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Ordonnance CRTC 2001-133
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Ottawa, le 12 février 2001 |
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Demande d’ordonnance en vertu des articles 27(2) et 28 de la Loi sur
les télécommunications concernant l'accès à des transpondeurs du
satellite Anik F1
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Référence :
8622-S28-01/00 |
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Le Conseil rend une ordonnance interdisant à
Télésat de procéder à la récupération proposée des transpondeurs nationaux de
la bande Ku du satellite Anik F1 autrement qu’aux fins de la distribution par
satellite des services en place de parties avec lesquelles Télésat a signé
les contrats en vigueur. |
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Historique
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1. |
Le Conseil a reçu une demande datée du
29 novembre 2000 de Les Communications par satellite canadien inc. et ses
deux filiales, Star Choice Television Network Incorporated et Direct Choice
T.V. Inc. (Star Choice). Les requérantes lui ont demandé de rendre : |
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[ traduction]…une ordonnance en vertu des articles 27(2) et 28 de la
Loi sur les télécommunications interdisant à Télésat Canada de priver
Star Choice de l’accès aux transpondeurs nationaux de la bande Ku du
satellite Anik F1 que Télésat Canada a déjà accepté de lui vendre.
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2. |
Dans une deuxième lettre, datée du 12 décembre
2000, Star Choice a demandé au Conseil [ traduction] « …de rendre une
ordonnance provisoire interdisant la récupération des transpondeurs
contestés... », si d’autres mémoires ou éléments de preuve étaient requis. |
3. |
Initialement, le dossier public de la demande
renfermait, à propos de ces questions, des observations et des répliques de
la part de Télésat Canada, CTV Inc., CHUM Limited et Alliance Atlantis
Communications Inc., ainsi que de Bell ExpressVu Inc. Au lieu de publier
l’ordonnance provisoire que StarChoice avait demandée, le Conseil a préféré
solliciter d’autres mémoires relatifs à la demande (se reporter à l’avis
public CRTC 2000-178 du
22 décembre 2000). |
4. |
À la suite de cet appel d’observations
complémentaires, le Conseil a reçu 38 mémoires, dont 26 du public. Les
observations des abonnés, des entreprises de programmation et de distribution
présentées au cours des deux étapes du processus ont été précieuses et ont
permis au Conseil de comprendre clairement les questions de politique
publique et les préoccupations en cause. |
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Le critère pour une ordonnance en vertu de l’article 28(2) de la Loi
sur les télécommunications
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5. |
En premier lieu, le Conseil a examiné les
articles 28(2) et 28(3) de la Loi sur les télécommunications, qui
stipulent que : |
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(2) Transmission par satellite — En cas de désaccord entre une
entreprise de radiodiffusion et une entreprise canadienne sur l’attribution
des canaux de satellite en vue de la transmission par celle-ci d’émissions
— au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion — par
satellite, le Conseil peut attribuer des canaux à certaines entreprises de
radiodiffusion, s’il est convaincu que cela favorisera la mise en oeuvre de
la politique canadienne de radiodiffusion [ exposée au paragraphe 3(1) de
la Loi sur la radiodiffusion].
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(3) Idem — Le Conseil tient compte, dans l’attribution des canaux de
satellite, du rôle de l’entreprise canadienne en matière de
télécommunication et des contraintes auxquelles elle précise avoir à faire
face dans son activité.
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6. |
Par conséquent, en décidant de rendre ou non
l’ordonnance demandée en vertu de l’article 28(2) de la Loi sur les
télécommunications, le Conseil doit examiner si l’attribution des canaux
de satellite favorisera la mise en oeuvre de la politique canadienne de
radiodiffusion exposée au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion.
