Commission canadienne de sûreté nucléaire
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Initiatives de la CCSN

Indépendance en matière de réglementation : législation, pratique et perception : Un rapport destiné à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN)

Cette étude a été réalisée au nom de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) par l’Institut sur la gouvernance, une organisation respectée offrant une expertise sur la gouvernance dans le secteur public. L’étude présente une perspective indépendante sur le rôle et l’importance de l’indépendance en matière de réglementation dans l’administration du régime de réglementation nucléaire du Canada. Elle a été commandée dans le cadre des efforts continus de la CCSN en vue d’assurer la transparence et la bonne gouvernance du régime de réglementation nucléaire.

L’étude de l’Institut sur la gouvernance explore les aspects juridiques et pratiques d’un organisme de réglementation indépendant. Elle se penche sur la façon dont le cadre juridique, établi aux termes de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et les pratiques de la CCSN interagissent en vue de faciliter la compréhension du public au sujet de la CCSN en tant qu’organisme de réglementation indépendant, de même que la confiance du public à l’égard de décisions libres de toute influence indue. On y examine les diverses significations de la gouvernance et de l’indépendance en matière de réglementation en rapport avec une multitude d’industries de la planète et on y étudie le cadre législatif, la structure organisationnelle et les relations de la CCSN avec ses parties intéressées. L’étude offre également plusieurs conclusions et recommandations.

Puisque l’étude de l’Institut sur la gouvernance ne définit pas suffisamment l’indépendance en matière de réglementation, la CCSN a annexé une note complémentaire sur la notion d’indépendance en matière de réglementation d’un point de vue juridique.

La CCSN espère que cette étude marquera un intérêt pour d’autres ministères et organismes gouvernementaux ayant des responsabilités de nature réglementaire, pour les organismes centraux qui jouent un rôle de surveillance au nom du gouvernement ou du Parlement – tel que le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du vérificateur général – et pour nos partenaires des Ressources naturelles avec qui nous interagissons régulièrement. L’étude pourrait également intéresser mes collègues du Forum des présidents de tribunaux administratifs fédéraux, que je suis fière de présider, et mes collègues du Conseil des tribunaux administratifs canadiens.

Linda J. Keen, M.Sc.
Présidente et première dirigeante


Réponse de la direction

Le Comité de direction (le Comité) de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a reçu et examiné le rapport final de l’Institut sur la gouvernance intitulé Indépendance en matière de réglementation : législation, pratique et perception et l’accepte. Le Comité remarque que le rapport présente une perspective sur le concept de l’indépendance en matière de réglementation en reliant les principes de la bonne gouvernance (légitimité et voix; orientation stratégique; rendement; imputabilité; équité) aux responsabilités données aux organismes de réglementation indépendants qui consistent à servir l’intérêt public en prenant des décisions complexes qui touchent la santé et la sécurité, la sûreté, la protection de l’environnement, le contrôle du monopole, la protection du consommateur, l’échec des marchés et les relations de travail.

Le Comité souligne que, bien que le rapport soit utile comme vue d’ensemble reliant les questions de gouvernance et d’indépendance en matière de réglementation, il ne fournit pas (et n’a pas pour but de fournir) une analyse juridique détaillée de la façon dont la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et les lois de nature réglementaire et administrative se combinent pour assurer l’indépendance en matière de réglementation de la Commission. Il n’aborde pas, non plus, certaines caractéristiques spécifiques aux tribunaux administratifs.

Le Comité remarque également que le rapport bénéficierait d’une réflexion plus approfondie sur des questions connexes, telles que l’impartialité des personnes membres de tribunaux ou travaillant pour des organismes de réglementation indépendants et le besoin de souplesse de la part des tribunaux afin qu’ils puissent exécuter leur travail dans les meilleurs délais.

Enfin, le Comité prend note des recommandations de l’Institut sur la gouvernance au sujet de la documentation des meilleures pratiques, des communications internes et de l’engagement des parties intéressées. Des initiatives dans ces domaines sont déjà en cours dans le cadre du Programme des initiatives d’amélioration intégrées, de l’élaboration d’un Plan stratégique des communications internes et de l’attention rehaussée portée aux relations externes. La CCSN est déterminée à faire preuve d’amélioration continue dans ces domaines en vue de devenir l’un des meilleurs organismes de réglementation nucléaire au monde.

Le Comité remercie la Division des affaires réglementaires de la Direction générale des affaires réglementaires (DGAR) ainsi que l’Institut sur la gouvernance pour leur travail dans ce dossier et mentionne que les études ciblées sur des domaines d’importance, y compris le suivi des questions de gouvernance et d’indépendance, font partie des responsabilités de la DGAR.

Jason K. Cameron
Secrétaire du Comité de direction


L’indépendance de la CCSN – Aspect juridique

L’analyse sommaire suivante, qui porte sur la notion de l’indépendance d’un tribunal administratif, se veut complémentaire au rapport sur l’indépendance en matière de réglementation de l’Institut sur la gouvernance (ci-joint), qui est davantage axé sur la responsabilisation et la bonne gouvernance que sur l’aspect juridique de l’indépendance d’un tribunal.

Introduction

L’« indépendance » d’un organisme de réglementation tel que la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) est une notion liée, d’un point de vue juridique, à deux grands concepts : l’indépendance institutionnelle et l’indépendance judiciaire. Ces deux concepts sont liés à l’objectif ultime de l’indépendance, à savoir rendre des décisions impartiales.

La loi habilitante de la CCSN, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires1 , énonce l’intention du Parlement quant à l’indépendance de la CCSN lorsqu’il l’a créée, qu’il en a prévu les membres, déterminé la durée de leur mandat et leur rémunération et lui a attribué des fonctions. La CCSN doit rendre des comptes au Parlement quant à la mise en œuvre de la politique du gouvernement du Canada dans le cadre de la réglementation du secteur nucléaire de façon à protéger la santé, la sûreté et l’environnement. On lui a accordé une grande indépendance institutionnelle, ce qui lui permet d’assumer ses fonctions d’autorisation et de réglementation en rendant des décisions solides et impartiales.

Indépendance institutionnelle

L’indépendance institutionnelle consiste à garantir, de façon objective, la situation du décideur dans sa relation avec les autres, c’est-à-dire sans subir une influence qui pourrait faire douter de l’impartialité de ses décisions.

La Cour suprême du Canada a indiqué que l’indépendance institutionnelle requise de la part de la magistrature au Canada en raison du droit constitutionnel n’est pas la même que celle qui est exigée d’un tribunal administratif en vertu de la loi2 . Dans le cas d’un tribunal administratif, il revient au Parlement ou à la législature de déterminer les fonctions qui lui seront attribuées. Il faut étudier la loi habilitante dans son ensemble pour déterminer quelle était l’intention du Parlement, notamment à l’égard de l’indépendance. Lorsqu’il n’en est pas question dans la loi ou que celle-ci est ambiguë à ce sujet, les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, tels qu’énoncés dans la common law, contribuent à déterminer l’indépendance institutionnelle requise.

L’examen de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires révèle que la CCSN doit assumer une fonction stratégique assez importante, tant sur le plan de la mise en œuvre du régime de permis établi dans la loi par le Parlement que sur le plan de la diffusion de données scientifiques objectives. Du même coup, le Parlement lui a attribué un certain nombre de fonctions qui s’apparentent à celles d’un tribunal quasi judiciaire, par exemple celles d’une cour d’archives. Dans le cadre de ses fonctions d’autorisation, elle ne se prononce pas au sujet des litiges de droit privé qui surgissent entre les parties, mais elle tient des audiences conformément aux exigences de l’équité procédurale et dans l’intérêt public.

Le Parlement a prévu la nomination pour une durée fixe des membres qui ont une bonne conduite, ce qui signifie qu’ils ne peuvent faire que l’objet d’une révocation motivée. De plus, ils ont une rémunération fixe, indépendamment du rendement du tribunal. On peut penser que cela donne à la CCSN une certaine indépendance, par opposition aux nominations discrétionnaires faites par un organe exécutif, qui diminueraient considérablement l’indépendance institutionnelle. En outre, bien que le Parlement ait autorisé le gouverneur en conseil à donner une orientation stratégique générale aux objectifs de la CCSN, cela ne donne pas à l’organe exécutif un pouvoir quant à la fonction décisionnelle ou quasi judiciaire de la CCSN.

Indépendance judiciaire

L’indépendance judiciaire consiste en la capacité d’un décideur individuel de prendre des décisions de façon impartiale. Cela signifie essentiellement qu’il doit avoir la liberté de décider sans subir une influence ou une ingérence incorrecte qui pourrait faire appréhender, de façon raisonnable, la partialité de la décision. Cela signifie aussi que la partie touchée a le droit de s’attendre à ce qu’un décideur impartial traite le dossier sans subir d’influence anormale.

Pour ce qui est d’éviter l’appréhension raisonnable de partialité et d’assurer l’indépendance judiciaire des décideurs individuels, la CCSN, par ses processus, déploie des efforts pour que chaque membre évite avantageusement de subir une influence abusive, et évite de tenir compte de considérations externes et de servir des intérêts malhonnêtes. Ainsi, le rôle du personnel de la CCSN aux fins d’autorisation consiste à fournir des avis et des recommandations. Ce processus garantit la transmission aux parties touchées de tous les renseignements sur lesquels la CCSN fonde ses décisions. Ainsi, la partie touchée peut connaître les preuves à réfuter et avoir la possibilité de présenter des observations à l’égard de ces renseignements.

La question de l’indépendance judiciaire pourrait aussi survenir dans le contexte des efforts déployés pour assurer la cohérence du processus décisionnel parmi les membres du tribunal. Dans un tel cas, la Cour suprême du Canada a indiqué que ces mesures sont autorisées à la condition que les trois règles suivantes soient respectées : (i) la consultation n’est pas imposée par une autorité de niveau supérieur dans la hiérarchie administrative; (ii) la consultation se limite à des questions de droit et d’orientation; et (iii) les décideurs sont libres de prendre eux-mêmes toutes les décisions. Tant que les délibérations se déroulent conformément à ces principes, l’indépendance des décideurs individuels est assurée.

On peut penser que l’impartialité individuelle et l’indépendance des décideurs sont adéquatement assurées à la CCSN, en raison de ses pratiques et de ses délibérations, qui sont réalisées conformément aux lignes directrices sur la consultation institutionnelle issues de la jurisprudence.

Conclusion

En ce qui a trait aux exigences juridiques relatives à l’indépendance institutionnelle, nous estimons que la CCSN a les indices d’indépendance requis, de sorte que, de façon générale, ses décisions ne seraient probablement pas contestées avec succès en raison d’un prétendu manque de garantie.

En outre, en ce qui a trait au processus décisionnel ou à l’indépendance judiciaire, les structures et les principes de gouvernance de la CCSN constituent une garantie suffisante de l’impartialité de son processus décisionnel, de façon générale.

C’est pourquoi, en ce qui a trait aux exigences juridiques relatives à l’indépendance, le Parlement a accordé à la CCSN une certaine indépendance institutionnelle qui lui permet d’assumer les fonctions d’autorisation prévues dans la loi sans subir d’ingérence ou d’influence incorrecte et conformément aux éléments de preuve dont elle dispose.

