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Identification de populations de poissons par analyse de l’ADN

Dans l’océan sans frontière, la définition et le dépistage de différentes populations de poissons peuvent être problématiques. Mais grâce à l’analyse de l’ADN, on peut maintenant le faire, ce qui permet d’améliorer la gestion des pêches. Des scientifiques extraient l’ADN de cellules de poissons et en analysent les séquences pour établir le code génétique caractéristique des diverses espèces et sous espèces.

Jean Marie Sévigny, chercheur scientifique à l’Institut Maurice Lamontagne (IML) à Mont-Joli, au Québec, applique l’analyse de l’ADN à des poissons, des coquillages et des mammifères marins. Mais le sébaste, une espèce importante, soulève des questions particulièrement complexes.

Le sébaste croît lentement et produit rarement des classes d’âge abondantes. Lorsqu’une classe abondante se manifeste, les spécialistes et les gestionnaires des pêches s’attendent à ce qu’elle grossisse les effectifs du stock parental. Mais dans les dernières décennies, certaines classes d’âge du golfe du Saint Laurent qui semblaient abondantes au départ ont décliné sans que cela se produise. La dernière fois que cela a eu lieu, la pêche du sébaste dans le Golfe a dû être fermée, mais elle est restée ouverte ailleurs.

Deux espèces de sébaste sont présentes dans les eaux du Canada atlantique : Sebastes mentella et S. fasciatus. Cette dernière est la plus abondante. « Nous avons fait une analyse de l’ADN du sébaste du Golfe et d’autres endroits séparés par de grandes distances, a indiqué Jean Marie Sévigny, et nous avons établi que chaque espèce n’englobe que quelques populations génétiquement distinctes. »

Cette découverte signifie qu’il se peut que le sébaste provenant d’endroits séparés par de grandes distances soit apparenté. La question de fond à régler maintenant est d’établir si la pêche du sébaste à l’extérieur du Golfe peut nuire à son rétablissement dans ce bassin. En partie en réponse à ces nouvelles données génétiques, les scientifiques et les gestionnaires des pêches réévaluent les mesures de gestion du sébaste.

Comment expliquer le lien génétique étroit entre des groupes de sébaste séparés l’un de l’autre par de si grandes distances? « Les juvéniles et les adultes peuvent nager et les larves peuvent dériver loin de leur lieu d’origine, a expliqué Jean Marie Sévigny. »

Sébastes gardés en bassin à l’IML. (Photographie gracieusement fournie par Richard Larocque)

Sébastes gardés en bassin à l’IML. (Photographie gracieusement fournie par Richard Larocque)

Il existe des exceptions à ces similitudes étendues. Jean Marie Sévigny a identifié une population génétiquement distincte de S. fasciatus dans la baie Bonne, un fjord de la côte ouest de Terre-Neuve. Il semble qu’un seuil à l’embouchure de la baie et le régime de circulation de l’eau dans cette région ont empêché cette population de se croiser avec la principale population de l’espèce, ce qui a permis à cette variante génétique de se développer.

Un autre fait intéressant a trait à l’évolution. Au fil des millénaires, la sélection naturelle favorise les formes de plantes et d’animaux les mieux adaptées, ce que l’on appelle communément la survie des plus aptes. Mais d’où viennent ces différentes formes de vie? Dans le monde végétal, les scientifiques tiennent pour acquis que l’hybridation – le croisement d’espèces – aide à produire des variantes génétiques, alors que dans le monde animal, la plupart ont tendance à supposer que presque toutes les variantes sont attribuables à des mutations.

Mais Jean Marie Sévigny et ses collègues ont prouvé que l’hybridation se produit chez le sébaste. Dans les eaux du Golfe et du sud de Terre-Neuve, où l’aire de répartition de S. mentella et S. fasciatus se chevauche, environ 15 % des échantillons de sébaste montrent une « introgression », soit la présence de séquences d’ADN provenant de l’autre espèce.

« À la lumière de l’état actuel des connaissances, il est rare de voir une telle chose à une si grande échelle, a indiqué Jean Marie Sévigny. Mais je soupçonne que, avec le temps, l’analyse de l’ADN nous révèlera que des hybridations se sont produites plus souvent. » Et cela pourrait changer la manière dont les scientifiques voient l’évolution dans le milieu marin.

