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Invasion de seringues de mer

Les seringues de mer portent un drôle de nom, mais elles n’ont rien de drôle. Vous n’avez qu’à le demander aux éleveurs de moules de l’Île-du-Prince-Édouard, dont les élevages sont envahis par ces pestes. Les seringues de mer, plus proprement désignées tuniciers à cause de leur peau épaisse ressemblant à une tunique, sont de petits animaux marins qui passent la plus grande partie de leur courte vie fixés à tout objet immergé qu’elles trouvent. Pieux de quai, rochers, algues et carènes de bateau sont tous des endroits qu’elles privilégient. Leur vie est simple : elles aspirent de l’eau continuellement, en extraient les matières dont elles se nourrissent puis excrètent les déchets. Par contre, elles peuvent avoir un effet dévastateur sur l’environnement et l’économie.

Au cours de la dernière décennie, les tuniciers ont trouvé un tout nouvel abri dans les eaux du Canada atlantique – les moules cultivées et tout le matériel servant à leur culture. Une infestation de tuniciers sur un boudin de trois mètres de long, dans lequel sont placées des moules jusqu’à ce qu’elles atteignent la taille marchande, peut être dense au point de le rendre trop lourd pour être relevé au moment de la récolte des moules. Pis encore, le boudin peut briser ses amarres et disparaître en mer avec sa cargaison. Même si on réussit à le récupérer, le nettoyage des moules couvertes de ces créatures visqueuses est un processus dispendieux qui absorbe beaucoup de temps. On ne comprend pas encore exactement l’effet des tuniciers sur les moules, mais ils leur font peut-être compétition pour la nourriture, ce qui réduit leur rendement.

Cinq espèces de tuniciers figurent à l’heure actuelle sur la liste des espèces les plus recherchées au Canada : l’ascidie plissée (Styela clava) et l’ascidie jaune (Ciona intestinalis), deux espèces solitaires, le botrylloïde violet (Botrylloides violaceus), le botrylle étoilé (Botryllus schlosseri) et le didemne (Didemnum sp.), des espèces coloniales. L’ascidie plissée, le botrylloïde violet et le didemne sont arrivés dans les eaux canadiennes au cours de la dernière décennie, mais le didemne n’a pas encore été trouvé sur la côte Est. L’ascidie jaune et le botrylle étoilé y sont présents depuis le début des années 1900, mais leur nombre a récemment connu l’accoisement explosif typique des espèces envahissantes. Les tuniciers sont entrés en eaux canadiennes en s’accrochant à la carène de bateaux et à des engins de pêche ou en s’infiltrant dans les eaux de lest des navires. Maintenant qu’ils se sont établis dans les eaux canadiennes, ces minuscules envahisseurs se collent peut être aux talons des naissains de moule prélevés à un endroit infesté, pour ensuite s’introduire dans les eaux où les naissains seront mis en culture. C’est dans les eaux de l’Île-du-Prince-Édouard que se produisent les infestations les plus dévastatrices, il y a des preuves que les tuniciers sont en voie de se propager ailleurs dans les provinces de l’Atlantique.

Trois espèces envahissantes de tuniciers 
    soulèvent des préoccupations dans les eaux de mer en Nouvelle-Écosse : en 
    haut et en bas, à gauche : l’ascidie jaune; en haut, à droite : le 
    botrylloïde violet; et en bas, à droite, le botrylle étoilé.

Trois espèces envahissantes de tuniciers soulèvent des préoccupations dans les eaux de mer en Nouvelle-Écosse : en haut et en bas, à gauche : l’ascidie jaune; en haut, à droite : le botrylloïde violet; et en bas, à droite, le botrylle étoilé.

En septembre 2005, le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard ont affecté près d’un million de dollars aux fins de recherche et de surveillance en réponse à l’invasion de tuniciers dans les provinces de l’Atlantique. Dans le cadre de cette offensive, Dawn Sephton, biologiste à Pêches et Océans Canada (MPO), exécute un projet de surveillance des tuniciers à 60 endroits en Nouvelle-Écosse. De ses collègues aux bureaux du MPO au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard effectuent des travaux semblables. Et, à Terre-Neuve, des chercheurs ont un mandat de surveillance car, jusqu’à maintenant, aucune épidémie de tuniciers n’a encore été décelée dans ces eaux.

