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Guy Maddin : des mondes imaginaires entièrement originaux

Guy Maddin

Guy Maddin (Photo : Cesar Tovar)

Histoires d'artistes

Le plus beau compliment jamais adressé à Guy Maddin pour son œuvre cinématographique vient peut-être du spectateur le plus connu au monde, le critique de cinéma Roger Ebert. En introduction au compte rendu du film The Saddest Music in the World, long métrage salué en 2003 par la critique, Ebert écrit en effet : « Il y a tellement de films qui empruntent les mêmes chemins usés. Il y en a si peu qui imaginent des mondes entièrement originaux. »

Encore plus rares sont les cinéastes qui traduisent sur pellicule cette vision avec autant de constance que le réalisateur Guy Maddin, de Winnipeg. The Saddest Music se déroule en 1933, dans sa ville natale, cadre aussi familier dans l’œuvre de Maddin que Manhattan dans celle de Woody Allen. Le film est un conte surréaliste, qui met en scène une baronne de la bière, cul-de-jatte, Lady Port-Huntly. Le personnage, incarné par une Isabella Rossellini coiffée d’une perruque blonde, organise un concours dans la « capitale mondiale de la tristesse » afin de découvrir la musique la plus mélancolique au monde.

La facture noir et blanc, ainsi que le grain du film, évoquent une époque cinématographique révolue, qui, comme Rogert Ebert le souligne avec justesse, « n’a jamais existé sinon dans l’incroyable imagination de Guy Maddin ».

En raison de son style et des influences qui l’ont marqué, on a comparé Maddin à un vaste éventail de cinéastes tels que David Lynch et les pionniers du cinéma F.W. Murnau, Fritz Lang et Luis Buñuel. Pourtant, Guy Maddin, dont l’œuvre éclectique comprend 25 courts et longs métrages, réalisés sur un peu plus de 20 ans, a déjoué toute tentative de définir sa singulière touche filmique, même si certains ont essayé de le faire. Le critique Derek Hill a décrit son travail comme des incursions de comédie noire dans les mondes ténébreux du cinéma muet.

Faute de pouvoir lui donner une étiquette, un critique a suggéré que le plus célèbre cinéaste de Winnipeg avait créé son propre genre. Né à Winnipeg en 1956, bachelier en économie de l’Université de Winnipeg, celui qui fut en d’autres temps un peintre en bâtiment animé d’une passion pour l’art cinématographique est passé du stade de spectateur avide à celui de créateur audacieux.

Le premier long métrage de Guy Maddin, Tales from the Gimli Hospital (1988), dans lequel deux hommes atteints de variole sont placés en quarantaine et enfermés dans une relation de rivalité, est devenu un classique incontournable. Film-culte projeté depuis des années à New York sur le coup de minuit, il a lancé Guy Maddin et lui a valu la réputation d’être l’un des grands du cinéma d’avant-garde.

Deux ans plus tard, il sort son deuxième long métrage, Archangel, un mélodrame onirique se déroulant en Russie. Le film a pour personnage principal un soldat amnésique de la Première Guerre mondiale, qui ne peut se souvenir de l’amour de sa vie. Les grésillements de la trame sonore et les pauses qui entrecoupent l’action lui donnent l’allure d’un film qui aurait pu être tourné 60 ans auparavant. Le film a remporté le prix du meilleur film expérimental décerné par la U.S. National Society of Film Critics (société nationale américaine des critiques de film).

Le premier long métrage couleur de Guy Maddin a suivi en 1992. Careful, qui se passe dans un village des Alpes dont les habitants parlent doucement par crainte de provoquer une avalanche, est « une farce claustrophobe de désir incestueux », comme le rapporte le critique Gerald Peary. Le film a été projeté à Paris en 1995 pour marquer le centenaire de la naissance du cinéma, dans un pertinent hommage rendu à l’intérêt de Guy Maddin pour les styles ayant marqué les débuts du cinéma. (Archangel et Careful ont tous deux reçu l’appui du Conseil des Arts du Canada.)

En 1995, Guy Maddin est devenu le plus jeune récipiendaire de la médaille Telluride décernée par le festival des films de Telluride pour l’ensemble de son œuvre, joignant ainsi les rangs des Francis Ford Coppola, Clint Eastwood et Gloria Swanson, précédemment honorés.

En 2001, la U.S. National Society of Film Critics a décerné au court métrage The Heart of the World (une commande pour le Festival international du film de Toronto), le titre de meilleur film expérimental. Tourné en noir et blanc et d’une durée de six minutes seulement, le film aborde habilement les thèmes de la science-fiction, de Jésus-Christ et de la naissance du cinéma, et cela, de manière à « inscrire la Bible sur un grain de riz », a-t-on pu lire dans le Maclean’s.

Avec le tournant du siècle, on a également vu Guy Maddin croiser les disciplines artistiques dans Dracula : Pages from a Virgin's Diary, qui met en scène les danseurs du Royal Winnipeg Ballet et qui a été diffusé sur les ondes de la CBC à l’émission Opening Night. La production a remporté un prix international Emmy ainsi que deux Prix Gémeau, des  récompenses qui ont placé Guy Maddin dans la lignée des réalisateurs reconnus.

- traduction du texte de Christopher Guly