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L'avènement du dossier de santé électronique (DSE) dans le contexte juridique et politique actuel

Conférence sur la protection des renseignements personnels et les dossiers de santé électroniques

Le 30 novembre 2005
Ottawa (Ontario)

Allocution prononcée par Patricia Kosseim
Avocate générale, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada*


Introduction

La promesse de systèmes de dossiers de santé électroniques (DSE) pancanadiens et compatibles offre une occasion extraordinaire de relever les défis modernes associés à notre réseau de la santé. Parmi les avantages qui peuvent en découler, mentionnons une qualité, une rapidité, une accessibilité et une efficience accrues des soins de santé fournis aux patients et dans l’ensemble du réseau. Ces avantages sont particulièrement attrayants à la lumière des débats actuels à propos de la capacité soutenue des gouvernements de se décharger adéquatement de leurs responsabilités au moyen des ressources du secteur public. Cependant, les problèmes associés à la protection des renseignements personnels, même s’ils ne sont pas nécessairement insurmontables, doivent être compris par davantage de gens et coordonnés d’une frontière juridictionnelle à l’autre. L’application des principes fondamentaux de la protection des renseignements personnels, comme la « reddition de comptes », « l’ouverture d’esprit », « la détermination des objectifs » et « le consentement », doit être adaptée non seulement au traitement des DSE, mais aussi à la vision plus large d’une infostructure pancanadienne de la santé, dont les DSE ne constituent qu’un élément, aussi critiques soient‑ils. Loin de constituer des obstacles techniques et juridiques, ces concepts – et la façon dont ils sont compris mutuellement et appliqués à la réalité – permettront de paver la voie vers une meilleure confiance du public.

La vision d’une infostructure pancanadienne de la santé

Toute analyse des DSE serait incomplète si l’on ne faisait pas référence à la vision originale d’une infostructure pancanadienne de la santé, dont les systèmes de dossiers de santé électroniques compatibles constituent une partie importante. Le ministre de la Santé a demandé au Conseil consultatif sur l’infostructure de la santé d’examiner la façon dont les technologies et les systèmes d’information pourraient mieux soutenir des décisions éclairées et les promouvoir auprès des professionnels de la santé, des administrateurs, des planificateurs, des décideurs et des Canadiennes et des Canadiens. Dans son rapport final intitulé Inforoute Santé du Canada : Voies vers une meilleure santé1 publié en février 1999, le Conseil consultatif a élaboré une vision concernant une infostructure pancanadienne de la santé (« Inforoute Santé du Canada ») :

L’Inforoute Santé du Canada aide les personnes et les collectivités à faire des choix avisés au sujet de leur propre santé, de celle des autres et du système de santé canadien. Dans un cadre permettant de renforcer la protection de la vie privée, elle s’appuie sur les infostructures fédérales, provinciales et territoriales pour améliorer la qualité et l’accessibilité des soins de santé et permettre l’offre de services de santé intégrés. Elle fournit l’information et les services qui sont les bases même de la responsabilisation, de l’amélioration continue des soins de santé et d’une meilleure compréhension des déterminants de la santé des Canadiennes et des Canadiens.2

Cette vision était accompagnée de quatre objectifs stratégiques :

  1. Responsabiliser la population en fournissant aux Canadiennes et aux Canadiens un accès équitable et abordable à des informations crédibles en les aidant à choisir un mode de vie sain et en les responsabilisant afin qu’ils puissent demander des comptes au réseau de la santé et contribuer à l’élaboration des politiques concernant la santé.
  2. Renforcer et intégrer les services de santé en fournissant aux professionnels de la santé et fournisseurs de soins de santé les outils de communication et d’information dont ils ont besoin, et soutenir l’environnement nécessaire à l’amélioration de la qualité, de l’accessibilité, de la transférabilité et de l’efficience des services de soins de santé.
  3. Créer des ressources d’information stratégiques afin de s’assurer que le réseau de la santé canadien continue de s’améliorer et rende des comptes aux Canadiennes et aux Canadiens, notamment grâce à l’intégration de données normalisées permettant des comparaisons et de nouvelles données, une application nouvelle ou plus grande des données, la connectivité et l’échange de données, de meilleures compétences analytiques et une diffusion améliorée des résultats.
  4. Améliorer la protection des renseignements personnels en harmonisant les règles législatives des secteurs public et privé concernant l’utilisation de renseignements personnels sur la santé, les soins de santé et d’autres utilisations secondaires, comme la recherche médicale.

Les dossiers de santé électroniques : la première composante de base

Les dossiers de santé électroniques sont au cœur de la vision d’une infostructure pancanadienne de la santé et essentiels à la réalisation de ses quatre objectifs stratégiques.

Le Conseil estime que, si on y consacre des efforts particuliers, les dossiers de santé électroniques peuvent améliorer la protection des renseignements personnels et les soins donnés aux patients. Ils peuvent favoriser l’implantation de la télésanté, responsabiliser les membres de la population en leur permettant d’avoir une meilleure maîtrise de leurs dossiers de santé et servir de base à un système de santé s’appuyant sur des données éprouvées et sans cesse améliorées.3

Le Conseil a examiné les utilisations possibles des DSE pour la recherche fondée sur des renseignements qui peuvent permettre d’identifier un patient, à condition que la panoplie complète des principes d’équité en matière d’information, y compris l’examen indépendant, la supervision et la vérification, soit respectée.

En octobre 1999, les participants à la Conférence des sous‑ministres de la Santé ont chargé le Comité consultatif fédéral, provincial et territorial sur l’infostructure de la santé (CCIS) d’élaborer un plan directeur et un plan tactique visant à mettre en œuvre une infostructure pancanadienne de la santé.

Le plan directeur et le plan tactique pour l’infostructure pancanadienne de la santé, publiés en 20004 (et mis à jour par la suite en 20015), faisaient la promotion d’une approche progressive à l’égard de l’élaboration de l’infostructure. Les auteurs recommandaient que l’élaboration de dossiers de santé électroniques constitue l’initiative tactique prioritaire. Les DSE étaient considérés comme la pierre angulaire de l’infostructure pancanadienne de la santé. Ils ont aussi examiné avec précision d’autres composantes de base complémentaires ou interdépendantes, dont l’élaboration et la mise en place d’autres archives de données ainsi que les systèmes et mécanismes nécessaires permettant une extraction, une transmission et une transformation rapides des données cliniques des DSE dans d’autres archives de données locales, provinciales et/ou territoriales afin de soutenir la surveillance de la santé et la recherche médicale.6

La création d’Inforoute Santé du Canada Inc.