Linda J. Keen, M.Sc.
Présidente
Commission canadienne de sûreté nucléaire


L.C. 1997, ch. 9

Ocean Port Hotel Ltd. c. British Columbia (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch) [2001] 2 R.C.S. 781


Indépendance en matière de réglementation : Législation, pratique et perception

Rapport destiné à la Commission canadienne de sûreté nucléaire de l’Institut sur la gouvernance

le 31 mars, 2007

Le présent document est fondé sur des recherches menées par l’Institut sur la gouvernance et n’illustre pas nécessairement le point de vue de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Table des matières

Introduction
Contexte
Structure du document
Partie I – Bonne gouvernance et indépendance en matière de réglementation
Bonne gouvernance
Signification de l’indépendance en matière de réglementation
Partie II – Dispositions de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires relatives à l’indépendance en matière de réglementation et à la bonne gouvernance
Orientation stratégique
Légitimité et voix
Rendement
Imputabilité
Équité
Partie III – Pratiques exemplaires et obstacles dans le cadre des relations internes de la CCSN et des relations entre celle-ci et les PARTIES INTÉRESSÉES
Parties intéressées liées à la CCSN
Relation de la Commission avec le personnel de la CCSN
Pratiques exemplaires
Problèmes et aspects à améliorer
Partie IV – Conclusions et recommandations
Annexe A – Parties intéressées liées à la CCSN  
Bibliographie

Introduction

Contexte

La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a pour mission de réglementer l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de protéger la santé, la sûreté, la sécurité et l'environnement et de respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. La CCSN est un organisme indépendant du gouvernement du Canada. La Commission fonctionne comme un tribunal administratif quasi judiciaire; elle établit, à l'intention de l'industrie nucléaire canadienne, des politiques en matière de réglementation sur les questions concernant la santé, la sûreté, la sécurité et l'environnement; elle rend de façon indépendante des décisions concernant la délivrance de permis pour les activités liées à l'énergie nucléaire au Canada; et elle établit des règlements ayant force de loi obligatoire.

La Commission est appuyée par un personnel composé de scientifiques, de techniciens et d’autres professionnels, qui lui fournit des conseils et des recommandations sur des questions liées à la délivrance de permis, s’assure de la conformité aux exigences réglementaires et exécute les décisions de la Commission1.

Les intentions du Parlement, en ce qui concerne l’établissement de la CCSN à titre de tribunal administratif quasi judiciaire doté de responsabilités et de pouvoirs précis relativement à la délivrance de permis et à la réglementation des installations et des activités nucléaires au Canada, sont énoncées dans la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN). De plus, comme il s’agit d’un tribunal administratif, les pouvoirs de la Commission doivent être abordés dans le contexte général du droit administratif.

Il importe de souligner que la LSRN ne définit pas l’« indépendance en matière de réglementation » ni, de fait, ne fait référence à la notion d’« indépendant » ou d’« indépendance ». Elle prend donc pour axiome la réponse à la question suivante : « l’indépendance sur quel plan? de qui? et sous quelle forme? ». Bien que nous puissions trouver réponse à ces questions en examinant minutieusement la LSRN et les lois administratives pertinentes, en pratique, le public et les autres parties intéressées n’abordent la question de la signification de l’indépendance en matière de réglementation de ce point de vue. Ils en viennent plutôt à tirer la conclusion que l’indépendance réglementaire se définit en termes juridiques et pratiques en constatant la manière dont les responsabilités en matière de réglementation au titre de la LSRN sont exercées au quotidien.

La présente étude vise donc à examiner collectivement les trois questions suivantes : (1) la manière dont l’indépendance en matière de réglementation est prévue dans la loi; (2) la manière dont la CCSN exécute ses responsabilités en matière de réglementation et exerce ses pouvoirs relatifs à la délivrance de permis dans le contexte des pouvoirs et des contraintes prévus dans la LSRN et dans les lois administratives et (3) l’interaction de l’exercice de la loi et les pratiques de la CCSN de manière à promouvoir la compréhension et l’acceptation du public à l’égard du statut d’organisme de réglementation indépendant de la CCSN. En résumé, cette étude a trait à la bonne gouvernance au sein de la CCSN : la manière dont celle-ci exerce ses pouvoirs, la manière dont elle maintient son indépendance tout en donnant une voix aux intervenants et la manière dont elle rend des comptes.

Structure du document

Le présent document comporte quatre sections. La partie I examine la signification de la gouvernance et de l’indépendance en matière de réglementation du point de vue de divers secteurs dans le monde entier. Fondée sur les travaux de l’Institut sur la gouvernance et sur une analyse de la documentation, cette partie offre une perspective globale de la bonne gouvernance et des caractéristiques et des obstacles communs aux organismes de réglementation indépendants. Les observations énoncées dans cette section ne touchent pas nécessairement expressément la CCSN, mais elles permettent d’approfondir la compréhension générale de ce que l’on entend par l’exercice d’une bonne gouvernance et par le statut d’organisme de réglementation indépendant. Après cet examen général de la gouvernance et de l’indépendance en matière de réglementation, l’objectif du document s’oriente vers la CCSN, en prenant appui sur des documents clés et sur des entrevues réalisées avec des employés de la Commission. La partie II examine le cadre juridique qui prévoit l’indépendance en matière de réglementation de la CCSN. La partie III traite de l’indépendance de la CCSN des points de vue des parties intéressées et du personnel de la CCSN. Enfin, la partie IV offre quelques conclusions et recommandations.

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Partie I – Bonne gouvernance et indépendance en matière de réglementation

Bonne gouvernance

L’Institut sur la gouvernance définit la gouvernance comme étant le processus selon lequel les sociétés et les organisations prennent leurs décisions importantes, déterminent les intervenants qui ont voix au chapitre et ceux qui participent au processus, de même que la manière dont la reddition de comptes est assurée. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD Gouvernance et développement humain durable, 1997) fait valoir un ensemble de principes qui, moyennant de légères modifications, sont repris dans une bonne partie de la documentation, y compris les documents de l’Institut sur la gouvernance2. Ces principes concernent non seulement les résultats du pouvoir, mais aussi la façon dont il est exercé. Selon cette approche, la bonne gouvernance existe lorsque les personnes qui occupent des postes de pouvoir sont perçues comme ayant acquis légitimement leur pouvoir et que les personnes dont les intérêts sont touchés par les décisions aient voix au chapitre. De plus, l’exercice du pouvoir crée une orientation globale qui sert de guide dans le cadre de la prise de mesures. Le rendement constitue un troisième critère : la gouvernance doit entraîner un rendement adapté aux intérêts des citoyens ou des intervenants. En outre, la bonne gouvernance exige une relation fondée sur l’imputabilité entre les détenteurs du pouvoir et les personnes dont ils doivent servir les intérêts. L’imputabilité ne peut être efficace que s’il existe un esprit de transparence et d’ouverture dans l’exécution des initiatives mises en oeuvre, Enfin, la gouvernance doit être équitable, ce qui suppose la conformité aux règles juridiques et au principe de l’équité.

Le tableau suivant décrit les cinq principes de la bonne gouvernance définis par l’Institut sur la gouvernance à l’égard des principes établis dans le programme PNUD Gouvernance et développement humain durable (1997).

 

Cinq principes de la bonne gouvernance de l’Institut sur la gouvernance

Les cinq principes de la bonne gouvernance

Principes du PNUD et texte du PNUD sur lequel ils sont fondés

 

 

1.  Légitimité et voix

 

Participation – Tous les hommes et toutes les femmes doivent avoir voix au chapitre dans la prise des décisions, directement ou à travers des institutions intermédiaires légitimes qui représentent leur intention. Cette participation large est fondée sur la liberté d’association et d’expression, ainsi que sur les capacités à participer de façon constructive.
Orientation consensuelle – La bonne gouvernance fait la médiation entre des intérêts divergents de façon à atteindre un consensus global sur ce qui correspond à l’intérêt du groupe et, si possible, sur les politiques et les procédures.

 

2. Orientation

 

Vision stratégique – Les responsables et le public ont un point de vue large et à long terme sur la bonne gouvernance et le développement humain, ainsi que la notion de ce que nécessite ce développement. Il existe aussi une certaine compréhension des complexités historiques, culturelles et sociales dans lesquelles se fonde ce point de vue.

 

3.  Rendement

 

Réactivité – Les institutions et les processus s’efforcent de servir tous les intéressés.
Efficacité et efficience – Les processus et les institutions produisent des résultats qui répondent aux besoins en utilisant au mieux les ressources.

 

 

4.  Reddition de comptes

 

 

Imputabilité – Les décideurs du gouvernement, du secteur public et de la société civile ont des comptes à rendre au public, de même qu’aux intervenants institutionnels. Cette responsabilisation est fonction des organisations et du caractère interne ou externe de la décision.
Transparence – La transparence est fondée sur la libre circulation de
l'information. Les processus, les institutions et l'information sont directement accessibles aux personnes intéressées et une quantité suffisante d'information est fournie pour permettre de les comprendre et de les suivre.

 

5.  Équité

 

Équité – Tout homme et toute femme a la possibilité d’améliorer ou de maintenir son bien-être.
État de droit – Les cadres juridiques doivent être équitables et fonctionner de façon impartiale, en particulier les lois sur les droits de la personne.

Dans le cadre de l’examen de ces principes, il importe de souligner deux points : Premièrement, il ne suffit pas de respecter uniquement quelques-uns des principes; tous les principes doivent être présents, du moins dans une certaine mesure, si l’on veut assurer une bonne gouvernance. Deuxièmement, il peut exister des frictions ou des tensions entre les principes. Par exemple, des demandes axées sur un renforcement de l’imputabilité, et sur les ressources nécessaires à cette fin, peuvent aller à l’encontre des objectifs relatifs à l’amélioration du rendement, puisque le fait de passer plus de temps à rédiger des rapports peut réduire le temps consacré à l’exécution d’un programme. Cet exemple vise non pas à prétendre que l’imputabilité ne constitue pas un facteur important, mais à illustrer la nécessité de reconnaître les conflits inhérents aux principes, de même que l’importance d’établir un équilibre entre ceux-ci.

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Signification de l’indépendance en matière de réglementation

Les organismes de réglementation indépendants assument une position et un rôle distincts au sein de la société et dans le domaine de la gouvernance. Il s’agit d’organismes gouvernementaux établis à des fins d’intérêt public, qui jouissent néanmoins d’un degré élevé d’indépendance par rapport aux gouvernements lorsqu’il s’agit de la prise de décisions en matière de réglementation. À ce titre, ces organismes doivent surmonter des obstacles particuliers des points de vue de l’exercice de leur indépendance réglementaire et du respect des principes de bonne gouvernance.

L’Institut sur la gouvernance a mené une analyse documentaire afin de repérer les principaux documents qui examinaient le concept de l’indépendance en matière de réglementation. Dix articles et rapports, y compris plusieurs articles fournis par la CCSN, ont été examinés. Même si l’analyse documentaire touchait principalement l’industrie nucléaire, on a également examiné des documents relatifs à la réglementation indépendante dans les secteurs des télécommunications, des finances et de l’électricité, afin d’obtenir une meilleure perspective du concept de l’indépendance en matière de réglementation des points de vue du rôle, de l’indépendance et des obstacles liés à la gouvernance des organismes de réglementation.

Rôle de l’organisme de réglementation indépendant

Les organismes de réglementation indépendants jouent un rôle particulier. Ces organismes distincts de la structure gouvernementale, et investis de responsabilités énormes à l’égard du grand public et, souvent, d’industries multinationales, réglementent des secteurs complexes qui ont une incidence sociale considérable sur des questions comme la santé et la sécurité, la sûreté, la protection de l’environnement, le contrôle monopolistique, les relations de travail, la protection des consommateurs et les déficiences du marché.