En ce qui concerne l’article 28(3), Télésat, dans ses mémoires, n’a pas
précisé de contraintes opérationnelles pertinentes. |
7. |
L’examen attentif de tous les mémoires a
convaincu le Conseil que, compte tenu des faits en cause, l’attribution des
canaux de satellite facilitera la mise en œuvre de la politique canadienne de
radiodiffusion. Voici quelques-unes des raisons qui ont motivé cette
conclusion : |
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Diversité de la programmation et nouveaux services numériques de
catégorie 2
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8. |
L’article 3(1)i)(i) de la Loi sur la
radiodiffusion stipule que la programmation fournie par le système
canadien de radiodiffusion devrait, entre autres choses, « être variée et
aussi large que possible en offrant à l'intention des hommes, femmes et
enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui
renseigne, éclaire et divertit ». Les décisions récentes qu’il a rendues en
novembre 2000 au sujet de licences attribuées à un large éventail
d’intervenants pour plus de 200 services de catégorie 2 témoignent des
efforts que le Conseil a déployés pour s’assurer que l’objectif de diversité
de la programmation prévu dans la Loi est atteint. Toutefois, aucun de ces
services de catégorie 2 n'a de garantie de droits d’accès aux entreprises de
distribution. Chacun devra négocier avec les distributeurs. |
9. |
La récupération proposée pourrait empêcher la
mise en œuvre de l’objectif de diversité prévu dans la Loi. Elle pourrait
notamment désavantager un grand nombre de ces nouveaux services dans la
négociation de leur distribution par rapport à CTV, CHUM et
Alliance Atlantis, et ainsi diminuer leurs chances d'obtenir une occasion
raisonnable d’atteindre une masse critique d’abonnés du numérique en étant
distribués par les deux entreprises par SRD canadiennes, de même qu’au câble
et par d’autres formes de distribution. |
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Très large programmation traduisant des attitudes, des opinions, des
idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes
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10. |
L’article 3(1)d)(ii) de la Loi stipule que le
système canadien de radiodiffusion devrait « favoriser l'épanouissement de
l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui
traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une
créativité artistique canadiennes ». CTV, CHUM et Alliance Atlantis – les
bénéficiaires possibles des canaux de transpondeurs sur la bande Ku du
satellite Anik F1 – ont indiqué dans leurs observations respectives que lors
de la récupération, elles pourraient revendre à d’autres toute capacité
excédentaire. Toutefois, il semble que l’excédent en question ne réussirait à
combler les besoins que d’un petit nombre seulement d’autres services de
catégorie 2. |
11. |
Même s’il n’est absolument pas garanti que tous
considéreront les décisions de distribution de Star Choice satisfaisantes,
l’ordonnance qu’elle réclame placerait les services de catégorie 2 de CTV,
CHUM et Alliance Atlantis sur le même pied que d’autres services de cette
catégorie dans les négociations de la distribution. De plus, tous pourraient
avoir recours aux dispositions de préférence indue dans le Règlement sur
la distribution de radiodiffusion. Cette approche, de l’avis du Conseil,
encouragerait davantage la fourniture aux abonnés d'un large éventail
d’émissions. |
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Chaque élément devrait contribuer et chaque entreprise devrait faire
appel au maximum aux ressources – créatrices et autres – canadiennes dans la
création et la présentation d’émissions
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12. |
L’article 3(1)e) de la Loi stipule que « «tous
les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la
création et la présentation d'une programmation canadienne ». L’article
3(1)f) stipule que les entreprises doivent faire appel au maximum aux
ressources – créatrices et autres – canadiennes. À cet égard, même si les
entreprises par SRD canadiennes doivent utiliser des installations de
satellite canadiennes, les entreprises de programmation ont davantage
d’options à leur disposition, par exemple les transpondeurs de la bande C
et/ou des satellites non canadiens. De plus, le nombre insuffisant de canaux
sur le satellite principal de Star Choice pourrait compliquer encore plus la
situation, dû au fait que Star Choice doit utiliser des satellites distincts
pour distribuer toute la gamme de ses services. Cette situation pourrait
avoir de graves répercussions, dont des interruptions de service et une
hausse de coûts dans le cas des consommateurs désirant acheter des antennes à
cornet double ou « échanger » leurs antennes paraboliques contre ce nouveau
type d’antenne. La situation risquerait également de compromettre la position
concurrentielle de Star Choice sur le marché des services par SRD de même que
nuire à la concurrence et limiter le choix dans la distribution de
radiodiffusion en général. |
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Nombre limité de canaux de satellite canadiens et objectifs de la Loi
sur la radiodiffusion
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13. |
Le Conseil continue de soutenir le principe
voulant que les entreprises de programmation devraient pouvoir accéder
directement aux canaux de satellite de Télésat. En ce qui concerne
l’attribution ou l’utilisation de ces canaux, il ne ferait donc pas
normalement de distinction entre les entreprises de distribution et de
programmation. Toutefois, dans la bande Ku, Anik F1 manque actuellement de
canaux. |
14. |
Le Conseil estime que, dans les circonstances,
il servirait mieux les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion en
s’assurant que l’exploitant de services par SRD (Star Choice) est en mesure
de déterminer quels services de catégorie 2 il offrira à ses abonnés, par
comparaison au désir de CTV, de CHUM et d'Alliance Atlantis d'assurer la
distribution de leurs services de catégorie 2. |
15. |
Le Conseil réitère qu’il est essentiel que tous
les services de catégorie 2 aient une chance égale de négocier leur
