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Chasse aux sédiments dans le détroit de Northumberland

Le détroit de Northumberland, qui sépare l’Île-du-Prince-Édouard de la terre ferme, n’a que 225 kilomètres de long, mais c’est l’un des milieux marins du Canada les plus houleux. Il se démarque par ses forts courants de marée, la grande turbulence de l’eau, des ondes de tempête extrêmes et un niveau de la mer rapidement à la hausse. Ses eaux sont, en été, les plus chaudes de l’est du Canada en raison de sa faible profondeur, ce qui en fait un milieu idéal pour de nombreuses espèces côtières de mollusques et de crustacés. Elles sont reconnues depuis longtemps pour leur forte concentration de silt et d’argile rouge en suspension – de fait, les premiers colons français l’appelaient « la mer rouge ». Mais les grandes entreprises de récolte de la tourbe, entreprises agricoles et entreprises forestières, ainsi que la construction effrénée de chalets sur ses rives, causent une forte érosion des sols.

Depuis quelques années, les pêcheurs de homard dans le détroit remarquent qu’il y a de plus en plus de sédiment sur leurs casiers et dans l’eau en général, et que leurs prises accusent une forte baisse. Certains sont d’avis que ces changements résultent de la construction du pont de la Confédération, achevé en 1997. Pour répondre à ces préoccupations, le Groupe de travail sur le détroit de Northumberland, responsable de l’établissement du programme de recherche pour le détroit, a demandé à des scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO) d’établir une fois pour toutes si la charge en sédiment dans l’eau est vraiment plus élevée ou non. Les résultats? Un partenariat unique entre les scientifiques et les pêcheurs et une réaction rapide, à peu de frais, à un problème urgent.

En collaboration avec Tim Milligan, spécialiste en sédimentologie, les pêcheurs ont prélevé des échantillons d’eau de surface chaque deux semaines à douze endroits, à partir d’août 2006. Deux des endroits ont été échantillonnés à quatre profondeurs. Ils ont ensuite expédié les échantillons au laboratoire de Tim, à l’Institut océanographique de Bedford, à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), aux fins d’analyse gravimétrique. Cette analyse consiste à mesurer la quantité de sédiment dans l’eau. La participation des pêcheurs a permis de tenir au minimum le coût total des recherches.

la passage Abegweit
Tim Milligan et son collègue, Gary Bugden, se servent de l’imagerie satellitaire pour compléter l’étude entreprise par le MPO et les pêcheurs de homard. Cette image, prise le 7 mai 1996 par le satellite Landsat 5, donne un excellent aperçu des sédiments en suspension. Un panache de sédiment est clairement visible dans le passage Abegweit, le point le plus étroit du détroit où a été construit le pont de la Confédération. Ce rétrécissement du détroit pourrait constituer un facteur important dans l’histoire des sédiments, car l’eau forcée à travers ce passage par les marées peut remettre en suspension les sédiments déposés sur le fond.

Les résultats sont en voie d’être comparés à des données sur les sédiments recueillies au début des années 1970 par Kate Kranck dans le cadre de ses premiers travaux d’établissement de cartes géologiques du détroit. Tim dit que les concentrations de sédiment à la fin août et en septembre 2006 n’étaient pas différentes de celles établies par Kate. Le problème, c’est qu’elle n’a prélevé des échantillons que lorsque le temps était calme. Un expert-conseil, embauché par les pêcheurs, a toutefois établi, dans le cadre d’une étude récente, un lien entre des concentrations élevées de sédiment et les périodes de vents violents et de pluie abondante, mais il n’existe pas de points de référence définitifs. Les échantillons prélevés dans le cadre de l’étude entreprise par le MPO et les pêcheurs révèlent également que les concentrations de sédiment étaient plus élevées après des tempêtes qui ont sévi en octobre 2006, mais on ne sait pas encore d’où ils proviennent.

