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Opinion du juge Gérard La Forest

[TRADUCTION]

Le 5 avril 2002

George Radwanski
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada
112, rue Kent
Ottawa (Ontario)
K1A 1H3

objet : Avis juridique - Surveillance vidéo

Monsieur,

Vous m'avez demandé mon avis sur les incidences juridiques de l'utilisation de la surveillance vidéo par la police dans les rues publiques (que j'appellerai la « surveillance vidéo générale »). Inspirés par les programmes du Royaume-Uni et de certaines municipalités des États-Unis, un certain nombre de sûretés et d'administrations locales au Canada se sont donné des programmes de surveillance vidéo ou envisagent de le faire. Qu'il suffise de mentionner, à cet égard, l'installation par la GRC d'une caméra de surveillance vidéo dans une rue publique de Kelowna, en Colombie-Britannique, programme qui a fait l'objet d'une plainte à votre Commissariat. Le présent avis mettra l'accent sur les ramifications juridiques et constitutionnelles de Kelowna. Mais l'analyse s'applique, mutatis mutandis, aux programmes semblables employés par la GRC à tout endroit au Canada. Et bien que votre compétence se limite aux activités de la GRC et des autres institutions fédérales, mon analyse de l'application de la Charte à la surveillance vidéo vaut pour les programmes exécutés par tout corps de police ou toute autorité gouvernementale au Canada.

Introduction

C'est un avis juridique que vous avez demandé. Mais je devrais souligner que la question de la surveillance vidéo générale n'est pas uniquement ni essentiellement une question juridique, du moins pas au sens où elle doit être l'affaire exclusive des tribunaux. Comme vous le savez très bien, elle soulève de vastes enjeux socio-politiques, dont la solution aidera à définir la relation qui doit exister entre l'individu et l'État dans les décennies à venir. Comme je tenterai de l'expliquer plus loin, les tribunaux auront un rôle à jouer dans la définition de cette relation. Mais, en définitive, le maintien d'une société libre dépend de la vigilance des citoyens, de la surveillance constante des organes législatifs (désormais appuyés par des bureaux comme votre Commissariat), et de l'exercice nuancé du pouvoir de l'Exécutif de contrôler les abus de la police.

Le problème se situe essentiellement au niveau de la nature de la surveillance policière et de l'attitude de la police. La police a tendance à définir son travail comme la prévention du crime pour la protection du public. Naturellement, elle cherche à se donner les outils qu'elle estime capables de l'aider à atteindre ces objectifs. Mais, comme dans le cas de la surveillance vidéo générale, il lui arrive souvent de ne pas avoir de preuve empirique, ou d'en avoir très peu, pour établir que ces outils réduiront la criminalité, voire qu'ils lui seront de quelque utilité pour cela. Elle sous-estime par ailleurs souvent les dangers que ces outils peuvent représenter pour d'autres valeurs fondamentales de la société. C'est pourquoi le contrôle de l'Exécutif doit être exercé minutieusement, et c'est pourquoi nous devons voir d'un mauvais oil les demandes de nouvelles intrusions dans les libertés individuelles.

Lorsqu'elle réclame un élargissement de ses pouvoirs, la police est aidée par une fausse perception, fréquente chez le grand public, selon laquelle l'objet du droit pénal est en quelque sorte de faire disparaître la criminalité. Mais, comme la Commission de réforme du droit l'a dit dans son rapport Notre droit pénal1, l'existence de la criminalité dépend de nombreuses autres conditions sociales. Dans une société libre, l'objet réel du droit pénal est de souligner les valeurs fondamentales de la société pour la vaste majorité des citoyens respectueux de la loi.

Lorsqu'elle réclame des pouvoirs inutiles, inefficaces et dangereux, la police est souvent aidée par la conviction réflexive de nombreux citoyens qui ne se croient pas concernés par les restrictions de liberté ou, chose encore plus dangereuse, qui jugent que ces restrictions sont insignifiantes et valent bien le sacrifice. Walter Gelhorn a exprimé ce danger en termes très éloquents, que voici :

« Dans toute société, à toutes les époques et certainement dans la nôtre, il y a la multitude qui, selon le mot d'Archibald MacLeish « craint la liberté ou s'effraie de la solitude qu'elle comporte ». La plupart du temps cependant, les atteintes à la liberté ne sont pas le fait de ceux qui préfèrent que d'autres assument la responsabilité de diriger leur vie; ces amorphes forment les foules qui appuient les dictatures, mais ils sont eux-mêmes trop inertes pour en amener la fin. Nous n'avons pas à nous inquiéter, selon moi, de voir la liberté diminuée à cause de leur initiative. Je ne crois pas non plus que des hommes aux motivations mauvaises réussissent à nous amener par ruse à en abandonner les bastions l'un après l'autre dans une recherche imprudente d'une sécurité parfaite mais inaccessible. Le vrai danger se trouve chez ceux d'entre nous qui veulent vraiment protéger la liberté et qui croient qu'on peut mieux le faire en la limitant. Ils proposent d'en troquer un petit peu ici pour en obtenir beaucoup ailleurs. Leurs motifs sont louables mais leur jugement est vicié. L'étendue même de notre liberté, à l'américaine, nous amène parfois à croire qu'on peut en compromettre une bonne partie sans que personne ne s'aperçoive vraiment de la différence - que nous pouvons comme Carl Becker le dit « prendre des libertés avec notre liberté ». Mais le problème tient à ce que de petites restrictions finissent par en former de grandes et devenir, avec l'habitude, aussi normales que la liberté l'était auparavant. Des restrictions considérées comme des moyens de protection nécessaires à la liberté peuvent en réalité finir par éteindre la liberté elle-même2. »

