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Moules à l’œuvre dans la rivière Ausable

La moule d’eau douce est un humble mollusque qui mène discrètement sa vie, bien enfoui dans la boue. Elle passe sa journée à consommer des organismes microscopiques et à excréter des déchets. Contrairement à sa prestigieuse cousine des milieux marins, elle ne présente que peu d’intérêt pour le gourmet — de fait, même les plus affamés hésitent à s’en nourrir, à moins que ce ne soit une question de survie. Mais quelle histoire cette moule pourrait raconter, car elle est véritablement comme le canari dans une mine de charbon. Elle a besoin notamment d’une eau de qualité pour se développer, donc sa présence ou son absence est un indicateur clair de la santé de la rivière ou du lac où elle vit. Malheureusement, les moules d’eau douce indigènes font partie des espèces les plus menacées actuellement en Amérique du Nord.

La rivière Ausable, qui serpente à travers certaines des meilleures terres agricoles du Canada, près de London dans le sud-ouest de l’Ontario, est remarquable pour la diversité des espèces qu’elle abrite. En fait, elle est l’un des plus riches bassins hydrographiques du pays, compte tenu de sa superficie. Vingt-six espèces de moules y vivent, mais six d’entre elles sont considérées comme des espèces en péril, cinq étant des « espèces en voie de disparition » et une « espèce menacée ». Plus important encore, bon nombre des espèces en péril dans la rivière Ausable ne se retrouvent qu’à quelques endroits au Canada, et plusieurs sont rares à l’échelle mondiale.

En 2002, l’équipe de rétablissement de la rivière Ausable a été formée en vue d’élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie de rétablissement qui assurerait la survie des espèces en péril dans la rivière. Coprésidée par l’Ausable Bayfield Conservation Authority (ABCA, un office de protection de la nature) et le ministère des Pêches et des Océans (MPO), cette équipe compte d’autres partenaires comme le gouvernement de l’Ontario, Environnement Canada, le Musée royal de l’Ontario, des conseils d’intendance environnementale de comté et trois universités (Lakehead, Guelph et Windsor). L’une des plus grandes priorités de l’équipe était la mise en oeuvre d’un programme de surveillance à long terme visant à évaluer les populations actuelles de moules et leur diversité dans tout le bassin hydrographique de la rivière Ausable. Des études antérieures avaient permis la collecte d’informations relativement qualitatives (et parfois anecdotiques) – fait intéressant, une étude du début du XXe siècle indique que le tronçon inférieur de la rivière Ausable était couvert de coquilles de moules. L’équipe savait qu’elle devait recueillir des données de référence quantitatives pour déterminer les changements survenus au fil du temps dans la santé de la communauté de moules, afin de pouvoir confirmer tout impact positif de la stratégie de rétablissement.

L’établissement du programme de surveillance de la moule est le fruit d’une collaboration entre les auteurs du plan de rétablissement et l’équipe d’intendance du bassin hydrographique, en vertu d’un partenariat entre le MPO et l’ABCA. Cette collaboration s’est amorcée au début de l’été 2006 sous la direction de Shawn Staton, biologiste au MPO, rattaché au Laboratoire des Grands Lacs pour les pêches et les sciences aquatiques (LGLPSA), à Burlington (Ontario). Todd Morris, également du LGLPSA et président de l’équipe de rétablissement de la moule d’eau douce de l’Ontario, a fourni des conseils sur la méthodologie d’échantillonnage, tandis que l’ABCA a affecté des biologistes de terrain à l’équipe de recherche. La première étape consistait à établir sept stations de surveillance à long terme, chacune étant choisie pour la représentativité de ses communautés de moules, surtout celles des espèces figurant sur la liste des espèces en péril. Les travaux d’échantillonnage proprement dits tenaient à la fois de la fouille archéologique et du travail du chercheur d’or. L’équipe d’échantillonnage avait choisi au hasard environ 75 quadrats d’un mètre carré (1 m2) à chaque station de surveillance, pour ensuite tamiser manuellement le gravier du fond de la rivière afin de compter les moules dans chacun des quadrats. Comme l’explique M. Staton, « le tamisage manuel permet de compter toutes les moules présentes dans chaque quadrat, y compris les juvéniles et les espèces difficiles à repérer ».

Des biologistes de l’ABCA, Angela Baitz 
    et Kari Killins, tamisent à la main le gravier d’un quadrat durant l’étude 
    de 2006 sur les moules de la rivière Ausable. Les efforts soutenus de 
    l’équipe d’échantillonnage de l’ABCA ont donné lieu à des résultats 
    étonnants.

Photo : Des biologistes de l’ABCA, Angela Baitz et Kari Killins, tamisent à la main le gravier d’un quadrat durant l’étude de 2006 sur les moules de la rivière Ausable. Les efforts soutenus de l’équipe d’échantillonnage de l’ABCA ont donné lieu à des résultats étonnants.