Les analyses de l’ADN du crabe des neiges, une espèce de grande importance commerciale, ont également produit des surprises. Alors que des poissons comme le hareng peuvent parcourir des centaines de milles, ce crabe, qui vit sur le fond, est sédentaire. Par contre, Jean Marie Sévigny n’a pas trouvé de différence génétique entre des groupes de crabes répartis sur une vaste superficie. Comme dans le cas du sébaste, cela donne à penser qu’il existe une forme de liens continus entre ces groupes qui, même s’ils ne sont qu’intermittents, suffisent à assurer le partage du patrimoine génétique. Chez le crabe des neiges, ces liens sont maintenus probablement par le transport des larves planctoniques, qui dure de trois à cinq mois.

Jean-Marie Sévigny et Bernard Sainte Marie, un de ses collègues de l’IML, ont également fait appel à la biotechnologie dans leur étude de la reproduction du crabe. Durant l’époque d’accouplement, les mâles et les femelles peuvent avoir de nombreux partenaires. Cela semblerait favoriser la diversité génétique. Mais l’analyse de l’ADN a révélé que, en général, la femelle utilise le sperme du dernier mâle avec lequel elle s’est accouplée pour féconder ses œufs. Cette étude et des études connexes dirigées par Bernard Sainte-Marie ont soulevé des préoccupations que la pêche commerciale, parce qu’elle prélève une grande proportion de mâles dans le stock, nuit aux femelles du fait qu’elles n’ont peut-être pas accès à une quantité et à une diversité génétique suffisantes de sperme.

Aux îles de la Madeleine, dans le golfe du Saint-Laurent, les pectiniculteurs utilisent les résultats des analyses génétiques menées par l’IML pour répondre à leur propre question. Ils placent des poches en filet ou d’autres matériaux dans l’eau pour capter des naissains ou larves de pétoncle, qu’ils disséminent ensuite dans des sites adéquats pour qu’ils grossissent. Mais d’où viennent ces naissains et quelle est leur relation avec d’autres populations de pétoncles? Les aquaculteurs s’intéressent à cette question parce que l’information génétique peut les aider à choisir les meilleurs pétoncles aux fins de grossissement. Les analyses menées par l’IML aideront à trouver réponse à cette question.

Les mytiliculteurs ont leurs propres problèmes, que l’analyse de l’ADN aide à résoudre. Des deux principales espèces, Mytilus trossulus et Mytilus edulis, cette dernière semble donner les meilleurs résultats à la culture. Mais il est impossible de différencier les deux espèces au début de leur cycle de vie, du moins avec les méthodes courantes. Par contre, l’analyse de l’ADN permet d’établir exactement leur identité et fournit également d’autres renseignements utiles.

Arbre des distances génétiques entre les séquences d’ADN de phoques communs du Pacifique Nord-Est, du Pacifique Nord-Ouest, de l’Atlantique Nord-Ouest et de l’Atlantique Nord-Est. (Arbre gracieusement fourni par Dorothée Picaud)

Arbre des distances génétiques entre les séquences d’ADN de phoques communs du Pacifique Nord-Est, du Pacifique Nord-Ouest, de l’Atlantique Nord-Ouest et de l’Atlantique Nord-Est. (Arbre gracieusement fourni par Dorothée Picaud)

Les mammifères marins se prêtent également au génotypage. Pêches et Océans Canada (MPO) a mis en place des règlements de protection des phoques communs et d’autres mammifères marins. Et il y a maintenant une proposition qui circule pour désigner une partie de l’estuaire du Saint-Laurent comme zone de protection des mammifères marins, où les phoques et les baleines pourront vivre à l’abri de la plupart des interférences des embarcations de plaisance et des navires commerciaux.

Jean-Marie Sévigny et de ses collègues ont entrepris une autre étude génétique dans le but d’établir si les phoques communs présents dans ces eaux font partie d’une plus grande population ou s’ils sont génétiquement isolés et donc plus vulnérables. Cette étude a déjà jeté la lumière sur l’histoire de l’évolution des phoques communs. Une première comparaison des codes génétiques appuie l’hypothèse que, il y a longtemps, les phoques communs étaient répartis de l’Atlantique au Pacifique et de l’est à l’ouest dans ces deux océans.

Plus les scientifiques du MPO font appel à la biotechnologie, plus de possibilités de nouvelles applications s’offrent à eux. La biotechnologie permet notamment d’examiner à nouveau des échantillons de tissus entreposés depuis des décennies et de tirer du matériel archivé de nouveaux renseignements. Il semble vraisemblable que l’analyse de l’ADN continuera à s’intensifier, à l’IML et dans d’autres installations de recherche du MPO, au bénéfice de la conservation et du développement.

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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