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2002
Analyse comparative de la réglementation de la recherche sur les cellules souches primordiales : possibilités d´action au Canada
Analyse comparative de la réglementation de la recherche sur les cellules souches primordiales :
possibilités d´action au Canada
Document commandé par le Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Le 11 janvier 2001
Lori P. Knowles, LL. B., B.C.L., M.A., LL.M.
Collaboratrice en droit et en bioéthique
Directrice de l´éducation et de la vulgarisation
The Hastings Center
knowlesl@thehastingscenter.org
Les cellules embryonnaires, que l´on peut dériver de plusieurs sources, constituent un
riche domaine de recherche scientifique fort prometteur sur le plan médical. On trouve
certaines cellules souches dans le sang du cordon ombilical1 ou dans les tissus
placentaires. Depuis peu, des travaux de recherche portent sur le potentiel sur le plan
médical de cellules souches « adultes » ou somatiques 2. Cependant, les cellules
embryonnaires qui soulèvent le plus de controverse sont les cellules souches
primordiales, que l´on appelle cellules souches embryonnaires (cellules ES) et cellules
germinales (cellules EG). La recherche sur ces cellules pourrait avoir d´importants
bienfaits sur le plan médical en particulier, car ces cellules pourraient être une source
intarissable de tissus transplantables. La provenance de ces cellules, c´est-à-dire les
embryons humains et les foetus avortés respectivement, soulève des problèmes éthiques
difficiles et complique l´élaboration de politiques.
En ce qui a trait à la dimension politique de la surveillance de l´utilisation des cellules
souches primordiales, il existe plusieurs cadres de réglementation partielle ou adéquate.
Ces cadres incluent la réglementation de la recherche sur l´humain, la réglementation de
la recherche sur les embryons, la réglementation de la recherche et de l´utilisation de
tissus foetaux, les lois et les lignes directrices sur le financement de la recherche, les
directives cliniques concernant l´utilisation de matériel biologique humain, la loi sur la
santé et la sécurité et le droit criminel, pour n´en citer que quelques-uns3
La communauté internationale s´intéresse vivement à l´utilisation des cellules souches à
des fins thérapeutiques4. Le présent document examinera à fond les réactions, les
conclusions et les recommandations de divers organismes gouvernementaux et non
gouvernementaux concernant la question de la recherche sur les cellules souches.
L´accent sera mis plus précisément sur les réactions des états-Unis et du Royaume-Uni
en ce qui concerne la réponse du Groupe européen d´éthique à la Commission européenne
et les déclarations de l´Allemagne et du Vatican. On s´intéressera surtout à l´utilisation de
cellules ES et EG dans le cadre des recherches sur les cellules embryonnaires. Les
règlements canadiens en vigueur seront examinés afin de déterminer si la politique en
place au pays est adéquate en ce qui a trait à la recherche et à l´utilisation de cellules
souches primordiales ou si une nouvelle politique s´impose.
Contexte
à la fin de 1998, une équipe de chercheurs a annoncé qu´elle avait isolé des
cellules souches embryonnaires (cellules ES)5 et une autre a annoncé presque
simultanément avoir isolé des cellules germinales (cellules EG)6. Les cellules souches
embryonnaires sont dérivées de blastocystes, embryons de cinq à sept jours. Une fois
implantée, la couronne cellulaire du blastocyste deviendra le placenta. Le restant, appelé
amas cellulaire interne, deviendra le foetus. Les cellules ES sont isolées de l´amas
cellulaire interne et il est impossible de dériver ces cellules sans détruire l´embryon. Les
cellules germinales, qui proviennent de foetus immatures obtenus après une interruption
de grossesse, sont dérivées d´une petite série de cellules souches mises de côté dans
l´embryon et qu´on a empêché de se différencier. On les appelle cellules germinales car
elles devaient être les précurseurs des ovules et des spermatozoïdes de la génération
suivante7. Cependant, les cellules EG sont différentes des ovules foetaux; elles sont les
précurseurs des cellules susceptibles de devenir des ovules si le foetus était de sexe
féminin et qu´il arrivait à terme.
Quelle est l´utilité des cellules souches primordiales?
Les cellules ES et EG présentent deux propriétés remarquables. Premièrement, on
pense qu´elles se divisent indéfiniment lorsqu´elles sont cultivées en lignées cellulaires,
ce qui en fait d´excellents outils aux fins de manipulation par les chercheurs8.
Deuxièmement, on les qualifie de pluripotentes9. D´autres cellules du corps humain se
différencient dans une certaine mesure, c´est-à-dire qu´elles se transforment en un type
particulier de cellule, comme des cellules sanguines ou nerveuses ou des cellules de peau.
Par contre, les cellules ES et EG peuvent se transformer en de nombreux types de
cellules. Les chercheurs n´ont pas encore pu orienter leur différenciation de sorte à rendre
ces cellules utiles sur le plan clinique, mais on espère qu´un jour, ces cellules serviront à
produire des tissus particuliers transplantables.
Quels problèmes éthiques liés à la recherche sur les cellules ES et EG soulèvent la controverse?
Malgré les bienfaits que pourraient offrir les cellules ES et EG sur le plan
médical, la provenance de ces cellules soulève des préoccupations d´ordre politique et
éthique. Les questions de politique ont principalement trait à l´utilisation des systèmes
législatifs et réglementaires en place pour régir la recherche utilisant des cellules ES et les
sources de financement de la recherche faisant appel à des embryons humains et à des
tissus foetaux. Les préoccupations d´ordre éthique concernent surtout le statut moral de
l´embryon et du foetus avorté.
Chacun évalue la dérivation de cellules ES selon qu´il considère l´embryon
humain comme une personne, une masse de cellules humaines ou quelque chose
d´intermédiaire qui requiert un respect particulier10. La science ne peut répondre à cette
question à notre place. à l´heure actuelle, de nombreux pays occidentaux autorisent la
recherche sur les embryons à des fins particulières et dans des paramètres strictes11. Ils
partent du point de vue que les embryons n´ont le statut moral ni de personnes ni de
simples cellules; en raison de leur lien spécial avec le monde des humains, ils jouissent
d´une position intermédiaire qui nécessite qu´on les traite avec un respect particulier12.
L´utilisation de tissus foetaux pour isoler les cellules EG pose moins de problèmes
que l´utilisation similaire d´embryons humains pour trois raisons. Premièrement, le
prélèvement de cellules EG sur des tissus foetaux n´entraîne pas la destruction d´un foetus
vivant. Deuxièmement, il n´est nullement question de créer un tissu foetal expressément à
des fins de recherche. Troisièmement, l´utilisation de tissus foetaux en vue de mettre au
point des thérapies n´ayant pas trait à la reproduction pour les gens a déjà été abordée
dans le contexte de la transplantation de tissus foetaux et il existe donc plusieurs lois et
politiques concernant cette utilisation. Par conséquent, les chercheurs s´intéressant aux
cellules EG et les organismes qui financent les recherches devraient être au courant des
mesures de protection et des lignes directrices concernant l´utilisation de tissus foetaux en
recherche13.
