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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Les données génétiques, leur protection et leur utilisation — Opinion du public et de spécialistes sur les biobanques

Préparé pour Le Comité consultatif canadien de la biotechnologie

Par : Edna Einsiedel, PhD

Mars 2003

Table des matières

  1. Introduction
    1. Documents consultés dans le cadre de la présente étude

  2. Opinions du public
    1. Sensibilisation et compréhension du public en matière de génétique
    2. Sources de préoccupation des publics
    3. Recrutement et participation
    4. Rôle des médias dans le domaine public
    5. Résumé des points de vue du public

  3. Opinions des spécialistes
    1. Consentement éclairé
    2. Protection de la vie privée et des renseignements personnels
    3. Rétroaction
    4. Autres questions sociales et philosophiques
    5. Préoccupations des professionnels de la santé
    6. Commercialisation
    7. Autres utilisations des bases de donnés à des fins étrangères à la recherche
    8. Gouvernance
    9. Résumé des préoccupations des spécialistes

  4. Conclusions et recommandations
    1. Consultations publiques sur les biobanques

  5. Bibliographie



Introduction

Si la génomique est la science du XXIe siècle, c'est l'information génétique qui en est l'idée déterminante. Comme bien des idées déterminantes, l'information génétique prend toute sa valeur lorsqu'elle est transformée en connaissance, une connaissance qui mène à la compréhension de cette information. Les questions critiques qui se posent pour la société ont trait à l'origine, à l'interprétation et à l'utilisation de l'information génétique.

L'achèvement du projet du génome humain, en 2001, n'était pas une fin en elle-même, mais plutôt le point de départ de programmes de recherche conçus dans le but de comprendre plus exactement la signification des renseignements codés dans le génome et la façon dont cette connaissance pourrait servir à rehausser la santé humaine. La cartographie du génome et le perfectionnement des technologies moléculaires ouvrent la voie à de nouveaux moyens de détecter et percer les secrets de la maladie et de la santé.

Des recherches antérieures en génétique sont parties de maladies, remontant en arrière en retraçant les configurations héréditaires de ces maladies et essayant ensuite de déterminer les changements génétiques susceptibles d'en être la cause. Il y a maintenant quelque temps que les généticiens cliniques étudient les traits familiaux et les maladies, soit des cancers ou des troubles plus courants, qui pourraient peut-être s'expliquer par la présence de tel ou tel gène ou par des configurations génétiques familiales. D'autre part, la nouvelle génétique est d'ores et déjà vantée comme étant la clé de diagnostics plus précis, d'une meilleure compréhension des influences des gènes sur les maladies, et de possibilités prometteuses en matière de traitement. Au fur et à mesure de l'accumulation des connaissances au sujet des variations génétiques et des liens entre les gènes et les maladies, les scientifiques se rendent compte de plus en plus vivement de la complexité des interactions gènes-environnement. La compréhension et la caractérisation des influences des gènes et de l'environnement suscitent un intérêt grandissant depuis la prise de conscience du fait que la collecte de prélèvements génétiques sur des personnes offre un outil puissant à cette recherche. Cette découverte se produit à un moment où la science dispose de technologies permettant de stocker et d'étudier des quantités énormes de données. De là est née la notion de biobanques.

Le présent document cherche à répondre aux questions suivantes : Quelle est l'opinion des populations et des spécialistes au sujet des biobanques? Que pense le grand public de la recherche en génétique? Et, plus précisément, quelle est l'opinion des citoyens ordinaires relativement à la confidentialité des renseignements génétiques, aux questions de droits de la personne, à l'exploitation des données secondaires et à la commercialisation des renseignements génétiques? Quelle est la position du public devant l'éventualité de donner des prélèvements à une base de données d'ADN et dans quelles conditions les gens accepteraient-ils de donner des renseignements et des échantillons à une biobanque?

Le « public » dont il est question ici comprend des catégories diverses dont la population en général, les patients et groupes de patients et les organismes de défense des droits. Même au sein de ce que l'on appelle le « grand public », il se trouve des voix innombrables et une foule d'intérêts différents. Le présent rapport porte avant tout sur le grand public et les organismes de défense des droits, sans oublier que ce grand public est sans cohésion et englobe de nombreux sous-groupes différents.

Les opinions des spé cialistes sont aussi fort intéressantes sur plusieurs plans dont les suivants : le consentement éclairé, la confidentialité des renseignements génétiques, les droits de la personne, l'utilisation des données secondaires, la commercialisation et les autre enjeux de nature sociale, morale et éthique. Les « spécialistes » dont il est question dans le présent document comprennent des généticiens, des chercheurs en génétique, des conseillers en génétique, des coordonnateurs de la recherche, des membres de conseils d'éthique ou de comités d'examen d'établissements, des médecins, des éthiciens, des juristes et des épidémiologistes.

Selon la définition qu'en donne le CCCB (2002), les biobanques sont « des collections regroupant des spécimens physiques dont il est possible de tirer de l'ADN ainsi que les données découlant de ces prélèvements d'ADN ». Ces échantillons physiologiques, descripteurs du génotype de l'individu, sont habituellement mis en corrélation avec d'autres renseignements se rapportant à la même personne et ayant trait à la maladie (données de dossier médical), au mode de vie (p. ex. données tirées de questionnaires) et, dans certains cas, aux traits héréditaires (p. ex. données généalogiques. Bien que l'appellation « biobanque » soit relativement nouvelle, il existe depuis longtemps des banques de prélèvements de sang et de tissus. Mentionnons notamment 1) les collections de prélèvements conservées par les chercheurs universitaires qui étudient les troubles génétiques; 2) les dépôts commerciaux où sont entreposés des prélèvements d'ADN mis à la disposition des chercheurs ou de personnes qui, pour une raison ou une autre, voudraient stocker leur propre ADN; 3) les banques d'ADN conservé comme preuve médico-légale génétique; 4) les banques militaires d'ADN, qui servent avant tout à l'identification de restes humains; 5) les échantillons recueillis en vue d'un diagnostic clinique et qui sont ensuite conservés, par exemple, dans des banques de tissus cancéreux; et 6) les cartes de dépistage de maladies chez les nouveaux-nés (Lysaught et al., 1998). Ce que la biobanque apporte de nouveau aux collections existantes de liquides ou de tissus, c'est l'analyse de l'ADN de ces prélèvements pour étudier les racines génétiques des maladies, les interactions gènes-environnement, les comportements héréditaires des maladies et les variations génétiques des maladies entre les divers groupes de population. Les travaux de cartographie du génome humain ainsi que les progrès de la technologie, par exemple, la méthode de réaction en chaîne de la polymérase (PCR) et d'autres applications qui sont maintenant chose courante en biologie moléculaire, ont donné à certains pays l'élan voulu pour lancer des projets régionaux ou nationaux de collecte de prélèvements destinés à l'analyse. Comme nous le verrons plus bas, c'est ce qui s'est produit en Islande, à Tonga, en Estonie et au Royaume-Uni. Plus récemment, d'autres pays qui recueillaient déjà depuis longtemps des prélèvements de liquides et de tissus, notamment la Suède et les États- Unis, ont commencé à les soumettre à l'analyse génétique.

Voici quelques exemples de projets de biobanque en cours ou sur le point d'être entamés. Il s'agit pour la plupart d'initiatives visant la collecte, le stockage et l'analyse de données génétiques concernant des populations.

  • En décembre 1998, le parlement de l'Islande promulguait la Loi sur la base de données du secteur de la santé, laquelle accordait à une société à but lucratif, la compagnie deCODE Genetics, une licence exclusive en vue de la création d'une base de données tirées des dossiers médicaux de tous les citoyens du pays et d'une autre composée de prélèvements d'ADN. Une troisième base de données, contenant des renseignements généalogiques, existait déjà et elle permet de relier ses propres données à celles des deux autres bases. Le gouvernement de l'Islande peut se servir de la base de données des dossiers médicaux à des fins de planification et d'élaboration de politiques, mais la compagnie deCODE Genetics, à titre de porteur de licence exclusive, détient pendant 12 ans le contrôle de l'accès à la base de données à des fins commerciales. Toutes les données des dossiers médicaux sont saisies dans la banque à moins que la personne concernée ne refuse de participer et en informe officiellement son médecin. Au départ, cette initiative semblait jouir d'un appui solide de la population, mais la création de la biobanque a soulevé un débat houleux à l'échelle nationale et internationale, servant ainsi de « laboratoire d'éthique qui aide à cerner les enjeux principaux dont s'entoure la recherche en génétique concernant une population » (Annas, 2001; Winickoff, 2000).

  • Biobank UK, la biobanque du Royaume-Uni, a vu le jour en avril 2002 avec le soutien financier de la fiducie Wellcome, une fondation médicale, du Medical Research Council et du ministère de la Santé. L'objectif visé est d'étudier 500 000 volontaires de 45 à 69 ans et d'effectuer un suivi de leur santé pendant 10 à 15 ans afin de comprendre comment les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux se conjuguent pour influencer la prédisposition à la maladie. La surveillance éthique sera assurée par un comité indépendant. Le consentement éclairé des volontaires s'accompagne d'une acceptation facultative formellement exprimée au point initial de participation. Lié par les règles de confidentialité de la common law, le secrétaire d'État à la Santé a le pouvoir d'autoriser le traitement des données médicales, sans le consentement des sujets, dans le cas d'activités des services essentiels de santé qui sont estimées d'intérêt public et pour lesquelles il ne serait pas pratique d'obtenir un consentement ou de dépersonnaliser les données (voir les détails; Wellcome Trust, 2002).

  • Il y a maintenant 30 ans que les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis effectuent des enquêtes nationales sur la santé et la nutrition, appelées National Health and Nutrition Examination Surveys (NHANES). Ces enquêtes ont également donné lieu à la création d'un laboratoire où sont conservés les échantillons de sang, de sérum et d'urine prélevés dans un groupe représentatif de la population et dont l'ADN est aujourd'hui analysé pour déterminer la prévalence de maladies génétiques et étudier les interactions gènes-environnement. Ce programme de recherche génétique est coordonné et surveillé en collaboration avec le Centre national de recherches sur le génome humain, aux National Institute of Health.

  • L'Estonie a approuvé un projet proposé par la Fondation du Centre du génome, un organisme d'État à but non lucratif, en vue de rassembler les profils d'ADN de 75 p. 100 des 1,4 million de citoyens du pays (Frank, 2000). Contrairement à l'Islande, où les données sont tenues dans l'anonymat et où même les donateurs n'ont pas accès à leurs propres renseignements, les prélèvements d'ADN estoniens pourront être identifiés au moyen d'un code, mais ils resteront la propriété de la fondation d'État. Les volontaires doivent aussi donner leur consentement éclairé à l'utilisation de leurs échantillons et, s'ils changent d'avis et veulent se retirer de la biobanque, leurs échantillons seront détruits (Frank, 1999; Frank, 2000).

  • Depuis le 1er janvier 2003, une nouvelle loi est en vigueur en Suède concernant l'utilisation des biobanques de données humaines. La Loi sur les biobanques dans le secteur des soins de santé exige qu'un consentement éclairé exprès soit donné par chaque participant au point initial de collecte. Ce consentement sera probablement obtenu si les échantillons doivent servir à des fins nouvelles, mais s'ils sont mis au service de la recherche, un comité d'éthique de la recherche pourra accorder des exemptions. Le donateur pourra retirer son cons entement, auquel cas ses échantillons seront détruits ou dépersonnalisés afin que l'on ne puisse plus en retracer l'origine. Le gouvernement de la Suède a créé des Fondations pour le transfert de technologie, qui financeront des travaux exécutés en collaboration par des entreprises et des universités. La Fondation d'Umeå, qui gère actuellement la région englobant les provinces de Västerbotten, Västernorrland et Jämtland, a appuyé financièrement la création de la société UmanGenomics, fruit d'une collaboration entre l'université d'Umea et les autorités régionales de la santé. La nouvelle compagnie détient les droits exclusifs d'utilisation commerciale des prélèvements de sang stockés à la banque médicale d'Umea. Les prélèvements restant sous le contrôle des pouvoirs publics, les chercheurs universitaires y ont accès. La banque recueille du sang dans toute la population de la province de Vasterbotten, une région isolée, depuis 1985. Elle possède actuellement plus de 100 000 échantillons provenant de 60 000 personnes qui ont donné aussi des renseignements au sujet de leur état de santé et de leurs habitudes de vie (Nilsson et Rose, 1999).

  • Les dirigeants de l'île et pays de Tonga ont signé une entente avec une entreprise australienne de biotechnologie, Autogen, en vue de la création d'une base de données de santé qui doit servir à déterminer les gènes qui sont à l'origine de maladies courantes. Le Royaume des Tonga est peuplé d'environ 108 000 habitants d'ascendance polynésienne. En vertu des dispositions de l'entente, Autogen versera chaque année des fonds de recherche au ministère de la Santé et paiera des redevances nettes sur les revenus que la compagnie tire de la commercialisation de ses découvertes. Autogen, qui s'intéresse depuis longtemps au diabète et à l'obésité, à la maladie cardiovasculaire, à l'hypertension et aux ulcères, a conclu une alliance stratégique avec la multinationale pharmaceutique Merck (Fitzgerald, 2001).

  • Le Programme de génomique de Singapour, créé en juin 2000, a pour mandat initial d'étudier principalement les gènes nouveaux et leurs cibles moléculaires et s'intéresse surtout à des maladies comme le cancer du foie, qui est relativement très répandu à Singapour et partout en Asie. Le Programme vise à mettre sur pied une vaste banque de données de santé sur la population en général, en raison du mélange d'ethnies que l'on retrouve à Singapour, y inclus un grand nombre d'Indiens et de Malaisiens en plus de la majorité d'origine chinoise. Singapour semble ainsi offrir des avantages que n'ont pas les pays à population plutôt homogène comme l'Islande et l'Estonie et donner aux chercheurs la possibilité de suivre les réactions de différents groupes ethniques à tel ou tel médicament (Cyranoski, 2000).

