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Accueil Publications Rapports des projets 2001 Brevetabilité des formes de vie supérieures et enjeux connexes : Rapport provisoireTable des matièresBiotechnologie, propriété intellectuelle et régime des brevets
Préoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologie
Trois méthodes possibles Résumé des trois méthodes permettant de composer avec les considérations sociales et éthiques Brevetabilité des êtres humains
Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux non humains) Droits des détenteurs de brevets Certaines considérations sociales et éthiques
Effet du brevetage en biotechnologie sur le système des soins de santé Directives applicables aux brevets et processus en biotechnologie
Rapport sur la performance Harmonisation internationale du droit et des procédures des brevets Système simplifié de contestation de brevets Annexe A – Membres du Comité consultatif canadien de la biotechnologie Rapport sommaireCe rapport sommaire présente non seulement l’éventail des recommandations que propose le Comité consultatif canadien de la biotechnologie (CCCB), mais également le contexte sous-tendant les données et arguments fondamentaux dont on a tenu compte pour élaborer ces recommandations. Conséquemment, ce rapport sommaire s’avère relativement plus long que ceux de la plupart des rapports provisoires de ce type. Sa longueur l’imposant, sa structure calque celle du rapport provisoire lui-même. IntroductionDonnées de baseLe gouvernement du Canada a invariablement considéré la biotechnologie comme un secteur névralgique de la nouvelle économie basée sur le savoir. L’un des éléments principaux du renouvellement de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie en 1998 (qui avait vu le jour sous un autre nom en 1983) portait sur la mise sur pied d’un comité indépendant d’experts ayant pour mission l’octroi de conseils au gouvernement sur les enjeux de la biotechnologie, une meilleure sensibilisation du public et la participation des Canadiens et des Canadiennes aux discussions sur des enjeux de la biotechnologie. Le CCCB a été constitué pour présenter au gouvernement des conseils au sujet des grandes questions reliées aux dimensions éthiques, sociales, réglementaires, économiques, scientifiques, environnementales et de santé de la biotechnologie, conseils élaborés par un groupe d’experts indépendants du gouvernement (voir la liste des membres à l’annexe A). Il présente ses conseils au Comité de coordination ministérielle de la biotechnologie (CCMB), lequel se compose des ministres fédéraux de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de la Santé, des Pêches et des Océans, des Ressources naturelles et du Commerce international. Pour obtenir d’autres renseignements sur le CCCB et ses activités, y compris d’autres sujets de consultation, ainsi que des renseignements généraux sur la biotechnologie, il suffit de se rendre au site Web du CCCB (www.cbac-cccb.ca). Au début de 2000, le CCCB a lancé un programme de recherche et de consultation en matière de politique (voir les annexes B et C) sur le brevetage des formes de vie supérieures et les enjeux y étant reliés. Il a fait de ce projet un enjeu prioritaire de consultation, les pouvoirs publics ayant fait des enjeux en matière de propriété intellectuelle touchant à la biotechnologie en général, et au brevetage des formes de vie supérieures en particulier, un sujet de préoccupation immédiate. La plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), y compris les États-Unis et les membres de l’Union européenne (UE), autorisent le brevetage de plantes et d’animaux. Par contre, de nombreux pays en voie de développement se préoccupent des impacts de la biotechnologie en l’absence de dispositions protégeant les connaissances traditionnelles. De plus, dans certains pays on estime que de tels brevets ne devraient pas être émis, non seulement quand il s’agit de plantes et d’animaux, mais également de tout matériel biologique (séquences d’ADN, gènes, cellules). Le Canada n’autorise pas le brevetage des formes de vie supérieures et ne tient compte ni des préoccupations de l’industrie quant à l’innovation et aux investissements ni des effets et implications de la biotechnologie. Même au sein de pays qui acceptent présentement de breveter des formes de vie supérieures, il n’y a pas consensus sur la façon de traiter les considérations sociales et éthiques. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) traite du brevetage des formes de vie supérieures à l’article 27.3(b), lequel permet aux pays membres d’exclure les plantes et les animaux de la brevetabilité. Quand aura lieu l’examen de cet article, on pourra s’attendre à ce que certains pays (surtout des nations en voie de développement)appuient un accroissement de sa portée, tandis que d’autres (notamment les États-Unis) voudront probablement réduire ou éliminer cette exception. Le Canada réussira à mieux débattre de cette question en se dotant d’une politique nationale avant que ces négociations ne se mettent en branle. Afin de soupeser tous ces enjeux, le CCCB a commandé plusieurs recherches, organisé trois tables rondes d’intervenants (provenant d’organismes non gouvernementaux, d’universités et de l’industrie) et examiné à fond les résultats de recherches sur l’opinion publique. Ensuite, le CCCB a publié un document de consultation pour solliciter l’apport des Canadiens tant directement que par le biais de tables rondes à multiples intervenants qui ont eu lieu à travers le Canada au printemps 2001. Cet ensemble d’activités s’inscrit dans la foulée des mesures prises par le CCCB pour s’assurer que tous les Canadiens ont l’occasion de participer à ces importantes discussions publiques sur la biotechnologie au Canada. Structuration du débatPendant la phase de consultation de ce projet, il est devenu évident que le brevetage des formes de vie supérieures, ainsi que d’autres enjeux entourant le brevetage de matériel biologique, s’avère un sujet trop large et complexe. Pour que les discussions soient productives, il fallait d’abord structurer les enjeux et les opinions. Afin de préparer ce rapport, nous avons fait la synthèse des discussions et commentaires entendus jusqu’à maintenant afin de faire le point sur les diverses facettes de ce sujet complexe et les opinions divergentes qu’il soulève (voir l’annexe D). Le principe sous-tendant cette synthèse reposait sur la place que les considérations sociales et éthiques devraient occuper en matière d’octroi de droits de propriété intellectuelle. Un éventail de points de vue aussi large sur le rôle du régime des brevets dans la société appelle un éventail tout aussi grand de solutions touchant à des questions spécifiques. Le CCCB convient donc qu’un consensus sur toutes les questions est hors de portée, même parmi ses membres, lesquels d’ailleurs reflètent cette diversité de points de vue. Néanmoins, il a cherché, pendant l’élaboration des recommandations provisoires, à rendre justice aux grands arguments mis de l’avant et à fournir des explications limpides quant aux positions provisoires énoncées dans ce rapport.
