![Un des quelques cent phoques marqués de la « flottille » du Projet de recherche sur les phoques de l’Atlantique (phoque gris, phoque du Groenland, phoque à capuchon). Les émetteurs permettent de recueillir des données sur la position, le comportement de plongée et la vitesse de nage d’un phoque, la température de l’eau à différentes profondeurs et d’autres données. L émetteur tombe après environ un an sans causer de tord au phoque.](/web/20071210125214im_/http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/Story/story_images/seal_cod_e.jpg)
Un des quelques cent phoques marqués de la « flottille » du Projet de
recherche sur les phoques de l’Atlantique (phoque gris, phoque du Groenland,
phoque à capuchon). Les émetteurs permettent de recueillir des données sur
la position, le comportement de plongée et la vitesse de nage d’un phoque,
la température de l’eau à différentes profondeurs et d’autres données. L
émetteur tombe après environ un an sans causer de tord au phoque.
Les eaux canadiennes de l’Atlantique nord ouest renferment les plus grandes
populations du phoque du Groenland, du phoque à capuchon et du phoque gris
au monde. Le phoque du Groenland et le phoque à capuchon font l’objet d’une
chasse commerciale depuis des siècles, maintenant gérée par quotas. Après
avoir connu un déclin aux XVIIIe et XIXe siècles, les troupeaux se sont
reconstitués jusqu’a des niveaux records pendant que les stocks de morue et
d’autres poissons de fond chutaient à leurs niveaux historiques les plus
bas, et montrent encore peu de signes de rétablissement.
Selon le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH), un
groupe consultatif de scientifiques universitaires et de représentants du
gouvernement et de l’industrie halieutique, la prédation par les phoques
compromet le rétablissement de certains stocks de poissons de fond.
Comment les phoques influent-ils exactement sur les poissons de fond? Le
Projet de recherche sur les phoques de l’Atlantique (PRPA) de Pêches et
Océans Canada (MPO) a fourni d’importantes données, certaines inouïes et
surprenantes, sur les populations du phoque à capuchon, du phoque du
Groenland et du phoque gris, leurs habitudes et l’ampleur de la prédation
exercée par ces mammifères marins sur la morue, grâce à de vieilles méthodes
conjuguées à de nouvelles techniques.
Le PRPA a été lancé en 2003 et prendra fin en mars 2006. Les chercheurs
principaux du projet viennent de plusieurs instituts de recherche du MPO; ce
sont Don Bowen, de l’Institut océanographique de Bedford (IOB) (Halifax,
N.-É.), Mike Hammill, de l’Institut Maurice-Lamontagne (Mont-Joli, Qc) et
Garry Stenson, du Centre des pêches de l’Atlantique nord-ouest (St. John’s,
T.-N.-L.).
Les techniques standard pour dénombrer les phoques font appel à des
photographies aériennes des aires de mise bas pour estimer la production de
jeunes phoques. Ces données sont ensuite combinées au cycle vital des
phoques pour estimer la population totale. De nouveaux relevés effectués en
2004 et 2005 ont permis d’estimer la taille actuelle des populations du
phoque du Groenland, du phoque à capuchon et du phoque gris.
La population de phoques du Groenland, qui se reproduisent sur les glaces
dans le golfe du Saint-Laurent et le secteur du « Front », situé au nord-est
de Terre-Neuve, est passé d’environ 1,6 million au début des années 1970 à
plus de 5,5 millions au milieu des années 1990; elle se situe encore à ce
niveau. Un relevé de la population de phoques à capuchon, qui mettent bas
dans le golfe, au Front et dans le détroit de Davis, effectué en 1990 l’a
chiffrée à environ 450 000. Un nouveau relevé a été exécuté en 2005, et les
résultats seront diffusés à la fin du printemps 2006.
La population du phoque gris se divise en deux grands troupeaux – celui de
l’île de Sable et celui du Golfe. De moins de 10 000 dans les années 1960,
cette population se chiffre aujourd’hui à quelque 250 000, d’après le
dernier relevé.
Un adulte du phoque du Groenland peut peser jusqu’à 135 kilogrammes, alors
qu’un adulte du phoque à capuchon et du phoque gris peut atteindre une
taille de loin plus grande, soit un poids de 400 kilogrammes et une longueur
de 3 mètres. Chez tous les phoques, une grande taille implique un grand
appétit. Dans quelle mesure les aires d’alimentation des phoques
correspondent-elles aux zones fréquentées par la morue et d’autres poissons
de fond?
L’émetteur fixé sur quelque 100 phoques, qui transmet un signal à des
satellites lorsqu’ils font surface, a permis de déterminer mieux que jamais
les voies migratoires des phoques. Ces données permettront de mieux
modéliser les interactions des phoques avec les poissons de fond.