  • Newfound Genomics, une compagnie de Terre-Neuve-et-Labrador, a récemment lancé dans toute la province, de concert avec des chercheurs de l'université Memorial, trois études portant sur le poids corporel, le diabète et la maladie intestinale inflammatoire. La population de Terre-Neuve-et-Labrador est considérée assez unique en son genre parce qu'elle descend en très grande partie d'un groupe « fondateur » de 20 000 à 30 000 immigrants de souche anglaise, écossaise et irlandaise, et qu'elle manifeste une incidence supérieure de certaines maladies dont le diabète. Apparemment, le fait que cette population soit centrée sur la famille et que les ménages comptent un nombre relativement grand de rejetons fait de la province un milieu propice à la recherche sur les unités familiales multigénérationnelles et élargies (www.newfound-genomics.com.).

Documents consultés dans le cadre de la présente étude

La question des banques de gènes ou biobanques est relativement récente. En conséquence, la plus grande partie des écrits la concernant date de 10 ans au maximum. Les réalisations et les controverses liées à ces bases de données sur des populations ont fait l'objet d'articles dans les hebdomadaires scientifiques les plus renommés, Science et Nature, ce qui a permis de rassembler un supplément de renseignements de base utiles aux fins du présent rapport. En outre, une bonne part de ces documents sont le fruit de commandes et l'auteure des présentes a pu les consulter sur Internet.

Un bon nombre de ces documents, articles et rapports découlent de deux grands projets principaux : la Base de données du secteur de la santé de l'Islande et la biobanque du Royaume-Uni. L'étude et l'adoption de la Loi sur les biobanques en Islande ont suivi un débat public assez court, mais extrêmement épineux, qui s'est ensuite poursuivi pendant deux ans à l'échelle mondiale. Le cas de l'Islande est devenu le point de mire de la planète entière et a donné lieu à des discussions acharnées au sujet des renseignements génétiques et des banques de gènes. Inévitablement, ce phénomène a suscité aussi tout un flot d'études sociales, scientifiques, juridiques et philosophiques. Comme le fait observer la sociologue Hillary Rose :

(traduction) …C'est le fait même de la loi islandaise régissant la Base de données du secteur de la santé, et la transparence des processus de cette loi, qui ont exposé à un vigoureux débat public non seulement national, mais international, l'immense innovation de la génomique dans ce pays. Le conflit a servi à inscrire à l'ordre du jour culturel et politique mondial les que stions d'éthique liées à la réification de la bio-informatique et de la nature représentée par les tissus humains (Rose, 2001, p. 31).

Peut-être un peu à cause des faits survenus en Islande, les promoteurs du projet de biobanque du Royaume-Uni, Biobank UK, ont planifié leur action en tenant compte des préoccupations des intéressés et, pour cette raison, ont fait exécuter un certain nombre d'études préparatoires.

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Opinions du public

Sensibilisation et compréhension du public en matière de génétique

Les écrits sur la question sont le lieu d'un débat permanent au sujet de la possibilité que les publics soient une construction de l'esprit des élaborateurs de politiques et des chercheurs. Les chercheurs voulant mesurer le degré « d'alphabétisme scientifique » du public se voient accusés de partir d'un modèle de « déficience publique » et donc du principe selon lequel l'ignorance du public relativement aux questions scientifiques est un défaut qu'il faut corriger (Irwin et Wynne, 1996). Une autre démarche consiste plutôt à voir les gens ordinaires comme d'habiles négociateurs qui déduisent le sens de l'information et de l'univers social et qui apportent ainsi aux processus décisionnels une variété nouvelle de « compétences spécialisées » fondées sur l'expérience, les valeurs sociales et une solide connaissance pratique de la vie.

L'auteure a déjà avancé, dans d'autres écrits, que ces images ne s'excluaient pas nécessairement l'une l'autre (Einsiedel, 1998). En effet, il y a des cas où le public (y compris les scientifiques) ne sait rien ou à peu près rien d'un sujet et où cette prétendue ignorance découle peut-être de simples contraintes de temps, d'un manque de ressources ou d'intérêt ou même du choix de ne pas savoir ou de ne pas aborder tel ou tel type d'information; c'est ce que Durant, Hansen et Bauer (1996) appellent une « non-participation voulue ». Il y a aussi des cas où l'ignorance du public peut aller à l'encontre d'un intérêt collectif important. On en trouve un bon exemple dans ce qui se produit au sujet du sida, une situation dans laquelle le manque de connaissances au sujet des causes de la maladie peut mener à des problèmes sociaux plus généraux de discrimination ou à des comportements personnels à risque élevé. En fin de compte, la capacité des différents publics à comprendre les questions scientifiques a été dédaignée, car envisagée à travers l'étroite lorgnette technocratique. Il en a été de même pour les publics à compréhension limitée en cette matière. Par conséquent, en parlant des publics et de leur compréhension de la génétique, il faut toujours se rappeler la nécessité d'examiner comment, par qui et dans quels contextes les connaissance sont interprétées et utilisées.

Une enquête nationale menée au Royaume-Uni sur les attitudes du public à l'endroit des renseignements génétiques sur des humains montre que les sondés ont une très bonne compréhension de la génétique humaine et des données s'y rapportant. Ils sont aussi bien informés de toute une gamme de caractéristiques et de maladies humaines qui s'expliquent par un équilibre plus ou moins stable entre la nature et le milieu culturel, et ils manifestent un appui remarquable à l'utilisation des données génétiques pour améliorer le diagnostic de ces maladies, le dépistage d'une prédisposition possible et la création de médicaments à action sélective (Human Genetics Commission, 2000).

Une étude plus ciblée et plus approfondie des attitudes du public à l'endroit des prélèvements biologiques humains, commandée par la fiducie Wellcome et le Medical Research Council du Royaume-Uni, a fait appel à des groupes de réflexion composés de citoyens ordinaires et à des entrevues poussées auprès de malades et de leurs familles, de dirigeants religieux et communautaires et de membres de groupes d'intérêts spéciaux. Là encore, on se rend compte que la recherche médicale jouit d'une image généralement positive. L'appui manifesté à la recherche génétique est moindre, mais bien présent, surtout chez les personnes relativement mieux informées (Porter et al., 2000). Le grand public se révèle peu au fait de l'utilisation des prélèvements humains, mais il semble accepter en gros cette utilisation, à condition qu'elle soit précédée obligatoirement du consentement éclairé des donateurs ou de leurs mandataires. Les participants à l'enquête soulignent également l'importance de réglementer la collecte, le stockage, l'utilisation et la destruction des échantillons, et ils préconisent que ces opérations soient surveillées par un organisme indépendant (Porter, et al. 2000).

Selon certains auteurs, les connaissances populaires en matière de génétique seraient très limitées surtout pour ce qui est des caractères héréditaires (Richards, 1996). À titre d'exemple, lors d'entrevues auprès d'un échantillon aléatoire d'adultes de la région sud du pays de Galles, qui n'étaient pas porteurs de troubles génétiques héréditaires, les sondés ont dit croire que ces maladies sautaient habituellement une génération (Davison, Frankel et Smith, 1989; Richards, 1997); que les personnes atteintes se ressemblaient physiquement; ou que les gènes se transmettaient uniquement par les femmes (Richards, 1997). Il faut admettre qu'en même temps, ces croyances montrent une compréhension assez poussée de la complexité des contextes sociaux et culturels de la qualité de la vie. Des groupes de réflexion tenus au Royaume-Uni ont montré que le discours des non-initiés était influencé par les forces techniques, méthodologiques, institutionnelles et culturelles dans lesquelles s'inscrit la génétique d'aujourd'hui (Cunningham-Burley, Amos et Kerr, 1998). L'état de santé et le statut social influent aussi sur ce que les gens savent ou sur l'information qu'ils cherchent et jugent pertinente (Kerr, Cunningham-Burley et Amos, 1998). Des patients se disant ignorants de la science médicale montraient une compréhension relativement détaillée de leur état, ce que l'on pourrait appeler une forme de « connaissance situationnelle », c'est-à-dire que les contextes social et personnel de l'individu l'aident à se situer dans certaines conjonctures de connaissances et à naviguer entre ses connaissances personnelles et les connaissances qui lui viennent de l'autorité et des institutions (Lambert et Rose, 1996).

À une échelle plus vaste, les enquêtes Eurobaromètres effectuées en Europe en 1996 portaient sur l'hérédité en fonction d'une série de caractéristiques dont les aptitudes musicales, les tendances criminelles, l'intelligence, les talents d'athlète, les maladies mentales, et ainsi de suite. Les résultats montrent que les personnes interrogées ont tendance à regrouper certaines de ces caractéristiques, c'est-à-dire que les personnes interrogées qui lient les aptitudes musicales à l'hérédité ont tendance à en faire autant pour l'intelligence, les maladies mentales et la taille corporelle. Le cinquième environ des Européens sondés attribuent ces quatre traits à l'hérédité. D'autres sondés, mais en nombre moins important que ceux du premier groupe, mettent ensemble, sous le qualificatif d'héréditaire ou génétique, les tendances criminelles, les attitudes devant le travail, l'aptitude au bonheur et l'homosexualité (Gaskell et al., 1996). Les mêmes enquêtes ont permis de relever d'importantes variations d'un pays à l'autre. Environ le quart des Italiens et des Autrichiens, mais moins du dixième des Danois et des Suédois, croient que la criminalité est surtout héréditaire. Les interprétations de telles constatations sont évidemment limitées par la capacité du chercheur à explorer les nuances entre ces attitudes et le fait que les réponses possibles, dans ce cas, se restreignent à un choix obligatoire entre « surtout l'hérédité » et « surtout le milieu ». Lorsque le choix est plus varié et gradué, comme c'est le cas dans l'étude exhaustive réalisée au Royaume-Uni par la Human Genetic Commission, il est plus probable que les réponses reflètent la mesure dans laquelle les sondés comprennent la notion de variations entre les facteurs de milieu et les facteurs génétiques, selon le type de caractéristique dont il est question (Human Genetic Commission, 2000).

Lorsque l'enquête cherche à mesurer la connaissance des « faits scientifiques », on trouve de grandes variations selon le thème présenté. Lors des enquêtes de 1996 et 1999, par exemple, environ 50 p. 100 des Européens adultes savaient que plus de la moitié des gènes humains sont identiques à ceux des chimpanzés, mais plus de 75 p. 100 ignoraient que des gènes d'animaux peuvent être transférés à des végétaux. Par contre, plus de 80 p. 100 savaient que le syndrome de Down pouvait être dépisté pendant les premiers mois de la grossesse (Gaskell et al., 2001), ce qui est peut-être signe d'une connaissance supérieure de l'information sur la santé et sur la médecine en général.

Cette connaissance en contexte est ressortie de groupes de réflexion tenus aux États-Unis sur les questions de race et de génétique. Pendant les discussions, les participants afro-américains et blancs ont manifesté une compréhension des idées ci-dessus comme différenciant entre les individus en fonction de leurs gènes, semblables ou différents, et ils ont montré qu'ils étaient au fait de la possibilité de diverses variations d'un même gène (Condit, 2003). Les participants connaissaient aussi la notion de degré d'expression génique et les différents niveaux de dominance parmi les gènes, même s'ils exprimaient ces notions en termes simples et de gros bon sens plutôt qu'en termes scientifiques. Lorsque le dialogue portait sur les liens entre la race et la génétique, les observateurs ont constaté que les publics ne disposaient pas de toutes les ressources qui leur auraient permis de comprendre pleinement le sujet, mais qu'il se dessinait un consensus général quant à la possibilité qu'une différence génétique petite mais essentielle existe entre les races et qu'elle s'exprime principalement par des caractéristiques visibles (Condit, 2003).

En résumé, la sensibilisation du public à la génétique se manifeste par une compréhension globale de certaines notions de cette discipline. Selon leur situation ou leurs besoins, les participants de certains sous-groupes saisissent très bien les enjeux alors que d'autres ne montrent qu'un savoir limité. Ces constatations permettent de croire que l'assimilation de l'information dépend de nombreux facteurs dont l'un des plus importants est probablement la pertinence de cette information.

Sources de préoccupation des publics

Plusieurs groupes de citoyens ordinaires considèrent que les renseignements génétiques sont des données tout à fait singulières et qu'ils méritent, par conséquent, d'être traités et protégés avec un soin extrême (Human Genetic Commission, 2002). À ce propos, même avant d'aborder les sources de préoccupation liées à la façon dont les banques d'ADN devraient être créées, il faut souligner que certains groupes s'interrogent encore sur le bien-fondé des biobanques, et tenir compte de ce point de vue. Au Royaume-Uni, par exemple, l'Institute for Science in Society s'inquiète du peu de renseignements diffusés sur la question des biobanques, met en doute la valeur de cette concentration sur les facteurs génétiques et en vient à la conclusion suivante : (traduction) « Il est difficile de voir quelles découvertes importantes émanant du projet de biobanque pourraient justifier les énormes dépenses à engager » (Institute for Science in Society, 2002, p. 2). Les opinions de ce type et l'expérience de l'Islande, où le court laps de temps accordé à la réflexion et au débat parmi la population ont fait l'objet de critiques sévères, soulignent la nécessité de réfléchir longuement aux prémisses d'un projet aussi immense avant de le lancer.

Le présent document élaborera ensuite sur les craintes exprimées par différents publics, dans un certain nombre d'études, au sujet du mode de conception et de mise à exécution des projets de biobanque. Il convient de faire remarquer que cette ventilation des enjeux est utile à l'analyse. Dans la pratique, un bon nombre de ces enjeux se combinent entre eux ou ne sont pas faciles à démêler les uns des autres.

