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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Accueil Publications Consultations 2001

Rapport du sommaire intégré : Résumé des consultations sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetage des formes de vie supérieures

Introduction

1.0 Description du processus de consultation du CCCB
1.1 Objectif des consultations
1.2 Thèmes clés des consultations
1.3 Intervenants
1.4 Modes de consultation
1.5 Fonction du présent rapport
1.6 Sujets abordés
2.0 Détermination des enjeux et des principes directeurs
2.1 Aperçu
2.2 Le système de brevetage devrait-il tenir compte des enjeux sociaux et éthiques?
2.3 Avantages et inconvénients du brevetage
2.4 Facteurs de santé humaine et d’environnement
2.5 Facteurs culturels
2.6 Principes directeurs
3.0 Ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas
3.1 Aperçu
3.2 Végétaux
3.3 Animaux
3.4 Questions restées sans réponse
4.0 Définition du rôle international du Canada
4.1 Aperçu
4.2 Incohérences dans les démarches des divers partenaires commerciaux du Canada
4.3 Rôle international du Canada

5.0 Observations du rapporteur


Introduction

Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB) est un organe indépendant composé d’experts et créé dans le but d’aider le gouvernement du Canada à formuler sa politique officielle concernant une vaste gamme de questions relatives à la biotechnologie. Les conseils du CCCB sont adressés au Comité ministériel de coordination de la biotechnologie (CCMB), lequel se compose des ministres de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de la Santé, de l’Environnement, des Pêches et Océans, des Ressources naturelles et du Commerce international.

Le Plan de programme 2000 du CCCB en décrit en détail les activités. Un des éléments du mandat du Comité consiste à donner son avis au gouvernement du Canada sur les questions ayant trait à la propriété intellectuelle en biotechnologie et au brevetage des formes de vie supérieures. En préparant ses conseils, le CCCB a sollicité les points de vue et les opinions d’un échantillon représentatif de Canadiennes et de Canadiens intéressés aux domaines visés.

Le présent rapport a pour but d’offrir un résumé des points de vue, des opinions et des avis tirés de toutes les consultations menées jusqu’à maintenant par le CCCB sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures. Le CCCB invitera d’autres Canadiens à lui faire part de leurs points de vue, opinions et avis sur ces questions pendant tout l’été 2001. Le présent rapport se compose des sections suivantes :

1.0 Description du processus de consultation du CCCB

2.0 Détermination des enjeux et des principes directeurs

3.0 Ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas

4.0 Rôle international du Canada

5.0 Observations du rapporteur

Le lecteur intéressé trouvera des renseignements supplémentaires affichés au site Web du CCCB sous les titres ci-après :

  • Documents de points saillants des tables rondes de consultation
  • Rapport sommaire des audiences du CCCB auprès des dirigeants et représentants de l’industrie, septembre 2000
  • Rapport sommaire des audiences du CCCB auprès des organisations non gouvernementales (ONG), novembre 2000

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1.0 Description du processus de consultation du CCCB

1.1 Objectif des consultations

Les consultations avaient comme objectif de faire participer les intervenants à un dialogue en vue de formuler des avis au CCCB sur les initiatives stratégiques possibles concernant la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures.

1.2 Thèmes clés des consultations

Le CCCB, afin de cerner les thèmes clés des consultations, a commandé un certain nombre d’études de recherche sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures, et il en a publié les résultats, qui sont également affichés au site Web du Comité. L’examen et l’évaluation de ces études de recherche ont fait ressortir quatre thèmes clés de consultation, soit :

  • Ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas.
  • Les mécanismes en place pour régir les changements.
  • Les façons d’aborder les questions d’ordre social et éthique.
  • Les obligations et la compétitivité internationales du Canada.

Le CCCB a diffusé les deux documents suivants afin d’aider les intervenants à se préparer et à participer aux consultations :

  • a propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures – Document de consultation 2001
  • Un résumé des idées proposées dans les rapports de recherche sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures, et non abordées dans le Document de consultation 2001

Le Document de consultation 2001, le principal instrument utilisé par le CCCB pour obtenir les points de vue des intervenants, décrit les quatre thèmes clés et pose des questions précises pour alimenter la discussion.

1.3 Intervenants

Le CCCB a fait appel à la participation de Canadiennes et de Canadiens aux intérêts multiples et variés, notamment dans les domaines suivants : la santé, la protection des consommateurs, l’environnement, le bien-être social, l’agriculture, les Premières nations, les religions et la spiritualité, l’industrie, le droit, la recherche scientifique, la recherche universitaire et la fonction publique. Tous les participants aux consultations sont nommés dans les rapports figurant parmi les renseignements complémentaires de la page 1 du présent document.

Partant de méthodes de recherche reconnues, le CCCB a décidé de se concentrer sur les commentaires des participants à cette étape particulière des consultations pour déterminer les questions à résoudre et entamer un débat, parmi les personnes les mieux renseignées sur le domaine à l’étude, en vue de trouver la meilleure façon d’aborder les thèmes clés. Toutes ces contributions permettront au CCCB d’élaborer un premier rapport à l’intention du CCMB et de la population en général, dans lequel seront exposés les thèmes à aborder. Le rapport contiendra un composant d’initiation et de sensibilisation conçu dans le but de permettre au grand public de participer à un débat qui devient souvent technique. En procédant ainsi, le CCCB espère que le rapport donnera les moyens voulus à tous les Canadiens désireux de prendre part à ses délibérations.

1.4 Modes de consultation

Les intéressés ont été invités à faire part de leurs commentaires et opinions au CCCB de diverses façons, c’est-à-dire, en participant à :

  • es tables rondes ou ateliers de consultation tenus dans les villes et aux dates suivantes :
    - Halifax - le 23 avril 2001
    - Montréal - le 25 avril 2001
    - Toronto - le 27 avril 2001
    - Vancouver - le 2 mai 2001
    - Saskatoon - le 4 mai 2001
    Au total, 156 intervenants ont choisi ce mode de participation.

  • des audiences du CCCB auprès des dirigeants et des représentants de l’industrie, à Ottawa, le 29 septembre 2000.
    Au total, 16 intervenants ont participé à ce mode de consultation.

  • des audiences du CCCB auprès des organisations non gouvernementales, à Ottawa, le 23 novembre 2000.
    Au total, 17 intervenants ont participé à ce mode de consultation.

  • un forum électronique pour les chercheurs scientifiques, en février 2001, qui a réuni 11 participants au total.

  • Les intéressés pouvaient aussi faire parvenir leurs commentaires au CCCB, de février à mai 2001
    - en passant par le site Web du CCCB,
    - en envoyant un mémoire écrit au CCCB,
    - en passant par la ligne téléphonique sans frais du CCCB.
    Au total, le CCCB a reçu ainsi 10 exposés.

1.5 Fonction du présent rapport

Le présent rapport offre un regroupement et une synthèse de tous les commentaires reçus par le CCCB dans le cadre de ses activités de consultation. Le CCCB tiendra compte des éléments du présent rapport, et de ceux des études de recherche commandées, lorsque viendra le moment de préparer ses conseils au gouvernement du Canada concernant la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures.

1.6 Sujets abordés

Le présent rapport résume les commentaires obtenus des participants aux consultations. La section 2.0 est la synthèse des thèmes clés désignés par les participants comme ayant de l’importance; ce sont les enjeux qu’il faudra comprendre et évaluer en élaborant des conseils en matière de politique sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures.

L’analyse présentée ici englobe les points de vue des participants au sujet des principes et du cadre d’éthique proposés par le CCCB en vue de l’élaboration d’une politique en biotechnologie.

La section 3.0 résume les commentaires reçus sur ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas et sur les mesures de sauvegarde, d’exclusion et d’exemption dont le Canada devrait envisager la mise en oeuvre.

La section 4.0 a trait au rôle international du Canada et elle offre des suggestions précises concernant les mesures prises par le Canada pour se conformer à ses obligations actuelles en vertu des traités auxquels il a adhéré, ainsi que des conseils sur le rôle futur du Canada dans les débats et les négociations au sujet de la propriété intellectuelle en biotechnologie et du brevetage des formes de vie supérieures.

La section 5.0, Observations du rapporteur, résume les propos et réflexions de M. Francis Rolleston, qui a assisté à toutes les tables rondes de consultation et donné son avis sur les thèmes clés et sur les propositions des participants. Il convient de souligner que les observations de M. Rolleston représentent sa propre perception de ce qu’il a entendu et qu’elles ne correspondent pas nécessairement aux points de vue de tel ou tel participant ou du CCCB.

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2.0 Détermination des enjeux et des principes directeurs

2.1 Aperçu

L’élaboration de la politique gouvernementale en matière de propriété intellectuelle en biotechnologie et de brevetage des formes de vie supérieures soulève des questions nombreuses qui demandent une réflexion sérieuse. Parmi les préoccupations les plus importantes, on retrouve les considérations d’ordre social et éthique entourant le brevetage des formes de vie; l’apport de la biotechnologie à la société canadienne; la place de l’industrie de la biotechnologie dans l’économie du Canada; et l’incertitude qui règne au sujet des effets de l’innovation biotechnologique sur la santé et sur l’environnement.

La présente section résume les points de vue et les opinions des intervenants au sujet de ces questions. Les participants ont également cerné d’autres enjeux particuliers qui sont résumés et exposés à la section 3.0 – Ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas, et à la section 4.0 – Rôle international du Canada.

2.2 Le système de brevetage devrait-il tenir compte des enjeux sociaux et éthiques?

La préoccupation dominante exprimée au cours des consultations a trait à la place que devraient prendre les considérations d’ordre social et éthique au regard de la propriété intellectuelle en biotechnologie et du brevetage des formes de vie supérieures. Les participants ont soulevé plusieurs questions importantes, par exemple :

  • Les êtres humains ont-ils le droit de manipuler le vivant à leur propre avantage?
  • Est-il sage pour la société de se lancer dans la modification des formes de vie sans connaître ni comprendre les risques à long terme de telles actions?
  • Qui devrait-il être tenu responsable si une innovation biotechnologique tourne mal?
  • Est-ce que quiconque a le droit d’empêcher ou d’entraver des innovations éventuellement bénéfiques pour toute la société?
  • Qui peut-il décider de ce qui est bien et de ce qui est mal? Sur quels fondements une telle décision se baserait-elle?
  • Le bien public a-t-il la priorité sur les droits des individus ou de groupes vulnérables?

La plupart des participants admettent que ces questions doivent être débattues et approfondies, mais ils sont d’opinions diverses quant à savoir si la Loi sur les brevets et le processus de brevetage sont le cadre qui convient à de telles délibérations.

Selon certains participants, même si les enjeux sociaux et éthiques liés à l’innovation biotechnologique sont importants et doivent être abordés, les mesures législatives en matière de brevets et le processus de brevetage ne sont pas le contexte qui convient.

D’autres participants sont d’avis que la Loi sur les brevets n’est pas le cadre au sein duquel traiter les questions sociales et éthiques, pour la simple raison que la Loi régit des droits de propriété. Ces participants proposent donc que le Canada crée un mécanisme distinct d’examen réglementaire qui servirait à régler les questions sociales et éthiques découlant de l’innovation biotechnologique, à peu près de la même façon que l’on examine actuellement les produits pharmaceutiques pour s’assurer de leur innocuité. Ce point de vue reçoit l’appui supplémentaire de participants selon qui les employés de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) ne devraient pas être chargés de prendre des décisions en matière d’éthique parce qu’ils n’ont ni les connaissances ni les compétences voulues, ni de mandat leur permettant de prendre ce genre de décisions.

De l’avis des participants, si le gouvernement mettait sur pied un système de réglementation distinct, il faudrait définir clairement les rapports entre le brevetage et l’évaluation des préoccupations d’ordre social et éthique. Certains intervenants croient que le système en question devrait allier la souplesse au souci de sécurité, en tenant compte des facteurs d’éthique, pour ne pas ralentir la recherche ni retarder la mise au point des innovations. Un des éléments essentiels d’un tel système serait un ensemble de mécanismes visant à maintenir l’équilibre entre les avantages de la biotechnologie pour la société et les coûts de l’innovation pour la société.

Optant pour un troisième courant de pensée, des participants soutiennent plutôt que les considérations d’ordre social et éthique devraient prendre le pas sur les intérêts commerciaux au sein du processus de brevetage. Tout comme une vieille disposition de la Loi sur les brevets prévoit l’interdiction du brevetage d’une invention illicite, l’innovation biotechnologique pourrait faire l’objet d’une nouvelle disposition interdisant la délivrance d’un brevet en raison de préoccupations éthiques ou de la crainte de risques imprévisibles que l’invention pourrait faire courir aux être humains ou à l’environnement.

Quelle forme d’examen éthique faudrait-il mettre en oeuvre?

Les participants ont des avis nombreux et divers à exprimer quant à la forme que devrait prendre l’examen éthique d’une innovation biotechnologique.

