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Services de police communautaires, contractuels et autochtones

Ce projet a été entrepris par un chercheur externe indépendant afin d’explorer l’enjeu et fournir de l’information sur le sujet. L’opinion exprimée est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle de la Gendarmerie royale du Canada ou du gouvernement du Canada.


Recherche et ÉvaluationLa couverture médiatique du crime organisé - Impact sur l’opinion publique ?

Media Coverage of Organized Crime: Impact on Public Opinion?par : Judith Dubois
Université du Québec à Montréal
Sous-direction de la recherche et de l’évaluation
Direction des services de police communautaires, contractuels et autochtones
Gendarmerie royale du Canada
Ottawa, Juin 2002

 

 

PDF Version Les opinions exprimées sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de la Gendarmerie royale du Canada ou du Gouvernement du Canada.

Tables des matières

bullet Remerciements
bullet Introduction
bullet Démarche de recherche
bullet Ce qu’en disent les chercheurs
bullet Ce qu’en disent les médias
bullet Ce qu’en disent les journalistes

Thème 1: Définition du crime organisé
Thème 2: Crime et crime organisé
Thème 3: Intérêts et critères de sélection
Thème 4: Influence sur l’opinion publique
Thème 5: Traitement médiatique et sentiment d’insécurité

bullet Conclusion
bullet Recommandations pour des études futures
bullet Références
bullet Annexe 1
bullet Annexe 2

Remerciements

Nous tenons à remercier les adjoints à la recherche suivants : Nadine Clark, Guillaume Bourgault-Côté et Louise-Maude Rioux-Soucy

La réalisation de cette étude a été rendue possible grâce à une subvention de la Sous-direction de la recherche et de l’évaluation de la Direction des services de police communautaires, contractuels et autochtones de la Gendarmerie royale du Canada.

Introduction

Le public canadien est exposé à une très large couverture médiatique d’événements liés au crime organisé. Chaque jour, les médias diffusent un nombre impressionnant de nouvelles télévisées, radiophoniques et écrites ayant trait à ce sujet. Une étude réalisée l’an dernier évaluait, par exemple, à plus de 27 000 le nombre d’articles faisant référence au crime organisé, publiés dans quinze quotidiens et magazines canadiens au cours d’une période de six ans (Beare & Ronderos, 2001)

L’importance de cette exposition n’est pas banale. Les médias font partie des sources qui fournissent aux gens les connaissances qui leur permettent de se forger une opinion sur le monde qui les entoure.

De plus, en ce qui concerne le crime, des sondages ont révélé que jusqu’à 95 pour cent de la population cite les médias comme première source d’information à ce sujet (Graber, 1979) .

Compte tenu de l’importance de la couverture médiatique traitant du crime organisé au Canada et de la place qu’elle pourrait occuper comme source de connaissances du public à ce sujet, il nous apparaît impératif de nous poser la question suivante :

La couverture médiatique d'événements liés à la criminalité organisée influence-t-elle l'opinion publique et de quelles façons?

Démarche de recherche

Pour répondre à ces questions, nous allons d’abord procéder à la recension d'études, d'analyses et d'articles scientifiques traitant spécifiquement de la couverture médiatique du crime (organisé) et de l’opinion publique.

Nous vérifierons ensuite ce que les journalistes eux-mêmes disent au sujet de la couverture médiatique d’événements liés au crime organisé en effectuant une recension d’articles d’opinion publiés dans des médias écrits canadiens au cours des derniers mois.

Nous compléterons cette recension en effectuant des entrevues avec des journalistes canadiens qui couvrent le crime organisé (quotidiens et télé) afin d’obtenir leur opinion sur le sujet.

Cette étude préliminaire constitue une première au Canada. Elle donnera une vue d'ensemble des connaissances disponibles sur la couverture médiatique du crime organisé et de l’impact qu’elle pourrait avoir sur l’opinion publique. Ses conclusions nous permettront d’établir les pistes de recherche qu’il serait pertinent d’approfondir et de formuler des recommandations à cet égard.

Ce qu’en disent les chercheurs

Nous avons effectué une recension d’études et d’articles scientifiques rédigés par des chercheurs universitaires, des groupes de recherches et divers organismes basés au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Malgré une recherche effectuée dans différentes banques de données regroupant plus de 26 000 articles scientifiques (voir l’annexe 1), nous n’avons trouvé aucun article portant spécifiquement sur l’impact de la couverture médiatique du crime organisé sur l’opinion publique.

Cette constatation est étonnante, compte tenu de l’importance de la couverture médiatique du crime organisé. Cependant, on comprend davantage l’absence de données sur le sujet quand on considère que même la simple relation entre les médias, le crime et la justice relève d’un domaine de recherche encore peu exploité.

Despite the widespread, increasing interest in the relationship of the mass media to crime and justice, however, a comprehensive survey has not been available. One reason is that the relevant research is far-flung. Media, crime, and criminal justice relations involve interdisciplinary perspectives. Important research is conducted within the disciplines of criminology, criminal justice, sociology, psychology, psychiatry, political science, law, public administration, communications and journalism (... )It is not surprising, therefore, that such a multidisciplinary area has no comprensive general ressources ” (Surette, R. 1992, p. IX,X) .

Devant l’absence d’articles portant spécifiquement sur le sujet d’étude, nous avons focalisé l’attention sur le thème plus général. Ainsi, certains articles se rapprochant de cette problématique nous ont semblé pertinents et nous ont permis d'établir trois constatations.

1. Les événements criminels que les médias choisissent de rapporter ne seraient pas nécessairement ceux qui, dans les faits, sont les plus importants en terme de fréquence, de tendance ou de représentativité des criminels impliqués. Le fait de privilégier la couverture de certains types de crimes pourrait, à notre avis, influencer l'opinion publique face à la criminalité, du moins en ce qui a trait à la perception de l’importance relative de certains types de crimes.

