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Services de police communautaires, contractuels et autochtones

Rapport Rapport sur l’évaluation de l’initiative de justice réparatrice de la GRC: Degré de satisfaction des participants aux forums de justice communautaire

par

Jharna Chatterjee, Ph.D.
Gendarmerie royale du Canada
Sous-direction de la recherche et de l’évaluation
Direction des services de police communautaires, contractuels et autochtones
Gendarmerie royale du Canada
Ottawa - 1999


Ce projet a été entrepris afin d’explorer l’enjeu et fournir de l’information sur le sujet. L’opinion exprimée est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle de la Gendarmerie royale du Canada ou du gouvernement du Canada.


Table des matières

  • Introduction
    Le concept
    Un bref rappel des faits ayant donné lieu à la renaissance de la justice réparatrice
    Les bases théoriques de la justice réparatrice
    La GRC et l’Initiative de justice réparatrice
    Le volet national « Formation des formateurs »
    Un résumé des conclusions tirées du premier rapport
    Les dernières activités de formation
  • Projet d’évaluation
    La collecte des données
  • Résultats
    Première section : Opinions des participants aux FJC
    Deuxième section : Opinions des animateurs de FJC
  • Compte Rendu
  • Conclusions et recommandations
    Conclusions
    Recommandations et engagements
    Recherches à venir
  • Bibliographie
  • Annexe A (Antécédents judiciaires de la justice réparatrice)
  • Annexe B (Résumé de quelques antécédents judiciaires)
  • Annexe C (Questionnaire à faire remplir par tous les participants au FJC)

Sommaire

Bien qu’il soit actuellement appliqué de très nombreuses façons, le concept de « justice réparatrice » peut généralement être décrit comme étant un moyen de réparer les torts causés par un acte criminel grâce à la collaboration de la victime, du délinquant et de la collectivité touchée. La justice réparatrice vise à rétablir l’harmonie au sein de la collectivité en réparant, dans toute la mesure du possible, les dommages matériels et psychologiques qu’a subis la victime et à assurer la réinsertion du délinquant (et, par le fait même, à prévenir la récidive), en lui faisant éprouver de la honte et du remords pour avoir commis une mauvaise action. Le délinquant doit « rembourser sa dette » à la société en assumant la responsabilité de ses actes et en s’engageant auprès de la victime et de la collectivité à réparer ou à réduire au minimum le préjudice qu’il a causé. La honte qu’il éprouve alors, dans un contexte d’entraide et de soutien, favorise sa réinsertion. Selon les partisans de la justice réparatrice, cette approche est plus équitable, plus satisfaisante et plus efficace que le système accusatoire traditionnel fondé sur les tribunaux.

Au Canada, tous les intervenants clés (le Solliciteur général, le Directeur des services de police communautaires, contractuels et autochtones, le juge David Arnot, etc.) considèrent cette nouvelle façon (qui ne date toutefois pas d’hier) de traiter les délinquants comme un prolongement naturel de l’Initiative en matière de justice applicable aux Autochtones lancée par le ministère fédéral de la Justice en 1991. En conséquence, la GRC a adopté la philosophie de la justice réparatrice et a pris l’initiative de la mettre en oeuvre en faisant appel à l’un des ses outils, à savoir le « Forum de justice communautaire » (FJC). La GRC a privilégié ce terme au lieu de celui de « conférence familiale » (CF) utilisé en Australie et en Nouvelle-Zélande, car il met davantage l’accent sur la participation de la collectivité. Partout au pays, de nombreux détachements ont adhéré à l’initiative en participant à l’un des trois ateliers « Formation des formateurs » offerts par la GRC, en janvier 1997. À l’heure actuelle, les FJC donnent de bons résultats avec les jeunes, et parfois les adultes, qui ont des démêlés avec la justice. Les délinquants accusés de vol, de voies de fait, de vandalisme, d’intimidation, de dommages aux biens, de consommation et de possession de drogue, de vol à l’étalage et d’introduction par effraction sont couramment dirigés vers les FJC.

L’actuel projet d’évaluation de l’initiative de la GRC a été entrepris par la Sous-direction de la recherche et de l’évaluation de la Direction des services de police communautaires, contractuels et autochtones (DSPCCA), en décembre 1997. La première partie de l’évaluation portait sur le volet « Formation des formateurs » et visait à déterminer a) l’efficacité des trois premiers ateliers de formation à l’intention des membres de la GRC et de la collectivité et b) la capacité de ces personnes à former des animateurs de FJC. La deuxième partie de l’évaluation visait à déterminer l’efficacité des FJC à la lumière des perceptions des participants et des animateurs, fondées sur leur expérience réelle. Le premier rapport contenait des renseignements sur la première partie de l’évaluation, tandis que le présent rapport fait état des conclusions tirées de la deuxième partie de l’évaluation, à savoir l’efficacité des FJC d’après les personnes qui en ont fait directement l’expérience.