Consentement éclairé. Voilà une question perçue comme capitale par tous les groupes interrogés, qu'il s'agisse du grand public (Porter et al., 2000; Uraneck, 2001; Human Genetic Commission, 2001), de groupes de patients (Porter et al., 2000), de chefs religieux (Porter et al., 2000) ou de groupes d'intérêts spéciaux (People, Science and Policy, 2002). En ce qui a trait aux biobanques, le consentement éclairé entre en jeu à deux moments critiques : d'abord au moment du don et ensuite à celui de permettre des utilisations ultérieures ou futures des prélèvements. Le consentement éclairé est jugé essentiel aussi dans le cas des dossiers médicaux, lesquels sont régis par la confidentialité et les règles de protection de la vie privée. Ces dossiers pourraient se retrouver dans une base de données et leurs renseignements risquent d'être utilisés à des fins autres que celles auxquelles le donateur a consenti au départ.

Aux États-Unis, plus de 80 p. 100 des personnes interrogées jugent inadmissible que l'on utilise des dossiers de patients en recherche médicale sans avoir d'abord obtenu la permission des personnes en cause (Institute for Health Care Research and Policy, 1999). Les niveaux d'acceptation s'accroissent si l'information ainsi utilisée est complètement dépersonnalisée, mais le tiers des sondés continue d'estimer « tout à fait inacceptable » que des chercheurs puissent utiliser ces renseignements sans le consentement du patient (Institute for Health Care Research and Policy, 1999). En conséquence de préoccupations croissantes dans ce domaine parmi ses publics d'administrés, le Congrès des États-Unis, en 2001, a ajouté une règle de protection des renseignements personnels à la loi de 1996 sur la transférabilité et la responsabilisation en matière d'assurance-maladie. En vertu de cette règle, les chercheurs faisant appel aux banques américaines de prélèvements de tissus sont tenus d'obtenir le consentement de tout patient dont ils utilisent des données personnelles telles que les renseignements médicaux (Uraneck, 2001). L'ajout de cette règle répondait aux préoccupations grandissantes du public concernant la protection de la vie privée.

Au Royaume-Uni, la vaste majorité des personnes interrogées (environ 90 p. 100) sont d'avis que les chercheurs devraient toujours obtenir la permission du donateur ou du patient avant d'utiliser du sang ou des tissus dans des tests génétiques et qu'ils devraient être tenus de redemander ce consentement avant toute nouvelle utilisation (Human Genetic Commission, 2001).

Au Canada, la plupart des gens estiment que les données génétiques sont différentes des autres renseignements personnels. De fait, 90 p. 100 des personnes interrogées se disent d'accord ou fortement d'accord avec l'affirmation de singularité des renseignements génétiques. La grande majorité des Canadiens veulent que l'accès à ces données soit régi par des règles plus strictes (Pollara and Earnscliffe, 2001). Par ailleurs, plus des trois quarts d'entre eux se disent prêts, et 42 p. 100, tout à fait prêts, à accepter que les données de santé soient mises à la disposition des gouvernements et des chercheurs, sous réserve d'un consentement préalable (Association médicale canadienne, 2000). Moins de la moitié des sondés accepteraient que ces renseignements soient utilisés sans leur consentement préalable, pourvu que les dossiers soient d'abord purgés de toute information permettant d'identifier la personne concernée.

La question des moyens à prendre pour obtenir le consentement éclairé en vue d'utilisations futures des données de santé est considérée comme un problème en puissance, surtout lorsque les utilisations futures font intervenir des techniques nouvelles encore à mettre au point, mais les personnes interrogées s'entendent généralement sur l'importance d'informer les donateurs de la possibilité que leurs prélèvements servent éventuellement à d'autres recherches.

Au Royaume-Uni, une association de défense du bien public appelée GeneWatch a dégagé cinq questions qui, selon elle, doivent absolument être intégrées au processus d'obtention d'un consentement éclairé :

  • À quelles recherches mon prélèvement servira-t-il?
  • Quels sont les avantages et les dangers de cette recherche?
  • Pourrait-il arriver que mon prélèvement serve à des recherches que je n'approuve pas?
  • Est-ce que l'un ou plusieurs de mes gènes seront brevetés? En serai-je informé?
  • Et-ce que je peux changer d'avis?

(People Science et Policy Ltd., 2002, p. 9)

Rétroaction. Parmi les groupes consultés au sujet d'une participation éventuelle, certaines personnes ont demandé si elles recevraient des retours d'information sur leurs dossiers personnels. Chez les participants aux groupes de réflexion et aux entrevues, plusieurs trouvaient important que les donateurs aient le droit d'être informés de tout ce qui ressort de leurs propres prélèvements (Porter et al., 2000). D'autres consultations ont donné lieu à des réactions variées à cet égard, c'est-à-dire que certaines personnes comprenaient et acceptaient que la rétroaction serait impossible à l'échelle personnelle, alors que d'autres voyaient là un problème susceptible de faire obstacle à la participation (People Science et Policy, 2002).

Aux États-Unis, les groupes de réflexion tenus par le National Bioethics Advisory Committee (NBAC) montrent que la plupart de participants ne s'objectent pas à des recherches reliant les données démographiques aux prélèvements de tissus stockés, mais sont légèrement plus inquiets en ce qui concerne les liens entre la recherche et les antécédents médicaux. Ces constatations découlent de l'éventualité de prévenir les donateurs si la recherche permet de découvrir des faits médicaux qui pourraient leur être utiles (NBAC, 2000)

L'autre type de rétroaction possible a trait à des renseignements sur les résultats généraux de la recherche. En cette matière, les personnes interrogées sont intéressées à recevoir de l'information (Porter et al., 2000).

Confidentialité. Les deux tiers des Canadiens voient les données génétiques comme les plus privées et les plus confidentielles qui soient, c'est-à-dire qu'ils ne voudraient pas que quiconque y ait accès sans le consentement du donateur (Association médicale canadienne, 2000). Les Canadiens sondés à ce sujet se préoccupent fortement de l'anonymat des donateurs et des mesures prises pour le protéger. Certains se disent assez mal à l'aise en pensant que les dossiers pourraient être mis à la disposition de chercheurs, et encore plus à l'idée que ces données puissent être remises à des employeurs et à des assureurs susceptibles de les utiliser à mauvais escient (Association médicale canadienne, 2000). Ces craintes semblent s'atténuer lorsque l'on explique aux participants l'utilité de cette information, la façon dont elle sera utilisée et les mesures de protection mises en œuvre pour empêcher tout accès non autorisé (Human Genetics Commission, 2002).

Une enquête effectuée récemment au Canada révèle différents degrés de confiance au sujet des personnes et organismes qui devraient avoir accès aux données génétiques (Einsiedel, à paraître). Comme le montre le tableau 1, l'accès à l'information génétique à des fins de diagnostic et de traitement est accepté tout de go par près de 80 p. 100 des personnes interrogées. Ce qui est étonnant, dans un pays au régime de santé universel où un bon nombre des dossiers médicaux sont déjà centralisés, c'est que trois sondés sur cinq ne croient pas que les ministères de la Santé devraient avoir accès à ce genre d'information. Autre résultat surprenant : à peu près personne ne se dit incertain ou sans opinion au sujet de cette question de savoir qui devrait avoir accès aux renseignements génétiques.

Tableau 1. Les Canadiens et les renseignements génétiques
  D'accord Pas d'accord Ne sait pas

Accès aux renseignements génétiques
par les médecins et les chirurgiens
78 p. 100 19 p. 100 3 p. 100
par Santé Canada ou les ministères provinciaux de la Santé 37 p. 100 60 p. 100 3 p. 100
par les compagnies d'assurance 12 p. 100 87 p. 100 1 p. 100
par la police pour aider à régler des affaires criminelles 63 p. 100 34 p. 100 3 p. 100

(N = 1500; sondage effectué en janvier 2003)

Aux États-Unis, les règles de confidentialité et de sécurité prévues dans la loi de 1996 sur la transférabilité et la responsabilisation en matière d'assurance-maladie (HIPAA, Health Insurance Portability and Accountability Act) ont fait l'objet d'une mise à jour et d'un ajout de directives par le ministère de la Santé et des Services à la personne. La loi oblige maintenant les chercheurs faisant usage des banques de prélèvements de tissus à obtenir une autorisation préalable pour utiliser des données personnelles, par exemple, des dossiers médicaux, permettant d'identifier les donateurs (Uraneck, 2001). Toute infraction à cette règle peut être passible de sanctions civiles ou pénales. Les ajouts à la loi répondent aux craintes grandissantes des citoyens de perdre toute protection de leur vie privée et d'être victimes de discrimination à la suite d'une utilisation abusive des renseignements confidentiels sur la santé. À ce propos, 85 p. 100 des Américains sondés en 1995 se déclaraient « très préoccupés » ou « assez préoccupés » par le fait que les assureurs et les employeurs pourraient avoir accès à l'information génétique et l'utiliser à mauvais escient. Selon une autre enquête menée en 1996, moins d'un sondé sur cinq juge « très acceptable » de mettre les dossiers médicaux au service de la recherche sans avoir d'abord obtenu le consentement des patients, et près d'un tiers des personnes interrogées estiment inacceptable que les chercheurs utilisent des données de santé identifiables sans que les patients leur en aient donné la permission (Uraneck, 2001).

Le tableau 2 résume les dispositions de consentement éclairé et de confidentialité prises par les banques d'ADN de divers pays. On remarque certaines différences dans les deux domaines.

Tableau 2. Comparaison des dispositions visant le consentement et la confidentialité
Pays Envergure Propriété Consentement Vie privée et confidentialité
Islande Nationale Monopole d'une compagnie privée Consentement présumé. Droit au retrait pour les citoyens qui refusent leur consentement. Stricte confidentialité. Retrait permis, mais l'information reste alors dans la base de données.
Royaume-Uni Nationale
500 000 adultes de 45 ans et +
Publique a 100 p. 100 Général Stricte confidentialité. Une disposition de retrait possible est envisagée.
Estonie Nationale
(1 million de personnes, soit 75 p. 100 de la population)
Publique avec investissement du privé Général. Droit de retrait suivi de la destruction des prélèvements. Stricte confidentialité. Les données sont reliées et les donateurs ont accès aux données les concernant.
États-Unis (CDC) Nationale Publique Obtenu au point initial de collecte. Prélèvements dépersonnalisés avant la recherche. Stricte confidentialité. Données dépersonnalisées.
Suède National et régionale Publique Exigé à chaque utilisation, mais le CER est aussi autorisé à décider. Stricte confidentialité. Retrait permis en tout temps et possibilité de retirer aussi des renseignements de la base de données.

Propriété et contrôle des bases de données. Les personnes interrogées parmi celles composant l'échantillon national au Royaume-Uni sont fortement convaincues que les bases de données ne devraient pas appartenir à des intérêts commerciaux. Trois sondés sur cinq sont d'avis que les bases données devraient être de propriété publique (Human Genetic Commission, 2000). On favorise massivement aussi, à majorité des trois quarts, la propriété publique des produits nouveaux créés à l'aide des données génétiques.

Chez les Canadiens, plus de 70 p. 100 croient que les lois visant la protection des données de santé devraient s'appliquer à la fois au secteur public et au secteur privé (Association médicale canadienne, 2000).

La question de savoir qui contrôle ces bases de données et qui retire les avantages pouvant en découler a déjà provoqué des controverses à l'échelle mondiale. Le cas de l'Islande est l'un des plus célèbres en cette matière. Au Canada, des faits déplorables survenus à Terre-Neuve ont aussi montré que cette question est à la base des craintes de la population. Dans cette histoire, des scientifiques de l'université Baylor (Texas) sont venus à St. John's étudier une unité familiale élargie porteuse de la myocardiopathie arythmogénique du ventricule droit (AVRC), une maladie du cœur dont les victimes sont prédisposées à un arrêt cardiaque dès leur jeune âge. Les scientifiques ont passé un week-end à prélever de l'ADN et sont repartis sans avoir pris quelques dispositions que ce soit en vue d'un traitement, d'un suivi ou de conseils auprès des patients et sans donner aux chercheurs ni aux médecins locaux l'accès aux données, se contentant d'envoyer aux participants des cartes de remerciements qui ne disaient absolument rien au sujet des dangers éventuels que ces personnes pouvaient courir (Staples, 2000). La mésaventure a été inscrite au catalogue des actes de « biopiraterie » (Staples, 2000).

Les organismes de défense du bien public ont été les premiers à soulever des craintes au sujet de la propriété et du contrôle des renseignements génétiques. Comme l'ont souligné certains critiques du Projet sur la diversité du génome, « il ne fait aucun doute que la dimension la plus explosive du projet est celle de la propriété des connaissances et des brevets » (GenEthics News, 2001). Une organisation non gouvernementale américaine appelée ETC, qui remplace la Rural Advancement Foundation (RAFI), a pris la tête d'une campagne contre ce qu'elle appelle une épidémie de « biopiraterie » ou de « biocolonialisme », en rappelant que les pays en développement et les collectivités autochtones qui donnent des matières vivantes ne reçoivent en retour que très peu d'avanta ges et n'ont pratiquement aucune part aux bénéfices des compagnies qui les exploitent (ETC, 1998; voir aussi les écrits de l'association autochtone américaine Indigenous Peoples' Council on Biocolonialism).

Commercialisation des renseignements génétiques. La commercialisation des renseignements génétiques est de plus en plus généralisée. Il y a 10 ans, les revenus de « l'industrie des prélèvements de tissus » s'élevaient à 20 millions de dollars US. En 2003, ils devraient se chiffrer à un milliard (Beck, 2001). De nombreuses compagnies comptent sur les hôpitaux et les centres médicaux pour recruter des patients donateurs d'échantillons de sang ou de tissus. D'autres se servent de leurs sites Web pour demander des échantillons, comptant sur l'altruisme de donateurs désireux d'aider à la lutte contre les maladies. D'autres encore obtiennent des échantillons auprès de médecins qu'ils paient plus ou moins grassement (Hawkins, 2002).