Par exemple, les chercheurs Sheley et Ashkins (1981) ont effectué une étude à partir des sept indices (index) de criminalité définis par le FBI. Ils ont comparé les tendances (trends) rapportées par la police, les journaux et la télévision, et ont vérifié l'image publique de ces tendances. Ces chercheurs ont constaté que les tendances présentées par les médias ne rejoignent généralement pas les statistiques compilées par la police. La distribution relative des crimes à la télévision serait encore plus éloignée des statistiques policières que celle présentée dans les journaux. Même si ces chercheurs n’affirment pas que la télévision ait un impact majeur sur la perception du public face à la criminalité, ils précisent néanmoins qu’en ce qui concerne la distribution relative des crimes rapportés, la perception de l'opinion publique se rapproche davantage de la présentation des médias que de celle de la police.

Le fait que les médias privilégient la couverture de certains types de crimes serait d’ailleurs une des causes qui expliqueraient pourquoi, malgré un taux de criminalité relativement bas en Irlande, les Irlandais auraient l’impression de vivre une crise de la criminalité. D’après O’Connell (1999), la mauvaise perception du public serait dû à une image du crime déformée par les médias. Son étude, réalisée à partir d’articles publiés dans des journaux irlandais, soutient que les médias influencent la présentation du crime de quatre façons :

  • En rapportant plus fréquemment les crimes extrêmes ou atypiques
  • En accordant beaucoup de place aux crimes extrêmes
  • En choisissant davantage des crimes comportant des victimes vulnérables et des criminels invulnérables.
  • En rapportant de façon pessimiste ce qui a trait au système de justice

2. La perpétration de crimes violents envers le public semble affecter la perception du risque face au crime pour la population. Il y aurait, par ailleurs, un lien entre la façon dont les crimes sont présentés par les médias, le sentiment de peur et les préférences du public face à des politiques envers la criminalité.

Ainsi, un chercheur de l’Université de Birmingham (Kemshall 1997) a constaté que la tuerie de Dunblane1 avait haussé la perception du risque face à la criminalité et ce, tant de la part du public que des médias eux-mêmes.

1La tuerie de Dunblane fait référence au meurtre, par un tueur fou, de 16 enfants et de leur professeure dans une école primaire de Dunblane, en Écosse, le 13 mars 1996.

Le chercheur a étudié la façon dont les risques et le danger sont perçus, l’exagération possible de cette perception, l’influence que cette exagération peut avoir sur les débats concernant les risques pour la population et l’effet que cela peut avoir sur la formulation et la mise en place de politiques visant à contrer le crime. Même si son article soulève davantage de questions qu’il n’apporte de réponses, il établit tout de même le lien entre la perception publique du risque et le fait de réclamer davantage de politiques contre le crime.

Quant au type de politiques souhaitées, il est démontré qu’il peut dépendre du sentiment de peur lié à la couverture d’événements criminels par les médias. D’après Sotirovic (2001), l’usage que font les gens des médias joue un rôle dans la relation entre leurs connaissances des événements et la façon dont ils en sont affectés. Cette relation influencerait la préférence des citoyens pour deux types de politiques envers le crime : punitive ou préventive. D’après Sotirovic, la préférence pour des politiques préventives requiert un processus de réflexion complexe alors que la préférence pour des politiques punitives serait directement liée à un sentiment de peur. Or, ces deux processus interviennent dans l’utilisation que les gens font des médias. L’usage de médias plus complexes entraînerait des réflexions plus complexes par rapport au crime, alors que l’exposition à des émissions d’information-spectacle et des magazines d’information télévisée serait liée à de bas niveaux de complexité. L’auteur affirme que les bulletins de nouvelles locales axés sur le crime et la violence sont exclusivement liés à la peur du crime.

Étant donné qu’en général, les gens choisissent les médias auxquels ils sont exposés, on ne peut affirmer que les médias soient directement ou exclusivement responsables du sentiment de peur ressenti par les citoyens. Malgré tout, il semble que le nombre de nouvelles ou plus largement de sujets relatifs aux crimes traités de façon plus complexe dans les médias soit largement dépassé par celui de sujets qui demandent moins de réflexion.

L'étude de Thompson, Young et Burns (2000), par exemple, a démontré que les articles décrivant des événements criminels sont beaucoup plus nombreux que les articles de réflexion sur le sujet. L'étude portait sur 4 445 articles relatifs aux crimes commis par des gangs. D’après les auteurs, le nombre d'articles portant sur les crimes des gangs dépassait largement le nombre d'articles décrivant les différentes réponses de la communauté face à ces crimes. Les articles portant sur les résultats d'études scientifiques sur les gangs étaient les moins nombreux.

3. Si les médias semblent privilégier la couverture de certains types de sujets criminels, d’autres types de sujets semblent être boudés par les médias, tels les crimes environnementaux et les crimes corporatifs. Les médias feraient ces choix pour répondre à l’intérêt du public ou pour économiser les ressources.

Dans une étude portant sur la couverture des crimes environnementaux dans Hillsborough County, par exemple, Lynch, Stretesky et Hammond (2000) ont constaté que sur les 878 déversements chimiques rapportés à l'Agence de protection environnementale (EPA), seulement 9 ont fait l'objet de nouvelles dans le Tampa Tribune. Les chercheurs considèrent que les nouvelles rapportées reflétaient l'intérêt du public pour ce type de crimes.

Le faible intérêt de la part du public envers les crimes corporatifs expliquerait aussi, en partie, leur faible couverture médiatique. En dépit d'une hausse importante du nombre de fraudes corporatives (favorisées par les développements technologiques et l'implication du crime organisé) au Royaume-Uni, on constate que le journalisme économique d'enquête est en déclin. D'après Lloyd et Walton (1999), ce type de couverture demande trop de ressources pour ce qu'elles rapportent.

En bref

Les travaux cités permettent de voir comment la couverture médiatique du crime peut influencer l’opinion publique. Ils soulèvent des questions concernant les choix qu’effectuent les médias quant aux événements criminels qu’ils rapportent. Cette sélection, à la lumière des études mentionnées, semble ne pas correspondre au portrait réel de la criminalité dans la société.

