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Suivi des eaux qui régissent notre climat
Question : Si la baie d’Hudson est reliée à l’océan Atlantique, d’où
vient son eau? Réponse : En grande partie de l’océan Pacifique, mais
également de l’océan Arctique.
Ce fait est plus qu’une simple réponse à une question anecdotique en
sciences. L’origine et le déplacement des masses d’eau ont une incidence sur
l’évolution du climat à l’échelle planétaire. M. Peter Jones, chercheur de
l’Institut océanographique de Bedford (IOB) à Halifax (N. É.), a trouvé une
meilleure façon de suivre le déplacement des masses d’eau.
Différents plans d’eau ont différentes caractéristiques. Le Pacifique Nord,
par exemple, est moins salé que l’Atlantique Nord. L’eau douce est plus
légère et moins dense que l’eau salée. Ce sont les différences de densité
qui régissent le climat.
Les gradients de densité entre masses d’eau voisines, de même que les vents
et la rotation de la Terre, génèrent les courants à l’intérieur des océans
et entre ceux ci. Certains de ces courants sont relativement rapides dans
les couches supérieures de la colonne d’eau, tandis que d’autres sont très
lents dans les profondeurs océaniques. Au fil des siècles, l’eau se déplace
d’océan en océan.
La partie nord de l’Atlantique Nord, soit en gros les eaux à l’est et à
l’ouest du Groenland, y compris celles de la mer du Labrador, transmet une
force motrice fondamentale au régime planétaire de circulation des eaux. Les
eaux de surface du Gulf Stream et des courants connexes transportent de la
chaleur vers le nord et l’est, où la chaleur est transmise à l’atmosphère,
ce qui explique le climat tempéré en Europe. Aux latitudes plus élevées, ces
eaux deviennent plus froides et plus denses et finissent par plonger vers
les profondeurs et se joindre aux courants vers le sud.
Cette circulation de renversement méridienne (CRM) constitue le moteur du «
transporteur à courroie mondial », c. à d. d’énormes courants lents à
l’intérieur des océans et entre ceux ci qui transportent la chaleur et
régissent le climat à l’échelle planétaire. La cessation ou même le
ralentissement de la plongée des eaux dans l’Atlantique Nord, ou convection
profonde, entraînerait d’importants changements climatiques.
D’ailleurs, la convection profonde pose de plus en plus de problèmes. Pour
que les eaux aient la bonne densité pour plonger, il est nécessaire que les
bonnes conditions de température et de salinité soient réunies. Au cours des
dernières décennies toutefois, les chercheurs ont pris conscience de
changements dans la distribution des eaux douces et légères qui entrent dans
la partie nord de l’Atlantique Nord. Une quantité suffisante d’eau à densité
faible pourrait nuire à la CRM et, de ce fait, au climat à l’échelle
planétaire.
![Cette illustration du transporteur à courroie mondial dans les océans Arctique et Atlantique montre les eaux chaudes (en rouge) qui transportent de la chaleur jusque dans les régions polaires. Ces eaux finissent par se refroidir et devenir suffisamment denses pour plonger et aller rejoindre les courants en profondeur qui s’écoulent vers le sud (en bleu). Les eaux froides remontent à la surface dans les régions équatoriales du Pacifique. (Diagramme gracieusement fourni par Greg Holloway, Institut des sciences de la mer à Sidney en C.-B.)](/web/20071210130011im_/http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/Story/story_images/water_tracers.gif)
Cette illustration du transporteur à courroie mondial dans les océans
Arctique et Atlantique montre les eaux chaudes (en rouge) qui transportent
de la chaleur jusque dans les régions polaires. Ces eaux finissent par se
refroidir et devenir suffisamment denses pour plonger et aller rejoindre les
courants en profondeur qui s’écoulent vers le sud (en bleu). Les eaux
froides remontent à la surface dans les régions équatoriales du Pacifique.
(Diagramme gracieusement fourni par Greg Holloway, Institut des sciences de
la mer à Sidney en C.-B.)
D’où vient l’eau douce? M. Jones souligne que l’Atlantique perd plus d’eau
par évaporation qu’il en gagne par le biais de précipitations (pluie et
neige). Cet océan doit évidemment se remplir d’une façon ou d’une autre.
L’océan Arctique constitue sa principale source, cet océan étant en partie
alimenté par l’eau douce qui s’est évaporée dans l’Atlantique.
La majorité de l’eau qui s’évapore dans l’Atlantique finit sous forme de
précipitations au-dessus des océans Pacifique et Arctique et des bassins
versants de rivières de l’Arctique. La fonte des glaces dans l’Arctique
donne lieu à un apport d’eau douce dans les couches superficielles de la
colonne d’eau. De plus, il est maintenant clair qu’une masse d’eau
relativement douce dans le Pacifique se déplace vers le nord jusque dans
l’océan Arctique, en passant par le détroit de Béring.