Diverses méthodes de collecte de données, par exemple des questionnaires postaux, des interviews téléphoniques et des interviews personnelles en profondeur, ont été utilisées pour recueillir de l’information sur les variables de base suivantes qui, selon les hypothèses formulées, sont associées à la justice réparatrice (qui n’ont pas été comparées à celles qui sont associées au système de justice rétributive traditionnel, car la méthodologie ne permettait pas une telle comparaison) :

  • 1) le degré de satisfaction globale des participants aux FJC;
  • 2) le degré de satisfaction des participants aux FJC à l’égard du processus;
  • 3) le degré de satisfaction des participants aux FJC à l’égard des résultats ou des ententes.

Une échelle en cinq points de type Likert a été utilisée pour recueillir toutes les données quantitatives :

  • 1 = très peu;
  • 2 = un peu;
  • 3 = moyennement;
  • 4 = très;
  • 5 = extrêmement

Nous avons également recueilli des données sur les questions suivantes : mesure dans laquelle les participants ont repris leur vie en main (maîtrise des événements), volonté des victimes à accorder une deuxième chance au délinquant, peur d’être à nouveau victime d’un acte criminel, mesure dans laquelle les participants estiment que la justice a été rendue, décision de recourir aux tribunaux ou aux FJC si tout était à recommencer. Nous avons recueilli des renseignements de même nature auprès des animateurs de FJC, à l’aide de questionnaires et d’interviews en profondeur individuelles. La plupart des répondants ont semblé apprécier les interviews et ont donné des réponses franches, honnêtes et réfléchies à toutes les questions (les participants aux FJC étaient assurés de l’anonymat et de la confidentialité).

Degré de satisfaction des participants aux FJC – Les degrés moyens de satisfaction globale et de satisfaction quant à l’équité du processus et des résultats étaient élevés parmi les 226 participants aux FJC qui ont répondu à l’enquête. En effet, la plupart des participants ont déclaré être « très » (39 %) ou « extrêmement » (51 %) satisfaits des FJC, tandis que d’autres ont indiqué être « moyennement » satisfaits. Enfin, 85 % des délinquants et 94 % des victimes ont dit être « très » ou « extrêmement » satisfaits des FJC en général.

De la même façon, 96 % des participants étaient d’avis que le processus était « extrêmement » (5) ou « très » (4) équitable. Malgré le degré de satisfaction généralement élevé enregistré à l’égard du processus, il semble que certaines victimes se soient senties obligées de participer aux FJC. Les réponses donnaient également à penser que les participants n’étaient pas tous parfaitement au courant du processus avant d’accepter de participer aux FJC. Toutefois, même s’ils ne comprenaient pas entièrement le processus, la majorité des répondants ont déclaré avoir accepté de leur plein gré de participer aux FJC (la totalité des délinquants et des accompagnateurs des victimes et plus de 95 % des victimes et des accompagnateurs des délinquants).

Le degré de satisfaction à l’égard des ententes et des résultats était lui aussi généralement élevé : 91 % de tous les participants considéraient que les ententes et les résultats étaient « très » ou « extrêmement » équitables et la plupart des participants ont reconnu avoir eu la chance de donner leur avis à cet égard sans subir de pression de la part de quiconque. Ainsi, 97 % des victimes ont déclaré que les ententes et les résultats étaient « très » ou « extrêmement » équitables, contre 77 % des délinquants. Ces résultats sont révélateurs, particulièrement dans le cas des victimes qui se disent souvent déçues du processus et des résultats du système judiciaire traditionnel. Les réponses fournies par les participants à la question portant le choix qu’ils feraient si tout était à recommencer témoignent également de leur degré de satisfaction à l’égard des FJC. En effet, la majorité d’entre eux, soit 87 % des délinquants, 93 % des victimes, 95 % des accompagnateurs des délinquants et 93 % des accompagnateurs des victimes, ont indiqué qu’ils choisiraient de faire appel aux FJC plutôt qu’aux tribunaux.