Recommandations internationales de principe concernant la recherche sur les cellules ES et EG
états-Unis
Recherche sur les cellules EG
Le tissu foetal humain a été utilisé en recherche en vue d´élaborer des thérapies
pour des maladies comme la maladie de Parkinson, en transplantant ce tissu chez les
malades. Avant 1993, les lois en vigueur aux états-Unis interdisaient l´utilisation des
deniers fédéraux pour ce type de recherche puisque les tissus utilisés étaient prélevés sur
des foetus avortés. En 1993, le président Clinton a levé cette interdiction. Il existe
plusieurs restrictions visant à s´assurer que le tissu foetal employé pour la recherche est
obtenu d´une manière qui respecte la femme chez qui il est prélevé et que cette recherche
n´encourage pas l´avortement14. Ces restrictions peuvent et devraient s´appliquer à la
recherche sur les cellules EG.
L´utilisation de tissus foetaux aux fins de transplantation est assujettie à
trois grandes restrictions. Tout d´abord, le médecin doit obtenir le consentement éclairé
de la femme, qui autorise l´utilisation du tissu foetal prélevé sur elle. Ensuite, pour faire
en sorte que la possibilité de faire don de tissu au profit de la médecine n´influence pas la
décision d´une femme, le don de tissu foetal ne peut être abordé que lorsque la femme a
décidé de mettre un terme à sa grossesse. Enfin, une femme ne peut ordonner que le tissu
foetal prélevé sur elle soit utilisé au profit d´une personne précise. La National Bioethics
Advisory Commission (NBAC) et les National Institutes of Health (NIH) ont indiqué que
ces lignes directrices devraient s´étendre à la recherche sur les cellules EG15. Les
changements au consentement éclairé requis pour utiliser le tissu foetal refléteraient ceux
mentionnés ci-après en ce qui concerne l´utilisation d´embryons dont il a été fait don, y
compris le consentement particulier en vue de l´utilisation de tissus pour la recherche sur
les cellules souches16.
Recherche sur les cellules ES
Aux états-Unis, la loi fédérale en vigueur interdit le financement fédéral de la
recherche impliquant l´utilisation d´embryons humains17. La loi limite la capacité
d´effectuer des recherches sur un embryon qui donneraient lieu au rejet ou à la destruction
de l´embryon. Seules les interventions au profit de l´embryon et effectuées sur des
embryons destinés à être implantés seraient autorisées. Par conséquent, les entreprises
privées ont été les premières à mener ces recherches et ont, comme nous l´avons déjà
indiqué, isolé les premières cellules humaines ES. En novembre 1998, le président
Clinton a demandé conseil à la NBAC18. En janvier 1999, le directeur des NIH a imposé
un moratoire sur la recherche financée par les NIH utilisant des cellules embryonnaires
pluripotentes dérivées d´embryons humains et de tissus foetaux en attendant la révision de
la loi. Ce même mois, les NIH ont reçu un avis juridique selon lequel la loi en vigueur
peut être interprétée de sorte qu´il soit légal de financer la recherche sur les cellules ES
pour autant que les fonds fédéraux ne soient pas employés pour financer la dérivation de
ces cellules19.
Même si cette interprétation juridique semble techniquement correcte, elle place
le gouvernement américain dans une situation paradoxale, c´est-à-dire qu´il refuse de
financer la recherche visant à dériver des cellules ES mais permet le financement de la
recherche sur des cellules ES dérivées à l´aide de fonds privés, ou qui ont été importées
de pays où la recherche sur les embryons n´est assujettie à aucune restriction. Ce
paradoxe est explicitement reconnu par la Commission nationale française. En effet,
l´expérimentation ou la recherche thérapeutique sur des cellules souches prélevées sur des
embryons in vitro sont interdites, mais il est possible d´importer des cellules de
collections établies sans égard aux lois éthiques applicables en France aux cellules
embryonnaires20. La même situation existe en Australie où la recherche sur les cellules ES
est menée sur des lignées de cellules créées à Singapour21. Malgré ce qui précède, les
lignes directrices des NIH, dont il est question ci-après, reposent sur cet avis juridique.
National Bioethics Advisory Commission
En réponse à la lettre du président datant de novembre 1998, la NBAC a été
chargée d´analyser les répercussions éthiques de la recherche sur les cellules souches
primordiales et de recommander les orientations de la réglementation ultérieure de ces
travaux de recherche. La NBAC a publié son rapport intitulé Ethical Issues in Human
Stem Cell Research en septembre 1999. En ce qui concerne les cellules EG, la
Commission a approuvé l´utilisation de tissus foetaux en vue de la dérivation et de
l´utilisation de ces cellules pour autant que les restrictions énoncées dans les lois relatives
à la transplantation de tissus foetaux déjà en vigueur soient respectées. La NBAC a
également recommandé tout particulièrement d´apporter des changements afin de préciser
clairement que les restrictions concernant l´utilisation de tissus provenant de foetus
avortés aux fins de transplantation devraient s´appliquer à la recherche sur les cellules EG
provenant de ces tissus22.
La Commission a discuté de l´aspect éthique de la recherche sur les cellules ES et
EG et, convaincue que la recherche sur les cellules souches primordiales était très
prometteuse, elle a recommandé une levée partielle de la loi relative à la recherche sur les
embryons de sorte que la recherche impliquant la dérivation et l´utilisation de cellules
souches soit admissible au financement fédéral23. Soulignons en particulier la conclusion
selon laquelle il n´était pas pertinent, sur le plan moral, d´établir une distinction entre le
prélèvement de cellules ES et l´utilisation de ces cellules24. Par ailleurs, la NBAC a
indiqué que l´utilisation de lignées de cellules prélevées exclusivement par les chercheurs
qui travaillent sur base du financement privé pourrait grandement limiter les progrès
scientifiques et cliniques et diminuer la valeur scientifique des activités bénéficiant d´une
aide fédérale. La Commission a invoqué les raisons suivantes à l´appui de son affirmation
-
Les chercheurs qui utilisent des lignées de cellules ES auront beaucoup à gagner
sur le plan scientifique s´ils comprennent bien le processus de dérivation des
cellules ES.
-
Il y a lieu de réaliser d´importants travaux de recherche fondamentale sur le
processus de dérivation des cellules ES avant de pouvoir offrir des thérapies
basées sur les cellules, et ces travaux doivent être effectués dans divers
établissements, y compris ceux consacrés exclusivement à la recherche
fondamentale universitaire.
-
Les cellules ES en culture ne restent pas indéfiniment stables. Il est donc
particulièrement important au cours des premières années de recherche sur les
cellules ES de pouvoir dériver à maintes reprises ces cellules afin de s´assurer que
les propriétés des cellules à l´étude n´ont pas changé.
Par conséquent, la NBAC a recommandé l´adoption des dispositions applicables
au financement par tous les organismes fédéraux, tout en excluant le financement de la
recherche visant à utiliser ou à dériver des cellules ES humaines prélevées sur des
embryons dont se défont les programmes de traitement de l´infertilité25.