Contexte éthiqueLes lois, institutions et politiques d’une nation se doivent d’être le miroir des valeurs prédominantes qui animent ses citoyens. À mesure que les valeurs ou l’état des choses évoluent, les lois, institutions et politiques devraient également se mettre au diapason des nouvelles réalités. Le CCCB estime que les recommandations sur la politique officielle doivent ou devraient être formulées de façon à reconnaître explicitement le contexte socio-éthique dans lequel elles devront prendre racine. Les jugements éthiques portant sur des enjeux complexes ne sont pas des jugements autonomes. Ils tendent plutôt à être des jugements « tout compte fait » qui reflètent les facteurs économiques, politiques, juridiques, scientifiques, sociaux, environnementaux et autres (voir l’annexe E). De récentes percées en biotechnologie soulèvent une foule de questions complexes aux dimensions sociales et éthiques majeures. On a imposé des contrôles sociaux à l’adoption de ces percées à la lumière de deux méthodes qui ne s’excluent pas mutuellement. Dans un cas, il s’agit de se fier à l’interprétation de lois et règlements par les cours et d’autres tribunaux. L’autre passe par la modification de lois et règlements ou l’adoption d’une nouvelle législation. Le CCCB estime, par exemple dans le cas de la brevetabilité des formes de vie supérieures, que les considérations sociales et éthiques font suffisamment le poids pour que des contrôles sociaux soient fondés sur la deuxième voie, étant donné que le processus législatif suppose des débats et délibérations ouverts et publics. Il ne faut pas en déduire que la législation est nécessairement le meilleur outil pour composer avec toutes les questions soulevées par un domaine aussi mouvant que la biotechnologie. De plus, même s’il s’avérait que la législation soit la meilleure option, il serait peu probable qu’un outil unique, tel que la Loi sur les brevets, puisse suffire à la tâche puisqu’il existe plusieurs domaines où les contrôles sociaux pourraient être nécessaires ou souhaitables. Cela s’applique tout particulièrement aux questions apparentées aux contrôles sociaux qui devraient toucher aux multiples applications pouvant découler de la propriété intellectuelle en biotechnologie. Grands enjeuxLes grands enjeux sur lesquels porte ce rapport ont trait :
Le CCCB ne formulera ses recommandations finales qu’après avoir examiné les réactions à ce rapport provisoire et entrepris d’autres discussions avec ses membres. Il invite les parties intéressées à lui transmettre des commentaires sur ce rapport et les enjeux dont il traite. Ces commentaires devront lui parvenir au plus tard le 15 mars 2002 afin qu’il puisse en tenir compte lors de la rédaction de son rapport final à l’intention du gouvernement du Canada. Structuration du rapportCe rapport provisoire synthétise et structure la recherche sur la politique faite par le CCCB, les rapports découlant du document de consultation et des tables rondes avec des intéressés et le public en région, ainsi que les délibérations à l’interne, et présente des recommandations provisoires sur une démarche que le gouvernement du Canada pourrait adopter. Outre cette introduction, le rapport provisoire, y compris ses recommandations sur les grands enjeux, comprend six sections :
Biotechnologie, propriété intellectuelle et régime des brevetsLa propriété intellectuelle est essentiellement une propriété intangible découlant d’un processus créateur. Elle couvre une vaste gamme d’activités humaines, allant de la littérature à l’invention. Les droits de la propriété intellectuelle comprennent le droit d’auteur, le brevet, les accords de confidentialité ou de nondivulgation (le secret commercial), le design industriel et les marques de commerce. Bien établis depuis le XVIIIe siècle, ces mécanismes permettent aux créateurs de prémunir leurs innovations contre des usages non autorisés. Dans le monde industrialisé, le brevet est la principale méthode de protection de la propriété intellectuelle en biotechnologie. Le brevet accorde à son détenteur le droit d’empêcher quiconque de fabriquer, d’utiliser ou de vendre l’invention pendant sa période de validité. En échange, ce détenteur est tenu de dévoiler toute l’information touchant au brevet, ce qui permet de mettre rapidement des connaissances utiles à la disposition de la société. Afin d’obtenir un brevet, le demandeur doit démontrer que le produit ou processus est nouveau, non évident et utile. Pour s’assurer d’un débat rationnel sur les questions touchant à ce qui est ou n’est pas brevetable, il importe de reconnaître que le brevet n’accorde que des droits prohibitifs. Le régime canadien des brevets n’a pas été conçu pour décider des usages que l’on peut faire d’une technologie donnée, pas plus que la Loi sur les brevets n’a été conçue pour empêcher que des inventions dangereuses ou discutables sur le plan éthique puissent être faites, utilisées, vendues ou importées. La responsabilité et les outils pour ce faire relèvent d’autres mécanismes (p. ex., l’approbation réglementaire et les processus portant sur la salubrité des produits). Au Canada, on a émis des brevets pour des processus biotechnologiques, des produits issus de tels processus, des séquences d’ADN de plantes, d’animaux et d’êtres humains, des gènes et des cellules et des soi-disant formes de vie inférieures (organismes unicellulaires comme des bactéries et des levures). Jusqu’à maintenant, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) n’a pas reconnu la brevetabilité des formes de vie supérieures au Canada (voir une comparaison internationale à l’annexe F), quoique ce point de vue ait été débattu à deux paliers juridiques et que ce sera à la Cour suprême du Canada de trancher. Méthodes possibles pour régler les problèmes soulevés par les considérations sociales et éthiquesVoici certaines des préoccupations sociales et éthiques les plus souvent soulevées quant à l’émission de droits de propriété intellectuelle en matière d’êtres vivants :
L’on convient en général que de telles préoccupations sociales et éthiques sont importantes et qu’il faut en tenir compte. Cependant, les opinions divergent quand il s’agit de savoir si la Loi sur les brevets est le mécanisme le plus approprié pour ce faire, étant donné que c’est presque toujours la commercialisation d’une invention ou ses utilisations possibles qui soulèvent des préoccupations sociales et éthiques. Ni l’utilisation ni la vente ne relèvent de la Loi sur les brevets. L’accord international sur les ADPIC permet aux pays signataires de déclarer non brevetables certains types d’inventions seulement si leur commercialisation peut mener à une dégradation de l’ordre public ou aller à l’encontre des valeurs morales de la société (une disposition d’ordre public ou de moralité)1. Parmi les pays industrialisés, les gouvernements de l’UE, du Japon et de la Corée ont décidé que les inventions qui auraient de tels effets ne peuvent être brevetées. Par contre, les gouvernements de l’Australie et des États-Unis ont généralement adopté l’argument que les préoccupations morales devraient relever de lois ou règlements spécifiques, non d’une loi sur les brevets. Ce rapport établit ainsi les grandes catégories d’options qui tiennent compte des préoccupations sociales et éthiques. En dehors du régime des brevets
Au sein du régime des brevets
Ces méthodes peuvent chacune suivre divers processus de mise en oeuvre. Quel que soit ce processus, ce dernier devra respecter les obligations internationales du Canada en vertu des ADPIC et des autres accords. Le CCCB sollicite maintenant un apport additionnel de toutes les parties intéressées avant de formuler des recommandations spécifiques touchant aux préoccupations sociales et éthiques ayant trait à la biotechnologie et au régime des brevets. Tout particulièrement, il aimerait d’abord savoir si ce schème de catégorisation s’avère utile pour discuter de la façon de prendre en considération les préoccupations sociales et éthiques. Ensuite, le CCCB aimerait recevoir des commentaires d’autant de gens que possible sur les façons qu’ils jugent les plus aptes à traiter efficacement des questions qui les préoccupent le plus. La perception qu’auront les gens du rôle du régime des brevets en matière de biotechnologie dépendra de la méthode choisie pour tenir compte des considérations sociales et éthiques. Le CCCB s’affaire déjà à élaborer des recommandations provisoires sur d’autres questions afin d’obtenir des commentaires tant sur les méthodes appropriées que sur des enjeux spécifiques (sachant fort bien que les points de vue sur les enjeux reflèteront les préférences quant aux méthodes) avant de présenter ses recommandations finales. Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux)Les formes de vie supérieures regroupent tous les organismes constitués de plus d’une cellule. Les êtres multicellulaires comprennent tous les membres des règnes végétal et animal, ainsi que les êtres humains. La brevetabilité des formes de vie supérieures est un sujet sur lequel les cours canadiennes se penchent présentement. Pour sa part, la Cour suprême du Canada a accepté d’entendre en appel une décision de la Cour d’appel du Canada rendue en faveur du Harvard College sur le brevetage au Canada de l’oncosouris. Aux États-Unis et en Europe, la brevetabilité des formes de vie supérieures a été établie par le biais d’interprétations judiciaires de lois en vigueur. L’Europe a intégré ces changements aux lois régissant le brevetage de matières biologiques. Dans un mémoire consultatif remis au gouvernement fédéral, le CCCB a insisté sur le fait qu’au Canada il fallait examiner cette question et en confier la résolution au Parlement. Brevetabilité des êtres humainsÉtant donné que les humains ne peuvent être sujets à propriété ou esclavage, il est généralement tenu pour acquis que les êtres humains ne peuvent être brevetés. Nonobstant les points de vue exprimés quant au brevetage des formes de vie supérieures, l’on convient unanimement que les êtres humains ne devraient pas être brevetables. Dans certains pays, par exemple l’Australie et ceux de l’Europe, ce principe est explicitement mentionné dans la législation sur les brevets. Le CCCB estime qu’un tel énoncé devrait être intégré à la Loi sur les brevets du Canada. Recommandation provisoire : Non-brevetabilité des êtres humains