Le 11 septembre 2000, les premiers ministres se sont engagés à mettre en œuvre un certain nombre de priorités clés afin d’assumer plus efficacement leurs responsabilités en matière de santé7. Parmi ces engagements, mentionnons celui de collaborer pour renforcer une infostructure pancanadienne de la santé afin d’améliorer la qualité, l’accessibilité et la rapidité des soins de santé offerts aux Canadiennes et aux Canadiens, ainsi que l’élaboration de dossiers de santé électroniques.

Inforoute Santé du Canada Inc. (ci-après appelée « Inforoute ») a été créée en janvier 2001 en réaction à cet engagement ministériel. Constituée en organisation indépendante sans but lucratif, Inforoute a pour mandat de renforcer et de coordonner les systèmes d’information de la santé  à travers le Canada afin d’améliorer l’efficience, la rentabilité, l’accessibilité, la qualité et la sécurité du secteur de la santé. Inforoute compte parmi ses membres les sous‑ministres de la Santé des autorités fédérales, provinciales et territoriales du Canada. Dès sa création, Inforoute a reçu un montant initial de 500 millions de dollars du gouvernement du Canada afin « de favoriser et accélérer, à l’échelle pancanadienne, l’élaboration et l’adoption de systèmes d’information électroniques sur la santé, de normes et de technologies de communication compatibles, afin de procurer des avantages tangibles aux Canadiens ».

Soutien à Inforoute renforcé par le mouvement pour une réforme plus approfondie du réseau de la santé

En octobre 2002, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié son rapport final sur le système de soins de santé au Canada, intitulé La santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral8 (ci-après appelé le « rapport Kirby »), dans lequel il formulait les commentaires suivants à propos des dossiers de santé électroniques :

…le système de DSE représente la première étape d’un processus de collecte de renseignements sur la santé qui permettra de prendre des décisions fondées sur des données probantes dans l’ensemble du système de soins de santé. Un système de DSE offre d’énormes possibilités pour réaliser l’intégration des divers éléments du système de soins de santé du Canada, actuellement cloisonné.

Tout système de DSE possède l’importante caractéristique suivante : il permet aux fournisseurs de soins de santé et aux établissements, où qu’ils se trouvent, d’accéder au besoin à des renseignements sur les patients, grâce à l’interconnexion de base de données interopérables qui respectent les normes nécessaires en matière de technique et de données. Un tel système permet non seulement d’accroître sensiblement la qualité de la prestation et la rapidité d’accès aux soins, mais il permet aussi d’améliorer la gestion et l’efficacité du système de soins de santé de même que la reddition de comptes à son égard. De plus, les données recueillies grâce à un système de DSE peuvent être très utiles aux fins de la recherche en santé9.

À la lumière de l’importante fonction des systèmes de dossiers de santé électroniques dans le vaste concept de la réforme des soins de santé, le rapport Kirby réclamait qu’un soutien financier supplémentaire soit accordé à Inforoute.

En novembre 2002, la Commission Romanow a publié Guidé par nos valeurs : l’avenir des soins de santé au Canada10 (ci-après appelé le « rapport Romanow »), mettant l’accent sur l’importance des dossiers de santé électroniques, qui constituent « l’une des clés de la modernisation du système canadien de santé et de l’amélioration de son accès et de ses retombées pour tous les Canadiens »11. Dans son rapport, M. Romanow poursuit en affirmant qu’« un système national de dossiers de santé électroniques comporte des avantages considérables pour tous les Canadiens, les dispensateurs de soins, les chercheurs et l’ensemble du système de santé »12. Il recommande que

« Inforoute Santé du Canada [continue] de coordonner l’établissement d’un cadre national pour les dossiers de santé électroniques, à partir des systèmes provinciaux, en veillant à l’interopérabilité des divers systèmes électroniques actuels d’information sur la santé et en tenant compte de certaines questions telles que l’harmonisation de la politique de protection de la vie privée et les normes de sécurité »13.

Inforoute Santé du Canada adopte une stratégie de développement progressive

Grâce à son mandat élargi et au budget qui y est associé, Inforoute est très bien placée pour mener et orienter le développement, la coordination et l’intégration des infostructures de santé du pays et avoir une influence sur celles‑ci. Cela repose sur les investissements stratégiques qu’Inforoute choisit de faire ainsi que sur les conditions et les mesures incitatives qui y sont associées.

Un examen des rapports annuels et des plans d’activités d’Inforoute à partir du moment de sa création en janvier 2001 jusqu’à ce jour révèle l’adoption délibérée d’une stratégie progressive concernant son mandat – la même approche progressive qui a été recommandée dans le Plan directeur et Plan tactique pour l’infostructure pancanadienne de la santé14.

Tout en endossant son mandat élargi dans son premier rapport annuel de 2001-02,15 Inforoute a déterminé qu’une partie de ce mandat constituait une priorité stratégique immédiate : l’élaboration et la mise en œuvre de solutions compatibles concernant les DSE :

Dans un premier temps, le développement et la mise en œuvre de solutions interopérables en matière de DSE à l’échelle du pays engendreront une amélioration du système de santé et profiteront et aux patients et aux prestateurs. Comme le fait remarquer le Comité consultatif sur l’infostructure de la santé, des solutions en DSE à l’échelon clinique répondront aux exigences concernant la coordination de l’évaluation d’un patient, des traitements et des analyses, et seront à la base de l’amélioration de la qualité et de la continuité des soins offerts par les cliniciens… Le rôle d’Inforoute est de diriger, faciliter, promouvoir et favoriser le développement et l’adoption accélérés d’une infostructure pancanadienne en santé, axée au départ sur des solutions interopérables en matière de dossiers de santé électroniques.16