À Kelowna et ailleurs, certains citoyens ont dit qu'ils n'ont rien à cacher et qu'ils sont rassurés à la pensée que la surveillance vidéo permettra à la police de surveiller les agissements des malfaiteurs. Mais c'est se tromper grossièrement sur la nature d'une société libre. Les violations de la liberté ne nuisent pas seulement aux criminels. À moins de justification contraignante, nous devrions tous être libres de nous déplacer sans craindre l'observation systématique des agents de l'État. Comme la Cour suprême l'a dit dans Dagg c. Canada (ministre des Finances), « la notion de vie privée repose sur l'autonomie physique et morale - la liberté de chacun de penser, d'agir et de décider pour lui-même3 ». La notion de vie privée est au cour de celle de la liberté dans un État moderne4.

Dans ce vaste contexte, je me propose d'examiner trois questions juridiques : l'application de la loi fédérale à la surveillance vidéo générale; l'effet de la Charte; et la compétence du solliciteur général pour réglementer l'utilisation de la surveillance vidéo par la GRC. J'en suis venu à la conclusion qu'il y a de solides arguments à invoquer pour faire valoir que :

  1. la surveillance vidéo générale à enregistrement continu viole la Loi sur la protection des renseignements personnels;
  2. la surveillance vidéo générale, avec ou sans enregistrement, viole l'article 8 de la Charte; et
  3. le solliciteur général a le pouvoir de réglementer l'utilisation de la surveillance vidéo par la GRC.

Le cadre statutaire

Comme c'est souvent le cas avec les nouvelles technologies et les nouvelles applications de technologies existantes, le législateur a mis du temps à réagir aux problèmes présentés par la surveillance vidéo. Il y a deux lois fédérales pertinentes : la Loi sur la protection des renseignements personnels5 et le Code criminel6. Mais, comme je l'explique plus loin, aucune de ces deux lois n'interdit à la GRC d'utiliser la surveillance vidéo générale sans enregistrement continu.

La Loi sur la protection des renseignements personnels

Il ne fait aucun doute que la GRC est soumise aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. La GRC y est mentionnée comme « institution fédérale7 ». Comme vous le savez, cette désignation déclenche les diverses obligations qui naissent de la Loi. Mais une chose est moins claire, et c'est de savoir si la Loi peut s'appliquer à la surveillance vidéo. La Loi réglemente la collecte et l'utilisation de renseignements personnels par le gouvernement. L'article 3 définit « renseignements personnels » comme les « renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable. » Comme vous l'avez reconnu dans vos conclusions dans Kelowna, la Loi ne s'applique donc pas à la surveillance vidéo sans enregistrement8.

Vos conclusions dans cette affaire, toutefois, étaient que la Loi s'applique à la surveillance vidéo avec enregistrement. C'est une interprétation éminemment plausible de la Loi. Dans Dagg, la Cour suprême a noté que la définition de renseignements personnels selon la loi est large9. Elle semble destinée « à viser tout renseignement sur une personne donnée, sous la seule réserve d'exceptions précises10 ». Cette interprétation, de poursuivre la Cour, « s'accorde avec le texte clair de la Loi, avec son historique législatif et avec le statut privilégié et fondamental du droit à la vie privée dans notre culture sociale et juridique11. » Comme vous l'avez déclaré dans vos conclusions dans Kelowna, « théoriquement, toute personne se trouvant dans le champ visuel d'une caméra de surveillance vidéo pourrait être identifiée » et l'« image obtenue révèle de l'information au sujet de la personne (comme l'endroit où elle se trouve et son comportement) ». Il suffit de savoir lire, donc, pour voir que la définition de « renseignements personnels » appuie la conclusion selon laquelle tous les enregistrements par surveillance vidéo qui représentent des personnes sont assujettis à la Loi.

Cela amène la question suivante, celle de savoir si la pratique de l'enregistrement continu viole la Loi.

L'article 4 interdit aux institutions fédérales de recueillir des renseignements personnels à moins qu'ils n'aient « un lien direct avec [leurs] programmes ou [leurs] activités ». Vous avez dit dans vos conclusions dans Kelowna que :

« Selon le principe de la loi, une institution ne peut recueillir que la quantité minimale de renseignements personnels nécessaires pour les fins prévues. Pour chaque renseignement personnel recueilli, il doit exister un besoin démontrable sur le plan de l'exécution du programme ou de l'activité. »

C'est une conclusion parfaitement raisonnable. Le principe de « collecte minimale » n'est pas expressément évoqué dans la loi, mais il est compatible avec les fins de la Loi selon l'article 2 et selon l'interprétation donnée dans Dagg12.

Vous avez en outre conclu que « la surveillance et l'enregistrement [continus] des activités quotidiennes d'un grand nombre de citoyens respectueux de la loi » ne constituent pas une partie légitime des programmes ou des activités de la GRC. Vous avez donc conclu que cette pratique contrevenait à la loi.