La recension d’articles scientifiques démontre par ailleurs qu’il existe un lien entre le crime, la couverture médiatique d’événements criminels et l’opinion publique. Ces études nous permettent également d’entrevoir un lien entre la couverture d’événements criminels, la perception du risque (ou la peur) et les préférences de la population relativement aux politiques d’intervention des autorités contre la criminalité.

À notre avis, ces constatations pourraient aussi s’appliquer au domaine du crime organisé, selon le type d’événement criminel en cause.

Ce qu’en disent les médias

Revues et quotidiens canadiens

Dans la foulée de la recension des articles scientifiques, nous avons souhaité vérifier si les médias traitent de l’impact de la couverture du crime organisé.

Nous avons sélectionné des articles portant sur le crime organisé, publiés dans 34 revues et quotidiens canadiens au cours des 15 derniers mois (voir l’annexe 2).

Dans la mesure où les “opinions” des médias se retrouvent normalement dans les éditoriaux, les nouvelles et les reportages se voulant, en principe, “ objectifs ”, nous avons focalisé sur les articles classés dans la catégorie éditorial et opinion.

Cette démarche a permis de confirmer que les médias assurent une couverture très importante des événements liés au crime organisé. Nous avons trouvé 6 082 articles portant sur le crime organisé.

Néanmoins, nous voulons souligné deux choses relatives aux articles d’opinion :

D’abord, il n’existe aucun éditorial portant sur l’impact de la couverture médiatique du crime organisé sur l’opinion publique.

Puis, les rares articles pour lesquels il y aurait un impact, traitaient tous de l’attentat contre le journaliste montréalais Michel Auger par des motards criminalisés.

Ainsi, la journaliste Paule Beaugrand-Champagne s’est penché, dans la revue L’Actualité, sur les victimes d’actes criminels. Elle mentionne que l’attentat contre le journaliste Michel Auger a éveillé la population aux dangers que représentent les bandes de motards criminalisés. Elle précise qu’à la suite de l’attentat, les médias et journaux se sont mis à donner de plus en plus d’information sur la guerre des rues dans lesquelles les motards criminalisés seraient impliqués.

Dans le journal le Devoir, l’éditorialiste Paule des Rivières, à l’occasion de l’incident provoqué par le maire de la ville de Toronto Mel Lastman qui est allé serrer la main de quelques membres des Hells Angels réunis dans un hôtel de la ville, fait le lien entre le crime organisé, la couverture médiatique, l’opinion publique et ... l’action des autorités. Pour l’auteure, le Québec est mal placé pour faire la leçon au maire Lastman la province ayant fermé les yeux sur les ravages du crime organisé. Elle explique que la mort d’un enfant de 11 ans en 1995 a été décisive dans l’opinion publique comme dans la détermination des autorités à agir. Cependant l’attentat contre le journaliste Michel Auger a convaincu les autorités d’octroyer les ressources nécessaires à la lutte contre le crime organisé en raison de l’importante couverture médiatique qu’il reçut; cet attentat étala au grand jour une certaine incurie policière.

La question de l’impact de la couverture médiatique du crime organisé sur l’opinion publique et la réaction des autorités (à la suite du cas Auger), semble aussi être une évidence pour le criminologue Jean-Paul Brodeur dans un article publié dans la page d’opinion du Devoir commentant une opération policière contre les Hells Angels. L’auteur précise ceci :

C’est davantage les perceptions du public qui sont visées par cette opération que la diminution des divers trafics illégaux. En s’attaquant à la source la plus manifeste du vent de panique qui souffle sur le Québec depuis l’attentat contre le journaliste Michel Auger, la police mène une double opération de pacification de l’opinion publique. Cette démonstration de force rassure à court terme le public sur sa sécurité et sera applaudie par la presse populaire, qui façonne activement l’opinion publique.

Magazine Le 30

La relation entre le crime organisé, les médias et l’opinion publique n’est pas un sujet beaucoup traité dans les revues spécialisées en journalisme.

Par exemple, en ce qui concerne Le 30, Le Magazine du journalisme québécois (revue liée à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec), aucun article depuis 1992 ne traite spécifiquement de cette problématique.

Cependant, l’attentat contre le journaliste Michel Auger a aussi donné lieu à la publication de quelques articles qui, sans porter principalement sur l’impact de la couverture médiatique du crime organisé sur l’opinion publique, font allusion à cette problématique.

Le rapport entre le crime organisé, les médias et l’opinion publique est d’ailleurs abordé de façon très éloquente dans une entrevue accordée par Michel Auger au journaliste Patrick Lagacé en novembre 2000. Dans cette entrevue, le journaliste dit souhaiter que les médias du Québec consacrent plus de ressources à la couverture du crime organisé parce que, à son avis, le public se désintéresse rapidement de cette question. Le journaliste dit croire que le fait d’en parler davantage et de trouver des angles de reportage sur l’influence du crime organisé peut influencer l’opinion publique (“ la société va peut-être voir le phénomène différemment ”). Il ajoute que la trêve des motards est une conséquence directe de la pression publique sur les élus pour serrer la vis au crime organisé, née de l’indignation suscitée par l’attentat contre lui.

Le point de vue de Michel Auger est de nouveau abordé dans le numéro du 30 du mois de septembre 2001. Valérie Dufour rappelle les incidents de septembre 2000 dans lequel Auger parle notamment du changement d’habitudes de travail (par prudence), mais surtout du fait que la couverture de son attentat, plutôt que de le réduire au silence, a eu l’effet inverse. À son avis, la couverture médiatique de son attentat a eu un impact sur l’opinion publique qui s’est liguée contre les motards criminalisés et “sans cette attention médiatique, la loi antigang fédérale qui a été votée récemment n’aurait pas été la même ”.