Inforoute, ainsi qu’il a été établi dans le Rapport annuel de 2002-03,17 a pour objectif de mettre en place des DSE pour la moitié de la population du pays d’ici la fin de 200918. Dans le cadre de cet objectif, l’organisation a d’abord déterminé cinq composantes de base ou programmes d’investissement cibles, qui visent principalement à faciliter l’élaboration des DSE pour des raisons de soins et de traitement. Ces composantes de base comprennent l’établissement de ce qui suit :

  • une architecture de solutions commune et les normes communes nécessaires pour assurer la compatibilité entre les systèmes de DSE
  • un registre de clients, un registre de fournisseurs et un registre d’emplacements (semblables aux pages blanches, aux pages jaunes et aux pages bleues de l’annuaire téléphonique)
  • des systèmes d’information sur les médicaments
  • des systèmes d’imagerie diagnostique
  • des systèmes d’information sur les laboratoires19

En février 2003, le gouvernement du Canada a augmenté de 600 millions de dollars son investissement dans Inforoute et a élargi le mandat de cette dernière pour y inclure ce qui suit :

  • élaboration d’une stratégie de télésanté visant à fournir à distance des compétences et des services en matière d’information sur la santé à divers emplacements20

En mars 2004, le gouvernement du Canada a encore une fois augmenté son investissement dans Inforoute, en consacrant 100 millions de dollars supplémentaires à l’élaboration, en collaboration avec les autorités fédérales, provinciales et territoriales :

  • d’un système de surveillance de la santé publique intégré en vue d’adopter une approche à long terme, cliniquement solide et permanente afin de soutenir les besoins en santé publique croissants du Canada21

Plus récemment, dans son plan d’activités de 2005‑2006, l’organisme a souligné l’une des mesures qu’il a déterminées :

  • continuer d’élargir le cercle en mobilisant « de nouveaux groupes d’intervenants (p. ex., patients, chercheurs) pour accroître la portée des solutions de dossiers de santé électroniques »22

On pourrait mentionner un certain nombre de bonnes raisons d’adopter une approche progressive à l’égard de l’élaboration d’une infostructure pancanadienne de la santé. Tout d’abord, une telle approche permettrait à Inforoute de relever les importants défis auxquels elle fait face sur le plan de la gestion du changement. Dans tous ses documents stratégiques, l’organisation a constamment souligné l’importance de l’acceptation par les utilisateurs finaux comme facteur de succès critique. Durant les premières étapes, ses efforts se sont concentrés sur la nécessité de promouvoir et de faciliter le ralliement des fournisseurs de soins de santé afin de les amener à utiliser et à adopter les technologies de l’information plus facilement qu’ils ne seraient portés à le faire. La mise en œuvre de solutions relatives aux DSE qui touchent plus directement la routine quotidienne des fournisseurs ont un impact direct sur leurs pratiques professionnelles et les amènent à participer, à titre de principaux intervenants, au processus d’élaboration et pourrait être une bonne façon de commencer à modifier les attitudes, les cultures et les comportements.23

Une autre raison possible peut être attribuée à une deuxième orientation stratégique déterminée par l’organisation : protéger et mettre à profit les initiatives existantes afin d’augmenter les investissements, d’établir un pont entre les juridictions et de fusionner les réseaux existants pour former un ensemble harmonieux. Il se peut très bien que bon nombre des initiatives existantes locales, provinciales/territoriales ou régionales soient en fait des initiatives concernant les DSE ou les Dossiers médicaux électroniques (DME) qu’Inforoute a entrepris de préserver, d’améliorer et de coordonner dans le cadre d’une première étape d’une infostructure de la santé pancanadienne. Effectivement, la concentration stratégique d’Inforoute peut-être une image miroir de l’approche incrémentale déjà utilisée par les juridictions qui développent et utilisent actuellement des DSE.24

En ce qui concerne l’approche progressive, une troisième possibilité pourrait concerner la façon dont l’architecture structurelle de l’infostructure de la santé pancanadienne est conçue et planifiée. Dès les premières phases de planification, on a reconnu qu’il n’était ni faisable ni souhaitable d’établir un entrepôt unique et national de données cliniques sur tous les Canadiennes et les Canadiens.25 On envisage plutôt d’intégrer des systèmes, des registres et des entrepôts compatibles qui peuvent être connectés et essentiellement communiquer entre eux grâce à des passerelles. On désigne le DSE proprement dit comme la première « composante de base » essentielle, la « pierre angulaire », l’« élément central » d’une infostructure de la santé pancanadienne. Le cadre et l’architecture qu’Inforoute a élaborés en juillet 2003 (« l’Architecture du SDSE ») pour orienter l’élaboration de solutions relatives aux DSE au Canada décrivaient le DSE comme suit :26

Le DSE sera l’instrument d’intégration qui permettra aux données et aux informations de circuler d’un sous‑réseau de la santé à un autre. Nous avons été témoins de changements radicaux au chapitre des besoins en santé des collectivités au cours des dernières années. Si le réseau de la santé en général et les autorités fédérales, provinciales et territoriales en particulier souhaitent répondre avec rapidité et souplesse aux nouveaux besoins en santé, il leur faut un concept permettant de déplacer des données. Ce concept est le dossier de santé électronique.27

Une autre possibilité qui pourrait, à elle seule ou combinée avec d’autres, permettre d’expliquer l’adoption de cette stratégie progressive est le besoin déterminé de gagner graduellement la confiance du public au fil du temps, en commençant par des parties de la vision d’ensemble qui peuvent présenter des avantages tangibles pour les patients. Théoriquement, les gens pourraient en venir à mieux accepter les phases progressives de la vision globale concernant l’infostructure de la santé pancanadienne grâce à la confiance que ses concepteurs peuvent inspirer et mettre à profit au cours des premières phases, dans l’espoir d’accroître cette confiance durant les phases subséquentes.28

L’approche progressive et l’importance de la protection des renseignements personnels

Si raisonnable soit-elle du point de vue des activités, l'approche progressive à l’égard de l’élaboration de l’infostructure de la santé pancanadienne a d’importantes répercussions sur la protection des renseignements personnels.

Il ne fait aucun doute que l’importance de la protection des renseignements personnels est mentionnée de façon évidente dans tous les documents clés qui décrivent la vision stratégique de l’ensemble ou d’une partie de l’infostructure de la santé pancanadienne.

