu notoire que le mercure a des effets néfastes sur la chaîne alimentaire aquatique, où des processus biologiques peuvent transformer cet élément en méthylmercure très toxique. Catastrophe bien connue, la pollution industrielle au mercure dans la baie de Minamata, au Japon, a causé des dommages au système nerveux de personnes qui se nourrissaient de poisson et en a même tués. Entre autres sources, la combustion du charbon et l’incinération de déchets municipaux émettent du mercure qui peuvent atteindre les lacs et les océans par voie terrestre ou atmosphérique.

Grâce à des mesures internationales, les émissions de mercure ont diminué. Toutefois, Gary Stern et des collègues à l’Institut des eaux douces, situé à Winnipeg (Manitoba), ont montré que les concentrations de mercure dans le foie de bélugas de la mer de Beaufort (ouest de l’Arctique) ont quadruplé depuis deux décennies.

« Il n’y a eu aucune hausse importante récente des concentrations de mercure dans l’air ou l’eau de l’ouest de l’Arctique », indique M. Stern. « Cela soulève la question suivante : qu’est-ce qui s’est passé avec le béluga? Est-ce que cela pourrait être lié au changement climatique, qui est un facteur important dans l’Arctique? ».

Les scientifiques en sont venus à s’attendre à une certaine pollution dans l’Arctique, qui était autrefois tout à fait vierge. Les vents, les courants océaniques et la faune migratrice peuvent transporter des polluants vers le nord, où ceux-ci se décomposent plus lentement en raison des températures froides. Les polluants peuvent être « bioamplifiés » dans la chaîne alimentaire aquatique et atteindre de fortes concentrations dans les prédateurs supérieurs comme les mammifères marins arctiques, dont l’épaisse couche de graisse accumule efficacement les contaminants. Toutefois, la hausse marquée des concentrations de mercure dans les bélugas reste quand même particulièrement énigmatique.

Comme son ancien nom de « vif argent » le laisse sous-entendre, le mercure est difficile à suivre, car il forme différents composés dans le sol, l’eau et l’atmosphère. Des scientifiques ont élucidé certaines des voies par lesquelles le mercure arrive dans l’Arctique, mais dans le cas de la contamination des bélugas au mercure, M. Stern et ses collaborateurs ont proposé un nouveau scénario.

En 1997-1998, le brise-glace Des Groseillers du ministère des Pêches et des Océans (MPO) a dérivé pendant un an dans la banquise de l’ouest de l’Arctique, avec à son bord des scientifiques du Canada, des États Unis et d’autres pays. Le navire a lentement dérivé du bassin Canada, au large du Canada et de l’Alaska, vers l’ouest jusqu’à proximité de la Russie.

M. Stern et ses collaborateurs ont constaté que les concentrations de mercure dans le zooplancton (plancton animal) et le saida, ou morue polaire, espèce importante de l’écosystème arctique, diminuaient graduellement d’environ la moitié le long du parcours est-ouest. Toutefois, cette tendance à la baisse de l’est vers l’ouest était interrompue par deux ou peut-être trois intervalles de concentrations élevées de mercure le long du parcours de dérive.

Pour bien des gens, le béluga symbolise l’Arctique.
Pour bien des gens, le béluga symbolise l’Arctique.

Qu’est-ce qui a causé cette variation d’est en ouest et ces pics de mercure? M. Stern fait remarquer que, dans la partie orientale du parcours du Des Groseillers, du mercure supplémentaire provient des apports régionaux de mercure transporté par le fleuve Mackenzie jusqu’à la mer de Beaufort. Cet apport n’explique cependant qu’une partie de la situation. À quoi sont attribuables les pics de mercure?

Parmi les possibilités étudiées, les chercheurs se sont penchés sur le phénomène de « variation trophique » : d’un endroit à un autre, une même espèce d’animal marin peut occuper différents niveaux de la chaîne alimentaire, ce qui influe sur l’accumulation de mercure dans ses tissus. Cependant, ce phénomène semble n’avoir que peu ou pas d’effet dans la région, tout comme les « épisodes de diminution du mercure » (EDM), phénomène découvert par des scientifiques canadiens dans les années 1990. Après le lever de soleil polaire, lorsque le soleil réapparaît à la suite de l’obscurité hivernale, les concentrations de mercure dans l’atmosphère baissent, du moins temporairement. M. Stern et d’autres chercheurs n’ont trouvé aucune preuve d’un transfert de mercure dans l’écosystème marin durant les EDM.

