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Les carpes asiatiques envahiront-t-elles le Canada?
Seules une mince barrière électrique sous marine dans un canal près de
Chicago et la vigilance des autorités et des citoyens empêchent un groupe
d’espèces de poissons d’envahir les écosystèmes aquatiques du Canada.
Quatre espèces de carpes asiatiques présentes aux États-Unis, soit la carpe
de roseau, la carpe à grosse tête, la carpe argentée et la carpe noire,
pourraient facilement se répandre sur le territoire canadien. M. Nick
Mandrak, spécialiste des pêches en eau douce du Laboratoire des Grands Lacs
pour les pêches et les sciences aquatiques (LGLPSA) à Burlington (Ontario),
mentionne que « les gens ont tendance à considérer les carpes asiatiques
comme des espèces semi tropicales, mais j’en ai vu des populations
florissantes sous un mètre de glace dans des lacs de Russie. Ces carpes
pourraient survivre partout au Canada et causer beaucoup de dommages. »
Tandis qu’ils évaluent la menace que présentent les carpes asiatiques pour
les eaux canadiennes, y compris les Grands Lacs, M. Mandrak et ses collègues
du ministère des Pêches et des Océans (MPO) et d’ailleurs fournissent
également des avis scientifiques aux autorités étasuniennes qui tentent de
prévenir l’expansion de l’aire de répartition de ces carpes. Certaines
espèces ont envahi le bassin du fleuve Mississippi jusqu’à la rivière Des
Plaines, à seulement 50 milles du lac Michigan.
Les carpes asiatiques ont été importées en Amérique du Nord à diverses fins.
Certains agriculteurs ensemencent leurs étangs de carpes de roseau afin de
se débarrasser des végétaux non désirés. Des consommateurs, principalement
d’origine asiatique, utilisent les carpes asiatiques à des fins
alimentaires. De plus, aux États-Unis, des aquaculteurs ont commencé à en
élever des espèces sur les rives du bas Mississippi. Les problèmes sont
survenus lors de la libération accidentelle de poissons de ces espèces dans
la nature dans les années 1980 et 1990.
Certaines carpes asiatiques peuvent atteindre plus d’un mètre de longueur et
peser plus de 50 kilogrammes, elles ont donc un gros appétit et causent des
dommages à plusieurs niveaux. La carpe de roseau peut détruire des plantes
indigènes dans les rivières, les lacs et les terres humides. En bas âge, les
quatre espèces consomment de grandes quantités de zooplancton et de
phytoplancton, ces minuscules organismes constituant également un élément
important du régime alimentaire de la carpe à grosse tête et de la carpe
argentée au stade adulte. La carpe noire aime les moules et les escargots.
Ainsi, les carpes asiatiques peuvent déstabiliser la chaîne trophique en
milieu aquatique, des éléments nutritifs et du plancton à des niveaux plus
élevés, en surclassant d’autres espèces et en déréglant des écosystèmes
entiers.
![Répartition possible de la carpe de roseau, fondée sur la température annuelle moyenne de l’air dans l’aire de répartition actuelle. Les aires de répartition de la carpe noire et de la carpe argentée seraient dans l’ensemble semblables, tandis que la carpe à grosse tête vivrait à des latitudes quelque peu inférieures.](/web/20071210125611im_/http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/Story/story_images/asian_carp_1.gif)
Répartition possible de la carpe de roseau, fondée sur la température
annuelle moyenne de l’air dans l’aire de répartition actuelle. Les aires de
répartition de la carpe noire et de la carpe argentée seraient dans
l’ensemble semblables, tandis que la carpe à grosse tête vivrait à des
latitudes quelque peu inférieures.
Étant trop grosses pour la plupart des prédateurs, les carpes asiatiques
parcourent librement les eaux et y mangent tout leur content. Dans le bas
Mississippi, la carpe de roseau, la carpe à grosse tête et la carpe argentée
ont pris possession de l’habitat et comptent pour la majorité de la biomasse
aquatique. Elles ont ravagé les pêches commerciales et récréatives, en
entraînant le déplacement d’autres espèces et en détruisant les filets et
les engins.
En 1900, les autorités étasuniennes ont créé un canal reliant le lac
Michigan au bassin versant du Mississippi par le biais des rivières Des
Plaines et Illinois. Le but de ce canal était de rejeter les eaux usées de
Chicago vers le sud plutôt que dans le lac Michigan, la source d’eau potable
de la région. Aujourd’hui, le Chicago Sanitary and Ship Canal constitue
également une voie de transport et un lieu de navigation de plaisance, et
les autorités sont réticentes à le fermer.
En 2002, les autorités étasuniennes ont construit une barrière électrique
dans le canal afin de repousser les poissons et de prévenir le passage des
carpes asiatiques et d’autres espèces du bassin versant du Mississippi aux
Grands Lacs. Cependant, comme le souligne M. Mandrak, « une défaillance de
cette simple barrière permettrait aux carpes asiatiques d’envahir les Grands
Lacs, et il ne faut pas oublier que les espèces envahissantes peuvent
également entrer au pays de plusieurs autres façons ».
