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RAPPORT DE RECHERCHE

Quand les parents se séparent : nouveaux résultats de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes

2004-FCY-6F

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I  ÉVOLUTION DU CONTEXTE FAMILIAL À LA NAISSANCE

La transformation des comportements à l'égard de la vie de couple a considérablement modifié le contexte à la naissance des enfants et, par conséquent, le parcours familial de ces enfants. Il n'y a pas si longtemps, la plupart des enfants naissaient de parents mariés n'ayant pas connu d'autres unions conjugales; les seuls autres enfants faisant partie de l'environnement familial de ces enfants étaient leurs frères et sœurs plus vieux, vivant sous le même toit qu'eux. À la fin du XXe siècle, le mariage avait cependant perdu beaucoup de son attrait et de sa stabilité, de sorte que les contextes à la naissance sont devenus beaucoup plus variés (Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999). Fonder une famille en dehors de l'union traditionnelle du mariage est beaucoup plus courant qu'auparavant. Les séparations et les divorces sont plus fréquents et surviennent plus tôt dans la trajectoire familiale, ce qui signifie que de nos jours, de plus en plus d'hommes et de femmes ont des enfants issus de plusieurs unions. Ainsi, une part croissante d'enfants naissent hors mariage et vivent dans des environnements familiaux complexes.

L'adoption d'une approche fondée sur le temps permet de déterminer si un enfant est né à tel ou tel moment de la vie de ses parents, ou si les parents ont décidé ou non de se marier avant d'avoir cet enfant. Certains enfants sont nés avant le début de la vie conjugale de leur mère ou de leur père. Il s'agit souvent d'enfants nés de jeunes parents qui n'ont jamais vécu ensemble, ni avec un autre conjoint d'ailleurs. À l'opposé, certains enfants arrivent beaucoup plus tard dans la vie de leurs parents et font partie de la deuxième ou troisième famille de leur père et/ou de leur mère. L'analyse des données du premier cycle a permis de déterminer que ces facteurs avaient une incidence sur la trajectoire familiale de l'enfant.

  • Selon les résultats d'une étude, les parents mariés sont plus susceptibles de demeurer unis que les conjoints de fait, quoique cet écart s'amenuise au Québec (Le Bourdais, Neill et Marcil‑Gratton, 2000).
  • Une autre étude a donné des résultats similaires concernant la stabilité des unions et le type de famille à la naissance (Juby, Marcil-Gratton et Le Bourdais, 2001). Les enfants nés dans une « première famille » (famille où les parents n'ont pas eu d'enfants d'une union précédente) sont moins susceptibles de vivre la séparation de leurs parents que les enfants ayant des demi‑sœurs ou des demi‑frères utérins vivant sous le même toit qu'eux ou des demi‑frères ou des demi‑sœurs de père ne vivant pas sous le même toit qu'eux. La même constatation peut être faite après ajustement pour tenir compte du fait que les deuxièmes familles sont plus souvent créées par des conjoints de fait que les premières.

Il est clair que le contexte à la naissance d'un enfant est étroitement lié au nombre de transitions familiales que vivra cet enfant et à la nature de ces transitions. Par conséquent, l'évolution du contexte à la naissance ces dernières années est la première question qui doit être examinée pour mieux comprendre la complexité et la diversité croissantes de la trajectoire familiale des enfants canadiens. Dans la présente partie du rapport, nous approfondissons les analyses menées dans le cadre d'autres études (Marcil-Gratton, 1998; Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999). Plus précisément, nous examinons l'évolution du contexte à la naissance des enfants participant à l'ELNEJ et l'expérience vécue par différentes cohortes d'enfants dans différentes régions du Canada. Les parties du rapport portant directement sur la trajectoire familiale de ces enfants sont fondées sur des données recueillies auprès d'un échantillon longitudinal d'environ 15 000 enfants qui ont participé aux deux premiers cycles de l'enquête et qui étaient âgés de 2 à 13 ans lors du deuxième cycle (1996‑1997). Les autres analyses sont fondées sur des données recueillies pour différents échantillons des trois premiers cycles de l'enquête, selon la question abordée.

Père ou mère marié, conjoint de fait ou parent seul?