Pour en arriver à cette conclusion, la NBAC a recommandé d´imposer les
limites suivantes à la recherche sur les cellules ES :
Par ailleurs, la Commission a indiqué qu´il fallait encourager le respect volontaire
des recommandations par le secteur privé.
National Institutes of Health
Le 2 décembre 1999, les NIH ont publié des lignes directrices provisoires sur
l´utilisation de cellules souches humaines pluripotentes. Les NIH ont reçu plus de
50 000 commentaires de divers groupes, membres du Congrès et citoyens pendant la
période de consultations publiques de 90 jours. Le 25 août 2000, les NIH ont publié et
adopté les National Institutes of Health Guidelines for Research Using Human
Pluripotent Stem Cells (lignes directrices des NIH), qui levaient le moratoire imposé en
janvier 1999 sur la recherche utilisant des cellules embryonnaires pluripotentes. Les
lignes directrices des NIH s´appliquent aux cellules embryonnaires pluripotentes dérivées
de tissus foetaux ou d´embryons issus de la fécondation in vitro dont on n´a plus besoin à
des fins cliniques et qui n´ont pas encore atteint le stade de formation du mésorderme.
Elles ne sont assorties d´aucune exigence sur le financement fédéral de la recherche
portant sur des cellules souches provenant d´êtres humains adultes, de cordons
ombilicaux ou de placentas.
Les lignes directrices des NIH approuvant la recherche sur les cellules ES et EG
reposent sur la conclusion selon laquelle aucune source de cellules souches ne peut
convenir, même parfaitement, à toutes les thérapies. De plus, elles soulignent
l´importance de la recherche où l´on compare le potentiel des cellules souches adultes
avec les cellules souches primordiales dérivées d´embryons et de foetus afin de déterminer
la meilleure source de cellules et tissus spécialisés requis pour de nouveaux traitements.
En outre, il est précisé dans les lignes directrices que les cellules souches adultes peuvent
avoir un potentiel plus limité et être plus rares que les cellules souches primordiales, en
plus d´être plus prédisposées aux défauts génétiques27.
Les lignes directrices stipulent que les fonds peuvent être employés en vue de
dériver des cellules souches pluripotentes de tissus foetaux humains, mais ne peuvent être
utilisés pour dériver des cellules souches primordiales d´embryons humains.
Contrairement aux recommandations de la NBAC, les l ignes directrices des NIH
établissent une distinction entre la dérivation et l´utilisation de cellules ES; la première
n´est pas admissible au financement, tandis que la seconde l´est. En ce qui concerne les
cellules ES, les lignes directrices sont similaires aux recommandations de la NBAC en ce
sens que les fonds des NIH peuvent être utilisés à des fins de recherche sur des cellules
souches uniquement si celles-ci ont été prélevées d´embryons surnuméraires de
programmes de traitement de la stérilité. Les chercheurs bénéficiant de fonds des NIH ne
peuvent utiliser les cellules ES dérivées d´embryons créés par transfert de noyau d´une
cellule somatique ni d´embryons spécialement conçus à des fins de recherche, peu
importe le moyen employé. Ainsi, en vertu de ces lignes directrices, la dérivation de
cellules ES sera financée par le secteur privé.
Les lignes directrices établissent une distinction entre les documents requis pour
demander des fonds aux NIH, les conditions à remplir pour être admissible au
financement et la recherche non admissible au financement des NIH. Les demandes de
fonds doivent renfermer des garanties que les cellules EG ont été dérivées conformément
aux conditions et aux restrictions énoncées dans les lois sur la transplantation de tissus
foetaux28. En ce qui concerne les cellules ES, les demandes de fonds doivent renfermer
des garanties que les cellules ES ont été dérivées d´embryons humains conformément à
certaines conditions et que l´établissement conservera des documents à l´appui de ces
garanties. Les chercheurs qui veulent obtenir des fonds doivent fournir aux NIH non
seulement le protocole de recherche proposant d´utiliser les cellules souches primordiales
mais aussi les documents d´approbation, par les comités d´examen institutionnels, du
protocole de dérivation des cellules souches.
Pour être admissible au financement de la recherche sur les cellules ES, il faut
respecter les conditions suivantes :
-
Seuls les embryons créés aux fins des traitements de la stérilité qui sont
surnuméraires et dont les patients n´ont plus besoin peuvent être utilisés dans
le cadre de la recherche.
-
Il est interdit d´offrir des incitatifs, monétaires ou autres, pour le don
d´embryons humains à des fins de recherche.
-
Les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité et les
laboratoires devraient adopter des politiques écrites et des pratiques
particulières afin de s´assurer que de tels incitatifs ne sont pas offerts.
-
Il doit y avoir une nette distinction entre la décision de créer des embryons
pour le traitement de l´infertilité et la décision de faire don d´embryons
humains pour la recherche sur les cellules souches.
-
Afin de laisser s´écouler un délai suffisant entre les décisions, seuls des
embryons humains congelés devraient être employés aux fins de recherche
sur les cellules souches.
-
La décision de faire don d´embryons à la recherche sur les cellules souches ne
doit pas être influencée par les chercheurs.
-
Le médecin traitant responsable du traitement de la stérilité et le chercheur qui
dérive ou propose d´utiliser des cellules souches humaines pluripotentes ne
devraient pas être une seule et même personne.
-
On ne peut faire des démarches auprès des patients du traitement de la stérilité
concernant un don que lorsqu´ils décident de se débarrasser des embryons
surnuméraires.
-
Aucun don direct de tissu embryonnaire ou de cellules souches dérivées de
ce tissu n´est permis par les donneurs29.
-
Le comité d´examen institutionnel doit approuver les protocoles de recherche
en vue de la dérivation de cellules ES et EG.
En ce qui concerne l´obtention d´un consentement éclairé des donneurs de
tissus embryonnaires, il y a lieu de respecter les conditions suivantes :
-
Les chercheurs doivent préciser au donneur de tissu si l´information
susceptible de révéler son identité sera conservée.
-
Les donneurs doivent être informés des avantages commerciaux possibles
résultant de la recherche sur les cellules souches dont ils ont fait don et du fait
qu´ils n´auront pas accès à ces avantages30.
-
Les donneurs doivent être informés qu´aucun avantage médical ne leur reviendra.
Les types suivants de recherche sur les cellules souches primordiales
ne sont pas admissibles au financement de NIH :
-
la dérivation de cellules souches d´embryons humains;
-
la recherche où des cellules souches sont utilisées en vue de créer un embryon
humain ou de contribuer à sa création;
-
l´utilisation de cellules souches dérivées d´embryons humains créés à des fins
de recherche et non aux fins de traitement de la stérilité;
-
la recherche où les cellules souches sont dérivées à l´aide du transfert de
noyau d´une cellule somatique;
-
la recherche utilisant des cellules souches dérivées au moyen du transfert de
noyau d´une cellule somatique;
-
la recherche où les cellules souches humaines sont combinées à un embryon d´animal;
-
la recherche où des cellules souches sont utilisées conjointement avec le
transfert de noyau d´une cellule somatique aux fins du clonage reproductif
d´un humain.
