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À la découverte de nouvelles espèces marines
Imaginez un récif de corail aux formes magnifiques, avec tous ses tons
chauds de roses, de jaunes, d’orangers et de rouges – qui miroitent avec
grâce dans l’eau de la mer. Certains massifs coralliens, vieux de centaines
d’années, s’élèvent jusqu’à une hauteur de trois mètres. On peut y voir des
crevettes et des poissons qui dérivent à l’intérieur et aux abords du
massif. Mais attendez un peu! Si vous vous imaginez ces coraux dans les eaux
chaudes et turquoises d’une mer tropicale, vous n’y êtes pas du tout! Ces
colonies de corail se trouvent dans des eaux glaciales et sombres, à un
kilomètre de la surface de l’océan Atlantique, au large de la côte Est
canadienne.
Depuis cinq ans, une équipe de Pêches et Océans Canada, plus précisément
du Centre pour la biodiversité marine situé à l’Institut océanographique de
Bedford à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), mène une fascinante expédition de
recherche pour trouver et étudier ces colonies de corail sous-marines. On en
connaissait l’existence, mais à peine, depuis aussi loin que les années
1870, grâce à la mission Challenger, la première expédition de recherche
océanographique mondiale. Les explorateurs de cette mission avaient traîné à
l’époque quelques seaux dans les profondeurs de la mer pour prélever des
échantillons des fonds marins, à des profondeurs allant de deux à trois
mille mètres, au large de la Nouvelle-Écosse. Les spécimens de coraux ainsi
recueillis étaient endommagés en raison de la méthode rudimentaire de
cueillette, mais aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, les scientifiques
disposent de technologies perfectionnées qui leur permettent d’étudier les
massifs coralliens sur place. Et la recherche a repris de plus belle cette
année, puisque l’équipe a maintenant à sa disposition un véhicule sous-marin
télécommandé portant le nom de ROPOS, qui est équipé de caméras et de
dispositifs lui permettant de recueillir de petits échantillons sans
endommager la colonie de corail.
Un corail de l’espèce Primnoa resedaeformi (à gauche et au centre) et un
spécimen à grosse tige de Paragorgia arborea (corail « bubblegum »)
colonisent un câble de télégraphie mouillé au fond de l’océan dans les
années 1870. Ces coraux ont été trouvés dans la Zone de conservation des
coraux du chenal Nord-Est, à une profondeur d’environ 300 mètres.
La recherche s’inscrit dans le cadre du programme général du Centre, qui
vise l’étude des espèces non commerciales pour en comprendre le rôle dans
l’écosystème. Les coraux ont une importance particulière du fait qu’ils
créent un habitat qu’utiliseront de nombreuses autres espèces. Ils servent
de refuge contre les courants océaniques et les grands prédateurs, d’aire
d’alimentation et, dans certains cas, de nurserie. La protection de ces
habitats au large de notre côte Est prend une importance toute particulière
ces jours-ci en raison de l’intérêt accru que portent les industries de la
pêche et de l’exploitation pétrolière et gazière pour les zones marines des
grandes profondeurs. Les coraux, qui sont particulièrement sensibles aux
perturbations d’ordre physique, font l’objet, en fait, d’efforts de
conservation et de gestion partout dans le monde. Comme le dit Ellen
Kenchington, scientifique principale de l’équipe, « nous commençons à peine
à étudier les coraux en eaux profondes, mais les travaux de notre équipe ont
déjà donné lieu à l’établissement de deux zones de conservation des coraux
».