En plus des rapports et documents fondamentaux déjà examinés ci-dessus, Inforoute a défini sa propre vision comme suit :

Établir un système de soins de santé canadien efficace, viable et de grande qualité, appuyé par une infostructure pancanadienne qui fournira aux résidants du Canada ainsi qu’à leurs prestateurs de soins un accès rapide, opportun et sécuritaire aux renseignements voulus, quel que soit le moment ou l’endroit où ils sont pris en charge par le système de soins de santé. Le respect de la protection de la vie privé est primordial à cette vision.29

L’une des conclusions des forums destinés aux intervenants régionaux qu’Inforoute a organisés partout au pays au cours de sa première année est la suivante : « la nécessité de garantir la sécurité et la confidentialité de l’information, en mettant au point une approche cohérente et harmonisée, s’appuyant sur des technologies clés ».30 Dans son document sur l’Architecture du SDSE, Inforoute énonce une série de questions auxquelles il importe de répondre avec constance et affirme que la « protection et la sécurité des renseignements personnels constituent des exigences critiques en ce qui concerne le DSE, et qu’il est généralement entendu que le concept de DSE ne sera pas réalisable à moins que l’on tienne entièrement compte de la sécurité et de la protection des renseignements personnels ».31

Compte tenu de son rôle de chef de file, Inforoute a une chance unique d’avoir son mot à dire sur l’ampleur des mesures de protection de la vie privée et de sécurité qui seront appliquées aux systèmes d’information électroniques sur la santé à tous les niveaux. Inforoute peut le faire par le truchement des conditions minimales qu’elle fixe et associe à ses investissements stratégiques. En effet, Inforoute a déterminé et décrit des critères de protection des renseignements personnels et de sécurité relatifs à un DSE compatible.

Pour compléter ces exigences, Inforoute a récemment lancé l’Architecture de protection de la vie privée et de sécurité (APVPS) de l’Infostructure du dossier de santé électronique (iDSE)32 Architecture conceptuelle de protection de la vie privée et de sécurité (APVPS)  destinée aux fournisseurs ainsi qu’aux développeurs et aux administrateurs de systèmes, qui établit une série de services sous forme de modèles différents et d’options possibles dans le but de satisfaire aux critères de sécurité et de protection des renseignements personnels. Même si l’APVPS est délibérément orientée vers l'avenir et qu'elle décrit un avenir souhaité au chapitre de l’infostructure du DSE, cet avenir est tout de même axé principalement sur les soins de santé et les traitements. On ne décrit pas complètement les critères et les systèmes nécessaires pour recueillir, utiliser et communiquer des renseignements personnels sur la santé par le truchement du DSE aux fins de surveillance ou de recherche relatives à la santé, ce qui laisse de nombreuses questions en suspens sur la façon dont la protection des renseignements personnels sera gérée dans l’ensemble de l’infostructure de la santé pancanadienne.

Au cours des prochaines minutes, j’aimerais aborder certaines de ces questions qui, je l’espère, pourraient être prises en compte dans un cadre de protection de la vie privée plus complet et plus significatif – sans doute dans la prochaine version de l’APVPS – qui tiendrait compte davantage du plus grand usage que l’on fera très certainement des dossiers de santé électroniques.

1. La reddition de comptes

Le tout premier principe d’équité en matière d’information du Code type sur la protection des renseignements personnels de la CSA (CAN/CSA‑Q830‑96),33 intégré à la loi depuis 2000,34 est celui de la reddition de comptes. « L’organisation est responsable des renseignements personnels dont elle a la gestion et doit désigner une ou des personnes qui devront s’assurer du respect des principes [d’équité en matière d’information]. » référence?

Comment peut-on donner un effet significatif au principe de reddition de comptes dans la vision élargie d’une infostructure de la santé pancanadienne?

Comment la responsabilité sera-t-elle répartie de façon réaliste entre les organisations qui possèdent des éléments de l’infostructure du DSE et celles qui sont branchées à l’infostructure? Dans le cas d’une infraction majeure, le système pourra-t-il déterminer le problème précis? Qui assumera le fardeau de devoir trouver ce qui s’est passé? La collectivité d’organisations concernées ou le patient lui-même? Si le problème ne peut être attribué à une organisation spécifique, les organisations seront-elles toutes tenues conjointement responsables? Qui aura l’obligation d’aviser les patients de l’infraction si ces derniers doivent obligatoirement en être informés?

Quand on élargira le groupe d’utilisateurs de l’infostructure du DSE (iDSE) pour permettre à des professionnels de la santé non réglementés, comme les chercheurs, d’avoir accès aux données des DSE, comment choisirons-nous ces chercheurs? Les chercheurs commerciaux feront-ils partie de ces utilisateurs?

Comment les utilisations de la recherche seront-elles régies? Quelle sera la passerelle? L’organisation où se trouve le serveur ou certains de ses éléments (comme un organisme ou un ministère gouvernemental ou une grande institution financée par les deniers publics) agira-t-elle comme passerelle pour s’assurer que les chercheurs obtiennent des données conformément aux exigences législatives de la juridiction applicable? Quelles sont les règles des juridictions qui s’appliqueront, étant donné surtout que les modèles auxquels on fait référence dans l’Architecture du SDSE sont axés sur diverses possibilités, y compris la mise sur pied de services communs dans deux provinces ou plus, ou même sur la possibilité que des éléments spécifiques du SDSE (des répertoires de domaines, par exemple) soient partagés par deux juridictions.

La passerelle sera-t-elle située au point de service proprement dit (comme un hôpital, une clinique ou le cabinet d’un médecin), conformément aux exigences législatives applicables à cet endroit?

Par contre, l’Architecture du SDSE (tout comme le plan directeur et le plan tactique du CCIS précédents) semble soutenir un déplacement de masse des données des DSE vers diverses infostructures de recherche sur la santé. L’Architecture précise ce qui suit :

« Les données entreposées dans l’infostructure du DSE seront optimisées pour que les professionnels de la santé puissent avoir accès aux données du patient/de la personne afin de pouvoir lui offrir des services. Cela n’est habituellement pas très favorable aux types d’application de la recherche et de l’analyse statistique où l’on doit effectuer des requêtes dans de grands sous-ensembles de données. Dans la plupart des cas, pour soutenir les objectifs de recherche et d’analyse, il est entendu que l’approche privilégiée serait d’extraire de grands ensembles de données de l’infostructure du DSE et de charger ces données dans des entrepôts de données distincts optimisés pour la recherche ».35

En vertu de quel pouvoir les données seront-elles autorisées à être déplacées du DSE vers des entrepôts distincts de données sur la recherche? Quels sont ces magasins de données distincts? Comment leur légitimité sera-t-elle reconnue? Y aura-t-il un processus d’accréditation, de certification ou d’identification mis en place? Qui sera responsable des données? Est-ce ces reposoirs de données de recherches séparées qui serviront de passerelle d'accès? Quelles règles des juridictions s’y appliqueront?

