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L'océanographie côtière permet de mieux gérer la santé du poisson

La baie de Fundy, reconnue pour ses marées records, tire sa gloire d'une autre particularité, moins connue : la partie de la baie gisant au sud-ouest du Nouveau-Brunswick connaît l'une des densités les plus élevées de piscicultures au monde. Pourquoi? Parce qu'elle est située à proximité du vaste marché américain, parce qu'elle est de superficie relativement faible et, ce qui est plus important, parce que les conditions y sont idéales pour l'aquaculture - son littoral est dentelé de nombreuses baies protégées qui empêchent la mer agitée d'endommager les cages flottantes, alors que les forts courants et marées alimentent les fermes en eaux propres bien oxygénées et riches en éléments nutritifs.

La première pisciculture à s'établir dans la baie de Fundy était de nature expérimentale; elle a été construite en 1978 dans l'anse Lord's Cove, à l'île Deer. Après un début lent, l'industrie a pris de l'essor, provoqué par la demande internationale à la hausse pour du poisson de bonne qualité provenant de milieux propres. Il y a maintenant près de 100 fermes dans la région, la plupart faisant de l'élevage du saumon atlantique. Au moins deux tiers d'entre elles sont en exploitation à tout moment donné. En raison du déclin de la pêche sauvage, l'aquaculture est devenue la cheville ouvrière de l'économie de nombreuses collectivités bordant la baie de Fundy, assurant le gagne-pain de milliers de leurs habitants. Il n'est donc pas étonnant que l'assurance de la santé des poissons élevés dans ces fermes est d'importance cruciale.

Au fil des trois dernières décennies, la pisciculture est rapidement devenue une industrie importante dans la baie de Fundy.
Au fil des trois dernières décennies, la pisciculture est rapidement devenue une industrie importante dans la baie de Fundy.

Les recherches océanographiques menées par Pêches et Océans Canada (MPO) à la Station biologique de St. Andrews (SBSA), une installation de recherche du Ministère au Nouveau-Brunswick, sont devenues un outil essentiel pour la prise de meilleures décisions au titre de la gestion de la santé et des maladies du poisson. Selon Fred Page, qui gère le groupe des Sciences océaniques à la SBSA, les chercheurs qui en font partie ont défriché un nouveau moyen d'appliquer la recherche en océanographie côtière à la résolution de vastes enjeux préoccupants, la gestion de la santé du poisson étant l'enjeu de premier plan.

Le projet sur l'océanographie et la santé du poisson, déclenché par l'approbation conditionnelle de quatre demandes d'établissement de nouvelles fermes salmonicoles dans la région de la baie Long Pond, dans le sud de l'île Grand Manan, a été lancé en l'an 2000. Les aquaculteurs déjà établis dans la région s'inquiétaient que l'un des nouveaux sites proposés étaient situés trop près des fermes existantes et exposeraient leurs poissons à un risque accru de maladies, notamment l'anémie infectieuse du saumon (AIS). C'est vraiment un problème sérieux. L'AIS est causée par un virus redoutable et peut résulter en des taux de mortalité élevés chez le poisson d'élevage. Dans la baie de Fundy, cette maladie a causé aux pisciculteurs des millions de dollars de pertes. On s'inquiétait également que les limites actuelles des piscicultures n'étaient pas optimales en terme d'échange de l'eau entre les sites, ce qui soulevait d'autres préoccupations au titre de la transmission de maladies. D'autre part, des océanographes de la SBSA tentaient de trouver des moyens de démontrer les applications pratiques de leurs recherches à des problèmes sociétaux pressants.

Les représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick responsables de l'attribution de sites aquacoles ont décidé que leur approbation finale reposerait sur la réalisation de travaux océanographiques pour établir le potentiel d'échange entre les sites en raison des voies de circulation et de transport de l'eau. Un projet, financé par le MPO et le Programme coopératif de recherche-développement en aquaculture, a donc été conçu. Les partenaires du projet, dirigé par Fred Page, comprenaient des spécialistes de la santé du poisson travaillant pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick et l'industrie du saumon, ainsi que d'autres scientifiques du MPO. À la lumière du succès de la première démonstration et des problèmes communs de l'industrie de l'aquaculture, des représentants du ministère américain de l'Agriculture se sont joints au projet et la zone d'étude a été agrandie de sorte à y inclure toute la région de Quoddy, qui englobe les parties de la baie de Fundy gisant au sud-ouest du Nouveau-Brunswick et à l'est du Maine.