Officiellement, ainsi que l’a observé un groupe consultatif, les organismes de réglementation exercent trois fonctions fondamentales :

(1) élaborer et promulguer un ensemble de règlements appropriés, exhaustifs et justes; (2) vérifier la conformité à ces règlements et (3) en cas d’écart par rapport aux conditions relatives aux permis, de fautes professionnelles ou d’actes répréhensibles de la part des personnes et des organismes assujettis à la surveillance réglementaire, appliquer le règlement établi en imposant les mesures correctives appropriées3.

Cependant, les organismes de réglementation indépendants jouent également un rôle informel de médiateurs auprès du public, et fournissent un mécanisme efficace pour les besoins de la prise de décisions difficiles, mais nécessaires dans l’intérêt public. En fin de compte, ces organismes existent pour servir l’intérêt public, et ils doivent établir un équilibre entre leur rôle juridique officiel, à titre de tribunaux, et la réalité et les attentes des parties intéressées industrielles et extérieures à l’industrie, l’éthique et les valeurs. Tout comme la promotion de la conformité est essentielle à la réglementation de l’industrie, le maintien d’une crédibilité constitue un élément crucial dans le cadre de la relation entre un organisme de réglementation indépendant et le public. La crédibilité dépend, à son tour, de la perception du public en ce qui concerne la manière dont l’organisme de réglementation exécute ses responsabilités.

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Éléments d’indépendance

Pour fonctionner à titre d’autorité indépendante, l’organisme de réglementation doit présenter certaines caractéristiques qui établissent clairement son « indépendance ». Plusieurs éléments se dégagent de l’analyse documentaire, y compris (1) un mandat inscrit dans la loi; (2) l’indépendance par rapport aux gouvernements et aux parties intéressées de l’industrie et (3) des ressources suffisantes.

  1. Cadre juridique : Un organisme de réglementation indépendant doit être doté d’un cadre juridique qui établit clairement son mandat, y compris ses objectifs et ses pouvoirs. Bien que la portée des pouvoirs attribués aux organismes de réglementation varie d’une industrie à l’autre et selon le pays, elle touche généralement l’établissement et l’application de règles et les litiges.

  2. Indépendance par rapport aux gouvernements et aux parties intéressées industrielles : Pour qu’une autorité indépendante fonctionne efficacement, l’organisme de réglementation doit être clairement distinct des intérêts gouvernementaux et industriels. La capacité de prendre des décisions ayant force obligatoire, en ce qui concerne la délivrance de permis et la réglementation des entreprises et des membres de l’industrie, et ce, sans influences externes injustifiées, constitue un facteur crucial de l’indépendance de l’organisme de réglementation. Des dispositions à cet égard doivent être prévues dans la loi habilitante de l’organisme de réglementation, et des lignes directrices et des mécanismes appropriés doivent être mis en place. La plupart des spécialistes croient également que l’organisme de réglementation doit être distinct des activités générales des gouvernements en matière d’élaboration de politiques et des activités gouvernementales liées à la promotion de l’industrie.

  3. Ressources suffisantes : Un organisme de réglementation ne peut exécuter son mandat séparément et indépendamment sans les ressources nécessaires. La documentation examinée révèle un point de vue unanime à l’égard du principe selon lequel les organismes de réglementation doivent bénéficier d’un financement suffisant et stable pour mener l’ensemble des activités de réglementation, et jouir d’un degré élevé d’autonomie sur le plan des décisions relatives à l’affectation du budget.

Principaux obstacles

En pratique, l’organisme de réglementation indépendant occupe une position délicate, et l’étude a permis de cerner de nombreux obstacles liés à la gouvernance. Les organismes de réglementation doivent adopter une démarche proactive dans la surveillance de ces questions, ce qui entraîne généralement une ingérence externe ou des obstacles internes à l’exploitation et à la gestion efficaces et efficientes.

Qu’il s’agisse d’intérêts politiques, d’intérêts de parties intéressées publiques ou d’intérêts industriels, les pressions exercées par des forces extérieures peuvent mettre à l’épreuve la neutralité et l’efficacité d’un organisme de réglementation indépendant. Bien que l’organisme de réglementation soit souvent intégré au service civil global d’une manière qui permet de réduire les influences concurrentielles au minimum, en général, le gouvernement exerce au moins un certain contrôle sur le budget et sur la nomination et le renvoi des cadres supérieurs responsables de la réglementation, et pourraient utiliser ce contrôle pour influer sur les décisions.

Les parties intéressées publiques, y compris les organismes non gouvernementaux (ONG), les collectivités et les particuliers, ne jouissent pas nécessairement de pouvoirs autorisés semblables à ceux des gouvernements; ils peuvent néanmoins exercer une influence considérable sur l’organisme de réglementation, en l’absence de mécanismes de protection appropriés. Il faut prendre des mesures afin de veiller à ce que les communications entre les décideurs et les membres du public intéressés soient gérées d’une manière appropriée, particulièrement lorsque des questions précises liées à la délivrance de permis sont en jeu.

L’ingérence industrielle peut prendre de nombreuses formes. Dans une étude, on observe que [TRADUCTION] « la déréglementation du marché de l’industrie, dans le cadre de certains programmes nationaux, a accru la pression de l’industrie axée sur la réduction des coûts, et donc la pression axée sur l’allégement du fardeau réglementaire »4. D’autres préoccupations englobent le déplacement d’effectifs entre l’organisme de réglementation et l’industrie et la « capture » de membres du personnel de réglementation par l’industrie, par le biais de perspectives futures d’emploi lucratif5. De plus, il faut continuellement protéger l’indépendance de l’organisme de réglementation, tout en maintenant une relation axée sur la confiance et la collaboration avec le titulaire de permis.

En ce qui concerne la gouvernance interne, de nombreux organismes de réglementation continuent de faire face à de nombreux problèmes, y compris l’absence d’objectifs et de critères précis, la compétence et l’objectivité insuffisantes, l’accès limité au savoir-faire et aux renseignements techniques, les intérêts et les comportements susceptibles de se révéler compromettants, le manque de financement et la dépendance excessive à l’égard de décideurs. Il s’agit de questions complexes, qui se recoupent souvent et qui doivent être abordées d’une manière globale. La prochaine section, consacrée aux bonnes pratiques, traite de nombreux obstacles internes qui se posent aux organismes de réglementation indépendants.

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Bonnes pratiques

L’analyse documentaire a permis de dégager un éventail de bonnes pratiques et de mesures susceptibles de promouvoir le rendement d’un organisme de réglementation indépendant, et a souligné l’importance d’un cadre juridique global qui régit les activités de réglementation, ainsi que les objectifs, les principes et les valeurs connexes. La promotion d’une « culture de réglementation », appuyée par des lignes directrices, des mécanismes et des processus clairement définis, s’est également révélée cruciale à la réussite de l’organisme de réglementation indépendant, particulièrement du point de vue des questions liées à quatre secteurs : (1) le personnel, (2) le financement, (3) l’imputabilité et (4) les relations entre les parties intéressées.

1) Personnel : Un facteur crucial de l’efficacité d’un organisme de réglementation a trait à sa capacité de prendre des décisions véritablement indépendantes; en outre, l’intégrité et la neutralité du personnel doivent être préservées. De nombreux experts recommandent l’établissement d’un code de conduite ou de principes d’éthique accompagnés de restrictions. Il doit exister des règles touchant les conflits d’intérêt pendant et après l’emploi. Des règles devraient être mises en place afin de veiller à ce que les employés chargés de la réglementation évitent certaines activités, à ce qu’ils ne dévoilent pas les activités, à ce qu’ils délèguent des fonctions ou démissionnent de postes qui entraînent des conflits et à ce qu’ils se désistent de certains domaines d’activités réglementaires. Les employés ne doivent pas être autorisés à avoir des intérêts financiers à l’égard de l’industrie réglementée, et leurs pratiques doivent être transparentes. Afin d’assurer la continuité et le respect des codes de déontologie, il faut veiller à ce qu’ils soient clairement documentés et intégrés à la culture et à la formation du personnel.

Les organismes de réglementation indépendants doivent aborder un autre problème permanent lié au recrutement et au maintien en fonction d’employés compétents. Ces organismes mènent généralement leurs activités dans des secteurs qui exigent un degré élevé d’expertise et de spécialisation; en outre, ils doivent être en mesure de faire concurrence à l’industrie, qui, souvent, paie davantage que les gouvernements.

La documentation signale également que la nomination d’un responsable principal de la réglementation constitue un facteur clé en ce qui concerne la préservation de l’indépendance de l’organisme de réglementation et la promotion de sa bonne gouvernance générale. On recommande certaines pratiques, notamment, des compétences clairement définies, un mandat de durée fixe, des règles strictes en matière de renvoi et des procédures de nomination qui supposent la participation d’intervenants multiples.

2) Financement : Le mécanisme de financement d’un organisme de réglementation peut avoir une incidence considérable sur son processus décisionnel. Il faut mettre en place un cadre juridique, afin d’établir des mécanismes de financement clairs qui protègent l’intégrité du processus décisionnel et l’autonomie de l’organisme de réglementation indépendant. Les processus de financement devraient exclure les secteurs du gouvernement qui ont des intérêts à l’égard de la promotion de l’industrie touchée, et devraient signaler les besoins financiers légitimes de l’organisme de réglementation à l’attention des décideurs politiques des niveaux les plus élevés. Bien que l’on ait reconnu qu’un financement direct ne devrait provenir d’amendes perçues des titulaires de permis6, certains experts recommandent l’établissement d’une source de financement stable extérieure au gouvernement (p. ex. par le biais de droits de permis), afin de renforcer l’autonomie de l’organisme de réglementation.7 D’autres affirment que des mécanismes de financement qui reposent sur le versement de droits de permis à l’organisme de réglementation entraînent des problèmes, puisque la capacité de l’organisme de réglementation à recruter des employés qualifiés et à les maintenir en fonction peut être compromise, compte tenu de la nature incertaine du financement. Cependant, tous les experts conviennent que les organismes de réglementation indépendants devraient jouir d’un degré élevé d’autonomie sur le plan de l’affectation du financement.

3) Imputabilité : Le degré élevé d’autonomie accordé à l’organisme de réglementation indépendant doit être compensé par la manière dont ce dernier est tenu de rendre des comptes – au gouvernement, à l’industrie et au grand public. Il est recommandé qu’un mécanisme de rapport direct soit établi entre les organismes de réglementation et les échelons supérieurs du gouvernement, du Parlement ou des autorités en matière de sûreté, et que des mécanismes de vérification appropriés soient mis en place. Des lignes directrices et des mécanismes stricts de transparence et de traçabilité sont aussi essentiels. La transparence du processus décisionnel devrait également s’appliquer aux relations avec les parties intéressées; à cet égard, les décisions de l’organisme de réglementation indépendant devraient être documentées et diffusées au public, accompagnées de justifications précises quant aux facteurs qui sous-tendent les décisions. Des mécanismes efficaces d’examen ou d’appel relatifs aux décisions de l’organisme de réglementation indépendant doivent être mis en place.