Quel rôle joue Inforoute dans tout cela? À titre d’investisseur stratégique délégué de 1,2 milliard de dollars provenant des contribuables, « Inforoute est le premier responsable de l’établissement des orientations stratégiques pour l’élaboration du DSE afin d’accélérer sa mise en œuvre et d’accroître sa diffusion ».36 Même si Inforoute accorde de la souplesse aux organisations, elle a « l’occasion et l’obligation d’orienter le développement des TI pour les soins de santé au Canada »,37 notamment, dirais-je, en fournissant l’orientation politique en ce qui concerne les exigences relatives à la sécurité et à la protection des renseignements personnels. Même si, en bout de ligne, il incombe à chaque juridiction de déterminer l’orientation politique par le truchement de lois, il doit y avoir un leadership pour transposer ces mesures législatives en orientations pratiques et raisonnables pour les fournisseurs et les développeurs afin que l’on puisse cerner les règles les plus rigoureuses en matière de circulation transfrontalière des données et essayer de les faire observer. Une telle orientation politique pourrait prendre la forme de pratiques exemplaires ou de conditions de financement réelles et être accompagnée dans l’un ou l’autre des cas par la diligence raisonnable nécessaire pour promouvoir cette politique et la faire respecter.

À condition qu’il soit appliqué de façon harmonieuse, on peut admirer le modèle corporatif fédéral‑provincial/territorial d’Inforoute pour sa souplesse et sa capacité d’aller de l’avant en misant sur la collaboration. Mais si quelque chose tourne mal, une importante fuite de données, par exemple, qui sera tenu responsable? La responsabilité sera‑t-elle déterminée en fonction de l’endroit où a eu lieu la fuite? Si la fuite a eu lieu au moment où les renseignements traversent les frontières provinciales, le gouvernement fédéral sera‑t‑il tenu responsable? Dans l’affirmative, comment le principe de la reddition de comptes ministériels de 1,2 milliard de dollars des contribuables peut-il correspondre à un modèle ministériel qui accorde au ministre fédéral de la Santé la responsabilité d’à peine le quatorzième du processus de prise de décisions?

Les autorités fédérales, provinciales et territoriales seront-elles tenues également responsables de l’argent investi et des orientations stratégiques fournies par Inforoute en vertu de leur représentation au conseil d’administration de cette organisation? Qu’arrivera-t-il en 2009, lorsque le 1,2 milliard de dollars aura été dépensé et que 50 % des Canadiennes et des Canadiens posséderont un DSE (l’objectif visé)? Inforoute sera-t-elle dissoute? Qui assurera la continuité du leadership?

Quel est le rôle des organismes qui supervisent la protection des renseignements personnels dans tout cela? Leur accordera-t-on un rôle consultatif dans les Évaluations des facteurs relatifs à la vie privée (ÉFVP) des systèmes de DSE? Hériteront-ils du rôle de vérification? Le Commissariat de chacune des juridictions dispose-t-il des ressources nécessaires pour jouer ce rôle à l’échelle pancanadienne?

De manière plus général, consultera‑t-on sérieusement les intervenants et le public afin de déterminer les usages et les communications qui devraient être permis et à quelles conditions? Des efforts continus et concertés seront‑ils déployés en vue d’harmoniser les lois pertinentes du pays pour établir une toile de fond commune, dans la foulée du Cadre pancanadien de protection de la confidentialité des renseignements personnels sur la santé adopté à la Conférence des sous‑ministres de la Santé en février 2005?38

Un bon nombre de ces questions, malgré leur nature fondamentale, n’ont pas encore été abordées. Tel que noté dans l’APVPS :

Ce document continue d’évoluer grâce à la collaboration et à la consultation de spécialistes en informatique de la santé canadiens et de représentants des soins de santé des juridictions fédérales, provinciales et territoriales ainsi que des professionnels, et on s’attend à parvenir à un large consensus à propos de l’Architecture de protection de la vie privée et de sécurité. Néanmoins, il faudra en définitive résoudre la question qui consiste à déterminer exactement comment l'infostructure du DSE sera conçue, mise en œuvre et continuellement fonctionnelle tout en respectant les principes de sécurité et de protection des renseignements personnels, selon la structure de gouvernance de l'information mise en place pour orienter l’installation de l’infostructure du DSE partout au Canada et la circulation entre les juridictions de l'information que l’infostructure facilitera. De nombreuses questions associées à la gouvernance de l’infostructure du DSE n’étaient pas résolues au moment où ces lignes ont été rédigées.39

Malgré la quantité impressionnante de travaux exécutés à ce jour pour élaborer avec précision des critères de sécurité et de protection des renseignements personnels et une architecture conceptuelle, le temps est venu de s’attaquer aux questions fondamentales de la reddition de comptes. Une bonne gouvernance est essentielle si l’on veut gagner la confiance du public. Pourtant, sans une bonne compréhension de la façon dont les tâches et structures de reddition de comptes fonctionnent dans la vision élargie d’une infostructure de la santé pancanadienne, nous risquons de parcourir beaucoup trop de chemin vers une structure prédéterminée, loin d’être optimale, avec des solutions développées de façon fragmentée qui pourraient ne pas être viables ni souhaitables à long terme.

2. La transparence

Selon le deuxième principe fondamental de l’équité en matière d’information, les organisations doivent mettre facilement à la disposition des gens des informations précises à propos de leurs politiques et pratiques concernant la gestion des renseignements personnels.