Tim dit que les recherches entreprises l’été dernier ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. Il est évident qu’un programme de recherche intégrée est requis pour comprendre les concentrations et les déplacements des sédiments selon la saison et l’endroit dans le détroit, ainsi que tout impact qu’ils peuvent avoir sur les organismes marins. Et c’est à ce point qu’intervient Marc Lanteigne. Marc, un employé du MPO qui travaille au Centre des pêches du Golfe, situé à Moncton (Nouveau-Brunswick), gère justement ce type de programme de recherche à grande échelle : un relevé annuel d’espèces multiples, qui est effectué dans le détroit à partir du NSC Opilio.

En réponse aux préoccupations que soulevaient les concentrations de sédiment dans le détroit, Marc a élargi le programme du NSC Opilio et y a inclus la surveillance des aspects physiques et océanographiques de ce bassin. Il dit que son but est de « créer une base de données de référence sur la charge actuelle en sédiment dans l’ensemble du détroit et à différents moments de l’année ». Et il dispose de matériel puissant pour le faire. Par exemple, en utilisant des instruments de surveillance électronique spécialisés, il peut obtenir des lectures très précises de la profondeur, de la température, de la salinité et de la transparence, ou turbidité, de toute la colonne d’eau, de la surface jusqu’au fond. Les données recueillies portent sur de nombreux aspects de la qualité de l’eau, notamment la quantité de sédiment, et permettront de mieux comprendre et de prédire les courants. Comme le NSC Opilio fait des arrêts à plus de 200 endroits dans le détroit pour recueillir des données, la base de données résultantes constituera un outil important – en particulier dans les mains d’un océanographe capable de s’en servir pour élaborer un modèle informatique de la circulation de l’eau et de la charge en sédiment.

NSC Opilio
Dans le cadre de la croisière annuelle de recherche du NSC Opilio, des données sont recueillies à plus de 200 endroits dans le détroit de Northumberland.

Les caméras sous-marines seront également utilisées plus fréquemment pour contrôler divers facteurs, comme l’impact des dragues à pétoncles, qui brassent les sédiments du fond, et estimer combien de temps il faut à l’habitat pour revenir à son état d’avant le dragage. Mais comme de grandes quantités de sédiments se trouvent régulièrement dans l’eau dans cette région, la saisie d’images utiles n’est pas chose facile. « Très souvent, on ne pouvait rien voir devant nous », a dit Marc.

Pour ce qui est de l’avenir du projet d’échantillonnage de l’eau par les pêcheurs, Marc dit qu’il aimerait voir les travaux se poursuivre l’an prochain. En 2006, l’échantillonnage a débuté en août. Il est donc logique de commencer à le faire au début du printemps cette année, ce qui permettrait d’avoir un coup d’oeil ponctuel de l’ensemble d’une saison d’eau libre.

De grandes questions se posent encore, mais il n’est pas facile d’y répondre. Par exemple, existe t il un lien entre le cycle vital du homard, les fluctuations de ses effectifs et la charge en sédiment de l’eau, ou est-ce que cela fait tout simplement partie d’un cycle naturel? Ou la baisse des prises est elle lié à l’écoulement de polluants dans l’eau? Quel est l’impact, s’il en existe un, du pont de la Confédération? Les données historiques sur les prises commerciales de homard pour l’ensemble du sud du golfe Saint-Laurent révèlent qu’elles étaient élevées au début des années 1900, avaient par la suite chuté d’un tiers dès les années 1920, étaient restées à ce niveau jusque dans les années 1970, puis avaient ensuite grimpé en flèche. Elles ont atteint un pic record en 1991, mais depuis, elles sont à nouveau à la baisse. Les prises de homard dans le détroit de Northumberland ont connu des fluctuations semblables au cours de la même période. Mais personne ne sait vraiment ce qui a déclenché ce cycle de creux et de pics par le passé.

Marc et Tim s’attendent à ce que leurs recherches jettent de la lumière sur le problème, mais étant donné la nature complexe des facteurs en action dans le détroit, ils ne peuvent pas garantir des réponses définitives. Mais ce qu’ils peuvent garantir, c’est que leur partenariat renforcé avec les pêcheurs sera extrêmement utile pour les activités futures.

Pour un complément d’information, visitez le site d’information du Groupe de travail sur le détroit de Northumberland, à http://www.glf.dfo-mpo.gc.ca/sci-sci/northumberland/index-f.jsp.
 

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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