Le graphique 1.1 indique la répartition de l'échantillon longitudinal d'enfants, selon que ces derniers étaient nés d'une union ou hors union, et selon le statut juridique de l'union :

  • plus des trois quarts (78 %) des enfants étaient nés de parents mariés; fait à noter, 30 % des parents mariés avaient habité ensemble avant le mariage;
  • 15 pour 100 (15 %) des enfants étaient nés de parents vivant en union libre;
  • les autres enfants (7 %) étaient nés d'une mère ne vivant pas avec leur père.

Graphique 1.1   Type d'union parentale à la naissance, enfants âgés de 2 à 13 ans en 1996‑1997, ELNEJ, cohorte longitudinale (n = 15 023)

[ Cliquer ici pour consulter le graphique 1.1 ]

Cependant, lorsque tous les enfants sont inclus dans l'échantillon, d'importantes différences sont observées entre les plus jeunes et les plus âgés et entre les différentes régions du Canada, comme il est indiqué plus loin dans le rapport.

Évolution au fil du temps

Le contexte conjugal dans lequel les familles sont créées a beaucoup changé, malgré le peu d'années qui séparent les cohortes les plus vieilles et les cohortes les plus jeunes. Le graphique 1.2 indique la répartition des enfants les plus âgés (nés en 1983‑1984) et des enfants les plus jeunes (nés en 1997-1998) selon le contexte à la naissance[4].

  • La part des enfants nés de parents mariés (que le mariage ait été précédé ou non d'une cohabitation) est de 85 % parmi les enfants les plus vieux et d'un peu plus des deux tiers (69 %) parmi les enfants les plus jeunes.
  • La part des enfants nés de parents vivant en union libre a plus que doublé, passant de 9 % pour les enfants les plus vieux à 22 % pour les plus jeunes.
  • La part des enfants nés d'une mère seule est passée de moins de 6 % à 10 %.

En d'autres termes, à la fin des années 1990, près du tiers des enfants canadiens étaient nés hors mariage, quoique la majorité d'entre eux étaient tout de même nés de parents vivant en union libre.

Graphique 1.2  Répartition des enfants selon la situation conjugale des parents à leur naissance, différentes cohortes d'enfants, ELNEJ, cycles 1 et 3, variations interrégionales dans le temps

[ Cliquer ici pour consulter le graphique 1.2 ]

Les graphiques 1.3a et 1.3b indiquent l'évolution du contexte à la naissance des enfants les plus jeunes et des enfants les plus âgés dans cinq régions canadiennes. Ce qui ressort le plus est probablement la similarité entre les régions pour les enfants nés en 1983‑1984 (graphique 1.3a). Dans toutes les régions, y compris le Québec, au moins 80 % des enfants étaient nés de parents mariés, et dans toutes les provinces sauf celles de l'Atlantique, moins du dixième des enfants étaient nés hors union. Cela dit, quelques différences interrégionales ont néanmoins été observées :

  • L'Ontario et les provinces des Prairies étaient les régions les plus « traditionnelles » : près de 90 % des enfants étaient nés de parents mariés.
  • Les naissances chez les conjoints de fait étaient beaucoup plus fréquentes au Québec (17 %) que dans les autres régions, et les naissances hors union y étaient beaucoup moins fréquentes (3 %).
  • Les plus fortes proportions de naissances hors union ont été observées dans les provinces des extrémités ouest et est du Canada, soit en Colombie‑Britannique (9 %) et dans les provinces de l'Atlantique (11 %).
  • C'est également dans ces seules provinces que les enfants nés d'une mère seule étaient plus nombreux que ceux nés de conjoints de fait.

Graphique 1.3a  Répartition des enfants selon la situation conjugale des parents à leur naissance, selon la région du Canada, enfants nés en 1983‑1984, ELNEJ, cycle 1 (n = 3227)

[ Cliquer ici pour consulter le graphique 1.3a ]

Graphique 1.3b  Répartition des enfants selon la situation conjugale des parents à leur naissance, selon la région du Canada, enfants nés en 1997-1998, ELNEJ, cycle 3 (n = 7894)

[ Cliquer ici pour consulter le graphique 1.3b ]

Moins de quinze ans plus tard, la répartition des enfants selon le contexte à la naissance avait changé dans toutes les régions, et les différences entre les régions s'étaient accentuées (graphique 1.3b). À la fin du XXe siècle, des tendances régionales commençaient à se dessiner concernant la situation conjugale des parents : les deux régions centrales, l'Ontario et le Québec, se situaient aux extrémités, du moins pour ce qui est du choix du mariage ou de la cohabitation comme contexte dans lequel fonder une famille. De fait, c'est en Ontario que la part des naissances chez les couples mariés n'ayant pas cohabité avant le mariage était la plus élevée (46 %) au Canada. La part correspondante au Québec était beaucoup moins élevée (19 %). Aujourd'hui, moins de la moitié des naissances enregistrées au Québec se produisent chez des couples mariés, et cette part est inférieure à 25 % dans les régions à prédominance francophone (Institut de la statistique du Québec, 2000).

