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Le décodage de la couleur de l’océan révèle des choses incroyables
Le phytoplancton – constitué de végétaux microscopiques – qui vit en
suspension dans les eaux océaniques de surface est énormément important pour
l’humanité. En plus d’être le premier maillon de la chaîne alimentaire
océanique, il absorbe des quantités colossales de dioxyde de carbone, un gaz
à effet de serre qui joue un rôle de premier plan dans le réchauffement
planétaire et le changement climatique.
Mais exactement combien de dioxyde de carbone est-ce que les océans piègent,
et quel rôle joue le phytoplancton à l’échelle océanique mondiale? La
réponse à ces questions semblait hors de portée jusqu’à ce que Trevor Platt
et ses collègues de l’Institut océanographique de Bedford (IOB), situé à
Halifax, en Nouvelle-Écosse, trouvent des moyens de surveiller le
phytoplancton par satellite.
Trevor Platt a commencé à bâtir la réputation de l’IOB dans l’étude du
plancton dans les années 60 et 70. Il faisait partie de l’équipe qui a
réalisé dans des baies et des secteurs hauturiers de la province des études
qui ont permis de recueillir des données détaillées sur la structure des
communautés de diatomées, de dinoflagellés et d’autres espèces, ainsi que
sur les relations entre le phytoplancton et la température de l’eau, la
turbulence, les courants et d’autres facteurs physiques océaniques.
Ces chercheurs ont réussi à trouver des moyens d’estimer la « production
primaire » – soit la quantité de matière organique fabriquée par le
phytoplancton par photosynthèse – à l’échelle locale, mais ils se sont butés
contre un mur lorsqu’ils ont tenté de quantifier le phytoplancton à grande
échelle. Il était tout simplement impossible de recueillir suffisamment de
données sur la production primaire dans l’océan mondial.
L’avènement des satellites a changé tout cela. Des instruments de
télédétection balayent maintenant la Terre sous tous les angles et
enregistrent des données optiques, qui sont ensuite transformées en données
électroniques. Trevor Platt et ses collègues ont mis au point des
algorithmes (suite séquentielle de règles propres à un calcul) pour extraire
des données satellitaires des renseignements sur la couleur de l’océan.
Comme chaque propriété optique du phytoplancton et du chlorophylle
intervenant dans la photosynthèse est attribuable à une longueur d’onde de
la lumière particulière, l’équipe de chercheurs a, au fil du temps, raffiné
les algorithmes en conséquence, ce qui lui a permis d’estimer l’abondance du
phytoplancton. Grâce à cette technique, l’équipe espère même pouvoir
identifier les principaux groupes taxinomiques à un moment donné.
![La zone en jaune, délimitée d’après des observations satellitaires du phytoplancton, correspond bien à la « province » des plateaux continentaux de l’Atlantique Nord-Ouest du système de régions océaniques édifié par Alan Longhurst, décrit ci-dessous.](/web/20071210130106im_/http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/Story/story_images/ocean_colour.gif)
La zone en jaune, délimitée d’après des observations satellitaires du
phytoplancton, correspond bien à la « province » des plateaux continentaux
de l’Atlantique Nord-Ouest du système de régions océaniques édifié par Alan
Longhurst, décrit ci-dessous.
Le changement climatique, qui préoccupe grandement les scientifiques dans le
monde entier, a éveillé l’intérêt pour le phytoplancton, qui recycle le
dioxyde de carbone à l’origine de ce phénomène. Une certaine quantité de
dioxyde de carbone doit être présente dans l’atmosphère de notre planète
pour que des organismes puissent y vivre, car ce gaz sert à piéger une
partie de la chaleur qui autrement rayonnerait dans l’espace, ce qui
refroidirait la Terre au point où la vie y serait impossible. Mais de trop
grands volumes atmosphériques de ce gaz risquent de mener au réchauffement
démesuré de la Terre, ce qui aurait des effets épouvantables.
Les océans agissent de plusieurs manières sur le volume planétaire de
dioxyde de carbone. À la surface de la mer, ce gaz passe de l’eau à l’air et
de l’air à l’eau selon le gradient de concentration, soit de plus élevé à
plus faible. En outre, dans certaines zones océaniques, comme la mer du
Labrador, les eaux de surface froides s’enfoncent, entraînant dans leur
périple vers les grandes profondeurs non seulement le dioxyde de carbone qui
y est dissous mais également d’innombrables organismes planctoniques nourris
des produits de la conversion photosynthétique de ce gaz. Le problème, c’est
que personne ne savait combien de dioxyde de carbone était absorbé par
photosynthèse et entraîné vers le fond, où il peut rester des milliers
d’années. Mais pour les études sur le climat, il était essentiel de trouver
réponse à cette question.
Trevor Platt et ses collègues, dont Shubha Sathyendranath et Alan Longhurst,
tous de l’IOB, ont fait appel à leurs connaissances spécialisées du plancton
et de la télédétection pour tenter de répondre à cette question. Chose
extraordinaire, ils ont réussi à quantifier pour la première fois la
production primaire à l’échelle planétaire. Ils ont estimé que la
photosynthèse du phytoplancton à l’échelle planétaire requiert environ 50
000 millions de tonnes, ou 50 gigatonnes, de dioxyde de carbone par an.
