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Le Bureau de la consommation du Canada (BC)

Rapport sur les tendances en consommation - Chapitre 2 : Les consommateurs et l’évolution des marchés de détail

Chapitre 2 - Les consommateurs et l'évolution des marchés de détail

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La plupart des dépenses de biens et services des consommateurs se font dans le cadre de transactions au détail. Ce type de dépenses représente de 50 % à 55 % de la consommation des ménages canadiens (les versements hypothécaires et le paiement de loyers, par exemple, ne sont pas des dépenses de détail) et 6 % du produit intérieur brut ( PIB ) en 2001 (voir Conseil canadien du commerce de détail, 2001)42. L'évolution technologique est le plus important des nombreux facteurs qui transforment les marchés de détail depuis une vingtaine d'années.

Le présent chapitre porte sur cinq sujets : l'évolution de la structure des marchés de détail au Canada, l'utilisation croissante de la technologie dans les magasins, l'incidence d'Internet sur la façon dont les consommateurs se renseignent sur les biens et services et les achètent, comment la technologie change la façon dont les gens ont accès à leur argent et le dépensent, et la présence grandissante de la publicité dans la société canadienne.

2.1 L'évolution de la structure des marchés de détail

La structure des marchés de détail évolue considérablement depuis quelques années. Un certain nombre de grands détaillants non canadiens (principalement américains) sont maintenant très présents au Canada, et ils apportent avec eux de nouvelles approches commerciales, comme l'utilisation du modèle des grandes surfaces, la politique des bas prix quotidiens et l'échange électronique de données avec les fournisseurs. Plusieurs détaillants canadiens se transforment pour pouvoir rivaliser avec ces nouveaux venus de taille, mais dans certains secteurs, les détaillants indépendants locaux ont totalement disparu. À court terme, les consommateurs canadiens profitent des prix plus bas et de la commodité accrue associée à l'évolution de la structure des marchés de détail, mais en même temps, le secteur du détail devient plus homogène et plus concentré.

Détaillants étrangers au Canada

Depuis une trentaine d'années, les détaillants étrangers sont plus présents au Canada. Entre 1975 et 1995, le nombre de magasins de détail étrangers a plus que triplé, passant d'environ 3 000 à 10 000, et leur superficie a plus que doublé (voir la figure 2.1). En 1996, les détaillants étrangers représentaient environ 35 % des ventes au détail au Canada et environ 19 % des ventes non automobiles (Simmons et Kamikihara, 1999, p. 19).

Figure 2.1

Part de 
      marché des détaillants étrangers au Canada, 
      1975?1995

Nota : Les données sur la superficie (en pourcentage) ne sont pas disponibles pour 1975.

Source : Simmons et Kamikihara, 1999, tableau 10, p. 19.

Le gros des ventes des détaillants étrangers au Canada (environ 75 %) est attribuable à des sociétés qui ont leur siège aux États-Unis, le reste allant en majorité à des sociétés britanniques (Simmons et Kamikihara, 1999, p. 24). En fait, le nombre de chaînes de magasins de vente au détail américaines présentes au Canada est passé de 10 en 1985 à 185 en 2003. En 2003 déjà, 11 des 20 principaux détaillants au Canada (mesurés selon les ventes au détail) étaient américains ( CSCA , 2003). Il ressort d'une analyse réalisée dernièrement par le gouvernement américain que plusieurs facteurs contribuent à la forte présence de franchises américaines au Canada, y compris le fait que les consommateurs canadiens reconnaissent facilement les produits et services américains, en raison de leur exposition constante aux médias américains qui les rend très réceptifs avant même que ces produits et services arrivent sur le marché (Wetzel, 2003). Interviennent aussi la similitude entre les cultures et les marchés canadiens et américains (Watson, 2000) et la proximité des deux pays, le Canada étant un marché intéressant pour les détaillants américains : Toronto est la cinquième métropole nord-américaine et 55 % de la population canadienne vit entre Québec et Windsor, à moins de 100 miles des États-Unis (Thorne, 2000).

De tout temps, les détaillants étrangers ont apporté bon nombre des innovations structurelles les plus importantes dans le secteur du détail au Canada, y compris les magasins tout à un dollar, les supermarchés, les grands magasins d'escompte et les grandes surfaces (Simmons et Kamikihara, 1999, p. 5). Ces dernières années, Wal-Mart en particulier est l'auteur de plusieurs innovations dans le secteur du détail au Canada, notamment l'utilisation de centres de distribution à haute technologie avec transbordement efficace (les marchandises reçues dans un entrepôt ou un centre de distribution ne sont pas rangées mais préparées pour être envoyées chez des détaillants), le balayage électronique et les technologies de classement. Les chercheurs du Centre for the Study of Commercial Activity ( CSCA ) de l'Université Ryerson font observer l'absence de concurrence intense entre les détaillants canadiens avant l'arrivée de détaillants étrangers, surtout américains, dans les années 1990. Sans eux, conclut le Centre, le secteur du détail canadien aurait peut-être mis plus de temps à évoluer et serait sans doute moins novateur, ce qui aurait pu se traduire par des prix plus élevés et moins de choix pour les consommateurs canadiens43.