Les travaux effectués à l’aide du ROPOS en 2006 ont été réalisés dans le
chenal Nord-Est du golfe du Maine, jusqu’à des profondeurs de 2,6 kilomètres
de la surface de l’océan. Selon Mme Kenchington, c’est la première fois que
des travaux d’étude des fonds marins sont réalisés à une aussi grande
profondeur, en milieu naturel, dans cette région. Grâce au ROPOS, l’équipe
de chercheurs a pu recueillir de petits échantillons de tissus des deux
principales espèces de coraux de la région, et prendre des milliers de
photographies numériques et des centaines d’heures de séquences vidéo. Comme
le dit Mme Kenchington, « deux semaines de prélèvement d’échantillons en mer
peuvent équivaloir à deux ans de travaux en laboratoire », et les travaux
battent maintenant leur plein. L’analyse génétique des échantillons de
tissus est en cours et les résultats vont aider à définir les diverses
populations coralliennes. Le datage au carbone, effectué à l’Université
Dalhousie, a déjà permis de déterminer que certains échantillons de Primnoa
resedaeformi auraient jusqu’à 800 ans. Jusqu’ici, plus de 1500 photos
numériques et 180 heures de séquences vidéo ont été analysées pour déceler
la présence ou l’absence de coraux ainsi que leur abondance; cette
information est ensuite utilisée pour compléter la carte de répartition
géographique des diverses espèces de coraux.
Même à ce stade-ci, relativement préliminaire, l’équipe a déjà identifié
huit espèces que l’on croit être nouvelles pour le Canada et cinq autres
espèces nouvelles pour la région à l’étude. Le fait que la plupart des
nouvelles découvertes aient eu lieu à l’extérieur de la Zone de conservation
des coraux fait ressortir davantage la nécessité de mieux définir la
distribution géographique des colonies coralliennes. L’équipe a également
trouvé des populations particulièrement denses de Paragorgia arborea et de
Primnoa resedaeformi à des profondeurs de six à neuf cents mètres dans la
Zone de conservation.
Un corail de type Primnoa resedaeformis (vers la gauche) et un massif
multicolore de Paragorgia arborea (corail « bubblegum ») colonisent un
rocher à 900 mètres de fond dans le chenal Nord-Est.
Outre leur rôle de pourvoyeur d’habitat, ces coraux offrent pour l’avenir
d’intéressantes possibilités dans le domaine pharmaceutique. Par exemple,
certains nouveaux médicaments contre le cancer tirent leur origine de
mollusques marins, et certaines créatures des eaux profondes, comme ces
coraux, ont des propriétés uniques qu’il vaut la peine d’étudier. Quelques
échantillons des spécimens recueillis lors de l’expédition de 2006 ont été
envoyés au Conseil national de recherches, pour étude.
Des échantillons de tous les spécimens prélevés seront aussi remis à un
Projet international de grande importance, le consortium « Barcode of Life
». Le but de cet ambitieux projet d’envergure planétaire est de créer un
outil puissant pour l’identification des espèces à l’aide de codes à barres
ADN, d’images et de lieux géographiques. Cette bibliothèque de références
virtuelles sur les espèces sera mise à la disposition de quiconque a accès à
l’Internet. Son développement représente toutefois une tâche gigantesque,
étant donné l’existence de centaines de milliers d’espèces, dont certaines
n’ont pas encore été découvertes
Les chercheurs de coraux en eaux profondes poursuivent leurs travaux avec
acharnement. En 2007, ils espèrent pouvoir aller explorer d’autres zones que
l’on sait peuplées de colonies coralliennes : le Gully, qui est la plus
grande zone de protection marine du Canada et est fréquenté par une espèce
de baleine en danger de disparition, la baleine à bec, ainsi que la Zone de
conservation des coraux connue sous le nom de « Stone Fence », dans le
chenal Laurentien.
L’océan recèle une multitude de mystères, au sujet desquels il nous reste
encore tant de choses à découvrir. Nous en savons peut-être beaucoup sur
certaines espèces et certains processus, mais il reste encore bien des trous
à combler dans nos connaissances. Et Mme Kenchington de conclure : « Nous ne
pouvons même pas dire avec certitude combien d’espèces vivent dans ces
milieux; alors comment pourrions-nous comprendre les changements majeurs
susceptibles de se produire si nous ne connaissons pas la totalité des
éléments qui composent cet écosystème complexe que constitue l’océan? »
Voilà ce à quoi s’emploie le Centre pour la biodiversité marine.
Pour de plus amples renseignements, visitez le site Web du Centre pour la
biodiversité marine, à : http://www.marinebiodiversity.ca/fr/home.html
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