Selon certains, il faut un examen préalable des préoccupations éthiques suscitées par toute invention issue de la biotechnologie, comme cela se fait présentement pour la recherche mettant en cause des sujets humains ou des animaux. Une commission d’examen éthique pourrait être chargée de décider si un brevet proposé doit être refusé pour des raisons de morale. Une autre façon de procéder serait de relier le brevetage à des « vérifications éthiques » préalables. Un organe indépendant pourrait se pencher sur les considérations d’ordre éthique et décider ensuite, conjointement avec l’OPIC, s’il est justifié ou non d’accorder un brevet dans tel ou tel cas.

En contrepoint à ce raisonnement, certains participants soutiennent que l’examen éthique obligatoire pourrait bien se révéler un échec parce que les inventeurs pourront décider de ne pas faire breveter leurs inventions, du moins pas au Canada, et de recourir à d’autres mécanismes, par exemple, la protection du secret commercial. Ainsi, les inventions ne seraient pas divulguées comme elles le sont actuellement dans le cadre du système de brevetage.

Presque tous les intervenants conviennent de la nécessité d’un examen minutieux des dimensions sociales et éthiques de la biotechnologie, sous la forme d’un « contrôle préalable » pour respecter l’exigence de diligence raisonnable en matière éthique. Une telle orientation mènerait à la mise en place d’un cadre d’éthique au sein duquel seraient clairement définies les positions du Canada concernant la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures. Tout règlement essayant de prévoir les valeurs sociales et les risques futurs serait sans efficacité parce ces risques et ces valeurs évoluent rapidement. Il serait préférable d’opter pour un mécanisme plus souple tel qu’un cadre d’action stratégique.

Voici certains autres commentaires entendus au sujet d’un processus d’examen éthique :

  • Il faut trouver l’équilibre qui convient entre, d’une part, les avantages pour l’économie et pour la recherche et, d’autre part, les craintes pour la santé et pour l’environnement.
  • Il est important et nécessaire de définir les qualificatifs « sûr » et « équitable ».
  • L’accent doit être mis sur l’obligation de rendre compte et sur la responsabilité permanente; il faut prévoir des mécanismes à cet effet.
  • Le processus d’examen doit être ouvert, transparent et accessible au public.
  • La biotechnologie englobe de nombreuses inventions qui ont des effets divers sur les humains, les animaux et l’environnement et qui donnent lieu à des préoccupations différentes de celles soulevées par la technologie conventionnelle. L’examen préalable devrait traiter séparément chaque forme de technologie.
  • La science dépasse maintenant l’entendement des gens ordinaires. Les spécialistes, bien informés, doivent s’efforcer de communiquer avec le grand public et de mieux le sensibiliser aux nouvelles réalités.

Déterminer ce que la population pense des questions sociales et éthiques

Les participants de tous les groupes insistent sur l’importance de comprendre et d’évaluer les questions sociales et éthiques liées à la biotechnologie, mais du point de vue des Canadiens ordinaires. Ces questions préoccupent fortement la population et nécessitent un débat complet et ouvert. Les raisons pour lesquelles il faut accorder une place prédominante aux enjeux d’éthique et de société deviennent évidentes à la lecture des questions et des déclarations suivantes émises par les participants :

  • Les incidences éventuelles de la biotechnologie sont telles que la prise en compte de la bioéthique doit se faire à l’échelle mondiale.
  • Quels sont les objets qui devraient appartenir à la société tout entière et qui, par conséquent, ne devraient pas être brevetables?
  • Il faut élaborer un processus permettant de déterminer les coûts, les risques et les avantages. Comment devrions-nous aborder les incertitudes relatives aux risques imprévisibles pouvant découler de la biotechnologie? Il nous faut prévoir et intégrer des critères de sécurité.
  • Comment pouvons-nous rendre transparent le processus décisionnel?
  • Quels risques font courir à l’environnement et à la société les organismes GM susceptibles de s’échapper dans la nature et d’agir sur le fonds génétique et sur la biodiversité?

Sans apporter de réponses précises à ces questions, les participants font souvent remarquer la nécessité d’un débat public éclairé pour les résoudre. Ce sont des enjeux qui touchent tous les Canadiens, et les décisions à leur sujet ne devraient pas être laissées aux seuls « experts ».

Voici certaines des conditions préalables proposées par les intervenants pour en arriver à un débat public constructif sur l’éthique de la biotechnologie :

  • Initier et informer les participants à ce débat public.
  • Formuler des questions aptes à susciter un débat productif faisant intervenir à la fois les experts et les citoyens ordinaires.
  • Comprendre clairement ce qui est important pour les Canadiens, par exemple, déterminer les valeurs qui devraient orienter la démarche canadienne en matière de soins de santé, par opposition aux approches américaine et européenne.
  • Trouver un moyen de créer un consensus dans la population.
  • Trouver une méthode de suivi de l’évolution des valeurs.
  • Prévoir des modes différents de débat pour les diverses formes de la biotechnologie. Les questions et les préoccupations du public au sujet de la biotechnologie alimentaire sont très différentes de celles ayant trait aux applications de la biotechnologie à la médecine ou à l’industrie. En les traitant séparément, il sera plus facile d’en arriver à un débat productif.

2.3 Avantages et inconvénients du brevetage

La deuxième préoccupation en importance est celle des mérites du brevetage des formes de vie supérieures. Certains participants expriment vigoureusement l’opinion selon laquelle il faut étudier et peser les avantages du système de brevetage avant de définir une politique officielle sur le brevetage de toute innovation biotechnologique faisant intervenir des formes de vie. Il faut absolument comprendre la valeur du système de brevetage pour ce qui est d’encourager l’innovation et de permettre ainsi des avantages nombreux, notamment :

  • Il est possible que le brevetage accroisse la quantité de recherches effectuées au Canada et, par voie de conséquence, les avantages apportés à la société canadienne.
  • Il est possible que le brevetage offre aux investisseurs en recherche-développement un moyen de recouvrer leurs coûts et d’investir à nouveau dans des recherches bénéfiques pour les Canadiens.
  • Le brevet s’accompagne de l’obligation de divulguer l’invention, et cette divulgation aide la recherche. La solution de rechange au brevet, le secret professionnel, limite le transfert des connaissances.
  • Si les entreprises sont forcées d’effectuer des recherches sans pouvoir espérer en tirer des avantages financiers, le Canada perdra son industrie de la biotechnologie au profit d’autres pays plus accommodants.
  • Le droit des brevets favorise le développement économique et la production de richesses.
  • Les brevets rehaussent la réputation internationale du Canada comme pays qui appuie la recherche en biotechnologie.
  • Les sociétés financières d’innovation, au moment de décider d’investir ou non, se basent souvent sur la présence ou la possibilité de brevets d’invention.

D’autres participants, par contre, expriment des craintes relativement à des aspects nuisibles possibles du brevetage, par exemple :

  • Il se peut que le financement des grandes entreprises biaise la recherche en l’axant sur des fins commerciales plutôt que sur le bien supérieur de la société.
  • Qui tire profit de la recherche? Ces avantages devraient-ils aller uniquement à ceux qui ont les moyens de financer la recherche? Qu’en est-il de l’intérêt public?
  • L’industrie de la biotechnologie se livre actuellement à des recherches sur les animaux avant même que le Canada ait adopté une position claire quant à la brevetabilité des animaux. Il est donc possible que le brevet ne soit pas un incitatif important à la recherche.
  • Il n’est peut-être pas nécessaire de breveter les végétaux ou les animaux. Il y a des solutions de rechange à la protection par brevet, par exemple, la protection des obtentions végétales, qui peuvent être efficaces.
  • Dans le domaine de la santé, le Canada doit s’assurer que les brevets ne nuisent pas à l’accessibilité et au coût des soins. Plusieurs participants accordent une importance particulière à cette condition dans le cas des méthodes diagnostiques génétiques.
  • Si une entreprise détient le contrôle de la production d’animaux donneurs d’organes destinés à la transplantation sur des humains, où est l’avantage pour l’intérêt public?
  • Les brevets restreignent l’exploitation de la recherche et des technologies habilitantes et font donc obstacle à la poursuite de la recherche.
  • Les conditions exigeantes imposées à l’utilisation de la recherche en vue d’obtenir un brevet peuvent étouffer l’innovation. Il est possible également qu’elles entravent l’étude ou l’examen des questions de sécurité.
  • L’obligation de verser des redevances peut limiter l’accès des inventions en vue de leur utilisation.
  • Les brevets sont avantageux uniquement pour les industriels. Un inventeur n’est pas tenu d’obtenir un brevet s’il ne vise pas l’expansion d’une industrie. Le Canada veut-il avoir une industrie de la biotechnologie? Il faut mettre dans la balance, d’une part, les effets nuisibles du développement d’une industrie de la biotechnologie et, d’autre part, le mieux-être du genre humain.
  • Le moteur de l’innovation, c’est la curiosité et non pas l’argent. Par conséquent, il est fort possible que l’absence de brevets ne nuise aucunement à l’innovation et à la recherche.

Bien des détenteurs de brevets disent préférer un brevet américain à un brevet canadien, à la fois parce que le marché est tellement plus grand aux États-Unis et parce que le processus de brevetage y est plus accessible et moins coûteux. Ces inventeurs ne visent pas principalement le système canadien de brevetage, mais plutôt le système et le marché des États-Unis.

Certains participants soulignent le besoin de rendre le processus de brevetage moins coûteux pour les petites entreprises. Un coût prohibitif mènera à la suprématie des grandes compagnies. Plus le brevetage coûte cher et plus le marché se concentre, ce qui diminue d’autant l’accès et la concurrence. Il serait possible d’améliorer la Loi sur les brevets afin de mieux l’adapter aux besoins de la petite entreprise. Un intervenant propose d’ajouter une taxe au droit de traitement des demandes de brevet et d’utiliser les fonds ainsi perçus pour aider les petites compagnies à assumer les coûts du brevetage.

En vue de conserver les avantages liés au brevet, des participants croient important que le processus canadien de brevetage demeure conforme à nos obligations internationales. Le Canada peut choisir de ne pas s’aligner, en cette matière, sur ses partenaires commerciaux, mais il risquerait alors de perdre sa compétitivité mondiale. L’adoption de méthodes différentes de celles de nos partenaires commerciaux pourrait nuire à notre industrie de la biotechnologie.

2.4 Facteurs de santé humaine et d’environnement

Une des plus grandes inquiétudes exprimées par les participants a trait à la question de savoir si les humains ont le droit de s’emparer du contrôle des formes de vie. Plusieurs soutiennent que les végétaux et les animaux sont déjà considérés comme des objets de propriété et ont déjà été grandement transformés par l’homme au moyen de la reproduction dirigée, mais, selon d’autres participants, cela ne veut pas dire que les humains ont le droit de manipuler ou de modifier le vivant. Cette opposition prévaut tout particulièrement si l’inventeur de nouvelles formes de vie est incapable de garantir que les formes de vie modifiées peuvent être confinées et contrôlées de façon à empêcher toute possibilité qu’elles ne s’échappent dans l’environnement. Certains participants demandent comment quiconque peut être sûr que la propagation de gènes modifiés n’entraînera aucun risque pour la santé humaine et pour l’environnement. Et s’il n’y a pas de garantie possible, comment la société peut-elle permettre que des produits de la biotechnologie soient mis sur le marché? Le brevetage des séquences génétiques estompe la distinction traditionnelle entre les formes de vie et les objets matériels. La manipulation du vivant devrait être interdite, non seulement pour des raisons morales mais aussi du point de vue de l’écologie, puisqu’il est possible que nous ne comprenions pas les incidences à long terme des formes de vie modifiées sur notre écosystème.

Voici quelques autres questions soulevées :

  • Devrions-nous, simplement parce que nous en sommes capables, créer et commercialiser des technologies qui englobent des formes de vie? Dans certains cas, il s’impose de tenir compte des considérations d’ordre moral et éthique en évaluant les mérites d’une technologie.
  • Devrait-il être permis de breveter une entité qui peut se reproduire sans aide humaine? Qui a le droit de détermination en cette matière?
  • Les formes de vie ont-elles une importance spéciale nécessitant un tout nouveau processus décisionnel pour en déterminer la brevetabilité?
  • Il faut réfléchir au caractère éthique (ou contraire à l’éthique) de la manipulation des formes de vie. Les humains ont-ils le droit de modifier le vivant à leur propre avantage?
  • Si nous permettons le brevetage de la biotechnologie et des formes de vie supérieures, il est essentiel d’attribuer d’abord la responsabilité, l’obligation de rendre compte et l’obligation de réparer dans le cas de conséquences imprévues. Les créateurs et les exploitants de technologies basées sur des formes de vie devraient être tenus responsables de tout effet nuisible pouvant découler d’animaux et de végétaux brevetés.
  • Le brevetage des formes de vie accroît la réification du vivant.
  • Le brevetage des produits de la biotechnologie peut avoir des effets nuisibles sur la prestation des soins de santé s’il fait monter le prix des outils de diagnostic. Au Royaume-Uni, une fondation de recherche à financement public permet l’utilisation industrielle sous licence de ses découvertes technologiques à condition que le système national de santé publique puisse y avoir accès gratuitement.
  • Il faut préserver la biodiversité en veillant à ce que les organismes ou souches d’organismes d’origine ne soient pas perdus à cause de l’introduction d’organismes GM.
  • Devrait-il être permis de breveter des formes de vie supérieures tirées des écosystèmes d’autres pays, sans l’approbation des pays en question?