En ce qui a trait à la surveillance de la recherche sur les cellules
souches primordiales, les lignes directrices des NIH font écho aux
recommandations formulées dans le rapport de la NBAC en prévoyant la
création du groupe d´examen des cellules embryonnaires pluripotentes des
NIH. Ce groupe de travail examinerait si les demandes sont conformes aux
lignes directrices en matière de financement et remettrait un rapport annuel sur
la recherche financée et les protocoles présentés.
Il convient de noter que la question du financement de la recherche sur les
cellules ES est loin d´être réglée. Le président qui remportera les élections
aura probablement une profonde incidence sur les lignes directrices. étant
donné sa position concernant l´avortement, le gouverneur Bush risque peu
d´être en faveur du financement, par le gouvernement, de la recherche sur les
embryons, tandis que le vice-président Gore a indiqué son appui à la recherche
sur les cellules ES31. Par ailleurs, plusieurs projets de loi qui élargissent ou
limitent l´utilisation de deniers publics pour financer la recherche sur les
cellules ES ont été déposés au Congrès et au Sénat32.
Royaume-Uni33
à l´heure actuelle, il n´existe au Royaume-Uni aucune loi particulière
qui réglemente la recherche sur les cellules souches une fois celles-ci extraites
d´embryons ou la recherche visant à dériver des cellules souches d´autres
sources non embryonnaires, comme un foetus avorté ou des cellules adultes.
Cependant, le Royaume-Uni dispose de l´une des réglementations les plus
détaillées et respectées des techniques de reproduction assistée. Dans ce cadre,
il est possible de composer avec les progrès scientifiques et d´adapter la loi en
perturbant le moins possible le système. Ceci est expliqué ci-après dans le
contexte de la recherche sur les cellules ES.
Recherche sur les cellules EG
Le comité Polkinghorne a établi en 1989 un code de déontologie
réglementant l´utilisation des tissus foetaux, tandis que les organes de
recherche et les organes professionnels ainsi que le ministère de la Santé
donnent des directives qui régissent la recherche en général. Le code exposé
dans le rapport Polkinghorne prévoit des restrictions quant à l´utilisation de
tissus foetaux similaires à celles mentionnées ci-avant pour les états-Unis. Ces
restrictions devraient s´appliquer à la recherche sur les cellules EG au
Royaume-Uni.
Recherche sur les cellules ES
Le rapport Warnock, publié en 1984, examinait les questions éthiques
et stratégiques liées aux techniques de reproduction assistée et recommandait
l´établissement d´un organisme de réglementation et de lignes directrices
concernant la recherche sur les embryons34. En 1990, la Human Fertilisation
and Embryology Act 1990 (HFEA) a été adoptée. En plus d´établir les limites
de la recherche sur les embryons et d´en déterminer les interdictions, la loi a
créé un organisme de réglementation la Human Fertilisation and
Embryology Authority (Autorité HFE) investie du pouvoir exclusif de
délivrer les permis nécessaires pour mener la recherche sur les embryons au
Royaume-Uni. Il est possible d´obtenir un permis uniquement pour les fins
précisées dans la loi.
On pourrait dire que la HFEA est l´une des lois relatives à la recherche
sur les embryons les plus libérales. Elle ne renferme aucune disposition
explicite relative à la recherche portant par exemple sur les cellules souches
visant à remplacer des tissus malades ou endommagés. Cependant, elle prévoit
un mécanisme permettant d´ajouter des objectifs de recherche pour lesquels il
n´est pas encore possible d´obtenir un permis par le truchement de
modifications aux règlements de la loi. à la lumière de l´annonce de la
découverte de cellules souches primordiales, la Human Genetics Advisory
Commission et l´Autorité HFE (déclaration de la HGAC/HFEA) ont publié en
décembre 1998 un rapport conjoint renfermant la déclaration suivante :
Lorsque la HFEA de 1990 a été adoptée, on n´a pas envisagé les conséquences
thérapeutiques positives que pourrait procurer la recherche sur les embryons humains.
Nous recommandons dès lors que le Secrétaire d´état envisage l´ajout dans les
règlements de deux autres buts à la liste [de buts approuvés], soit :
-
l´élaboration de méthodes thérapeutiques pour les maladies
mitochondriales;
-
l´élaboration de méthodes thérapeutiques pour les tissus ou organes
malades ou endommagés35.
En outre, la déclaration de la HGAC/HFEA recommandait
explicitement que l´on autorise la recherche de ce genre, indiquant qu´il
serait malavisé d´exclure la recherche faisant appel à des techniques de
clonage (appelée remplacement du noyau de la cellule au Royaume-Uni)
impliquant l´utilisation d´embryons pouvant avoir une valeur
thérapeutique36.
Le Nuffield Council on Bioethics a approuvé la recommandation
formulée dans la déclaration de la HGAC/HFEA37. Toutefois, au lieu
d´adopter les recommandations de la HGAC/HFEA, le gouvernement
britannique a donné suite au rapport en créant un groupe consultatif
d´experts chargé d´étudier plus en détail la nécessité du clonage
thérapeutique chez les êtres humains, ses avantages et ses risques38. Ce
groupe, dirigé par le médecin chef Liam Donaldson, a diffusé en mai 2000
un rapport à l´intention du gouvernement, qui a été publié le 16 août 2000
sous le titre Stem Cell Research: Medical Progress with Responsibility. Il
recommandait entre autres de modifier la HFEA afin d´autoriser la
recherche sur les cellules souches pour les fins énoncées dans la
déclaration de la HGAC/HFEA.
Le rapport renfermait les conclusions suivantes, qui ont jeté les bases des
recommandations du groupe d´experts :
Au moment où il a rendu public le rapport du groupe d´experts, le
gouvernement britannique a publié une réponse au rapport approuvant toutes
ses recommandations39. Par la suite, le gouvernement a rédigé un projet de loi
mettant en oeuvre les recommandations, projet de loi qu´il a soumis au vote
libre du Parlement britannique. L´élargissement proposé de la recherche sur
les cellules ES a été adopté à 366 voix contre 174 le 19 décembre 200040. Le
gouvernement britannique a également promis l´adoption de nouvelles lois
interdisant explicitement le clonage reproductif d´êtres humains procédure
actuellement interdite en vertu des règlements, mais qu´il faudrait peut-être
condamner ouvertement. Par suite du rapport britannique et de la réponse du
gouvernement, le Vatican a condamné les changements proposés41. Le Vatican
condamne clairement la recherche sur les cellules ES ainsi que celle sur les
cellules EG. En effet, moralement, il ne peut admettre la recherche sur les
cellules EG puisqu´en utilisant des tissus de foetus avortés, on devient
complice de l´avortement, pratique condamnée par l´église catholique.
Le 25 août 2000, dans la Cité du Vatican, l´Académie pontificale pour
la vie a publié une Déclaration sur la production et l´usage scientifique et
thérapeutique des cellules souches embryonnaires humaines, dans laquelle
elle concluait que la recherche sur les cellules ES était inutile à certains égards
étant donné la possibilité de reprogrammer les cellules souches adultes.