Cette recommandation est formulée en langage de tous les jours, plutôt qu’en jargon juridique ou scientifique. Le CCCB est bien conscient que l’élaboration d’une terminologie appropriée pour donner corps à l’intention de la recommandation peut être difficile. Par exemple, si l’on se sert de l’expression « êtres humains », cela voudrait-il dire que des parties d’êtres humains (p. ex., des tissus ou des organes) seraient brevetables? Dans un tel cas, ceci serait-il acceptable? Si l’on se servait de l’expression « corps humain », à quel stade du développement humain, à compter de la conception ou après celle-ci, la notion de corps s’appliquerait-elle? Même l’expression « quel que soit leur stade de développement » n’est pas limpide, car dans la législation européenne elle comprend le sperme et les ovules non fertilisés. Le Canada autorise présentement l’émission de brevets quand il est question de séquences d’ADN, de gènes, de protéines et de cellules. On se pose également des questions au sujet de processus biotechnologiques qui pourraient s’appliquer à des humains, que l’on parle d’êtres ou de corps. La récente Directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, de la Communauté européenne, précise également que les inventions qui impliquent le clonage d’êtres humains, la modification de l’identité de la lignée germinale d’êtres humains et l’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ne sont pas brevetables parce qu’elles sont contraires à l’ordre public ou à la moralité. Au Canada, le projet de loi sur la reproduction humaine assistée, tel que rédigé (dont débat présentement le Comité permanent de la Chambre des communes sur la santé) interdirait également ces activités, mais n’empêcherait pas qu’elles soient brevetées au Canada. Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux non humains)Il n’y a pas de réponse facile à l’autorisation ou non par le Canada du brevetage de plantes, graines et animaux non humains. Des arguments persuasifs militent en faveur du brevetage des formes de vie supérieures et contre celui-ci. En fait, l’accord sur les ADPIC permet spécifiquement aux pays membres d’exclure les plantes et les animaux du brevetage en avançant que leur exploitation commerciale irait à l’encontre de l’ordre public ou de la moralité. De telles exclusions sont spécifiquement prévues pour protéger la vie ou la santé des humains, des animaux ou des plantes ou pour éviter que l’environnement subisse de sérieux torts. Les arguments en faveur du brevetage des formes de vie supérieures comprennent les suivants.
Les arguments contre le brevetage des formes de vie supérieures comprennent les suivants.
Le CCCB n’a pas encore trouvé de consensus quant à la brevetabilité ou non des formes de vie supérieures. La majorité de ses membres qui ont tranché la question a trouvé persuasifs les arguments en faveur de la brevetabilité. Un membre a estimé fort persuasif l’argument voulant que toutes les formes de vie aient une valeur intrinsèque dans le monde naturel et qu’elles ne devraient pas être brevetables. Recommandation provisoire : Brevetabilité des formes de vie supérieures
Limites aux droits des détenteurs de brevetsPrivilège des agriculteursTraditionnellement, de nombreux agriculteurs mettent de côté une partie des graines de leur récolte pour les planter l’année suivante. Cette pratique irait à l’encontre des droits d’un détenteur de brevet. Le privilège des agriculteurs autoriserait cette pratique en autant que la génération suivante de plantes ou d’animaux soit vendue au titre d’aliments, non de matériel reproducteur commercial. Recommandation provisoire : Privilège des agriculteurs
Contrevenant innocentÉtant donné que les plantes et les animaux sont aptes à se reproduire sans aide, il faut reconnaître qu’ils ne seront pas toujours nécessairement sous le contrôle du détenteur de brevet, ou du propriétaire ou du détenteur d’une licence d’utilisation d’une plante ou d’un animal breveté. Recommandation provisoire : Protection contre les plaintes de violation de brevet
Recommandation provisoire : Action en dommages et intérêts
Usage expérimental pour fins de recherche et d’usage expérimentalEn l’absence d’autorisation, la recherche ou l’expérimentation faisant usage d’une invention brevetée pour en arriver à une autre invention contrevient aux droits du détenteur du brevet. Une exemption pour usage expérimental, que de nombreux régimes autorisent, chercherait à établir un équilibre entre l’intérêt du détenteur du brevet de commercialiser son invention et ceux de la société qui désire favoriser les travaux de recherche. Au Canada, cet élément du droit des brevets a été reconnu par les tribunaux, plutôt que par le Parlement. Le CCCB estime qu’il faudrait intégrer cette notion à la Loi sur les brevets. Recommandation provisoire : Exception pour fins d’usage expérimental
Autres enjeux ayant trait à la biotechnologie et à la propriété intellectuelleCertaines considérations sociales et éthiquesPlus tôt dans ce rapport, le CCCB décrivait trois méthodes générales permettant de tenir compte des préoccupations sociales soulevées en matière de biotechnologie, et demandait aux Canadiens de faire valoir leurs opinions sur ces méthodes (voir page vii). Le rapport présente ci-après des recommandations provisoires portant sur les connaissances traditionnelles et le partage des bienfaits qui pourraient être mis en oeuvre peu importe la méthode qui sera ultimement retenue. Recommandation provisoire : Partage des bienfaits
Recommandations provisoires : Connaissances traditionnelles
Effet du brevetage en biotechnologie sur le système des soins de santéOn s’attend à ce que les inventions biotechnologiques brevetées aient une incidence majeure sur la société canadienne en vertu de leur effet sur le consommateur et l’usager de produits et procédés. De plus, elles pourront avoir une incidence au niveau de groupes d’individus à cause de leurs effets sur les services financés à même les deniers publics, par exemple ceux que délivre le système universel des soins de santé. Si de telles considérations ne se limitent pas au seul domaine des soins de santé, de récents développements donnent à penser qu’il est particulièrement opportun d’enquêter systématiquement pour déterminer s’il existe un équilibre juste entre les droits des détenteurs de brevets et ceux des gens qui désirent se prévaloir des bienfaits des innovations en biotechnologie. Le CCCB cherche également à savoir si, et à quel degré, des questions du même ordre se posent dans d’autres secteurs et si des études du même genre doivent être entreprises dans ces secteurs. Recommandation provisoire : Recherche sur l’effet de la biotechnologie sur les soins de santé
Amélioration de la gestion du régime des brevetsDirectives applicables aux brevets et processus en biotechnologieL’information en matière de biotechnologie que présente le Recueil des pratiques du Bureau des brevets ne dit mot sur nombre des questions soulevées dans ce rapport. Il serait utile que l’OPIC émettre des directives précises quant à la brevetabilité actuelle de matières biologiques et au processus d’évaluation des demandes de brevet. Advenant que les formes de vie supérieures soient brevetables, ces directives devraient être étoffées. Cela s’avèrerait particulièrement utile dans le cas des petites entreprises biotechnologiques qui ne sont pas encore rompues au processus d’obtention de brevets. Ces directives pourraient être mises au point avec le concours d’un groupe d’experts-conseils. Advenant qu’une disposition d’ordre public ou de moralité soit intégrée au droit canadien sur les brevets, que ce soit en vertu de la méthode de l’alignement ou celle de la grande discrétion en matière de questions sociales et éthiques (voir page viii), il faudrait également mettre au point des directives touchant aux exigences et à la procédure de mise en application de cette disposition. Recommandation provisoire : Directives applicables aux brevets sur le matériel biologique
Rapport sur la performanceLes données statistiques semblent démontrer que l’OPIC prend plus de temps à octroyer des brevets en biotechnologie que son équivalent américain. S’il est possible que les différences relèvent davantage de perceptions que de la réalité, à cause de variations en matière de définition et de collecte de données, il importe au plus haut point que l’OPIC puisse évaluer correctement sa performance en regard des autres pays, identifier ses forces et faiblesses relatives et prendre les mesures qui s’imposent pour maximiser ses forces et amoindrir ses faiblesses. Recommandation provisoire : Normes
Recommandation provisoire : Rapport sur la performance