À leur tour, les eaux douces de l’Arctique gagnent la mer du Groenland et
traversent l’archipel arctique canadien avant d’atteindre l’océan
Atlantique. Elles passent ainsi dans les régions de la mer du Nord et de la
mer du Labrador où se produit la convection profonde : la partie supérieure
essentielle du transporteur à courroie mondial. L’amélioration des
connaissances sur l’origine et le déplacement des masses d’eau dans ces
régions est essentielle.
Les chercheurs de l’IOB et d’autres spécialistes n’ont pris conscience qu’au
cours des deux dernières décennies seulement de la complexité des
déplacements des masses d’eau dans l’Arctique. Comment peut-on déterminer le
point d’origine d’une goutte d’eau? La température et la salinité sont des
caractéristiques des masses d’eau, mais elles varient de plus en plus à
mesure que les masses d’eau s’éloignent de leur point d’origine.
Il existe maintenant une nouvelle méthode qui aide à éclaircir les mystères
des déplacements des masses d’eau. Dans un rapport de recherche précurseur
publié en 1998, M. Jones et des collègues internationaux décrivent comment
les éléments nutritifs peuvent révéler l’origine des eaux de l’Arctique. La
relation entre les nitrates et les phosphates n’est pas la même dans
l’Atlantique Nord et dans le Pacifique Nord. En mesurant cette relation, M.
Jones et ses collègues ont pu suivre les déplacements des eaux du Pacifique
vers l’est jusque dans l’Arctique canadien et l’Atlantique Nord.
En plus d’être des pionniers de l’utilisation des éléments nutritifs comme
indicateurs pour suivre les déplacements des masses d’eau aux latitudes
élevées, M. Jones et ses collègues, notamment M. Leif Anderson de
l’Université Göteborg en Suède, ont favorisé l’utilisation de l’alcalinité
en tant qu’indicateur de l’écoulement des rivières de l’Arctique. Les
isotopes de l’oxygène peuvent également être utilisés pour déterminer
l’origine de l’eau.
« Je n’élabore pas des scénarios du changement climatique, mentionne M.
Jones. Beaucoup d’autres personnes se chargent de cela. Pour bien comprendre
le climat, sans parler des changements touchant celui ci, nous devons
posséder les connaissances de base sur l’origine des masses d’eau
océaniques. »
Que révèlent les nouveaux indicateurs? En ce qui a trait à l’Arctique
circumpolaire, des analyses récentes effectuées par M. Jones et ses
collègues montrent que la majorité de l’eau vient de l’Atlantique. L’eau
dans l’archipel arctique canadien vient principalement du Pacifique Nord,
par le biais du détroit de Béring, une situation qui n’était auparavant pas
appréciée à sa juste valeur.
Le débit sortant de rivières et l’eau de fonte alimentent également la
région arctique en eau douce. Toutes les sources d’eau douce peuvent
constituer une menace pour la CRM.
Les eaux du Pacifique Nord s’écoulent vers l’est, non seulement dans la baie
d’Hudson, mais également dans la mer du Labrador, où les eaux douces ont
déjà, à quelques reprises, presque entraîné l’arrêt de la convection. De là,
les eaux du Pacifique poursuivent leur trajet vers le sud aussi loin que les
Grands Bancs, au sud-est de Terre Neuve, ou contournent l’extrémité nord de
Groenland et se jettent dans la mer du Groenland. M. Jones mentionne que
dans l’ensemble, les eaux du Pacifique et l’eau des rivières contribuent à
peu près également à la dessalure de la partie nord de l’Atlantique Nord.
Les eaux plus douces du Pacifique qui atteignent la mer du Groenland se
retrouvent près de la principale zone de pompage du transporteur à courroie
mondial, les zones de convection profonde à l’est du Groenland. Les eaux
moins denses provenant du Pacifique pourraient-elles atteindre ces zones
directement et influer sur la convection? M. Jones et ses collègues
internationaux ont récemment établi que les eaux du Pacifique restent plus
près des côtes du Groenland que prévu initialement, ce qui peut limiter les
risques d’effets sur les zones de convection profonde situées plus au large.
« Cela ne permet toutefois de dissiper qu’une partie des inquiétudes,
déclare M. Jones. Outre l’eau douce liquide, les vents peuvent pousser les
glaces de l’océan Arctique vers des régions de convection profonde, ce qui
peut entraîner une dessalure plus prononcée des eaux à mesure que les glaces
fondent. »
Les glaces provenant de glaciers terrestres sont constituées d’eau douce. De
plus, la salinité des glaces qui se forment en eau salée diminue avec le
temps. « Deux ou trois années suffisent pour que l’eau de ces glaces
devienne buvable, souligne M. Jones.
« Il semble maintenant que la fonte de la glace marine pourrait être la
principale source d’eau douce à avoir des effets sur la convection profonde.
Nous devons cependant approfondir les connaissances sur les eaux de fonte et
sur toutes les sources d’eau douce dans la partie nord de l’Atlantique Nord.
»
Il est encourageant que les chercheurs possèdent maintenant de meilleurs
moyens, en partie grâce à M. Jones, pour déterminer l’origine des masses
d’eau dans la partie nord de l’Atlantique Nord, qui a une grande incidence
sur le climat.
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