Cependant, à moins que l’approche progressive à l’égard de l’élaboration des DSE ne fasse partie de la vision élargie d'une infostructure pancanadienne, on ne peut non plus respecter entièrement ce principe. Si le DSE est un jour relié à d’autres bases de données, qu’on élargit le cercle d’utilisateurs et que les fins admissibles sont plus nombreuses, cette vision doit être expliquée dès le départ en termes clairs, explicites et faciles à comprendre.

Même si l’on peut attribuer beaucoup de mérite à une stratégie progressive qui vise à débuter par le premier élément critique d’un casse‑tête très complexe, à présenter des avantages tangibles de l’utilisation du DSE pour les soins de santé et les traitements, à commencer à modifier les attitudes et à faciliter l’acceptation de systèmes ainsi qu’à gagner la confiance du public avant de présenter d’autres parties de la vision élargie, il existe un risque réel qu’une telle stratégie soit vouée à l’échec. La confiance accumulée pourrait être gravement minée à mesure qu’on introduit graduellement des phases subséquentes d’une infostructure de la santé pancanadienne dont les gens ignoraient l’existence. Si l’on veut rallier les gens à notre cause, ils doivent savoir de quoi il est question.

Je soutiendrais même que le principe de transparence s’applique au processus d’élaboration des règlements proprement dits, particulièrement lorsque ce processus est subventionné par les deniers publics. Même si les règles sont en train d’être créées, il y a un grand intérêt à ce qu’on en discute ouvertement, dans un langage clair et simple, en tenant compte de tous les points de vue et de toutes les perspectives.

3.  La détermination des objectifs

Selon un autre important principe d’équité en matière d’information, l’organisation doit déterminer les fins auxquelles les renseignements personnels seront recueillis au moment de la collecte ou avant qu’elle ne soit effectuée.

Encore une fois, une approche progressive semble être contraire à ce principe, si tous les objectifs de la mise sur pied éventuelle du DSE ne sont pas entièrement communiqués dès le début.
 
L’APVPS, qui porte uniquement sur les traitements et les soins de santé, ne semble pas correspondre aux objectifs plus vastes qui ont été fixés à l’origine en 1999 pour une infostructure de la santé pancanadienne. Les premiers ministres se sont engagés à réaliser ces objectifs, qui ont été depuis ressassés dans tous les principaux rapports sur la réforme des soins de santé et qui constituent des facteurs déterminants menant à une augmentation du financement.

L’objectif direct des DSE est d’améliorer la qualité des soins fournis par les professionnels de la santé au cours de leurs rencontres spécifiques avec leurs patients. Voici quelques exemples : les patients qui se trouvent dans des situations d’urgence, ceux qui ont besoin d’un accès à distance à des soins spécialisés parce qu’ils vivent dans des régions rurales, les patients qui nécessitent des soins médicaux et qui doivent se déplacer loin de chez eux, ou encore ceux qui ont besoin d’un régime de soins complexe fourni par plusieurs professionnels, ce qui peut entraîner des erreurs de traitements ou des réactions indésirables aux médicaments.

Pourtant, la vision élargie d’une infostructure de la santé pancanadienne comprend d’autres objectifs associés aux DSE, une fois que ceux-ci sont entièrement intégrés et compatibles, notamment la surveillance de la santé, la recherche médicale et la gestion du réseau de la santé.

Un DSE (…) peut offrir aux prestateurs de soins autorisés un accès rapide aux dossiers médicaux complets et à jour de leurs patients, notamment en ce qui concerne les consultations médicales, les séjours à l’hôpital, les tests diagnostiques, les ordonnances et les examens en laboratoire. Il le ferait tout en protégeant la vie privée du patient. Un réseau canadien de systèmes de DSE interopérables, qui relie les cliniques, les hôpitaux, les pharmacies et d’autres centres de traitement, contribuera à améliorer l’accès des Canadiens aux services, la qualité des soins, la sécurité des patients et l’efficacité du système.40

On mentionne aussi ces autres objectifs dans les exigences en matière de sécurité et de protection des renseignements personnels et l’APVPS, même s’ils ne sont pas décrits en détail, parce qu’on ne les considère pas comme faisant partie du thème principal du document, soit les soins et les traitements.

Même s’il s’agit d’objectifs certainement louables, certains affirmant même qu’ils sont liés de façon intrinsèque à l’amélioration de la qualité et à l’accès aux soins, ils sont, d’un point de vue qualitatif, différents des soins et des traitements et ils doivent être explicites dès le départ, au moment de la collecte, si nous voulons maintenir la confiance du public.

4.  Le consentement

Selon l’un des principes les plus critiques d’équité en matière d’information, il faut que la personne soit au courant de la collecte, de l’utilisation et de la communication de ses renseignements personnels et qu’elle y consente.

L’APVPS relative au DSE présente une grande évolution puisqu’elle tente d’opérationnaliser les divers critères de consentement des juridictions au chapitre des soins et des traitements. Pourtant, est‑il réaliste de s’attendre à ce que les technologies habilitantes permettent d’opérationnaliser les critères de consentement applicables dans la juridiction d’où proviennent les renseignements personnels sur la santé, particulièrement lorsque les organisations où se trouvent les serveurs ou une partie de ceux‑ci peuvent recevoir ces informations de sources disséminées dans de multiples juridictions, ou que ces organisations peuvent elles‑mêmes chevaucher deux provinces ou plus. Les technologies habilitantes laisseront‑elles une place au jugement humain lorsqu’il s’agira d’appliquer ces critères de consentement?

L’APVPS ne mentionne pas comment les critères de consentement s’appliqueront à la recherche médicale et à la surveillance de la santé. Quelles sont donc les hypothèses implicites à propos du consentement pour des raisons de recherche?

On présume que, à l’aide d’un service de protection de l’identité adéquat et d’un service d’anonymisation, toutes les informations diffusées aux chercheurs seront des données anonymisées ou auxquelles on aura attribué un pseudonyme et que, par conséquent, le consentement ne sera pas nécessaire. Toutefois, nous savons que les chercheurs ont parfois besoin de données permettant d’identifier des patients afin d’effectuer un sondage, ou d’autres recherches qualitatives sur les facteurs du mode de vie par exemple.