D'après les sondages d'opinion, les Canadiens ont des sentiments partagés en ce qui a trait à la présence accrue des chaînes de vente au détail américaines au Canada. Ainsi, ils sont aussi nombreux (28 %) à estimer qu'elles ont des conséquences positives ou négatives pour eux, et 44 % déclarent que, selon eux, l'incidence est « neutre ou partagée » (Millward Brown Goldfarb, 2003, p. 3-8). Millward Brown Goldfarb conclut ce qui suit :

[TRADUCTION] D'une part, les Canadiens sont heureux d'avoir tout un choix et d'avoir accès aux mêmes produits que les Américains, mais d'autre part, ils redoutent la domination possible du marché canadien par les énormes détaillants bien financés et les répercussions de cette domination. Si l'ascension rapide de Wal-Mart à la tête du marché canadien des détaillants à marge réduite est une indication, les Canadiens sont prêts à mettre de côté leurs craintes nationalistes si le prix est intéressant. (Millward Brown Goldfarb, 2003, p. 3-8, 3-9)

Les gros détaillants, étrangers et canadiens, sont à présent plus courants

La plupart des observateurs s'entendent pour dire que la commercialisation au détail n'a jamais évolué aussi vite qu'à présent et que l'apparition de grandes surfaces est la nouveauté la plus importante des dernières décennies44. Dans la première étude réalisée sur le sujet par Statistique Canada, Genest-Laplante nomme trois catégories uniques de grandes surfaces au Canada et quantifie la croissance (en part de marché) de ces nouveaux modèles. La première catégorie est celle des supermarchés où l'épicerie est reine et dont la superficie minimale est de 50 000 pi2. La deuxième catégorie est celle des magasins spécialisés, autrement dit des détaillants mettant l'accent sur des types de produits de consommation particuliers, comme les articles de sport, l'électronique, les jouets, les médicaments ou les vêtements, et disposant d'une superficie allant au minimum de 5 000 pi2 à 20 000 pi2 (selon le type de produits vendus). Enfin, il y a les magasins de marchandises diverses d'une superficie minimale de 90 000 pi2. Depuis 1989, ces trois catégories représentent une part plus importante des ventes canadiennes à la consommation sur leurs marchés respectifs. Ainsi, en 1996, la part des grandes surfaces sur le marché de l'alimentation au détail était de 35 %, comparé à 21 % environ en 1989; celle des détaillants spécialisés était de 25 % des ventes spécialisées au détail, comparé à 21 % également en 1989; et celle des magasins de marchandises diverses était de 70 %, comparé à 60 % en 1989 (Genest-Laplante, 2000).

Importance des petites entreprises pour l'interaction des consommateurs avec le marché

Le paysage économique canadien est défini, dans une large mesure, par des entreprises d'assez petite taille qui, d'après les données de Statistique Canada pour 2000, dans environ 97 % des cas, emploient 50 personnes ou moins45. Plus précisément :

[TRADUCTION] Les petites entreprises sont très nombreuses dans tout l'éventail des industries de consommation, de l'hôtellerie et de la restauration aux magasins de détail, en passant par les nombreux services professionnels dans des domaines tels que le droit, la comptabilité, les conseils et la médecine. Les services non professionnels, comme la réparation d'automobile et les services d'entreprises générales, sont aussi ciblés sur les consommateurs et sont très présents dans le secteur des petites entreprises. (TD Canada Trust, 2003)

Plusieurs caractéristiques positives sont associées aux petites et moyennes entreprises, comme la capacité d'adaptation rapide à l'évolution des besoins des consommateurs, grâce à des structures de gestion horizontales, à une certaine souplesse et à des services à la clientèle plus personnalisés. Au cours des consultations passées sur la Loi sur la concurrence, il a été souligné que « la protection des PME est considérée comme un des avantages découlant du fait de maintenir et de promouvoir la concurrence et non comme un but distinct » (Forum des politiques publiques, 2000). Du point de vue du consommateur, on estime aussi, cependant, que les transactions avec les petites entreprises exposent les consommateurs à de nombreux défis et à des déficiences du marché dans des domaines tels que le choix, les plaintes et recours, l'information, l'éducation des consommateurs, les méthodes de vente, les réparations et garanties, et la protection de leurs intérêts en général (McGregor, à venir). Étant donné leur forte présence sur le marché canadien et leurs caractéristiques uniques par rapport aux magasins de plus grande taille, les petites entreprises occupent une place essentielle dans la définition de mesures et de projets de lois destinés à protéger les consommateurs, qui peuvent poser des problèmes particuliers aux petites entreprises en ce qui concerne leur interprétation et leur application.

La croissance des grandes surfaces a été facilitée par l'arrivée de plusieurs grands détaillants américains au Canada depuis 1994, y compris Best Buy, Old Navy, Home Depot, Wal-Mart, Staples et Winners ( CSCA , 2003). Ils exercent une influence importante, au point que plusieurs grands détaillants canadiens, dont Rona, Canadian Tire, Danier Leather, Harry Rosen, Jacob, Loblaws Supercentre et Zellers, ont depuis adopté leur modèle ( CSCA, 2003). De plus, les grandes surfaces ont également mené à de nouveaux modèles. Ainsi, les « mégacentres commerciaux », que le CSCA définit comme étant trois grandes surfaces ou plus partageant un terrain de stationnement et généralement attenant à des services commerciaux de plus petite taille, sont apparus au Canada en 1992 et, en 2002, on en comptait déjà 213. Les réseaux de points de ventes, que le CSCA définit comme étant un mégacentre avec d'autres grandes surfaces ou mégacentres dans un rayon d'un kilomètre, généralement installés autour de grandes intersections, ont commencé à apparaître au Canada au milieu des années 1990 et, en 2002, on en comptait déjà 4446. Les faits donnent à penser que les grandes surfaces encouragent les consommateurs à parcourir de plus grandes distances pour s'y rendre (« destination-achats ») et à s'arrêter dans moins de magasins par déplacement ( CSCA, 2003).