Néanmoins, la déclaration précise que même si la recherche sur les cellules ES
pouvait s´avérer nécessaire, elle n´est pas éthique en soi puisqu´il est entendu
que dès la conception, « l´embryon humain vivant est un sujet humain avec
une identité humaine bien définie et qui, dès ce moment-là, commence son
propre développement de façon coordonnée, continue et graduelle, de sorte
qu´il ne pourra être considéré, à aucun stade ultérieur, comme un simple amas
de cellules ». étant donné cette hypothèse, l´Académie a invoqué les raisons
suivantes pour expliquer pourquoi la recherche sur les cellules ES était illicite
et immorale :
-
L´embryon humain, comme individu, a droit à sa vie propre. C´est
pourquoi toute intervention qui n´est pas en faveur de l´embryon
constitue un acte gravement immoral et illicite qui lèse ce droit.
Aucune fin de la recherche sur les cellules ES, même si elle est
considérée comme bonne, ne justifie une telle intervention. Une
bonne fin ne rend pas bonne une action en soi mauvaise.
-
Tout type de clonage thérapeutique, qui implique la production
d´embryons humains puis leur destruction en vue d´obtenir des
cellules souches, est illicite.
-
Il est illicite d´utiliser les cellules ES et les cellules différenciées
qui en proviennent, éventuellement fournies par d´autres
chercheurs ou que l´on peut trouver dans le commerce, puisqu´une
telle utilisation serait moralement complice de l´acte immoral
qu´est la dérivation de ces cellules42.
L´Allemagne avait tiré une conclusion similaire en ce qui concerne
la capacité de mener des recherches sur les cellules ES, mais pour
différentes raisons que celles formulées par le Vatican.
Allemagne
La loi allemande sur la protection des embryons, adoptée en 1991,
est l´une des lois portant sur la recherche sur les embryons les plus strictes
en Europe. Elle protège en apparence les embryons humains contre toute
recherche nuisible. Lors de discussions sur l´utilisation de cellules ES, le
gouvernement allemand en est arrivé à la conclusion qu´il n´était pas
nécessaire d´assouplir les lois strictes sur la protection des embryons pour
autoriser la recherche sur les cellules ES, puisque la recherche sur les
cellules EG était permise en vertu des lois régissant l´utilisation de tissus
foetaux43. Depuis, les discussions se poursuivent entre ceux en faveur
d´une libéralisation des lois relatives à la recherche sur les embryons afin
de permettre en partie la recherche sur les cellules ES et ceux contre
opposés à toute recherche sur les embryons44. Ces discussions vont bon
train depuis l´annonce des recommandations britanniques45. à ce jour,
aucune loi n´a été rédigée ou adoptée.
Groupe européen d´éthique (GEE) des sciences et des nouvelles
technologies de la Commission européenne
Le 14 novembre 2000, le GEE a publié l´avis no 15 intitulé Aspects
éthiques de la recherche sur les cellules souches humaines et leur
utilisation. Il existe actuellement des directives de l´Union européenne qui
interdisent le brevetage d´embryons humains ou les utilisations
commerciales de ces embryons. Le GEE diffusera ultérieurement un avis
sur les aspects éthiques liés au brevetage des inventions impliquant
l´utilisation de cellules souches humaines; par conséquent, l´avis no 15
n´aborde pas ces questions relativement aux cellules souches.
En ce qui concerne les cellules EG, l´avis du GEE réaffirme le
besoin de s´assurer que les décisions de mettre fin à une grossesse ne sont
pas influencées par les possibilités thérapeutiques que pourrait offrir
l´utilisation de tissus foetaux. Comme dans d´autres régions, il faut obtenir
un consentement éclairé pour utiliser les tissus foetaux dans le cadre de
recherches et la vente de ces tissus est interdite.
Le GEE admet que l´application thérapeutique la plus prometteuse
des cellules ES serait la production de lignées cellulaires spécifiques en
vue de la transplantation thérapeutique, tout en reconnaissant que le jour
est loin où ces cellules seront utilisées à des fins cliniques. Il souligne le
pluralisme de l´Union européenne en décrivant brièvement les différentes
approches en matière de recherche sur les embryons adoptées par les états
membres de l´Union. Certains états ont adopté une loi relative à la
recherche sur les embryons, contrairement à d´autres, et certains états ont
rendu des jugements déterminant l´envergure possible de la recherche sur
les embryons. Même si la recherche sur les cellules souches n´est pas
réglementée comme telle à l´échelle nationale, cette situation évolue
puisque plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique,
sont en voie de rédiger de projets de loi46.
Lorsque la recherche sur les embryons est autorisée aux fins de
recherche sur la stérilité, des restrictions sont imposées de sorte que les
embryons utilisés dans le cadre de cette recherche soient détruits (c´est-à-dire
ne puissent être implantés). Par conséquent, le GEE n´a pu trouver
d´argument en faveur d´une interdiction de l´élargissement de la recherche
autorisée sur les embryons pour inclure la recherche visant la mise au
point de nouveaux traitements pour soigner des maladies ou blessures
graves. Le GEE était d´avis que le financement de cette recherche devrait
être offert par le truchement du programme cadre de recherche de l´Union
européenne, si celle-ci est conforme aux exigences éthiques et juridiques
qui y sont définies.
Le programme de recherche de l´Union européenne devrait prévoir
des fonds spéciaux pour la recherche sur les cellules souches provenant
d´embryons surnuméraires, de tissus foetaux et de cellules souches adultes.
La création d´embryons en vue de la production de cellules souches est
cependant considérée comme inacceptable sur le plan éthique lorsqu´il
existe des embryons surnuméraires comme autre source. Par ailleurs,
même si le GEE a fait remarquer que la création d´embryons par transfert
de noyau d´une cellule somatique était peut-être le moyen le plus efficace
de dériver des cellules souches qui soient histocompatibles, il n´était pas
persuadé de la nécessité de financer cette recherche pour l´instant. Après
avoir évalué les faibles taux de réussite du transfert de noyau d´une cellule
somatique et les vagues perspectives thérapeutiques qui en résultent par
rapport aux aspects de la banalisation de l´utilisation d´embryons et des
pressions exercées sur les femmes pour qu´elles soient des donneuses
d´oocytes (l´obtention de lignées cellulaires nécessiterait un grand nombre
d´oocytes), le GEE a conclu que la création d´embryons par transfert de
noyau d´une cellule somatique aux fins de recherche sur la thérapie basée
sur les cellules souches serait prématurée puisqu´il existe d´autres sources.
