Lire sur les effets alarmants de l'ensemble
des syndromes de l'alcoolisation fœtale est une chose. En
vivre l'expérience en est une toute autre. Les messages
les plus percutants contre la consommation d'alcool pendant la
grossesse proviennent des histoires que racontent les gens qui
ont élevé un enfant atteint d'un de ces syndromes.
Bonnie Buxton et son conjoint Brian
Philcox ont adopté leur fille Colette lorsqu'elle avait
trois ans. Aujourd'hui âgée de 25 ans, Colette souffre
des effets de l'alcoolisation fœtale. Au cours des 18 dernières
années, Bonnie en a appris beaucoup sur les effets graves
de la consommation d'alcool pendant la grossesse et s'exprime
résolument en faveur de la prévention. Elle a récemment
rédigé un livre sur son expérience et son
travail à titre de fondatrice de FASworld
Canada.
Bonnie s'est entretenue avec le Réseau
canadien de la santé sur l'ensemble des syndromes de l'alcoolisation
fœtale. Nous sommes heureux de vous faire part de ses commentaires.
Bonnie partage également son expérience personnelle
sur ce que représente l'éducation d'un enfant atteint d'un syndrome de l'alcoolisation
fœtale. Pour en savoir plus sur sa vie, lisez l'article « Boutons
de tournesols sauvages ».
Quelques faits
Les syndromes d'alcoolisation fœtale comprennent une combinaison
d'anomalies qui résultent de la consommation d'alcool pendant
la grossesse. On songe notamment au syndrome d'alcoolisation fœtale
(SAF), au syndrome d'alcoolisation fœtale partiel (SAFp), aux
effets de l'alcool sur le fœtus (EAF), au trouble neurologique
du développement lié à l'alcool (TNDLA) et aux
anomalies congénitales liées à l'alcool (ACLA).
Les personnes atteintes ne manifestent que quelques-uns des symptômes,
mais toutes les déficiences sont graves. L'exposition prénatale
à l'alcool peut causer :
- des difficultés d'apprentissage
- de l'hyperactivité
- des troubles d'attention ou de mémoire
- une incapacité à gérer sa colère
- un piètre jugement
- de la difficulté à résoudre des problèmes
- un retard de croissance.
Les séqquelles sont permanentes. Certaines personnes atteintes
auront besoin de soins de santé, de services sociaux et d'éducation
supplémentaires tout au long de leur vie.
Chaque jour, les chercheurs découvrent de nouveaux effets
de la consommation d'alcool sur le bébé qui se développe
et des séquelles permanentes sur les personnes qui sont atteintes
d'un des syndromes. Par exemple, une étude récente
menée par l'unité d'études sur les effets de
l'alcool sur le fœtus de l'Université de Washington
suggère que la consommation excessive d'alcool pendant la
grossesse peut tripler le risque d'alcoolisme chez l'enfant lorsqu'il
atteindra l'âge adulte. Cette étude est la première
à lier l'exposition prénatale à l'alcool aux
problèmes d'alcoolisme futurs.
Les syndromes d'alcoolisation fœtale
peuvent provoquer des troubles secondaires au fur et à
mesure que l'enfant grandit, dont le décrochage scolaire
et des problèmes de délinquance juvénile,
d'itinérance, de santé mentale et de toxicomanie.
Environ neuf bébés sur 1 000 naissent
avec un de ces syndromes. On retrouve des cas dans toutes les cultures
et couches sociales, mais les études montrent que le taux est
beaucoup plus élevé dans les régions rurales,
éloignées et défavorisées.
On peut prévenir l'alcoolisation fœtale. Selon Santé
Canada, la façon la plus sûre pour une femme enceinte,
ou qui veut le devenir, de prévenir tout risque est de ne pas
consommer d'alcool.
La moindre consommation présente
des dangers
Les chercheurs n'ont pu déterminer quel
niveau de consommation d'alcool était garanti sans danger pendant
la grossesse. Les effets néfastes varient selon le stade de
la grossesse et la quantité d'alcool consommée à
chaque occasion.