À l'ouest de l'Ontario, la plupart des couples souhaitant fonder une famille se marient d'abord — environ les trois quarts des naissances enregistrées dans les provinces des Prairies et en Colombie‑Britannique se produisent chez des couples mariés, quoique pour plus de la moitié de ces naissances, les parents ont habité ensemble avant leur mariage. À l'est du Québec, la situation est très différente. Dans les provinces de l'Atlantique[5], les trois cinquièmes seulement des naissances se produisent chez un couple marié et près du quart des enfants naissent de parents vivant en union libre. Ce n'est qu'au Québec que cette tendance est encore plus marquée. Ainsi, bien que la hausse des naissances chez les couples vivant en union libre soit largement attribuable aux naissances enregistrées au Québec, cette nette tendance à la hausse a été observée dans toutes les régions : la part de ces naissances a doublé en Ontario et dans les provinces des Prairies et presque triplé dans l'Est du Canada.

La part des naissances chez les mères seules est la plus élevée dans les provinces de l'Atlantique : un enfant sur six (16 %) y naît hors union. Cette situation est unique seulement pour ce qui est de son envergure; partout au Canada (sauf en Colombie‑Britannique), la part des naissances hors union s'est accrue considérablement au cours de la période séparant la naissance des enfants les plus vieux et celle des enfants les plus jeunes. Après avoir été assez stable pendant des années, la part de naissances hors union s'est accrue. Cette hausse doit être interprétée avec prudence. En effet, elle ne signifie pas nécessairement que de plus en plus de femmes choisissent d'avoir et d'élever un enfant seules. Il est probable qu'elle est plutôt le résultat des deux changements démographiques suivants :

  • Chute de la fécondité des couples. La fécondité des couples est en baisse et le nombre de naissances hors union est stable, ce qui entraîne une hausse de la proportion des naissances hors union.
  • Évolution de la structure par âge des femmes en âge de procréer. Les mères seules sont généralement jeunes (adolescentes ou dans la jeune vingtaine), tandis que les femmes mariées ont leurs enfants à un âge plus avancé. La diminution du nombre de femmes appartenant au groupe d'âge pour lequel la fécondité des mariages est la plus élevée par rapport au nombre de femmes appartenant au groupe d'âge pour lequel la fécondité hors mariage est la plus élevée entraîne automatiquement une hausse de la part des naissances hors union.

Au cours des années 1970 et 1980, la chute prononcée du taux de fécondité, qui aurait pu entraîner une hausse des naissances hors union, a été contrebalancée par l'arrivée des baby‑boomers dans les principaux groupes d'âge associés à la procréation. Au cours des années 1990, toutefois, les baby‑boomers étaient de moins en moins nombreux à appartenir aux principaux groupes d'âge associés à la procréation, ce qui a modifié la structure par âge des femmes en âge de procréer. Le ratio du nombre de femmes âgées de 15 à 24 ans (pour lesquelles la part des naissances hors union est la plus élevée) au nombre de femmes âgées de 20 à 34 ans (pour lesquelles la part des naissances issues d'une union est la plus élevée) est passé de 55 % à 59 % entre 1991 et 1996, puis à 66 % en 2001.

Première ou deuxième famille?

La dissolution d'une famille intacte attribuable à la séparation des parents est de plus en plus fréquente et survient de plus en plus tôt, ce qui signifie que de plus en plus de pères et de mères fondent une deuxième famille avec un nouveau conjoint. Par conséquent, une part croissante d'enfants naissent dans un environnement familial où sont présents des enfants plus vieux nés d'une union antérieure (du père ou de la mère). Étant donné que la garde est accordée à la mère dans la majorité des cas, les enfants restent généralement avec leur mère après que cel