Une biobanque belge, tombée en faillite, avait en sa possession 500 prélèvements de salive donnés pour la recherche. Ils ont été vendus, au même titre que le matériel de bureau, parce que considérés comme des « biens » (Hawkins, 2002).

Les problèmes de commercialisation qui concernent le public partent tous de la réification du corps humain et englobent le marketing inconvenant ou trompeur, la publicité mensongère auprès des consommateurs, les initiatives mal mises en œuvre (mauvais moment, information insuffisante ou fallacieuse), les coûts imposés aux individus et au système, l'appropriation par l'entreprise privée, au moyen de brevets, de biens qui devraient demeurer du domaine public, et des questions du genre « Qui est-ce qui fait les recherches? » et « Qui est-ce qui paie pour ces activités? » (Caulfield, 1998; Caulfield et Williams-Jones, 1999). Dans certains cas, il y aura conflit parmi les intérêts des consommateurs entre, d'une part, la demande de produits et services de santé de plus en plus nombreux, et un accroissement contingent de la commercialisation et, d'autre part, les craintes motivées par cette tendance même. Comme se le demande Caulfield (1998, p. 155, traduction) : « Pouvons-nous réglementer les effets éventuellement nocifs des forces du marché tout en permettant quand même la diffusion rapide des innovations génétiques? »

La question du brevetage est l'une de celles qui ont fait l'objet d'un certain nombre de sondages. Au Japon, on a demandé à divers groupes, dont un de citoyens ordinaires et un de scientifiques, s'ils étaient d'avis que des personnes devraient avoir le droit d'obtenir des brevets et des droits d'auteur sur a) des variétés nouvelles de végétaux, b) des variétés nouvelles d'animaux, c) des gènes existants de végétaux ou d'animaux et d) des gènes humains existants? Dans les deux groupes, l'appui au brevetage est allé décroissant de a) à d) c'est-à-dire, en passant graduellement des variétés nouvelles de végétaux et d'animaux et jusqu'aux gènes existants de végétaux, d'animaux et d'êtres humains (Macer 1992). Cette hostilité à l'endroit du brevetage de matériel génétique existant s'est manifestée aussi lors d'un sondage d'opinion publique réalisé en Nouvelle-Zélande (Couchman et Fink-Jensen, 1990).

Les Canadiens se sont montrés assez enthousiastes dans leur soutien à la cartographie du génome humain, et la réussite de cette entreprise a semblé renforcer leur appui à l'idée du brevetage des gènes. Certains ont cependant exprimé des craintes quant à la possibilité que le brevetage fasse monter les prix des produits médicaux et restreigne l'accès à ces produits. La plupart des Canadiens associent la recherche en génomique à ces produits et ce lien les a portés à déclarer, à l'occasion d'un sondage national, que l'égalité d'accès devrait être le principe directeur prédominant de la commercialisation et des décisions relatives au brevetage de ces produits (Pollara and Earnscliffe, 1999). Les gens sont préoccupés aussi par la perspective de voir breveter les formes de vie supérieures. En interrogeant les Canadiens au sujet de l'oncosouris de Harvard, on découvre que la moitié d'entre eux ne sont pas très à l'aise ou ne sont pas du tout à l'aise devant la première décision de la Cour d'appel, qui accordait un brevet à Harvard concernant l'oncosouris (Pollara and Earnscliffe, 1999).

En Suède, les perceptions relatives à la commercialisation des données génétiques révèlent des préoccupations semblables à celles des Canadiens (Høyer, 2002). Lorsque les sondeurs ont évalué les réactions à la commercialisation de la technologie, il est apparu clairement que les personnes interrogées, bien que peu inquiètes par rapport à la commercialisation des technologies de l'information, étaient sérieusement troublées par les problèmes d'éthique liés à la technologie génique et surtout par l'idée de commercialiser les renseignements découlant de cette technologie (Høyer, 2002). Dans certains cas, toutefois, il pourrait s'avérer possible de fonctionner au sein d'un cadre d'action permettant de commercialiser les données génétiques d'une manière apte à calmer les préoccupations de cette nature. La compagnie suédoise UmanGenomics a essayé de convaincre le public qu'elle n'était pas dans le commerce de la vente de gènes, mais seulement dans celui de la vente d'information, en inscrivant ses activités commerciales dans un cadre de transactions « respectueuses de l'éthique » (Høyer, 2002).

Il est évident que les craintes soulevées par la commercialisation sont courantes dans bien des populations. Les renseignements génétiques, fort probablement parce qu'ils sont partie intégrante de l'identité personnelle et qu'ils éveillent une peur de perdre le secret de sa vie privée ainsi qu'un désir d'exercer un contrôle sur soi-même, sont source d'une angoisse des plus aiguës lorsque l'on songe à leur commercialisation possible et au fait qu'ils puissent tomber dans les mains d'étrangers. Parallèlement, la promesse alléchante de trouver des remèdes aux maladies et de rehausser le mieux-être des humains, conjuguée à un certain degré de garantie de protection de la vie privée et des renseignements personnels, semble persuader certaines personnes de prendre part à des transactions commerciales dans ce domaine. DNA Sciences, une entreprise qui recrute des donateurs volontaires de prélèvements sanguins en vue de recherches en génétique, annonce sur son site Web : (traduction) « L'information que vous nous donnez fait toute la différence dans le combat contre des dizaines de maladies et d'états pathologiques liés à la génétique. Ce que vous faites en donnant n'est rien de moins que de courir la chance d'entrer dans l'histoire » (projet GeneTrust de DNA Sciences).

Droits de la personne. Certaines gens sont prêtes à agir pour se protéger contre une stigmatisation ou une discrimination possible ou simplement contre l'éventualité d'une invasion de leur vie privée. Aux États-Unis, un habitant sur sept admet avoir pris des mesures hors de l'ordinaire pour préserver la confidentialité de ses renseignements médicaux afin d'éviter tout risque d'embarras, de stigmatisation ou de discrimination qui pourrait découler de la divulgation de ces données. Parmi les mesures prises par ces pers onnes, mentionnons : dissimuler des renseignements lorsqu'elles répondent aux questions de leurs prestateurs de soins de santé; changer fréquemment de médecin afin d'empêcher la constitution d'un dossier médical global; payer de leur poche des soins normalement couverts par l'assurance; ou se passer carrément de soins médicaux (Institute for Health Care Research and Policy, 1999). Lors d'une autre enquête sur la protection des renseignements génétiques, près des deux tiers (environ 63 p. 100) des Américains interrogés ont déclaré qu'ils n'accepteraient pas de faire l'objet de tests de dépistage génétique s'ils savaient que les employeurs ou les assureurs peuvent avoir accès aux données de ces tests (Institute for Health Care Research and Policy, 2001).

Au Canada, seulement un sondé sur dix environ (11 p. 100) admet dissimuler des renseignements en présence d'un prestateur de soins de santé en raison de craintes au sujet des autres personnes qui pourraient avoir accès à ces renseignements et des utilisations que quiconque pourrait en faire (Association médicale canadienne, 2000).

Les inquiétudes du public sont-elles justifiées? Au Royaume-Uni, tout au moins, elles semblent l'être jusqu'à un certain point. Dans leurs réponses à une enquête de la fiducie Wellcome auprès de patients et de leurs familles, 13 p. 100 des sondés ont signalé des difficultés à obtenir une police d'assurance auxquelles se sont heurtés des proches dont le trouble génétique ne représentait aucun risque actuariel négatif et qui auraient dû pouvoir s'assurer sans problème. Ces gens, des personnes en bonne santé mais porteuses du gène récessif de maladies ou d'états pathologiques liés à leur sexe ou porteuses des gènes de maladies à déclenchement tardif, ou encore les parents d'enfants dont l'état pathologique est le résultat d'une mutation spontanée déclarée, se voient refuser carrément l'assurance, ou imposer des primes élevées ou des examens médicaux superflus (Low, King et Wilkie, 1998).

Parmi les populations autochtones, la question des données génétiques et des droits de la personne dans un contexte collectif ou communautaire est tout spécialement délicate. Pour des raisons historiques et culturelles, les tests génétiques sont accueillis avec une bonne dose de scepticisme ou une résistance vigoureuse dans certaines collectivités. Ces réactions se fondent en partie sur le conflit perçu par certains groupes entre la science et le maintien des traditions, ou par la crainte et la méfiance à l'endroit de l'establishment scientifique et de l'usage abusif qu'il pourrait faire de leurs ressources génétiques. Les préoccupations concernant le maintien, dans la collectivité, du contrôle du matériel génétique transparaît clairement dans des textes tels que la Déclaration de Mataatua sur les droits de propriété culturelle et intellectuelle des Peuples autochtones (1993).

Nécessité d'informer le public. Des groupes se plaignent du peu d'information mis à la disposition du public. Les trois quarts des habitants adultes du Royaume-Uni affirment avoir reçu trop peu d'information sur la réglementation des travaux en biologie, et ils sont à peu près aussi nombreux à dire être peu ou pas du tout convaincus que ces règlements sont révisés convenablement au rythme des progrès de la recherche (Human Genetic Commission, 2001).

Recrutement et participation

Un sondage réalisé par un cabinet de recherche du Royaume-Uni montre que le degré de disposition à participer semble proportionnel à la quantité d'information reçue par les participants éventuels et à leur niveau de confiance à l'endroit des médecins et des institutions de l'État (Cragg Ross Dawson, 2000, cité par Haimes et Whong-Barr, 2002). Alors qu'ils se disaient au départ prêts à donner des prélèvements à une biobanque, les sondés, venus du « grand public », sont devenus hésitants une fois informés des enjeux globaux liés à ce genre de projet. Parmi les objets de leurs craintes, mentionnons la possibilité d'une mauvaise utilisation des données par les employeurs, les compagnies d'assurance, les services de police et les fabricants de produits pharmaceutiques; la nature et la faiblesse relative des mesures prises pour protéger la confidentialité des données; le danger de consentir sans savoir très bien à quoi serviront les prélèvements; et le droit des donateurs à recevoir des rétroactions concernant leurs prélèvements (Cragg Ross Dawson, 2000, cité par Haimes et Whong-Barr, 2002).

Deux études empiriques ont consisté tout spécialement à interviewer ou sonder des participants éventuels. La première portait sur la participation et la non-participation à un projet communautaire de génétique (North Cumbria Community Genetics Project ou NCCGP) parrainé par la fiducie Wellcome (Haimes et Whong-Barr, 2002) et la deuxième visait l'examen d'un petit échantillon de 12 patients de Tayside et Fife, en Écosse, en vue de leur inclusion possible au projet Biobank UK (Marsden et al., 2002). Le choix des patients se basait sur des facteurs démographiques et excluait les sujets en phase terminale de maladie génétique.

Le NCCGP se proposait d'étudier les perceptions de femmes auxquelles on avait demandé de donner des prélèvements de tissus, plus précisément des échantillons de sang et de tissus tirés du cordon ombilical de nouveaux-nés. Ces femmes devaient aussi remplir un questionnaire sur leur santé et leurs habitudes de vie. Le taux de réponse a été très élevé. Près de 90 p. 100 des femmes enceintes auxquelles les sondeurs se sont adressés ont accepté de donner des prélèvements. L'étude a révélé deux thèmes prédominants dans les motivations des participantes, à savoir, le désir d'aider et le fait que la participation demandait très peu d'effort.

Fait intéressant, le désir d'aider était évident aussi chez les non-participantes, en ce sens qu'elles se disaient disposées à aider, mais incapables de le faire dans les circonstances actuelles. Les raisons invoquées par ces femmes allaient de l'insuffisance de l'information au sujet du projet jusqu'au refus de donner accès à leurs dossiers médicaux sans savoir exactement à quoi ils serviraient. Des résultats semblables sont ressortis d'une étude menée en Suède auprès de mères ayant accepté ou refusé de participer à un projet expérimental de dépistage génétique chez des nouveaux-nés (Gustafsson et al., 2002). Là encore, un sentiment d'altruisme et de bienfaisance était cité comme motif de participation et ces attitudes positives s'étendaient aussi à la recherche favorisant la santé des enfants, à l'apport de données d'enquête et de prélèvements de sang à cette recherche; et à la mise en œuvre de programmes d'intervention en réaction aux résultats de la recherche. Les doutes et les craintes portaient principalement sur le stockage de ces prélèvements et le droit des participantes à être informées de tous les résultats du projet.

Marsden et al. (2002) ont constaté que les patients n'avaient qu'une connaissance limitée de la génétique et de la recherche dans ce domaine et qu'ils percevaient généralement la recherche en génétique comme un moyen de « trouver des remèdes aux maladies ». Par ailleurs, lorsqu'on leur a demandé de donner des échantillons de sang, tous les patients interviewés ont accepté en y voyant un acte médical de routine qu'ils avaient déjà subi. Ces mêmes patients n'avaient non plus aucune hésitation à remplir un questionnaire sur leurs habitudes de vie, mais ils ont interrogé les sondeurs au sujet de la longueur du questionnaire et du genre ou de la profondeur des questions. La plupart de ces participants n'étaient aucunement inquiets à l'idée qu'une infirmière de recherche puisse parcourir leurs dossiers médicaux à condition que ces dossiers ne sortent pas des bureaux de leurs médecins et qu'ils soient utilisés à des fins clairement expliquées (comme le manifeste l'une des questions fréquentes des patients : « Que vont-ils chercher dans mon dossier? »). Tous les patients en question vouaient aussi en savoir plus au sujet du grand projet de Biobank UK, de son fonctionnement et de ses objectifs.

Cet intérêt à participer était motivé par l'altruisme et par la conviction que la participation à la recherche en génétique aide à trouver des remèdes aux maladies et est, tout compte fait, « une bonne chose ». Les patients s'inquiétaient avant tout de qui aurait accès à la base de données et des mauvaises utilisations possibles de l'information. Ce qu'ils craignaient surtout, c'était un usage abusif des données par les compagnies d'assurance et les services de police, et ils préconisaient que l'État interdisent à ces deux entités l'accès à la biobanque.