En bref

Le nombre d’articles sur la couverture médiatique du crime organisé et l’opinion publique est très limité. Toutefois, les articles sont unanimes pour dire que dans le cas de l’attentat contre le journaliste Michel Auger, la couverture médiatique a éveillé l’opinion publique et entraîné la mise en place de politiques pour lutter contre la criminalité.

Les médias canadiens ont publié un bon nombre d’éditoriaux et d’articles d’opinion portant sur des sujets relatifs au crime organisé. Près de 400 ont été recensés au cours de la période étudiée.

Étant donné que les éditoriaux et articles d’opinion sont susceptibles d’influencer directement l’opinion publique, il serait intéressant de vérifier ce que les éditorialistes et journalistes d’opinion ont écrit dans leurs articles portant sur des sujets ayant trait au crime organisé.

Ce qu’en disent les journalistes

Afin de jeter un autre éclairage sur les constatations précédentes, nous avons contacté cinq journalistes canadiens qui couvrent des événements liés au crime organisé, soit à titre de reporter aux faits divers (sur le terrain), de reporter judiciaire (palais de justice) ou de journaliste d’enquête2.

2Pour avoir un aperçu le plus complet possible, nous avons choisi des journalistes travaillant pour des médias : écrits (quotidiens) et télévisés; anglophones et francophones; en région et dans les grands centres. Les médias sélectionnés sont : Le Quotidien (Saguenay); Radio-Canada (Montréal); The Gazette (Montréal) ; Calgary Sun (Calgary); Halifax Chronicle Herald (Halifax).

Nous avons effectué des entrevues téléphoniques d’environ 30 minutes avec ces journalistes au mois de mars 2002.

Nous avons couvert cinq grands thèmes. Ces thèmes ont été développés à partir des informations contenues dans le rapport publié par le Solliciteur général du Canada (1998).

Nous avons eu recours, à titre de référence, à la liste de huit activités liées au crime organisé présentées dans le même rapport (1998:12). Ces activités sont les suivantes :

  • Drogues illicites (trafic et\ou production de)
  • Crime environnemental
  • Contrebande
  • Crime économique
  • Passage clandestin d’immigrant
  • Contrefaçon
  • Vol de véhicules automobiles
  • Blanchiment d’argent

Thème 1: Définition du crime organisé

Nous avons demandé aux journalistes :

  • Quelle est leur définition du crime organisé.
  • Quel genre d’événements relatifs au crime organisé ils ont couvert au cours des dernières années.

Tous les journalistes ont couvert à au moins une occasion un sujet relatif aux motards criminalisés. Certains ont aussi traité de blanchiment d’argent et un d’entre eux a couvert les activités de la famille des Caruana et Cuntrera.

Les journalistes donnent une définition du crime organisé assez générale. Elle implique toujours un nombre minimal de personnes (deux ou trois) ainsi que la notion d’activités criminelles. Les activités sont décrites comme structurées et liées aux motards criminalisés. Les journalistes n’excluent cependant pas les autres types d’activités retenues.

Par ailleurs, même s’ils conviennent qu'une activité criminelle peut regrouper aussi peu que trois personnes et concerner le vol de véhicules automobiles, les journalistes semblent associer le crime organisé à des événements de grande ampleur (impliquant des meurtres par exemple) et considérer les événements moins importants comme des affaires criminelles courantes.

Thème 2 : Crime et crime organisé

Nous avons demandé s’il existe une différence entre la couverture d’un sujet relatif au crime organisé et celui d’événements criminels, plus général.

Cette question est probablement celle qui a reçu les réponses les plus disparates. Certains journalistes ont rarement l’occasion d’en traiter (Halifax et Calgary), d’autres ne font pas exactement le même genre de travail (reporter aux faits divers, reporter au palais de justice et journaliste d’enquête).

Tous les journalistes ont cependant affirmé qu’ils ne s’étaient jamais senti menacés dans leur travail. Par contre, les trois journalistes qui traitent le plus souvent de sujets liés au crime organisé ont affirmé qu’ils usaient davantage de prudence dans leurs démarches.

Pour la journaliste de la télévision, compte tenu de l’importance de certains procès liés au crime organisé (ex : motards criminalisés), il faut redoubler de vigilance dans les comptes rendus. Elle a dit ne pas vouloir prendre le risque de commettre une erreur qui pourrait faire avorter des procès aussi importants. Le journaliste du Saguenay a lui aussi mentionné qu’il faisait davantage attention lors de la rédaction de ses articles, pour éviter les risques de poursuite. Même quand il lui apparaît évident que des motards peuvent être liés à un meurtre, il est très prudent dans la façon de le rapporter. “Le simple fait de rédiger le texte demande une attention particulière parce que ces gens-là, évidemment, n’aiment pas se faire traîner dans la boue, et ils ont des procureurs pour s’occuper de leurs affaires.”

Le journaliste convient qu’il n’y a jamais eu de poursuite en justice contre lui par les motards, mais son journal a déjà été condamné à payer des compensations (dommages et intérêts) pour avoir relié un individu aux motards criminalisés.

Le journaliste de Montréal a pour sa part précisé qu’il était très prudent avec ses sources (criminelles) pour éviter de créer des liens amicaux qui pourraient par la suite créer des attentes (et déceptions) de leur part.

I have rules; I don’t get close to the people that I’m writting about, when it comes to organized crime. I don’t want to be friends with organized criminals. And if I interview them, I make it quite clear through my questions and my body language that I don’t want anything to do with them other than in a professional manner. I don’t go out and drink with these people. I don’t want to know what they are up to half the time, unless it has to do with a story that I am writting on, etc. I don’t want to get close to them, because as soon as you get close to people like that, then they demand things from you. And then if you don’t perform, than you can get yourself into trouble and you can very quickly find yourself in a very bad situation.