Nouvelles stratégies en matière d'établissement des prix

Wal-Mart s'est implanté au Canada en 1994 en achetant 122 magasins Woolco et, en l'espace de huit petites années, il a facilement dépassé la Compagnie de la Baie d'Hudson et sa chaîne de magasins Zellers pour devenir le premier détaillant du Canada. En 2002 Wal-Mart contrôlait 38 % du marché canadien des grands magasins (Libin, 2002). Et les faits donnent à penser que sa part du marché continue à grimper. Avant l'arrivée de Wal-Mart, les détaillants canadiens fonctionnaient principalement suivant un modèle de prix variables « élevés et bas », en utilisant des prospectus hebdomadaires, des articles sacrifiés et des ventes spéciales pour attirer les consommateurs. Cependant, pour concurrencer Wal-Mart et pour se faire mutuellement concurrence, les grands magasins canadiens traditionnels ou à prix réduits reprennent certaines des méthodes du géant américain, y compris la politique des bas prix quotidiens (Thorne, 2000). Ainsi, il semble qu'environ 35 % des ventes de Sears Canada en 2003 reposent sur cette politique, ce qui est très différent de la méthode habituelle des démarques fréquentes pour attirer des clients (Strauss, 2003). D'après la même source, Zellers a répondu en appliquant la même politique à une part plus importante de ses stocks (96 % en 2002, contre 87 % en 2000). En définitive, ce sont les consommateurs canadiens qui bénéficient de prix toujours plus bas grâce à l'adoption et à l'utilisation généralisée de la politique des bas prix quotidiens sur le marché.

Le concept de grande surface a entraîné des changements dans toute la chaîne d'approvisionnement du secteur du détail, des fabricants aux distributeurs, en passant par les sous-traitants et des secteurs connexes tels que celui de l'emballage47. Étant donné la taille des contrats qu'elles offrent, les grandes surfaces obligent pratiquement les fournisseurs à innover pour rester concurrentiels. Les observateurs de l'industrie montrent dans quelle mesure les relations de certains fabricants avec les grandes surfaces ont fait changer la chaîne d'approvisionnement, qui s'est rationalisée :

[TRADUCTION] Dans le passé, les fabricants créaient des gammes de produits compliquées, et les coûts d'une telle variété étaient tout simplement répercutés le long de la chaîne d'approvisionnement - sur le grossiste, puis sur le détaillant et, enfin, sur le consommateur. Mais les grandes surfaces ont éliminé du système les pratiques non efficientes en occupant l'avant-garde de l'automatisation des chaînes d'approvisionnement. Elles exigent souvent que les fabricants revoient complètement leur façon d'approvisionner le marché. (Schwalm et Hardling, 2000, p. 30)

Au-delà des efficiences reposant sur l'automatisation, les gros détaillants ont d'autres façons d'influer sur leurs relations avec les fournisseurs :

[TRADUCTION] Dans bien des industries, les détaillants sont devenus plus gros (par ex., chaînes de magasins, grandes surfaces). […] Les détaillants se sont aussi mis à créer des marques maison pour ne pas dépendre complètement de l'approvisionnement de fabricants en amont. Ces changements les aident sans doute à accroître leur pouvoir de négociation par rapport aux fournisseurs. De plus, les détaillants qui ont un pouvoir de négociation imposeront probablement des restrictions verticales aux fabricants, comme des frais de représentation, des frais de listage, des paiements forfaitaires, une exclusivité d'approvisionnement, le refus de stocker (ou le retrait du listage), des niveaux d'approvisionnement minimaux et des obligations de publicité minimales. La question est de savoir si ces restrictions accroissent l'efficience et/ou sont anticoncurrentielles. (Tan, 2001, p. 14)

En bref, le pouvoir d'achat des gros détaillants peut faire baisser les prix, mais il peut aussi influer sur le choix des produits qui aboutiront dans les rayons et, donc, avoir des incidences à long terme sur le choix des consommateurs.

Les Canadiens apprécient manifestement bon nombre des caractéristiques des grandes surfaces, y compris la commodité accrue, les longues heures d'ouverture, le fait de tout trouver au même endroit, et les places de stationnement nombreuses et gratuites. D'après des sondages d'opinion réalisés en 2003, une majorité de Canadiens estiment que les grandes surfaces offrent la possibilité de faire tous ses achats au même endroit, ce qui est pratique (72 %) et des prix plus bas (68 %)48.