2.5 Facteurs culturels

Des participants se disent préoccupés par la répartition inégale des avantages liés aux brevets et par les atteintes aux normes culturelles. Selon eux, les brevets protègent les économies des pays industrialisés, mais peuvent mettre en péril d’autres cultures dans les pays en développement.

Les cultures indigènes dont les connaissances traditionnelles sont exploitées dans le contexte d’une invention pour laquelle une personne ou une entreprise demande la protection par brevet ne reçoivent aucun des profits découlant du brevet ou de l’invention. Certains pays, par exemple le Kenya, sont en voie d’instaurer des procédures afin de protéger les connaissances indigènes. Quelques centres de recherche, tel le Danforth Centre de St. Louis (dans le Missouri, aux États-Unis), exigent que le droit d’utilisation d’un brevet soit accordé gratuitement aux pays en développement.

Les participants reviennent maintes et maintes fois à la question de la protection des droits collectifs autochtones au sein du système de brevets. Certaines populations possèdent des profils génétiques uniques très précieux pour la recherche. Plutôt que d’encourager la « bioprospection » et la « bioconfidentialité », il faut créer des partenariats en vue du partage des bienfaits de cette recherche. Il y a aussi une obligation morale de partager les profits tirés de l’exploitation des connaissances traditionnelles et de prévoir le versement d’indemnités ou de redevances lorsque des connaissances traditionnelles servent à des recherches qui mènent à une invention brevetable.

Des intervenants envisagent d’un autre point de vue les effets du brevetage des formes de vie sur les peuples autochtones. Si un brevet est délivré à l’égard d’une substance chimique ou d’une séquence génétique présente dans une plante sauvage, cette plante acquiert une valeur monétaire. Il devient alors intéressant financièrement de la cueillir, ce qui peut éventuellement mener à une cueillette à outrance et à la mise en péril de l’espèce végétale en question. S’il s’agit d’une plante que les collectivités autochtones utilisent, sa raréfaction aura des effets nuisibles sur la culture de ces collectivités puisqu’elles ne pourront plus se servir de la plante à leurs fins traditionnelles.

2.6 Principes directeurs

Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie a cerné et présenté des principes directeurs en vue de l’élaboration d’un cadre d’évaluation des propositions de politique officielle sur les questions de biotechnologie. Ces principes figurent au premier encadré de la page 3 de La propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures – Document de consultation 2001, du CCCB. En tenant ses consultations, le CCCB visait notamment à obtenir des commentaires sur ces principes, et tout spécialement à découvrir si les participants estimaient que les principes proposés étaient convenables et s’il y avait lieu de songer à en ajouter d’autres.

(a) Commentaires sur les principes directeurs – Les principes sont-ils convenables?

La presque totalité des participants estime que les principes présentés sont convenables et constituent un bon point de départ à l’élaboration de la politique gouvernementale en matière de biotechnologie. Ils estiment aussi qu’il convient de les formuler en termes généraux puisque ces principes sont, de par leur nature, englobants et directionnels.

Certains intervenants jugent cependant que le cadre d’orientation, tel que présenté, est trop fortement axé sur les résultats. Avant de supposer un aboutissement, le CCCB devrait évaluer les résultats à attendre afin de déterminer s’ils correspondent à ce qui est souhaitable pour le Canada. Cette évaluation devrait être effectuée de façon à étudier en profondeur les enjeux moraux et philosophiques créés par la biotechnologie en général et par la propriété intellectuelle et le brevetage des formes de vie supérieures en particulier. L’évaluation devrait inclure les positions prises par le Canada sur des questions telles que la nature du vivant, l’appropriation des formes de vie et le droit (ou non) de l’être humain à manipuler la vie.

Par ailleurs, pour de nombreux participants, les principes présentés offrent un cadre stratégique raisonnable, mais le défi véritable consiste à interpréter ces principes et à les mettre en pratique. Ils sont d’avis que le CCCB doit continuer de dégager, comprendre et décrire les valeurs des Canadiens et de veiller à ce que ces valeurs soient manifestées dans la définition des principes. Ces intervenants estiment essentiel de déterminer précisément le sens de ces principes dont certains, dans leur description actuelle, se prêtent à des interprétations diverses.

Plusieurs autres intervenants font aussi remarquer l’existence possible d’un conflit inhérent entre et parmi les principes présentés. Ils se demandent, par exemple, comment ce cadre stratégique peut concilier, d’une part, les avantages économiques de la biotechnologie et, de l’autre, le principe de la justice et de la bienfaisance. De l’avis de certains, il n’est pas utile de citer les principes de l’éthique sans faire la preuve de leur applicabilité. Les participants insistent donc pour que le CCCB précise et démontre comment ces principes pourront être mis en pratique.

(b) Autres principes à faire entrer en ligne de compte

Voici ce que suggèrent les participants comme principes que le CCCB devrait peut-être ajouter à son contexte d’éthique :

  • La biodiversité
    - La capacité des pays à contrôler leurs propres ressources biologiques.

  • La protection de l’environnement
    - Le maintien de la diversité génétique et la promotion du développement durable.

  • La non-malfaisance
    - Ne pas nuire, et éliminer toute possibilité d’emploi abusif de la biotechnologie.

  • Le point de vue de l’écosystème
    - Tous ces principes ne devraient pas être formulés du seul point de vue de l’être humain, mais de celui de l’écosystème entier.

  • La liberté d’explorer, d’étudier et d’enrichir les connaissances
    - Ce principe devrait encourager l’apprentissage incessant et non pas étouffer la curiosité humaine.

  • Le respect des droits et de la dignité de la personne
    - Il faudrait ajouter un principe qui reconnaît et protège les droits et la dignité des personnes et de toutes les formes de vie.

  • L’intendance diligente de la vie
    - Définir les obligations du genre humain à l’égard des autres formes de vie.

(c) Commentaires sur les principes proposés

Voici des conseils que les participants adressent au CCCB et qui concernent tout particulièrement la formulation des principes tels que présentés dans le Document de consultation 2001 :

  1. Justice
    • Certains participants voient dans ce principe tel que formulé une déclaration politique parce qu’il traite de la répartition des avantages et des fardeaux mais sans mettre en doute la justification et le bien-fondé de l’occurrence de ces avantages et de ces fardeaux.
    • En plus de l’oppression des groupes vulnérables, il faudrait aussi rappeler le devoir d’éviter l’exploitation de ces groupes.
    • Il faudrait aussi considérer la justice dans le contexte des pays en développement. À l’heure actuelle, la répartition des avantages de la biotechnologie penche injustement en faveur des pays industrialisés. La priorité en matière d’avantages devrait passer aux pays en développement.
    • Il est nécessaire de donner une définition de la justice. Qu’est-ce qui est « juste » ou « équitable? Qui sont les groupes vulnérables et qui détermine qui ils sont?


  2. Obligation de rendre compte
    • La définition de l’obligation de rendre compte doit indiquer clairement qui est tenu d’assumer la responsabilité lorsque quelque chose tourne mal.
    • Ajouter le concept selon lequel quiconque exploite la biotechnologie devrait être investi d’une responsabilité à long terme en cas d’effets nuisibles.
    • Il y aurait lieu d’envisager de combiner l’obligation de rendre compte et l’autonomie afin qu’elles puissent s’équilibrer l’une l’autre.


  3. Autonomie
    • Il faudrait élaborer un peu sur la notion du choix éclairé. Le principe devrait définir comment, pour garantir une décision « éclairée », il serait possible de faire agir efficacement des personnes qui ne connaissent ou ne comprennent peut-être pas très bien ce qui est proposé.
    • Il serait bon de songer à séparer ce principe en deux parties, a) l’assurance d’être informé et b) la capacité d’agir en toute autonomie, et définir ces deux éléments.
    • La définition devrait comprendre une mention de la non-coercition, c’est-à-dire, la garantie de pouvoir choisir et décider en toute autonomie.


  4. Bienfaisance
    • Définir la bienfaisance comme le devoir de rechercher « TOUS » les avantages.
    • Ajouter à la définition le concept des avantages de l’investissement.


  5. Respect de la diversité
    • La définition devrait préciser qu’il s’agit de la biodiversité dans son sens le plus large.
    • Élargir le concept afin d’y inclure expressément les végétaux, les animaux et l’environnement.


  6. Connaissance
    • Dans sa formulation actuelle, le principe n’est pas clair. Il faut définir ce que l’on entend par connaissance.


  7. Prudence
    • Des participants proposent que ce principe soit simplement « un engagement à recourir à une approche de précaution » et jugent inutile de préciser « quand les connaissances sont incomplètes ». Dans les cas d’incertitude, le « choix le plus sûr » devrait l’emporter. Le document devrait définir clairement cette prémisse.
    • Selon certains intervenants, ce principe devrait avoir pour but d’éviter les ruées intempestives vers la nouveauté sans une sérieuse réflexion préalable, mais il devrait aussi englober le risque d’une prudence exagérée qui pourrait bloquer tout progrès. Il faudrait souligner l’équilibre nécessaire entre ces deux possibilités.
    • Des intervenants font remarquer que la biotechnologie nécessite « une grande prudence » parce que les experts eux-mêmes ne savent pas très bien ce que pourraient être les dangers éventuels.
    • Le principe de précaution, sur lequel est basé le principe de prudence, est controversé et donne lieu à plusieurs interprétations différentes. Le CCCB veut-il dire « dans le doute, abstenez-vous » ou bien « soyez prévoyants, procédez lentement et ayez toujours une stratégie de sauvegarde »? Il faudrait clarifier.
    • Le concept des « équivalences en substances », utilisé dans certains mécanismes de réglementation, concorde-t-il avec ce principe?

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3.0 Ce qui devrait être brevetable et ce qui ne le devrait pas

3.1 Aperçu

Dans toutes les activités de consultation, on demande aux participants de se prononcer sur la brevetabilité des végétaux et des animaux et sur les conditions de cette brevetabilité. Le contenu des discussions manifeste un vaste éventail d’opinions et de points de vue. Certains participants sont fermement en faveur du brevetage des végétaux et d’autres y sont tout aussi fermement opposés; la plupart recherchent des solutions qui se situeraient entre ces deux extrêmes. En général, on remarque un appui plus solide au brevetage des végétaux inventés qu’à celui des animaux inventés.

Il ressort de toutes les consultations un quasi-consensus sur le fait que l’actuelle Loi sur les brevets du Canada ne contient pas les dispositions voulues pour traiter les questions relatives au développement de la biotechnologie. Les groupes consultés proposent une série de modifications possibles à apporter au processus de brevetage. De nombreux participants sont d’avis, en particulier, qu’il faut désigner expressément les formes de vie qui peuvent faire l’objet d’un brevet et celles qui ne le peuvent pas; établir une distinction nette entre les formes de vie supérieures qui devraient être brevetables et celles qui ne le devraient pas; déterminer si les êtres humains ont le droit moral de contrôler d’autres formes de vie; cerner les conséquences économiques qui pourraient se produire si le Canada décidait de breveter ou non les formes de vie supérieures; et voir si notre Loi sur les brevets peut se permettre de différer sensiblement des processus de brevetage en vigueur chez nos grands partenaires commerciaux.

L’importance de prévoir des mesures de sauvegarde sur le plan de l’éthique et-ou de la morale, au sein et-ou à l’extérieur du processus de brevetage, est un point sur lequel insistent plusieurs participants dans toutes les séances de consultation. En outre, de nombreux participants font valoir fortement la nécessité de rehausser les systèmes de réglementation entourant la recherche en biotechnologie et l’exploitation de la biotechnologie, afin de veiller à ce que soit en place le système voulu de freins et de contrepoids, soit avant, soit pendant le processus de brevetage. Plusieurs intervenants jugent nécessaire d’instaurer aussi des méthodes convenables en vue de surveiller l’exploitation des formes de vie supérieures qui pourraient être brevetées.

Les paragraphes qui suivent exposent les arguments invoqués pour et contre le brevetage des végétaux et des animaux, ainsi que les recommandations proposées en vue d’une action dans ce domaine. Il sera question également de grands enjeux que les séances de consultation n’ont pas permis de régler mais qui sont de première importance pour les participants.

3.2 Végétaux

Un grand nombre de participants sont plutôt favorables au brevetage des végétaux et de leurs composants, mais cet appui s’exprime souvent comme étant conditionnel à des modifications à apporter à l’actuelle Loi sur les brevets et aux systèmes connexes de réglementation. Par contre, quelques participants s’opposent entièrement à tout brevetage des végétaux.

Points de vue favorables au brevetage des végétaux

Incitations économiques à l’innovation
La plupart des participants en faveur du brevetage des végétaux inventés croient en la nécessité de la Loi sur les brevets pour protéger les inventions et encourager l’innovation. Les avantages économiques qu’en retirent les détenteurs de brevet serviraient d’incitatifs à la création et à la recherche-développement. Le brevetage, soutiennent ces participants, permet d’assurer aux investisseurs, jusqu’à un certain point, qu’ils tireront profit de la recherche-développement. Selon plusieurs intervenants, cette assurance est tout spécialement importante pour les petites entreprises qui doivent trouver des fonds afin de financer leurs activités de recherche dans un marché aussi compétitif que celui de l’Amérique du Nord.

