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Instituts de recherche en santé du Canada

Le 14 novembre 2002
Ottawa, Ontario

La protection de la vie privée et la recherche sur la santé : partager de nouvelles perspectives et ouvrir de nouveaux horizons

George Radwanski
Commissaire à la protection de la vie privée du Canada


Je suis très heureux de pouvoir vous rencontrer à cette occasion.

Il n'arrive pas tous les jours qu'un organisme canadien d'envergure tienne une conférence sur la protection de la vie privée. Il s'agit de l'atelier le plus récent qui s'inscrit dans une série d'initiatives de l'IRSC en matière de recherche, qui ont permis d'informer et de raviver le débat public sur un sujet qui suscite un intérêt et des préoccupations manifestes de ma part, en tant que commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Au cours des deux dernières années et demie, l'Institut de recherche en santé du Canada a déployé d'immenses efforts pour étudier le nouveau régime juridique du Canada visant la protection des renseignements personnels sur la santé. Je sais pertinemment que cette affinité avec la recherche se développe avec le territoire lorsque vous vaquez à vos activités de recherche. Je voudrais tout de même féliciter l'IRSC pour le temps et les ressources qu'il a mis à la fois pour comprendre le nouvel environnement et préparer le milieu de la recherche en santé du Canada à bien s'y adopter.

Je constate également que les organisateurs sont parvenus à réunir un ensemble impressionnant de décideurs, de chercheurs médicaux, de collecteurs et dépositaires de données, de défenseurs des droits des consommateurs et d'experts en droit et éthique. Je suis convaincu que vos échanges au cours de cet atelier de deux jours vous permettront de prendre davantage conscience de l'importance de protéger les renseignements personnels en matière de santé et de trouver les meilleurs moyens possible pour y parvenir dans le cadre de la recherche sur la santé.

Cette rencontre arrive à un moment opportun. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui réglemente la façon dont les organisations peuvent recueillir, utiliser et communiquer des renseignements personnels, assurera bientôt une protection complète contre des ingérences injustifiées dans la vie privée des citoyens. Vu la façon dont la recherche moderne est structurée et financée au Canada, bon nombre d'activités de recherche seront assujetties à la Loi lorsque sa portée s'élargira en janvier 2004 pour y inclure toutes les organisations engagées dans des activités commerciales.

J'appréhende aisément que bon nombre d'entre vous pourriez être inquiets des conséquences que cette Loi aura sur vos recherches. L'IRSC a un évident intérêt à s'assurer que les chercheurs peuvent obtenir les données dont ils ont besoin pour effectuer des études de haute qualité. Par ailleurs, il est important pour les chercheurs, les dépositaires de données et les comités d'éthique pour la recherche de comprendre la Loi et de s'y conformer.

Permettez-moi d'être très clair là-dessus dès au départ : je n'ai absolument pas l'intention, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, de m'ériger en obstacle à la recherche sur la santé, qui joue un rôle tellement vital pour ce qui est de sauver des vies et d'améliorer la santé. Je ne crois pas que le respect de la vie privée soit un obstacle pour la recherche en santé - en fait, dans la conjoncture mondiale actuelle, il s'agit d'une condition essentielle à son succès. Par ailleurs, je suis convaincu que la LPRPDÉ est tout est à fait compatible avec une mise en ouvre réussie de la recherche sur la santé.

Dans mes propos de ce soir, j'aimerais vous expliquer ma position concernant les droits relatifs à la vie privée dans le contexte de la recherche en santé; et, du même coup, répondre à quelques-unes des préoccupations qu'a soulevées l'IRSC.

Mais d'abord, quelques mots sur la nature de la protection des renseignements personnels et les objectifs de la Loi. Le respect de la vie privée est un droit fondamental de la personne reconnu comme tel dans la déclaration des Nations Unies sur les droits de l'homme. Comme l'a dit le juge La Forest de la Cour suprême du Canada, ce droit est « au cour de la liberté dans un État moderne ».

Mais il ne s'agit pas uniquement d'un droit fondamental de la personne - il s'agit également d'un besoin inné et profondément humain. Lorsque vous rentrez à la maison le soir, vous tirez probablement les rideaux - non pas parce que vous faites quelque chose de mauvais, mais parce que vous tenez tout simplement à votre intimité.