Cependant, les grandes surfaces ont leurs inconvénients, comme la foule, les encombrements et, en particulier pour les consommateurs âgés, de très grands espaces qui peuvent être épuisants et où il peut être difficile de se repérer. L'impression d'une absence de service personnel est peut-être le plus grand défaut des grandes surfaces. Ainsi, dans un sondage national réalisé en 2003, seuls 26 % des Canadiens estiment que les grandes surfaces offrent un meilleur service que les petits magasins49. Par ailleurs, il ressort d'un sondage réalisé en 2000 auprès d'habitants de la Colombie-Britannique qu'une infime majorité (51 %) préfèrent faire leurs achats dans des petits magasins plutôt que dans les grandes surfaces en raison de l'attention et du service personnels qu'on y reçoit (voir Conseil canadien du commerce de détail, 2000). Cependant, si l'on considère tous les facteurs, les Canadiens semblent apprécier les grandes surfaces, puisque 57 % conviennent que, dans l'ensemble, c'est une bonne chose pour les consommateurs50.

Plus grande concentration sur le marché de détail

Avec la présence croissante des grands détaillants depuis une dizaine d'années, le Canada assiste à une concentration grandissante dans certains secteurs de détail, concentration mesurée en part de marché des quatre principales sociétés51. En fait, entre 1998 et 2001, les trois sous-secteurs de détail où la concentration était la plus forte au Canada (alimentation, médicaments délivrés sur ordonnance et articles d'usage courant) se sont encore plus concentrés (voir la figure 2.2). Il est difficile de trouver des statistiques comparées, mais il semble, selon certaines données, que des sous-secteurs du secteur du détail canadien soient plus concentrés que des sous-secteurs comparables chez certains de nos partenaires commerciaux les plus proches. Ainsi, en 1998, la part de marché de la plus grande chaîne de supermarchés au Canada était de 31,1 % (Gomez-Insausti, 2000, p. 19), ce qui est beaucoup plus que le principal détaillant alimentaire aux États-Unis (5,8 %) et en Grande-Bretagne (15,4 %) (Hughes, 1996). Fait intéressant, les deux sous-secteurs du détail les moins concentrés au Canada (ameublement et appareils ménagers, ainsi qu'habillement) ont encore perdu de leur concentration entre 1998 et 2001.

Figure 2.2

Concentration des 
      grands détaillants sur le marché, 1998 c. 2001

Sources : Gomez-Insausti, 2000; CSCA (Ryerson University), 2003.

Il n'existe pas de données sur les fermetures de magasins à l'échelle nationale, mais l'incidence de certaines grandes surfaces sur la structure du marché de détail dans la Région du Grand Toronto a été analysée. Entre 1993 et 2002, le taux de fermetures parmi les petits magasins situés à moins de cinq kilomètres d'une grande surface en particulier allait de 26 % à 55 %52.

Il ressort d'une étude antérieure réalisée dans la Région du Grand Toronto que, pendant les premières années de concurrence, le taux de fermetures dans une catégorie de vente au détail était élevé, car les petits détaillants étaient contraints de mettre la clé sous la porte53 et même des détaillants installés à plusieurs kilomètres enregistraient de petites pertes dans leurs ventes dans certains secteurs (Jones et Doucet, 1999, p. 23, 36). Les consommateurs canadiens sont au courant de ces conséquences, puisqu'il ressort d'un sondage réalisé en 2003 que 74 % d'entre eux pensent que l'arrivée des grandes surfaces a entraîné la disparition de magasins indépendants locaux54.

Les conséquences d'un secteur du détail plus concentré se ressentent aussi dans la rue, par une plus grande homogénéité et une moins grande diversité, car les détaillants indépendants ont toujours fourni un pôle social, culturel et économique dans leur voisinage (Jones et Doucet, 1999, p. 16). On pourrait dire que les grandes surfaces risquent de créer un secteur du détail moins axé sur la communauté. Ainsi, il ressort de l'étude de la Région du Grand Toronto que la fermeture de magasins indépendants a une incidence notable sur la « qualité » de l'expérience des achats dans les rues de Toronto. Il se peut que la situation soit quelque peu atténuée par un passage à des restaurants, à des cafés-restaurants haut de gamme et à des centres de services personnels et commerciaux, mais les magasins de vêtements et les quincailleries indépendants ont généralement laissé place à des magasins de bas de gamme tout à un dollar et à des beigneries (Jones et Doucet, 1999).

Le CSCA fait également remarquer que les mégacentres commerciaux (et les réseaux de points de vente), qui deviennent plus communs dans les banlieues, sont moins axés sur la communauté que les centres commerciaux traditionnels, dont beaucoup sont installés dans les centres-villes et ont du mal face à la concurrence des nouveaux modèles. En général, les centres commerciaux offrent tout un éventail de services communautaires, comme des cliniques médicales, des bureaux de poste, des bureaux de traitement des permis et des bibliothèques. Ils accueillent aussi des manifestations locales, comme des foires artisanales et des salons des antiquaires. Ce n'est généralement pas le cas des mégacentres commerciaux (ou des réseaux de points de vente).