À mon avis, c'est le point de vue qui s'impose. Comme vous l'avez fait valoir avec éloquence, la surveillance vidéo sans motif valable, est une grave menace à la vie privée. Cette menace est encore plus grande lorsque l'enregistrement est continu. Comme je l'ai fait valoir pour la Cour suprême dans R. c. Duarte, « si l'État était libre de faire, à son entière discrétion, des enregistrements électroniques permanents de nos communications privées, il ne nous resterait rien qui vaille de notre droit de vivre libre de toute surveillance13. » Le fait que l'enregistrement vidéo sans enregistrement sonore ne saisit pas les communications orales n'est pas déterminant. Dans R. c. Wong, qui concernait la surveillance vidéo sans enregistrement sonore mais clandestine, j'ai encore une fois déclaré au nom de la Cour que faire valoir que « la menace à la vie privée inhérente à la vie en société, dans laquelle nous sommes soumis à l'observation ordinaire d'autrui, n'est rien en comparaison avec la menace que représente pour la vie privée le fait de permettre à l'État de procéder à un enregistrement électronique permanent de nos propos ou de nos activités14 ».

Il y a des différences entre les contextes factuels de Duarte et Wong et la situation présente. J'y reviens plus loin. Mais le point fondamental, ici, est simple : l'enregistrement électronique des mouvements et des activités des personnes par une institution fédérale, sans motif valable, menace de faire table rase des intérêts de la vie privée que la Loi visait justement à protéger. Cette intrusion dans la vie privée ne peut se justifier que par un intérêt supérieur de l'État. Au mieux, l'enregistrement de la surveillance vidéo générale ne sert que marginalement des fonctions policières légitimes. Si l'on fait abstraction de la question de savoir si la surveillance vidéo sans enregistrement continu est un moyen efficace de réduire la criminalité, l'enregistrement continu semble avoir peu d'avantages. Un avantage possible est la production d'un enregistrement d'activités criminelles qui échapperaient à des observateurs. Cela risque peu de se produire, par contre, si les postes de surveillance ont le personnel suffisant et si les observateurs font preuve d'une diligence raisonnable. La possibilité que l'enregistrement puisse réduire les coûts de la surveillance ne saurait justifier une intrusion aussi grave dans la vie privée.

En outre, un des avantages allégués de la surveillance vidéo générale est la capacité de déceler un crime en voie de perpétration afin de limiter les préjudices et de faciliter l'appréhension. L'examen ex post facto des enregistrements de surveillance ne diminue en rien le préjudice et est moins efficace que la surveillance en temps réel pour faciliter l'appréhension. En bref, l'enregistrement continu est une atteinte importante à la vie privée, qui n'ajoute pas grand-chose à la capacité de la GRC de mener ses activités légitimes.

Bien sûr, rien ne garantit que les tribunaux vont être d'accord sur cette analyse. Des juges moins sympathiques aux intérêts de la vie privée pourraient voir les choses d'un autre oil. Certains pourraient hésiter à voir des limitations de fond, à base de politiques, dans l'interdiction que fait l'article 4 de recueillir des renseignements personnels sont « lien direct avec [les] programmes ou [les] activités » de l'institution. Ils pourraient conclure que les avantages de l'enregistrement continu, pour mineurs qu'ils soient, servent les fonctions policières de prévention ou de dissuasion de la criminalité.

En bref, les conclusions que vous avez rendues dans Kelowna sont raisonnables, logiques et défendables en droit et en logique.

Le Code criminel

Le Code criminel, qui renferme un certain nombre de dispositions réglementant l'utilisation policière des technologies de surveillance électronique, ne traite pas directement de la surveillance vidéo générale. L'article 487.01 autorise la police à obtenir un mandat pour l'autoriser « à utiliser un dispositif ou une technique d'enquête. qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive. ». Il exige, entre autres choses, que le juge qui décerne le mandat soit convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été (ou sera) commise et que le dispositif ou la technique révélera des renseignements concernant cette infraction. Cette disposition, que le Parlement a adoptée suite à Wong, prévoit expressément l'utilisation de la surveillance vidéo pour observer une personne « dans des circonstances telles que celle-ci peut raisonnablement s'attendre au respect de sa vie privée15 ». Mais elle n'autorise pas l'utilisation de caméras vidéo pour observer des individus en l'absence de soupçon particularisé.

Le Code criminel, toutefois, n'interdit pas la surveillance vidéo générale, ni par la police ni par une autre personne. Selon l'article 184, est coupable d'un acte criminel quiconque intercepte une communication privée sans autorisation légitime. Mais il n'y a pas de disposition équivalente applicable aux interceptions vidéo seulement. En bref, le Code criminel n'autorise ni n'interdit la surveillance vidéo générale. La légalité de cette surveillance doit être établie par application de la Charte.

Article 8 de la Charte

La common law protège traditionnellement contre les fouilles et les perquisitions abusives16. Aux États-Unis, cette protection a été accrue par la consécration d'un droit d'être à l'abri des « fouilles, perquisitions et saisies abusives » dans le quatrième amendement de la Constitution des États-Unis. Pendant de nombreuses années, cependant, les tribunaux anglais et américains ont défini ces protections d'abord et avant tout en fonction du droit de propriété et de la violation du droit de propriété. Cela a changé dans Katz c. États-Unis17, où, par décision majoritaire, la Cour suprême des États-Unis a redéfini le quatrième amendement comme une protection de la vie privée. « Le quatrième amendement protège les personnes, a déclaré le juge Potter, et non pas les lieux18. Dans sa toute première interprétation de la nouvelle protection constitutionnelle contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives au Canada, notre Cour suprême a emboîté le pas19. Dans Hunter c. Southam20, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a souligné que l'article 8 de la Charte garantit un « droit vaste et général » à la vie privée. Et dans R. c. Plant, la Cour a confirmé qu'il n'est pas nécessaire d'établir un droit de propriété pour avoir droit aux protections de l'article 821.