4) Relations avec les parties intéressées : Bien que l’organisme de réglementation doive conserver son indépendance et son objectivité, tous les efforts possibles doivent être mis en oeuvre pour favoriser la collaboration de l’exploitant et le respect des règles par ce dernier. La prévisibilité et la cohérence du processus décisionnel constituent des facteurs très importants pour l’exploitant, et la loi devrait préciser clairement les objectifs en ce qui concerne les titulaires de permis. De plus, il faut assurer un équilibre dans la relation entre l’organisme de réglementation et l’exploitant, de manière à préserver l’indépendance du premier et la confiance et la transparence du second. La procédure en trois étapes suivantes a été recommandée dans le cadre d’un exposé traitant de l’indépendance en matière de réglementation : (1) l’organisme de réglementation définit des règles de sécurité claires, précises et détaillées; (2) l’exploitant élabore ses propres solutions et (3) l’organisme de réglementation vérifie et approuve les solutions de l’exploitant8.

Afin de favoriser la crédibilité et la stabilité dans leurs secteurs, et de veiller à ce que les détenteurs d’intérêts touchés aient voix au chapitre dans la prise de décisions, les organismes de réglementation doivent également offrir des possibilités axées sur un dialogue ouvert avec les parties intéressées du public. Des mécanismes appropriés doivent être établis à des fins de consultation et de dialogue professionnels externes avec les titulaires de permis, les experts indépendants et le grand public.

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Gouvernance réglementaire efficace

Les perspectives et les critères de « réussite » des organismes de réglementation indépendants varient inévitablement d’une industrie à l’autre et d’un pays à l’autre. Chaque secteur et chaque pays possède sa propre histoire et ses propres pressions, et l’industrie et la réglementation ont évolué en conséquence. L’indépendance des organismes de réglementation est reconnue, dans la documentation, comme la « pierre angulaire de la bonne gouvernance en matière de réglementation ».9 De plus, l’étude soulignait l’importance de préserver l’intégrité de cette indépendance par le biais des grands principes de la bonne gouvernance mentionnés au début du document, c’est-à-dire les principes de légitimité et de voix, d’orientation, de rendement, de reddition de comptes et d’équité.

  1. Légitimité et voix : Les organismes de réglementation doivent être perçus comme ayant acquis leur pouvoir légitimement; en outre, il faut accorder voix au chapitre aux parties intéressées dont les intérêts sont touchés par leurs décisions.
  2. Orientation : La réglementation ne se produit pas en vase clos, et les organismes de réglementation doivent adopter une perspective globale et à long terme de l’industrie qu’ils réglementent, y compris les complexités sociales afférentes et les exigences du public qu’ils desservent.
  3. Rendement : Les organismes de réglementation doivent être réceptifs aux intérêts des citoyens et des parties intéressées. Il faut promouvoir l’efficacité et l’efficience, de manière à ce que les processus et les institutions produisent des résultats qui répondent aux besoins, tout en utilisant les ressources le plus efficacement possible.
  4. Imputabilité : Les organismes de réglementation indépendants doivent être tenus de rendre des comptes aux parties intéressées dont ils servent les intérêts, y compris les gouvernements, l’industrie et le grand public. L’imputabilité n’est efficace que lorsque l’exécution des responsabilités réglementaires est fondée sur un processus transparent et ouvert.
  5. Équité : Les exigences juridiques doivent être équitables et appliquées d’une manière impartiale.

 

En appliquant ces principes de bonne gouvernance, les organismes de réglementation indépendants peuvent atteindre l’indépendance, non seulement sur le plan juridique, mais également sur les plans de la pratique et de la perception.

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Partie II – Dispositions de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires relatives à l’indépendance en matière de réglementation et à la bonne gouvernance

Comme nous l’avons mentionné précédemment, les organismes de réglementation indépendants assument une position et un rôle distincts au sein de la société. Ces organismes, créés par le gouvernement à des fins d’intérêt public, et qui jouissent néanmoins d’un degré élevé d’indépendance par rapport à ce dernier lorsqu’il s’agit de la prise de décisions en matière de réglementation, font face à des obstacles particuliers dans le cadre de l’exercice de leur indépendance relative à la réglementation et du respect des principes de la bonne gouvernance.

Il est à noter, à cette étape de notre étude, qu’il existe de nombreuses formes d’indépendance par rapport au gouvernement, de celle des ministères axiaux, notamment le ministère des Ressources naturelles, à celle des organisations complètement indépendantes du gouvernement en place, notamment les « mandataires du Parlement ». Ces organisations, également appelées « agents du Parlement », sont établies afin d’exécuter les fonctions du Parlement (c’est-à-dire les fonctions attribuées en vertu d’une loi) et sont directement imputables à ce dernier. En général, ces « agents du Parlement », notamment le vérificateur général et le directeur général des élections, sont nommés par le Parlement et jouent souvent un rôle axé sur la surveillance des activités gouvernementales.

En revanche, la CCSN rend des comptes au Parlement par l’intermédiaire d’un ministre, et la nomination du président et premier dirigeant relève de la compétence du gouverneur en conseil. À ce titre, bien que la CCSN soit très indépendante du gouvernement dans l’exercice de son rôle en matière de réglementation, elle l’est un peu moins que les mandataires du Parlement. Cependant, cette indépendance réduite est appropriée, compte tenu du fait que le mandat de la CCSN est axé sur la réglementation, et que la fonction de réglementation relève du gouvernement, et non pas du Parlement.

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN) constitue le principal instrument juridique établi par le Parlement pour veiller à ce qu’un équilibre soit établi entre le besoin d’indépendance et le besoin d’imputabilité au sein de la CCSN. La LSRN appuie tous les principes de la bonne gouvernance. Elle aborde les rôles, les responsabilités, les pouvoirs et l’imputabilité de la Commission, de même que ceux des inspecteurs et des fonctionnaires désignés par celle-ci. Outre les pouvoirs réservés au gouverneur en conseil ou au ministre et examinés ci-dessous, la LSRN attribue des pouvoirs exclusivement à la Commission10. Compte tenu des pouvoirs importants conférés à la Commission, l’indépendance de cette dernière et sa capacité de demeurer impartiale constituent des facteurs cruciaux de la réussite des activités de la CCSN et de son objectif primordial, c’est-à-dire celui de servir l’intérêt public.

En outre, il est à noter que lorsque la loi habilitante ne prévoit pas expressément l’indépendance en matière de réglementation, les organismes de réglementation doivent s’appuyer sur les principes du droit administratif.

Orientation stratégique

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires (LSRN) établit la Commission canadienne de sûreté nucléaire, à titre d’agent du gouvernement du Canada. En vertu de la LSRN, le mandat de la CCSN touche quatre domaines principaux :

  • Réglementation du développement, de la production et de l’utilisation de l'énergie nucléaire au Canada;
  • Réglementation de la production, de la possession et de l’utilisation des substances nucléaires, de l'équipement réglementé et des renseignements réglementés;
     
  • Mise en oeuvre de mesures pour le contrôle international de l'utilisation de l'énergie et des substances nucléaires, y compris des mesures relatives à la non-prolifération des armes nucléaires;
     
  • Diffusion d’information - sur les plans scientifique ou technique ou en ce qui concerne la réglementation du domaine de l'énergie nucléaire - pour les activités de la CCSN.

Ce mandat fournit à la CCSN l’orientation exigée par la bonne gouvernance. Cela dit, le gouvernement peut émettre, à l’intention de la Commission, des directives d’application générale touchant des questions d’orientation globales (LSRN, article 19), qui peuvent restreindre et modifier la portée des activités de la CCSN.

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Légitimité et voix

La LSRN aborde cette question de plusieurs points de vue. Par exemple, bien que les membres de la Commission ne doivent pas nécessairement posséder une expérience ou des connaissances spécifiques en matière d’énergie nucléaire lorsqu’ils se joignent à la Commission, ce sont des citoyens renseignés qui sont en mesure de comprendre la nature et l’incidence des installations nucléaires et de poser des questions à ce sujet aux requérants et aux employés de la CCSN. De plus, ils jouissent d’une certaine crédibilité, puisque ce sont des spécialistes reconnus dans leurs domaines de compétence, notamment les secteurs des sciences, de la géologie, du génie, de la santé ou des entreprises (mais non pas nucléaires). En outre, la LSRN stipule que les membres de la Commission ne doivent pas exercer une activité, être titulaires d’un intérêt dans une entreprise ou accepter une charge ou un emploi incompatibles avec leurs fonctions (paragraphe 11(1)). En ce qui concerne la voix, la Commission doit tenir des audiences publiques sur toutes les questions touchant la délivrance de permis (paragraphe 40(5)), en veillant à ce que les parties intéressées aient la possibilité d’être entendus par la Commission.

Rendement

La LSRN comporte un certain nombre d’articles qui touchent et favorisent le rendement efficace et l’indépendance dans le cadre des opérations et de la prise de décisions de la CCSN. Premièrement, la Commission peut prendre des règlements administratifs sur la conduite de ses affaires, la poursuite de sa mission et l’exercice des attributions que la loi lui confère (article 15).

Deuxièmement, la Commission peut, à titre de cour d’archives, décerner une sommation à une personne et l’interroger, examiner des documents et exécuter ordonnances, entre autres (article 20). De plus, le président peut établir une formation de la Commission, composée d’un ou de plusieurs membres. Ce type de formation peut exercer ou exécuter l’un ou l’ensemble des pouvoirs, responsabilités et fonctions de la Commission, sauf prendre des règlements ou des règlements administratifs ou réviser une décision ou une ordonnance de la Commission (article 22).

Troisièmement, la Commission peut nommer et engager les membres de son personnel (dotés de l’expertise nécessaire) et, sous réserve de l’autorisation du Conseil du Trésor, établir leurs conditions d’emploi (article 16).

Imputabilité

L’établissement d’un équilibre entre le besoin d’imputabilité et la nécessité d’assurer l’indépendance constitue une entreprise complexe. La LSRN comporte un certain nombre de dispositions qui visent à maintenir l’indépendance de la CCSN dans le cadre de l’établissement de règlements, tout en veillant à l’imputabilité de la CCSN à l’égard du Parlement et, par l’intermédiaire de ce dernier, à l’égard des Canadiens.

Tout d’abord, un certain nombre de mécanismes sont établis dans la LSRN afin d’assurer l’imputabilité et la transparence dans le cadre des activités de la CCSN. Par exemple, les décisions de la Commission doivent être fondées sur les témoignages présentés aux audiences, bien que les règles juridiques en matière de preuve ne s’appliquent pas et que les membres de la Commission puissent également « prendre acte » d’autres renseignements pertinents à leur processus décisionnel. Les décisions de la Commission peuvent faire l’objet d’une révision judiciaire des tribunaux fédéraux. De plus, bien que la Commission puisse désigner les inspecteurs et les fonctionnaires désignés investis de pouvoirs délégués spécifiques (articles 29 et 37, respectivement), les ordres donnés par les inspecteurs et les fonctionnaires désignés sont assujettis à une révision de la Commission, et celle-ci peut modifier, remplacer ou révoquer ces ordres.

Bien que les mesures d’imputabilité et de transparence énumérées ci-dessus soient prises indépendamment du gouvernement, celui-ci conserve certains pouvoirs généraux qui lui permettent d’influer sur les activités de la CCSN, des pouvoirs essentiels pour assurer la transparence et l’imputabilité. La LSRN exige que la CCSN respecte les politiques, les directives et les exigences en matière de rapports du Conseil du Trésor, y compris la Loi sur la gestion des finances publiques (article 67). De plus, le gouvernement en conseil possède, en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, les pouvoirs nécessaires pour approuver les règlements pris par la Commission (article 44, paragraphe 1) et pour nommer, à titre inamovible, les membres permanents et les membres temporaires de la Commission, y compris le président, et leur retirer leurs fonctions de façon motivée (article 10).