Le projet islandais de Base de données du secteur de la santé donne une autre image des taux réels de participation, et dans ce cas, le bassin de participants éventuels était constitué de la population entière du pays. Les autorités du projet supposaient que tous les Islandais prendraient part à l'initiative et elles leur ont donné six mois après l'adoption de la Loi pertinente pour manifester la volonté de s'abstenir. Au bout de ces six mois, en juin 1999, environ 9 000 (à peu près 3 p. 100) des 270 000 habitants du pays s'étaient officiellement retirés (Lewis, 1999). Le chiffre avait grimpé aux environs de 18 000 en mai 2000 (Mannvernd, 2000). Les sondages montrent qu'au départ, le projet de base de données recevait l'appui de près de 90 p. 100 des Islandais (Lewis, 1999). Une enquête effectuée auprès de 600 citoyens choisis au hasard et publiée dans le quotidien national Dagur montre que les trois quarts des personnes interrogées ne croyaient pas que les données seraient utilisées à mauvais escient (Lewis, 1999). Ces taux élevés d'appui étaient attribués diversement au manque de sensibilisation du public aux répercussions globales du projet (en effet, un mois avant l'adoption du projet de loi, seulement 13 p. 100 des sondés parmi un échantillon représentatif disaient en comprendre la teneur [Lewis, 1999]), et à la longue tradition de marchandisation de la nature chez les Islandais (Rose, 2002). Cette deuxième supposition vient du fait que les personnes en faveur du projet comparaient souvent l'exploitation de leurs gènes à l'exploitation fructueuse que fait la Norvège de son pétrole (Specter, 1999; Rose, 2001).

Rôle des médias dans le domaine public

Il est difficile de commenter les opinions et les attitudes du public sans aborder le rôle des médias. Comme le fait remarquer Dorothy Nelkin : (traduction) « Les messages des médias prennent une grande place. Les médias étant une source importante et souvent la source unique d'information en matière scientifique, la culture de masse aide à faire naître des croyances non formulées et des convictions fondamentales qui sous-tendent les décisions personnelles, les politiques sociales et les pratiques institutionnelles » (Nelkin, 1999). Même s'il n'y a pas de correspondance exacte entre les perceptions du public et le contenu des médias, l'incidence de ce contenu est habituellement plus lourde dans les cas où le public est mal informé d'une question. En ce qui concerne les cellules souches, par exemple, les populations sondées affirment sans hésitation que les médias sont leur source première d'information (ABC News-BeliefNet, 2001). L'attention croissante prêtée aux faits liés à la protection de la vie privée et des renseignements personnels, et surtout aux abus commis en la matière, a sans doute contribué à sensibiliser le public.

Le caractère épineux de la recherche en génétique a donné lieu à certains reportages visant à alerter le public et surtout à le mettre en garde contre des violations de la vie privée et de la confidentialité, car ce sont les questions qui soulèvent probablement le plus les craintes de la population. Voici quelques exemples de ce rôle des médias.

  • En Suède, un tabloïd national a fait passer une série d'articles racontant que des échantillons et des données stockés dans la banque de prélèvements tissulaires d'une université avaient été transmis à une compagnie privée grâce à la collaboration d'un chercheur de l'université, professeur de pathologie. La compagnie avait accès aux codes reliant les échantillons aux patients et les rapports entre le chercheur et la compagnie n'avaient pas été révélés aux comités d'éthique compétents.

  • Au Royaume-Uni, les médias ont parlé abondamment du prélèvement d'organes de bébés morts et des questions de consentement (C. Sanders, 2002).

  • Aux États-Unis, les journaux ont signalé de nombreux cas de divulgation de renseignements confidentiels. On se rappellera la consternation générale lorsque la presse a rapporté que la multinationale pharmaceutique Eli Lilly avait divulgué par inadvertance l'adresse courriel de 6 000 patients traités au Prozac (Pew Internet et American Life, 2001). Il existe également des cas où les médias ont mal compris ou mal interprété des renseignements génétiques et ont ainsi pénalisé injustement bien des gens. Des compagnies d'assurance ont confondu le fait d'être porteur d'un gène modifié et celui d'être réellement atteint d'une maladie génétique, ce qui les a menées à classer des individus dans la catégorie « affections préexistantes » et à les priver de leurs prestations (Sankar, 1997).

Ce qui fait la une des médias, ce n'est pas que les biobanques sont sûres et que leur contenu est bien protégé, mais plutôt les cas d'infraction à la sécurité. Et ce sont ces nouvelles que le public se rappelle le mieux.

Résumé des points de vue du public

Sauf en Islande, peut-être, la plupart des gens ordinaires se sont pas au courant des progrès de la génomique et de l'intérêt mondial croissant à l'endroit des banques de gènes. Cela dit, les publics sont déjà fortement sensibilisés aux questions de protection des renseignements personnels et de consentement en raison de la place de plus en plus grande que prennent les opérations commerciales par voie électronique, les collectes de données et les mécanismes de surveillance et aussi à cause de la prise de conscience et de l'utilisation accrues des technologies de l'information en général. Étant donné que la plupart des gens estiment aussi que les données génétiques sont de nature singulière et méritent une protection exceptionnelle, il n'y a rien d'étonnant à ce que les questions de consentement et de confidentialité soient omniprésentes dans leur esprit.

Les inquiétudes causées par la commercialisation, bien que moins prédominantes, sont fréquemment exprimées. De façon générale, le public semble réconforté et plus confiant à l'idée que les biobanques demeurent la propriété de l'État. Il n'en reste pas moins que certaines populations, notamment celles de l'Islande et de l'Estonie, semblent avoir accepté la commercialisation de leur banques nationales de gènes pour des raisons parmi lesquelles on retrouve la fierté à l'endroit d'une entreprise nationale et la possibilité de contribuer à la découverte de remèdes contre les maladies.

Pour certains groupes, les questions de commercialisation, de consentement et de confidentialité s'inscrivent aussi dans des préoccupations plus vastes concernant les droits de la personne, le risque de discrimination ou de stigmatisation et la protection de l'identité collective et de la culture nationale.

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Opinions des spécialistes

L'éventail des groupes de « spécialistes » dont il s'agit dans le présent rapport est, par nécessité, plutôt large. Des catégories nombreuses et diverses de spécialistes sont associées aux banques d'ADN, depuis les généticiens et les praticiens de la santé qui s'occupent directement des patients et jusqu'aux éthiciens, élaborateurs de politiques et juristes qui écrivent sur la question. Le corpus de documents portant sur les seuls enje ux de la protection de la vie privée et du consentement éclairé se développe rapidement et montre les défis à surmonter lorsque l'on tente de brosser un tableau des « opinions des spécialistes ». La description présentée ci-après n'est pas nécessairement exhaustive, loin s'en faut. Elle représente plutôt une tentative d'illustration de la gamme des opinions d'un groupe extrêmement hétérogène. L'objectif visé est d'arriver à comprendre quelles opinions prévalent dans tel ou tel milieu de spécialistes et dans quelle mesure ces opinions diffèrent ou se rapprochent de celles du public. Nous aborderons des enjeux qui intéressent à la fois les scientifiques et les citoyens ordinaires et d'autres qui ne font pas nécessairement l'objet des discussions du public.

Consentement éclairé

L'obtention d'un consentement éclairé fait surface à différent points de toute réflexion sur les biobanques. Comme le montre la figure 1, la notion de consentement peut s'appliquer aux trois stades de la « vie » d'une biobanque : celui de l'idée, celui de l'édification et celui de la gestion et de l'exploitation. Une bonne part des analyses du consentement éclairé se concentre avant tout sur les deuxième et troisième stades, et pourtant, le consentement nécessaire du public avant même que se matérialise l'idée de biobanque est tout aussi pertinent. Il y a là une obligation critique, que le projet concerne la population entière d'un pays, comme dans le cas de l'Islande, de Tonga et de l'Estonie, ou des catégories bien définies, par exe mple, des populations autochtones ou des sous-groupes de personnes à niveau élevé de maladies génétiques. Lorsqu'il s'agit d'une population nationale entière et que le projet est financé à même les fonds publics, ou que les collections d'échantillons accumulées à l'aide des fonds publics sont vouées à une exploitation commerciale, la nécessité de demander aux citoyens d'exprimer leur consentement ou leur refus est évidente. L'absence de débat public et de consultation de la population reste parmi les problèmes les plus cuisants qui entourent le projet islandais de base de données génétiques.

Figure 1 : Création et utilisation des bases de données génétiques (adapté de Martin, 2001)

Figure 1 : Création et utilisation des bases de données génétiques (adapté de Martin, 2001)

Consentement éclairé au moment de la collecte du premier prélèvement. Les praticiens de la santé, qui se retrouvent souvent sur la ligne de front pour recruter des participants, sont inflexibles quant à l'obligation d'obtenir le consentement au point initial de collecte et pour toutes les utilisations subséquentes (Hapgood, Shickle et Kent, 2001). Ils voient chaque collecte de renseignements et chaque nouveau test d'ADN comme débordant les descriptions générales données aux participants lors du recrutement et comme nécessitant un nouveau consentement, surtout si les données recueillies sont délicates ou qualitativement différentes de celles mentionnées au participant lors du recrutement (Hapgood et al., 2001). Cette opinion émane de groupes de réflexion tenus avec 26 omnipraticiens et membres du personnel infirmier.

La question du consentement éclairé dans le contexte de la collecte de données génétiques préoccupent de plus en plus aussi les comités d'éthique, surtout en ce qui concerne les utilisations secondaires des échantillons, et certains comités commencent à revoir leurs façons de procéder. Dans des cas où il s'agissait de sociétés commerciales ayant présenté volontairement des protocoles et se montrant intéressées à demander des brevets sur des gènes, les comités se sont rendu compte que les chercheurs ne s'étaient absolument pas préoccupés de vérifier si les patients comprenaient les enjeux en cause. Les concepts de risque génétique et de bénéfice commercial n'étaient pas bien expliqués et les protocoles incluaient des fiches d'information pour les patients s ur lesquelles le prélèvement d'ADN dans le sang ou les tissus était présenté comme un acte très ordinaire, accessoire à la recherche (Rigby, Taylor et Khoaz, 2001).

Un sondage réalisé au milieu des années 1990 auprès de chercheurs et de personnes s'occupant du stockage des prélèvements de tissus au Canada a montré que les donateurs de tissus étaient souvent tenus dans l'ignorance des faits concernant les options en matière de propriété et de contrôle, les conditions d'entreposage (p. ex. la durée) et le partage des échantillons avec d'autres entités. Parmi les chercheurs sondés, 56 p. 100 n'ont pas mentionné l'appartenance des données, 15 p. 100 seulement ont parlé de la durée de l'entreposage et 60 p. 100 ont admis mettre des échantillons à la disposition d'autres chercheurs (Verhoef, Lewkonia et Kinsella, 1995). Nous ne disposons malheureusement pas de renseignements plus récents sur ces pratiques.

La question du consentement éclairé dans le contexte d'une culture où ces pratiques ne sont pas de tradition a également été soulevée. Dans le cas de l'Estonie, certains ont avancé l'argument selon lequel une « tradition paternaliste » propre aux États baltes anciennement communistes « rendaient difficile de s'assurer que l'obtention du consentement éclairé et le counseling des participants s'exécutaient convenablement » (Frank, 1999, p. 1263). D'autre part, Ellis, Lerch et Whitcomb (2001) proposent la série de renseignements suivants, qu'ils recommandent d'obtenir et de vérifier au moment du stockage initial de l'ADN :

Figure 2 : Proposition de renseignements à donner au donateur au moment de la collecte initiale (adapté de Ellis, Lerch et Whitcomb, 2001)

  1. La description du lieu de stockage de l'échantillon d'ADN.
  2. La durée minimum du stockage de l'ADN.
  3. L'appartenance du prélèvement d'ADN et de l'information sur la séquence d'ADN.
  4. Les personnes qui auront accès à ce prélèvement d'ADN.
  5. La possibilité que le prélèvement d'ADN soit déplacé, partagé avec d'autres entités ou stocké dans un autre lieu.
  6. Les personnes qui seront informées et qui recevront les résultats si le prélèvement d'ADN donne lieu à des découvertes importantes sur le plan clinique.
  7. La propriété et le pouvoir de décision relativement au prélèvement stocké, dans le cas du décès du donateur.
  8. La réponse à la question de savoir si l'accès libre à ce prélèvement sera offert uniquement à des médecins et chercheurs bien déterminés et si l'accès par d'autres personnes sera limité à des motifs précis.
  9. Les autres utilisations dont ce prélèvement pourrait-il faire l'objet (p. ex. servir sous forme dépersonnalisée pour la recherche).
  10. L'appartenance des bénéfices commerciaux et-ou des brevets découlant des tests d'ADN réalisés sur la séquence génétique du donateur.

Consentement à des utilisations futures. L'avantage escompté des biobanques est la possibilité de les faire servir à des usages multiples. Dans bien des pays, les lois régissant le consentement obligent les chercheurs à obtenir le consentement éclairé du donateur à l'utilisation de tous les renseignements génétiques identifiables, et à répéter le processus pour toute nouvelle utilisation proposée (Caulfield, 2002). Les consentements de portée générale couvrant les utilisations actuelles et futures sont bien utiles pour les chercheurs, mais leur formulation imprécise en diminue la valeur sur le plan juridique (Caulfield, 2002). Les conseils de révision des établissements de santé pourraient se trouver en difficulté, puisque leurs pratiques actuelles exigent que le chercheur en quête d'approbation indique, sur la formule de consentement écla iré, toutes les façons dont les prélèvements ou les renseignements médicaux d'un individu pourraient être utilisés (Rothstein, 2002). Aux États-Unis, le NBAC a proposé une façon de procéder : sur la formule, le chercheur précise le sujet de sa recherche à venir et donne une liste d'utilisations éventuelles, et le donateur indique celles auxquelles il consent (NBAC, 1999). Certains bioéthiciens sont contre cette méthode (Annas, 2001) et d'autres suggèrent une proposition à michemin entre les deux premières. Greely, par exemple, recommande un processus permettant au donateur de consentir à des utilisations futures encore inconnues, mais seulement si ces utilisations s'inscrivent dans un cadre de réglementation clairement défini. Les conditions précisées dans l'article de Greely couvrent notamment les obligations suivantes du chercheur : entrer de nouveau en rapport avec le donateur; respecter le droit absolu du donateur à se retirer du projet ou à imposer des restrictions de temps à l'utilisation de ses données et prélèvements; fixer des limites à la divulgation de renseignements à des tiers; prévoir l'obtention d'un consentement de groupe en plus du consentement individuel; indiquer ses intérêts commerciaux personnels; et expliquer en détail les bienfaits promis à la collectivité (Greely, 1999).