On présume aussi que, même avec des informations qui permettent ou qui pourraient permettre d’identifier des patients, des exemptions juridiques s’appliqueront pour permettre la diffusion de données aux chercheurs sans qu’un consentement ne soit nécessaire. Le cas échéant, quelles exemptions s’appliqueront, conformément à quelles règles des juridictions? La juridiction où se trouve l’organisation où est installé le serveur des DSE? Celle où se trouve le chercheur qui demande l’accès? Ou bien la juridiction où se trouve la base de données sur la recherche médicale qui contient les données téléchargées à partir du DSE?

Les questions de juridiction n’engendrent pas que des conflits juridiques et techniques. Comme je peux examiner ces questions du point de vue du Commissariat qui s’attaque à des problèmes qui ont déjà surgi, je peux confirmer à quel point ces questions sont vraiment réelles et complexes. Malgré toute la bonne volonté et la meilleure collaboration du monde des commissariats à la protection de la vie privée du pays, il n’en demeure pas moins qu’il y a des limites à ce que nous pouvons faire en vertu de nos lois respectives. Loin de constituer des obstacles techniques et juridiques, les questions de juridiction sont fondamentales à l’exercice par les Canadiennes et les Canadiens du droit à la vie privée. Le fait de ne pas réfléchir d’avance à ces questions risque de retarder les mesures et de laisser les gens dans la confusion, puisqu’ils ne sauront pas vers quelle juridiction se tourner ou verront qu’aucune juridiction ne pourra résoudre leurs problèmes.

On applique souvent une exemption en matière de recherche lorsque le consentement est impossible à obtenir. Serait‑il quelque peu fallacieux d’alléguer, une fois le fait accompli, que le consentement était impossible à obtenir, alors qu’il existe maintenant une possibilité, au moment où les DSE sont créés, de demander un consentement dès le début ou du moins d’aviser les patients des futures utilisations possibles de leurs renseignements aux fins de recherche?

Si le consentement est obtenu dès le début, c'est-à-dire dès la création du DSE, à quoi s’appliquera-t-il? À toutes les utilisations futures de la recherche, de manière générale? Devra-t-on obtenir le consentement du patient pour chaque projet de recherche une fois celui-ci spécifié? En quoi cette question est-elle différente des débats complexes qui font rage actuellement à propos des modèles de consentement appropriés à la création de grandes plates-formes ou registres de recherche longitudinale contenant des renseignements personnels de nature délicate, comme les banques de données génétiques, par exemple? Après tout, les systèmes de DSE compatibles, une fois connectés à d’autres entrepôts de données, pourraient aussi cumuler des informations cliniques sur toute la vie d’une personne, du berceau à la tombe, qui seraient d’une très grande valeur pour la recherche. Alors, où a lieu le débat parallèle quant au consentement à l’accès des chercheurs aux systèmes de DSE compatibles?

En outre, comment les dispositions relatives à la dissimulation seront-elles opérationnalisées d’une province à l’autre dans le contexte de la recherche? Supposons par exemple qu’on pose la question et qu’on y réponde : la personne ne veut pas que ses renseignements personnels sur la santé soient utilisés à des fins de recherche. Cette directive personnelle sera-t-elle respectée également dans les juridictions où des lois permettent la recherche sans consentement et où l’absence d’objections de la part de la personne n’est pas l’une des conditions nécessaires à l’application de l'exemption? Pourra-t-on déroger à l’objection de cette personne? Les Pratiques exemplaires en matière de protection de la vie privée : lignes directrices des IRSC Pratiques exemplaires des IRSC en matière de protection de la vie privée dans la recherche en santé41 et le Cadre Pan-canadien de Protection de la Confidentialité des Renseignements Personnels sur la Santé 42 recommandent tous deux, en tant que pratique exemplaire, l’absence d’objection comme condition d’accès à la recherche sans consentement. Les critères de sécurité et de protection des renseignements personnels sont-ils assortis de mesures incitatives visant à encourager les fournisseurs et les développeurs à aspirer à de telles pratiques? Ou, en l’absence de telles mesures, ces derniers seront‑ils tentés de ne respecter que le seuil minimal prévu par les lois spécifiques?

Encore une fois, il semble qu’une approche progressive visant à s’attaquer aux problèmes uniquement lorsqu’ils surgissent ne tienne pas compte de tous ces facteurs dès le début. On a élaboré le cadre de travail de l’APVPS en faisant abstraction de ces autres objectifs, ce cadre étant censé composer avec les diverses règles de consentement à propos des soins et des traitements. Mais à moins que ces objectifs plus vastes ne soient intégrés d’ici peu, soit à la prochaine itération de l’APVPS, nous aurons manqué l’occasion de régler ces questions en élaborant les critères appropriés en matière d’avis et/ou de consentement à une étape précédente .

Conclusion

Même si l’approche progressive à l’égard de l’élaboration d’une infostructure de la santé pancanadienne est tout à fait logique, le temps est venu maintenant de faire passer l’APVPS à un autre niveau et d’élaborer un cadre de gestion de la protection de la vie privée qui s’applique au portrait global de la situation. À mon avis, l’analyse du portrait global permet une application plus significative des principes d’équité en matière d’information, une meilleure protection du droit à la vie privée et, en définitive, une meilleure confiance du public envers l’ensemble de ce projet.

Malheureusement, l’approche progressive qui est en train d’être adoptée dans d’autres secteurs stratégiques comme la sécurité nationale et l’accès légal, par exemple, a l’effet subtil de réduire graduellement les attentes raisonnables des Canadiennes et des Canadiens à l’égard de la protection de leurs renseignements personnels en cachant l’effet cumulatif des changements effectués à leur insu et d’une manière qui leur est à peine perceptible.

Au moment où les Canadiennes et les Canadiens souhaitent une sécurité à l’échelle nationale et le maintien efficace de l’ordre public, il va sans dire qu’ils souhaitent aussi des soins de santé de qualité auxquels leurs proches et eux-mêmes peuvent avoir accès lorsqu’ils en ont besoin. Cependant, si louables ces objectifs soient-ils, laissons aux Canadiennes et aux Canadiens le soin de prendre connaissance du portrait global et de décider de leur propre chef de la mesure dans laquelle ils veulent que ces objectifs soient réalisés et de ce qu’ils sont prêts à donner en retour. La réponse à cette question dépend entièrement de leur confiance. Investissons maintenant dans les efforts nécessaires pour gagner, mériter et maintenir cette confiance.