![Déplacements de phoques à capuchon marqués au large du Groenland en juillet 2005. Un individu très actif a fait le tour de l’Islande.](/web/20071210125214im_/http://www.dfo-mpo.gc.ca/science/Story/story_images/seal_1.gif)
Déplacements de phoques à capuchon marqués au large du Groenland en
juillet 2005. Un individu très actif a fait le tour de l’Islande.
Les phoques marqués ont permis d’obtenir des données très utiles, certaines
surprenantes. Par exemple, les chercheurs croyaient que les phoques gris
s’alimentaient dans les eaux du plateau néo-écossais, où les conditions
semblaient favorables. Cette expérience a révélé qu’ils ont plutôt tendance
à se s’alimenter près des bancs extracôtiers, des plateaux peu profonds
situés en pleine mer.
Quelle quantité de morues et de poissons des stocks décimés les phoques
mangent-ils, et combien mangent-ils d’individus d’espèces plus abondantes?
Un modèle bioénergétique permet d’estimer la quantité de proies consommées.
Mais pour utiliser ce modèle, il faut avoir de l’information sur les besoins
énergétiques des phoques de divers âges et de l’un et l’autre sexe, le
nombre de phoques de chaque classe d’âge et de chaque sexe, la durée du
séjour dans les aires d’intérêt et ce qu’ils mangent dans chaque aire.
La méthode standard de déterminer le régime alimentaire des phoques consiste
à identifier les parties dures dans leurs contenus stomacaux ou leurs
excréments. Mais cette méthode a des limites, car elle repose sur la
présence de parties dures, comme des becs de calmar ou des os de poisson, et
elle ne renseigne que sur leur dernier repas.
En collaboration avec Don Bowen, de l’IOB, Sara Iverson et des collègues de
l’université Dalhousie à Halifax ont mis au point une nouvelle méthode
d’étudier le régime alimentaire d’un phoque dans le temps. Désignée analyse
quantitative de la signature des acides gras, cette méthode consiste à
analyser des échantillons de lard de phoque.
Ces chercheurs ont été les premiers à montrer que les proportions de
différents acides gras présents dans le lard d’un phoque correspondent aux
proportions des différentes espèces de poissons dont il se nourrit. Mise au
point pour les phoques, cette méthode pourrait aussi permettre de déterminer
le régime alimentaire d’oiseaux marins, d’ours polaires et d’autres animaux.
Lorsque ces chercheurs ont utilisé cette nouvelle technique pour établir de
quoi se nourrissent les phoques gris sur le plateau néo-écossais, ils ont
obtenu des résultats surprenants : elle a notamment révélé qu’ils mangent
moins de morues que ce que l’on croyait. L’analyse des acides gras a
confirmé que le lançon, un petit poisson qui n’est pas pêché, constitue un
aliment de base pour le phoque gris, et a montré qu’il dépend plus que prévu
d’espèces comme des sébastes, des raies et des plies.
Même si des morues d’un stock donné ne constituent qu’une petite fraction du
régime alimentaire ordinaire des phoques, il semble évident qu’une grande
population de phoques pourrait menacer l’existence de ce stock. Toutefois,
les chercheurs font remarquer que d’autres facteurs peuvent entrer en jeu.
Par exemple, les phoques pourraient aider la morue en mangeant ses
prédateurs, comme le hareng qui se nourrit d’œufs de morue. Les
scientifiques doivent tenir compte de ce genre d’interactions, dont
certaines restent méconnues, et ils profiteraient de meilleures
connaissances sur les poissons eux-mêmes.
Que faire s’il semble que pour sauver un stock local de poisson de fond, il
faille réduire ou éliminer la prédation par les phoques dans le secteur? En
2004, les responsables du PRPA ont tenu un atelier international sur des «
zones d’exclusion des phoques » : des spécialistes ont discuté de mesures
comme l’utilisation de filets ou de barrières sonores et l’abattage sélectif.
Certaines de ces mesures pourraient être applicables dans de petits secteurs,
mais seraient irréalisables ou extrêmement coûteuses si elles étaient
appliquées à plus grande échelle.
Une zone d’exclusion des phoques pilote a été créée dans le bras Smith de la
baie de la Trinité, à Terre-Neuve, durant les hivers de 2003-2004 et
2004-2005. Les résultats préliminaires de ce projet indiquent toutefois
qu’il n’est pas pratique d’établir une telle zone à cet endroit et qu’il
n’est peut-être pas réaliste d’en établir dans des zones plus grandes.
Un contraceptif que l’on administre aux phoques par injection a également
été mis au point dans les années 1990, mais il serait coûteux et difficile,
sur le plan logistique, de l’appliquer à grande échelle.
La question de la prédation par les phoques est très complexe. Les
chercheurs continuent d’appliquer leurs connaissances et des techniques
novatrices dans le but de mieux comprendre les interactions entre les
phoques et les poissons.
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