Le type d'alcool ne fait aucune différence. La bière,
le vin ou les boissons fortement alcoolisées ont les mêmes
effets néfastes. En effet, toutes les consommations alcoolisées
sont toxiques pour le fœtus. Bon nombre de personnes s'imaginent
que seules les fortement alcoolisées comme le rhum, la vodka
ou le whisky sont dangereuses. Elles ont tort. Toute consommation
contenant de l'alcool peut nuire au développement du fœtus.
Voici une liste de produits à éviter de consommer pendant la grossesse :
- vin-soda (coolers)
- cidre
- bière
- liqueurs
- vin de cuisson
- rince-bouche
- produits nettoyants et autres liquides contenant de l'alcool.
La consommation d'alcool pendant
la grossesse peut diminuer le quotient intellectuel de votre bébé.
Voulez-vous courir ce risque?
Comme les chercheurs n'ont pu établir un
niveau de consommation d'alcool estimé « sans danger »
pendant la grossesse, Santé
Canada enjoint les Canadiennes « qui sont enceintes, ou
qui souhaitent le devenir, de ne pas consommer d'alcool ».
Effets de l'alcool sur le fœtus
L'alcool que consomme une femme enceinte traverse
rapidement le placenta. Si la mère boit, le bébé
boit. Étant donné que le liquide amniotique tient
lieu de réservoir, le fœtus peut être exposé
à des niveaux d'alcool plus élevés, et pendant
plus longtemps que la mère.
Le cerveau et le système nerveux central du fœtus peuvent
être endommagés par l'exposition à l'alcool à
tous les stades de la grossesse. Le fœtus étant incapable
d'éliminer l'alcool au même rythme que la mère,
ses effets se font sentir dans l'organisme du bébé beaucoup
plus longtemps que dans celui de la mère. La quantité
et la fréquence de consommation, le stade de la grossesse au
cours duquel l'alcool est consommé, la capacité de la
mère à le métaboliser et le bagage génétique
du fœtus jouent un rôle dans la gravité des effets.
L'alcool peut endommager le cerveau, les organes et la physionomie
du bébé qui est en train de se développer et
peut modifier pendant toute sa vie sa capacité de penser, d'agir
et d'apprendre. Il est également important de se rappeler que
la croissance se poursuit après la naissance et qu'un bébé
peut ressentir les effets négatifs de l'alcool transmis par
le lait maternel.
Il a été signalé
que le réflexe de Moro des nourrissons exposés à
l'alcool avant la naissance est modifié. Les nourrissons
réagissent différemment aux stimuli, ce qui entraîne
des problèmes d'apprentissage.
Effets de l'alcool à tous les stades de
la grossesse :
Remarque : Le cerveau et le système nerveux central se développent
tout au long de la grossesse et peuvent être endommagés
à tous ses stades.
Un fœtus, troisième trimestre
|
- Il
semblerait que les anomalies anatomiques se développent
au cours du premier trimestre. L'alcool peut avoir une incidence
sur la croissance et la transformation des cellules lors de leur
multiplication, altérant la croissance des tissus dans
la partie du fœtus en train de se développer. La perte
précoce de cellules expliquerait le retard de croissance
et l'insuffisance pondérale à la naissance. Le cerveau
est particulièrement sensible à l'alcool. Par conséquent,
il est plus petit chez les personnes victimes d'alcoolisation
fœtale et certaines neurones sont présentes dans des
endroits inhabituels.
- Au cours du second trimestre, la consommation d'alcool augmente
le risque de fausse couche. Le fœtus peut être en détresse
si la mère consomme périodiquement des quantités
excessives d'alcool.
- Au cours du troisième trimestre, le fœtus traverse
généralement une croissance rapide et considérable
et l'alcool peut y nuire. Les recherches sur les animaux indiquent
que le cerveau et le système nerveux central sont très
à risque car c'est à ce stade que leur développement
est le plus important.
Caractéristiques des personnes atteintes d'un syndrome d'alcoolisation
fœtale
Le cerveau des enfants qui naissent avec un syndrome d'alcoolisation
fœtale est endommagé à vie. Ils ont de la difficulté
à suivre des directives, à se souvenir de choses simples,
à résoudre des problèmes, à comprendre
les relations de cause à effet et à respecter les règles.