En Suède, le consentement doit s'obtenir à chaque utilisation même s'il est prévu que le chercheur pourra se contenter de demander la permission d'un comité d'éthique si l'utilisation proposée ne diverge pas appréciablement de celles auxquelles le donateur a consenti au départ. Au Royaume-Uni, si les renseignements personnels sont dépersonnalisés, qu'un comité d'éthique a donné son approbation et que la recherche est estimée sans préjudice pour le donateur, l'obtention du consentement n'est pas jugée obligatoire. Cette pratique est cependant contestée comme en font preuve des décisions récentes de tribunaux qui ont jugé illicite ce genre de pratiques (Martin et Kaye, 1999).

Protection de la vie privée et des renseignements personnels

Le degré d'identitifiabilité des participants à des projets de biobanque dépend de l'envergure du bassin de donateurs et des règlements instaurés pour assurer la confidentialité et l'anonymat. De façon générale, il est possible de relier les prélèvements de sang et de tissus à leurs donateurs dans les biobanques qui se consacrent à des maladies particulières, mais lorsque des prélèvements sont fournis à des chercheurs, ces derniers n'ont habituellement aucune information permettant de retracer les donateurs (Balleine, Humphrey, Clarke, 2001).

Le British Medical Research Council décrit les renseignements et prélèvements dépersonnalisés comme (traduction) « purgés de toute donnée repère afin qu'il soit impossible au chercheur de les utiliser pour reconnaître la personne dont ils proviennent ». Les prélèvements ainsi dépersonnalisés sont de deux types : les prélèvements dépersonnalisés reliés, c'est-à-dire, « complètement anonymes pour les personnes qui les reçoivent ou les utilisent, par exemple, l'équipe de recherche, mais contenant des données ou des chiffres permettant à d'autres personnes, par exemple, l'équipe clinique de collecte ou un organisme indépendant chargé de la sauvegarde du code, de relier les prélèvements à des donateurs ide ntifiables »; et les données ou prélèvements dépersonnalisés non reliés, c'est-à-dire, qui ne contiennent aucune information permettant de retracer le donateur (Medical Research Council, 2001a.).

Une façon possible d'aborder le problème de l'anonymat cons iste à dépersonnaliser irréversiblement les prélèvements en les dépouillant de toute étiquette. Les arguments contre ce mode de fonctionnement sont les suivants : l'information découlant de la recherche pourrait éventuellement être utile au patient; le patient ou le médecin pourraient demander plus tard l'accès aux données; et un tel système empêcherait l'ajout futur de prélèvements ou de données cliniques provenant d'un même patient dans le cas d'un projet de recherche de longue durée (Knoppers, Hirtle, Lormeau, Laberge et Laflamme, 1998). Une autre démarche possible, adoptée par la compagnie deCODE dans son projet en Islande, consiste à confier à un organisme tiers un système de chiffrage qui agit comme une cloison de séparation entre les personnes chargées de stocker les données et celles qui utilisent ces données (Gulcher et al., 2000). La Commission islandaise de protection des données a pour fonction d'assurer la sécurité des données en approuvant les méthodes de collecte, de saisie et de traitement des renseignements personnels pendant l'édification et l'utilisation de la base de données. Cette Commission est chargée du chiffrage et du codage des données ainsi que de la surveillance des mécanismes qui relient les différentes bases de données sur la santé, la généalogie et les génotypes (Kaye et Martin, 2000). Toutefois, la protection garantie par un tel système est mise en doute. Selon ce que certains prétendent, « en réalité, l'anonymat n'existe pas dans des banques de données telles que la Base islandaise de données du secteur de la santé sur la santé, qui contiennent d'énormes quantités de renseignements à partir desquels il est possible d'établir des liens contextuels et de déduire l'identité d'un donateur » (Arnason, 2002).

Bref, les spécialistes ne s'entendent pas sur les conditions nécessaires à la confidentialité des données, ni sur la viabilité des solutions techniques à ce problème.

Rétroaction

Pendant l'analyse des dossiers médicaux ou de l'ADN d'un sujet, le chercheur pourra découvrir des faits susceptibles d'intéresser la personne en question et peut-être liés au passé de celle-ci, par exemple, au sujet de ses géniteurs, ou à son avenir, par exemple, des risques de maladie. Quel est alors le devoir du chercheur? Aux États-Unis, les chercheurs ont le choix de dire au sujet, au moment du consentement éclairé, s'ils lui feront part de cette information, mais un bon nombre d'entre eux décident de ne pas renseigner leurs sujets, ce qui risque de créer des difficultés à la fois pour les chercheurs et pour les établissements auxquels ils sont rattachés (Greely, 2001). Certains chercheurs sont préoccupés par cette question, affirmant que les promoteurs de politiques restrictives en matière d'information, dans leur empressement à protéger les sujets de la recherche, finissent par paralyser la recherche. D'autres chercheurs craignent aussi la possibilité que les sujets d'une recherche sur un gène en particulier, après avoir demandé à des chercheurs bien intentionnés de leur faire part des résultats, ne se retrouvent avec des données sur d'autres gènes, tels que ceux liés au cancer du sein ou du colon, qui ne sont pas couverts par la formule de consentement (Holzman, 1996).

Lors d'un sondage mené aux États-Unis auprès de 3 600 spécialistes en counseling et autres domaines connexes de la santé, plus des deux tiers des personnes interrogées préconisaient le respect de l'autonomie des patients qui choisissent de ne pas être informés des résultats des tests génétiques. En revanche, 29 p. 100 des sondés imposeraient des limites à l'autonomie lorsqu'un patient refuse d'informer les membres de sa famille des dangers qui pourraient les menacer et qui sont révélés par les tests, et ils croient que la tâche d'informer la famille devrait alors assumer par les praticiens de la santé. Cette apparente contradiction laisse deviner un conflit possible chez les professionnels de la santé entre leur obligation de protéger la vie privée des patients et leur devoir moral d'informer les parents à risque au sujet de leur prédispos ition à une maladie d'origine génétique (Lapham et al., 1997).

Droits de la personne

Les biobanques sont vues comme une base importante de la pharmacogénomique, ou médecine individualisée, une approche médicale dont les incidences soulèvent des préoccupations concernant les droits de la personne. Une étude réalisée en Union européenne met en garde contre la possibilité que certains groupes soient exclus par les autorités en matière de soins de santé s'ils réagissent à un grand nombre de médicaments et de thérapies qui coûtent cher. En outre, le rôle de l'appartenance ethnique en pharmacogénomique pourrait créer des problèmes puisque certaines maladies et certaines réactions aux médicaments pourraient se révéler exclusives à certains groupes ethniques (Webster, Brown, Rappert, Martin, Frost et Hedgcoe, 2001).

Parallèlement, des praticiens de la santé font remarquer les complexités de la race et de l'ethnie en notant la difficulté de concilier, d'une part, l'envie de considérer la notion de race comme affaire de fiction biologique, tant à cause des similitudes génétiques constatées entre des groupes d'individus que de l'histoire du racisme et de la biologie et, d'autre part, la réalité clinique de prédispositions différentes à des maladies et de réactions différentes à des médicaments chez des groupes ethniques différents (Satel, 2001 et Wade, 2001, entre autres)

Droits individuels contre droits collectifs ou communautaires

La proposition de la compagnie australienne de biotechnologie Autogen, visant la création d'une base de données de santé à Tonga à partir du bassin génétique de la population locale, a déclenché des protestations outragées, à l'échelle régionale et internationale, de la part des organismes de défense de droits de l'homme et des associations confessionnelles. Le directeur du Mouvement tongan pour les droits de la personne et la démocratie a qualifié la proposition de tentative de colonisation des ressources du pays (Burton, 2002). Le Conseil national des Églises de Tonga, appuyé par le Conseil œcuménique des églises (Genève), a convoqué une conférence sur la bioéthique dans la région du Pacifique, à la fin de laquelle les participants ont convenu que « la conversion de formes vivantes ou de leurs molécules ou éléments pour en faire des biens d'entreprise au moyen de brevets monopolistiques est contraire aux intérêts des peuples du Pacifique ». Les associations confessionnelles ont déclaré que les décisions relatives à l'exploitation du matériel génétique devaient se prendre en tenant compte des droits collectifs de la famille élargie (Burton, 2002).

L'historique du Projet sur la diversité du génome contient une manne d'écrits sur sa collecte de matériel génétique auprès de collectivités autochtones du monde entier. La question du consentement éclairé y est habituellement traitée dans le contexte des notions occidentales d'autonomie personnelle, mais de nombreux groupes autochtones ont des structures sociales basées sur la collectivité et non pas sur l'individu. Comment le consentement éclairé et les processus qui le sous-tendent pourront-ils être modifiés afin de les adapter à ces cadres sociaux et culturels différents? (Greely, 2001)

Autres questions sociales et philosophiques

Réification du corps humain. La plupart des problèmes d'éthique propres à la recherche biomédicale sur des parties du corps humain ont trait au statut juridique et moral de ces éléments, mais la recherche soulève aussi des questions majeures et beaucoup plus vastes. Quels sont les principes de telle ou telle culture en matière de dignité humaine? Comment le corps humain et ses parties sont-ils traités dans la jurisprudence nationale et quelle sont les différences entre pays quant au régime juridique et à ses liens avec les valeurs culturelles et sociales? Le corps humain doit-il être réifié? Quels sont les arguments de morale invoqués en ce qui concerne la réification des parties du corps humain et comment ces arguments sont-ils abordés? (Meade, 2001).

La question de l'appartenance du corps humain ou de ses parties, et la question connexe de la réification, font l'objet d'opinions fort différentes dans le milieu des spécialistes. Certains soutiennent que la réification et la marchandisation du corps humain vont à l'encontre des concepts d'identité individuelle (Williams-Jones, 2000). D'autres font remarquer que (traduction) « l'image du corps comme objet de propriété repose sur le sentiment que des parties du corps telles que les organes, les gamètes ou les tissus cellulaires peuvent être transférés, achetés et manipulés par d'autres » (Campbell, 1992). De nombreux éthiciens prétendent que quiconque a le droit de disposer de son corps, en tout ou en partie, comme de toute autre propriété, mais que la personne en question devrait être tenue pleinement informée de ce qui sera fait des matières biologiques dont elle s'est départie ou qu'on lui a enlevées (Dekkers et Ten Have, 1998). Ce qui se passe le plus souvent, toutefois, c'est que (traduction) « la prestation de renseignements généraux au sujet du stockage et de l'utilisation des parties du corps humain est pratiquement inexistante dans la plupart des établissements de recherche et de santé » (Dekkers et Ten Have, 1998, p. 61).

Questions d'identité personnelle. En réaction aux interrogations sur les origines des humains, les autorités du Projet sur la diversité du génome ont créé une controverse considérable au sujet de plusieurs questions d'éthique et de leur incapacité à les traiter convenablement (National Research Council, 1997). L'une des plus épineuses de ces questions a trait aux modes d'interaction des chercheurs avec les populations autochtones. La primauté accordée à la génétique se répercute souvent sur l'identité des groupes démographiques. L'anthropologue Jonathan Marks pose une question qui est toujours d'actualité :

(traduction) « Les scientifiques ont-ils le droit d'étudier tout ce qu'ils veulent sans égard à la volonté et aux sensibilités des personnes concernées? … La question pragmatique est donc la suivante : comment un chercheur peut-il obtenir honnêtement la participation de personnes dont il veut étudier les ancêtres, les reliques, les membres de la famille ou le sang, alors que son programme de recherche est construit de façon à saper les convictions de ces mêmes personnes? » (Marks, 2002, p. 7)

Complexité et réductionnisme. Le Projet sur la diversité du génome se targue de pouvoir reconstruire le mode d'évolution de l'espèce humaine. Les opposants au projet et à ses objectifs et méthodes, et des critiques aussi réputés que la National Academy of Sciences des États-Unis (NAS, 1997), objectent que la complexité des modes d'évolution ne peut se réduire à de simples explications de biologie (Marks, 2002). On retrouve une tendance semblable chez les scientifiques qui, cherchant à expliquer les maladies, les classent en catégories marquées ou non de composantes génétiques. Certaines maladies et notamment certains cancers, dont celui du sein, le diabète et l'asthme sont ainsi reclassifiées en fonction de leurs origines génétiques, ce qui amplifie encore plus le penchant vers des explications génétiques (Martin et Kaye, 1999).

Préoccupations des professionnels de la santé

Des omnipraticiens et des membres du personnel infirmier du Royaume -Uni, interrogés lors d'une étude financée par la fiducie Wellcome, ont exprimé des craintes quant aux incidences éventuelles de leurs pratiques. Leurs préoccupations avaient trait au temps exigé, aux coûts et à la rémunération et au fardeau et aux responsabilités supplémentaires imposées par l'obligation d'expliquer le projet aux patients à recruter (Porter et al., 2000; Hapgood, Shickle et Kent, 2001).