Financement de la recherche
Certains participants font remarquer aussi que le financement du secteur public à la recherchedéveloppement est limité et que la politique gouvernementale doit tenir compte de la dépendance de la recherche à l’endroit du secteur privé. La participation de l’industrie au financement de la recherche, un financement qui vient en partie de la commercialisation de produits brevetés, permettrait d’accroître les activités de recherche dans les universités et de récompenser les chercheurs pour leurs réalisations.

Divulgation des renseignements
La divulgation des inventions brevetées, telle qu’exigée par la Loi sur les brevets, est un autre point que les participants considèrent important pour encourager l’innovation et les progrès bénéfiques. Selon plusieurs intervenants, la Loi sur les brevets, grâce à sa disposition concernant la divulgation obligatoire et publique des renseignements sur les inventions, constitue une solution de rechange préférable à d’autres mécanismes, en particulier le secret commercial. De l’avis de certains participants, si le brevetage n’est pas permis, les grandes compagnies continueront de créer et d’innover, mais sans être tenues de rendre publique l’information concernant leurs inventions. La recherche future s’en trouvera bloquée. D’autres participants voient la divulgation des renseignements par le biais du brevetage comme un moyen d’aider à faire comprendre à la population les bienfaits à tirer de la biotechnologie.

Avantages pour la société entière
Les personnes en faveur du brevetage des végétaux mentionnent qu’il faut reconnaître l’importance des grands avantages qu’il peut apporter à la société tout entière. Certains laissent entendre que le brevetage permettra d’améliorer et de modifier des végétaux afin de répondre aux besoins des êtres humains. Nous pourrions ainsi augmenter la quantité et la qualité des aliments produits et réduire l’utilisation des herbicides et des pesticides. Des intervenants soutiennent que le brevetage pourrait servir à encourager la création d’un plus grand nombre de variétés végétales et de rehausser ainsi la biodiversité. D’après d’autres participants, puisque la modification génétique s’effectue en milieu contrôlé, elle présente moins de risques que les méthodes traditionnelles de reproduction et de sélection. Lors de la séance tenue à Halifax, la discussion porte principalement sur le brevetage des formes de vie supérieures à des fins médicinales et, dans ce contexte, les participants sont généralement favorables au brevetage des végétaux.

Compétitivité internationale du Canada
Certains participants conviennent que les critères de brevetabilité, c’est-à-dire, la nouveauté, l’utilité et la non-évidence, sont suffisants et qu’ils sont correctement interprétés dans les lois actuelles. Ils sont d’avis que le travail et l’ingéniosité nécessaires pour modifier un végétal en y insérant un gène nouveau justifient la délivrance d’un brevet. Plusieurs intervenants qui appuient la définition actuelle d’invention et l’interprétation des critères de brevetabilité pensent que des critères plus rigoureux mettraient le Canada en position désavantageuse par rapport aux autres pays. Ils croient aussi que la « politique de lenteur » mise de l’avant par quelques opposants au brevetage affaiblirait la capacité du Canada à affronter avec succès la concurrence internationale et entraînerait des coûts et des répercussions négatives pour notre industrie nationale.

Points de vue défavorables au brevetage des végétaux ou favorables à un brevetage à certaines conditions

Risques inconnus
Des participants s’opposent fermement au brevetage des végétaux parce que nous ne connaissons pas les risques liés à la biotechnologie. Certains croient que nous devons « arrêter la pendule » pendant que nous procédons à des recherches plus poussées au sujet des avantages et des risques possibles de l’innovation biotechnologique. De l’avis de nombreux participants, une fois que sera permis le brevetage des végétaux génétiquement modifiés, il sera trop tard pour mettre en oeuvre des mesures de sauvegarde. Bien plus, certains pensent que l’autorisation du brevetage des végétaux laisse croire à la population que le produit breveté est socialement acceptable.

Accès aux avantages
Un bon nombre des arguments contre le brevetage des végétaux se fondent sur une crainte générale, manifestée par plusieurs participants, de voir la grande entreprise s’approprier encore plus de pouvoir et de contrôle par la formation de monopoles. Les intervenants voient dans cette possibilité, en raison des coûts trop élevés qu’elle engendrera, une menace à la juste répartition des avantages et à l’accès universel aux inventions bénéfiques. On donne en exemple le vaccin contre le sida. Les participants s’inquiètent tout particulièrement du risque que les brevets protégeant les techniques d’analyse diagnostique et les produits médicaux fassent monter considérablement les coûts et en arrivent éventuellement à saper la politique canadienne d’accès égal et universel aux soins de santé. Il faudra prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les brevets ne détruisent pas le système canadien de prestation des soins de santé.

Incidences sur la biodiversité
De nombreux participants expriment de fortes préoccupations au sujet des incidences de l’innovation biotechnologique sur la santé humaine et sur l’environnement. Ils s’inquiètent tout spécialement du danger de contamination du fonds génétique en raison de croisements entre les génomes des végétaux génétiquement modifiés. Les participants craignent aussi les effets imprévisibles de croisements possibles entre les plantes sauvages et les végétaux génétiquement modifiés qui s’échappent des champs de cultures GM. Des intervenants affirment qu’il est impossible de prévoir les effets environnementaux de tels croisements. Certains soutiennent que la modification génétique est plus dangereuse que les méthodes traditionnelles de croisement et de sélection parce qu’elle accélère les processus naturels d’évolution. D’autres mettent en doute la précision des analyses prévisionnelles en laboratoire et sont d’avis que la modification génétique ne peut être évaluée qu’à l’étape de l’utilisation finale du produit, bien après l’achèvement des essais en laboratoire.

Incidences sur les politiques agricoles
Certains participants croient que le brevetage des végétaux aura des conséquences négatives pour les politiques et pratiques agricoles au Canada. D’autres se déclarent opposés à toute mesure législative susceptible d’entraver ou de perturber en quelque façon les pratiques agricoles traditionnelles. D’autres encore craignent que le secteur de l’agriculture se trouve asservi à un nombre limité de fournisseurs du négoce agricole et que les grandes sociétés agro-industrielles se mettent à promouvoir les pratiques de monoculture afin de maximaliser leurs propres profits. Selon les participants, cette éventualité aurait pour effet de réduire l’accès à la diversité des méthodes agricoles et, en fin de compte, de nuire à la répartition des avantages à cause des coûts élevés. Lors des audiences du CCCB auprès de dirigeants de l’industrie, les délégués de l’agroindustrie ont dit que l’accès aux végétaux brevetés leur était nécessaire parce que, autrement, ils se verraient bloquer l’accès aux technologies plates-formes. Certains prétendent que les Droits des sélectionneurs ne protègent pas adéquatement le génie génétique et que, par conséquent, les créateurs de végétaux nouveaux doivent recourir au secret commercial, ce qui empêche le libre partage de la technologie et des fruits de la recherche.

Commercialisation de la recherche
En réponse à l’argument selon lequel le brevetage pourrait favoriser et faciliter l’accès à des fonds de recherche, plusieurs participants se disent préoccupés par la coopération croissante entre les universités et l’industrie. Selon eux, cette coopération a des conséquences négatives, dont l’alourdissement de la dépendance des universités à l’égard de l’industrie pour le financement de la recherche, et le désir de commercialiser les inventions produites par les chercheurs universitaires. Le financement venu du secteur privé pousse la recherche vers des objectifs particuliers, et surtout viables du point de vue commercial, alors que d’autres recherches porteuses de bienfaits pour la société risquent de manquer de financement ou de ne plus intéresser les chercheurs.

Restrictions imposées à la recherche
Certains participants font valoir que le brevetage des végétaux, en vertu de l’actuelle Loi sur les brevets, pourrait restreindre l’utilisation des inventions pour d’autres recherches. Les brevets de base, qui créent de nouveaux champs de recherche, ont une portée beaucoup plus vaste que les brevets subséquents dans tel ou tel domaine et ils pourraient être utilisés pour limiter l’accès à la technologie nouvelle. D’autres participants craignent, s’il devenait possible de breveter un seul phénotype appartenant à un organisme doté de caractères particuliers, que le brevet confère effectivement à son détenteur un monopole sur les moyens et les diverses méthodes et techniques permettant de créer le phénotype en question, et empêche ainsi les autres chercheurs de trouver d’autres façons de créer le même phénotype. Dans un débat, un intervenant fait remarquer que l’inventeur qui fait breveter un gène particulier en vue d’améliorer le rendement ou la qualité d’un végétal pourrait étendre la protection par brevet au végétal entier et à l’application industrielle propre à en exploiter l’utilité. Cette extension de la protection par brevet pourrait aussi réduire l’accès à la technologie et entraver toute recherche-développement plus poussée sur un végétal breveté. D’autres participants croient que l’interprétation actuelle de la définition du mot « invention », telle que formulée dans la Loi sur les brevets, crée d’autres obstacles à la recherche parce que l’accès aux gènes brevetés coûte trop cher ou que l’utilisation permise de ces gènes est trop restreinte. Les investisseurs hésitent à financer la recherche faisant appel à des gènes brevetés en raison des coûts élevés et du contrôle insuffisant. Par ailleurs, si le brevetage des végétaux est susceptible d’entraver l’innovation et d’empêcher les inventeurs de créer des variétés améliorées, certains participants sont d’avis que la Loi sur la protection des obtentions végétales n’est pas aussi restrictive.

Les mesures de protection des obtentions végétales ont donné de bons résultats jusqu’ici et elles encouragent l’investissement dans la recherche-développement d’espèces végétales. En conséquence, les agriculteurs d’aujourd’hui ont un plus grand choix de variétés améliorées sur le plan des caractéristiques agronomiques et de la qualité. Ces progrès sont rendus possibles avant tout par la capacité de protéger ces variétés en vertu des droits des sélectionneurs. Certains participants suggèrent de modifier la Loi sur les brevets afin de conformer la protection des obtentions végétales aux dispositions de la Convention UPOV de 1991. Une telle mesure donnerait un nouvel élan à la recherche-développement.

Insuffisances des cadres d’action en matière de brevetage et de réglementation
De l’avis de plusieurs participants, le système actuel de brevetage n’a pas la structure voulue pour traiter les questions de biotechnologie, et il faudra donc lui apporter des changements importants. En outre, de nombreux participants sont préoccupés par le manque occasionnel d’efficacité des systèmes de réglementation qui régissent l’exploitation de la biotechnologie après le brevetage. En ce qui touche le système de brevetage lui-même, certains intervenants pensent que l’interprétation des critères de nouveauté, d’utilité et de non-évidence est trop élémentaire lorsqu’il est question de breveter des gènes et qu’elle permet le brevetage de la simple découverte de gènes tels qu’ils existent dans la nature et que le soi-disant inventeur s’est contenté d’isoler. Selon ces personnes, à elle seule, la capacité d’établir la séquence de gènes ne devrait pas permettre à quiconque de se voir conférer un monopole par le biais d’un brevet.

Recommandations

La plupart des participants conviennent en général de la nécessité de prévoir des mécanismes d’examen des effets environnementaux et sociaux du brevetage des végétaux. Ils demandent aussi, et à maintes reprises, l’instauration de sauvegardes en matière de morale et d’éthique, mais les recommandations varient en fonction du point de vue de leurs auteurs quant à la mesure dans laquelle il est convenable, à prime abord, d’accorder la brevetabilité aux végétaux.

Voici les recommandations exprimées par les personnes qui, dans l’ensemble, sont contre le brevetage des végétaux :

  • Il faut « arrêter la pendule » jusqu’à ce que la recherche ait permis de bien comprendre les avantages et les risques du brevetage des végétaux.
  • Imposer (comme quelques pays l’ont déjà fait) un moratoire sur certains genres de recherche portant sur des éléments qui ne devraient tout simplement pas être brevetables.
  • Recourir à la protection des obtentions végétales plutôt qu’au brevetage des végétaux.

Les participants qui jugent acceptable de breveter les végétaux formulent une série de propositions ainsi que diverses conditions qui devraient entourer ce brevetage.

Presque tous les participants sont fermement convaincus qu’il est essentiel d’élaborer et de mettre en oeuvre un système de réglementation solide et efficace. Un tel système pourrait prévoir des sauvegardes tant dans le processus de brevetage que dans le cadre de réglementation.