Ils peuvent être également plus petits physiquement et
ne pas se développer normalement. Leur visage peut présenter
des anomalies; ils ont souvent les yeux plus petits et une lèvre
supérieure plus mince. Ils ont de la difficulté à
téter et deviennent hyperactifs. Certains d'entre eux ont une
vision faible et ne peuvent ni s'exprimer ni entendre adéquatement.
D'autres souffrent d'insuffisance rénale ou cardiaque.
Dans certains cas, les dommages causés par l'alcool ne se manifestent
que lorsque l'enfant commence l'école. Chaque grossesse et
enfant étant différent, l'alcool peut avoir des conséquences
plus graves chez une personne que chez l'autre.
Au début,
ma fille adoptive Colette (maintenant âgée de 25
ans) ne semblait pas avoir de déficiences. Elle était
belle, intelligente et avait même appris à programmer
un magnétoscope à l'âge de trois ans. Tout
a changé lorsqu'elle a commencé l'école.
En troisième année, elle n'arrivait toujours pas
à lire. À dix ans, elle mentait et volait. Ses deux
parents naturels étaient alcooliques.
En vieillissant, les enfants atteints d'un syndrome
d'alcoolisation fœtale ont souvent de la difficulté à
se comporter convenablement et à se concentrer à l'école.
Ils sont dépressifs et peuvent avoir des problèmes de
toxicomanie. Ils ont également de la difficulté à
garder un emploi et ont souvent des démêlés avec
la justice.
Bon nombre
d'enfants atteints ne manifestent aucun problème jusqu'à
ce qu'ils commencent l'école. À ce stade, ils démontrent
de piètres aptitudes organisationnelles, spatiales et présentent
des troubles de mémoire. Ils ont de la difficulté
à faire le lien entre les relations de cause à effet
et doivent se faire répéter la même chose
plusieurs fois.
Il est primordial d'établir
un diagnostic rapide pour offrir à l'enfant l'aide dont
il a besoin.
Il a été clairement démontré
qu'une mère qui consomme de l'alcool pendant sa grossesse risque
de faire des dommages graves à son bébé. Si vous
buvez, vous ne saurez jamais quel tort vous avez causé à
votre enfant. Pour être parfaitement sûre, les femmes
ne devraient pas boire lorsqu'elles sont enceintes, lorsqu'elles planifient
une grossesse ou si elles croient être enceintes. Si vous
buvez, il n'est jamais trop tard pour vous arrêter. À
tout stade de la grossesse, vous pouvez faire une différence
en buvant moins ou en cessant complètement de boire.
Comment mesurer
la perte de potentiel? Ne pas consommer d'alcool pendant la grossesse
devrait être tout aussi naturel que de boucler sa ceinture
en voiture. Pour les Canadiennes, ce geste doit être automatique.
Il importe que le message transmis ne serve pas à stéréotyper
qui que ce soit. Aucune quantité d'alcool n'est considérée
sans danger.
Pour en savoir plus sur l'alcool et la grossesse,
parlez à votre médecin de famille ou visitez le site
de Santé Canada à http://www.phac-aspc.gc.ca/fasd-etcaf/index_f.html.
Comment aider les femmes enceintes
à ne pas consommer d'alcool
Il est de plus en plus évident
que la moindre quantité d'alcool pendant la grossesse
peut être dommageable pour la santé du bébé.
Voilà pourquoi les personnes qui côtoient les femmes
enceintes, qu'il s'agisse de leur partenaire, de leur famille
ou de leurs amis, doivent les aider à ne pas consommer
d'alcool. Voici quelques conseils à cette fin :
- Ne consommez pas d'alcool en présence de femmes
enceintes.
- Offrez des boissons non alcoolisées aux fêtes
que vous organisez.
- Rassemblez-vous à la maison ou dans les cafés
au lieu de vous réunir dans un bar.
- Ne dites jamais à une femme enceinte « qu'un
petit verre ne fera pas de tort ».
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