Il va sans dire que la vie privée, comme les autres droits, a ses limites. Ainsi qu'il a été dit dans Hunter, les individus n'ont droit qu'à une « attente raisonnable » en matière de vie privée. Le problème, ici, bien sûr, c'est que la surveillance s'effectue dans les rues publiques, ce qui pourrait amener certains à conclure qu'il ne peut y avoir d'attente raisonnable en matière de vie privée dans ce qui est, par définition, un lieu public.

Cette conclusion, toutefois, serait bien trop facile. L'article 8 protège la vie privée dans une foule de situations. Il ne fait pas de démarcation rigide formaliste entre les domaines spatiaux privés et publics. Comme je l'ai déclaré pour la Cour dans R. c. Dyment, l'« esprit de l'art. 8 ne doit pas être restreint par des classifications formalistes étroites22 ».

Déterminer si les individus ont une attente raisonnable en matière de vie privée dans un contexte donné est une entreprise nuancée, contextuelle et fondamentalement normative. Comme l'a arrêté le juge Dickson dans Hunter, dans chaque cas, « il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi23 ». Cette évaluation doit tenir compte de toutes les circonstances24.

Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur la constitutionnalité de la surveillance vidéo générale, mais les principes élaborés en vertu de l'article 8 peuvent être appliqués par analogie à la situation actuelle. Dans Duarte, la Cour a examiné si l'enregistrement électronique clandestin d'une conversation entre un suspect et un informateur de police violait l'article 8. Écrivant pour la majorité, j'ai déclaré que :

« ... si l'État était libre de faire, à son entière discrétion, des enregistrements électroniques permanents de nos communications privées, il ne nous resterait rien qui vaille de notre droit de vivre libre de toute surveillance. La surveillance électronique est à ce point efficace qu'elle rend possible, en l'absence de réglementation, l'anéantissement de tout espoir que nos communications restent privées. Une société nous exposant, au gré de l'État, au risque qu'un enregistrement électronique permanent soit fait de nos propos chaque fois que nous ouvrons la bouche, disposerait peut-être d'excellents moyens de combattre le crime, mais serait une société où la notion de vie privée serait vide de sens. Comme le dit le juge Douglas, dissident dans l'affaire United States v. White, précitée, à la p. 756: « La surveillance électronique est le pire destructeur de la vie privée. » S'il est permis à l'État d'enregistrer et de transmettre arbitrairement nos communications privées, il devient dès lors impossible de trouver un juste équilibre entre le droit du particulier d'être laissé tranquille et le droit de l'État de porter atteinte à la vie privée dans la poursuite de ses objets, notamment la nécessité d'enquêter sur le crime et de le combattre25. »

Le même raisonnement a été appliqué dans Wong. J'ai déterminé dans ce cas, au nom de la majorité des juges de la Cour, que l'enregistrement vidéo clandestin non autorisé d'activités dans une chambre d'hôtel privée violait l'article 8. J'ai expliqué mon raisonnement comme suit :

« [S]i une société libre et ouverte ne peut tolérer la possibilité qu'en l'absence d'autorisation judiciaire, les agents de l'État aient le droit d'enregistrer les propos de qui ils veulent, il est également inconcevable que l'État ait le pouvoir discrétionnaire illimité de soumettre qui il veut à une surveillance magnétoscopique effectuée subrepticement. Dans son roman futuriste classique 1984, George Orwell dresse le portrait sinistre d'une société dont les citoyens ont toutes les raisons de croire que chacun de leurs mouvements est assujetti à la surveillance magnétoscopique électronique. On ne pourrait trouver contraste plus frappant avec nos attentes en matière de vie privée dans une société libre comme la nôtre. La notion selon laquelle les agents de l'État devraient être libres de braquer des caméras dissimulées sur des membres de la société, en tout temps et en tout lieu, à leur gré, est fondamentalement irréconciliable avec notre perception d'un comportement acceptable de la part des gouvernements. Comme dans le cas de l'écoute clandestine des conversations, permettre la surveillance magnétoscopique illimitée par des agents de l'État, ce serait diminuer d'une manière importante le degré de vie privée auquel nous pouvons raisonnablement nous attendre dans une société libre... En outre, comme l'indique l'arrêt Duarte, nous devons toujours rester conscient du fait que les moyens modernes de surveillance électronique, s'ils ne sont pas contrôlés, sont susceptibles de supprimer toute vie privée26. »

Il est vrai que Duarte et Wong traitaient d'interceptions dans des contextes où l'attente de vie privée était grande. L'attente de vie privée dans une rue publique, par contraste, est beaucoup moindre. Nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre que la police s'abstiendra d'observer ou d'écouter ce que disent des personnes qu'elle considère comme suspectes. Obliger la police à avoir un motif raisonnable ou à obtenir une autorisation pour cette surveillance serait une limitation injustifiable de sa capacité de faire enquête et de prévenir la criminalité. En effet, il peut être permissible pour la police d'utiliser une caméra vidéo pour observer et enregistrer les mouvement d'un suspect donné dans des lieux publics27. Pour ce type de surveillance ciblée, l'intrusion relativement mineure dans la vie privée peut peut-être être mise dans la balance avec l'intérêt de l'État pour une application efficace de la loi.