La moule zébrée, par exemple, une espèce très nuisible, a probablement été
introduite au pays par le biais des eaux de ballast d’un seul bateau
étranger dans les années 1980. Elle s’est répandue dans de vastes secteurs
des Grands Lacs et a causé des milliards de dollars de dommages. Les moules
de cette espèce s’agglutinent aux quais et à d’autres structures, obstruent
les réseaux d’alimentation en eau et, lorsque ingérées par des oiseaux et
des poissons, augmentent le niveau de toxicité de ceux ci.
Une voie d’introduction plus probable pour les carpes asiatiques est le
commerce des poissons vivants. Par le passé, des détaillants ont importé ces
espèces pour le marché des consommateurs canadiens d’origine asiatique. De
plus, certaines religions sont caractérisées par des cérémonies comprenant
la libération de poissons vivants. S’ils ne connaissent pas les dangers que
de telles pratiques comportent, les adeptes de ces religions pourraient
libérer des carpes asiatiques ou d’autres espèces envahissantes plutôt que
des poissons indigènes.
Des carpes de roseau ont été capturées dans les lacs Huron, Érié et Ontario,
mais rien n’indique qu’il existe des populations établies et
autoreproductrices dans ces lacs. (En ce qui a trait à la carpe à grosse
tête, un des deux cas observés jusqu’à maintenant dans la « nature » au
Canada était dans une fontaine municipale de Toronto, où un acheteur avait
jeté un poisson vivant.)
En Alberta, il y a eu au moins une évasion de carpes asiatiques importées
aux fins de nettoyage d’étangs. Cette évasion ne semble toutefois pas avoir
eu des conséquences néfastes puisque les poissons concernés sont issus
d’œufs « triploïdes », traités afin de prévenir la reproduction. M. Mandrak
souligne toutefois que même le traitement triploïde n’est pas garanti à
100%.
M. Mandrak et ses collègues ont analysé les caractéristiques des carpes
asiatiques afin d’évaluer comment chaque espèce survivrait dans les habitats
partout au Canada. Ils ont déterminé qu’une fois introduite, chaque espèce
aurait de grandes chances de s’établir. Il ne semble exister aucun risque de
croisement, les carpes étant trop différentes sur le plan génétique pour
créer des hybrides avec des espèces indigènes. Les dommages découleraient
plutôt d’autres effets, comme c’est le cas dans le Mississippi. Les carpes
asiatiques perturberaient l’ensemble de la chaîne trophique des milieux
aquatiques au détriment des poissons indigènes. Il convient également de
noter que les carpes peuvent constituer une voie d’introduction de nouveaux
parasites et de nouvelles maladies.
Différentes espèces de carpes rechercheraient différents habitats. La carpe
de roseau occuperait des terres humides et d’autres zones de végétation. Les
autres espèces s’établiraient plus loin des rives afin de trouver leurs
sources de nourriture, comme le plancton et d’autres poissons, la carpe
noire se nourrissant principalement de moules. Il n’y a cependant aucun
espoir que la carpe noire contribue à la lutte contre la moule zébrée parce
que celle-ci s’agglutine trop et il est, de ce fait, difficile pour les
prédateurs d’en consommer. La carpe noire s’attaquerait plutôt aux moules
indigènes, nombre de celles-ci étant déjà classées comme menacées.
Dans les Grands Lacs, des espèces communes, comme la perchaude, le doré
jaune et le cisco, pourraient être gravement touchées par l’établissement de
carpes asiatiques. Ces carpes pourraient survivre dans les rivières et les
lacs de chaque province, et certaines pourraient même atteindre les
territoires et l’Alaska.
M. Mandrak et ses collègues peaufinent leurs modèles de prévision et leurs
estimations des endroits où les carpes asiatiques s’établiraient ainsi que
des modes et de la vitesse d’envahissement. Qu’en est il de ce qui sera
possible de faire une fois ces espèces arrivées au pays?
« Si ces espèces s’établissent au Canada, peu d’options s’offriront à nous,
mentionne M. Mandrak. Dans le cas de la lamproie, une espèce exotique
établie depuis longtemps au pays, les chercheurs ont mis au point un
lampricide qui permet de garder les populations sous contrôle. Dans le cas
des carpes asiatiques toutefois, le seul espoir semble être de les empêcher
d’entrer au pays. »
En 2005, le gouvernement de l’Ontario a adopté un règlement qui interdit
toute vente ou possession de carpes asiatiques, de poissons-serpents et de
gobies. Le MPO collabore avec d’autres organismes fédéraux et provinciaux à
l’élaboration d’un plan national visant à lutter contre les espèces
envahissantes. L’approche proposée sera axée sur la recherche, la
sensibilisation, la collaboration, la coordination et, surtout, la
prévention.
« Nous avons fait de notre mieux pour évaluer les risques que présentent les
carpes asiatiques et ceux-ci sont considérables, déclare M. Mandrak. Il faut
maintenant faire preuve d’une extrême vigilance afin d’empêcher ces espèces
d’entrer au pays. »
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