Admettons que vous soyez en train de lire dans l'avion ou dans l'autobus, et que la personne assise derrière vous s'étire le cou pour observer ce que vous lisez. Vous ne vous sentiriez sans doute pas très à l'aise, non pas parce qu'il s'agirait d'information secrète ou embarrassante, mais parce que l'on empiète sur votre vie privée.

Si, par malchance, un individu est entré par effraction dans votre foyer ou votre voiture, vous savez pertinemment que le sentiment d'intrusion - le sentiment que votre intimité n'a pas été respectée - peut être encore plus douleureux que la perte même d'objets volés.

Je définis le respect de la vie privée comme le droit de contrôler l'accès à sa propre personne et aux renseignements personnels à son sujet. Et ce droit fondamental, inné de la personne, le droit à la protection à la vie privée, est particulièrement important en ce qui a trait aux renseignements personnels sur la santé - des renseignements sur l'état de notre propre corps et de notre esprit.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques a pour objectif d'équilibrer les droits au respect de la vie privée contre le besoin qu'ont les organisations de recueillir, d'utiliser et de communiquer des renseignements personnels. Promulguée en vertu du pouvoir en matière de commerce du gouvernement fédéral, cette loi bien moderne a été conçue pour faire face à un problème tout à fait moderne.

Le problème se résume ainsi. Jusqu'à plus ou moins récemment, les renseignements personnels étaient protégés plutôt par défaut. Pour autant que des renseignements à notre sujet étaient consignés dans des dossiers sur papier et éparpillés à plusieurs endroits, il aurait fallu être passablement déterminé pour compiler le dossier complet d'une personne. Or, la tenue électronique des dossiers, de plus en plus répandue, fait voler en éclat les barrières du temps, de la distance et des coûts qui jadis constituaient des sauvegardes pour la vie privée. Les progrès réalisés dans la gestion de l'information permettent maintenant de collecter, de stocker, de relier et de recouper des renseignements comme jamais auparavant. Cette nouvelle situation rend maintenant plus efficace la tenue de dossiers et permet de multiplier les combinaisons possibles de données de façon à provoquer éventuellement de nouvelles découvertes scientifiques. Mais du même coup, cette situation accroît les risques d'une mauvaise gestion et d'un emploi abusif des renseignements, avec tous les préjudices qui peuvent s'ensuivre.

C'est pourquoi nous avons besoin de la Loi. Elle établit un mécanisme pour réglementer la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels, et qui reconnaît que les diverses raisons qui tentent de justifier l'utilisation et la communication des renseignements personnels ne sont pas toutes valides, et que le respect de la vie privée n'est pas un droit absolu.

Voici ce que dit la Loi grosso modo:

Hormis quelques exceptions limitées, une organisation ne pourra recueillir, utiliser ou communiquer de renseignements personnels sur une personne sans le consentement de cette dernière.

Les seules fins auxquelles de tels renseignements pourront être traités sont les fins auxquelles le consentement a été accordé.

Même avec un consentement, une organisation ne pourra recueillir, utiliser ou communiquer de renseignements personnels que pour les fins qu'une personne raisonnable pourrait considérer comme appropriées dans les circonstances.

Toute personne a droit de prendre connaissance des renseignements personnels détenus à son sujet et d'en corriger les inexactitudes.

Il existe une surveillance indépendante qui est exercée - c'est ma fonction et celle de mon bureau - pour s'assurer que la loi est respectée. Et des mesures de réparation sont prises lorsque les droits de la personne sont violés.

À l'heure actuelle, la Loi s'applique à tous renseignements personnels, y compris ceux sur la santé, qui sont recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre d'activités commerciales par des ouvrages et entreprises de compétence fédérale, y compris les renseignements tenus par les employés. La Loi s'applique également aux renseignements personnels tenus par des organisations sous juridiction provinciale lorsque de tels renseignements sont vendus, loués ou troqués de part et d'autre des frontières provinciales ou nationales.

À partir de janvier 2004, la Loi s'appliquera à tous renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans le cadre des activités commerciales de toutes les organisations au Canada. C'est à ce stade que les activités de recherche seront assujetties à la Loi.