Voici les recommandations formulées relativement aux mesures de sauvegarde à intégrer à la Loi sur les brevets et au processus de brevetage :

  • Ajouter au droit des brevets une disposition d’ordre public qui servira de « filtre moral ». Cette recommandation reçoit l’appui de nombreux participants. Plusieurs croient que le processus canadien de brevetage devrait s’aligner sur le modèle européen plutôt que sur le modèle américain. Certains donnent des exemples de la façon dont les pays européens mettent en application la disposition d’ordre public et, après en avoir discuté, de nombreux participants sont fortement d’avis que l’inclusion d’une telle clause à notre Loi sur les brevets ne dérogerait pas aux valeurs ni aux processus décisionnels canadiens. Un bon nombre de participants croient qu’une telle mesure est nécessaire, bien qu’insuffisante, pour intégrer les facteurs de morale et d’éthique au processus de brevetage.
  • Si le brevetage des végétaux est éventuellement permis, il faudra inclure au processus de brevetage une forme ou une autre de privilège de l’agriculteur.
  • Le fardeau de la preuve devrait incomber au détenteur du brevet ou à l’auteur d’une demande de brevet. Si les matières à breveter sont impossibles à contrôler ou à confiner, le brevet devrait être refusé.
  • Il faut recourir à un principe de précaution pendant tout le processus de brevetage afin d’aider le gouvernement à régler les problèmes de risque et d’incertitude.
  • Un principe important à respecter, lorsqu’il est question d’espèces qui ont une grande valeur pour les peuples autochtones, est de faire participer ces derniers à toutes les étapes du processus décisionnel afin qu’ils en comprennent bien toutes les conséquences et qu’ils puissent avoir la possibilité d’avoir part aux avantages.
  • Plutôt que de breveter un végétal ou un gène, il faudrait breveter seulement l’utilisation du procédé ou de l’application.
  • Il devrait être interdit de détenir plusieurs brevets concernant, par exemple, des gènes, des végétaux ou des procédés.
  • Les brevets ne devraient empêcher personne d’effectuer des recherches en vue d’améliorer une innovation brevetée. Il faut permettre la conclusion d’ententes d’utilisation des brevets entre le breveté et les personnes désireuses d’exploiter l’invention à des fins de recherche.
  • Il faudra établir des mécanismes permettant de déchoir les brevets. Ces mécanismes serviront de protection contre l’usage abusif d’un brevet.

Plusieurs participants croient que les enjeux sociaux, environnementaux et moraux doivent être abordés principalement hors du processus de brevetage. Ils proposent des mesures de sauvegarde à mettre en place à l’extérieur de la Loi sur les brevets, par exemple :

  • Il faudrait créer une « commission d’examen éthique » ou une « commission consultative en biotechnologie » et lui confier une responsabilité de surveillance, soit au sein de l’OPIC, soit à un degré hiérarchique supérieur. Les principes d’éthique proposés par le CCCB devraient être mis en application sous l’autorité de ce nouvel organe indépendant lors de l’examen des demandes de brevet.
  • Instaurer des mesures législatives de sauvegarde de l’éthique afin de protéger les droits des personnes et peut-être même des autres primates qui pourraient subir des effets négatifs à cause de végétaux génétiquement modifiés.
  • Au lieu d’intégrer des dispositions ou des interdictions très générales à la Loi sur les brevets, le Canada devrait axer son action sur l’utilisation et la mise en application de chaque brevet.
  • Il nous faut une loi sur la pollution génétique afin que les auteurs de la dissémination de matériel génétique dans l’environnement en soient tenus légalement responsables.

En plus des mesures de sauvegarde à prévoir au sein et à l’extérieur du processus de brevetage, d’autres recommandations sont formulées à l’intention du CCCB au sujet du brevetage des plantes. Voici en quoi elles consistent :

  • Pour que les consommateurs puissent faire des choix éclairés et décider d’eux-mêmes s’ils veulent ou non acheter un produit génétiquement modifié, il est essentiel qu’ils soient d’abord informés et sensibilisés et il faut aussi tenir un débat public à ce sujet.
  • Le Canada doit décider de sa propre démarche nationale, en tenant compte de nos grands partenaires commerciaux. En raison de la mondialisation du marché, certains participants sont d’avis que le Canada doit aligner sa conduite sur celle de ses partenaires. Dans cette optique, il faudrait, par exemple, que le Canada modifie ses lois afin de les rendre conformes à la Convention UPOV de 1991 afin de rattraper ses principaux partenaires commerciaux (à l’heure actuelle, le Canada est conforme à la Convention UPOV de 1978).
  • Suggestion de participants aux audiences du CCCB auprès des industriels : Le Canada devrait déposer de nouveau le projet de loi C-90 sur l’harmonisation de nos lois de protection des obtentions végétales avec les mesures législatives en vigueur aux États-Unis en cette matière. Le projet de loi C-90 permet le brevetage des végétaux, définit l’utilisation expérimentale selon la Loi sur la protection des obtentions végétales et accroît la protection des variétés végétales génétiquement modifiées ainsi que des végétaux issus de ces variétés.
  • Il faut procéder à un examen complet des façons dont le processus de brevetage et la Loi sur les brevets interagiront avec la Loi sur la protection des obtentions végétales. Certains intervenants croient que le brevetage ne devrait pas amoindrir la protection et les droits offerts par les mesures législatives actuelles. D’autres sont d’avis que les agriculteurs devraient avoir le droit de réutiliser les graines de semence, mais non pas nécessairement celui de les vendre. D’autres encore proposent, dans le cas où des semences brevetées sont réutilisées, d’imposer le versement de frais de permis dont la somme pourrait être inférieure au coût d’achat de nouvelles semences.

Régie
Selon la plupart des participants, la Loi sur les brevets et l’OPIC ne devraient aucunement intervenir dans la détermination des facteurs sociaux et éthiques concernant la biotechnologie. Plusieurs pensent aussi que les tribunaux ne devraient pas être chargés de définir la politique officielle en matière de biotechnologie et de brevetage des formes de vie supérieures. Les intervenants conviennent généralement que le Parlement détient la responsabilité de définir la politique officielle du Canada en matière de biotechnologie et de déterminer les exclusions et exemptions. Le Parlement représente les valeurs et les intérêts des Canadiens et les participants sont d’avis qu’il est l’institution à laquelle revient la tâche de formuler des politiques et de prendre les décisions touchant les questions de biotechnologie. C’est seulement au moyen de règlements clairement énoncés que l’on pourra donner un sens et une orientation convenables aux enjeux propres à la biotechnologie. Les mesures législatives doivent être appuyées par des directives stratégiques précises et des codes de conduite qui orientent les processus de réglementation applicables aux questions de biotechnologie.

3.3 Animaux

Les discussions au sujet du brevetage des animaux suscitent un vaste éventail d’opinions très diverses et souvent opposées. À une extrémité du spectre, on retrouve les personnes pour qui le brevetage des formes de vie supérieures est immoral et contraire à l’éthique. À l’autre extrémité, on retrouve les gens qui ne voient aucune différence entre le brevetage d’un animal ou d’invégétal et celui d’un objet inanimé. Entre ces deux extrêmes se répartissent les participants qui sont favorables au brevetage des animaux, mais seulement à condition qu’il soit soumis à des directives et des contraintes bien définies. Certains de ces participants disent qu’ils accepteraient un brevetage limité et seulement dans des circonstances bien précises, mais qu’il faut absolument exclure du brevetage les êtres humains et les autres primates. Un certain nombre d’intervenants ont de la difficulté à se faire une opinion arrêtée sur la brevetabilité des animaux. La question principale semble être celle de savoir où placer la ligne de démarcation entre les animaux qui devraient être brevetables et ceux qui ne le devraient pas.

Points de vue favorables au brevetage des animaux

Avantages pour la société entière
La plupart des participants favorables au brevetage des animaux sont convaincus que le brevetage peut servir le bien social général et que les préoccupations soulevées par leurs opposants peuvent être réglées plus efficacement par d’autres moyens que la politique sur le brevetage. Certains disent que le brevetage des animaux devrait être permis au Canada puisqu’il est impossible de tracer une limite claire entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas. D’autres affirment que le brevetage en soi n’encouragera pas de comportements indésirables, étant donné que l’homme « joue avec les gènes » depuis déjà des siècles.

Stimulant pour l’innovation et la recherche et appui à l’industrie
Les participants favorables au brevetage des animaux présentent généralement des arguments semblables à ceux invoqués par les personnes favorables au brevetage des végétaux, c’est-à-dire que le brevetage offrirait les avantages suivants : faire avancer la recherche et les découvertes thérapeutiques; appuyer la recherche dans le domaine de la médecine et de la santé; soutenir l’industrie canadienne; accroître probablement la production alimentaire; et garantir la divulgation des inventions.

Avantages pour la recherche médicale
Bien que les participants conviennent en général qu’il ne faudrait pas permettre la souffrance inutile des animaux dans le seul but de rehausser certains modes de vie sociale, certains d’entre eux croient que cette souffrance pourrait être acceptable si elle permet aux chercheurs de découvrir de nouveaux bienfaits pour la médecine et la santé.

Compétitivité internationale du Canada
De l’avis de quelques participants, si le Canada se donne un système de brevetage différent de ceux de ses partenaires commerciaux, il créera un climat national peu propice à l’innovation et à l’investissement. Le Canada ne serait plus perçu comme faisant partie des pays qui financent l’innovation et on jugera qu’il se met en position de profiter gratuitement de l’accès aux inventions issues de l’innovation. Selon les participants qui font valoir cet argument, le Canada doit payer les innovateurs s’il veut tirer parti de leurs créations.

Attitude morale relativement au brevetage des animaux
Contrairement à l’opinion selon laquelle les être humains n’auraient pas le droit moral de contrôler les animaux, certains participants favorables au brevetage des animaux soutiennent que la question n’en est pas une de possession des animaux mais plutôt d’intendance, puisque la société reconnaît déjà les droits de propriété sur les animaux. Certains intervenants expliquent que les animaux ne sont qu’une autre forme de vie existant dans un continuum qui commence avec les micro-organismes. La différence entre les formes de vie supérieures et les formes de vie inférieures est affaire seulement de degré de complexité et non pas une question de principe. Si les formes de vie simples sont brevetables et que personne ne s’y objecte, « le génie s’est déjà échappé de sa bouteille ». D’autres intervenants affirment que le brevetage des animaux ne pourrait pas mener au brevetage des êtres humains puisque cette deuxième possibilité va à l’encontre d’autres principes et lois, en particulier la Charte canadienne des droits et libertés.

Points de vue défavorables au brevetage des animaux

Objections d’ordre moral et éthique
De nombreux participants sont convaincus que les animaux ne doivent pas être brevetables, et ils appuient leur objection sur des principes de morale et d’éthique. Plusieurs croient qu’il ne faut pas breveter les formes de vie capables de ressentir la douleur et de s’autoreproduire. Leur conviction s’appuie sur le principe selon lequel il est contraire à l’éthique de posséder et de contrôler d’autres entités vivantes, et sur le fait que nos propres modes d’existence causent des souffrances inutiles à d’autres formes de vie. En outre, de nombreux participants croient fermement au devoir de respecter les valeurs culturelles, spirituelles et religieuses, qu’elles soient autochtones ou autres, qui s’opposent au concept occidental voulant que l’homme ait le droit de posséder des animaux.

Risques inconnus
Les participants opposés au brevetage des animaux soulignent que les organismes vivants sont différents des autres inventions. Ces organismes ont évolué et continuent de se développer dans leur milieu environnant et, comme tels, ne devraient pas être modifiés par les humains. Le brevetage des animaux entraînerait la perturbation de leur constitution génétique, et nous ne savons pas quelles conséquences pourraient s’ensuivre. Certains intervenants font remarquer que des problèmes pourraient surgir si un animal génétiquement modifié s’échappait dans la nature et donnait naissance à des formes de vie inconnues. D’autres croient que le brevetage des animaux mènerait à la diminution du nombre de variétés animales.

Absence de sauvegardes adéquates
Certains participants font valoir que le système de brevetage lui-même n’est pas l’outil qui convient pour traiter les questions de bien-être animal, étant donné que la Loi sur les brevets est conçue pour les procédés industriels et non pas pour la biotechnologie. D’autres intervenants disent qu’ils auraient peu confiance en des mesures de sauvegarde ou des processus décisionnels visant à protéger les humains et l’environnement contre les effets du brevetage des animaux. Plusieurs se demandent à qui reviendrait la responsabilité de tels choix et la définition des limites au brevetage des animaux. Certains laissent entendre qu’en favorisant le brevetage des gènes, nous nous plions au chantage de l’industrie. Selon les participants, si la question est d’une priorité assez élevée, la société dispose d’autres mécanismes pour encourager l’innovation. Quelques intervenants sont d’avis qu’un animal génétiquement modifié ne devrait pas être brevetable, mais que le procédé ou l’application en cause pourrait l’être.

Recommendations
Un bon nombre des participants favorables au brevetage des animaux croient fermement aussi qu’il est essentiel de mettre en place des lignes de conduite éthique et de bons systèmes de réglementation. Selon certains, il est nécessaire de rendre le processus de brevetage plus réceptif aux perspectives de l’ensemble de la société et d’assurer la transparence du processus. D’autres proposent l’établissement de mécanismes permettant de cerner les enjeux pertinents, éthiques et autres, pendant le processus de brevetage. De plus, de nombreux intervenants estiment qu’il faut élaborer des moyens de surveiller les enjeux qui pourraient se faire jour après la délivrance d’un brevet. Cette condition est perçue comme particulièrement critique dans le cadre du brevetage des animaux, qui entraînera fort probablement des répercussions inattendues. Tous les participants veulent absolument que la question du traitement compatissant des animaux soit réexaminée périodiquement.