En outre, la LSRN exige que le président présente au ministre les rapports exigés par ce dernier en ce qui concerne l’administration et la gestion générales des affaires de la CCSN (paragraphe 12(4)), que la Commission présente au ministre, dans les quatre mois de chaque exercice, un rapport sur les activités de la Commission de l’année qui relèvent de la LSRN, et que le ministre présente ce rapport au Parlement (article 72).

Équité

Enfin, la LSRN traite du principe de l’équité en matière de gouvernance. Par exemple, les projets de règlements doivent être publiés dans la Gazette du Canada. La publication des projets de règlements dans la Gazette permet à l’ensemble des parties intéressées de formuler des commentaires sur ceux‑ci. De plus, la Loi sur les textes réglementaires exige que le résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR), qui accompagne tous les projets de règlements et les versions finales de règlements publiés dans la Gazette, soit fourni aux personnes qui souhaitent faire valoir des observations à la Commission en ce qui concerne les règlements (article 44). La Loi comporte également certaines dispositions qui permettent de veiller à ce que les titulaires de permis soient traités d’une manière équitable et impartiale.

Même si la LSRN est la loi habilitante de la CCSN, celle-ci est également assujettie à d’autres lois et règlements qui comportent un élément d’intérêt public. Il s’agit de textes législatifs qui traitent de la question de l’équité à l’égard de l’ensemble des Canadiens, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l’accès à l’information.

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Partie III – Pratiques exemplaires et obstacles dans le cadre des relations internes de la CCSN et des relations entre celle-ci et les parties intéressées

Bien que la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires fournisse un cadre juridique solide relatif à l’indépendance en matière de réglementation et à la bonne gouvernance, il importe également d’examiner la manière dont la CCSN fonctionne à l’intérieur de ce cadre pour élaborer et mettre en oeuvre des politiques et des pratiques qui illustrent son indépendance. Nous abordons maintenant la question de la pratique et de la perception.

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires définit clairement la CCSN à titre d’organisme de réglementation indépendant. Toutefois, que signifie ce statut, en pratique? L’indépendance n’équivaut pas à l’isolement. De fait, la bonne gouvernance exige que les parties intéressées aient voix au chapitre. Pour être efficace, un organisme de réglementation doit donc collaborer avec les parties intéressées, des points de vue du partage de l’information et de consultations concernant les nouveaux règlements. En outre, il doit le faire d’une manière qui interdit l’abus d’influence de la part des parties intéressées, en veillant à ce que les décisions de la CCSN, qu’elles émanent de responsables désignés ou de la Commission, soient impartiales. La relation entre un organisme de réglementation indépendant et les parties intéressées est de nature très complexe et exige un équilibre entre la nécessité d’offrir aux parties intéressées la possibilité d’exprimer leur point de vue et le besoin de maintenir l’indépendance dans le cadre du processus décisionnel et de respecter les principes de la bonne gouvernance axés sur l’équité, la transparence et l’imputabilité.

Parties intéressées liées à la CCSN

Les parties intéressées liées à la Commission canadienne de sûreté nucléaire se divisent en trois catégories principales : (1) le gouvernement; (2) les titulaires de permis et (3) les intervenants. Chacune de ces catégories comporte un certain nombre de sous-groupes, dont chacun présente ses propres caractéristiques qui contribuent à sa relation particulière avec la CCSN. Il faut connaître les parties intéressées liées à la CCSN, y compris les caractéristiques communes ou distinctes de chacun des groupes, afin de veiller à ce que toutes les parties soient traitées d’une manière équitable, à ce qu’elles aient la possibilité d’être entendues, et à ce que des mécanismes appropriés soient mis en place afin d’assurer l’imputabilité, la transparence et l’indépendance. L’annexe A comporte un diagramme qui illustre les parties intéressées.

La CCSN et le gouvernement

Le niveau de collaboration de la CCSN avec les parties intéressées du gouvernement varie largement, de communications relativement fréquentes avec Ressources naturelles Canada (RNCan) à une collaboration très restreinte avec de nombreux ministères axiaux et gouvernements provinciaux.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire rend compte au Parlement par l’intermédiaire du ministre des Ressources naturelles. Ni le ministre ni le gouverneur en conseil n’interviennent dans la prise de décisions ou dans le pouvoir d’interjeter appel de la CCSN. Les pouvoirs décisionnels relatifs à la réglementation nucléaire au Canada relèvent uniquement de la Commission. Toutefois, le ministre est responsable de la signature des rapports destinés au Parlement, de l’approbation des recommandations présentées au gouvernement en ce qui concerne les règlements établis en vertu de la LSRN et de la signature des présentations au Conseil du Trésor. De plus, le ministre répond aux questions relatives aux activités de la CCSN à la Chambre des communes. Ces attributions établissent une mince démarcation que le ministre doit respecter : il ne doit pas intervenir dans les activités de la CCSN, et néanmoins être en mesure de répondre aux questions soulevées au Parlement.

Ressources naturelles Canada (RNCan) est responsable de la coordination de certaines questions pour le compte du portefeuille du ministère. Cependant, bien que la CCSN puisse contribuer à des initiatives générales du portefeuille, elle ne rend pas de comptes au ministère des Ressources naturelles. Celui-ci doit plutôt respecter le rôle de la CCSN à titre d’organisme de réglementation indépendant, de même que sa relation distincte avec le ministre. À ce titre, la CCSN doit favoriser et entretenir une relation saine avec RNCan, tout en maintenant son indépendance. De plus, il importe de reconnaître que RNCan possède sa propre expertise interne et que ses domaines de responsabilité touchent la régulation économique de l’industrie nucléaire (y compris la Loi sur la responsabilité nucléaire et la Loi sur les déchets de combustible nucléaire).

La CCSN est assujettie à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) et est inscrite aux annexes II et V de la LGFP. Le rapport hiérarchique entre la CCSN et le Conseil du Trésor (CT) touche tous les domaines de gestion qui relèvent du mandat du CT, sauf celui de la gestion des ressources humaines, puisque la CCSN constitue un employeur distinct en vertu de la Loi. La CCSN est donc assujettie à l’ensemble des politiques et des règlements du CT dans les secteurs des finances, de l’administration, de l’octroi de contrats de service, des biens immobiliers, de la gestion de l’information (GI) et de la TI et des services communs. Le pouvoir de la CCSN en matière d’achats de produits est délégué par le ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, qui établit également les politiques dans le secteur des biens immobiliers. La CCSN est visée par des politiques gouvernementales dans d’autres domaines, notamment ceux de la gestion des documents (Archives nationales) et des traités internationaux (MAECI); en outre, elle reçoit des services juridiques de Justice Canada.

Le budget principal des dépenses annuel de la CCSN est assujetti à l’approbation du CT, avant d’être déposé devant le Parlement par le président du Conseil du Trésor.

En ce qui concerne la gestion des ressources humaines, la CCSN constitue un employeur distinct en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. À ce titre, elle est donc exemptée de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, et établit ses propres conditions et politiques en matière d’emploi. Elle est toutefois assujettie à certaines dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

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La CCSN exerce également des responsabilités qui lui sont attribuées en vertu d’autres lois fédérales. En particulier, elle est responsable de la mise en oeuvre des évaluations environnementales liées aux projets nucléaires, conformément aux exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE). Les employés de la CCSN peuvent, le cas échéant, consulter l’Agence canadienne d’évaluation environnementale dans le cadre de l’exécution des obligations de la Commission aux termes de la LCEE. Le tribunal de la Commission doit déterminer qu’un projet n’aura pas d’effets néfastes sur l’environnement, avant de délivrer un permis.

La relation de la CCSN avec d’autres ministères axiaux et organismes du gouvernement fédéral, y compris Environnement Canada, Santé Canada, Transports Canada, Ressources humaines et Développement social Canada et le Conseil national de recherches du Canada, sont quelque peu restreintes et sont plutôt axées sur les questions de réglementation d’intérêt commun. En vertu de la politique de réglementation du gouvernement du Canada, la CCSN doit collaborer avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux. Toutefois, la collaboration ne dégage pas les parties de leurs responsabilités.

Enfin, la CCSN collabore avec les gouvernements provinciaux, en particulier ceux du Québec, de l’Ontario, de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick, où se trouvent des installations nucléaires importantes. Bien que les règlements nucléaires relèvent exclusivement du gouvernement fédéral, les provinces exercent une compétence dans des domaines comme la planification des interventions d’urgence hors site, les procédures d’évacuation et la protection de l’environnement, et des questions touchant la possibilité d’un chevauchement de ces domaines de responsabilité se présentent de temps à autre. Il est donc primordial que la CCSN établisse de bonnes relations de collaboration avec les organismes de réglementation provinciaux, y compris des lignes directrices précises quant à la répartition des responsabilités, de même que des voies de communication efficaces avec les gouvernements provinciaux, afin de s’assurer d’une perspective commune des rôles et des responsabilités.

La CCSN et les titulaires de permis

Les titulaires de permis englobent, notamment, les centrales électriques, les hôpitaux, les centres anticancéreux, les sociétés d’État, ainsi que les ministères et organismes fédéraux, provinciaux et municipaux. La CCSN entretient avec ces derniers une relation structurée, selon laquelle elle est désignée à titre d’organisme de réglementation et les titulaires de permis n’ont d’autre choix que d’obtenir un permis et de se conformer aux règlements.

Les titulaires de permis varient largement. Par exemple, il s’agit, dans certains cas, d’organisme à but lucratif (p. ex. Ontario Power Generation), et, dans d’autres, d’organismes sans but lucratif (par exemple, des hôpitaux). En général, les gros titulaires de permis n’éprouvent pas de difficultés liées aux capacités, bien que le degré ou l’étendue de leur participation à des activités nucléaires puisse varier. Certaines relations sont considérées comme étant plus sensibles sur le plan politique, notamment celles qui touchent des sociétés d’État ou d’autres ministères fédéraux. Tous les ministères et organismes fédéraux et provinciaux, y compris leurs sociétés d’État, sont assujettis à la LSRN, et la CCSN réglemente ces sociétés d’État de la même manière que les autres titulaires de permis. Néanmoins, la CCSN doit se montrer particulièrement vigilante dans ses relations avec les sociétés d’État, notamment Énergie atomique du Canada limitée (EACL), dont le mandat comporte l’exploitation ou l’utilisation de l’énergie nucléaire ou de substances nucléaires, car les rôles distincts d’organisme de réglementation et d’organisme réglementé mènent souvent à une divergence de points de vue. Bien que la CCSN relève du Parlement, la Commission et EACL sont des fonctionnaires du gouvernement fédéral et communiquent avec ce dernier par l’intermédiaire du ministre des Ressources naturelles.

Une autre question susceptible de se révéler délicate pour la CCSN a trait au rôle que jouent les droits de permis en ce qui concerne le financement de l’organisme. Les droits de permis perçus de l’industrie assurent environ 65 % du financement de la CCSN. Toutefois, les titulaires de permis, les organismes non gouvernementaux (ONG) et le grand public ne comprennent pas nécessairement que les droits sont versés au Trésor (c.-à-d. au gouvernement), et qu’ils ne constituent pas une source de financement de la CCSN. Si le système de perception des droits n’est pas communiqué convenablement aux parties intéressées, cela pourrait entraîner une perception selon laquelle les titulaires de permis ont davantage voix au chapitre parce qu’ils financement la Commission, c’est-à-dire la perception d’une voix inéquitable, et donc des questions relatives à l’indépendance du système.