Au nombre des autres recommandations d´intérêt, mentionnons les
dispositions visant à assurer la sécurité des femmes participant aux
traitements de la stérilité et la nécessité de veiller à ce que la demande
d´oocytes et d´embryons surnuméraires n´accroisse pas les pressions
cliniques exercées sur ces femmes. Le GEE souligne également le besoin
d´assurer la confidentialité, d´obtenir un consentement libre et éclairé, y
compris un consentement particulier autorisant la recherche sur les cellules
ES par les donneurs de gamètes et d´embryons, et la nécessité d´adopter
une approche de prudence pour protéger la santé des personnes participant
aux essais cliniques impliquant l´utilisation de cellules souches. Enfin, le
GEE a souligné que dans les pays où la recherche sur les cellules ES était
autorisée, il était crucial qu´un organe centralisé s´inspirant de l´Autorité
HFE britannique en assure un contrôle public strict. Les autorisations
d´effectuer des recherches sur les cellules ES, qu´elles soient menées par
le secteur privé ou public, devraient être accordées de manière ponctuelle
dans le cadre d´une sélection très stricte. La délivrance de permis
nationaux ou européens d´importation ou d´exportation de cellules
souches serait indiquée.
La description ci-avant des initiatives stratégiques internationales
ayant trait à la recherche sur les cellules ES et EG est utile car elle
reconnaît les questions liées à la recherche sur les cellules souches
primordiales qui nécessitaient un examen réglementaire distinct, au lieu
d´avoir recours aux politiques en vigueur. La question posée est la
suivante : existe-t-il au Canada une infrastructure réglementaire capable
d´aborder la recherche sur les cellules souches primordiales de façon à
pouvoir régler les questions éthiques et politiques propres à ces cellules?
Quelles politiques en vigueur au Canada s´appliqueraient à la recherche sur les cellules
souches primordiales?
En l´absence d´une réglementation détaillée des techniques de reproduction
assistée au Canada, il existe peu de sources quasijuridiques de directives réglementaires à
examiner. En 1989, le premier ministre a formé la Commission royale sur les nouvelles
techniques de reproduction (Commission royale) chargée d´examiner les répercussions
sociales, juridiques et éthiques des progrès des techniques de reproduction. Des réunions
et des consultations publiques ont eu lieu pendant deux ans et la Commission a publié son
rapport final intitulé Un virage à prendre en douceur : rapport final de la Commission
royale sur les nouvelles techniques de reproduction, en novembre 1993. Le rapport
renferme d´importantes directives en vue de faciliter l´élaboration d´une politique sur les
techniques de reproduction assistée, y compris la recherche sur les cellules souches,
même si le rapport n´a pas force de loi.
S´inspirant des recommandations de la Commission, le ministre de la Santé a
instauré un moratoire volontaire sur neuf techniques de reproduction en juillet 1995 47 .
L´inclusion du clonage d´embryons humains et la création d´hybrides animaux-humains
revêt un intérêt dans le contexte du présent document. Ce moratoire demeure en vigueur;
cependant, sa nature volontaire signifie qu´il n´a pas force de loi en soi et ne dispose
d´aucun moyen de sanctionner les contrevenants. Il est probable que les chercheurs
recevant des fonds fédéraux soient poussés à se conformer au moratoire volontaire
instauré par le ministre de la Santé pour que leurs recherches soient jugées des plus
éthiques. Si les chercheurs choisissent de ne pas respecter le moratoire volontaire, ils
risquent d´être accusés d´avoir contrevenu aux normes les plus articulées de la recherche
sur la reproduction. Par conséquent, le moratoire pourrait avoir une certaine influence
morale ou un pouvoir de persuasion dans les sphères de la recherche publique et privée.
Compte tenu de l´absence de mécanismes d´application et de sanctions, il n´est toutefois
pas surprenant qu´on ait laissé entendre que le moratoire volontaire n´était pas efficace48.
Le projet de loi fédéral C-47 comprend en partie les recommandations de la
Commission royale, y compris l´interdiction des 13 techniques de reproduction. La Loi
sur les techniques de reproduction humaine et les manipulations génétiques proposée
interdisait la création d´embryons aux fins de la recherche, contrairement à la
recommandation de la Commission royale. Elle ne cherchait pas à établir un organe
national de réglementation et de délivrance de permis comme le recommandait la
Commission royale. Le projet de loi est mort au Feuilleton en avril 1997. Aucun autre
projet de loi n´avait été déposé au moment de la rédaction du présent document.
En 1994, les trois conseils de recherche responsables du financement de la
recherche en médecine et en sciences naturelles et sociales ont commencé à travailler à
une politique conjointe sur les expériences sur des humains. Le Conseil de recherches
médicales (CRM)49, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG)
et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) ont formé un groupe de travail
qui a publié trois documents de travail en vue de discussion publique et universitaire en
1994, 1996 et 1997. Les conseils ont publié l´énoncé de politique des trois Conseils :
éthique de la recherche avec des êtres humains en septembre 199850. Cet énoncé de
politique n´oblige que les particuliers et les établissements demandant ou recevant des
fonds de l´un des conseils gouvernementaux. Lorsqu´est née la controverse concernant
l´indépendance des chercheurs de l´Hôpital pour enfants de Toronto, le CRM a indiqué
qu´il essaierait d´élargir l´énoncé de politique à toutes les recherches impliquant des êtres
humains, peu importe la source de financement51. à ce jour, il n´a pas encore procédé à
cet élargissement. Même si ce dernier n´est peut-être pas possible en vertu de la
formulation actuelle de l´énoncé politique des trois Conseils, il convient de noter qu´il
existe clairement un certain désir de voir tous les chercheurs explicitement tenus de
respecter les normes qu´ils renferment. à l´instar du moratoire volontaire, l´énoncé de
politique des trois Conseils n´est pas obligatoire et, en conséquence, n´a pas force de loi
pour les chercheurs bénéficiant de fonds du secteur privé. Il peut cependant avoir un
pouvoir de persuasion ou une influence morale en ce sens qu´il articule des normes de
pratique éthique acceptées. Néanmoins, en l´absence d´une norme de conduite
uniformément coercitive pour les chercheurs des secteurs public et privé, la situation
juridique au Canada est quelque peu similaire à celle qui prévaut aux états-Unis : les
normes qui existent ont trait à des lignes directrices sur le financement public et le secteur
privé agit sans égard aux règlements ou se conforme volontairement aux lignes directrices
sur le financement public et au moratoire.
Les articles suivants de l´énoncé de politique des trois Conseils s´appliqueraient à
la recherche sur les cellules ES :
-
Il est inacceptable de créer des embryons uniquement à des fins de recherche.
(art. 9.4)
Cet article semble limiter la capacité des chercheurs canadiens à étudier les
mécanismes de formation des cellules ES et la différenciation des cellules,
puisque la seule source d´embryons pour la recherche proviendrait des
embryons surnuméraires créés par fécondation in vitro dont il est f ait don. Il
n´interdit cependant pas la dérivation des cellules souches d´embryons.