Cette valeur, qui est en voie d’être appliquée au niveau régional, est d’une
valeur inestimable pour les études sur le climat. Qui plus est, la
télédétection permettra de surveiller les variations futures du moment où se
produisent les poussées phytoplanctoniques et de leur distribution résultant
du changement climatique.
L’observation par satellite du phytoplancton a de nombreuses autres
applications. Par exemple, de récentes analyses effectuées par Tervor Platt
et ses collègues ont jeté la lumière sur les effets écologiques des tempêtes
et des ouragans. Dans les entrailles de l’océan, le mélange des diverses
couches d’eau a des effets marqués. Les eaux profondes sont riches en azote
et en phosphore. Ces engrais naturels, lorsque ramenés à la surface par la
remontée des eaux profondes ou d’autres phénomènes, stimulent la croissance
du phytoplancton et d’autres organismes.
Dans les régions tempérées, les tempêtes d’hiver constituent un important
moteur de mélange de l’océan. Puis, au printemps et en été, le soleil
réchauffe les couches d’eau supérieures; la quantité de phytoplancton
qu’elles abritent déterminera jusqu’à quelle profondeur les rayons du soleil
pénétreront. La couche de surface devient alors plus stable et mieux définie
par rapport aux eaux profondes froides, ce qui mène à une stratification de
la colonne d’eau et à une réduction du mélange des eaux. Le phytoplancton
absorbe alors l’azote présent dans les eaux de surface.
Dans le cadre de recherches récentes, Trevor Platt et ses collègues ont
utilisé la télédétection pour surveiller la prolifération du phytoplancton
dans la foulée d’ouragans en automne, qui ont entraîné un plus grand mélange
de l’eau dans l’Atlantique Nord-Ouest. C’est là un nouveau moyen d’étudier
un aspect du mélange océanique et de mesurer ses effets sur l’écosystème.
En outre, Shubha Sathyendranath, qui collabore souvent aux travaux de Trevor
Platt, a piloté la mise au point d’algorithmes, qui, lorsqu’on les applique
à des données satellitaires, permettent de séparer les diatomées, de
minuscules algues à coquille de silice, du reste du phytoplancton. Cet outil
spécialisé d’identification des espèces constituant le phytoplancton
permettra de le surveiller plus étroitement.
Un autre des collègues de Trevor Platt, Alan Longhurst, ancien directeur de
l’IOB, a publié en 1998 un livre intitulé Ecological Geography of the Sea,
de grande renommée. La recherche et la surveillance du plancton par
satellite effectuées à l’IOB avaient soulevé un intérêt de définir les
vastes régions de l’océan où le plancton se comporte de façon semblable en
raison des conditions similaires de température, de salinité, d’étagement,
de courants et d’autres paramètres. Alan Longhurst a divisé l’océan
planétaire en 56 provinces biogéochimiques en fonction des caractéristiques
de l’eau, de l’apport en éléments nutritifs dans les couches supérieures et
de la production primaire.
« Lorsque nous voyageons, nous savons intuitivement que l’océan à Tahiti,
par exemple, est différent de l’océan dans l’Arctique, a fait remarquer
Trevor Platt. Alan Longhurst a donné à ces différences des définitions
pratiques et utilisables. En établissant une carte des différentes régions
océaniques, reflétant l’environnement, les écosystèmes et la circulation de
l’eau dans chacune, il a édifié une nouvelle base qui nous permettra de
mieux étudier les océans. »
Dans le but de simplifier les calculs requis, Alan Longhurst a en premier
lieu délimité ses provinces océaniques par des droites de latitude et de
longitude. Puis, avec ses collègues, il a utilisé des observations
satellitaires sur le phytoplancton pour confirmer l’existence des provinces
et raffiner leurs limites. L’illustration ci-dessus montre les limites
curvilignes (en jaune) d’une de ces provinces dans l’Atlantique Nord-Ouest,
qu’il avait illustrée précédemment par des blocs en rang d’oignons qui
masquaient d’importantes variations. Le raffinement des données
satellitaires devrait permettre d’inclure à un moment donné les provinces
océaniques dans le cadre opérationnel quotidien de nombreux intervenants,
entre autres des océanographes, des halieutistes, des gestionnaires des
pêches, des climatologues et des spécialistes météo.
Reflétant le rôle de chef de file de l’IOB dans la recherche sur la couleur
de l’océan, l’Institut accueille le groupe de coordination internationale
des données sur la couleur de l’océan (IOCCG), qui assure le lien entre les
efforts de recherche déployés dans de nombreux pays afin d’en accroître
l’efficacité. La contribution de MM. Platt et Longhurst, de Mme
Sathyendranath et de leurs collègues aux sciences de la mer est
immensurable; grâce à leurs travaux, nous disposons aujourd’hui de nouveaux
moyens d’étudier l’océan.
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