Toutefois, la Loi ne s'applique pas uniquement dans une situation spécifique. Dans les provinces qui ont promulgué des lois qui sont « essentiellement similaires » à la Loi fédérale, le gouverneur en conseil peut entièrement ou en partie exempter le secteur privé sous réglementation provinciale de l'application de la Loi pour les activités commerciales qui se tiennent à l'intérieur des frontières de la province. La Loi continuera également de s'appliquer aux ouvrages et entreprises de compétence fédérale dans toutes les provinces. Elle continuera aussi à s'appliquer aux renseignements personnels lorsque ces derniers seront recueillis, utilisés et communiqués de part et d'autre des frontières provinciales et nationales.

Voilà ce que dit la loi grosso modo.

J'ai mentionné tout à l'heure que la Loi ne prend pas en compte toutes les raisons concernant l'utilisation ou la communication renseignements personnels de la même manière. Par exemple, l'article 7 exempte les organisations qui sollicitent le consentement pour la communication et l'utilisation de renseignements à certaines fins, dont la recherche érudite.

Plus particulièrement, selon les alinéas 7(2)c) et 7(3)f) de la Loi, une organisation ne peut utiliser ou communiquer de renseignement personnel à l'insu de l'intéressé et sans son consentement que moyennant les cinq conditions suivantes.

En premier lieu, la communication ou l'utilisation est faite uniquement à des fins statistiques ou à des fins d'étude ou de recherche érudites.

Deuxièmement, ces fins ne peuvent être réalisées sans que le renseignement soit utilisé ou communiqué.

Troisièmement, le renseignement est utilisé d'une manière qui en assure le caractère confidentiel.

Quatrièmement, le consentement est pratiquement impossible à obtenir.

Enfin, l'organisation qui sollicite l'exemption en vertu de l'article 7 de la Loi doit au préalable m'informer - le commissaire à la protection de la vie privée - de l'utilisation ou de la communication prévue.

En résumé, la Loi reconnaît que des objectifs tels que la recherche érudite nécessitent différentes règles, mais exige que des mesures de précaution soient intégrées dans les systèmes de traitement d'information du chercheur de sorte que les personnes dont les renseignements personnels sont utilisés n'aient pas à subir, par mégarde, de préjudices au cours du traitement.

De toute évidence, la Loi n'a jamais eu pour objet d'empêcher ou d'entraver des recherches légitimes en matière de santé qui font appel à des renseignements de manière qu'ils n'aient aucune répercussion possible sur les personnes concernées.

Par conséquent, j'entends, comme je l'ai mentionné dans mon rapport annuel au Parlement l'année dernière, interpréter de façon très large la définition d'étude statistique ou érudite, ou de « recherche » dans la Loi.

Toute recherche en santé effectuée de bonne foi, par des organisations légitimes moyennant des mesures de précaution appropriées, constituera, à mon avis, « une étude statistique ou érudite, ou une recherche », même si elle comporte un élément d'intérêt pécuniaire.

En second lieu, j'admets que la recherche en santé, de par sa nature, exige des renseignements personnels, malgré le fait que les chercheurs devraient utiliser le moins d'information repérable possible pour atteindre le but proposé. Quant à l'impossibilité d'obtenir un consentement, j'accepte comme principe général que les facteurs coûts et la difficulté d'obtenir un consentement auprès de 100 % d'une population cible pourraient rendre impossible l'obtention d'un consentement personnel pour bon nombre de recherches en santé. Par conséquent, j'entends adopter un point de vue élargi et libéral sur la question de l'impossibilité du consentement.

Quant à la prescription visant à m'informer au préalable de toute recherche qui exigerait une exemption d'après l'article 7, là encore, j'entends adopter une approche très libérale - c'est-à-dire raisonnable et pratique. Mon bureau et moi-même n'avons ni les ressources ni l'intention de prendre acte de tous les projets de recherche en santé effectués au Canada. Plutôt, j'aimerais être tenu informé de toutes les organisations qui réalisent de telles recherches, et des mesures de protection qu'elles ont mises en place.

Et cela m'amène à la dernière condition liée à une exemption - il s'agit d'une condition capitale. Toute cette interprétation libérale que j'entends adopter comporte une exigence absolument inflexible de ma part : les renseignements utilisés à des fins de recherche en santé doivent strictement se confiner à des projets de recherche et ne porter préjudice à la personne concernée de quelque façon que ce soit.