Les petits commerces sont particulièrement inquiets devant la domination du marché qu'exercent leurs concurrents du secteur du détail. Ils redoutent aussi la capacité de ceux-ci de dicter éventuellement les conditions dans la chaîne d'approvisionnement. Cependant :

[TRADUCTION] pour les consommateurs, la position de négociation ferme face aux fournisseurs peut se traduire par de meilleurs prix dans les magasins. Dans le climat concurrentiel actuel, où les acteurs sont moins nombreux mais plus importants, se montrer agressif dans les négociations de rabais avec les fournisseurs signifie que les détaillants peuvent répercuter ces économies sur les consommateurs. (Olijnyk, 2000, p. C1, C9)

À ce jour, les faits donnent à penser que le degré de concentration actuel au Canada ne nuit guère aux consommateurs. Dans son analyse des taux de fermetures parmi les petits magasins (fermetures résultant de la concurrence de grandes surfaces) dans la Région du Grand Toronto, le CSCA conclut :

[TRADUCTION] Ce que l'on peut dire au sujet de la concurrence est assez complexe. Les grands noms sont peu nombreux dans ces espaces, mais la plupart livrent une concurrence féroce sur les articles proposés, les prix affichés, les heures d'ouverture, etc. Il y a donc moins de concurrents, mais ceux-ci sont plus compétitifs55.

En outre, il semble que les consommateurs ne sont généralement pas conscients de la concentration dans le secteur du détail. Ils sont certes au courant de la mort des magasins indépendants locaux, mais les mêmes sondages révèlent que les Canadiens pensent qu'il y a plus de choix de fournisseurs pour les épiceries qu'il y a cinq ans, ce qui est faux. En général, cette opinion tient après avoir vérifié l'âge, la taille de la collectivité, le revenu du ménage et d'autres variables socio-démographiques. D'après les chercheurs du CSCA , l'opinion des consommateurs sur le choix tient probablement en partie à l'augmentation du nombre de magasins que chaque chaîne a dans des secteurs comme celui de l'épicerie56. Cependant, il est difficile d'analyser les incidences à long terme sur les consommateurs d'une concentration accrue dans le secteur du détail, car les av is sur le sujet divergent, et il n'est certainement pas facile pour les consommateurs d'évaluer la situation.

Possibilités de recherche

Les détaillants étrangers et les grands détaillants ont apporté un certain nombre de changements importants dans les achats des consommateurs. Bon nombre d'études universitaires réalisées ces dix dernières années portent sur le point de vue des entreprises quant au paysage canadien de la vente au détail, mais il serait utile que plus de travaux soient consacrés aux conséquences pour les consommateurs du nombre croissant de détaillants étrangers et de grands détaillants, y compris des études quantitatives sur les prix, la sélection de produits et le choix des fournisseurs.

D'autres études pourraient porter notamment sur l'effet de l'homogénéisation de l'expérience d'achat sur les identités culturelles régionales (y compris un examen de l'incidence du nombre croissant de magasins franchisés), l'effet de la présence grandissante de détaillants non canadiens sur l'identité canadienne, l'incidence de la disparition de magasins indépendants locaux sur l'accès à des produits et services ayant un intérêt culturel pour une population diverse, l'effet de modèles de vente au détail novateurs sur la sécurité (par ex., la sécurité alimentaire et la gestion juste à temps), la montée de produits vendus sous la marque du distributeur et leur incidence sur les consommateurs, l'effet des réseaux de points de vente sur le choix des consommateurs, pour les clients à faible revenu et sans moyen de transport et les habitants des grands centres-villes, et l'incidence environnementale des grandes surfaces et des achats dans les zones suburbaines et régionales.

2.2 L'utilisation accrue de la technologie dans les magasins

Le développement de différents types de technologies pour les magasins au cours des dernières décennies a entraîné la création de nouveaux services sur place. Parmi ces innovations technologiques, citons l'utilisation généralisée des codes à barres et la vérification du prix par lecture électronique au point de service, des outils connexes comme les kiosques interactifs, et de nouvelles applications reposant sur des étiquettes d'identification par radio-fréquence. Grâce à ces technologies, les détaillants peuvent gérer leurs stocks plus efficacement et, en même temps, permettre aux clients de faire des transactions, de se renseigner sur des produits et d'obtenir un service avec une aide minimale des employés du magasin. Et, d'après un sondage récent, les Canadiens sont prêts à acheter dans des magasins équipés d'une technologie libre-service57.

La nouvelle technologie dont s'équipent les magasins présente indéniablement des avantages pour les consommateurs, à savoir une plus grande efficacité et des économies dans le réseau de distribution. Les consommateurs peuvent aussi y gagner plus de contrôle sur la façon dont ils font leurs achats et, tout particulièrement, sur la façon dont ils peuvent se renseigner sur les produits dans le magasin. Si cette technologie est reliée à des programmes de fidélité informatisés (dans lesquels les clients donnent des renseignements sur leurs habitudes d'achat en utilisant une carte de fidélité à bande magnétique qui est « balayée » au moment de l'achat), les clients peuvent être récompensés de leurs achats par des rabais sur des achats ultérieurs ou par des produits gratuits. Cependant, ces changements soulèvent des questions importantes, notamment en ce qui concerne la capacité des détaillants de recueillir des données sur les habitudes d'achat des consommateurs, de les traiter et de les suivre. L'évolution de l'expérience d'achat dans les magasins peut aussi se révéler difficile pour ceux qui ont moins l'habitude des nouvelles technologies, ce qui contribue donc au « fossé numérique ».