-
La recherche avec des embryons excédentaires peut être acceptable lorsque
des embryons humains créés à des fins de reproduction ne seront par la suite
plus utilisés à cette fin pour autant que les donneurs de gamètes donnent leur
consentement libre et éclairé à l´utilisation des embryons dans le cadre de la
recherche. (art. 9.4)
-
La recherche avec des embryons humains ne sera menée quand pendant les
14 jours suivant leur création par combinaison de gamètes. (art. 9.4[d])
-
La combinaison de gamètes humains et animaux est interdite. (art. 9.3)
-
Toute la recherche menée avec des tissus, des embryons ou des foetus sera
aussi évaluée par un comité d´éthique pour la recherche. (art. 1.1[b])
Les articles suivants sont ambigus en ce qui a trait à la recherche sur les cellules
souches primordiales :
-
La recherche est acceptable uniquement si elle n´entraîne aucune modification
génétique des gamètes ou des embryons. (art. 9.4[b])
Cet article semblerait en apparence entraîner le refus du financement de la
recherche sur les cellules ES faisant appel au transfert de noyau d´une cellule
somatique susceptible de donner lieu au transfert autologue de tissus.
-
Du point de vue éthique, est inacceptable toute recherche entraînant le clonage
d´êtres humains par quelque moyen que ce soit, y compris par transfert de
noyaux de cellules somatiques. (art. 9.5)
On ne sait pas avec certitude si le libellé de cet article restreint en soi la
création d´embryons par transfert de noyau d´une cellule somatique à des fins de
recherche thérapeutique.
En outre, les articles 9.1, 9.4 et 10.2 donnent de l´information sur le processus
d´obtention du consentement éclairé en cas d´utilisation de gamètes, d´embryons et
d´autres tissus humains. L´information qui doit être communiquée aux donneurs
éventuels de tissus porte entre autres sur les objets de la recherche, tout identificateur qui
pourrait permettre d´établir un lien entre le donneur et le tissu utilisé dans la recherche,
les utilisations commerciales possibles du tissu et les répercussions sur la protection des
renseignements personnels concernant le donneur.
Recherche sur les cellules EG
Les politiques portant sur l´utilisation de tissus foetaux à des fins thérapeutiques
indiquent qu´il existe un consensus quant aux principes directeurs du règlement, à savoir
le respect de la dignité de la femme et de son intégrité, et le respect de la vie humaine.
Dans l´énoncé de politique des trois Conseils, la recherche portant sur des tissus foetaux
inclut les mêmes limites que celles imposées dans le règlement des états-Unis52, y
compris le besoin d´obtenir un consentement libre et éclairé pour utiliser le tissu, le
besoin de ne pas s´ingérer dans la décision de la femme de poursuivre sa grossesse ou d´y
mettre fin, l´interdiction du don à usage déterminé et l´approbation des comités d´éthique
pour la recherche53.
Par ailleurs, la Commission royale a préconisé la création d´un régime de
réglementation et de délivrance de permis pour s´assurer que les projets de recherche
utilisant des tissus foetaux respectent les normes éthiques et scientifiques applicables en
matière de recherche54. Enfin, la Commission a également indiqué qu´il fallait adopter des
règlements pour éviter la commercialisation des tissus foetaux. Elle stipule que la non-commercialisation
de la reproduction est l´un de ses principes directeurs. Elle
recommande que le commerce sans but lucratif des tissus foetaux soit autorisé et que l´on
élargisse l´interdiction de l´échange commercial de foetus et de tissus foetaux aux tissus
importés d´autres pays55. On ne sait pas bien si des restrictions similaires devraient
s´appliquer aux lignées de cellules ES et EG56.
Comment la politique canadienne pourrait-elle traiter la recherche sur les cellules souches
primordiales?
Trois grands choix s´offrent au gouvernement canadien en ce qui concerne
l´élaboration de politiques en matière de recherche sur les cellules souches primordiales :
1. Maintenir le statu quo
Le gouvernement canadien peut choisir de ne rien changer à la structure
réglementaire en place. Le moratoire volontaire et l´énoncé de politique des
trois Conseils demeureraient alors les principales lignes directrices réglementaires
régissant la recherche sur les cellules souches. Selon l´auteur, telle qu´élaborée à
l´heure actuelle, cette structure réglementaire ne permettrait pas de faire face à
l´émergence de la recherche sur les cellules souches. Dans ses conclusions, le
groupe d´experts du Royaume-Uni explique pourquoi la recherche sur les cellules
souches doit faire l´objet d´un règlement particulier57. Par ailleurs, il est fort
probable que des utilisations non prévues aujourd´hui des cellules souches seront
mises au point plus tard; le fait de conserver le cadre actuel pour faire face aux
progrès scientifiques de demain dans ce domaine pourrait entraver la recherche
scientifique positive sur le plan social et créer ou exacerber la division entre le
financement public et le financement privé de la recherche canadienne sur les
embryons, et ce, pour plusieurs raisons :
-
L´énoncé de politique des trois Conseils présente des ambiguïtés en ce qui
concerne la recherche sur les cellules souches primordiales58.
-
Les restrictions actuelles limitant la création d´embryons s´appliqueraient à la
recherche sur les cellules souches. Cette limite de l´expérimentation
scientifique aurait lieu sans profiter du dialogue scientifique ou public pesant
les avantages médicaux de cette recherche, en particulier l´espérance de la
transplantation autologue, et les coûts sociaux associés à la création
d´embryons à des fins de recherche. Un tel dialogue s´impose car les
préoccupations sont variées et le débat public indique que les opinions sur ces
questions évoluent.
-
Il n´existe aucune ligne directrice particulière concernant l´importation de
cellules souches d´autres pays.
-
On ne tient aucune discussion sur le brevetage des lignées de cellules souches
ou d´embryons créés dans ce contexte. Les restrictions de la
commercialisation de tissus reproductifs peuvent s´appliquer ou ne pas
s´appliquer aux produits des tissus reproductifs.
-
étant donné le potentiel financier des thérapies mises au point grâce à la
recherche sur les cellules souches et à l´afflux de fonds alloués à la
biotechnologie au Canada par des multinationales, il est probable que des
différences verront le jour ou s´intensifieront entre la recherche financée par le
secteur public et celle financée par le secteur privé si les chercheurs du secteur
privé ne sont pas explicitement assujettis aux mêmes normes que ceux
financés par le secteur public. Il faudrait éviter la situation que connaissent les
états-Unis, où les interdictions dans la sphère publique servent de réactions
politiques rapides aux problèmes moraux controversés, tandis que la recherche
privée se poursuit en l´absence de lignes directrices similaires, en particulier
lorsqu´il existe un large consensus moral.
-
Il n´existe aucun mécanisme pour suivre de près l´avancement des protocoles
portant sur les cellules souches en vue de déterminer si les avantages possibles
promis se concrétisent, si les lignes directrices sont suivies ou si différents
modèles de recherche sont justifiés.
Il existe une autre possibilité d´action en ce qui a trait au statu quo. Il
pourrait être possible d´élargir, de modifier et de réviser les normes en vigueur
établies par le moratoire volontaire et l´énoncé de politique des trois Conseils
afin de lever les ambiguïtés et de surmonter les difficultés susmentionnées.