Dans aucune circonstance, ces renseignements ne devront être divulgués aux employés de la personne concernée, à ses assureurs, à sa parenté ou ses connaissances, aux autorités policières, aux agents de marketing ou à d'autres tierces parties. De plus, l'intéressé ne devra être contacté par suite de ces renseignements par une personne autre que son médecin ou un agent de soins de santé primaires. Je considérerai comme une violation très grave de la Loi toute atteinte portée à cette condition.

Autrement dit, lorsqu'il s'agit d'utilisations secondaires de renseignements personnels sur la santé à des fins de recherche médicale, voici la règle no 1 : Ne pas porter préjudice. La plupart d'entre vous reconnaîtrez également ce principe éthique du serment d'Hippocrate, qui a été la clé de voûte de la déontologie médicale depuis deux millénaires et demi, et qui - fait significatif - considère le respect de la vie privée comme la cheville ouvrière de la relation médecin-patient!

Le respect de la vie privée et les soins de santé sont liés de façon très étroite. Si les gens ne sont pas convaincus que les renseignements personnels dont disposent leur médecin à leur sujet est en bonnes mains, les conséquences seront regrettables. Nous savons que bon nombre de maladies affichent un meilleur pronostic lorsqu'elles sont décelées et traitées de façon précoce. Nous savons également que traiter la maladie coûte plus cher que d'adopter des mesures préventives. Si les gens hésitent à solliciter un traitement ou qu'ils cessent de se confier à leur médecin, tant la santé publique que le trésor public en souffrira.

En dehors de l'éthique et d'une solide gestion financière, les chercheurs en santé ont leurs propres motifs pragmatiques pour protéger les droits à la vie privée lorsqu'il est question de renseignements personnels en matière de santé. Si les gens craignent d'aller voir leur médecin, même les échantillons de recherche seront biaisés. Vous imaginez-vous à quel point la qualité et la disponibilité des données se détérioreront rapidement si les patients refusent de confier certains renseignements à leur médecin ou se mettent à délaisser des tests courants et des visites chez le médecin sauf dans des situations constituant un danger de mort ?

C'est sans doute pourquoi les inquiétudes en matière de confidentialité et de respect de la vie privée sont si bien en vue dans les lignes directrices visant l'analyse des projets de recherche scientifique au Canada. Par exemple, la section 3 de l'Énoncé de politique inter-conseils sur la conduite éthique dans la recherche visant les humains exige que les chercheurs déterminent les fins auxquelles ils utiliseront les renseignements. Cette section impose également des limites à l'utilisation, à la communication et à la consignation de tels renseignements. La position de l'Énoncé, qui consiste à ne pas porter préjudice, va de pair avec ma propre position; le document en question souligne en effet que les personnes ne devraient pas subir de préjudice en raison d'une utilisation non autorisée de renseignements personnels à leur sujet qui devraient, à leur avis, rester confidentiels.

Les comités d'éthique pour la recherche jouent également un rôle important dans le milieu de la recherche en santé, en s'assurant que les projets de recherche canadiens satisfont à des normes élevées en matière d'éthique. Si le feu vert de la part de l'un de ces comités ne saurait éclipser la Loi, je pense qu'ils peuvent aider les chercheurs à s'y conformer en incorporant des pratiques équitables de traitement de l'information dans leurs directives d'analyse.

Toutefois, le texte législatif m'accorde le dernier mot. Le Parlement m'a confié le devoir de surveiller l'observation de la Loi. Vous me permettrez donc de dire quelques mots au sujet de son interprétation, notamment parce que l'IRSC demande de façon répétée plus de clarté dans les dispositions de la LPRPDÉ.

L'année dernière, l'IRSC a proposé que la Loi incorpore une réglementation assurant une direction sur plusieurs points qui permettraient aux chercheurs de ne pas dévier de la Loi. Comme bon nombre d'entre vous le savez déjà, mon bureau et moi-même, nous nous sommes opposés à une telle réglementation - non pas nécessairement parce que je serais en désaccord avec son contenu. Plutôt, je craignais que la certitude vaudrait excessivement cher, que la Loi perdrait la flexibilité dont elle a besoin pour faire face à la fois à l'évolution accélérée des technologies de l'information et à la nature changeante de la vie privée. Par exemple, même si un certain élément d'information personnelle peut être tout à fait anonyme en raison de la technologie actuelle, demain, ce même élément pourrait être retracé à sa source de façon instantanée. De plus, j'ai pensé que si l'on fignolait à outrance le texte de loi, cela inciterait plutôt les gens à chercher des échappatoires.