Par ailleurs, la question de l’accès aux témoins semble aussi présenter certaines différences lorsqu’il s’agit de sujets liés au crime organisé, comme le mentionne le journaliste du Saguenay:

C’est sûr que si vous arrivez sur les lieux d’un crime passionnel, le voisin va peut-être vous faire un petit témoignage, mais quand il est question de crime organisé ou de motards, on a sérieusement l’impression que là, les gens sont moins bavards. Souvent il n’y a pas de témoins et quand il y en a, ils ne parlent pas. Ça peut être limitatif pour les sources d’information.

Thème 3 : Intérêts et critères de sélection

Nous avons demandé si certains types de sujets ou d’activités relatifs au crime organisé intéressent davantage les médias.

Même si l’importance du crime organisé ne semble pas la même d’un endroit à l’autre (les journalistes de Calgary et de Halifax ont indiqué qu’il n’y en avait pas beaucoup, selon eux, dans leur province), tous les journalistes interrogés ont affirmé qu’il s’agissait de sujets intéressants pour les médias, d’abord et avant tout parce que le public s’intéresse à ces sujets.

Par exemple, la journaliste de télévision a affirmé que la question des motards est devenue un enjeu national, traité beaucoup plus largement qu’avant. Elle affirme qu’auparavant, le Téléjournal était un petit peu “dédaigneux” face à ce genre de sujet parce qu’on associait tous les procès aux faits divers, secteur un “un peu salissant”.

La journaliste affirme que cette attitude a changé depuis le début des procès de motards criminalisés à l’automne 2001. “L’opinion publique veut des condamnations, ça intéresse les gens. Alors je sens que cela a un petit peu changé la façon de voir les nouvelles, particulièrement au Téléjournal.”

De son côté, le journaliste du Saguenay affirme que dans sa région, les gens sont préoccupés par les problèmes de drogue chez les jeunes. Il affirme que le public se sent directement concerné par les activités criminelles des groupes liés au trafic de stupéfiant et que, par conséquent, les médias ont le réflexe de s’y intéresser.

Il arrive que des gens nous contactent parce que leurs enfants sont pris dans des problèmes de drogue, des problèmes de vol parce qu’il faut qu’ils volent pour payer leurs dettes et s’ils ne paient pas leurs dettes, ils ont peur des vendeurs de drogue, des choses comme cela. C’est sûr que le public est intéressé par le sujet.... Et c’est vraiment un réflexe humain (de la part des médias) parce qu’on sait comment ça se passe, on le sait qu’ils vendent du PCP dans les cours d’écoles secondaires, on sait tout ça, mais quand les policiers arrivent avec la preuve... c’est clair que ça nous intéresse et on s’organise pour faire des liens entre ces gens là et les conséquence des actions qu’ils posent.

Tous conviennent que ce ne sont pas tous les sujets liés au crime organisé qui représentent un grand intérêt pour le public, mais surtout ceux qui sont susceptibles de toucher davantage les gens. Et de tous les sujets susceptibles de toucher les gens, les crimes envers la personne semblent occuper la première place.

La journaliste de Halifax précise d’ailleurs qu’entre une saisie de drogue et un meurtre, le crime commis envers une personne intéressera davantage les gens et les médias.

I think that when it is a violent crime, when someone is shot and it’s linked to, or could be linked to any form of organized crime, a crime family or bikers, or well known criminals, that heightens people’s awareness.... I don’t believe that there is an editorial slant where ‘it’s just marijuana’.I think it ends up on the page A3 and A5, which is still decent play, but it is not page A1. When it comes to killing someone, that is a definite crime against the person and I think that’s why it gets the play. Because that whole fear of ‘what if they get the wrong person?’ If there is a specific target, what if they get the wrong person? But when it comes to drugs, I think people believe ‘If I’m not involved in this, I have nothing to worry about. It’s not a big deal. Or if I don’t know someone addicted to drugs because of importation and trafficking that may be related to organized crime, it doesn’t affect me. It’s O.K.’.

Le journaliste de Calgary croit que l’aspect spectaculaire de certains événements relatifs au crime organisé représente aussi un critère d’intérêt pour le public. En comparaison, des sujets tels que les crimes économiques seraient beaucoup moins attrayants.

Well, one time, the police had seized 70 different guns and bombs, and they made those things available so we could have a big picture on our front page. It was a room full of guns and stuff, and all those things made it most interesting because it was murder, guns and bombs. I think, if the question was organized crime linked to high finance and just managing deals, I don’t think that it would have such an appeal.

Le journaliste de Montréal affirme que bien d’autres sujets peuvent représenter un intérêt pour les médias (et le public), mais que cela demande davantage d’efforts de la part des journalistes pour les rendre intéressants. Il donne l’exemple d’une enquête qu’il mène présentement sur des cas d’extorsion envers des hommes d’affaires.

So, I have to ask myself ‘How can I make this different, how can I make it interesting, etc. to the general public’? I may then look at the character of the story itself. Is there something unique in that story that makes it different from other stories about extortion? Or just the topics of extortion. Yes, we know about it, but nobody really understands the kind of pain and suffering that people who are targets of extortion go through. So maybe that will be interesting to a broad level of the public and maybe, the fact that it happens to be out in suburbia and we never expected it to be there, would be interesting.

Thème 4 : Influence sur l’opinion publique

Nous avons demandé aux journalistes si, à leur avis, la couverture médiatique d’événements relatifs au crime organisé influence l’opinion publique. Si oui, de quelles façons?

Plus précisément, la couverture journalistique influence-t-elle :

  • la perception qu’a le public concernant les groupes criminels organisés?
  • la perception du public concernant l’administration de la justice?

Les journalistes interrogés sont unanimes. À leur avis, la couverture médiatique du crime organisé influence très certainement l’opinion publique. Ils considèrent que le fait de diffuser de l’information concernant des événements relatifs au crime organisé fait en sorte que les gens prennent connaissance des faits et se forment ensuite une opinion de la situation.

Le journaliste du Saguenay, par exemple, affirme qu’en général au Québec les gens demandent et obtiennent une “ information correcte ”, une juste couverture des faits, puis ils se font une idée à partir de cette information.