Dawn, qui travaille à l’Institut océanographique de Bedford, à Dartmouth (Nouvelle Écosse), décrit les tuniciers comme de « parfaits organismes concurrents ». Ils peuvent résister à de nombreuses conditions environnementales défavorables, ont peu de prédateurs connus et, pis encore, sont effroyablement prolifiques. Un seul individu peut produire jusqu’à 10 000 larves par saison!

L’objectif de Dawn est simple, mais urgent. D’après elle, « nous devons mieux comprendre les tuniciers envahissants afin d’être en mesure de trouver des moyens pour les gérer et réduire leur impact ». Ses recherches sont proactives, car les tuniciers envahissants ne se sont pas propagés à grande échelle en Nouvelle-Écosse – pas encore. Le premier défi, c’est d’identifier les endroits où une invasion de tuniciers est peut-être en voie de se produire, d’identifier les espèces présentes et de comprendre leur biologie de base. Cette information servira de pierre d’assise à l’élaboration de stratégies de lutte et de gestion des envahisseurs.

Pour la surveillance, Dawn utilise des collecteurs de tuniciers à bon marché, simples mais efficaces, développés en laboratoire. De mai à octobre, les collecteurs sont suspendus à au moins un mètre sous la surface dans un coin abrité d’un lieu potentiellement infesté. Un certain nombre sont récupérés au milieu de la saison, et les autres restent mouillés jusqu’à la fin de celle ci. Tous sont soigneusement examinés pour établir si des tuniciers s’y sont fixés. De concert avec des chercheurs de l’Université Dalhousie, des collecteurs mouillés à des endroits infestés sont relevés chaque semaine, puis examinés au microscope stéréoscopique dans le but de document le cycle vital des tuniciers, de les dénombrer et d’en faire l’analyse génétique.

Collecteur de surveillance des tuniciers, 
    fortement infesté d’ascidies jaunes.

Collecteur de surveillance des tuniciers, fortement infesté d’ascidies jaunes.

La participation du public constitue un élément essentiel de la lutte contre ces espèces envahissantes. Les gens qui dépendent de la mer pour gagner leur vie sont de bons observateurs du milieu marin. Le ministère des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle Écosse effectue, auprès des détenteurs de baux mytilicoles, un sondage annuel par la poste pour recueillir leurs précieuses connaissances, qui constituent une base de renseignements solide sur la répartition des tuniciers. De mèche avec cette initiative est le besoin pressant de sensibiliser davantage le public face aux tuniciers. À cette fin, Dawn planifie se servir de tous ses sites de surveillance comme sites de sensibilisation du public par le biais de dépliants, d’affiches et de présentations publiques. Un numéro sans frais et une adresse électronique ont aussi été établis en Nouvelle-Écosse pour signaler la présence de tuniciers (1-888-435-4040 ou XMARinvasive@mar.dfo.gc.ca). Des groupes, comme la Fishermen and Scientists Research Society, aident à diffuser l’information en la publiant dans son bulletin trimestriel.

Les propriétaires de bateaux, que ce soit des bateaux commerciaux ou des bateaux de plaisance, constituent un groupe particulièrement névralgique à cibler. De fait, ces gens sont à la toute première ligne de lutte contre la propagation des tuniciers. Ces envahisseurs étant hautement opportunistes, ils peuvent facilement se propager dans des lieux vierges de leur présence en faisant du stop. Pour éviter cela, il est d’une suprême importance que tous les bateaux qui naviguent vers ces lieux soient méticuleusement nettoyés. Il faut donc procéder à un examen minutieux de la carène du bateau, du moteur, de la remorque et du matériel pour dépister les tuniciers qui s’y sont fixés. On les enlève en les grattant ou, ce qui est plus efficace, on les arrose de vinaigre, ce qui les tue, et puis on les laisse sécher complètement.

Les recherches sont peu avancées, mais les résultats confirment les soupçons que les tuniciers perturbent un plus grand nombre d’endroits en Nouvelle-Écosse que l’on croyait. Cette information est névralgique, car plus tôt une infestation est décelée, plus facile il est de la gérer. Malheureusement, il est pratiquement impossible et très dispendieux d’éradiquer une population de tuniciers une fois celle-ci établie. L’espoir de Dawn, c’est qu’en apprenant à mieux connaître les tuniciers, nous trouverons leur tendon d’Achille, ce qui nous permettra de l’utiliser pour lutter contre eux et de les gérer.

Pour un complément d’information, visiter le
http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/backgrou/2005/hq-ac83b_f.htm.
 

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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