Harmonisation internationale du droit et des procédures des brevetsLa forte taille de leurs marchés l’imposant, les politiques sur le brevetage des États-Unis, du Japon et de l’UE ont plus d’effet sur l’industrie canadienne de la biotechnologie que les politiques du Canada en matière de brevetage. Conséquemment, plus le Canada alignera sa procédure et son administration des brevets sur celles de ses partenaires commerciaux, plus il réussira à attirer et à conserver des investissements, ainsi qu’à sous-tendre un milieu de recherche florissant. Recommandations provisoires : Harmonisation internationale
Système simplifié de contestation de brevetsLors des consultations, plusieurs participants, particulièrement du milieu de la recherche, ont proposé qu’on simplifie le mécanisme de contestation de brevets, lequel implique présentement de longues procédures judiciaires. Certains des grands partenaires commerciaux du Canada disposent de procédures plus simples qui permettent à des tiers de s’opposer à l’octroi d’un brevet. Recommandation provisoire : Procédure en opposition
Prochaines étapesEn publiant ce rapport, le CCCB entreprend la troisième phase de son travail sur la propriété intellectuelle et le brevetage des formes de vie supérieures. Pendant la phase 3, le CCCB sollicitera des apports additionnels de la part des intervenants et autres Canadiens qui s’intéressent aux recommandations ici présentées, et aux principes et valeurs éthiques qu’il a identifiés comme étant au coeur de son mandat (voir l’annexe E). Ensuite, le CCCB analysera ces nouveaux renseignements et en tiendra compte dans la rédaction de son rapport final au gouvernement du Canada. Comme tous les rapports du CCCB, il sera rendu public. La biotechnologie dans son ensemble et le brevetage de produits biotechnologiques, dont les formes de vie supérieures, étant un domaine dynamique, le CCCB maintiendra un suivi des développements et pourra, à une date ultérieure, revenir sur ce sujet par le biais d’autres consultations. Le CCCB exerce un suivi et consulte les Canadiens sur d’autres facettes de la biotechnologie, par exemple les aliments génétiquement modifiés et un cadre élargi conçu pour examiner les grandes questions éthiques. Quiconque aimerait apporter des commentaires sur ce rapport devrait le faire au plus tard le 15 mars 2002. Les commentaires peuvent être présentés sur le site Web (www.cbac-cccb.ca), par télécopieur au (613) 946-2847, ou par courrier à CCCB, 240, rue Sparks, bureau 570E, Ottawa (Ontario) K1A 0H5. Pour obtenir des renseignements additionnels sur ce sujet ou d’autres activités du CCCB, il suffit de se rendre à son site Web ou de composer son numéro sans frais 1 866 748-2222. La brevetabilité des formes de vie supérieures et enjeux connexesIntroductionDonnées de baseCe document à l’intention du gouvernement du Canada est un rapport provisoire du CCCB sur la brevetabilité des formes de vie supérieures et les autres questions de propriété intellectuelle reliées à la biotechnologie. Il vise un double objectif :
Le gouvernement du Canada a invariablement considéré la biotechnologie comme un secteur névralgique de la nouvelle économie basée sur le savoir. L’un des éléments principaux du renouvellement de la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie en 1998 (qui avait vu le jour sous un autre nom en 1983) portait sur la mise sur pied d’un comité indépendant d’experts ayant pour mission l’octroi de conseils au gouvernement sur les enjeux de la biotechnologie, une meilleure sensibilisation du public et la participation des Canadiens et des Canadiennes aux discussions sur des enjeux de la biotechnologie. Le CCCB a été constitué pour présenter au gouvernement des conseils au sujet des grandes questions reliées aux dimensions éthiques, sociales, réglementaires, économiques, scientifiques, environnementales et de santé de la biotechnologie, conseils élaborés par un groupe d’experts indépendants du gouvernement (voir la liste des membres à l’annexe A). Il présente ses conseils au CCMB, lequel se compose des ministres fédéraux de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, de la Santé, des Pêches et des Océans, des Ressources naturelles et du Commerce international. Pour obtenir d’autres renseignements sur le CCCB et ses activités, y compris d’autres sujets de consultation, ainsi que des renseignements généraux sur la biotechnologie, il suffit de se rendre au site Web du CCCB (www.cbac-cccb.ca). Au début de 2000, le CCCB a lancé un programme de recherche et de consultation en matière de politique (voir les annexes B et C) sur le brevetage des formes de vie supérieures et les enjeux y étant reliés. Il a fait de ce projet un enjeu prioritaire de consultation, les pouvoirs publics ayant fait des enjeux en matière de propriété intellectuelle touchant à la biotechnologie en général, et au brevetage des formes de vie supérieures en particulier, un sujet de préoccupation immédiate. La plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), y compris les États-Unis et les membres de l’Union européenne (UE), autorisent le brevetage de plantes et d’animaux. Par contre, de nombreux pays en voie de développement se préoccupent des impacts de la biotechnologie en l’absence de dispositions protégeant les connaissances traditionnelles. De plus, dans certains pays on estime que de tels brevets ne devraient pas être émis, non seulement quand il s’agit de plantes et d’animaux, mais également de tout matériel biologique (séquences d’ADN, gènes, cellules). Le Canada n’autorise pas le brevetage des formes de vie supérieures et ne tient compte ni des préoccupations de l’industrie quant à l’innovation et aux investissements, ni des effets et implications de la biotechnologie. Même au sein de pays qui acceptent présentement de breveter les formes de vie supérieures, il n’y a pas consensus sur la façon de traiter les considérations sociales et éthiques. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent ou commerce (ADPIC) traite du brevetage des formes de vie supérieures à l’article 27.3(b), lequel permet aux pays membres d’exclure les plantes et les animaux de la brevetabilité. Quand aura lieu l’examen cet article, on pourra s’attendre à ce que certains pays (surtout des nations en voie de développement) appuient un accroissement de la portée de cet article, tandis que d’autres (notamment les États-Unis) voudront probablement réduire ou éliminer cette exception. Le Canada réussira à mieux débattre de cette question en se dotant d’une politique nationale avant que ces négociations ne se mettent en branle. Afin de soupeser tous ces enjeux, le CCCB a commandé plusieurs recherches, organisé trois tables rondes d’intervenants (provenant d’organismes non gouvernementaux, d’universités et de l’industrie) et examiné à fond les résultats de recherches sur l’opinion publique. Ensuite, le CCCB a publié un document de consultation pour solliciter l’apport des Canadiens tant directement que par le biais de tables rondes à multiples intervenants qui ont eu lieu à travers le Canada au printemps 2001. Cet ensemble d’activités s’inscrit dans la foulée des mesures prises par le CCCB pour s’assurer que tous les Canadiens ont l’occasion de participer à ces importantes discussions publiques sur la biotechnologie au Canada. Structuration du débatPendant la phase de consultation de ce projet, il est devenu évident que le brevetage des formes de vie supérieures, ainsi que d’autres enjeux entourant le brevetage de matériel biologique, s’avère un sujet trop large et complexe. Pour que les discussions soient productives, il fallait d’abord structurer les enjeux et les opinions. Afin de préparer ce rapport, nous avons fait la synthèse des discussions et commentaires entendus jusqu’à maintenant afin de faire le point sur les diverses facettes de ce sujet complexe et les opinions divergentes qu’il soulève. Le principe sous-tendant cette synthèse reposait sur la place que les considérations sociales et éthiques devraient occuper en matière d’octroi de droits de propriété intellectuelle. À une extrémité du spectre d’opinions se trouve la position voulant que les brevets soient purement des instruments économiques et que les valeurs sociales et éthiques n’aient rien à voir avec ce qui est brevetable ou avec la portée des droits du détenteur du brevet. La version extrême de ce point de vue permettrait le brevetage de tout matériel biologique inventé, y compris des êtres humains (quoiqu’il ne semble pas que quiconque soit allé jusque là). À michemin se trouvent deux points de vue : le premier accordant un rôle bien délimité aux valeurs sociales et éthiques au sein du régime des brevets, le deuxième leur accordant autant d’importance qu’aux valeurs économiques dont le régime des brevets fait la promotion. À l’autre extrémité se trouve la position voulant que les valeurs sociales et éthiques doivent toujours avoir préséance sur les valeurs purement économiques. La version extrême de ce point de vue interdirait le brevetage de tout matériel biologique. Afin de bien cerner la nature de ces prises de position, l’annexe D, Structuration du débat, présente une description détaillée. Un éventail de points de vue aussi large sur le rôle du régime des brevets dans la société appelle un éventail tout aussi grand de solutions touchant à des questions spécifiques. Le CCCB convient donc qu’un consensus s’avère improbable. Néanmoins, il a cherché, pendant l’élaboration des recommandations provisoires, à rendre justice aux grands arguments mis de l’avant et à fournir des explications limpides quant aux positions provisoires prises dans ce rapport.