Le projet s'est révélé une vraie vitrine de l'océanographique côtière appliquée. Mettant étroitement l'accent sur la gestion des maladies, les chercheurs ont entrepris l'élaboration d'un modèle sur mesure de la circulation de l'eau pour estimer le transport et la dispersion d'un virus, tel le VAIS, d'une ferme de la région à une autre - une tâche qui n'était pas facile étant donné les déplacements instables et complexes de l'eau dans cette partie du monde. De nombreux courantomètres et dériveurs pistés par satellite et SPG ont été mis à l'eau pour obtenir des données permettant de calibrer le modèle; ont été ajoutées à celles-ci les données océanographiques recueillies par la SBSA sur une période de presque 100 ans.

Carte illustrant les prévisions de modèle des zones d'incursion des marées autour des fermes (carrés noirs) dans le sud de l'île Grand Manan.
Carte illustrant les prévisions de modèle des zones d'incursion des marées autour des fermes (carrés noirs) dans le sud de l'île Grand Manan.

Les données résultantes ont permis de construire des cartes des panaches estimés de dispersion de l'eau entre les fermes existantes et les nouveaux sites proposés, cartes qui ont permis de voir des liens définitifs. Ces renseignements se sont révélés extrêmement utiles à plusieurs niveaux. Non seulement ont-ils eu des répercussions au titre des demandes d'établissement de nouveaux sites aquacoles dans la région de la baie Long Pond, mais ils ont également servi de modèle pouvant être appliqué stratégiquement afin d'optimiser l'emplacement des piscicultures dans l'ensemble de la baie de Fundy de sorte à minimiser le transport et l'échange d'eau entre celles-ci. À long terme, lorsqu'une maladie frappera la région, le modèle servira à établir les calendriers de récolte des poissons malades ainsi qu'à identifier quels sites peuvent être stockés en poissons en regard de la plus faible possibilité d'être touchés par la propagation d'une maladie.

« Le projet sur l'océanographie et la santé du poisson était une application de rêve, a ajouté Fred Page. Il en a amené beaucoup à réaliser le rôle essentiel que devraient jouer les données sur l'océanographie côtière dans la prise de décision. » Et dans quelle mesure le projet a-t-il été fructueux? Eh bien! lorsque les résultats pour le sud de l'île Grand Manan ont été diffusés, les demandes de données océanographiques ont monté en flèche. Au point où de telles données ont maintenant été recueillies pour chaque pisciculture établie dans le sud-ouest de la baie de Fundy!

À plus grande échelle, le projet a contribué à la décision de réorganiser l'industrie de la baie de Fundy à savoir quelles fermes peuvent élever du poisson une année donnée, de sorte à minimiser le risque de propagation de maladies. Et cette décision repose grandement sur les données de l'océanographie côtière. De fait, la stratégie provinciale pour l'attribution des sites est maintenant solidement ancrée dans une combinaison de considérations d'ordre océanographique et de santé du poisson. Qui plus est, les gouvernements de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique, qui sont en voie de mettre sur pied un programme semblable pour l'industrie de l'aquaculture dans leur province respective, étudient l'approche prise dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick. L'Agence canadienne d'inspection des aliments s'intéresse également à l'application de cette nouvelle approche à son mandat de gestion réglementaire des maladies dans les installations aquacoles. Le projet a également eu des répercussions internationales. Comme le souligne Fred Page, « les courants marins ne reconnaissent pas les frontières » La coopération et la communication améliorées ont soulevé des questions au sujet de la gestion des piscicultures des deux côtés de la frontière canado-américaine.

Le projet sur l'océanographie et la santé du poisson a fermement ancré la valeur de l'océanographie côtière comme outil fondamental dans la prise de décision par une industrie importante canadienne et a positionné SBSA à l'avant-garde de ce type de recherche appliquée à l'échelon international. Il était véritablement une « application de rêve ».
 

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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