Mais la surveillance vidéo complète et continue est une toute autre affaire. Elle permet à la police d'observer systématiquement, souvent à un degré élevé de résolution et sur une grande étendue spatiale, chaque personne présente dans le champ de la caméra ou des caméras. Ce type de surveillance vidéo équivaut à l'affectation d'agents de police individuels pour suivre de près, 24 heures sur 24, chaque personne se trouvant dans un certain espace géographique. Cela serait un État policier, pas une société libre. Nous n'avons peut-être pas d'attente que la police n'observera jamais nos activités dans des lieux publics, que ce soit accessoirement ou dans le cadre d'une enquête ciblée. Mais, certes, il est raisonnable de s'attendre qu'elle ne le fera pas toujours. Melvin Gutterman formule en ces termes la justification sous-jacente de cette conclusion :

« S'il est normal, dans divers contextes publics, d'être observé fortuitement, nous aurions par contre toutes les raisons d'être choqués par des regards insistants. Dans ces activités publiques, nous ne nous attendons pas à être identifiés personnellement et soumis à une surveillance intensive, mais nous cherchons plutôt à passer inaperçus. La capacité de se déplacer librement, sans la supervision constante de l'État, est une importante source de liberté individuelle dont il faut tenir compte. Or, la crainte d'être systématiquement observé, même dans les endroits publics, détruit ce sentiment de liberté. Le juge Douglas a reconnu l'importance de cette valeur relative à la protection de la vie privée dans une société démocratique: la liberté de mouvement, a-t-il dit, est aussi dangereuse pour un tyran que la liberté d'exprimer des idées ou le droit de se réunir, et c'est pourquoi elle est contrôlée dans la majorité des pays28. »

J'ai développé cette analyse dans mes motifs dans Wise, où la police a installé un dispositif électronique dans le véhicule d'un suspect :

« Le point crucial est qu'il existe en effet une différence qualitative entre le risque que nos déplacements dans une voiture soient observés par autrui, y compris les autorités, et le risque que notre véhicule fasse l'objet d'une surveillance à l'aide d'un dispositif qui permettra d'en suivre les moindres déplacements. Cette proposition est au cour de l'arrêt Wong. C'est comme si on avait, à bord de l'auto, un agent de l'État qui signalerait constamment l'emplacement de la voiture... »

« ... [I]l existe une distinction cruciale entre le fait de s'exposer au risque que d'autres personnes découvrent notre présence ou surprennent notre conversation et celui de s'exposer au risque beaucoup plus pernicieux que cette présence ou ces propos soient enregistrés électroniquement à la seule discrétion de l'État. Si l'on transpose cette notion pour l'appliquer à la technologie en cause en l'espèce, il s'ensuit nécessairement qu'il existe une différence importante entre prendre le risque que nos activités soient observées par d'autres personnes et le risque que des agents de l'État, sans autorisation préalable, surveillent nos moindres déplacements. Dans les deux cas, il est constitutionnellement inadmissible de permettre à l'État de justifier la surveillance électronique non autorisée d'une personne donnée en invoquant simplement le fait que cette personne se trouvait dans une situation où elle pouvait être observée par d'autres citoyens. Sanctionner les intrusions de l'État pour ce motif, c'est refuser de voir que la menace pour la vie privée inhérente à la vie en société, dans laquelle nous sommes soumis à l'observation normale d'autrui, n'est rien en comparaison avec la menace que représente pour la vie privée le fait de permettre à l'État de surveiller électroniquement nos moindres déplacements. L'article 8 de la Charte vise à protéger la vie privée et non la solitude29. »

Dans Lopez c. États-Unis, le juge Brennan a déclaré que les améliorations électroniques permettaient une écoute « plus pénétrante, moins discernante, plus véritablement odieuse pour une société libre30 ». On peut en dire autant de la surveillance vidéo générale. Comme le disait le juge Brennan, la surveillance électronique « rend la police omnisciente; et l'omniscience policière est l'un des outils les plus efficaces de la tyrannie31 ».

En effet, le type de surveillance ciblée dont il est question dans Duarte, Wong et Wise exige un investissement considérable de temps et de ressources de la part de la police. Cela, en soi, limite dans une certaine mesure sa capacité de violer la vie privée d'individus innocents. Nous pouvons présumer que la police ne fera pas souvent ce genre d'investissement à moins d'avoir une cause quelconque de soupçon. Pourtant, craignant la possibilité d'abus, nous exigeons des motifs raisonnables et une autorisation préalable avant de la permettre. La surveillance vidéo générale, par contraste, n'est assortie d'aucune restriction du genre. Elle permet à la police d'observer facilement et efficacement, et de près, les activités de quiconque se trouve dans le champ du système de caméras, pour les motifs qu'elle juge bons, pour arbitraires et discriminatoires qu'ils soient. Dans R. c. Thompson, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'article 8 doit être attentif au « risque qu'il y ait de graves atteintes à la vie privée » des personnes non soupçonnées d'activité criminelle32. Comme je l'ai déclaré dans mes motifs en dissidence dans cette affaire, « [l]a surveillance électronique est systématiquement acquisitive; sa portée vise les conversations tant des innocents que des coupables33 ».