Contexte éthiqueLes lois, institutions et politiques d’une nation se doivent d’être le miroir des valeurs prédominantes qui animent ses citoyens. À mesure que les valeurs ou l’état des choses évoluent, les lois, institutions et politiques devraient également se mettre au diapason de nouvelles réalités. Certaines percées récentes en biotechnologie pourraient avoir des répercussions économiques et sociales marquées. Plusieurs prédisent que ces nouvelles connaissances et leurs applications feront de plus en plus de vagues à travers le monde. Ces impacts, tant favorables que défavorables, amèneront beaucoup de membres de notre société à continuer de soulever des nouveaux enjeux et à réexaminer leurs valeurs et leurs fondements éthiques. Dans certains cas, cette analyse pourra entraîner une réévaluation de toute une gamme de lois et règlements ou la mise sur pied de tribunaux spéciaux. La politique des brevets, ainsi que les lois et règlements qui lui donnent corps, deviennent l’un des secteurs clés qui appellent à une réévaluation à la lumière du développement accéléré de la biotechnologie et de ses applications. Les régimes de brevets visent à mettre la création d’un inventeur à l’abri d’une utilisation non autorisée par des tiers. Ils offrent un incitatif à l’activité innovatrice au sein de la société en accordant aux créateurs, développeurs et distributeurs d’inventions la possibilité d’en tirer des retombées économiques et en veillant à ce que l’information au sujet des inventions soit accessible au public. Ils reflètent le point de vue selon lequel il y a une valeur sociale dans le fait que des individus puissent avoir le droit de bénéficier de leur créativité et de leurs innovations. Ils reflètent également le point de vue qu’en rendant des connaissances accessibles au public, ces régimes offrent l’occasion à des tiers de pousser ces connaissances plus avant. À ce titre, les brevets sont préférables à l’autre grand mécanisme de protection de la propriété intellectuelle – le secret commercial – sur lequel les innovateurs en biotechnologie pourraient se rabattre. L’intérêt public est la plus importante considération dans le cadre de l’élaboration de politiques et programmes gouvernementaux. L’intérêt public englobe, par exemple, la santé et la qualité de vie des citoyens, la santé de l’environnement, une économie nationale robuste et la paix au sein de la communauté internationale. Il repose sur une régie judicieuse, laquelle exige l’intégrité et la transparence du fonctionnement, l’indépendance vis-à-vis des influences indues, l’ouverture aux points de vue des Canadiens, la réceptivité aux préoccupations des citoyens et l’intégration de la diversité de leurs intérêts et priorités. Les recommandations en matière d’ordre public sont, ou devraient être, formulées dans ce contexte éthique. Les jugements éthiques ne sont pas des jugements indépendants, ils sont plutôt des jugements « toute réflexion faite » qui tiennent compte de facteurs économiques, politiques, juridiques, scientifiques et autres. Le CCCB cherche à intégrer ces divers facteurs et à élaborer des recommandations qui sauront le mieux servir le bien commun et l’intérêt public dans son ensemble. Afin d’orienter ses consultations et discussions avec les intervenants et les Canadiens en général, le CCCB a identifié un ensemble de principes et valeurs (voir l’encadré à la page suivante). Ces principes se veulent le prisme éthique au travers duquel le CCCB accomplira son travail et fera ses recommandations. Vu l’importance accordée à ces principes, le CCCB les a présentés aux participants lors des tables rondes pour solliciter leur opinion. Spécifiquement, il voulait savoir si ces principes étaient pertinents et-ou s’il fallait en ajouter d’autres. Les réactions des participants sont résumées à l’annexe E. Les commentaires du grand public sont aussi les bienvenus.