Cependant, on ne peut être certain que ce processus de modification résoudrait
adéquatement ces conflits et offrirait la clarté requise en ce qui concerne la
recherche sur les cellules souches primordiales tout en préservant l´intégrité
des documents sous-jacents. Néanmoins, avec l´afflux de capitaux étrangers
alloués à la biotechnologie au Canada, il sera de plus en plus important
d´obliger à l´avenir les chercheurs bénéficiant de fonds du secteur privé à
respecter des normes de conduite juridiques applicables.
2. Adopter une loi spéciale concernant la surveillance de la recherche sur les
cellules souches et des directives connexes.
Même si cette option a l´avantage d´aborder des questions particulières
non traitées par le moratoire volontaire et l´énoncé de politique des trois Conseils,
elle présente d´importants inconvénients en tant que méthode d´élaboration de
politique scientifique. Une loi spéciale dans le domaine des techniques de
reproduction assistée donne lieu à des incohérences dans la politique, ne précise
pas clairement les engagements de nature éthique que doit respecter une société
qui élabore une politique scientifique et est réactive de nature plutôt que
proactive. Ce dernier trait donne lieu à une incapacité de créer une politique
souple et uniforme, qui aborde des cas similaires de la même façon et prévoit les
progrès scientifiques dans le domaine59.
3. Adopter un vaste cadre de réglementation qui régit les techniques de reproduction
assistée, y compris la recherche sur les embryons, et qui aborde les questions
scientifiques, éthiques et sociales soulevées par la recherche sur les cellules
souches primordiales.
Cette option est l´option privilégiée, même si elle requiert généralement un
processus plus long et une vision plus générale que les options précédentes. Elle
était également celle recommandée par la Commission royale. Dans le domaine de
la recherche sur les embryons, la réglementation à l´échelle nationale et locale
présente plusieurs avantages par rapport aux lignes directrices qui s´appliquent
uniquement aux institutions bénéficiant de fonds fédéraux. Le fait de confier la
surveillance des protocoles aux comités d´éthique pour la recherche locaux ne
favorise pas l´uniformité, et la plupart des comités d´éthique pour la recherche
n´ont pas non plus le temps ou le savoir-faire requis pour élaborer des lignes
directrices éthiques et scientifiques visant cette recherche. La réglementation
nationale dans un domaine faisant l´objet d´une controverse sur le plan moral
requiert que les engagements éthiques implicites dans la décision d´autoriser, de
restreindre ou d´interdire certaines recherches soient explicites et applicables de
manière uniforme60. Une telle transparence et uniformité devraient être le but de
toute loi sur les techniques de reproduction assistée, y compris de la
réglementation de la recherche sur les cellules souches primordiales. Si une
pratique est suspecte sur le plan moral ou occasionne des coûts moraux tels qu´il
faudrait l´interdire, il y a peu de raison de l´autoriser dans le secteur privé, mais
non dans le secteur public. Un système comme le système britannique, qui oblige
les chercheurs à obtenir un permis et à faire approuver la recherche, s´assure que
les engagements d´ordre éthique d´une société sont respectés de manière
uniforme.
Un cadre réglementaire offre une plus grande souplesse qu´un système
reposant sur le droit criminel et peut donner lieu à des discussions. Par exemple,
lorsque des sous-comités sont responsables de la surveillance de divers protocoles
de recherche scientifique dans un domaine donné de la recherche, ils acquerront
un savoir-faire particulier et pourront être investis d´un pouvoir discrétionnaire.
Les mécanismes permettant d´assurer le suivi des protocoles de recherche et de
veiller à ce que la création d´embryons ou l´utilisation de cellules souches soit
nécessaire peuvent relever du mandat de l´autorité responsable. Par ailleurs, on
peut créer un cadre réglementaire qui permet l´ajout de la recherche visant de
nouvelles fins ou d´un type différent au moyen de modifications au règlement, au
lieu d´avoir à adopter de nouvelles lois ou d´abroger des lois trop restrictives.
À cet égard, la Commission royale demeure la seule grande source
d´orientation politique en ce qui concerne l´élaboration d´une politique sérieuse et
détaillée en matière de techniques de reproduction assistée. Il est clair que les
recommandations de la Commission devraient être actualisées afin de tenir
compte des progrès scientifiques de la recherche sur les cellules souches
primordiales. On peut également dégager des orientations à partir de l´approche
adoptée au Royaume-Uni. Par exemple, le rapport Warnock a adopté la stratégie
de recommandation suivante :
-
élaborer des recommandations cadres générales, laissant au gouvernement
le soin de s´occuper des détails;
-
indiquer en quoi consiste la bonne pratique;
-
indiquer quelles recommandations, si elles étaient acceptées,
nécessiteraient l´adoption d´une loi;
-
faire en sorte que tout changement proposé s´applique de manière
uniforme dans tout le pays61.
En ce qui a trait à la recherche sur les embryons et à la dérivation et l´utilisation
de cellules souches, on peut obtenir des orientations sur l´évaluation des questions en
cause en examinant les points communs entre les principes directeurs et les stratégies de
recommandations adoptées par d´autres pays. Lorsqu´elles ont pris des décisions
concernant l´utilisation d´embryons dans la recherche ou les techniques de reproduction
assistée, la plupart des commissions nationales ont adopté une vision à long terme. Ainsi,
les recommandations devraient être rédigées en des termes généraux, être souples et
pouvoir s´adapter aux progrès futurs.
Même si les réponses des divers groupes et régions examinés sont variées, on peut
discerner quelques points de similitude. Il semble clair que la question de l´acceptabilité
éthique de la recherche sur les cellules EG est moins controversée que la recherche sur les
cellules ES. Il est également apparent que la question de l´acceptabilité de la recherche
sur les cellules ES est intimement liée à la question de la recherche sur les embryons. En
général, lorsque la recherche sur les embryons est autorisée à certaines fins, l´utilisation
d´embryons surnuméraires pour la recherche sur les cellules ES est jugée appropriée. On
s´entend peu sur l´acceptabilité de la création d´embryons aux fins de la recherche et peu
sont en faveur de la création d´embryons à l´aide du transfert de noyau d´une cellule
somatique pour l´instant. La plupart des pays font part d´un désir d´élaborer une politique
visant spécifiquement la recherche sur les cellules souches primordiales et de réglementer
la recherche de manière prudente et continue de sorte à évaluer les résultats de la
recherche. Les préoccupations quant au consentement éclairé, à la santé et à la sécurité
des femmes ainsi qu´à la confidentialité motivent également l´élaboration d´une politique
visant les cellules souches.
Le gouvernement canadien a la possibilité de s´appuyer sur les travaux sérieux de
la Commission royale et des trois conseils de recherche face à l´émergence de la
recherche sur les cellules souches primordiales. Si le gouvernement décidait d´élaborer
une politique dans ce domaine, il pourrait faire preuve d´une grande sagesse en analysant
la réponse de pays ayant une culture et une tradition juridique similaires. Il est à espérer
que le gouvernement canadien réagira de manière réfléchie et pondérée, tout en respectant
les principes énoncés par la Commission royale, dont le respect de la vie et de la dignité
humaines et le respect des femmes.
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