La majorité des praticiens de la santé favorisent le recours à la technologie génétique pour apprendre si oui ou non un fœtus naîtra avec une maladie ou un handicap, 29 p. 100 d'entre eux utiliseraient la technologie pour prévenir l'obésité, 9 p. 100 pour accroître l'intelligence d'un enfant, 4 p. 100 pour choisir le sexe de la progéniture et 1 p. 100 pour cloner des humains. Ces constatations soulignent la nécessité de mieux informer les praticiens au sujet de la génétique en général et des enjeux d'éthique découlant des toutes nouvelles technologies génétiques et de leurs incidences sur la population. Les spécialistes en génétique doivent être conscients des opinions des psychologues et autres professionnels de la santé et de l'influence possible de ces opinions sur la participation de patients à des projets de tests et de recherches génétiques. Il faut que des voix informées se fassent entendre, tant du côté du public que de celui des professionnels de la santé, pour que puissent se prendre des décisions stratégiques éclairées concernant l'utilisation d'un outil aussi mouvant que la génétique nouvelle (Lapham et al., 2000)

Les médecins de premier recours et les cliniciens remplissent un rôle essentiel en recherche clinique puisque ce sont eux, principalement, qui signalent les participants éventuels répondant à certains critères démographiques ou médicaux, par exemple, des patients atteints de telle ou telle maladie. Souvent, c'est le médecin qui demandera aux patients et-ou à leurs familles de participer à un projet de recherche. Une fonction aussi délicate met le médecin dans une position où il peut informer le patient au sujet du projet et, en cas de conséquences négatives, le patient pourrait en tenir le médecin responsable au même titre que le chercheur (McInnis, 1999). À cet égard, le médecin doit assumer envers son patient, la responsabilité de se tenir au courant non seulement des bienfaits de la recherche, mais aussi des risques possibles. La conduite éthique de la recherche médicale se trouve placée directement sous les projecteurs dans le cadre de ce rapport médecin-patient. C'est dans ce contexte que l'Association médicale islandaise a fait savoir au gouvernement du pays que le bien du patient était mis en danger par la loi sur la base de données du secteur de la santé, à cause des dispositions inacceptables de la loi en ce qui a trait au consentement éclairé (Association médicale islandaise, 2000).

Commercialisation

Tel que mentionné plus haut, les liquides et les tissus servant à la recherche en génomique peuvent provenir de prélèvements recueillis en vue de la création d'une biobanque ou résulter d'interventions chirurgicales, de biopsies ou d'autopsies effectuées dans des hôpitaux ou autres établissements. Ces échantillons ont reçu le qualificatif de « produits très recherchés » (Ready, 2000). Certains hôpitaux se sont lancés dans la commercialisation alors que d'autres hésitent ou résistent à la tentation. Dans le Massachusetts, par exemple, deux hôpitaux universitaires ont conclu un accord avec une entreprise de biotechnologie en vue de l'approvisionner en tissus tumoraux et autres, avec le consentement du patient. La compagnie traite ces tissus en vue d'en fabriquer des produits, par exemple, des jeux d'ADN et d'ARN, qui sont ensuite vendus à profit à des scientifiques commerciaux et au prix coûtant à des chercheurs universitaires (Ready, 2000). D'autres hôpitaux restreignent simplement l'accès aux seuls che rcheurs universitaires (Ready, 2000), mais vu les liens de plus en plus fréquents entre les universités et l'industrie, et les pressions financières accrues auxquelles font face les hôpitaux, les partenariats du genre évoqué plus haut pourraient devenir courants.

En plus des initiatives parrainées par l'État et basées sur la population, le secteur privé lance aussi des projets semblables, dont voici quelques exemples :

  • Aux États-Unis, la clinique Mayo s'est mise en partenariat avec IBM pour créer une base de données à partir des dossiers médicaux de 6 millions de patients actuels, et de 500 000 patients à venir parmi tous ceux qui sont admis à la clinique chaque année, en vue d'établir des corrélations entre des données phénotypiques tirées, p. ex., d'un diagnostic d'hépatite et des données génotypiques tirées, p. ex., d'un test de dépistage de l'hépatite.

  • La compagnie DNA Sciences, en Californie, s'est servi d'Internet pour recruter environ 13 000 participants à un programme appelé « Gene Trust ». Les volontaires fourniront des échantillons de sang pour la recherche et ils sont autorisés à se retirer du programme en tout temps.

  • Les hôpitaux Massachusetts General et Brigham Women's ont annoncé la création d'une base de données semblable à celle de la clinique Mayo (Uehling, 2002).

  • En France, la société Genset, de Paris, a conclu un accord de collaboration exclusive de deux ans avec la faculté de médecine Technion Bruce Rappaport, en Israël, en vue de la collecte, du stockage en banque et de l'analyse de l'ADN de patients atteints de maladies courantes (Cancer Weekly, 1997).

En résumé, la tendance à la commercialisation des renseignements génétiques gagne rapidement du terrain, à une époque où le marché fait régner des valeurs telles que le choix du consommateur en matière de soins de santé, souvent au détriment de la relation médecin -patient, des besoins des patients et de la santé publique (Annas, 1998).

Les enjeux posés par la prolifération des liens entre les secteurs public et privé dans le domaine des bases de données génétiques sont relevés dans de nombreux écrits (Human Genetic Commission, 2000, entre autres) et la création d'un marché commercial de l'ADN humain et des données génétiques est bien entamée (Martin, 2001). De nombreuses questions se sont déjà posées, notamment :

  • Les prélèvements biologiques recueillis par des organes publics ou à l'aide des fonds publics devraient-ils jamais être utilisés pour la recherche commerciale?
  • Dans quelles circonstances?
  • Comment les bénéfices financiers tirés de ces recherches devraient-ils être partagés entre les secteurs public et privé?
  • Quels sont les droits des donateurs sur les produits commercialisés et sur les profits réalisés à partir de leurs prélèvements?
  • Des tiers n'appartenant pas au milieu de la recherche biomédicale ni à celui des affaires, par exemple, des compagnies d'assurances ou des services d'enquête criminelle, devraient-ils avoir accès à ces prélèvements?
  • Quelle est l'influence des intérêts industriels sur les programmes de recherches de l'État?
  • Quelles sont les répercussions des ententes commerciales sur la confiance du public?

Autres utilisations des bases de donnés à des fins étrangères à la recherche

Les bases de données génétiques créées au service de la recherche médicale pourraient éventuellement être utilisées par des tiers, y compris les services de police et le système de justice pénale. Interrogés à ce sujet, les professionnels de la santé s'opposent généralement à ce que les intervenants du système de justice pénale aient accès à ces bases de données (Hapgood et al., 2001).

Gouvernance

Les questions relatives à la gouvernance des biobanques sont motif à de nombreux débats parmi les spécialistes. Les dispositions de régie sont habituellement complexes, en partie parce que les enjeux sont eux-mêmes complexes. L'évolution des politiques régissant les renseignements génétiques n'est pas encore bien longue, et elle se poursuit, et les pouvoirs en place ne comprennent pas encore pleinement les ramifications pratiques de la gestion de la possession et de l'utilisation de ces renseignements. La complexité s'accroît aussi du fait que, dans ce domaine, les fonctions de surveillance concernent tout une gamme d'intervenants dont les organes législatifs, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les autorités de la santé publique, les fondations et organismes subventionnaires et les comités d'éthique.

Les enjeux intéressant les législateurs ont trait aux lois sur la protection de la vie privée, des renseignements personnels et des renseignements médicaux, sur la propriété et le brevetage de tissus humains et sur l'accès de tiers, par exemple, les compagnies d'assurance, aux renseignements médicaux. Les organes chargés de la surveillance des corps professionnels se pencheraient sur les normes ou directives instaurées par certains groupes tels que le Collège des médecins et chirurgiens relativement aux processus d'exécution de la recherche médiale et aux rapports entre les prestateurs de soins de santé et les patients. Quant aux comités d'éthique, ils surveilleraient évidemment la conduite de la recherche et la protection des sujets.

Dans le monde des spécialistes, les questions de gouvernance sont habituellement plus nuancées et peuvent aller même jusqu'à l'ambivalence. À titre d'exemple, bien que certains spécialistes disent croire à l'efficacité des dispositions techniques de maintien de la confidentialité et de protection de la vie privée (Gulcher et al., 2000, entre autres), d'autres soutiennent que (traduction) « la nature même de l'information génétique fait qu'il pourrait s'avérer impossible de garantir l'anonymat complet des prélèvements biologiques » (Martin et Kaye, 1999, p. 55; Arnason, 2002).

La complexité de ces enjeux et des dispositions relatives à la gouvernance laissent entrevoir que les attentes du public en ce qui touche la confidentialité et la protection de la vie privée, le consentement éclairé et les conditions d'utilisation des données génétiques reposeront lourdement non seulement sur des arrangements de nature technique et réglementaire mais aussi sur une ressource qui est facilement l'objet d'abus : la confiance mutuelle. En dernière analyse, la question de savoir comment conserver la confiance en est une que tous les groupes et organes susmentionnées devront se poser à eux-mêmes.

Résumé des préoccupations des spécialistes

Le milieu des « spécialistes » de la question des données génétiques englobe des groupes aussi divers que des praticiens de la santé, des éthiciens, des juristes, des spécialistes des sciences sociales et des concepteurs de politiques, et il est bien difficile de caractériser les opinions de tous ces intervenants. La présente section du rapport, portant sur les points de vue des spécialistes relativement aux biobanques, a abordé une série d'enjeux passablement semblables à ceux évoqués dans le cas du public. En même temps, et peut-être parce qu'un bon nombre des groupes de spécialistes étudient ces questions depuis plus longtemps et avec une attention et une intensité supérieures à celles que leur prête le public, il n'est pas étonnant que leurs points de vue soient plus élaborés et qu'il y ait des distinctions plus nombreuses entre groupes ou même entre spécialistes d'une même profession. Ni la totalité des juristes ni celle des éthiciens n'accorde la même importance aux mêmes éléments, et les membres d'un même groupe de spécialistes ne sont pas nécessairement tous du même avis.

En ce qui a trait au consentement éclairé, tout le monde convient de sa nécessité absolue au point initial de la collecte ou du don, mais lorsqu'on en vient aux utilisations ultérieures, les opinions des spécialistes divergent. À une extrémité de la courbe, on opterait pour un consentement inconditionnel au point initial, couvrant toutes les utilisations à venir. À l'autre extrême, on exigerait un nouveau consentement éclairé à chaque utilisation. La plupart des spécialistes situent leur opinion entre ces deux extrêmes, s'éloignant les uns des autres surtout lorsqu'il s'agit des dispositions précises d'obtention du consentement à des utilisations ultérieures. Certains voudraient que l'on présente aux donateurs une liste de possibilités parmi lesquelles choisir, et d'autres proposent que les comités d'éthique évaluent chaque demande d'utilisation et décident s'il y a lieu de demander un autre consentement.

Quant à la protection de la vie privée et des renseignements personnels, les spécialistes s'entendent généralement sur son importance de principe. Certains d'entre eux croient que les lois, les comités d'éthique et les organismes de surveillance sont des éléments nécessaires et suffisants pour assurer cette protection. D'autres, cependant, ne sont pas convaincus que les systèmes de protection des données et les mécanismes de surveillance, tels les comités d'éthique, constituent des sauvegardes suffisantes.

Les opinions relatives au retours d'information aux participants varient selon le groupe professionnel. Aux États-Unis, du moins, les praticiens de la santé se sont prononcés contre les rétroactions aux patients, et ce pour diverses raisons. D'autres spécialistes sont plus ambivalents et voient des avantages possibles à pouvoir informer les participants et leurs familles, surtout lorsque ces personnes risquent de contracter une maladie. Parallèlement, ils reconnaissent le dilemme devant lequel ils se trouvent à avoir accès à de tels renseignements lorsqu'il n'existe aucun traitement ni remède ou que les membres d'une famille ne veulent pas tous être informés.

En ce qui touche les droits de la personne, la plupart des auteurs spécialisés admettent le besoin d'une protection contre la discrimination et du maintien d'un système juste et équitable de soins de santé. Ils reconnaissent aussi, toutefois, que ces principes sont très difficiles à mettre en pratique. Ainsi, par exemple, le principe du consentement de la collectivité est largement préconisé, mais presque tout le monde admet que les collectivités sont diverses et qu'elles peuvent contenir des groupes aux intérêts divergents. L'obtention d'un consentement collectif s'inscrit dans un processus nécessitant une connaissance approfondie de la culture, de l'histoire et des traditions politiques de chaque collectivité.

À l'instar des publics, la plupart des spécialistes sont de plus en plus préoccupés et alarmés par la tendance à la commercialisation des renseignements génétiques. Certains proposent des dispositions de partage des bienfaits avec les individus et les collectivités; d'autres proposent plutôt un comportement de franchise et de transparence relativement à tous les arrangements commerciaux qui pourraient découler ou sont en train de se prendre à l'endroit des collections de prélèvements de tissus.

Les spécialistes ont également écrit maints articles et ouvrages sur toute une gamme de préoccupations de nature philosophique et-ou éthique, depuis la réification du corps humain jusqu'à la complexité des enjeux et au réductionnisme scientifique.

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Conclusions et recommandations

Les renseignements génétique sont uniques en genre et en nature et ils ont une immense importance symbolique. Ils nous disent qui nous sommes, d'où nous venons, les conditions de notre existence et ce que l'avenir pourrait nous réserver. L'affrontement entre, d'une part, ces symboles et notre désir de maîtriser notre destin et, d'autre part, la poussée vers le progrès scientifique, donne lieu à interrogations inévitables sur le moyen de trouver un équilibre entre ces deux objectifs parfois contradictoires.

En réfléchissant aux recommandations stratégiques pouvant découler de la présente analyse, il faut se situer sur deux plans, celui des populations et de la recherche génétique en général, et celui du domaine particulier des biobanques. Une bonne part de ce que le public connaît et comprend en matière de génétique influencera sa façon d'entrevoir et de juger les biobanques.