Codes à barres et scanneurs : des économies pour les détaillants et une plus grande gamme de produits

L'utilisation de codes universels de produit ( CUP ), couramment appelés codes à barres, est une des innovations technologiques les plus importantes de ces 20 dernières années dans le secteur du détail (Nantel, 2003). Les CUP , qui ont fait leur apparition sur les emballages en 1974, sont maintenant présents sur près de 90 % des produits de consommation vendus au Canada58. Avec les systèmes d'échange électronique de données, les codes à barres ont facilité l'adoption dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement de la livraison juste à temps, qui entraîne des économies répercutées sur les consommateurs sous forme de prix plus bas. Dans la seule industrie de l'épicerie des États-Unis, on estime que les codes à barres font économiser 17 milliards de dollars par an (Peters, 2002, p. 66-67). La technologie des codes à barres permet de mieux gérer un approvisionnement volumineux et d'offrir un choix de produits plus vaste aux consommateurs dans les magasins59. En outre, forts des données plus nombreuses sur les ventes fournies par les codes à barres, les fournisseurs et les détaillants étudient des outils de planification et de prévision de pointe. Pour une chaîne de pharmacies américaines, l'utilisation de ces outils a permis de réduire de 65 % le problème de l'épuisement des stocks dans les magasins (Global Logistics, 2002), ce qui est bénéfique pour les consommateurs comme pour les détaillants.

Passage aux caisses plus rapide et plus précis

La technologie des CUP a également entraîné une utilisation accrue des scanneurs de prix aux caisses, et les clients en reconnaissent les avantages depuis le début pour ce qui est du gain de temps. L'amélioration continue de cette technologie a permis de réduire encore l'attente aux caisses, ce qui est particulièrement important quand on fait ses achats chez des détaillants qui traitent de gros volumes. Chez Wal-Mart, par exemple, qui traite 65 millions de transactions par semaine, en réduisant chaque transaction rien que d'une seule seconde, on gagne 18 000 heures par semaine (NCR Corporation, 2004). La technologie des codes à barres profite aussi aux consommateurs en améliorant de manière générale l'exactitude des données entrées. Une étude canadienne de 1996 conclut à une marge d'erreur de 6,3 %, ce qui est inférieur aux conclusions d'autres études (de 4 à 16 % de marge d'erreur) quand les caissiers entrent les prix manuellement (Bureau de la concurrence, 1999).

L'utilisation des codes à barres et des scanneurs n'est pas sans failles, cependant. Dans les années 1990, par exemple, des détaillants québécois se sont aperçus que la loi provinciale qui les obligeait à coller des étiquettes de prix sur tous les produits créait d'énormes problèmes, en particulier pour les grandes surfaces et les épiceries qui utilisaient des étiquettes d'étagère électroniques (Wintrob, 2002). Une association de détaillants québécois a déclaré que non seulement l'obligation d'étiquetage prend du temps et perturbe le travail, mais qu'en plus, elle n'appuie pas les nouvelles technologies de lecture électronique que l'on trouve sur le marché (Wintrob, 2002). Parallèlement, des études réalisées par le gouvernement et les consommateurs ont continué de documenter des erreurs dans la lecture électronique des prix60. De grandes associations de détaillants québécois ont persuadé le gouvernement québécois d'exempter de l'application de la loi les détaillants qui n'apposaient pas d'étiquette de prix individuelle sur les produits, s'ils instauraient une politique donnant aux clients un rabais maximal de 10 $ en cas d'erreur de prix relevée à la caisse (Wintrob, 2002).

Peu après, le nouveau Code volontaire sur la lecture optique des prix, qui est un code national, a été rédigé par les principales associations de détaillants, en collaboration avec le Bureau de la concurrence fédéral, et il doit s'appliquer aux détaillants de toutes les provinces et des territoires, sauf ceux qui, comme le Québec, ont des lois qui rendent l'étiquetage individuel des prix obligatoire (Wintrob, 2002). À l'instar de l'initiative québécoise, ce code volontaire fixe les conditions dans lesquelles un consommateur est dédommagé en cas d'erreur dans la lecture électronique du prix d'un article ne portant pas de prix. Dans ce cas, l'article est soit offert, soit assorti d'un rabais, selon son prix61. Cependant, compter sur les consommateurs pour surveiller les prix des articles et les vérifier ensuite à la caisse peut parfois se révéler problématique. Ainsi, quand beaucoup d'articles sont achetés (par ex., épicerie familiale hebdomadaire), le caissier peut être pressé de faire la transaction, ce qui limite la possibilité qu'a le client de vérifier le prix de tous les articles. Plusieurs nouveautés technologiques pourraient aussi poser des problèmes à cet égard. Avec les caisses électroniques capables de lire simultanément de multiples codes à barres (NCR Corporation, 2003), il pourrait devenir encore plus difficile pour les clients de s'assurer que le prix de tous les articles est exact. Les caisses automatisées, installées dans quelques magasins canadiens ces deux ou trois dernières années, peuvent poser des problèmes similaires.