De son côté, la journaliste de télévision dit ne pas savoir jusqu’à quel point les médias d’information influencent l’opinion publique mais, qu’à tout le moins, ils la nourrissent et lui permettent de se faire une idée.

On a tellement multiplié les reportages là-dessus depuis quelques années et on en a tellement dit, je trouve qu’on a démonté les rouages de ces organisations-là. On voit comment elles fonctionnent. S’il y a quelque chose que l’on veut savoir, on le sait. Alors je pense que les gens qui ont pris la peine de lire les papiers très détaillés, des comptes-rendus de certaines procédures en cours ou des analyses d’André Cédilot ou de Michel Auger ont sûrement une idée assez fidèle grâce à ce qu’ils ont lu. Je ne sais pas si on les influence, mais on leur jette beaucoup de nourriture.

Ainsi, les journalistes ne croient pas que le traitement médiatique en soit ait une influence sur l’opinion publique étant donné que ces événements sont, en général, rapportés de façon juste et équilibrée. À leur avis, c’est le simple fait d’être mis au courant des événements qui fait toute la différence pour le public.

Il faut cependant qu’il y ait des événements à couvrir. Le journaliste de Calgary a affirmé qu’étant donné que dans sa province il y avait peu d’activités criminelles organisées, la couverture médiatique était donc assez mince. En conséquence, il considère qu’en Alberta, la perception des gens face au crime organisé provenait davantage de ce qu’ils avaient vu dans les séries télévisées que dans les journaux ou dans les bulletins de nouvelles, même si ce que l’on retrouve dans ces séries n’a rien à voir avec la réalité de leur propre milieu.

Ainsi, d’après ce que nous disent ces journalistes, plus les gens ont accès à une couverture journalistique juste et approfondie du crime organisé, plus leurs connaissances du sujet se rapprocheront de la “ réalité ”.

D’après le journaliste de Montréal, le fait d’être informé est d’autant important pour la population que cela lui permet de prendre conscience de certains problèmes dans la société et de réclamer l’intervention des politiciens.

I think they realize that organized crime will always be part of the landscape. But what they worry about is that it will become too dominant and that’s why, let’s say the Hell’s Angels, are such a serious problem in our community. That is why people demand that the government does something about it and the laws be strenghten and the laws be changed. But without us telling them this is what is happening out there, people won’t know what the situation is and won’t know what to support when their politicians come to him and say ‘we need another 50 million dollars to spend on this or we need to change the laws to strenghten anti-gang laws’ and stuff like that.

D’après les journalistes interviewés, le fait que le public soit informé de ce qui se passe dans les milieux criminels organisés influence sa perception. Ainsi, malgré les efforts que font certains groupes comme les motards criminalisés pour soigner leur image, la perception de ce milieu serait négative, comme le précise le journaliste du Saguenay.

C’est sûr que le public peut percevoir que ces gens-là ne sont pas de bons citoyens corporatifs, même si des fois ils veulent en donner l’impression. Parce qu’il y a toujours deux étapes là-dedans. Il y a l’étape de l’opération policière, où on en apprend une partie et ce que je pense qui est également important, c’est la seconde étape, qui est celle des procès au palais de justice. Je pense que les deux combinés ensemble peuvent vraiment avoir une influence sur la perception des gens de ces organisations-là.

Selon certains journalistes d’ailleurs, les gens ne savent cependant pas jusqu’à quel point les activités du crime organisé sont importantes et dommageables et s’ils le réalisaient, leur opinion serait encore plus négative.

En ce qui concerne la perception de l’administration de la justice, le journaliste du Saguenay affirme que même si la population en général peut avoir tendance à croire que la justice est mal administrée (trop de criminels s’en tirent impunément), les gens bien informés (par les médias) sont en mesure de constater les efforts qui sont faits pour que justice soit rendue. Il précise cependant que les policiers ont beaucoup d’obstacles qui les empêchent d’être totalement efficaces (ex : Charte des droits et libertés, difficulté à constituer une preuve) et que le public aussi est à même de constater ces difficultés lorsqu’il s’informe.

Le point de vue du journaliste de Montréal à cet égard est moins nuancé. À son avis, la population croit avec raison que le système de justice actuel est trop clément. Il croit d’ailleurs que les médias influencent cette perception.

I think the perception of the public that the justice system is not doing its job as it should do is an accurate description of our justice system today. I think that this perception obviously comes from the media. I think that the public would like to see more attention payed and more money going in to the justice system to strenghten it, and strenghten are laws, and streghten our sentencing. I think that, probably, people that know or who reads papers would probably agree that the justice system is too lenient with violent criminals.

Thème 5 : Traitement médiatique et sentiment d’insécurité

Nous avons finalement demandé aux journalistes s’ils croient que la façon dont les médias traitent de certains sujet peut avoir une influence sur le sentiment de peur ou d’insécurité du public face au crime organisé.

À cet égard, les journalistes interviewés ont dit ne pas savoir vraiment si les médias avaient une influence directe. À leur avis, les médias n’exagèrent pas les risques pour la population, mais rapportent simplement les faits. Tous conviennent cependant du fait que la mort de victimes innocentes préoccupe l’opinion publique et que depuis 1995, le grand nombre événements violents impliquant des victimes innocentes qui se sont produits au Québec ont pu avoir un impact sur le sentiment d’insécurité des gens. Les journalistes interviewés croient donc que si des gens ont peur, c’est en raison des événements eux-mêmes, comme l’explique la journaliste de télévision.

Je pense que ce sont les événements qui surviennent ponctuellement qui aliment la crainte, c’est-à-dire le jeune Marc-Alexandre Chartrand qui se fait tuer à la porte d’une discothèque, l’attentat contre Michel (Auger), évidemment le cas du petit Daniel Desrochers dont on a beaucoup parlé, l’autre qui s’est fait battre à Terrebonne parce qu’il ne voulait pas que les motards prennent le contrôle de son bar. Ça, ça nous touche tous... On entend souvent ‘qu’ils se fassent sauter entre eux, qu’ils s’éliminent, ça me touche pas, ça me dérange pas’. Mais quand ça touche des gens complètement innocents qui n’ont strictement rien à voir, cela alimente la crainte.