La Direction générale des opérations (DGO) de la CCSN assume la responsabilité principale des relations avec les titulaires de permis. Compte tenu de la tension inévitable entre l’objectif réglementaire axé sur la santé et la sûreté de la CCSN et la volonté des titulaires de permis d’atteindre des objectifs économiques, la relation entre la Commission, les employés et les titulaires de permis doit être gérée avec circonspection, afin d’assurer l’expression des points de vue, le rendement, la transparence et l’équité. Le personnel de la DGO donne suite aux décisions de la Commission, tel que défini dans la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

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Les employés de la Direction générale des opérations évaluent les présentations provenant des titulaires de permis, font des recommandations à la Commission et veillent à la conformité, par le biais d’inspections et de l’application de processus et de procédures. Cependant, les décisions touchant les questions relatives à la délivrance de permis relèvent de la Commission. Celle-ci attribue un pouvoir décisionnaire aux cadres supérieurs de la DGO, en ce qui concerne les catégories de permis moins importantes. La CCSN entretient des relations à multiples facettes avec les titulaires de permis. Ces derniers doivent s’assurer du respect des conditions et des règlements liés aux permis. Cependant, la CCSN joue un rôle important en veillant à ce que les titulaires de permis comprennent toutes les exigences, grâce à la production de documents de réglementation et à une interaction régulière en vue de promouvoir la conformité.

La CCSN et les intervenants

Les intervenants constituent un groupe hétérogène de personnes et de groupes qui ont un intérêt à l’égard de l’industrie nucléaire et de son incidence. Ces personnes et ces groupes peuvent être favorables ou défavorables à l’énergie nucléaire.

Les membres du public qui interviennent dans le cadre des audiences disposent généralement de ressources limitées pour se préparer en vue des audiences, et peuvent ou non être directement touchés par les décisions de la Commission. Ces facteurs nuisent souvent considérablement à leur capacité d’intervenir efficacement dans le cadre des audiences relatives à la délivrance de permis tenues par la Commission.

Les groupes d’intérêts publics qui entretiennent des relations avec la CCSN varient largement. Il y a, d’une part, les grands organismes sans but lucratif officiellement constitués en sociétés (notamment, Greenpeace ou le Sierra Club), compétents, bien nantis en ressources, bien organisés et familiarisés avec les pratiques médiatiques. Ces organismes sont généralement axés sur l’énergie nucléaire à l’échelle provinciale, nationale et internationale. D’autre part, à l’autre extrémité, se trouvent les petits groupes communautaires ou sans but lucratif locaux ou régionaux, dont l’objectif est généralement plus restreint ou spécifique à une installation autorisée particulière. Il s’agit en général de groupes antinucléaires, dotés de ressources financières et humaines restreintes, et qui reflètent un engagement personnel à l’égard de la question. Ils sont ou non bien renseignés sur la question et sur le processus d’audience, et ils peuvent faire valoir des enjeux qui ne relèvent pas du mandat de la CCSN.

Les groupes autochtones apportent à la CCSN des antécédents particuliers sur le plan de leur relation avec le gouvernement fédéral, de même qu’un point de vue culturel, environnemental, économique et social différent en ce qui concerne les questions nucléaires. La collaboration avec les communautés autochtones et leurs représentants politiques exige une solide connaissance et un respect de l’histoire et de la culture des communautés touchées, ainsi que de leur relation antérieure et actuelle avec le gouvernement fédéral. Afin d’obtenir efficacement la collaboration des communautés autochtones, il faut consacrer suffisamment de temps et de ressources pour prendre en compte leur processus décisionnel axé sur le consensus et leur approche plus globale à l’égard des enjeux.

Lorsque l’on collabore avec les Autochtones, il faut également avoir une idée précise des facteurs juridiques en jeu. Par exemple, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît les « droits issus de traits des peuples autochtones »; en outre, la Cour suprême a établi, dans de nombreux jugements mettant en cause les Premières nations, les Inuits et les Métis, des principes relatifs à la manière dont ces droits pourraient être touchés. De plus, les décisions de la Cour suprême du Canada illustrent une approche critique à l’égard de l’établissement de principes et de lignes directrices visant à définir la relation entre les gouvernements et les Autochtones. L’Agence canadienne d’évaluation environnementale possède une vaste expérience de la collaboration avec les Autochtones, et pourrait se révéler une ressource utile pour la CCSN.

On compte également quelques groupes d’intérêts canadiens favorables à l’énergie nucléaire. Ces groupes, qui représentent l’industrie et la main-d’œuvre, possèdent davantage de ressources et de connaissances en ce qui concerne la technologie et les questions nucléaires et jouent un rôle solide sur le plan de la défense d’intérêts. Leur intérêt à l’égard de l’industrie nucléaire comporte souvent un aspect économique appréciable. Ces groupes sont également directement touchés par les décisions de la CCSN.

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La CCSN et la communauté internationale

Enfin, la CCSN intervient sur la scène internationale. Elle contribue activement aux programmes et aux activités de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Elle collabore également avec d’autres organismes importants de réglementation nucléaire au sein de l’International Nuclear Regulators Association (INRA). En outre, la CCSN collabore étroitement avec un certain nombre de pays avec lesquels le Canada a conclu des accords bilatéraux en vue de contrôler l’utilisation de la technologie nucléaire. Compte tenu du fait que les incidents nucléaires qui surviennent dans un pays, notamment ceux de Three Mile Island et de Tchernobyl, peuvent avoir des répercussions importantes à l’échelle internationale, les pays étrangers ont un intérêt à l’égard des activités de la CCSN relatives à la gestion des risques. Ces parties intéressées internationales constituent également une source valable de renseignements pour la CCSN, en ce qui concerne les risques émergents et les pratiques exemplaires en matière de réglementation nucléaire. Toutefois, les décisions de ces parties intéressées relativement aux normes de réglementation ne sont pas juridiquement contraignantes pour le Canada. Il incombe à la CCSN de déterminer, en fin de compte, si les nouvelles mesures seront ou non intégrées aux règlements canadiens.

Il est également à noter que les organismes de réglementation nucléaire des pays étrangers peuvent être dotés de mandats, de structures et de processus de gouvernance connexes différents. Dans certains cas, le mandat des organismes comporte un appui implicite à l’égard de l’énergie nucléaire et de l’utilisation de la technologie nucléaire, et les intérêts économiques sont pris en compte. Ce type de mandat se distingue nettement du contexte canadien, selon lequel la responsabilité de la CCSN touche uniquement la réglementation de l’énergie nucléaire.

Relation de la Commission avec le personnel de la CCSN

La Commission est un tribunal quasi judiciaire, qui peut compter jusqu’à sept membres et qui a le pouvoir de prendre des décisions relatives à la délivrance de permis en fonction de son mandat. Les membres de la Commission, choisis à l’extérieur de l’industrie – ce qui est inhabituel pour un tribunal – proviennent de divers milieux. Il s’agit de personnes très instruites et compétentes dans divers domaines, qui représentent le grand public. La responsabilité de la nomination des commissaires relève du gouverneur en conseil. Bien qu’ils soient nommés par ce dernier, les commissaires sont indépendants du gouvernement sur le plan de leur processus décisionnel. Les décisions de la Commission doivent être fondées sur des données probantes, sur une expertise et sur une analyse rigoureusement scientifique.

Afin de préserver l’intégrité du rôle de la Commission à titre de décideur indépendant, les communications entre la Commission et le personnel de la CCSN s’effectuent par l’intermédiaire du Secrétariat. Ce dernier appuie directement la Commission en dehors du processus d’audiences publiques, y compris sur le plan de l’organisation des audiences, en recevant les présentations assorties de recommandations, en rédigeant les comptes rendus de procédures et en fournissant des séances d’information technique. Le Secrétariat joue le rôle d’interface entre la Commission et le personnel de la CCSN.

Ce dernier constitue le principal point de contact auprès de la plupart des parties intéressées. La CCSN administre et exécute le mandat de la CCSN, y compris la formation, la réglementation des titulaires de permis et la mise en œuvre des décisions de la Commission. Celle-ci s’appuie sur les connaissances et l’expertise du personnel; en outre, la capacité de ce dernier de fournir des renseignements scientifiques, techniques et réglementaires objectifs est essentielle au processus décisionnel de la Commission. Le personnel, à l’exception des employés du Secrétariat et du président et premier dirigeant, entretient une communication restreinte avec la Commission en dehors des audiences, et cette communication est gérée par le Secrétariat afin de veiller à ce que l’intégrité de la Commission, à titre de tribunal indépendant, ne soit pas compromise.

Pratiques exemplaires

La CCSN a pris de nombreuses mesures pour veiller à ce que l’indépendance en matière de réglementation ne soit pas uniquement fonction de la loi, mais à ce qu’elle soit également mise en pratique dans l’ensemble de l’organisme. C’est grâce à ces pratiques quotidiennes que l’indépendance en matière de réglementation est démontrée aux parties intéressées et que les perceptions touchant la CCSN et l’indépendance réglementaire sont élaborées. Les personnes interrogées dans le cadre de la présente étude ont défini diverses pratiques exemplaires qui protègent, favorisent et font valoir l’indépendance en matière de réglementation. Quelques-unes de ces pratiques sont mises en évidence ci-dessous.

Légitimité et voix

Pour que la CCSN soit efficace dans l’exercice de ses fonctions, elle doit être considérée comme légitime par les personnes qu’elle sert et par les intervenants qui ont un intérêt à l’égard de ses activités. La protection de la légitimité de la CCSN, qui est étroitement liée à la protection de son indépendance, est donc essentielle à sa réussite. Diverses pratiques exemplaires ont été élaborées au sein de la CCSN, afin de veiller à ce que la légitimité (et la légitimité perçue) de la CCSN soit maintenue du point de vue de quatre secteurs clés : (1) l’indépendance par rapport aux intervenants et aux titulaires de permis; (2) l’indépendance par rapport au gouvernement; (3) la voix des parties intéressées et (4) la légitimité au sein de la Commission.

1) Indépendance par rapport aux intervenants et aux titulaires de permis : Afin de veiller à ce que les intervenants et les titulaires de permis n’exercent pas une influence indue sur le processus décisionnel de la Commission, la fonction de président et premier dirigeant fait l’objet d’une gestion stricte. Par exemple, lorsque l’on annonce la tenue d’audiences relatives à la délivrance d’un permis, le président refuse de rencontrer les titulaires de permis ou les intervenants, ou de recevoir leurs appels, jusqu’à ce qu’une décision concernant la demande de permis ait été rendue; les communications avec le titulaire de permis s’effectuent ensuite par l’entremise du premier vice-président de la DGO. Le président et premier dirigeant applique également des procédures précises en ce qui concerne les réunions et les appels téléphoniques, c’est-à-dire qu’il ne rencontre jamais les titulaires de permis ou les intervenants seul et qu’il prend des notes à verser au dossier en ce qui a trait à ce type de réunions. Lorsque des propos sont formulés dans un contexte informel, le président et premier dirigeant écrit par la suite à la personne concernée, afin de documenter les questions.