Par contre, M. Stern et Robie MacDonald, de l’Institut des sciences de la mer du MPO, à Sidney (Colombie Britannique) ont mis en évidence l’effet d’un phénomène dont on n’avait pas tenu compte auparavant. Dans l’océan, il existe des fronts, où des masses d’eau de caractéristiques (par exemple température et salinité) différentes se rencontrent et se mélangent. Les fronts constituent des zones productives pour le plancton, les proies et les prédateurs. Les fronts sur le parcours du Des Groseillers ont coïncidé avec les pics de bioaccumulation du mercure dans le saida et le plancton.

Comment ce phénomène est-il lié au béluga? Les mammifères marins aiment se nourrir dans les zones de forte productivité que sont les fronts; les changements récents dans le couvert glaciaire et le climat océanique pourraient avoir augmenter l’accès des bélugas aux fronts et, par conséquent, leur exposition au mercure. Si les changements climatiques produisent davantage d’effets de ce genre sur le béluga, d’autres hausses des concentrations de mercure pourraient endommager cette principale source de nourriture des peuples indigènes de l’Arctique.

Des chercheurs de l’Institut des eaux douces travaillent sur cette énigme arctique et de nombreuses autres. Gary Stern fait remarquer que de plus en plus de recherches canadiennes et étrangères sont effectuées sur les régions polaires, où les changements climatiques sont importants. Dans le cadre de l’Année polaire internationale en 2007 2008, des centaines d’études seront réalisées sur les eaux et l’atmosphère à haute latitude et sur leurs interactions avec la vie sur Terre.

Le Canada sera à l’avant plan de ces travaux, tant à titre de lieu d’étude qu’à titre d’acteur de la recherche. En 2005, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il ajoutera 150 millions de dollars de fonds de recherche pour l’Année polaire internationale. ArcticNet est un réseau de centres d’excellence du Canada qui regroupe des organismes publics et privés, des organisations inuites, des communautés nordiques et des chercheurs de cinq ministères fédéraux et de 23 universités canadiennes. Centre administratif d’ArcticNet, l’Université Laval, située à Québec, dirige aussi un projet de recherche pluridisciplinaire et multiorganismes concernant les échanges sur le plateau continental de l’Arctique canadien (Canadian Arctic Shelf Exchange Study - CASES). Les chercheurs canadiens collaborent fréquemment avec des partenaires de l’étranger.

L’Institut des eaux douces héberge le Centre national d’excellence pour la recherche aquatique dans l’Arctique du MPO, lequel coordonne les programmes de recherche sur l’Arctique et forme des partenariats avec d’autres organismes. Dans un projet de recherche concertée, Gary Stern a passé six semaines en 2005 dans l’Arctique à titre de chercheur principal à bord de l’Amundsen, navire de 98 mètres du MPO. Ce navire effectue des tâches régulières de la Garde côtière, comme le déglaçage, et des croisières scientifiques pour divers organismes. D’autres navires du MPO serviront aussi à la recherche dans l’Arctique.

Jason Bartlett (à gauche), du Servic ehydrographique du Canada, et Gary Stern vérifient des cartes de navigation à bord du navire Amundsen de la Garde côtière.
Jason Bartlett (à gauche), du Servic ehydrographique du Canada, et Gary Stern vérifient des cartes de navigation à bord du navire Amundsen de la Garde côtière.

M. Stern, qui encadre également la recherche sur l’Arctique à l’université du Manitoba, souligne l’importance de la collaboration : « Les changements climatiques peuvent nous toucher tous, et les chercheurs qui étudient l’Arctique doivent collaborer dans l’intérêt de tous. Plus nous pouvons en apprendre sur le plan scientifique, plus nous pouvons nous préparer pour l’avenir. »
  

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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