Il y a des motifs de croire, par ailleurs, que la surveillance vidéo générale peut facilement prêter à des abus. Selon certains indices, elle sert souvent à surveiller un comportement non conventionnel (mais non criminel) et à contrôler les membres de groupes marginalisés34. Comme je l'ai dit dans Landry, les pouvoirs vastes et discrétionnaires de fouille et de perquisition risquent de viser les « défavorisés plutôt que les nantis ou les puissants35 ».

Duarte et Wong traitaient de la surveillance électronique enregistrée. La constitutionnalité de la surveillance vidéo générale, selon l'article 8, ne devrait pas dépendre, toutefois, de la question de savoir si elle est à enregistrement continu. Il ressort à l'évidence de Wong que l'autonomie individuelle est sérieusement compromise, même lorsque la surveillance n'est pas enregistrée. La Cour suprême du Canada a maintes fois statué que la surveillance policière sans enregistrement peut constituer une « fouille ou perquisition » abusive. Dans R. c. Kokesch, la Cour a statué qu'une perquisition périphérique sans mandat de la propriété d'une personne soupçonnée de culture de marijuana violait l'article 836. De même, dans R. c. Evans, la Cour a conclu à une violation de l'article 8 lorsque la police a « recherché une odeur » pour trouver des indices de culture de marijuana après avoir frappé à la porte du suspect. Et, dans Wise, elle a déterminé que l'installation d'un dispositif de surveillance électronique relativement peu complexe dans le véhicule d'un suspect constituait une fouille abusive37. Ainsi qu'il est mentionné, l'enregistrement continu de la surveillance vidéo générale peut aviver la menace à la vie privée. Mais l'absence de cet enregistrement ne rend pas la surveillance anodine.

Wise est un cas particulièrement éclairant dans ce contexte. La Cour y a conclu que le dispositif de surveillance violait l'article 8, même s'il n'était qu'un « prolongement très rudimentaire de la surveillance visuelle38 ». Le dispositif, de noter la Cour, « ne permettait pas d'obtenir une image des déplacements ou de la position du véhicule », « ne permettait que d'établir approximativement l'emplacement du véhicule » et n'était manifestement pas capable de « situer [le] véhicule en tout temps39 ». Il était utilisé comme complément, et non pas comme remplacement, de la surveillance physique. Tout en concluant que l'installation du dispositif et la surveillance subséquente constituaient une « intrusion simplement minimale », la majorité a néanmoins conclu qu'elle violait implicitement une attente raisonnable en matière de vie privée et violait l'article 840.

La Cour a reconnu dans Wise, par conséquent, que la surveillance physique assistée par la technologie dans les lieux publics peut violer l'article 8. Le degré d'accentuation dans ce cas, par ailleurs, n'est rien en comparaison avec les accentuations que permettent les réseaux de surveillance vidéo. Le dispositif utilisé dans Wise était non seulement grossier, non visuel et supplémentaire. Il exigeait également l'installation et la surveillance, au cas par cas, suspect par suspect. Comme nous l'avons vu, les caméras de surveillance vidéo permettent à la police de faire une surveillance visuelle très détaillée d'une foule d'individus, dans un espace géographique étendu, sans support physique. Il est difficile d'imaginer une fouille plus « maximalement intrusive ».

Enfin, il faut noter que, au contraire des situations observées dans Duarte, Wong et Wise, la surveillance vidéo générale n'est généralement pas clandestine. Dans Kelowna et la plupart des autres programmes de surveillance vidéo, il y a affichage d'avis indiquant que le secteur peut être surveillé. Mais il ne faudrait pas permettre que cela efface une attente raisonnable en matière de vie privée. Comme je l'ai mentionné, déterminer s'il y a une attente raisonnable en matière de vie privée dans une situation particulière est une entreprise objective et normative. La question à poser est de savoir « si, en vertu des normes applicables au respect de la vie privée auxquelles on peut s'attendre dans une société libre et démocratique, les agent de l'État devaient se conformer aux exigences de la Charte au moment de commettre l'intrusion en cause41. » J'estime que, dans ce cas, il faut répondre à cette question par l'affirmative. Ce serait faire une parodie de la Charte que de permettre au gouvernement de détruire une attente légitime de vie privée sans autre formalité que d'informer les citoyens que leurs mouvements et leurs activités peuvent être surveillés; en particulier, là où le secteur surveillé est un lieu public central très utilisé pour le commerce, les loisirs, les voyages et l'interaction sociale. La question de savoir si une personne a une attente subjective en matière de vie privée peut jouer dans certaines circonstances42. Mais la question fondamentale est de savoir si une personne raisonnable estimerait que la technique d'enquête viole à ce point la vie privée individuelle que l'État devrait être tenu d'établir son motif raisonnable devant un arbitre neutre43. Comme je l'ai dit dans mes motifs dans Wise :

« À mon sens, la réponse à la question de savoir si la personne dont les déplacements ont été surveillés clandestinement avait, dans des circonstances données, une attente raisonnable quant au respect de sa vie privée ne doit pas dépendre de la mesure dans laquelle cette personne a pris des mesures pour soustraire ses activités à la vue d'autrui. Si tel devait être le cas, les conséquences dans la cohue de la vie moderne seraient inacceptables. Nous serions effectivement dépouillés de notre droit à la protection contre la surveillance électronique dès lors que nous quittons notre demeure, puisqu'il suffit de réfléchir un instant pour se rendre compte que beaucoup, sinon la majorité, de nos occupations quotidiennes se déroulent inévitablement à la vue d'autrui. Que les agents de l'État puissent, de ce seul fait, se livrer en toute impunité à la surveillance électronique de nos allées et venues est tout simplement impensable dans une société libre et ouverte comme la nôtre44. »