Cet énoncé de principes et de valeurs a également été présenté aux participants lors des tables rondes de l’autre grand projet du CCCB, et publié dans le rapport provisoire intitulé Une meilleure réglementation des aliments génétiquement modifiés et des autres aliments non conventionnels au Canada. Les suggestions engendrées par cet énoncé pendant les périodes réservées aux commentaires dans le cadre de ces deux rapports provisoires aideront le CCCB dans sa recherche d’un cadre général pour prendre en considération les préoccupations sociales et éthiques que soulève la biotechnologie. Grands enjeuxAprès s’être penché sur l’éventail de questions sociales et éthiques soulevées pendant les consultations sur le brevetage des formes de vie supérieures et sur les modifications proposées à la Loi sur les brevets, le CCCB a cherché à traiter les divers enjeux interreliés suivants :
En ce qui a trait à cette dernière question, le CCCB estime que le système politique est l’instrument approprié pour prendre des décisions sur les valeurs sociales et éthiques fondamentales dont on devrait tenir compte par le biais de la législation et-ou de règlements. À cet effet, ni l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) ni les tribunaux ne devraient jouer un rôle de filtre éthique, aucun n’étant mandaté ou structuré à cette fin. L’imposition à la société de normes éthiques enracinées dans des valeurs, que ce soit par la législation ou par des règlements, doit revenir au Parlement et au gouvernement. Une fois qu’on aura convenu de normes de comportement et qu’elles auront été intégrées dans des politiques ou des lois, un éventail d’outils – y compris, dans certains cas, la Loi sur les brevets – pourra contribuer à donner effet aux valeurs convenues. Le CCCB estime que les recommandations qu’il présentera au gouvernement au sujet de la propriété intellectuelle en biotechnologie, du brevetage des formes de vie supérieures et d’autres questions doivent être fondées sur ce qui compte vraiment aux yeux des Canadiens. Son travail actuel et futur sur ce projet et d’autres initiatives verra à ce que cet objectif soit respecté. Les enjeux clefs dont traite de document sont :
Structuration du rapportCe rapport provisoire synthétise et structure la recherche sur la politique faite par le CCCB, les rapports découlant du document de consultation et des tables rondes avec des intéressés et le public en région, ainsi que les délibérations à l’interne, et présente des recommandations provisoires sur une démarche que le gouvernement du Canada pourrait adopter en ce qui a trait à la brevetabilité des formes de vie supérieures et aux autres enjeux connexes. Outre cette introduction, le rapport provisoire, y compris ses recommandations sur les grands enjeux, comprend six sections :
Biotechnologie, propriété intellectuelle et régime des brevetsLe tracé d’un parcours de politique sérieux gouvernant l’utilisation de la biotechnologie pose un grand défi, ce domaine touchant à de nombreux champs d’intérêt public. Ce défi se complique du fait que le rythme des découvertes scientifiques est de plus en plus effréné. La définition de la biotechnologie varie selon le contexte dans lequel on se sert du terme. Le CCCB définit la biotechnologie comme un ensemble de connaissances techniques sur des organismes vivants ou leurs parties constituantes, et la biotechnologie appliquée comme étant les aspects de la biotechnologie servant à fabriquer des produits ou à gérer des processus qui servent à des fins sociales, scientifiques ou économiques. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement définit la biotechnologie comme étant l’application des sciences et de l’ingénierie à l’utilisation directe ou indirecte d’organismes vivants ou de parties ou produits d’organismes vivants sous leurs formes naturelles ou modifiées. De nombreuses applications de la biotechnologie peuvent offrir d’importantes retombées économiques et sociales dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’environnement et de l’industrie. Cependant, certaines d’entre elles peuvent poser des risques pour la santé ou l’environnement, ou mettre à l’épreuve les mesures actuelles touchant à la protection de la santé ou de l’environnement. Plusieurs applications de la biotechnologie soulèvent de graves questions sociales et éthiques. L’industrie de la biotechnologie affiche un taux de croissance parmi les plus rapides au monde et la demande mondiale, qui était de 20 milliards de dollars en 1995, devrait plus que doubler pour s’établir à 50 milliards en 20053. Le Canada est en train de devenir un pilier de cette croissance. Tant au Canada qu’à l’échelle planétaire, c’est dans le domaine de la santé que la biotechnologie a les retombées les plus marquées. Plus de 90 p. 100 des produits de la biotechnologie de pointe sur le marché touchent à la santé. On s’attend à ce que les trois quarts environ de la demande mondiale en biotechnologie continuent d’y être reliée. Quand la recherche en biotechnologie permet de concevoir un produit ou processus particulier, les chercheurs et-ou les commanditaires tentent souvent d’obtenir des droits sur la propriété intellectuelle de l’invention. Il existe d’autres formes de protection (dont le secret commercial et le droit des obtentions végétales), mais le brevet est souvent le type préféré de protection de la propriété intellectuelle en biotechnologie. Le CCCB s’est donc surtout penché sur cet outil de protection de la propriété intellectuelle. Le brevet accorde aux chercheurs (ou à leurs employés) le droit d’empêcher quiconque de fabriquer, d’utiliser ou d’exploiter commercialement une invention pendant une période de 20 ans à compter du dépôt de la demande de brevet. Une personne physique ou morale peut détenir un brevet, mais ne pas pouvoir se servir de l’invention à cause de conflits de propriété intellectuelle, ou de lois ou règlements spécifiques. Le brevet permet également à son détenteur de transférer un intérêt total ou partiel dans l’invention à une autre personne. Certains inventeurs ont obtenu des brevets, puis annoncé leur intention de ne pas invoquer leurs droits en vertu du brevet afin de s’assurer que leur invention et les connaissances y étant reliées demeurent dans le domaine public et soient accessibles à quiconque désire s’en servir. Les brevets sont émis par chaque pays4. Les personnes et entreprises qui font la demande d’un brevet au Canada peuvent également faire application en ce sens dans d’autres pays. Au Canada, les brevets sont émis par l’OPIC en vertu de la Loi sur les brevets. Un brevet peut être émis si l’invention satisfait à la définition de nouveauté, de non-évidence et d’utilité de la Loi sur les brevets. Pour les fins du droit des brevets (dont les définitions ne cadrent pas toujours avec l’usage populaire), un produit ou procédé est nouveau s’il n’a pas été rendu public avant la date de demande de brevet (sujet à une période de grâce dans certains pays5). L’invention est non évidente si elle n’est pas apparente (sans l’information révélée dans la demande de brevet) aux yeux d’une personne au fait des connaissances ou de la science sur lesquelles l’invention s’appuie. Elle est utile s’il existe une application industrielle réaliste et robuste et si elle est opérationnelle. Quoique le droit de la propriété intellectuelle ait été conçu initialement pour récompenser l’innovation ou la créativité, on y voit essentiellement aujourd’hui des outils économiques. La principale raison d’être des régimes de brevets est de maximiser l’activité créatrice dans une société en permettant aux créateurs, développeurs et distributeurs d’inventions d’en tirer une récompense économique. Celle-ci se présente sous forme d’un monopole sur le marché qui, s’il ne garantit pas de retombées financières, donne l’occasion d’en obtenir – le marché et d’autres forces y concourant. Ce monopole comporte des restrictions. La principale est une limite de validité – soit de 20 ans dans la plupart des pays6. D’autres comprennent des exceptions au monopole que confère le brevet (p. ex., l’utilisation de l’invention à des fins expérimentales) et l’exclusion de certaines inventions si le monopole gêne des activités socialement utiles (p. ex., des traitements médicaux). Plusieurs de ces limitations font l’objet de discussions plus loin dans ce rapport. Quoique chaque pays applique les règlements de façon légèrement différente, les fondements de la protection qu’accorde le brevet demeurent relativement constants partout dans le monde industrialisé. Une mise en application réussie doit comprendre, entre autres, l’information sous-tendant la nature et l’usage du brevet. Au Canada, cette information est rendue publique 18 mois après la demande de brevet, de sorte que le public (y compris d’autres chercheurs) puisse s’en servir pour faire d’autres recherches et en arriver à d’autres découvertes. Malgré la grande diversité des inventions qui peuvent être brevetées, la loi prévoit certaines exceptions, par exemple les principes scientifiques et les théorèmes abstraits. Les tribunaux ont également établi d’autres exclusions, dont certaines font l’objet de discussions plus loin dans ce document. En matière de biotechnologie, le Canada émet des brevets sur le matériel génétique (ADN, ARN et gènes), que l’origine soit végétale, animale ou humaine, en autant que les exigences de nouveauté, de non-évidence et d’utilité soient satisfaites. Les processus de biotechnologie – soit les moyens utilisés pour fabriquer des produits biotechnologiques – sont également brevetables. Le Canada émet également des brevets sur des organismes unicellulaires (aussi appelés des formes de vie inférieures), par exemple les bactéries, champignons, algues, lignées cellulaires et hybridomes7. Si la raison d’être fondamentale du brevet est de stimuler l’activité économique en encourageant les inventeurs à commercialiser leurs inventions, cette éventualité dépend également de diverses contraintes législatives et réglementaires. Par exemple, avant que le détenteur d’un brevet sur un produit pharmaceutique ne puisse vendre ce produit au public, il lui faut obtenir l’approbation de Santé Canada, confirmant que le produit est salubre et efficace. Pendant qu’il réalise les études exigées visant à démontrer la salubrité et l’efficacité du produit, le détenteur du brevet doit se