Par ailleurs, 98 % des délinquants ont indiqué que les FJC les avaient aidés à comprendre les conséquences de leurs actes et à assumer leurs responsabilités à cet égard. Environ 97 % de leurs accompagnateurs ainsi que la totalité des victimes et de leurs accompagnateurs ont affirmé avoir eu l’impression que les délinquants comprenaient les conséquences de leurs actes et en assumaient la responsabilité, du moins dans une certaine mesure. Au total, 84,8 % des répondants ont indiqué que les délinquants avaient respecté l’entente établie lors du FJC (certaines ententes n’ont pas encore pris fin). Les délinquants, ainsi que leurs accompagnateurs, ont dit espérer recevoir beaucoup de soutien (ou plus) de la part de leur famille et de leurs amis en vue de respecter l’entente. Plus de 90 % des victimes qui ont répondu au questionnaire ont indiqué être « très » ou « extrêmement » disposées à accorder une deuxième chance aux délinquants. En fait, certaines des victimes ont mentionné avoir accepté de participer aux FJC dans cette intention. Les accompagnateurs des victimes et des délinquants se sont aussi montré désireux de donner une deuxième chance aux délinquants (de « moyennement » à « extrêmement »). Par ailleurs, 97 % des répondants aux questionnaires ont déclaré avoir « un peu » (ou plus) repris leur vie en main après avoir participé aux FJC. La majorité des répondants de chaque catégorie ont indiqué que leur participation aux FJC les avait « beaucoup » aidés à reprendre leur vie en main. En outre, 88 % des victimes interrogées ont affirmé que les FJC avait « beaucoup » ou « extrêmement » contribué à guérir leurs blessures psychologiques, contre 12 % ayant indiqué qu’ils les avaient aidés « modérément ». L’ensemble des participants estimait en général que la justice avait été rendue et les accompagnateurs des victimes et des délinquants ont affirmé qu’à leur avis, l’harmonie avait été rétablie. Les données ont révélé que les FJC avaient été tenus entre 1 et 20 semaines (5,4 semaines en moyenne) après que l’infraction eut été commise. Les observations des animateurs confirment ce fait. Il est à noter que les délinquants et leurs accompagnateurs estimaient que les risques de récidive étaient pratiquement nuls, tandis que les accompagnateurs des victimes se sont montrés un peu moins affirmatifs à cet égard.

Degré de satisfaction des animateurs de FJC – Trente animateurs de FJC, dans différentes régions du Canada, ont pris part à des interviews en profondeur individuelles portant sur un large éventail de sujets tels que le type de collectivités au sein desquelles ils ont travaillé (société comportant plusieurs classes socioéconomiques, urbaine, rurale, multiethnique, etc.), le degré de réceptivité de celles-ci aux FJC (les collectivités informées faisaient preuve d’ouverture), le type d’infractions auxquelles les FJC devraient être appliqués (crimes non violents dans la plupart des cas), la volonté des personnes concernées de participer aux FJC (elles y étaient disposées dans la plupart des cas) et les facteurs susceptibles d’être associés au respect de l’entente (soutien parental). Les données issues de ces interviews viennent compléter les données présentées dans le premier rapport. En outre, 69 animateurs de FJC, en majorité des agents de police, ont rempli les questionnaires immédiatement après la séance afin de nous faire part de leurs observations sur des questions particulières.

Les réponses aux questionnaires ont révélé que le nombre de participants aux FJC se situait entre 3 et 23 et que le mode et le nombre le plus fréquent étaient 5 et 7. Dans l’ensemble, les animateurs de FJC se sont dits « très » (4) satisfaits du processus. Selon eux, les participants avaient fait preuve d’ouverture d’esprit en vue de résoudre le problème, les ententes étaient très équitables et les probabilités qu’elles soient respectées étaient élevées. Voici quelques-unes de leurs observations : certains participants semblaient avoir fait l’objet de pressions excessives; les cas traités étaient tout à fait appropriés aux FJC et les torts attribuables aux actes commis allaient sans doute être réparés; les délinquants et leurs accompagnateurs semblaient avoir pris conscience des conséquences de leurs actes sur les autres; les FJC semblaient avoir répondu aux questions des victimes et leur avoir permis de passer à autre chose. Comme vous pouvez le constater, les observations formulées par les animateurs immédiatement après la séance se sont avérées très positives à presque tous les points de vue et reflètent les données fournies par les participants aux FJC eux-mêmes.

Les conclusions dont fait état le présent rapport viennent fortement appuyer les allégations des défenseurs de la justice réparatrice. Précisons toutefois que l’expérience n’a pas été réalisée dans des conditions contrôlées, que l’échantillonnage n’a pas été effectué de façon aléatoire, que l’échantillon n’était pas suffisamment grand et que la collecte des données n’a pas été aussi systématique que nous l’aurions souhaité. Néanmoins, la cohérence interne des résultats et les similitudes que présentent les conclusions auxquelles nous sommes parvenus et celles des documents de recherche consultés, y compris les études portant sur des expériences contrôlées, semblent leur conférer une certaine validité. Par ailleurs, l’initiative de justice réparatrice, considérée au départ comme un prolongement de la Stratégie de justice applicable aux Autochtones, a largement dépassé les frontières des collectivités autochtones et reçoit habituellement un bon accueil de la part des collectivités qui sont bien informées de cette approche.