Par ailleurs, la mise en place d'un chien de garde muni de pouvoirs discrétionnaires pour assurer le respect de la vie privée constitue une approche bien plus nuancée que de s'en tenir à une vue étroitement rigoriste de la loi. Même si je détiens un diplôme en droit et que je nourris un profond respect à l'endroit des tribunaux, la lettre de la loi ne permet pas de toujours faire face aux subtilités liées au respect de la vie privée. Cela ne permettrait pas le niveau de discrétion, de sensibilité et de flexibilité nécessaire pour rendre exécutoire le respect de la vie privée en tant que droit.

Nous avons remarqué, ces dernières années, bon nombre de circonstances comportant des faits fortement condamnables empiétant sur la vie privée, mais qui ne constituaient pas comme tels une violation de la lettre de la loi. L'ouverture courante du courrier international par les agents de Douanes, par exemple, n'était pas une violation de la loi. Il ne s'agissait pas moins d'un grave empiètement sur la vie privée. Cette ingérence aurait été difficile à contester devant les tribunaux. Toutefois, la persuasion, la flexibilité et une attitude raisonnable ont donné lieu à des victoires en faveur de la vie privée, et pour toutes les parties en cause.

Ce genre de résultat, où l'on ne se contente pas de la lettre de la loi afin de mieux en saisir l'esprit, est fortement associé au modèle de l'ombudsman. Et ce mécanisme joue à plein lorsqu'un commissaire à la protection de la vie privée dispose d'une certaine manouvre pour interpréter la loi de façon sensible et fonctionnelle.

Il en est de même pour l'autre versant de l'équation. Une réglementation rigide pourrait se retourner contre ses promoteurs, restreignant la recherche selon des façons qu'une formule pleine de sens pourrait éviter.

Cela m'amène à aborder une autre préoccupation que certains d'entre vous avez soulevée. Lorsqu'une utilisation ou communication particulière de renseignements personnels est portée à mon attention et que je dois décider s'il s'agit d'une violation de la Loi, je dois me demander si une personne raisonnable considérerait appropriée dans les circonstances l'utilisation ou la communication de cette information à de telles fins.

C'est ce qu'explique la section 3. Qu'en est-il au juste ?

Le test de la personne raisonnable est un aspect durable de la common law qui a été incorporé dans bon nombre de textes législatifs. La prémisse sous-jacente est que le bon sens, plutôt qu'un enseignement de haut calibre ou un intellect supérieur, suffit pour interpréter la loi. Qui donc est cette personne raisonnable hypothétique. Pour les besoins de la LPRPDÉ, il s'agit de moi-même. C'est à moi qu'il incombe, au nom des Canadiens, d'examiner tous les faits dans la perspective d'une personne raisonnable et de déterminer si les motifs visant l'utilisation, la collecte ou la communication des renseignements personnels sont appropriés dans les circonstances.

La LPRPDÉ confère au commissaire à la protection de la vie privée passablement de discrétion pour interpréter la Loi et de rechercher les transgresseurs sans attendre qu'une plainte soit déposée. Je sais que l'IRSC a exprimé des inquiétudes concernant ces vastes pouvoirs discrétionnaires et concernant l'effet paralysant possible que l'incertitude pourrait exercer sur la recherche en santé.

Permettez-moi de vouloir calmer cette crainte. On n'a qu'à se rappeler que des alertes semblables se sont fait entendre de la part de certains groupes de défense et de promotion de la santé, alors que la Loi faisait l'objet d'une étude en comité et même après qu'elle a été entérinée l'année dernière. Ces groupes ont fait des pressions pour retarder l'application de la Loi en pensant qu'elle engendrerait des retombées fortement négatives sur le système de soins de santé. Pour ma part, je n'ai remarqué aucune retombée négative sur le système, ni d'inconvénient manifeste pour les affaires.

Aussi, je prédis que le milieu de la recherche en santé connaîtra essentiellement la même transition en douceur lorsque la portée de la LPRPDÉ s'étendra pour viser l'ensemble du secteur privé dans à peine plus d'un an.