distribution. Il sera ainsi plus facile de s’assurer que les abonnés
canadiens bénéficient d’un plus grand choix d’émissions. À cet égard, le
Conseil surveillera de près la situation pour garantir le traitement
équitable des entreprises de programmation. Le Conseil fait remarquer que le
lancement d’Anik F2, prévu d'ici deux ans, devrait pallier le manque de
canaux de satellite. |
16. |
Par conséquent, vu le nombre actuellement
restreint de canaux sur la bande Ku du satellite Anik F1, et dans le but de
faciliter la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion
énoncée à l’article 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion, le Conseil
rend l'ordonnance suivante, conformément à l’article 28(2) de la Loi sur
les télécommunications. |
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Règlement
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17. |
Le Conseil, par décision majoritaire, ordonne
par la présente, conformément à l’article 28(2) de la Loi sur les
télécommunications, que Télésat n’invoque la disposition de récupération
des transpondeurs de la bande Ku du satellite Anik F1 que pour la
distribution par satellite des services en place de parties avec lesquelles
elle a signé les contrats en vigueur. |
18. |
Selon Star Choice, qui avait demandé que les
quatre transpondeurs lui soient attribués, la mise en œuvre d’une ordonnance
autorisant une récupération pour les services en place seulement pourrait se
traduire par l’attribution à Télésat d’un des quatre transpondeurs. Dans
pareille éventualité, le Conseil s’attend que Télésat, en sa qualité
d’entreprise, répartisse alors la capacité de transmission de ce transpondeur
entre les entreprises de programmation visées suivant sa pratique de longue
date du « premier arrivé, premier servi ». |
19. |
Comme le Conseil a décidé de rendre
une ordonnance conformément à l’article 28(2) de la Loi sur les
télécommunications, il juge inutile de discuter davantage de la demande
voulant qu’il soit déclaré que toute récupération des transpondeurs contestés
contreviendrait aux dispositions de préférence indue des articles 27(2) ou
28(1) de la Loi sur les télécommunications. |
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Secrétaire général |
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Ce document est disponible, sur demande, en
média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant
: http://www.crtc.gc.ca |
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Opinion minoritaire du conseiller Andrew Cardozo
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Bien que je reconnaisse la valeur des arguments
présentés par la majorité dans cette ordonnance, à mon avis, le scénario
présenté par CTV, CHUM et Alliance Atlantis (les trois radiodiffuseurs) est
plus convaincant. Si ces trois intervenantes devenaient co-propriétaires des
transpondeurs en cause, cela contribuerait à cet aspect si important du
système de distribution qu’est la diversité puisqu’aucune partie ne pourrait
jouer le rôle de contrôleur d’accès. |
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Plusieurs arguments présentés dans le dossier de
cette instance m’ont frappé : |
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- l’offre initiale de Télésat a été faite à
l’ensemble de l’industrie, y compris aux fournisseurs de services de
programmation et elle a duré plusieurs mois; |
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- les trois radiodiffuseurs utiliseraient cet
espace pour offrir leur programmation sur un signal fiable et de qualité à de
nombreux distributeurs; |
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- le droit de récupération a été invoqué dans le
but de permettre aux clients qui préfèrent ne pas faire affaire avec Star
Choice d’obtenir de l’espace sur la bande Ku ou d’acheter un transpondeur
directement de Télésat; |
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- la présence de ces trois radiodiffuseurs
permettrait également à des clients non affiliés d’obtenir de l’espace auprès
d'eux; |
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- une fois les ententes conclues, ces
fournisseurs ou tout autre fournisseur d’émissions auraient un marché
concurrentiel dans lequel ils pourraient acheter le segment spatial requis
pour leurs nouveaux services de catégorie 2, sans qu’un distributeur n’exerce
de monopole ou ne joue un rôle de contrôleur d’accès; |
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- les trois radiodiffuseurs font remarquer
qu’ils sont en contact avec de nouveaux titulaires qui ne sont affiliés ni à
eux ni à Star Choice et qui sont intéressés à utiliser de l’espace; |
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- les trois radiodiffuseurs ont offert de mettre
de l’espace non utilisé à la disposition d’autres services. |
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J’approuve effectivement la décision de la
majorité voulant que le Conseil ait le droit d’intervenir dans des situations
comme celle-ci. Je me demande cependant si une telle intervention est
justifiée à ce stade-ci, vu qu’il s’agit d’un tout nouveau transpondeur et de
nouveaux services qui n’ont pas encore été lancés. Il n’y a aucun précédent
d’abus de pouvoir. |
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À mon avis, le Conseil devrait plutôt préciser
clairement quelles sont ses attentes à ce stade-ci en matière de distribution
juste et équitable des services de catégorie 2 et se laisser toute la marge
de manœuvre possible pour intervenir au cas où les parties concernées
auraient recours à des traitements injustes, que ce soit les radiodiffuseurs,
Star Choice ou Télésat. À cet égard, je suis tout particulièrement d'accord
avec les énoncés au paragraphe 15 de la décision majoritaire, qui, à mon avis
auraient dû constituer l’essentiel de l’ordonnance. |
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Pour ce qui est des questions sur lesquelles les
parties se sont entendues et ont signé des contrats de plein gré, il est
préférable que le Conseil n’intervienne qu’en l’absence de solution pratique. |
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Pour ces raisons, je désapprouve
respectueusement la décision majoritaire. |