Note en bas de page

* J’aimerais remercier ma collègue Marnie McCall pour son aide dans l’édition de ce document en vue de le publier sur le Web du CPVP.

1 Le Conseil consultatif sur l’infostructure de la santé. Inforoute Santé du Canada : Voies vers une meilleure santé (rapport final) (Ottawa : Santé Canada, février 1999) ; aussi disponible à http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/ehealth-esante/1999-paths-voies-fin/index_f.html

2 Ibid., p. 1-4

3 Ibid., p. 1-4 – 1-5

4 Comité Consultatif sur l’infostructure de la santé, Plan directeur et Plan tactique pour l’infostructure pancanadienne de la santé (Ottawa, Santé Canada, décembre 2000. http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/ehealth-esante/2000-plan-infostructure/index_f.htm

5 Comité consultatif FPT sur l’infostructure de la santé Plan tactique pour une infostructure pancanadienne de la santé (Ottawa : Santé Canada, novembre 2001), http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/ehealth-esante/2001-plan-tact/index_f.html

6 Plan directeur et Plan tactique pour l’infostructure pancanadienne de la santé, supra, n.4, pp.18, 23-24

7 Réunion des premiers ministres, Communiqué sur la santé, (Ottawa : Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, réf. 800-038/004, le 11 septembre 2000), disponible de http://www.scics.gc.ca/cinfo00/800038004_f.html

8 Le comité sénatorial permanent des Affaires sociales, de la science et de la technologie (Président : L’honorable Michael J. L. Kirby), La Santé des Canadiens – Le rôle du gouvernement fédéral (Volume six : Recommandations en vue d’une réforme). Ottawa, octobre 2002. Aussi disponible http://www.parl.gc.ca/37/2/parlbus/commbus/senate/com-e/SOCI-E/rep-e/repoct02vol6-e.html

9 Ibid., p. 188

10 Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada (Roy Romanow, Commissaire), Guidé par nos valeurs : l’avenir des soins de santé au Canada (Ottawa, novembre 2002) ; aussi disponible de http://www.hc-sc.gc.ca/francais/soins/romanow/index1.html

11 Ibid., p.84

12 Ibid., p.82

13 Ibid., p.85

14 Plan directeur et Plan tactique pour l’infostructure pancanadienne de la santé, supra., n.4

15 Inforoute Santé du Canada Inc., Accélérer la création de systèmes électroniques d’information sur la santé pour les Canadiens (Rapport annuel 2001-02) ; aussi disponible de http://www.infoway-inforoute.ca/fr/ResourceCenter/ResourceCenter.aspx

16 Ibid., pp. 4, 18

17 Inforoute Santé du Canada. Rapport annuel 2002-03 ; aussi disponible de http://www.infoway-inforoute.ca/fr/ResourceCenter/ResourceCenter.aspx

18 Ibid., p.4.

19 Ibid., p.7.

20 Inforoute Santé du Canada, Prendre son Essor (Plan d’affaires 2003-2004) ; aussi disponible de http://www.infoway-inforoute.ca/fr/ResourceCenter/ResourceCenter.aspx

21 Inforoute Santé du Canada Inc. Conjuguer nos forces (Rapport annuel 2003-04, Sommaire du plan d’affaires 2004-2005) ; aussi disponible de http://www.infoway-inforoute.ca/fr/ResourceCenter/ResourceCenter.aspx

22 Inforoute Santé du Canada Inc., Tirer parti de nos réussites; p. 14, aussi disponible de http://www.infoway-inforoute.ca/fr/ResourceCenter/ResourceCenter.aspx

23 Rapport annuel 2002, supra. n.15, p.9

24 Ibid., p.8

25 Ibid.

26 Inforoute Santé du Canada, Architecture SDSE – Un cadre d’interopérabilité pour le DES ; disponible de http://www.knowledge.infoway-inforoute.ca/ehr_blueprint/en.asp,

27 Ibid., p. 151

28 Tirer parti de nos réussites, supra, n. 22, p. 6.

29 Rapport annuel 2002, supra. n.15, p 7.

30 Rapport annuel 2002-03, supra, n.17, p. 16.

31 Architecture, supra, n. 26, pp.38

32 Inforoute Santé du Canada, Infostructure de dossier de santé électronique (iDSE) Architecture conceptuelle de protection de la vie privée et de sécurité, version 1.1, juin 2005, disponible de http://forums.infoway-inforoute.ca/PSA/PSA_Materials/9c.520Architecture%20v1.1/?14@917.W1aNaXTJas0.4@

33 Association canadienne de normalisation, Code canadien de protection des renseignements personnels (CAN/CSA-Q830-96) (Ottawa : CAN, 1996) ; aussi disponible pour l’achat pour un prix de 35$ de la CAN ou en ligne à http://www.csa-intl.org/onlinestore/ISO_Search_Results.asp?query=Q830

34 Protection des renseignements personnels et les documents électroniques, Loi sur la, L.C. 2000, ch. 5 ; aussi disponible de http://lois.justice.gc.ca/fr/P-8.6/index.html

35 Architecture, supra, n. 26, p. 10.

36 Plan d’affaires 2003-2004, supra, n. 20, p.5.

37 Ibid., p. 9.

38 Cadre Pan-canadien de Protection de la Confidentialité des Renseignements Personnels sur la Santé (Santé Canada, 27 janvier 2005) ; disponible de http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/ehealth-esante/2005-pancanad-priv/index_f.html

39 Inforoute Santé du Canada, Dossier de santé électronique (DES) Examen des exigences en matière de protection de la vie privée et de sécurité,V1.1, 7 février 2005, disponible de http://forums.infoway-inforoute.ca/webx?CHI_setLanguage@949.O1RcaXkxaC9.7@.ee92d30!CHI_language=fr_CA

40 Rapport annuel 2002-03, supra, n.17, p. 6 ; ou voir Plan d’affaires 2003-2004, supra, n. 20, p.4.

41 Instituts de recherche en santé du Canada. Pratiques exemplaires des IRSC en matière de protection de la vie privée dans la recherche en santé (septembre 2005). Aussi http://www.cihr-irsc.gc.ca/f/29072.html

42 Cadre Pan-canadien de Protection de la Confidentialité des Renseignements Personnels sur la Santé, supra, n.38.