Conclusion

Le public canadien est exposé à une très large couverture médiatique d’événements liés au crime organisé. Chaque jour, les médias diffusent un nombre impressionnant de nouvelles télévisées, radiophoniques et écrites ayant trait à ce sujet.

Les médias font partie des sources qui fournissent aux gens les connaissances qui leur permettent de se forger une opinion sur le monde qui les entoure et en ce qui concerne le crime, nous croyons que les médias représentent la première source d’information à ce sujet.

Malgré l’importance du rôle que les médias sont susceptibles de jouer dans la transmission de l’information au public, nous n’avons recensé aucune étude scientifique portant sur la couverture médiatique d'événements liés à la criminalité organisée.

Néanmoins, certaines études se rapprochant du sujet indiquent que les événements criminels que les médias choisissent de rapporter ne seraient pas nécessairement ceux qui, dans les faits, sont les plus importants en terme de fréquence, de tendance ou de représentativité des criminels impliqués. D’après les rares recherches disponibles, les médias privilégieraient les crimes extrêmes ou ceux comportant des victimes vulnérables.

D’autres études indiquent que la perpétration de crimes violents envers le public pourrait affecter la perception du risque face au crime pour la population. Il y aurait par ailleurs un lien entre la façon dont les crimes sont présentés par les médias, le sentiment de peur et les préférences du public face à des politiques pour contrer la criminalité.

La question de l’impact de la couverture médiatique du crime organisé sur l’opinion publique a aussi été très peu traitée comme telle dans les éditoriaux et articles d’opinion au Canada. Par contre, les analyses relatives à cette problématique publiées dans les médias indiquent clairement que la mort de victimes innocentes causée par des motards criminalisés et surtout l’attentat contre le journaliste Michel Auger ont entraîné une couverture médiatique importante qui a éveillé l’opinion publique et entraîné la mise en place de politiques plus sévères pour lutter contre la criminalité.

Des entrevues de fond réalisées auprès de journalistes spécialisés dans la couverture des faits divers, de procès et en journalisme d’enquête confirment cette hypothèse. Les journalistes interviewés s’entendent d’ailleurs pour dire que la couverture médiatique du crime organisé influence très certainement l’opinion publique.

Ils considèrent que le fait de diffuser de l’information concernant des événements relatifs au crime organisé fait en sorte que les gens prennent connaissance des faits et se forment ensuite une opinion. Ils précisent que plus les gens s’informent, plus ils auront une vision juste de la réalité.

Ces journalistes ne croient cependant pas que le traitement médiatique en tant que tel ait une influence sur l’opinion publique étant donné que ces événements sont, à leur avis, rapportés de façon juste et équilibrée.

Ils confirment pourtant que certains sujets relatifs au crime organisé sont davantage couverts par les médias et occupent une place plus importante dans les journaux et bulletins de nouvelles que d’autres crimes moins “ attrayants ”. D’après ces journalistes, les médias effectueraient ces choix en réponse à l’intérêt du public.

Les données recensées dans le cadre de cette étude nous permettent donc de croire que, dans certaines circonstances, la couverture médiatique d’événements liés à la criminalité organisée peut influencer l’opinion publique. L’impact de l’attentat contre le journaliste Michel Auger, mentionné à la fois dans des articles d’opinion et par les journalistes interviewés, représente un exemple très éclairant à cet égard. Certaines hypothèses énoncées plus avant pourraient nous permettre d’expliquer la réaction du public.

Cependant, cet exemple pourrait aussi n’être qu’une exception. Les médias ont-ils un impact sur l’opinion publique lorsqu’il ne s’agit pas de sujets portant sur des crimes contre la personne? Par ailleurs, est-il juste de croire que le traitement médiatique en tant que tel n’a pas d’influence sur l’opinion publique?

Étant donné qu’il n’existe pas d’études scientifiques portant spécifiquement sur la couverture médiatique du crime organisé et compte tenu de la place importante qu’occupe le crime organisé dans les médias d’information, nous croyons que davantage de recherches devraient être entreprises dans ce domaine.

Recommandations pour des études futures

À la lumière de l’information recueillie dans le cadre de cette étude préliminaire, nous croyons que les prochaines démarches de recherche visant à déterminer si la couverture médiatique du crime organisé peut avoir un impact sur l'opinion publique pourraient vérifier les aspects suivants :

1. S’il existe un lien entre les médias que les gens consultent pour s'informer et leur perception des événements liés au crime organisé, il serait intéressant d'établir une corrélation entre
a) le choix et le profil des médias privilégiés (télé, journaux, revues spécialisées etc),
b) le type de contenu consulté (nouvelles, affaires publiques ou info-spectacle/chroniques, nouvelles, éditoriaux etc.)
c) la perception que ces gens ont de l’administration de la justice, des milieux criminels organisés ou des risques que le crime organisé peut représenter pour la société.

2. Est-ce que le traitement médiatique en tant que tel, c’est-à-dire la façon dont les médias traitent d’événements liés au crime organisé, peut avoir une influence sur l’opinion publique?

3. Est-ce que le point de vue personnel des journalistes, chroniqueurs et éditorialistes concernant des sujets liés au crime organisé, peut influencer l’opinion publique?

Références

Beare, M. and Ronderos, J. Exploratory Review of Media Coverage on Organized Crime in Canada:1995-2000. Department of Justice: March 2001.

Beaugrand-Champagne, P. Les victimes contre-attaquent. L’Actualité 1 January 2002.

Brodeur, J. P. Opération policière contre les Hells Angels hier. Le Devoir 29 March 2001.

Des Rivières, P. Des bons gars, vraiment? Le Devoir 15 January 2002.