Communication avec les publics

Dans l'ensemble, un certain degré de compréhension de la génétique ne peut qu'aider les publics à participer plus pleinement à la définition des orientations stratégiques et aux débats sur des thèmes tels que les tests de dépistage génétique, les risques, les prédispositions à certaines maladies, la recherche en génétique ou les interactions gènes-environnement. Les gens doivent être capables de choix éclairés en matière de génétique, tant au niveau personnel qu'à celui de la société et, pour y arriver, les connaissances qu'ils possèdent devront prendre en compte à la fois la validité et l'incertitude scientifique et les contextes et conséquences sociales de ces choix. Certaines personnes ont déjà pris la décision de recourir à la génétique pour s'assurer une progéniture exempte de maladie ou de handicap. D'autres ne comprennent pas encore clairement la signification des tests génétiques, la notion de probabilité, les risques potentiels, la sensibilité, la spécificité ou la valeur prédictive de tels tests. Et cette confusion peut régner aussi bien chez les spécialistes que chez les citoyens ordinaires.

Au Royaume-Uni, la Human Genetic Advisory Commission (HGAC) souligne l'importance de sensibiliser et initier le public aux questions de génétique (traduction) « afin de permettre à un plus grand nombre de groupes sociaux de soutenir et suivre les débats au sujet des enjeux complexes de la génétique ». La Commission recommande une démarche participative et la collaboration avec d'autres entités, par exemple, le monde de l'éducation, afin de voir à ce qu'un grand nombre de gens (traduction) « se sentent aptes à s'intéresser et à participer aux réflexions, aux débats et aux dialogues sur les enjeux de la recherche en génétique » (HGAC, 1998). Au Danemark, dont la population est fortement sensibilisée aux questions de génétique, le Conseil d'éthique et la Commission de technologie se sont occupés activement de promouvoir l'initiation et l'information du public ainsi que la discussion et le débat. L'appel à la sensibilisation du public émane aussi de l'Organisation mondiale de la santé et du Conseil de l'Europe.

Aux États-Unis, les Centers for Disease Control et Prevention (CDC), dans leur plan stratégique de 1997 pour « transformer les progrès de la génétique humaine en politiques de santé publique » (Translating Advances in Human Genetic into Public Health Action), proposent la stratégie suivante de communication sur la génétique :

(traduction) « En collaboration le bureau des communications des CDC, procéder à un examen exhaustif de la recherche sur la communication en matière de génétique, élaborer un plan d'évaluation des besoins d'information des divers publics, formuler des messages et choisir les médias qui conviennent à la diffusion de renseignements au sujet de la génétique et de la santé publique. Recourir à Internet comme un des mécanismes de diffusion. Ces moyens permettront d'assurer des communications coordonnées, exactes et opportunes. »

Bien des appels à l'initiation et à la sensibilisation du public rappellent la nécessité d'amener les gens à évaluer plus justement l'équilibre risques- avantages, à comprendre les limites de la science et à tenir compte des dimensions éthiques, sociales et juridiques de ces questions. Ce rappel est pertinent et important, mais il perd à peu près tout son sens si les initiatives de sensibilisation et d'information visent, au fond, à « gagner » le public et son appui à la recherche en génétique. D'autres intéressés, notamment les scientifiques, les professionnels de la santé et du droit et les associations de défense du bien public, ont besoin aussi que le public les informe et les sensibilise quant à ses besoins, ses valeurs et ses préoccupations. Il est absolument essentiel d'organiser des activités et des manifestations qui offrent aux gens de réelles possibilités de participation et de délibération. Pour ce faire, on pourra s'inspirer du Danemark et des Pays-Bas qui ont réussi à vraiment accrocher le public au moyen d'initiatives de sensibilisation et d'une approche fondée sur la participation et le dialogue (Joss et Durant, 1995; Einsiedel, 1998). Un dialogue constructif entre les scientifiques, les autres intervenants et la population est essentiel et il doit être « réciproquement informateur, réfléchi, honnête et porteur d'une possibilité de transformation pour tous » (McLean, 2001).

En ce qui a trait au domaine particulier des biobanques, l'expérience vécue par l'Islande avec la compagnie deCODE montre très bien que les citoyens se soucient des méthodes de la recherche en génétique, que la participation du public est absolument nécessaire à cette recherche, que les fins de la recherche doivent être clairement déclarées et que les principes internationaux de consentement éclairé et de pouvoir d'abstention devraient régir la recherche en génétique (Annas, 2000).

S'il y a un thème qui revient souvent dans notre évaluation des intérêts et des préoccupations du public, c'est bien celui de respect. La notion de respect comporte plusieurs dimensions dont la première est le respect des gens à titre de citoyens. Viennent ensuite le respect de l'autonomie individuelle, y compris le droit de choisir, le respect de la vie privée et le devoir de confidentialité. Il faut observer aussi le respect de l'identité personnelle, dans le contexte de la famille et de la collectivité, le respect des croyances culturelles relatives au corps humain et le respect du droit à l'information. Enfin, il faut respecter les membres vulnérables de la société. La description qui précède est résumée dans le concept suivant, très clairement expliqué, de ce qu'est le respect :

(traduction) Manifester du respect à l'égard des gens, cela veut dire les valoriser en évitant de faire abstraction des conditions essentielles à l'identité personnelle, lesquelles comprennent la vie, l'intégrité physique, la liberté de choisir et d'agir en fonction de ses choix… Cela veut dire aussi agir de façon à favoriser la présence de telles conditions. Le respect englobe donc un devoir positif et un devoir négatif envers l'autre. Dans une telle optique, le respect ne dépend pas du consentement ou des droits de l'autre. L'obligation de montrer du respect à quelqu'un n'est pas une obligation envers cette personne en particulier. C'est l'obligation d'agir d'une certaine manière envers cette ou ces personnes et, partant de telle analyse, le respect est dû aux innocents et aux vulnérables, aux collectivités et aux agents rationnels (Cutter, cité par Weir, 1998).

Un des éléments du respect des citoyens a trait à leur titre de membres actifs d'une entité politique démocratique, des participants dont les voix et les intérêts doivent être entendus et pris en compte. En tant que citoyens qui appuient les efforts de recherche en les finançant par leurs impôts et qui sont la cible des bienfaits mais aussi des dangers liés aux techniques génétiques, leur participation aux processus décisionnels en la matière est critique, et elle est critique aussi avant que se prennent les décisions concernant tout grand projet technologique. Si un pays envisage la création d'une biobanque nationale, une participation significative des citoyens aux décisions exige que l'on se pose des questions quant au bien-fondé d'une telle orientation de la recherche et d'un tel usage des fonds publics. Cela ne veut pas dire que l'opinion publique soit le seul déterminant des décisions, mais simplement qu'elle en est un déterminant nécessaire.

Consultations publiques sur les biobanques

Voyons d'abor d les modes possibles de consultation de la population. Compte tenu de la diversité des auditoires, de la diversité des utilisations de la recherche et de la complexité des enjeux à aborder, il faut, de toute évidence, recourir à plusieurs moyens d'action pour faire participer le public. Le tableau 3 présente quelques exemples de méthodes utilisées lors de consultations au sujet des banques d'ADN. Chacune de ces méthodes a des points forts et des points faibles qui lui sont propres.

Disons maintenant que le projet de biobanque est approuvé et mis en œuvre. Dans ce cas, il faut d'abord, impérativement, poser les bases d'un cadre de gouvernance, lequel doit aussi comporter un élément de représentation de la population. Les conditions de collecte, de stockage, d'accès et d'utilisation des données devront être conçues et pesées par un groupe multidisciplinaire composé de spécialistes de divers domaines scientifiques et techniques ainsi que de juristes, d'éthiciens, de membres d'organismes de défense du bien public et de citoyens ordinaires. Les tenants et aboutissants de la génétique et des biobanques sont trop vastes et complexes pour être laissés aux seuls spécialistes des sciences ou de l'éthique.

Du point de vue des gens ordinaires, la mise en place des facteurs permettant un consentement vraiment éclairé et la protection de la vie privée est d'une importance primordiale. Au moment où le public est invité à participer, les autorités devraient être en mesure de l'informer sur des points fondamentaux tels que a) le ou les objectifs de la collecte de prélèvements et de données de santé; b) les conditions en place pour protéger la vie privée et la confidentialité des renseignements personnels; c) la façon dont sera traitée la question du consentement à l'accès et aux utilisations secondaires des données; d) les conditions d'entreposage; e) les mécanismes de surveillance; et f) les possibilités de commercialisation.

Tableau 3. Méthodes utilisées lors de consultations sur les banques d'ADN
Méthode Points forts Points faibles
Sondage d'opinion publique
  • Représentativité
  • Traitement superficiel des enjeux
Groupes de réflexion
  • Exploration en profondeur des raisons et fondements des préférences
  • Méthode impossible à généraliser
Consultation de nature délibérative
  • Occasions d'apprentissage pour les spécialistes et les non-spécialistes
  • Interaction avec des experts, débat prolongé
  • Méthode exigeante en temps et en ressources; et
  • permettant la participation d'un petit nombre de gens
Consultation des intéressés
  • Le fait que les intéressés connaissent bien les enjeux
  • Participation des entités touchées directement par les avantages et les risques
  • Exclusion du grand public
Consultation communautaire
  • Vitale là où la collectivité est très valorisée
  • Problèmes relatifs à l'entité autorisée à consentir
Consultation sur le Web
  • Participation du plus grand nombre
  • Rapidité et continuité des échanges d'information
  • Participants choisis en fonction de leur accès au Web
Représentation de non-spécialistes dans les comités d'experts
  • Élargissement de la base de consultation pour étudier les enjeux dépassant la simple technique
  • Possibilité de marginalisation des non-spécialistes par les experts

Le comité d'éthique du projet HUGO, dans sa Déclaration sur le contrôle et l'accès des prélèvements d'ADN (1998), recommande la non-divulgation à des tiers de la participation d'une personne à un projet de recherche, et la mise en œuvre de mesures de sécurité permettant de garantir le respect des niveaux de confidentialité désirés. Les règles concernant l'anonymat des données, afin d'empêcher l'établissement de liens d'identification, ne sont pas les mêmes dans toutes les biobanques et, au Canada, il s'impose de rendre ces règles transparentes et de les expliquer clairement à la population. Le comité d'éthique du projet HUGO estime essentielle aussi la standardisation internationale des normes d'éthique régissant le contrôle et l'accès des prélèvements d'ADN et des données génétiques (Webster et al., 2001). La conformité aux normes internationales sera probablement un des points soulevés par les Canadiens.

Les mécanismes de surveillance des biobanques sera aussi d'une importance critique pour le public. Les méthodes, les auteurs et la fréquence des examens et des vérifications seront d'autres points soulevés. En cherchant des leçons dans l'histoire de la thérapie génique, le seul fait qu'aux États-Unis, des scientifiques ou des fabricants de produits pharmaceutiques ne se soient pas conformés aux exigences fédérales en matière de rapports et n'aient pas prévenu les National Institute of Health des décès advenus dans le cours d'une expérience, montre à quel point il est essentiel de soumettre à une surveillance rigoureuse un domaine aussi épineux. Il pourrait s'avérer nécessaire, par exemple, de créer un comité permanent de surveillance, à l'échelle nationale, de la recherche sur et dans les biobanques. Une telle mesure ne dénie pas l'utilité des comités d'éthique locaux, mais ces entités locales ont aussi leurs limites, dont la moindre n'est pas l'omniprésence des conflits d'intérêt, du moins d'après George Annas, un spécialiste de la protection de la vie privée (Uehling, 2002). Un comité de surveillance fédéral pourrait se charger d'examiner les protocoles et de surveiller la recherche dans les biobanques, et garantir ainsi la conformité aux normes et lignes de conduite prescrites. Ce comité pourrait aussi assurer le suivi de l'évolution et de l'exploitation de la biobanque, produire des rapports périodiques, servir de ressource d'orientation au sujet des questions sociales et éthiques et se faire le lieu d'un débat national permanent (Martin, 2001). En outre, le comité de surveillance fédéral pourrait remplir une fonction de prévision et de planification en encourageant la discussion au sujet des enjeux futurs propres à éveiller les inquiétudes de la population (Kaye et Martin, 2000; Martin, 2001; Cohen, 2001).

Recherches complémentaires. Il est évident que toute tentative d'édification d'une banque de gènes, et le cadre juridique et institutionnel entourant obligatoirement une telle entreprise, devront s'inscrire au sein des particularités propres à un contexte régional ou national. Le présent rapport a montré des esquisses des opinions du public et des spécialistes d'un peu partout dans le monde, mais il faut se rappeler que l'on n'exagérera jamais assez l'importance de tenir compte des caractéristiques locales en matière sociale, juridique, politique et économique.

À titre d'exemple, l'une des questions fondamentales que devraient viser les débats sur l'utilisation des données génétiques est celle de la mesure dans laquelle les valeurs et les inégalités sociales déterminent quels problèmes de santé sont jugés graves ou importants (Chadwick, 1988). Les maladies « graves » ou « importantes » et les thérapies mises à la disposition des patients sont déterminées par un réseau complexe de facteurs sociaux, culturels, financiers et politiques. La place accordée à l'individualisme, par opposition aux traditions de la collectivité, aura aussi une certaine incidence sur la conception et l'exécution du processus d'obtention du consentement.

Le Canada est immense dans sa géographie et d'une grande diversité ethnique et culturelle dans sa population. Il compte aussi de nombreuses collectivités autochtones et des îlots géographiques de sous-groupes démographiques homogènes tels les Terre-Neuviens et les Canadiens de langue française. Une bonne partie des questions abordées dans le présent document requièrent une sensibilisation aux normes internationales ainsi qu'aux besoins et aux intérêts locaux.

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    Création: 2005-07-13
Révision: 2007-06-28
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