2) Indépendance par rapport au gouvernement : La protection de la légitimité et de l’indépendance n’est pas liée uniquement aux intervenants et aux titulaires de permis; il faut également maintenir l’indépendance par rapport au gouvernement. L’information destinée aux autres ministères au sujet de l’indépendance de la CCSN en matière de réglementation constitue donc une activité importante. Afin de prendre des mesures à l’égard de cette question, le chef du personnel communique rapidement avec les principaux ministres et les autres responsables nommés, afin de les aviser du rôle de la CCSN et de la nature de la relation appropriée avec cette dernière. La Direction générale des services de gestion de la CCSN joue également un rôle dans l’information destinée au Conseil du Trésor en ce qui concerne la nature de leur relation. La CCSN utilise le Manuel de l’imputabilité à l’intention des ministres pour informer ces derniers au sujet de leurs relations avec les organismes de réglementation indépendants.

3) Voix au chapitre pour les parties intéressées : La capacité des parties intéressées d’avoir voix au chapitre dans la prise de décisions de la CCSN est également essentielle à l’efficacité de l’organisme, et la CCSN fait face à des obstacles continus liés aux perceptions sur ce plan, en particulier la perception de certains intervenants selon laquelle l’industrie et le gouvernement jouissent d’une plus grande influence. Afin de veiller à ce que les intervenants puissent participer efficacement aux audiences, la CCSN a élaboré un certain nombre de mécanismes qui appuient la collaboration de ces derniers. Par exemple, la transcription de la première journée d’une audience publique d’une durée de deux jours est accessible sur le site Web de la CCSN peu après la fin de la journée initiale. Le deuxième jour de l’audience, le public peut intervenir aux délibérations, puisqu’il a été informé au sujet des discussions de la veille. Le processus de modification des exigences réglementaires comporte également un volet de consultations auprès des parties intéressées, et permet largement aux titulaires de permis et aux intervenants d’exprimer leurs points de vue.

D’autres mécanismes consultatifs sont accessibles aux parties intéressées autres que les titulaires de permis, notamment le nouveau Comité des affaires réglementaires composé d’organisations non gouvernementales, qui devrait permettre à la CCSN d’obtenir plus efficacement la contribution des ONG du secteur de l’environnement.

4) Structure interne de la Commission : Enfin, il existe des pratiques, au sein de la Commission, qui assurent la légitimité et la possibilité d’exprimer les points de vue, y compris des lignes directrices strictes qui permettent d’éviter les conflits d’intérêts. Par exemple, les commissaires doivent se désister de tout rôle susceptible d’être contraire à l’exercice de leurs fonctions, ou qui pourrait être perçu comme tel. De plus, les décisions sont prises par l’ensemble de la Commission, et le président vote uniquement en cas d’égalité des voix.

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Orientation stratégique

Bien que le mandat de la CCSN soit clairement défini dans la LSRN, la CCSN doit veiller à ce qu’il soit bien compris et mis en pratique. La Commission s’efforce donc de communiquer clairement son mandat par le biais de l’établissement des priorités, de l’élaboration de règlements et de l’exécution de ceux-ci selon le cadre défini.

Rendement

La CCSN possède diverses pratiques exemplaires à l’appui de son rendement à titre d’organisme de réglementation indépendant. Par exemple, le Comité exécutif, le président, les avocats et le Secrétariat de la CCSN discutent souvent de la signification de l’indépendance en matière de réglementation et des approches visant à assurer son application cohérente. De plus, la CCSN possède un point de contact unique destiné aux relations avec le gouvernement, afin de promouvoir la gestion efficace des communications : le bureau du chef du personnel s’occupe des communications avec le cabinet du ministre, le directeur exécutif des Communications et des affaires réglementaires de la CCSN traite la plupart des communications avec RNCan et le Bureau du Conseil privé (BCP), et les communications avec le Conseil du Trésor et les Finances relèvent de la Direction générale des services de gestion.

En tant qu’organisme de réglementation indépendant, la CCSN doit affecter ses ressources en fonction des risques. Le degré élevé de risque lié aux activités et aux décisions de la CCSN exige des normes de rendement très strictes. En l’absence de ressources, la CCSN consacre simplement plus de temps à l’exécution du travail lié à la délivrance de permis, etc.

Au sein de la CCSN, des programmes de formation et des activités sont mis en oeuvre afin de veiller à ce que tous les employés comprennent le rôle de la CCSN à titre d’organisme de réglementation indépendant, et à ce qu’ils offrent un rendement en conséquence. Par exemple, tous les nouveaux employés ont droit à une « séance d’accueil » avec le Comité de direction; le président souligne alors, à leur intention, le rôle et les responsabilités de la Commission et l’obligation d’un organisme de réglementation indépendant et objectif de maintenir la sûreté de l’industrie nucléaire. De plus, des mesures régulières sont axées sur la sensibilisation et sur le renforcement de la nécessité de maintenir l’indépendance en matière de réglementation parmi les employés de la DGO, particulièrement ceux qui entretiennent des relations avec les titulaires de permis et les intervenants.

Pour ce qui est d’informer le public au sujet du rôle et des responsabilités de la Commission, en tant qu’organisme de réglementation indépendant, le président déclare, au début de chaque audience, que la Commission est exempte de l’influence des gouvernements, de l’industrie et des groupes d’intérêts publics, et que les membres sont indépendants les uns des autres et du personnel de la CCSN.

Imputabilité

Comme nous l’avons souligné précédemment, le maintien de l’imputabilité constitue un élément clé de la LSRN. La CCSN met en pratique les principes de l’imputabilité et de la transparence dans le cadre de ses relations avec les parties intéressées, et ce, à l’aide d’un certain nombre de pratiques exemplaires. Par exemple, elle prend des mesures afin de documenter ses décisions, par le biais de « notes au dossier » et de motifs officiels de décisions. De plus, des pratiques courantes strictes s’appliquent aux ordres du jour et aux procès-verbaux de réunions. En outre, les employés sont embauchés par le biais d’un processus de sélection rigoureux qui prend en compte, notamment, les questions liées à la sécurité et aux conflits d’intérêts susceptibles d’influencer les décisions qui ont une incidence sur les titulaires de permis et les intervenants.

Équité

Enfin, la CCSN reconnaît l’importance de l’équité dans le cadre de ses pratiques, particulièrement en ce qui a trait à l’accès à la Commission et à la possibilité d’influencer ses décisions. Afin de concrétiser le principe de l’équité, la Commission collabore avec les intervenants selon un processus formel, et s’effectue par le biais de mémoires et d’audiences publiques. Les commissaires ne se rendent pas dans les usines à l’approche de l’échéance relative à leur permis, afin d’éviter l’apparence d’une influence. En outre, la CCSN met en oeuvre des initiatives de relations externes afin de renseigner les parties intéressées au sujet de la CCSN et des divers rôles du personnel et de la Commission pour qu’ils puissent participer plus efficacement au processus. Les décisions relatives aux permis ne sont pas abordées dans le cadre de ces réunions afin de veiller à ce qu’aucune influence déraisonnable ne soit exercée sur le processus décisionnel.

Des mécanismes ont été mis en place pour assurer le maintien d’une distance en matière de réglementation sur place; cependant, cet aspect constitue un défi permanent. Pour des raisons pratiques, la CCSN n’effectue pas une rotation régulière des effectifs. Cela dit, les employés affectés localement ne prennent pas les décisions en ce qui concerne la délivrance de permis et ne sont pas les seuls membres du personnel de la CCSN à participer à la formulation de recommandations à cet égard. De plus, on prend des mesures afin de veiller à ce qu’une distance sur le plan de la réglementation soit maintenue sur place et à ce que les inspecteurs de la CCSN ne soient pas perçus comme étant liés aux titulaires de permis. Néanmoins, la proximité géographique entre les inspecteurs et les titulaires de permis pourrait mener à des perceptions selon lesquelles les titulaires de permis sont plus influents qu’ils ne le sont, et donc que le système n’est pas équitable.

Des pratiques sont également mises en place pour veiller à ce que les employés de la CCSN n’influent pas indûment sur les décisions de la Commission. Par exemple, tous les renseignements communiqués à la Commission par le personnel de la CCSN sont filtrés par le Secrétariat, qui autorise tous les documents, de manière à s’assurer que l’information nécessaire est communiquée d’une manière neutre, et rend ces documents accessibles au public. Cette procédure permet à la Commission de prendre des décisions objectives et fondées sur des données factuelles, et limite les communications entre le personnel et la Commission, entre les audiences. Un autre exemple a trait à l’information destinée aux employés de la CCSN et à d’autres personnes au sujet des décisions de la Commission. Les employés des communications de la CCSN sont avisés d’avance qu’une décision sera rendue à une date donnée; cependant, ils ne sont pas informés de la nature de la décision. De même, le ministre de RNCan et le titulaire de permis sont avisés de la date prévue d’une décision, mais non pas de la nature de la décision. Les employés de la CCSN, le gouvernement et les titulaires de permis sont ainsi en mesure de se préparer à l’annonce des décisions, sans toutefois pouvoir influer sur le processus décisionnel ou sur l’équité du processus.

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La CCSN est consciente du fait que le rôle double de président et de premier dirigeant, en particulier du point de vue des connaissances et de l’influence acquises par le biais de la fonction de premier dirigeant du personnel de la Commission, pourrait donner une impression de manque d'équité du processus décisionnel de cette dernière. Un certain nombre de pratiques exemplaires ont donc été mises en oeuvre afin de prendre des mesures à cet égard. Comme nous le soulignions ci-dessus, lorsque les audiences relatives à la délivrance de permis sont annoncées, le président refuse de rencontrer ou de prendre les appels téléphoniques des titulaires de permis ou des intervenants jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à la demande de permis; les relations avec les titulaires de permis s’effectuent alors par l’entremise du premier vice-président de la DGO. De plus, le chef du personnel du président gère l’agenda et les activités du président et premier dirigeant; dans ce contexte, il entretient une communication continue avec le Secrétariat, afin de connaître les questions touchant les permis prévues au programme et leur lien avec le calendrier d’activités publiques, etc., et veille ainsi à ce que le processus d’audiences soit protégé et à ce que le processus décisionnel indépendant de la Commission ne soit pas compromis ou entravé.

En dernier lieu, la CCSN possède un certain nombre de documents qui orientent ses activités et qui permettent d’assurer l’équité. Les audiences publiques sur les questions relatives aux permis sont régies par les Règles de procédure de la CCSN. Les relations entre le personnel et les titulaires de permis et le public sont assujetties aux « lignes directrices en matière de conflits d’intérêts » de la CCSN.

En résumé, la CCSN a mis en place diverses pratiques exemplaires qui appuient les principes de la bonne gouvernance axés sur la légitimité et la voix, l’orientation stratégique, le rendement, l’imputabilité et l’équité, et qui lui permettent d’exécuter son mandat d’organisme de réglementation indépendant.

Problèmes et aspects à améliorer

Les entrevues menées auprès des employés de la CCSN ont permis de définir certains secteurs dans lesquels la Commission pourrait améliorer ses pratiques en ce qui a trait à son indépendance en matière de réglementation et à sa bonne gouvernance.