Recommandations et engagements pour l’avenir

  • Établir une norme de formation pour les animateurs – Sans norme de formation minimale, nous risquons de porter préjudice aux collectivités au lieu de rétablir l’harmonie en tentant de trouver conjointement une solution au problème qui se pose, dans un climat d’entraide et de respect. Nous risquons également de nuire à l’approche relativement récente de justice réparatrice.
  • Tenir une séance d’information à l’intention de tous les participants aux FJC – Il est de la plus haute importance de fournir à toutes les personnes susceptibles de participer aux FJC tous les renseignements nécessaires sur leur fonctionnement et les attentes s’y rattachant. Cette étape devrait également permettre d’atténuer l’impression selon laquelle certains participants ont fait l’objet de pressions excessives.
  • Réduire les risques de déséquilibre des pouvoirs au sein des FJC – Les animateurs doivent former une véritable « collectivité d’entraide » et veiller à ce que tous les membres de la collectivité aient une chance égale de participer au processus et aux résultats. Ils doivent également s’assurer que les participants restent concentrés sur la résolution du problème ou la réparation des torts et non pas sur la détermination de la culpabilité.
  • Veiller au respect des ententes – Les animateurs doivent assurer un suivi approprié afin que les délinquants respectent les ententes en vue d’accroître la confiance des gens envers les FJC.
  • Déterminer à quel type d’infraction peuvent être appliqués les FJC – Jusqu’ici, au Canada, la plupart des cas traités par les FJC l’ont été à l’étape de pré-inculpation (politique de la GRC); il s’agissait principalement de crimes contre les biens (introduction par effraction, vol, vandalisme, etc.) ou d’infractions mineures (intimidation, possession de drogue, voies de fait, etc.). La plupart des répondants, y compris les animateurs, étaient réticents à recommander le recours aux FJC dans les cas de crimes avec violence ou de crimes graves, un grand nombre de répondants ont refusé d’envisager cette option dans le cas des récidivistes et, certains, dans celui des adultes. Mais pourrait-on faire appel aux FJC pour une plus grande variété de cas et les considérer non seulement comme un mécanisme pré-inculpation, mais aussi comme un outil pouvant être utilisé à diverses étapes du processus judiciaire, aux étapes postsentencielle et prélibératoire, par exemple? Compte tenu des données empiriques limitées mais homogènes sur le degré de satisfaction de tous les participants, y compris les victimes, ces questions méritent d’être sérieusement prises en considération.
  • Définir le rôle de la police – En raison même de la « répression » qu’ils doivent exercer, les policiers sont le plus souvent les premières personnes à avoir un contact direct avec la victime et le délinquant. Pour assurer l’optimisation des ressources et obtenir un effet immédiat, la police aurait avantage à recourir aux FJC pour régler les problèmes qui se posent. Le rôle proactif qui lui serait ainsi conféré devrait servir la cause de la police communautaire en donnant une meilleure image de la police dans la collectivité, où elle est considérée uniquement comme un agent de répression. Les FJC constituent un outil puissant pour la police communautaire.
  • Élaborer des lignes directrices concernant les renvois – Il faudra élaborer des politiques et des lignes directrices à la fois claires et souples sur le renvoi des cas aux FJC pour permettre à la police d’assumer son nouveau rôle et notamment de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de façon totalement impartiale. Il faudra également élaborer des politiques et des lignes directrices pratiques pour traiter les cas où les délinquants ne respectent pas les ententes établies lors des FJC, et ce sans raison valable.
  • Promouvoir l’éducation et la sensibilisation – La poursuite des efforts visant à accroître l’éducation et la sensibilisation au sein des services de police et des collectivités est essentielle au succès de cette initiative.
  • Rassembler la documentation nécessaire pour effectuer une étude longitudinale – Enfin, seule la tenue d’une étude de recherche longitudinale minutieuse et le déploiement d’efforts continus visant à améliorer le processus permettront de prouver l’utilité de cette nouvelle approche et de déterminer ses limites. Les conclusions préliminaires tirées du présent projet de recherche sont indubitablement encourageantes, mais il est absolument essentiel de rassembler la documentation requise pour que la justice réparatrice prenne la place qui lui revient au sein du système judiciaire canadien.

Afin d'obtenir une copie électronique de ce rapport complet (PDF), veuillez envoyer votre demande par courriel à la Section de recherche et d'évaluation (Services de police communautaires, contractuels et autochtones) de la GRC.