conformer aux règlements applicables aux laboratoires où se fait la recherche, au traitement des animaux utilisés lors des étapes préliminaires de la recherche et aux règlements des universités ou hôpitaux encadrant la recherche sur des êtres humains. L’approbation ellemême peut imposer des contraintes : le produit peut n’être vendu que sur ordonnance; les exigences d’étiquetage et de mise en garde doivent être respectées; et, advenant qu’il y ait trop d’effets secondaires, le médicament pourra être retiré du marché. D’autres types de contraintes peuvent découler du droit de la concurrence, du droit criminel et de lois spécifiques, dont le projet de loi sur la reproduction humaine assistée. Méthodes possibles pour régler les problèmes soulevés par les considérations sociales et éthiquesPréoccupations sociales et éthiques soulevées par la biotechnologieLa biotechnologie et ses usages soulèvent de par leur nature de nombreuses préoccupations sociales et éthiques. Ce rapport examine comment composer avec ces questions. Avant de ce faire, il fait le tour du contexte social et éthique, en traitant brièvement de quelques-uns de ces enjeux. Réification de la vieLa réification de la vie (y compris le matériel génétique) est l’une des rares préoccupations éthiques que l’on considère tributaire du brevetage. L’émission d’un brevet, soit un droit, déclare par le fait même qu’une invention reposant sur de la matière vivante offre un potentiel de commercialisation. Cependant, notre société établit des distinctions entre diverses formes de vie. Elle permet l’achat ou la vente de plantes et d’animaux (d’où la « réification ») mais interdit l’esclavage (soit l’achat et la vente d’humains). Advenant que les moeurs sociales changent à cet égard, les conséquences auraient une portée énorme et devraient être examinées à la grandeur de la société, plutôt que dans le cadre relevant seulement de la Loi sur les brevets. De plus, le Parlement n’a pas la juridiction, en vertu de la Loi sur les brevets, de réglementer des questions ayant trait uniquement à la vie et au matériel génétique des humains, à la propriété d’animaux et au bien-être de ceux-ci, lorsque ces questions n’impliquent pas le régime des brevets comme tel. La législation régissant les droits de propriété et de contrats entre individus, y compris la propriété d’animaux non humains et de plantes, relève des compétences provinciales plutôt que fédérales. Partage des bienfaitsLe Canada ne dispose pas d’une politique formelle ou de lois portant sur le partage des avantages financiers découlant d’une invention brevetée avec les groupes ou populations qui y auront contribué d’une façon ou une autre. Pendant les consultations, certains participants ont mis en évidence diverses situations où il serait de bon aloi de songer à un tel partage, par exemple lorsque l’invention se fonde sur des connaissances traditionnelles (voir ci-dessous la discussion à ce sujet) ou lorsque l’invention dépend de l’accès à une population ou une souspopulation dans le cadre de la recherche de la cause d’une maladie d’origine génétique. La diversité des contextes où le partage des bienfaits pourrait s’appliquer laisse entrevoir que divers types d’ententes pourraient être pertinents. Connaissances traditionnellesCertains participants aux tables rondes ont parlé de la répartition inégale des bienfaits découlant d’un brevet et d’entorses possibles à des normes culturelles. Ils voient dans les brevets la possibilité d’une protection des économies développées au détriment de cultures dans des pays moins développés. Les connaissances traditionnelles des cultures indigènes ou locales permettent souvent à des entreprises d’identifier des plantes ou des animaux non humains dont les propriétés d’intérêt médical ou industriel leur permettraient d’arriver à des résultats à meilleur compte. Pourtant, les gens dont les connaissances traditionnelles ont contribué à une invention brevetée n’ont pas le droit, en vertu du régime actuel des brevets, d’obtenir une part des avantages découlant de l’invention ou du brevet. De nombreux participants croient qu’il y a une obligation morale de partager les profits découlant de l’utilisation de connaissances traditionnelles et que des compensations ou redevances doivent être versées si des connaissances traditionnelles ont servi à des recherches aboutissant à une invention brevetée. Des participants ont également noté que si un brevet est émis pour un produit chimique ou une séquence génétique provenant d’une plante sauvage, cette plante acquiert une valeur monétaire qu’elle n’avait pas auparavant. S’ensuit l’intérêt à en faire la récolte, ce qui pourrait aboutir à une surexploitation au point où ladite plante pourrait devenir « en péril ». Quand une telle plante sert à une communauté indigène/traditionnelle, sa rareté pourrait affecter la culture de cette communauté. Bien-être des animauxLe bien-être des animaux est un autre exemple de questions sociales soulevées pendant les consultations et où de nouvelles applications de la biotechnologie pourraient compromettre une valeur sociétale, dans ce cas-ci la protection d’animaux contre des souffrances inutiles. Abus de pouvoir économiqueLors des consultations, plusieurs participants se sont demandé si les brevets avaient l’effet inattendu d’offrir aux multinationales un outil leur permettant de créer et d’abuser d’une position dominante dans la production et la distribution d’aliments ou de produits, tests et services reliés à la santé. Généralement, ils recommandaient de soustraire les inventions au régime des brevets ou, dans l’extrême, de refuser d’émettre des brevets quand il est question d’inventions biotechnologiques. Cette position soulève plusieurs questions, y compris les normes qu’il faudrait mettre en place pour déterminer si un degré inacceptable de puissance sur le marché a été atteint; si oui, pour juger s’il y a abus de pouvoir; l’organisme gouvernemental qui serait le mieux placé pour prendre de telles décisions; et les moyens appropriés à utiliser pour diminuer ou mettre fin aux abus. Trois méthodes possiblesQuoique les brevets s’intéressent principalement aux incitatifs économiques, ce ne sont pas des instruments socialement et éthiquement neutres. En offrant des incitatifs pour stimuler la recherche en biotechnologie, le régime des brevets encourage des activités qui peuvent avoir des conséquences éthiques, environnementales, de santé et-ou sociales, tant favorables que défavorables. La plupart des intervenants connaissent l’importance des brevets – création d’incitatifs pour arriver à des produits tels que de nouveaux médicaments, amélioration de la productivité économique, et contributions à l’amélioration de la santé et du bienêtre humains. Cependant, certains d’entre eux voient également une gamme de conséquences possiblement défavorables – entre autres, la réification de la vie, la répartition inégale des avantages découlant des brevets, l’abus possible du contrôle corporatif de ressources génétiques – qui se verraient renforcées ou précipitées par l’obtention de brevets sur du matériel biologique, y compris des formes de vie supérieures. Le droit des brevets a été conçu premièrement comme un outil de protection des droits des inventeurs, d’offre d’incitatifs à la commercialisation d’inventions, et de dévoilement de nouvelles connaissances brevetées. Il n’a guère les attributs de conception ou de mise en oeuvre qu’offre un outil global conçu pour réglementer la conduite sociale et éthique. Conséquemment, le CCCB a conclu que, sous sa forme actuelle, le droit des brevets ne fournit qu’un moyen limité de composer avec des considérations sociales et éthiques, cette responsabilité relevant d’autres mécanismes. Tel que mentionné précédemment, le CCCB estime que les considérations sociales et éthiques sont des assises de toute politique officielle efficace, et qu’il faut examiner l’ensemble des moyens juridiques, réglementaires et institutionnels quand il est question d’élaborer une politique officielle ayant trait aux valeurs fondamentales. Dans le cours de ses délibérations, le CCCB a cherché à identifier des compromis possibles au sein des buts et valeurs sociétaux explicités pendant les consultations. Comme le régime des brevets et la société interagissent de façons subtiles et changeantes, les règles et procédures doivent être à la fois robustes et flexibles de sorte que les inventions puissent être évaluées en fonction de leur contexte particulier de mise en application. En même temps, il faut tenir compte des conséquences sociales et éthiques de ne pas encourager certaines innovations, car agir ainsi peut parfois être socialement et éthiquement aggravant. En étudiant toutes ces questions, le CCCB a cherché à identifier des mécanismes et des structures décisionnelles qui sont mandatés pour traiter des questions soulevées et qui sont ou seraient invités à examiner les incitatifs et les limites qu’il faudrait imposer aux brevets ou aux détenteurs de brevets. Plusieurs mécanismes proposés ne répondent pas aux paramètres de la Loi sur les brevets, tandis que d’autres pourraient en relever. Ces options sont examinées dans les prochaines sections. Considérations sociales et éthiques en dehors du régime des brevetsLes questions sociales et éthiques soulevées pendant les consultations sur le brevetage des formes de vie supérieures se répartissent généralement en deux groupes : celles qui touchent à la réification de la vie et celles portant sur l’usage qu’on fait d’inventions biotechnologiques. Le fait que le brevet donne à son détenteur le droit d’empêcher quiconque de se servir d’une invention, de la fabriquer ou (spécialement) de la vendre, transforme celle-ci par le fait même en une connaissance de base, même si elle n’est pas commercialisée. Comme il en était fait mention auparavant, les plantes et les animaux se vendent depuis fort longtemps. Même si certaines personnes préféreraient que les animaux (voire les plantes) ne soient pas traités ainsi, la réification ne dépend pas du fait qu’il soit possible ou non d’obtenir un brevet. Il se peut fort bien que le régime des brevets ne soit pas un moyen efficace de contrôle ou d’interdiction de l’usage (ou d’usages spécifiques) d’inventions biotechnologiques en général et d’inventions biologiques en particulier. Cela s’explique par les faits suivants.