Dufour, V. Michel Auger: des mots pour guérir les maux. Le 30 September 2001.

Graber, D. Evaluating Crime-Fighting Policies. Evaluating Alternative Law Enforcement Policies. Ed. R. Baker and F. Meyer. Lexington, Mass.: Lexington Books, 1979. 179-200.

Kemshall, H. Sleep Safely: Crime Risks May Be Smaller Than You Think. Social Policy And Administration 31: 3 (1997).

Lagacé, P. Michel Auger se raconte. Le 30 November 2000.

Lloyd, C. and Walton, P. Reporting Corporate Crime. Corporate Communications: An International Journal 4: 1 (1999): 43-48.

Lynch, M., Stretesky, P. and Hammond, P. Media Coverage of Chemical Crimes, Hillsborough County, Florida, 1987-97. British Journal of Criminology 40: 1 (2000): 112-126.

O’Connell, M. Is Irish Public Opinion Towards Crime Distorted by Media Bias? European Journal of Communication 14: 2 (1999): 191-212.

Porteous, S. Solicitor General’s Report: Organized Crime Impact Study. Public Works and Government Services Canada: 1998. http://www.sgc.gc.ca

Sheley, J. and Ashkins, C. Crime, Crime News, and Crime Views. Public Opinion Quarterly 45 (1981): 492-506.

Sotirovic, M. Affective and Cognitive Processes as Mediators of Media Influences on Crime-Policy Preferences. Mass Communication and Society 4: 3 (2001): 311-329.

Surette, R. Media, Crime and Criminal Justice-Images and Realities. California: Brooks/Cole Publishing Company, 1992.

Thompson, C., Young, R. and Burns, R. Representing Gangs in the News: Media Constructions of Criminal Gangs. Sociological Spectrum 20: 4 (2000): 409-432.

Annexe 1

Principaux sites de recherche consultés

  • Ingenta : Un moteur de recherche en ligne qui regroupe plus de 26 000 publications scientifiques dans divers domaines, soit 12 500 000 articles publiés depuis 1988. Mots-clé utilisés : medias/crime/ public, medias/public, medias/crime, media/crime/public. La recherche couvre la période de 1988 à 2002 avec les mots-clé utilisés : medias/crime/ public, medias/public, medias/crime, media/crime/public.
    http://www.ingenta.com
  • Metapress : Un moteur de recherche qui regroupe 1 021 publications professionnelles et académiques (de domaines divers) pour quelques centaines de milliers d’articles recensés provenant de 21 maisons d’édition depuis 1995.
    http://www.metapress.com
  • ComAbstracts : 107 publications scientifiques, toutes en communications. Depuis 1986. (Remplace Communications Abstracts).Textes disponibles en ligne sur le site de la bibliothèque de l’UQAM. Mots-clé utilisés : medias/crime/ public, medias/public, medias/crime, media/crime/public.

Annexe 2

Recension d’articles : Sources
Francophone : Canada
Cyberpresse
L’Acadie Nouvelle
L’Actualité
La Presse
La Presse canadienne
La Tribune
La Voix de l’Est
Le Devoir
Le Droit
Fil de presse CCN
Le Nouvelliste
Le Quotidien
Le Soleil
Les Affaires
Voir

Anglophone : Canada
The Calgary Sun
The Cambridge Reporter
The Canadian Press
The Chronicle Herald
The Edmonton Sun
The Fredericton Daily Gleaner
The Hamilton Spectator
The Kitchener-Waterloo Record
The London Free Press
The Moncton Times and Transcript
The New Brunswick Telegraph Journal
The Ottawa Sun
The Saint John Telegraph Journal
The Sunday Herald
The Toronto Star
The Toronto Sun
The Whitehorse Star
The Winnipeg Sun
Winnipeg Free Press
Yellowknifer

Sources francophones du Canada :

1.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002.
Mot clé : “ crime organisé ”
Catégorie d’articles : Toutes les catégories
Résultat : 2 557 documents comprenaient le mot “ crime organisé ” pour cette recherche. (557 du 1er janvier au 7 avril; 1 000 du 8 avril au 14 octobre; 1 000 du 15 octobre au 30 mars)

2.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002.
Mot clé : “ crime organisé ”
Catégorie d’articles : Éditorial et opinion
Résultat : 137 documents.

3.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002
Mots clés : “ crime organisé et médias et opinion
publique ”
Catégorie d’articles : Éditorial et opinion
Résultat : 9 documents, mais seulement 3 écrits par des journalistes. Le reste consiste principalement en des témoignages d’experts.

Sources généralistes Canada ANG :

4.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002.
Mot clé : “ organized crime ”
Catégorie d’articles : Toutes les catégories
Résultat : 3 525 documents. (525 du 1er janvier au 23 février, 1 000 du 23 février au 16 juin, 1 000 du 16 juin au 20 novembre, et 1 000 du 20 novembre 2001 au 30 mars 2002.)

5.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002.
Mot clé : “ organized crime ”
Catégorie d’articles : Éditorial et opinion
Résultat : 254 résultats.

6.Période du 1er janvier 2001 au 30 mars 2002.
Mots clés : “ organized crime et media et public opinion ”
Catégorie d’articles : Éditorial et opinion
Résultat : 1 document, non-rédigé par un journaliste. Il s’agit d’un collage d’extraits de discours politiques sur le thème de la liberté de presse et de son importance.

Remarques:

Le moteur de recherche Eureka ne repère que les articles qui contiennent le mot demandé tel qu’écrit dans la requête. Il est possible que certains événements relevant d’une activité liée au crime organisé ou à un groupe criminel organisé ne comportent pas l’expression “ crime organisé”. Cela implique également que de nombreux articles qui incluent l'expression “crime organisé” ne portent pas principalement sur ce sujet ; ils ne font que mentionner l’expression à un moment ou à un autre.

Les articles d’opinion comprennent les lettres envoyées par les lecteurs et les témoignages d’experts.


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