Autres outils d'information dans les magasins

Les kiosques d'information interactive des consommateurs sont une autre application de la technologie du traitement de l'information dans les magasins. Il s'agit de structures autonomes qui comprennent souvent un ordinateur et un écran tactile pour l'entrée et l'affichage de données et, dans certains cas, le traitement de commandes. Ces appareils reposent sur la technologie tactile des années 1980, et les nouvelles applications se sont multipliées depuis la fin des années 1990 avec Internet (Mulroney, 2000, p. E15). Les kiosques, qui ont fait leur apparition chez divers détaillants, sous des formes variées, facilitent l'expérience d'achat des consommateurs. Parmi les exemples de tels kiosques, citons les registres de cadeaux (signalé dans Nantel, 2003)62, les postes d'écoute de musique (Canada NewsWire, 2000)63 et les enregistrements dans les aéroports (signalé dans Mulroney, 2000). Dans la restauration rapide aussi, on essaie des postes de commande automatisés (Harmon, 2003). Avec ces applications, les kiosques proposent aux consommateurs des services interactifs à valeur ajoutée pratiques et plus rapides. Les terminaux de kiosque sont également utilisés dans les magasins de détail pour donner aux consommateurs plus de choix que ce qui est présenté en magasin. Ainsi, aux États-Unis, Staples utilise des kiosques qui permettent aux clients d'accéder à un catalogue de 100 000 articles, comparé aux 9 000 articles normalement présentés en magasin (Chain Store Age, 2001). Cette technologie offre un grand avantage aux clients qui, pour une raison ou une autre, n'ont pas accès à Internet.

Remplacement des codes à barres par des étiquettes d'identification par radio-fréquence

Le remplacement probable des codes à barres actuels par des « étiquettes intelligentes » utilisant l'identification par radio-fréquence est un changement très attendu aujourd'hui dans l'industrie de la vente au détail. Cette technologie permettra de conserver sur ordinateur des données détaillées sur les produits et de les consulter au besoin sur Internet (The Economist, 2003). Les projections concernant l'utilisation d'étiquettes d'identification par radio-fréquence augmentent, étant donné que leur prix de gros, inférieur à 0,10 dollar américain, commence à en faire une solution de remplacement viable aux autocollants à codes à barres (Boutin 2003, p. A15). En outre, les grands détaillants ont commencé à faire connaître leur intention d'intégrer les étiquettes d'identification par radio-fréquence dans leurs systèmes d'approvisionnement et de distribution (Jones, 2003). L'ampleur des fonctions de cette nouvelle technologie d'étiquetage pourrait considérablement améliorer la gestion des stocks (d'où des économies éventuelles à répercuter sur les consommateurs)64 et entraîner plusieurs autres avantages indirects. Sa meilleure capacité de localisation des objets pourrait aider les passagers qui ont perdu des bagages en avion65 et permettre aux entreprises de réagir plus rapidement en cas de retrait de produits du marché66.

Les étiquettes d'identification par radio-fréquence devraient faire passer le développement d'applications des codes à barres axées essentiellement sur l'approvisionnement (par ex., meilleure gestion des stocks) à des applications plus axées sur les clients. Comme le résume un analyste, si tout le monde sait à quoi servent les codes à barres, les consommateurs ne sont tout simplement pas ceux qui les lisent (Burden, 2000). En facilitant une transmission instantanée de l'information, les étiquettes d'identification par radio-fréquence et la mise au point d'appareils de lecture optique portatifs permettront aux consommateurs de vérifier le prix d'un article (afin de s'assurer qu'il correspond à celui indiqué en rayon) et de savoir où il en est dans ses achats (Université de l'Indiana-KPMG, 1999). Ces applications pourraient faciliter les achats comparatifs (magasins et produits) en permettant aux consommateurs de télécharger des renseignements détaillés sur un produit par une lecture optique de son étiquette donnant accès à des services de télécommunications sans fil.

Ces applications possibles sont considérées comme annonciatrices de changements importants dans le rapport de force entre les consommateurs, les détaillants, les fabricants et les commerçants en ligne. Par exemple, l'utilisation généralisée d'appareils portatifs sans fil pourrait transformer toutes les librairies du monde en salles d'exposition pour Amazon.com (Microsoft Research, 2000). En outre, l'aspect le plus banal mais le plus essentiel des achats, à savoir l'étiquette, soulève de nouvelles questions politiques intéressantes dans un monde de dispositifs sans fil, car la capacité de lire les étiquettes d'articles et de se connecter au Web pour obtenir des renseignements supplémentaires pourrait faire qu'un jour, les décisions des consommateurs soient influencées au point de vente par divers points de vue qui ne sont aujourd'hui pas souvent entendus (par ex., la modification génétique des aliments ou les conditions de travail chez les fabricants de vêtements) (Microsoft Research, 2000).

Protéger la vie privée et les renseignements personnels

La nouvelle technologie relative aux renseignements sur les produits ne permet pas seulement de mieux tenir une comptabilité et des stocks. Elle donne aux détaillants un outil d'analyse des ventes puissant reposant sur des variables comme le lieu, la saison, le moment, le prix et les promotions (Nantel, 2003). Ajoutées aux profils des consommateurs (accessibles, par exemple, par les programmes de cartes de fidélité), les données recueillies par les systèmes de codes à barres disent aux détaillants quels types de consommateurs achètent certains produits et dans quelles circonstances. Les programmes de cartes de fidélité permettent aux détaillants de recueillir quantité de renseignements sur les clients (voir l'encadré sur les cartes de fidélité). Quand une entreprise peut connaître à la fois le profil socio-démographique de ses clients (âge, sexe, etc.) et leurs habitudes de dépenses (information sur les transactions relatives à des produits ou services achetés), elle peut personnaliser ses communications en matière de marketing de manière à ce qu'elles coûtent moins cher mais soient plus profitables que les méthodes traditionnelles des mass media (Nantel, 2003).