Dans le cas où le brevetage des animaux deviendrait permis, les participants recommandent de prévoir l’exclusion d’inventions particulières ou des formes de vie supérieures. Voici les exclusions proposées :

  • Les êtres humains.
  • Les procédés ou utilisations qui font souffrir les animaux. Certains intervenants affirment qu’il faut instaurer des règles uniformes de bien-être animal afin de guider la conduite des chercheurs des secteurs privé et public.
  • L’imposition de souffrances aux animaux dans le seul but de créer des produits qui rehaussent certains styles de vie.
  • Les organes humains (mais non pas le procédé servant à fabriquer ou utiliser un organe).
  • Tous les primates.
  • Au sein du processus de brevetage, les participants recommandent l’intégration d’une disposition de bonnes moeurs et d’ordre public dans le cas de dommages à l’environnement et à la santé humaine et de souffrances imposées aux animaux. En ce qui a trait au brevetage des végétaux, les participants sont généralement d’avis qu’il serait souhaitable de prévoir une disposition d’ordre public si nous nous engageons à faire une priorité des facteurs moraux et éthiques au moment d’examiner les brevets.
  • Peut-être en parallèle avec la disposition de bonnes moeurs, certains intervenants croient qu’il serait possible de mettre en place des mécanismes permettant de lancer une procédure d’opposition pendant l’examen des demandes de brevet.

Des participants croient en la possibilité d’instaurer des mesures de sauvegarde de la morale et de l’éthique pour le brevetage des animaux, tant au sein du processus de brevetage qu’à l’extérieur de la Loi sur les brevets. Toutefois, en comparaison avec ce qui s’est passé pendant les débats sur le brevetage des végétaux, les participants sont beaucoup plus inflexibles quant à la nécessité de créer des mécanismes externes de sauvegarde et de surveillance des questions éthiques et morales liées au brevetage des animaux.

Plusieurs intervenants sont fermement convaincus que les problèmes de bien-être animal et de risque pour les humains devraient être abordés dans un autre cadre que le processus de brevetage. Les examens éthiques, selon eux, ne devraient pas relever de la responsabilité de l’OPIC. D’autres pensent que le brevetage des animaux devrait être clairement subordonné à la législation sur les droits de la personne et sur la protection des animaux. D’autres croient que les lois devraient aussi définir exactement les limites du brevetage des animaux. Voici les recommandations formulées en cette matière :

  • Il faut créer un organe d’examen social et éthique dont le fonctionnement sera ouvert et transparent, qui travaillera en toute indépendance du gouvernement et comprendra parmi ses membres des spécialistes et des citoyens ordinaires. Certains participants croient que l’organe en question devrait avoir le pouvoir d’évaluer la brevetabilité, au cas par cas, et que l’examen éthique devrait avoir une autorité plus que consultative.
  • Il faudrait instaurer des sauvegardes scientifiques afin de protéger la biodiversité et de veiller à ce que des espèces génétiquement modifiées ne puissent s’échapper dans la nature et s’y reproduire. Selon certains intervenants, tout brevet concernant un végétal ou un animal devrait contenir un mécanisme « terminateur » qui est une condition obligatoire à la délivrance du brevet et selon lequel l’inventeur garantit que les espèces génétiquement modifiées ne peuvent survivre que dans un milieu particulier et bien défini.
  • Il est nécessaire d’instaurer des mesures législatives de « responsabilité illimitée » qui permettent d’intenter des actions collectives et d’exiger et percevoir des dommages-intérêts dans les cas de dégâts environnementaux ou d’atteinte à la santé.
  • Il faudrait mettre sur pied un programme de surveillance après brevetage.
  • Il faudra surveiller la bonne intendance de tous les animaux en cause, c’est-à-dire, créer des programmes de suivi des animaux depuis leurs toutes premières origines.

En plus des mesures de sauvegarde au sein et à l’extérieur du processus de brevetage, voici d’autres recommandations formulées à l’intention du CCCB au sujet du brevetage des animaux :

  • La Loi sur les brevets ne doit prévoir aucune exemption législative qui soit discriminatoire à l’endroit de la biotechnologie.
  • Selon certains participants, il vaudrait peut-être la peine de prévoir un privilège des agriculteurs relativement aux animaux. Il ne faut pas restreindre le rôle des exploitants agricoles dans l’amélioration du cheptel.
  • Le Canada devrait envisager de permettre la recherche sur certaines matières, comme le font les pays d’Europe, plutôt que de suivre l’exemption plus limitée en vigueur aux États-Unis.
  • Nous devons trouver des méthodes de mise à l’essai qui ne nécessitent pas l’utilisation d’animaux, sauf en dernier recours.
  • Suggestion formulée lors des audiences du CCCB auprès des ONG : Les médicaments produits au moyen de la biotechnologie doivent être offerts aux consommateurs à des prix abordables afin de garantir l’accès des produits de la biotechnologie à tous les citoyens sans exception. En outre, la rétribution financière tirée de l’innovation biotechnologique devrait être partagée avec les personnes qui ont participé à la recherche médicale, par exemple en donnant des échantillons.
  • Suggestion formulée lors des audiences du CCCB auprès des dirigeants et des industriels : Le gouvernement devrait instaurer une loi canadienne sur les médicaments orphelins, en vertu de laquelle les entreprises recevraient des avantages (par exemple, l’exclusivité du marché et certains incitatifs fiscaux) pour créer et commercialiser des médicaments qui sont utiles à seulement un petit nombre de personnes au Canada. Les lois sur les médicaments orphelins sont perçues comme un moyen d’encourager spécialement les petites entreprises de biotechnologie à effectuer des recherches sur des maladies rares.

3.4 Questions restées sans réponse

Les discussions sur la brevetabilité ou non-brevetabilité des animaux ont donné lieu à plusieurs interrogations complexes auxquelles la plupart des participants n’avaient aucune réponse claire ou qui débordaient l’objet des séances de consultation. Ces questions restées sans réponse correspondent assez fidèlement au contenu des débats sur les principes et les enjeux du brevetage et sur la difficulté de définir des paramètres moraux et éthiques, tant pour l’individu que pour la société entière, qui puissent orienter la recherche de réponses.

Plusieurs de ces questions ont trait à des définitions morales et aux limites à poser au brevetage. En voici quelques-unes :

  • Dans quelle mesure un organe doit-il être synthétique pour pouvoir être jugé brevetable?
  • Devrions-nous faire une distinction entre les animaux domestiqués et les autres animaux?
  • Devrions-nous permettre le brevetage de cultures vendues à des fins autres que celles de l’alimentation?

D’autres questions portent sur le contrôle des ressources et la prise des décisions stratégiques, par exemple :

  • Qui sera-t-il chargé de définir le bien public et de poser des jugements relativement à ce bien?
  • Si un végétal a une valeur intrinsèque, devrait-il être brevetable? Et, le cas échéant, qui aura le droit d’en tirer profit?
  • Comment faut-il traiter la propriété des connaissances indigènes et des connaissances écologiques traditionnelles?

Les participants expriment également des préoccupations concernant l’accès aux connaissances et les façons d’aborder le risque :

  • L’insuffisance des connaissances au sujet des effets de la biotechnologie devrait-elle être le motif de base d’une interdiction du brevetage?
  • Comment devons-nous faire face à l’inconnu et à l’incertitude?
  • Le brevetage est-il le meilleur moyen à utiliser pour diffuser des renseignements sur les innovations?

D’autres questions portent sur la difficulté de trouver des solutions pratiques à certaines des recommandations formulées pendant les consultations. En voici quelques exemples :

  • Comment pouvons-nous garantir la tenue d’un débat sur la politique officielle?
  • L’absence de brevets empêchera-t-elle les chercheurs de poursuivre leurs travaux?
  • Comment pouvons-nous protéger le fonds génétique contre la contamination?
  • Comment pouvons-nous nous assurer que les animaux utilisés dans la fabrication de produits n’endurent aucune souffrance? Qui a le droit de consentir au nom des animaux?

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4.0 Définition du rôle international du Canada

4.1 Aperçu

Le dernier thème des consultations est celui des obligations internationales du Canada et du rôle de notre pays dans le contexte de la propriété intellectuelle en biotechnologie et du brevetage des formes de vie supérieures.

Les participants font remarquer que les systèmes de brevetage varient considérablement d’un pays à l’autre, et surtout entre nos deux principaux partenaires commerciaux, les États-Unis et l’Union européenne. La plupart des participants reconnaissent que le Canada est tenu, par les traités qu’il a signés, de poser des gestes bien précis en matière de brevetage, mais qu’il dispose aussi d’une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est d’orienter ses actions dans ce domaine. De l’avis des intervenants, en plus de protéger ses propres intérêts souverains, le Canada devrait profiter de l’occasion qui lui est offerte de prendre la tête d’un mouvement à l’échelle mondiale en vue d’élaborer une démarche originale relativement au brevetage.

De nombreux participants croient que le Canada doit cerner les actions à prendre pour servir ses intérêts nationaux et les moyens de mettre en oeuvre ces actions tout en respectant les exigences imposées par les traités signés et les engagements pris à l’échelle internationale.

Voici les questions abordées lors des discussions concernant le rôle international du Canada :

  • Les obligations internationales du Canada contiennent-elles des éléments inconciliables ou contradictoires? Quels sont-ils? Pourquoi ont-ils de l’importance?
  • Quelles mesures, s’il en est, le Canada devrait-il prendre pour remplir ses obligations internationales concernant le brevetage des formes de vie supérieures et les processus connexes?
  • Quel rôle le Canada devrait-il jouer sur la scène internationale dans ce domaine?

4.2 Incohérences dans les démarches des divers partenaires commerciaux du Canada

Les participants admettent la présence d’incohérences dans les démarches adoptées par les partenaires commerciaux du Canada en ce qui concerne la brevetabilité des formes de vie supérieures. Mentionnons notamment des différences dans la détermination de ce qui est brevetable ou non, des exemptions de contrefaçon et des exclusions pour des motifs d’ordre public et de bonnes moeurs.

En ce qui touche l’obligation du Canada de remplir les engagements pris dans le cadre de traités et d’accords au sujet du brevetage des formes de vie supérieures, certains intervenants croient que le Canada n’a d’autre choix que de se conformer et que cette conformité est logique du point de vue économique.

Voici certaines des nombreuses raisons invoquées à l’appui de ce raisonnement :

  • Le délai nécessaire à l’évaluation et à l’approbation d’une demande de brevet est trop long au Canada en comparaison de ce qui se passe chez nos grands partenaires commerciaux, les États-Unis et l’Union européenne. Les participants décrivent ce retard comme une contrainte qui non seulement ralentit, mais bloque l’innovation dans ce pays. Il s’ensuit que le Canada est perçu à l’étranger comme peu réceptif à la recherche et à l’innovation dans le domaine des formes de vie supérieures, ce qui pousse les chercheurs et les investisseurs à se tourner vers d’autres pays.
  • La position prise actuellement par le Canada au sujet de la restauration des brevets est un autre obstacle à la recherche, selon certains participants. L’impossibilité de restaurer les droits de brevet affaiblit la recherche en biotechnologie et ne lui permet pas d’acquérir le dynamisme qu’elle aurait autrement.
  • Le fait que le Canada ne se conforme pas aux pratiques de ses partenaires commerciaux en ce qui a trait au brevetage des formes de vie supérieures permet aux pays en question de contester le système canadien de brevetage et donne un caractère réactif plutôt que proactif à notre politique officielle sur les formes de vie supérieures. En conséquence, la politique du Canada est élaborée de façon ponctuelle et la réputation du pays sur la scène internationale en fait les frais.
  • En remplissant ses obligations, le Canada verrait s’améliorer ses relations commerciales et son économie puisqu’il serait perçu dans le monde entier comme un pays qui respecte ses engagements et offre un environnement propice au commerce et à l’investissement étranger en biotechnologie.

Les participants ne sont pas tous d’avis que le Canada doit harmoniser son processus de brevetage tel que le prescrivent les traités et les accords commerciaux. Voici certaines des raisons invoquées :

  • Les traités actuels sont biaisés en faveur du commerce et de l’investissement et accordent peu d’importance aux droits de la personne, à l’éthique et à l’environnement. Il faudrait renégocier l’ALENA en fonction d’une nouvelle vision des conséquences possibles de la biotechnologie.
  • Les obligations morales doivent prendre le pas sur les obligations commerciales.
  • La restauration des brevets peut avoir des effets nuisibles sur la société dans son ensemble, surtout dans le domaine des soins de santé. Si l’État élargit la portée des droits de brevet, il est fort possible que le coût des médicaments issus de végétaux et d’animaux brevetés reste inutilement élevé pendant une période prolongée.
  • L’adoption de la position de ses partenaires commerciaux sur le brevetage des formes de vie supérieures pourrait mener le Canada à nuire à sa propre économie agricole. Il s’ensuivrait, pour les agriculteurs canadiens, un accroissement de coûts et des restrictions inéquitables à l’accès aux nouvelles plantes de consommation.
  • Il se peut que le brevetage des végétaux ne soit pas nécessaire et que d’autres mécanismes, par exemple, les mesures de protection des obtentions végétales et d’enregistrement des graines de semence, soient suffisants.