Si j'ai raison de dire que la surveillance vidéo générale viole une attente raisonnable en matière de vie privée, alors il s'ensuit presque inexorablement qu'elle viole l'article 8 de la Charte. Toute violation d'une attente raisonnable en matière de vie privée est, par définition, une « fouille ou perquisition45 ». Une des conditions préalables pour qu'une recherche soit valide est qu'elle doit être autorisée par la loi46. Comme je l'ai mentionné, il n'y a pas de pouvoir statutaire pour ce genre de fouille ou de perquisition. Et il est douteux que la surveillance vidéo générale soit englobée par un pouvoir de fouille de perquisition selon la common law47. Mais même si la surveillance vidéo générale était autorisée par la common law, cette autorisation ne résisterait probablement pas à l'examen de la Charte. Les « fouilles ou perquisitions » par surveillance vidéo à Kelowna sont loin de répondre aux critères du raisonnable qui ont été formulés dans Hunter : elles n'étaient pas autorisées par un arbitre neutre et n'étaient pas justifiées par des motifs raisonnables. Même si l'on suppose que, en raison du caractère atténué de l'attente raisonnable en matière de vie privée dans les lieux publics, la surveillance vidéo générale pourrait ne pas attirer toute la panoplie de protections prévues dans Hunter, l'absence complète de normes pour motif raisonnable et de droit de regard rendent cette surveillance constitutionnellement invalide. Tout arrêt judiciaire selon lequel la surveillance vidéo générale non réglementée viole une attente raisonnable en matière de vie privée risque très peu de conclure qu'elle représente une violation raisonnable de la vie privée48.

En résumé, je suis d'avis que le type de surveillance vidéo employé à Kelowna, avec ou sans enregistrement continu, viole l'article 8 de la Charte. Cela ne veut pas dire que toutes les formes de surveillance vidéo sans mandat sont nécessairement anticonstitutionnelles. Comme je l'ai mentionné, la surveillance d'individus donnés dans des lieux publics peut être permissible. Et il peut y avoir des situations où des formes limitées de surveillance générale sont justifiées, par exemple, la surveillance en temps limité d'un événement nécessitant une grande sécurité49. Je m'abstiens de commenter davantage la possibilité de l'absence de scénario factuel concret. Il devrait suffir de dire que, à mon avis, le type de surveillance vidéo générale effectuée à Kelowna viole l'article 8 de la Charte.

Compétence

La dernière question à examiner est celle de savoir si le solliciteur général a le pouvoir de réglementer l'utilisation de la surveillance vidéo par la GRC. Le solliciteur général aurait, semble-t-il, déclaré que, parce que la GRC à Kelowna est sous contrat avec la municipalité, il n'a pas compétence pour ordonner le retrait de la caméra vidéo. Je conviens avec vous que cette conclusion est erronée. Il est vrai que la GRC est soumise aux directives du procureur général de la province pour la prestation des services contractuels de police aux provinces et aux municipalités50. Mais la GRC est aussi soumise à l'autorité du solliciteur général fédéral51. En effet, la Cour suprême du Canada a statué maintes fois que, dans les questions touchant « l'administration et la gestion » de la GRC, le gouvernement fédéral a compétence exclusive52. Cette compétence est expressément reconnue, comme vous le dites dans votre lettre au solliciteur général, dans l'entente sur les services de police municipaux conclue entre la Colombie-Britannique et le Canada. Et, comme la Cour l'a déclaré dans Keable, les « méthodes » de la police sont un « aspect important de son administration53 ». Il ne fait aucun doute non plus que le solliciteur général a le pouvoir de réglementer l'utilisation de la surveillance vidéo par la GRC.

Conclusions

Il devrait être apparent que je partage vos préoccupations concernant les dangers de la surveillance vidéo générale. Il n'est pas possible de prédire avec certitude comment les tribunaux traiteront ce phénomène, mais la Cour suprême s'est montrée sensible, par le passé, au danger que les technologies représentent une menace d'intrusions massives possibles dans la vie privée, que soulève clairement cette forme de technologie. À mon avis, l'analyse juridique qui précède établit solidement que :

  1. la surveillance vidéo générale à enregistrement continu viole la Loi sur la protection des renseignements personnels;
  2. la surveillance vidéo générale, avec ou sans enregistrement, viole l'article 8 de la Charte; et
  3. le solliciteur général a le pouvoir de réglementer l'utilisation de la surveillance vidéo par la GRC.

J'ose espérer que cette analyse vous sera utile.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

STEWART McKELVEY STIRLING SCALES

Gérard V. La Forest

GVL/sem

1. (Ottawa : Information Canada, 1976) à 5-6.

2. W. Gelhorn, Individual Freedom and Government Restraint (Baton Rouge : Louisiana State University Press, 1956) à 39-40, cité dans R. c. Landry [1986] 1 R.C.S. 145 à 188, juge La Forest, en dissidence. Landry était une affaire de common law. La grande ligne de force de la dissidence a été plus tard acceptée aux fins de la Charte par la Cour suprême du Canada dans R. c. Feeney, [1997] 1 R.C.S., 13.