Cependant, les Canadiens ne semblent pas tout à fait à l'aise avec le marketing personnalisé. Une petite majorité (51 %) de personnes interrogées en 2001 déclaraient que cela ne les dérangeait pas que les entreprises avec qui elles faisaient affaire gardent trace de leurs achats, mais ce n'était pas le cas pour beaucoup de répondants (41 %). À la question de savoir si cela ne les gênait pas qu'une entreprise utilise des renseignements personnels les concernant pour les tenir au courant de nouveaux produits ou services qui pourraient les intéresser, les Canadiens étaient très partagés (38 % de part et d'autre) (voir Associés de recherche Ekos, 2001).

La perspective de l'utilisation d'étiquettes d'identification par radio-fréquence soulève aussi plusieurs questions sur la nature envahissante de l'intercommunication rendue possible par ces étiquettes. Ainsi, certains s'inquiètent de l'ampleur de l'information relative au comportement des clients que les étiquettes à identification par radio-fréquence permettraient de communiquer même après que le client a quitté le magasin du détaillant. Ces préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels sont accrues par des rapports récents sur des essais de telles étiquettes prévus ou effectués par des entreprises. Ainsi, il est apparu que, lors d'une mise à l'essai dans une chaîne de supermarchés britannique, le magasin photographiait automatiquement les clients quand ils prenaient un paquet de lames de rasoir Gillette dans le rayon (Canton, 2003, p. C3). Un essai similaire a été signalé dans un magasin Wal-Mart aux États-Unis (Wolinsky, 2003). Un autre détaillant a été boycotté quand il a révélé qu'il envisageait de placer des dispositifs à identification par radio-fréquence sur des millions de vêtements dans les rayons pour faciliter son inventaire (Chai et Shim, 2003). Les analystes ont également remarqué que, même si toute technologie nouvelle présente certains risques, des contrôles accrus sont nécessaires à propos de l'accès à l'information sans fil car un signal ouvert est forcément moins sûr (signalé dans Germain, 2003). Cela a conduit des défenseurs des consommateurs à demander l'étiquetage obligatoire des produits contenant des puces à identification par radio-fréquence, par exemple (CASPIAN, 2003).

Cartes de fidélité : Que valent les renseignements personnels sur les consommateurs?

Les programmes de fidélité marquent une autre tendance notable de ces 20 dernières années dans le secteur du détail, et les technologies de lecture électronique des produits (avec des cartes à puce) jouent un rôle clé dans le développement des plus populaires d'entre eux67. Ces programmes offrent aux consommateurs des articles gratuits, des rabais et différents avantages. La proportion de Canadiens membres de programmes de fidélité ou d'utilisateur fréquent ne cesse d'augmenter depuis 1993, pour passer de moins de 40 % (Millward Brown Goldfarb, 2002) à 67 % en 2003 (Millward Brown Goldfarb, 2003). Cependant, quand on leur demande s'ils savent que bon nombre de ces programmes recueillent, utilisent et divulguent des renseignements sur les habitudes d'achat des clients pour que des entreprises puissent les cibler pour de nouveaux produits et services, la majorité des membres des programmes répondent par la négative (54 %) ou déclarent être vaguement au courant (16 %) de ces pratiques (Associés de recherche Ekos, 2001). Il n'est donc pas certain que les consommateurs prennent des décisions éclairées quand ils adhèrent à des programmes de fidélité, et les analystes se demandent si les avantages qu'ils en retirent valent les renseignements personnels qu'ils donnent aux entreprises68.

Le « fossé numérique » constitue aussi un risque

Les détaillants adoptant de plus en plus des technologies de libre-service (comme des caisses libre-service dans des épiceries), les clients qui sont moins à l'aise avec ces solutions risquent d'être moins bien servis. L'âge est souvent considéré comme un obstacle à l'adoption de nouvelles technologies par les consommateurs. Il ressort de sondages que, si 77 % des Canadiens âgés de 18 à 34 ans sont prêts, au moins dans une certaine mesure, à faire des achats dans des magasins qui offrent des technologies de libre-service, le niveau d'acceptation n'est plus que de 45 % dans le groupe d'âge des 55 ans et plus (voir Ipsos-Reid, 2002a).

Possibilités de recherche

Les codes à barres sont maintenant d'usage courant dans le secteur du détail, mais l'évolution continue des technologies de balayage électronique obligera à effectuer d'autres analyses axées sur les consommateurs, afin de déterminer si ces technologies vont soit faciliter soit freiner la vérification des prix par les consommateurs mêmes. En outre, il serait bon d'approfondir l'analyse de l'incidence de ces nouvelles technologies, notamment pour mieux comprendre en quoi elles changent la concurrence dans le secteur du détail et la façon dont une partie des économies pourrait être répercut