Le troisième point de vue exprimé lors des tables rondes de consultation est que le Canada doit évaluer sa démarche en matière de brevetage des formes de vie supérieures afin de se donner la stratégie la meilleure en fonction des besoins du pays. Tout en admettant que les traités et accords existants imposent certaines exigences au Canada, les participants estiment qu’il reste une latitude suffisante pour définir une démarche canadienne privilégiée, une méthode canadienne visant à déterminer ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas et la nature des exclusions et des exemptions à prévoir. De nombreux intervenants sont fermement convaincus que c’est là la conduite à adopter par le Canada.

Les consultations donnent lieu aussi à l’expression d’une foule d’avis sur la question de savoir si le Canada doit concevoir sa stratégie visant le brevetage des formes de vie supérieures de façon à s’aligner précisément sur celle des États-Unis ou sur celle de l’Union européenne. Certains croient souhaitable que le Canada suive la ligne tracée par les États-Unis en cette matière. Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial et nos deux économies sont étroitement intégrées. Qui plus est, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) impose des mesures particulières à prendre par le Canada. En ne respectant pas ces engagements, le Canada pourrait devenir la cible de sanctions et-ou d’amendes. Si nous voulons que l’industrie canadienne de la biotechnologie soit prospère et demeure concurrentielle, il y a un avantage évident à suivre l’orientation américaine en matière de politique sur les formes de vie supérieures.

Du point de vue de l’investissement et du commerce, les participants pensent que l’alignement sur la politique américaine optimiserait les avantages pour le Canada, car cette orientation :

  • aiderait le Canada à conserver ses chercheurs hautement qualifiés;
  • stimulerait la recherche;
  • créerait un climat favorable à l’accroissement des investissements de capitaux dans l’industrie canadienne de la biotechnologie;
  • soutiendrait le développement de l’industrie canadienne de la biotechnologie.

D’autres participants penchent plutôt vers l’adoption de la démarche choisie par l’Union européenne parce que les facteurs d’ordre éthique et social semblent y prendre une plus grande importance dans le processus de brevetage. Ces participants sont d’avis que la perception canadienne des enjeux éthiques et sociaux concorde mieux avec celle de l’Union européenne qu’avec celle des États-Unis.

Plusieurs autres participants sont convaincus que le Canada n’a pas besoin d’harmoniser son processus de brevetage avec celui de quelque autre pays que ce soit. Le Canada devrait plutôt se montrer sélectif et choisir, dans tous ces processus, les éléments qui lui conviennent le mieux. Certains proposent que le Canada élabore sa propre politique et son propre processus de brevetage d’une façon qui manifeste les valeurs et les intérêts de notre pays. Les personnes consultées, dans toutes les tables rondes, accordent un appui particulièrement vigoureux à l’adoption d’une disposition d’ordre public et de bonnes moeurs; à une définition nette de la disposition relative à l’exclusion pour usage expérimental; et à l’interdiction de tout brevet à l’égard de l’être humain et de tout autre primate. Tous les traités et tous les engagements prévoient des exemptions et des exclusions, que le Canada doit se faire un devoir d’évaluer avant de les mettre en application.

D’après certains participants, le Canada doit se doter d’une stratégie exhaustive en matière de biotechnologie, en se fondant sur les résultats de consultations publiques futures au sujet de la politique gouvernementale. L’élaboration de la politique officielle devrait s’appuyer sur des preuves détaillées basées sur l’évaluation des incidences de toute action visant le respect des traités. L’évaluation en question porterait sur toute la gamme des considérations liées à l’éthique, aux valeurs sociales, à l’économie, aux droits de la personne et à l’environnement et elle décrirait soigneusement tous les avantages et les inconvénients des actions de conformité que pourrait envisager le Canada. Les résultats de l’évaluation devraient ensuite être diffusés sous une forme propre à mieux informer les Canadiens au sujet des conséquences, pour la ligne de conduite canadienne en matière de propriété intellectuelle en biotechnologie et de brevetage des formes de vie supérieures, des obligations découlant des traités actuels.

Dans un des exposés présentés, l’auteur recommande au CCCB d’examiner et évaluer le modèle africain de mesure législative visant « la protection des droits des collectivités locales, des agriculteurs et des éleveurs et la réglementation de l’accès aux ressources biologiques », élaborée par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Les principes et les perspectives présentés dans ces documents pourraient être d’un apport précieux au CCCB pour formuler des conseils précis au gouvernement du Canada concernant la Loi sur les brevets et la biotechnologie. L’intervenant voit dans la politique de l’OUA un exemple à suivre au moment de modifier la Loi sur les brevets pour tenir compte des préoccupations exprimées par le grand public tout en répondant aux exigences de l’ADPIC (OMC), de la Convention sur la diversité biologique et de l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques.

4.3 Rôle international du Canada

Les participants à toutes les discussions en table ronde affirment qu’il est important que le Canada joue un rôle de chef de file dans toutes les négociations internationales, en cours ou à venir, au sujet de la propriété intellectuelle en biotechnologie et du brevetage des formes de vie supérieures. Le Canada devrait prendre la tête du mouvement pour promouvoir la prise en compte des enjeux liés à l’éthique, aux valeurs sociales, aux droits de la personne et à l’environnement lors des délibérations relatives à tout traité ou accord futur. Les participants font un certain nombre de suggestions quant aux positions à défendre par le Canada dans les grands débats internationaux.

Protection des peuples indigènes
Des participants affirment que le Canada devrait s’assurer que tous les traités et accords à venir sur la recherche en biotechnologie et sur le brevetage des formes de vie supérieures reconnaissent officiellement les droits des peuples indigènes et le respect de leurs connaissances traditionnelles. Certains font remarquer, lors des audiences du CCCB auprès des ONG, que les coûts élevés qu’entraîne actuellement toute action en justice relativement à un brevet empêchent les collectivités traditionnelles et les pays en voie de développement de contester les brevets. Il est donc difficile à certaines collectivités de protéger leurs connaissances traditionnelles.

De l’avis des participants aux consultations, le Canada devrait lancer et diriger l’élaboration d’un cadre de partenariat qui respecte et protège les intérêts des peuples indigènes. Ce cadre devrait comporter des mécanismes de partage des avantages afin de veiller à ce que toute population qui contribue à la recherche en biotechnologie ait part aux bénéfices découlant de cette recherche. Le cadre de partenariat devrait aussi favoriser la mise en place de lignes directrices claires et précises en vue de garantir que toute personne contribuant à la recherche en biotechnologie donne vraiment un consentement éclairé. Les lignes directrices devraient viser, par exemple, les raisons de la recherche, les résultats escomptés et éventuels et les utilisations possibles des fruits de la recherche, de sorte que les peuples indigènes puissent décider de contribuer ou non. Des représentants des ONG proposent également la nomination d’un médiateur-protecteur des citoyens, qui entendrait les griefs des collectivités croyant que leur savoir traditionnel est exploité sans leur consentement ou sans le paiement d’une rétribution convenable. D’autres participants déclarent que le Canada devrait établir un fonds en fiducie dans lequel seraient versées des redevances à payer par quiconque utilise les ressources biologiques de ce pays. Le fonds en question pourrait servir à indemniser les Premières nations et toute autre collectivité pour l’exploitation des ressources biologiques qui leur appartiennent.

Évaluation exhaustive des brevets à l’égard des formes de vie supérieures
Certains intervenants suggèrent que le Canada, lors des négociations entourant les traités et accords futurs, fasse la promotion vigoureuse de normes nouvelles pour l’évaluation et l’approbation de toute demande de brevet visant des formes de vie supérieures. Les nouvelles normes devraient prévoir ce qui suit :

  • Évaluer toute innovation en fonction des facteurs d’éthique.
  • Imposer une évaluation du cycle de vie entier de l’innovation afin de mieux comprendre tous les risques et toutes les incidences.
  • Évaluer les innovations du point de vue de l’écosystème et non pas du seul point de vue de l’être humain.
  • Évaluer la capacité de confiner toute innovation afin d’éviter que ses éléments se propagent dans l’environnement.

Loi internationale sur la sécurité en matière de biotechnologie
Des participants affirment que le Canada doit encourager l’élaboration et l’instauration d’une loi internationale interdisant la pollution génétique. Tout examen d’une demande de brevet comporterait une évaluation de la conformité à cette loi, qui reconnaîtrait le droit d’accès de tous les peuples aux ressources biologiques collectives de la planète.

Appui aux autres pays
Certains sont d’avis que le rôle international du Canada doit s’étendre au-delà des tables de négociation. En tant que pays, le Canada a le devoir de partager ses compétences spécialisées en biotechnologie et d’aider les pays qui en ont besoin à renforcer leurs capacités, leurs institutions et leurs systèmes de surveillance en matière de propriété intellectuelle et de brevetage des formes de vie supérieures. Le Canada devrait se doter de politiques et de programmes qui facilitent la participation active de son industrie de la biotechnologie et de ses chercheurs financés par l’État aux activités de soutien et de transfert d’information.

Exclusion pour usage expérimental
Des intervenants croient que le Canada devrait obtenir de la communauté internationale qu’elle s’entende sur une définition claire et commune de l’exclusion pour usage expérimental. À l’heure actuelle, la définition de ce genre d’exclusion varie selon les pays. Le Canada devrait promouvoir l’acceptation de l’usage expérimental des formes de vie supérieures brevetées, afin d’aider à enrichir les connaissances au moyen de projets de recherche convenables et bénéfiques.

Amélioration du processus canadien de brevetage Certains participants sont d’avis que le Canada, avant de pouvoir assumer un rôle de chef de file sur la scène internationale, doit d’abord définir et coordonner son action au niveau national. Si le Canada veut doter son économie d’une industrie dynamique et solide en biotechnologie, il doit absolument modifier ses politiques en matière de brevetage.

Voici certaines des suggestions présentées :

  • Élaborer des politiques et des méthodes propres à raccourcir le délai d’obtention d’un brevet au Canada afin de ramener la durée de ce délai à ce qu’elle est aux États-Unis et en Union européenne.
  • Le gouvernement devrait veiller à ce que l’OPIC reçoive suffisamment de fonds et de ressources pour pouvoir gérer efficacement le traitement des demandes de brevet.
  • Adopter un processus d’examen par les pairs pour les demandes de brevet en biotechnologie. Ainsi, l’évaluation sera plus critique et il sera peut-être possible d’accélérer le traitement des demandes.
  • Le Canada devrait mettre plus de vigueur à protéger les droits des détenteurs de brevet contre les assauts des produits importés. Les intervenants proposent de prendre des mesures semblables à celles qui ont cours aux États-Unis
  • Des dirigeants de l’industrie affirment au CCCB qu’il est urgent d’apporter des améliorations à la limpidité du processus canadien de brevetage et que l’OPIC devrait élaborer des directives claires et offrir une aide plus efficace aux auteurs éventuels de demande de brevet, en suivant la ligne de conduite du US Patent and Trademark Office en cette matière.
  • D’autres industriels consultés par le CCCB sont d’avis que le Canada doit maintenir ses pratiques actuelles, y compris les dispositions de la Loi sur les brevets qui permettent à une personne de contester un brevet sans devoir d’abord violer les droits du brevet en question.

Consultations auprès des Canadiens
Enfin, un grand nombre de participants croient important que le CCCB et le gouvernement du Canada continuent de tenir des consultations auprès des intéressés et du grand public sur les enjeux nouveaux découlant de la biotechnologie, et surtout de prévoir ce genre de consultation avant que le Canada entame des négociations en vue de tout traité ou accord pouvant toucher la biotechnologie. Bien des intervenants voient le processus mis en oeuvre par le CCCB comme un bon point de départ, mais ils exhortent le Comité à trouver moyen de faire participer une plus grande part de la population aux consultations.

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5.0 Observations du rapporteur

Chacune des tables rondes de consultation organisées par le CCCB a fait l’objet d’un résumé rédigé par un rapporteur qui a également rendu compte de ses observations relativement aux propos échangés. Ces observations peuvent se résumer sous cinq rubriques :

  • Éthique et valeurs dans le contexte du brevetage et de la propriété intellectuelle.
  • Information publique, transparence et obligation de rendre compte.
  • Brevetage des formes de vie supérieures.
  • Équilibre à trouver entre les droits, les avantages, les risques et les responsabilités.
  • Obligations et possibilités d’action du Canada à l’échelle internationale.

Éthique et valeurs dans le contexte du brevetage et de la propriété intellectuelle
Comme on l’a vu plus haut, la présente section offre un résumé des observations notées par le rapporteur, M. Rolleston, pendant les séances de consultation. Les opinions exprimées sont évidemment celles de M. Rolleston et ne correspondent pas nécessairement à celles de l’un ou l’autre des intervenants ni à celles du CCCB.

Les participants à toutes les séances ont fait bon accueil à la décision du CCCB d’intégrer les facteurs d’éthique au débat sur le brevetage et la propriété intellectuelle.