J'espère avoir pu dissiper certaines de vos préoccupations. Mon approche consistera essentiellement à permettre aux chercheurs en santé de scruter discrètement au-dessus des épaules du médecin ou de l'agent de soins de santé primaires. Par contre, cet accès privilégié comportera une responsabilité accrue - celle d'assurer la sécurité de tels renseignements dans les limites de ce cercle élargi.

Il va sans dire que la recherche en santé occupe une place très respectée dans notre société. Nous accueillons avec grand intérêt les nouveaux vaccins, les nouveaux traitements et les nouvelles technologies médicales qui ont éliminé des maladies et ont sauvé des vies. Récemment, un intérêt grandissant s'est fait sentir pour la recherche en promotion de la santé, une recherche qui ne vise pas seulement à combattre la maladie ou à prolonger la vie, mais également à améliorer la santé et le bien-être. Jadis contents de prolonger la vie, nous désirons maintenant en améliorer la qualité et vivre mieux.

Je soulève ce point dans le contexte d'un discours sur la protection de la vie privée parce que de nombreuses personnes dans le secteur de la santé ont soutenu qu'il se peut que nous devions accepter aujourd'hui certains empiètements sur notre vie privée, quitte à récolter demain les bénéfices de la recherche médicale.

Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un compromis nécessaire ou satisfaisant. À l'occasion de tous les discours que j'ai prononcés depuis que j'ai été nommé commissaire à la protection de la vie privée, j'ai tenu à souligner l'importance du droit à la vie privée pour les citoyens et pour la société. Le droit à la vie privée est un élément clé de nos libertés fondamentales qui expliquent que notre société fait bon vivre. La cote que j'accorde à ce droit est la même que celle que je confère à la liberté d'expression, à la liberté d'association et à la liberté de conscience. Si la connaissance médicale et les traitements d'importance vitale devaient comporter pour rançon nos libertés fondamentales, quelle joie aurions-nous à prolonger notre vie et à disposer d'une meilleure santé ? Nous affirmons que la santé n'a pas de prix. En est-il vraiment ainsi ? Ou bien, la qualité du monde où nous vivons est-elle pour quelque chose dans notre capacité de jouir d'une bonne santé ? N'est-ce pas pourquoi, d'ailleurs, les sociétés modernes ont créé les droits de la personne ?

J'ai mentionné plus tôt que l'IRSC s'est beaucoup fait entendre dans le dialogue stratégique qui s'est constitué autour de la LPRPDÉ. L'élaboration des politiques publiques au Canada est un processus étrangement accusatoire qui se polarise de plus en plus à mesure que le débat se prolonge. Il arrive parfois que la course que nous menons pour nous distancer les uns des autres nous empêche de voir ce que nous partageons en commun. Mon travail et celui de mes homologues des provinces consistent à défendre de façon énergique les droits à la vie privée des Canadiens et des Canadiennes, notamment leur droit d'exercer un contrôle d'accès aux renseignements personnels en matière de santé qui les concernent - l'information le plus personnelle qui soit.

Toutefois, mon instinct me dit que les commissaires à la protection de la vie privée et les chercheurs en santé ont beaucoup en commun. L'IRSC a toujours plaidé en faveur d'un accès aux données en des termes qui ont reconnu l'importance de la protection des renseignements personnels en matière de santé, en raison de ses rapports intimes et fondamentaux avec le droit à la dignité, à l'intégrité et à l'autonomie. Vous avez fait valoir le besoin pressant de répondre aux inquiétudes du public concernant la confidentialité et le caractère privé des renseignements personnels en matière de santé, dans un contexte où les progrès technologiques ont rendu possible un traitement de données de plus en plus sophistiqué. Vous avez reconnu que les politiques et les directives doivent évoluer à l'unisson avec la technologie, de manière à s'assurer que des sauvegardes appropriées sont en place et que les droits fondamentaux à la vie privée et à la confidentialité sont respectés.

Même si les scientifiques et les commissaires à la protection de la vie privée abordent la question du droit à la vie privée selon des perspectives différentes et avec des outils analytiques distincts, je pense que nous partageons des préoccupations communes pour la dignité humaine et la qualité de vie des citoyens. Aussi, j'espère bien pouvoir poursuivre un dialogue animé avec le milieu de la recherche en santé au Canada et je vous souhaite un atelier des plus productifs et stimulants.