Chaque moule a été identifiée et mesurée, et son sexe déterminé (pour les espèces dimorphes), ce qui a permis de brosser un tableau complet des moules présentes dans chaque quadrat. D’autres mesures ont contribué à définir les préférences des moules en matière d’habitat, dont la vitesse du courant et la composition du substrat (pourcentage de sable, de gravier, de galets, etc.). Grâce à ces travaux, on a effectué les toutes premières estimations de la densité des populations de chaque espèce dans la rivière Ausable, des données capitales permettant une évaluation quantitative de la population de moules dans la rivière.

L’étude a jeté un éclairage nouveau sur la situation des six espèces de moules en péril. De fait, elle a permis de faire des découvertes fascinantes aussi bien qu’encourageantes. La dysnomie ventrue jaune, espèce considérée en voie de disparition, a effectivement disparu de 95 % de son aire de répartition en Amérique du Nord, et l’on pensait que seulement trois populations reproductrices étaient encore présentes dans le monde. Maintenant, on sait qu’il en existe une quatrième, car l’étude a révélé la présence de juvéniles de cette espèce dans la rivière Ausable, signe d’une reproduction récente. Une autre espèce de moule en voie de disparition, l’épioblasme tricorne, a été retrouvée en nombres beaucoup plus élevés que prévu. Des études antérieures n’avaient permis de trouver qu’un seul spécimen d’épioblasme tricorne. Durant une visite de reconnaissance préalable, l’équipe de terrain avait trouvé un individu vivant dans un autre site; elle avait donc établi une station de surveillance à cet endroit. Suivant des échantillonnages intensifs, les biologistes ont eu la surprise d’y observer une saine diversité de 17 épioblasmes tricornes adultes et juvéniles. Une autre nouvelle aussi bonne les attendait concernant la lampsile fasciolée, également considérée comme une espèce en voie de disparition. Ils constatèrent que cette population était en bien meilleure situation que prévu initialement, car ils avaient trouvé des individus vivants alors qu’auparavant, on n’avait signalé que la présence de coquilles.

Shawn Staton raconte que les biologistes ont été agréablement surpris de trouver plus d’individus que prévu pour les six espèces considérées comme étant en péril, et plus de juvéniles également. En effet, les nombres établis indiquent que la densité de certaines espèces en péril dans la rivière Ausable est plus élevée que dans la rivière Sydenham, qui est généralement considérée comme étant la principale rivière au Canada abritant des espèces de moules en péril, et réputée pour sa grande diversité d’espèces en général. L’étude a établi sans l’ombre d’un doute que la rivière Ausable recèle des trésors de biodiversité, ce qui en fait un bassin hydrographique d’importance nationale pour la préservation des moules d’eau douce indigènes.

Une poignée d’épioblasmes tricornes, 
    espèce en voie de disparition, de la rivière Ausable. Les différences de 
    taille sont le signe d’une population en santé.

Photo : Une poignée d’épioblasmes tricornes, espèce en voie de disparition, de la rivière Ausable. Les différences de taille sont le signe d’une population en santé.

Alors, quelle est l’étape suivante? L’Ausable Bayfield Conservation Authority, munie de données fiables sur la population de moules, s’emploie à mettre en œuvre un programme d’intendance fondé sur une approche proactive. Ce programme prévoit une collaboration avec les propriétaires fonciers locaux et les administrations municipales en vue d’améliorer la qualité de l’eau de la rivière. Les efforts de surveillance se poursuivront à long terme pour déterminer si le programme de rétablissement a un impact positif sur les moules. Ironiquement, les moules sont déjà des partenaires actifs dans la préservation de l’environnement. Ce sont des organismes d’une efficacité incroyable dans l’amélioration de la qualité de l’eau, car ils filtrent les contaminants, les bactéries pathogènes et les sédiments en suspension — en fait, une seule moule peut filtrer quarante litres d’eau par jour! Une eau de qualité a une incidence considérable sur la santé des populations de poissons et d’amphibiens de la rivière, ce qui est bénéfique pour tous les oiseaux et mammifères, y compris les humains, dans le bassin hydrographique de la rivière Ausable.

M. Staton conclut en disant que : « Les moules indigènes, comme toutes les espèces, ont une grande importance en soi et représentent un maillon du réseau vital. Nous devons faire de notre mieux pour remettre en état nos rivières afin d’assurer la survie de ces coffres au trésor des eaux douces ». L’étude sur les moules de la rivière Ausable n’est pas seulement un rappel frappant de l’interdépendance des éléments de l’écosystème; elle souligne aussi l’efficacité des partenariats entre les scientifiques et les regroupements préoccupés d’intendance environnementale pour la préservation de la biodiversité.

On trouvera plus de détails en consultant en ligne les sites suivants :

La Loi sur les espèces en péril du Canada :
http://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/home_f.asp

Ausable River Bayfield Conservation Authority :
http://www.abca.on.ca/

Ausable River Recovery Program :
http://www.abca.on.ca/page.php?PageID=76#Species 

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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