Un commun dénominateur qui se retrouve dans l’ensemble des consultations est la question de savoir si les préoccupations d’ordre éthique concernent plus la biotechnologie que le brevetage des produits et des applications de la biotechnologie. Plusieurs des inquiétudes manifestées par les participants semblent porter sur le bien-fondé de permettre l’élaboration et l’exploitation des innovations biotechnologiques plutôt que sur la question de la brevetabilité de ces innovations. De nombreux intervenants croient que le CCCB devrait se pencher sur l’enjeu fondamental, celui de l’élaboration et de l’exploitation des innovations biotechnologiques, avant d’essayer de déterminer si ces innovations doivent être brevetables ou non.

Les participants conviennent généralement que l’éthique doit devenir l’un des fondements des processus de création et de commercialisation de produits nouveaux. Ce qu’il faut déterminer, c’est comment atteindre cet objectif. Presque tous les participants souscrivent aux valeurs globales et aux engagements de principe énoncés dans le document de consultation, mais ils demandent aussi ce que ces déclarations veulent dire, comment les mettre en pratique et comment les intégrer à des décisions précises concernant le brevetage et la commercialisation. Ces valeurs et ces principes devront donc être intégrés à tous les débats sur le brevetage. Le CCCB ferait énormément pour accroître la compréhension du public à l’endroit de ces enjeux en expliquant comment l’équilibre essentiel à la mise en application de l’éthique et des valeurs peut influer sur les décisions pratiques.

Les participants conviennent tout aussi généralement que les considérations d’ordre éthique devraient influencer le processus de brevetage, mais ils s’entendent beaucoup moins quant à la façon d’y arriver. Les brevets peuvent avoir une grande importance au moment de trouver des investisseurs, mais ils restent facultatifs pour le chercheur qui veut créer un produit innovateur et le lancer sur le marché. Même si la présente étude porte avant tout sur les brevets, le processus de brevetage et ses aspects obscurs et techniques ne sont probablement pas le point de départ qui convient à l’analyse d’objectifs de politique sociale. Selon les intervenants, pour une action efficace, les objectifs de politique sociale devraient être pris en compte dans les mesures législatives ou les règlements applicables aux étapes préalables à la brevetabilité d’une innovation ou, encore mieux, au moment où une invention nouvelle est mise sur le marché. Dans l’hypothèse la plus optimiste, les conditions entourant les brevets peuvent renforcer des objectifs qui sont abordés principalement par d’autres moyens. En conséquence, le CCCB devrait envisager le processus de brevetage dans une perspective plus large s’il est question d’y intégrer de nouvelles exigences reliées à la politique sociale.

En mettant de côté ce point de vue, il y a peut-être lieu et moyen de modifier le processus de brevetage afin d’y tenir compte des principes de l’éthique. Plusieurs participants expriment la nécessité de prévoir une forme ou une autre de méthode de sélection, de vérification ou d’examen qui permettrait aux valeurs éthiques d’exercer leur influence. Tous les groupes s’entendent pour dire que ce rôle ne devrait pas revenir à l’OPIC ou aux tribunaux, qui sont tenus de fonctionner dans le contexte des lois et mesures législatives en place. Il serait préférable de créer un organe nouveau, comptable envers le public et autorisé par législation à traiter les questions d’éthique et à régler les conflits d’éthique à l’échelle nationale. Il pourrait s’agir d’une entité semblable au CCCB, d’un médiateur-protecteur des citoyens ou d’un commissaire à l’éthique. L’entité à rechercher devrait être un système qui est investi de la confiance du public, qui illustre la diversité de la population canadienne, qui est ouvert, transparent, efficace et efficient et qui ne s’attache pas inutilement à entraver un système déjà coûteux et au fonctionnement lourd. Le nouvel organe et son mode d’action intégreraient, comme le font les pays de l’Union européenne, des dispositions ou mécanismes d’ordre public et de bonnes moeurs.

Information publique, transparence et obligation de rendre compte
Les intervenants insistent fréquemment sur la nécessité d’une participation plus complète du public à l’élaboration des politiques et aux processus décisionnels. Une telle participation ne peut se concrétiser que dans la transparence et l’ouverture et au moyen de flux d’information bidirectionnels. Il faut renseigner les citoyens, dans un langage qu’ils comprennent, au sujet de toutes les questions et préoccupations au fur et à mesure qu’elles évoluent, et aussi solliciter activement l’avis des citoyens. De l’avis des groupes interrogés, les consultations tenues par le CCCB, bien que constructives, ne sont qu’un premier pas, et certains participants estiment également qu’elles n’englobent pas tous les centres d’intérêt de la population. Les participants sont conscients de la difficulté de mettre sur pied des consultations qui tiendraient compte de tous ces intérêts, et se demandent aussi comment le CCCB arrivera à déterminer qu’il y a eu suffisamment de consultations. On mentionne souvent que l’expression des points de vue autochtones est essentielle à de tels débats, mais de nombreux intervenants font valoir qu’il faut l’intervention de toutes les collectivités du Canada.

Pour faire entrer des questions techniques aussi complexes dans le domaine public, il faut les présenter d’une manière qui les rende accessibles aux profanes. De l’avis des participants, il faudra qu’elles soient expliquées avec plus de précision que dans le document de consultation, surtout en ce qui a trait à la signification de mots tels que prudence, précaution, démarche et de tous les termes utilisés pour décrire les principes de l’éthique. Plusieurs intervenants demandent en particulier des éclaircissements sur les implications pratiques des mots utilisés et suggèrent, par exemple, d’illustrer ces mots au moyen de scénarios réalistes.

Les participants peuvent être généralement considérés somme des personnes bien informées, mais il n’en demeure pas moins d’énormes lacunes sur le plan de la juste compréhension; qu’il s’agisse de scientifiques, de décideurs, de défenseurs du bien public, de journalistes ou de citoyens ordinaires, la même diversité d’opinions se remarque dans tous les groupes tout autant qu’entre les groupes. Certains pensent que le débat national est limité par l’expression de positions extrêmes et par la nature des processus d’élaboration de la politique, qui tendent à supprimer la diversité des points de vue au sein des organismes au profit de la « discipline du parti ». Il est essentiel, dans ce domaine comme dans tous les autres de la politique officielle, présenter les enjeux dans l’ouverture et dans la transparence.

Les participants reconnaissent que le marché est l’autorité suprême pour ce qui est d’assurer le succès commercial, mais ils croient aussi que le marché fonctionnerait plus efficacement s’il était mieux informé. En plus de l’information, ils accordent également beaucoup d’importance aux facteurs économiques. Les entreprises grandes et puissantes, capables de réaliser des économies d’échelle, sont peut-être en mesure de commercialiser des produits nouveaux à des prix considérablement plus bas que ne le pourraient de petits fabricants de produits biologiques, mais non biotechnologiques. Ce sont là des facteurs susceptibles de jouer en faveur des produits génétiquement modifiés.

Brevetage des formes de vie supérieures
Les végétaux et les animaux devraient-ils être brevetables? Toutes les séances de consultation ont donné lieu à l’expression d’opinions très divisées à ce sujet.

De nombreux participants se demandent si le processus de brevetage, conçu au XIXe dans le contexte de simples objets matériels, peut réellement s’appliquer à des formes de vie qui sont capables de se reproduire et-ou de s’hybrider avec d’autres organismes et ne peuvent donc pas être récupérées si jamais elles s’échappent dans la nature. L’autoreproduction soulève des questions, notamment au sujet des monopoles qui se créent sur la possession de matières vivantes, qui n’ont rien à voir avec les machines ou les produits chimiques. Les intervenants manifestent des inquiétudes quant à la concentration de pouvoirs et d’intérêts que peuvent entraîner les brevets, et craignent que l’immense gamme des facteurs en cause en matière de biotechnologie ne se révèle impossible à gérer au moyen d’un seul processus.

D’après certains, il est possible que le brevetage des formes de vie supérieures soit relativement plus acceptable s’il vise l’amélioration de la santé humaine, mais d’autres sont sceptiques devant le battage publicitaire qui se fait autour des effets bénéfiques promis par la biotechnologie dans le domaine de la santé. La plupart des intervenants s’entendent pour dire que la biotechnologie va beaucoup trop vite pour que le public arrive à en comprendre ou gérer les nombreux enjeux.

Plusieurs opposants au brevetage des animaux sont disposés à accepter celui des technologies nécessaires à la création et à l’utilisation d’animaux génétiquement modifiés. En outre, un certain nombre des personnes prêtes à envisager le brevetage des animaux génétiquement modifiés croit que ce droit devrait être limité par des facteurs tels que les souffrances imposées aux bêtes, en tenant compte de l’objectif de l’exploitation à laquelle sont soumis les animaux GM et en donnant la priorité aux travaux nécessaires à la recherche médicale.

En général, l’appui est plus vaste quant il s’agit du brevetage des végétaux génétiquement modifiés, mais les participants font état de préoccupations semblables à celles soulevées par le brevetage des animaux GM.

Équilibre à trouver entre les droits, les avantages, les risques et les responsabilités
Les participants expriment presque tous des inquiétudes quant aux incidences négatives possibles du brevetage sur la société dans son ensemble, parce que les brevets mènent inévitablement à des monopoles. À titre d’exemple, les brevets accordés à l’égard d’animaux produits comme sources d’organes pour la xénotransplantation, de gènes aptes à traiter les cancers du sein ou de certains médicaments particuliers font-ils monter indûment les coûts pour les patients ou pour les systèmes de soins de santé? À combien se chiffre le « rendement équitable » d’un brevet sur une invention susceptible de décider de la survie ou de la mort de patients? Comment convient-il de déterminer cette « équité »? Et « équité » envers qui? Les intérêts et les besoins de toute la société devraient-ils entrer en ligne de compte ou faut-il plutôt laisser au seul marché le privilège de déterminer ce qu’est cette « équité »?

La reconnaissance de l’apport des connaissances traditionnelles est une autre question qui préoccupe les participants, dans l’optique de la « juste répartition » des avantages. Prenons le cas, par exemple, d’un médicament nouveau qu’une entreprise pharmaceutique extrairait de plantes médicinales qui, dans leur forme naturelle, sont utilisées comme remèdes par des collectivités indigènes depuis des générations. Comment le Canada devrait-il procéder pour déterminer quelles personnes et quels groupes ont un droit légitime aux avantages économiques et autres découlant d’une innovation? et pour établir la juste répartition de ces avantages dans les cas de revendications contradictoires? Faudrait-il passer par le processus de brevetage, ou sinon par les tribunaux en sachant fort bien que le coût élevé de toute action en justice favorise les mieux nantis?

L’accessibilité du processus de brevetage est-elle la même pour tous? Certains participants craignent que les frais à engager pour obtenir ou protéger un brevet ne favorisent surtout la grande entreprise. En rendant les brevets plus difficiles à obtenir, tout spécialement pour les petites entreprises, on peut s’attendre à ce que ces compagnies soient de plus en plus tentées d’aller s’établir dans d’autres pays et fassent ainsi perdre des atouts économiques au Canada.

Si des formes de vie sont capables de s’autoreproduire, il faut s’attendre à ce qu’elles s’échappent dans l’environnement. Des intervenants se demandent, par exemple, si un breveté ne devrait pas être tenu d’assumer la responsabilité de toutes les conséquences, prévisibles et imprévisibles, de la contamination de cultures qu’un agriculteur veut protéger contre toute variété génétiquement modifiée, ou de la modification d’espèces sauvages, poissons, plantes, etc., par un croisement non désiré avec des variétés génétiquement modifiées.

Obligations et possibilités d’action du Canada à l’échelle internationale
Les participants voient la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, nous en tenir à une approche « fabriquée au Canada » et, d’autre part, harmoniser nos méthodes avec celles des autres pays afin que le Canada soit perçu comme un partenaire commercial responsable. Certains perçoivent les accords internationaux comme des défis, des documents dont les dispositions peuvent et doivent être modifiées au fur et à mesure de l’évolution des besoins et des possibilités. Par-dessus tout, les participants sont convaincus de la nécessité de tenir un débat d’orientation de politique pour que le Canada décide de ce qu’il veut vraiment avant d’essayer de déterminer des stratégies précises en vue de trouver un équilibre entre la souveraineté et l’internationalisme.

En outre, de nombreux participants croient que le Canada, ayant des liens avec les États-Unis et avec l’Europe, est bien placé pour exercer un leadership moral international et prendre la tête du mouvement qui mènera à un consensus de tous les pays sur les valeurs et les principes à respecter et à mettre en oeuvre dans le brevetage des formes de vie supérieures. Toutefois, avant de se lancer dans une action mondiale, le Canada doit voir à l’édification d’une position nationale au moyen de processus ouverts, transparents, faisant appel à la participation de tous sans exception et manifestant la diversité de notre pays. De plus, en se façonnant un rôle international de ce genre, le Canada ne devrait pas agir par pur altruisme, mais veiller aussi à ses propres intérêts tout en tenant compte des conséquences générales à long terme d’un nouveau régime international de brevetage.

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2005-07-13
Révision: 2006-07-17
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