Résumé
Les plus de 5 millions de Canadiennes et de Canadiens qui s'adonnent à la
pêche récréative à la ligne consacrent chaque année au-delà de 50 millions
de jours à la pêche en eaux libres. Ces pêcheurs sportifs rejettent du
plomb dans l'environnement lorsqu'ils perdent des pesées et des turluttes
faites de ce métal. On estime que les pesées et les turluttes perdues ou
jetées représentent 500 tonnes de plomb, soit 14 p. 100 de tout le plomb non
récupérable rejeté dans le milieu naturel canadien chaque année. Les espèces
sauvages, surtout les oiseaux ichtyophages et d'autres oiseaux aquatiques,
avalent des pesées et des turluttes, soit qu'ils les prennent pour des
aliments ou du gravier, soit qu'ils consomment des poissons-appâts perdus
et la ligne et les poids qui y sont encore fixés. En général, les espèces
sauvages avalent des pesées de plomb de moins de 50 g et de moins de 2 cm
de longueur ou de diamètre. L'ingestion d'une seule pesée de plomb ou d'une
seule turlutte à tête plombée, qui peut représenter plusieurs grammes de
plomb, suffit à exposer un plongeon ou un autre oiseau à une dose fatale
de ce métal. Des données ont été recueillies au Canada sur la présence
de pesées et de turluttes en plomb dans l'organisme d'individus appartenant
à 10 espèces sauvages. Aux États-Unis, il en existe sur l'ingestion de pesées
et de turluttes en plomb par 23 espèces sauvages : plongeons, cygnes, autres
espèces de sauvagine, grues, pélicans et cormorans. Les observations recueillies
jusqu'à maintenant indiquent que l'ingestion de pesées et de turluttes
en plomb est la seule grande source d'exposition élevée au plomb et d'intoxication
par le plomb chez le Plongeon huard Gavia immer ainsi que la cause la plus
importante des décès signalés pour le Plongeon huard adulte dans l'Est
du Canada et des États-Unis, et qu'elle entraîne plus souvent la mort que
la capture dans les engins de pêche, les traumas, la maladie et les autres
causes de mortalité.
Selon les données en notre possession, les populations de Plongeons huards
sont, sauf dans quelques cas locaux ou régionaux, stables ou à la hausse
dans la plus grande partie de l'aire de répartition de cette espèce au
Canada. Nous ne disposons pas en ce moment assez d'information pour déterminer
si la mortalité des plongeons par intoxication au plomb consécutive à l'ingestion
de pesées a des effets à l'échelle des populations en un endroit quelconque
au Canada, ni pour estimer avec certitude la fréquence minimale d'intoxication
qui, associée aux effets d'autres agresseurs environnementaux, est nécessaire
pour que les empoisonnements influencent de façon significative la dynamique
des populations. Pour estimer les effets démographiques de l'empoisonnement
des plongeons par ingestion de pesées, il faudrait, outre les connaissances
actuelles, posséder des données précises sur le cycle vital, obtenues par
le marquage d'oiseaux, afin de dériver des paramètres démographiques importants
pour les populations locales ou régionales de plongeons au Canada, procéder
à des analyses d'ADN afin de mieux définir les « populations », mieux comprendre
les interactions des multiples agresseurs environnementaux pouvant influencer
la dynamique des populations et intégrer ces nombreux agresseurs à une
analyse spatiale à grande échelle effectuée à l'aide de systèmes d'information
géographique. Cette recherche serait coûteuse et longue, puisqu'il faudrait
surveiller à long terme un nombre considérable d'individus bagués appartenant
à plusieurs populations sélectionnées.
Il est possible de fabriquer des pesées et des turluttes à l'aide d'un
grand nombre de matières qui ne nuisent pas à l'environnement, dont l'étain,
l'acier, le bismuth, le tungstène, le caoutchouc, la céramique et l'argile.
Les produits de rechange les plus couramment vendus au Canada sont les
pesées d'étain, d'acier et de bismuth, et les turluttes de bismuth. Bon
nombre des produits de remplacement sont à l'heure actuelle plus coûteux
que le plomb, mais on prévoit que leur utilisation fera augmenter les dépenses
totales annuelles du pêcheur à la ligne moyen de moins de 1 p. 100 (~2,00 $).
Néanmoins, du fait que les pêcheurs peuvent se procurer des produits de
plomb (moins chers), il est difficile pour la fabrication et la vente de
produits de rechange non toxiques de devenir commercialement viables.
Les gouvernements ont pris certaines mesures réglementaires d'une portée
limitée pour réduire l'utilisation des pesées et des turluttes en plomb,
non seulement au Canada mais aussi ailleurs. En 1987, la Grande-Bretagne
a interdit l'utilisation des pesées de plomb de moins de 28,35 g. Les États-Unis
ont interdit l'utilisation des pesées et des turluttes en plomb dans trois
refuges nationaux de la faune et dans le parc national Yellowstone, et
étudient en ce moment la possibilité de prendre d'autres mesures. Le New
Hampshire, le Maine et l'État de New York ont ratifié des règlements interdisant
l'utilisation de pesées de plomb, applicables sur tout le territoire de
ces États, à partir, respectivement, de 2000, de 2002 et de 2004. Environnement
Canada et l'Agence Parcs Canada ont interdit en 1997 aux personnes qui
pêchent dans les réserves nationales de faune et les parcs nationaux de
posséder des pesées et des turluttes de plomb de moins de 50 g, en vertu,
respectivement, de la Loi sur les espèces sauvages au Canada et de la Loi
sur les parcs nationaux. Ces deux règlements ont toutefois une portée géographique
limitée, puisqu'ils concernent moins de 3 p. 100 des terres émergées du Canada;
ils ne touchent, de plus, qu'environ 50 000 des quelque 5,5 millions de pêcheurs
sportifs à la ligne que compte le Canada, soit moins de 1 p. 100. À l'heure
actuelle, la plupart des pêcheurs sportifs à la ligne continuent d'utiliser
des pesées et des turluttes en plomb.
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