  1. Il existe de nombreuses pratiques efficaces relativement à l’indépendance en matière de réglementation; toutefois, la CCSN aurait intérêt à accroître ses politiques officielles.
  2. Dans le passé, un certain nombre de facteurs, notamment la taille réduite de l’industrie nucléaire, la réduction des attentes en matière de transparence, l’absence de programme d’orientation du personnel et le nombre réduit de pratiques uniformes dans le cadre de la collaboration avec les parties intéressées, ont porté à croire que l’indépendance en matière de réglementation était moins efficace. Bien que des progrès importants aient été réalisés sur ce plan au sein de la CCSN, on pourrait poursuivre les démarches afin de veiller à ce que tous les employés soient pleinement sensibilisés à l’indépendance de l’organisme en matière de réglementation et à ce qu’ils la mettent en pratique d’une manière cohérente.
  3. Dans le passé, la CCSN a mis davantage l’accent sur la communication avec les titulaires de permis qu’avec les ONG et le grand public, ce qui a pu créer, parmi les ONG, une perception selon laquelle la CCSN entretenait une relation trop étroite avec l’industrie. Afin de régler cette question, des initiatives ont récemment été mises en oeuvre de manière à collaborer plus efficacement avec les ONG.
  4. Les ONG et le grand public accusent des lacunes du point de vue de leur connaissance du rôle de la CCSN à titre d’organisme de réglementation indépendant et de son obligation de mener ses activités selon un mandat défini. De plus, le fait qu’une bonne partie des activités de la CCSN soit de nature très technique pose des problèmes de communication importants à la Commission, laquelle a de la difficulté à faire comprendre que son rôle consiste à servir les intérêts des Canadiens.
  5. Les programmes de relations externes, y compris les réunions avec les citoyens touchés et les conseils municipaux, ne sont pas exécutés d’une manière cohérente. Cette situation entraîne des problèmes du point de vue de la communication de messages cohérents.
  6. Il n’existe pas de politiques ni de lignes directrices officielles qui serviraient de guides au président et premier dirigeant et aux employés, en ce qui a trait à l’établissement d’un équilibre entre la double fonction de président et de premier dirigeant. Bien qu’il existe de nombreuses pratiques efficaces dans ce secteur, à l’heure actuelle, cet équilibre relève largement du jugement des cadres supérieurs, du président et premier dirigeant et du Secrétariat. Une documentation et des lignes directrices plus officielles seraient utiles.

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Partie IV – Conclusions et recommandations

Les résultats de l’analyse documentaire et des entrevues menées auprès d’employés clés de la CCSN renvoient à quelques-unes des principales caractéristiques qu’un organisme de réglementation indépendant doit posséder afin de maintenir son indépendance. Premièrement, une autorité indépendante doit être dotée d’un mandat fermement enchâssé dans la législation, qui établit ses attributions, ses objectifs, sa portée et ses pouvoirs. Deuxièmement, l’efficacité d’une autorité indépendante exige l’établissement d’une nette séparation entre l’organisme de réglementation et les intérêts gouvernementaux et industriels. Il est essentiel de préserver l’intégrité de l’organisme de réglementation à l’aide de lignes directrices et de mécanismes appropriés, afin de veiller à ce que l’autorité indépendante demeure à l’abri des influences externes injustifiées. Troisièmement, une autorité indépendante doit disposer de ressources suffisantes : les organismes de réglementation doivent bénéficier d’un financement adéquat et stable pour mener l’ensemble de leurs activités de réglementation en jouissant d’une grande autonomie sur le plan de la détermination de l’affectation du budget.

Pour atteindre l’indépendance requise, et faire en sorte qu’elle soit reconnue par les parties intéressées, la CCSN doit mettre en pratique les principes de la bonne gouvernance, y compris les principes liés à la légitimité et à la voix, à l’orientation stratégique, au rendement, à l’imputabilité et à l’équité. Compte tenu du degré élevé d’autonomie accordé à l’organisme de réglementation indépendant, il est crucial, du point de vue de la crédibilité de ce dernier, qu’un niveau élevé de confiance du public soit protégé et validé. L’imputabilité à l’égard du gouvernement, du Parlement et du grand public est fondamentale. Des lignes directrices et des mécanismes stricts en matière de transparence et de traçabilité doivent être mis en place. Les décisions doivent être communiquées au public, accompagnées de justifications précises quant aux raisons qui les sous-tendent; en outre, des mécanismes d’appel efficaces doivent être établis. Les organismes de réglementation doivent fournir des mécanismes appropriés de consultation et de dialogue professionnel externe avec les titulaires de permis et les experts indépendants, de même que des possibilités de communications bilatérales ouvertes, équitables et indépendantes avec le public.

La Commission canadienne de sûreté nucléaire a élaboré un ensemble solide de pratiques qui prennent appui sur le cadre juridique établi dans la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et s’inscrivent dans ce cadre, et qui illustrent les caractéristiques d’un organisme de réglementation indépendant, énoncées ci-dessus. En particulier, la CCSN :

  • veille à ce que les parties intéressées participent au processus décisionnel de la Commission, mais n’influent pas indûment sur ses décisions;
  • est dotée d’un mandat clair axé sur la réglementation nucléaire;
  • tient des audiences publiques ouvertes;
  • possède une Commission séparée du personnel et du gouvernement;
  • est un organisme qui rend des comptes au Parlement par l’entremise d’un ministre;
  • compte, à titre de membres, des citoyens renseignés qui sont des spécialistes reconnus dans leurs domaines d’activités;
  • est dotée d’un cadre juridique solide qui appuie les principes de la bonne gouvernance;
  • consigne officiellement ses décisions et les publie accompagnées de justifications et de renseignements pertinents;
  • reçoit un financement gouvernemental suffisant, assorti de mécanismes d’imputabilité appropriés.

Les employés de la CCSN interrogés ont défini un certain nombre de problèmes et d’aspects à améliorer en ce qui concerne l’exercice de l’indépendance en matière de réglementation à la CCSN. Bon nombre de ces problèmes sont liés à la cohérence des pratiques au sein de la CCSN, aux relations avec les parties intéressées, ainsi qu’à l’efficacité et au caractère équitable de la communication et de la collaboration avec ces dernières. Les recommandations suivantes visent à régler les principaux problèmes :

1) Documentation des pratiques exemplaires : Bien que les entrevues des employés clés de la CCSN aient révélé que celle‑ci possédait un bon répertoire de processus, de procédures et de pratiques exemplaires pour assurer la bonne gouvernance, l’indépendance en matière de réglementation et l’impartialité, elles ont aussi indiqué clairement que certains d’entre eux n’étaient pas documentés officiellement. Afin de veiller à l’utilisation continue de ces pratiques exemplaires et d’assurer une vision cohérente de la manière dont l’indépendance en matière de réglementation est interprétée et appliquée au sein de la CCSN, celle-ci devrait élaborer un ensemble plus officiel de politiques, de procédures et de pratiques.

2) Communications internes : Prenant appui sur la première recommandation, il faut prendre davantage de mesures afin de veiller à ce que tous les employés de la CCSN, et non pas uniquement les cadres supérieurs, aient une solide connaissance en ce qui concerne l’indépendance en matière de réglementation et la manière dont elle est mise en pratique. Le programme d’orientation de la CCSN à l’intention des nouveaux employés, mis en œuvre il y a trois ans, constitue une mesure constructive en ce sens et pourrait être utilisé d’une manière plus complète afin d’assurer une meilleure compréhension de la notion d’indépendance réglementaire. La CCSN pourrait également envisager d’autres approches à l’égard des communications internes afin d’assurer une communication et une vision cohérentes de l’indépendance au sein de la CCSN et dans le cadre des relations avec l’ensemble des parties intéressées.

3) Communication avec les parties intéressées : Malgré le cadre juridique solide et les nombreuses pratiques exemplaires définies au sein de la CCSN afin d’appuyer son indépendance, les résultats du processus d’entrevues semblent révéler que les ONG et le grand public ne comprennent pas bien le mandat de la CCSN, et que certains ont remis en question l’impartialité et l’indépendance de l’organisme. Afin de régler ces questions de perception, la CCSN pourrait envisager les mesures suivantes :

    • Mettre l’accent sur ces questions dans le contexte de ses messages et de ses produits, notamment son site Web public et ses publications;
    • Adopter une approche plus cohérente à l’égard de ses initiatives de relations externes afin de veiller à ce que des messages uniformes soient communiqués relativement à l’indépendance en matière de réglementation, et à ce que les particularités et les problèmes uniques présentés par chacune des parties intéressées dans le cadre des processus de la CCSN soient pris en compte.

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Annexe A – Parties intéressées liées à la CCSN

Médias Membres du public Groupes d’intérêts publics Autochtones Groupes d’intérêts du secteur nucléaire Personnel de la CCSN Secrétariat de la CCSN Commission Gouvernement fédéral Gouvernements et organismes provinciaux Organismes internationaux Titulaires de permis Autres parties intéressées Intervenants

Bibliographie

Organizations and Staffing of the Regulatory Body for Nuclear Facilities, chapitre 2, Collection des normes de sûreté de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), 2002

Some Thoughts on Concepts Fundamental to the Delivery of Nuclear Safety Regulation, International Nuclear Regulators Association (INRA)

Independence in Regulatory Decision-Making, A report by the International Nuclear Safety Advisory Group, Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)

Independence and Regulatory Effectiveness, par W. Renneberg, Effective Nuclear Regulatory Systems, conférence internationale, Moscou, 2006, AIEA

Management Systems for Regulatory Bodies, Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Normes de sûreté pour la protection des personnes et de l’environnement

Trends in the Management of Regulation: A Comparison of Energy Regulators in Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) Member Countries, par Carlos Ocana, IEA

Designing an Independent Regulatory Commission, par Sanford V. Berg, Ali Nawaz Memon et Rama Skelton, 2000

Financial Regulators Need Independence, Udaibir S. Das, Marc Quintyn et Michael W. Taylor, Finance & Development Magazine, Fonds monétaire international

Traits of an Independent Communications Regulator: A Search for Indicators, par Irene Wu, Commission fédérale des communications, 2005

Independent Regulatory Authorities in Europe, par Anders Larsen, Eval Moll Sorensen et Ole Jess Olsen

 


(1) Dans la présente étude, « Commission » et « personnel de la CCSN » (le « personnel ») sont utilisés pour établir la distinction entre le tribunal de sept membres et les professionnels et les autres employés embauchés pour appuyer le tribunal, respectivement. Le terme « CCSN » désigne généralement la Commission canadienne de sûreté nucléaire à titre d’organisation.

(2) IOG précis de politique no 15 : Principes pour une bonne gouvernance au XXIe siècle, par John Graham, Bruce Amos et Tim Plumptre.


(3) Independence in Regulatory Decision Making INSAG-17, Agence internationale de l'énergie atomique, p.1.

(4) Some Thoughts on Concepts Fundamental to the Delivery of Nuclear Safety Regulation, INRA, p. 4.

(5) Independent Regulatory Authorities in Europe, par Anders Larsen, Eval Moll Sorensen et Ole Jess Olsen, p. 10.

(6) Independence in Regulatory Decision Making INSAG-17, AIEA, p. 7.

(7) Independent Regulatory Authorities in Europe, par Anders Larsen, Eval Moll Sorensen et Ole Jess Olsen, p. 10.

(8) Independence and Regulatory Effectiveness, Effective Nuclear Regulatory Systems Conference, par W. Renneberg, p. 47.


(9) Financial Regulators Need Independence, Finance and Development Magazine, décembre 2002, Vol. 39 No 4.

(10) Consultez, par exemple, les articles 15 (règlements administratifs), 16 (pouvoirs relatifs à l’embauche de personnel), 17 (pouvoir d’attribuer des contrats), 20 (pouvoirs à titre de cour d’archives), 21 (pouvoirs d’exécution du mandat), 24 et 25 (pouvoir de délivrer des permis), 28 (pouvoir de désignation des analystes), 28 (pouvoirs relatifs à la désignation des inspecteurs), 37 (pouvoirs relatifs à la désignation des fonctionnaires), 44 (pouvoir d’établir des règlements), etc.