3. [1997] 2 R.C.S. 403 à par. 65, juge La Forest, en dissidence. Noter que la majorité de la Cour était expressément d'accord sur cette partie de mes motifs.

4. Alan F. Westin, Privacy and Freedom (New York Atheneum, 1970), p. 349-350. Voir aussi R. c. Dyment [1988] 2 R.C.S. 417 à 427-428.

5. L.R.C. 1985, ch. P-21.

6. L.R.C. 1985, ch. C-46.

7. Loi sur la protection des renseignements personnels, art. 3 et annexe.

8. À cet égard, la Loi sur la protection des renseignements personnels diffère de son complément plus récent qu'est la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5, qui s'applique aux entités du secteur privé sous réglementation fédérale. Comme vous l'avez observé dans vos conclusions concernant la plainte contre Centurion Security Services Co. Ltd. de Yellowknife, la définition de « renseignements personnels » à l'article 2 de cette deuxième loi n'exige pas que les renseignements soient enregistrés.

9. Supra à par. 68.

10. Ibid.

11. Ibid.

12. Supra, par. 64-67.

13. [1990] 1 R.C.S. 30 à 44.

14. [1990] 3 R.C.S. 36 à 48 [les italiques sont de moi].

15. Code criminel, par. 487.01(4). Cette disposition précise par ailleurs que les mandats de surveillance vidéo doivent « énoncer les modalités que le juge estime opportunes pour s'assurer de ce respect autant que possible. »

16. Voir R. c. Landry, [1986] 1 R.C.S., 145, juge La Forest, en dissidence.

17. 389 U.S. 347 (1967).

18. Ibid. à 351.

19. Selon l'article 8 de la Charte, « [c]hacun a droit à la protection contre le fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. »

20. [1984] 2 R.C.S. 145.

21. [1993] 3 R.C.S. 281 à 291.

22. [1988] 2 R.C.S. 417 à 426.

23. Hunter, supra à 159-160.

24. Voir R. c. M.(M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393 à par. 31; R. c. Edwards, [1996] R.C.S. 128 à par. 30; R. c. Colarusso, [1994] 1 R.C.S. 20 à 54; Wong, supra à 62.

25. Duarte, supra à 43-44.

26. Wong, supra à 47 [les italiques sont de moi].

27. Voir R. c. Elzein (1993), 82 C.C.C. (3d) 455 (C.A. Qué.), permission d'en appeler à la C.S.C. refusée 84 C.C.C. (3d) vi.

28. M. Gutterman, « A Formulation of the Value and Means Models of the Fourth Amendment in the Age of Technologically Enhanced Surveillance » (1988), 39 Syracuse L. Rev. 647 à 706; cité dans R. c. Wise, [1992] 1 R.C.S. 527 à 558, juge La Forest, en dissidence.

29. Wise, supra à 563-564

30. 373 U.S. 427 à 465, juge Brennan, en dissidence.

31. Ibid.

32. [1990] 2 R.C.S. 1111 à 1143.

33. Ibid. à 1168.

34. Voir Flaherty, supra.

35. Supra à 186. Voir aussi mes motifs de dissidence dans R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341 à par. 116.

36. [1990] 3 R.C.S. Voir aussi R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223.

37. [1992] 1 R.C.S. 527.

38. Ibid. à 535.

39. Ibid. à 534.

40. Dans mes motifs de dissidence dans Wise, j'ai chaudement contesté la notion selon laquelle la perquisition était « une intrusion simplement minimale ».

41. Wong, supra à 45-46.

42. Edwards, supra.

43. Voir, en général, S. Hutchison, J. Morton et M. Bury, Search and Seizure Law in Canada (Scarborough : Carswell, 1993) à 1-12 (feuilles détachées).

44. Wise, supra à 564-565.

45. Wise, supra à 533.

46. R. c. Collins, [1987], 1 R.C.S. 265.

47. Un candidat possible est la doctrine controversée des « pouvoirs accessoires » retenue dans R. c. Dedman (1985), 46 C.R. 193 (S.S.C.) et R. c. Godoy (1998), 21 C.R. (5th) 205 (C.S.C.).

48. Voir Edwards, supra à par. 33.

49. Par exemple, dans Brown c. Durham Regional Police Force (1998), 131 C.C.C. (3d) 1 (C.A. de l'Ont.), la Cour a déterminé que l'enregistrement magnétoscopique des membres d'une bande de motards à un arrêt selon le Code de la route sur une route publique ne violait pas la Charte. Sans commenter le bien-fondé de cette décision, je note que l'arrêt a été établi pour une période limitée, et que son objet était de permettre de faire enquête sur les personnes assistant à une réunion de la bande. Je note également que la Cour, dans R. c. McCurrach, 2000 ABPC 127, [2000] A.J. no 966 (QL) aux par. 230-234, en est venue à une conclusion différente dans des circonstances très semblables.

50. Voir Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, vol. 1 (Scarborough : Carswell, 1997) à 19-10 (feuilles détachées).

51. Voir Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, par. 5(1).

52. Québec (procureur général) et Keable c. Canada (procureur général), [1979] 1 R.C.S. 218 à 242. Voir aussi Alberta (procureur général) c. [1981] 2 R.C.S. 267. Cette juridiction découle du pouvoir du Parlement en matière de « loi criminelle » et de « procédure en matière criminelle ». Voir Loi constitutionnelle de 1867, par. 91(27).

53. Keable, supra à 242.