Bien-être des animauxQuand un chercheur est en mesure de déposer une demande de brevet et que son travail a impliqué des recherches et des expériences sur des animaux, tout tort inacceptable aux dits animaux aura déjà été fait. Conséquemment, la Loi sur les brevets n’est guère utile en pareil cas. Le Code criminel interdit la cruauté envers les animaux, tandis que les gouvernements provinciaux et les autorités municipales disposent de lois et de règlements régissant le traitement des animaux ou l’exploitation d’endroits où l’on garde des animaux. De plus, il existe des organismes privés, dont le Conseil canadien de protection des animaux (CCPA), qui veillent aux intérêts des animaux. Le système d’examen éthique du CCPA a été conçu pour tenir compte des besoins des scientifiques, des animaux et de la communauté à l’échelle locale, et il établit des normes nationales de protection et d’utilisation d’animaux dans le milieu scientifique. Les chercheurs qui obtiennent du financement fédéral (généralement dans les milieux universitaire et hospitalier) doivent se conformer aux normes du CCPA pour bénéficier d’un tel financement. S’il ne fait aucun doute que de nombreuses entreprises privées y adhèrent, elles n’y sont pas tenues. S’il faut se doter de nouvelles règles du jeu afin de prévenir des souffrances inutiles, il serait probablement préférable de passer par des mécanismes spéciaux qui vont plus loin que les régimes actuels de protection du bien-être des animaux, plutôt que par la Loi sur les brevets. Abus de pouvoir économiqueLe Canada et d’autres nations développées disposent de lois et d’agences qui voient à ce que les sociétés privées ne puissent accumuler un pouvoir démesuré sur la place du marché ou abuser du pouvoir dont elles se sont dotées. La formulation et l’administration de ces lois est complexe et exige un savoir-faire et des ressources considérables. Ces lois et les institutions réglementaires pertinentes touchent toutes les entreprises dans tous les secteurs de l’économie et toutes les régions d’un pays. Elles établissent également des relations et des accords avec leurs vis-à-vis à l’étranger pour faciliter la mise en application des lois sur la concurrence transfrontalière. Au Canada, le Bureau de la concurrence exerce une surveillance pour déceler les abus possibles et poursuivre les contrevenants devant le Tribunal de la concurrence. Les régimes basés sur un seul ensemble de lois et le recours à une seule agence pour contrôler la concurrence se sont généralement avérés plus efficaces que ceux où s’appliquent des lois et des agences de contrôle pour chaque secteur de l’économie, pour chaque région au sein d’un pays ou pour chaque nouvelle technologie. Cependant, il est peu probable qu’une agence telle que l’OPIC puisse surveiller et contrôler efficacement des activités touchant à la prévention d’abus de pouvoir d’une société dominante. C’est, d’une part, parce qu’il ne dispose pas du savoir-faire voulu. D’autre part, ses moyens pour imposer des sanctions et ordonner des correctifs se limitent aux brevets et excluent donc la vaste gamme d’abus d’autres provenances. Il ne s’ensuit pas que les bureaux de la concurrence peuvent se laisser aller à la complaisance à mesure qu’émergent de nouvelles technologies et de nouveaux marchés et que de nouvelles stratégies corporatives se dessinent. Cela signifie, plutôt, qu’ils doivent être particulièrement vigilants quand un nouvel ensemble de connaissances et de technologies de transformation voit le jour. Cette vigilance peut et devrait comprendre un réexamen des politiques, directives, mécanismes de contrôle, correctifs et lois à la lumière des développements. Autres mécanismes en vigueurOutre ces exemples particuliers, le Canada s’est doté de divers mécanismes réglementaires qui tiennent compte de certaines préoccupations sociales et éthiques déjà soulevées. Par exemple, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement exige que les substances libérées dans l’environnement (y compris les produits issus de la biotechnologie, dont les plantes et les animaux inventés) doivent être évaluées en fonction des torts causés à la santé humaine ou à l’environnement (y compris la biodiversité). Le fait que des plantes ou des animaux soient brevetés ne changerait rien à cette exigence ou aux critères auxquels il faut satisfaire pour pouvoir les libérer dans l’environnement. Nouveaux mécanismesDans d’autres pays, des organismes tel que le National Biotechnology Advisory Committee des États-Unis ont pour mandat de discuter d’une grande diversité de questions sociales et éthiques touchant à la biotechnologie (pas seulement la propriété intellectuelle) et de conseiller le gouvernement. D’autres organismes s’occupent de questions sociales et éthiques touchant à un domaine ou champ particulier, par exemple le Comité d’éthique international de la Human Genome Organisation (HUGO). Dans le cadre de son programme à long terme, le projet du CCCB sur l’intégration des questions sociales et éthiques à la biotechnologie se penchera sur diverses questions axées sur l’identification de valeurs canadiennes et leur intégration efficace à la politique officielle. Dans le cadre de ce projet, le CCCB examine les exigences pragmatiques tant de la détermination de ces valeurs canadiennes que de l’élaboration d’outils efficaces à l’appui de l’expression de ces valeurs. Dans chacun de ses autres projets, comme dans celui-ci, le CCCB cherche également à recueillir des commentaires sur le cadre d’éthique proposé (voir l’annexe E). Il fera une synthèse des recherches et des connaissances sur les questions découlant de ces projets et fera rapport de ses constatations au gouvernement au cours des deux à trois prochaines années. Considérations sociales et éthiques au sein du régime des brevetsTous les pays conviennent que les considérations sociales et éthiques sont importantes; elles ne diffèrent que dans la façon dont on les aborde, par le biais du droit des brevets ou de lois et règlements spécifiques ne relevant pas du régime des brevets. Si certains maintiennent que la Loi sur les brevets ne devrait pas servir d’outil de mise en oeuvre de politiques sociales et éthiques, de nombreux pays se servent de leur régime des brevets à cette fin par le biais de dispositions d’ordre public ou de moralité. Ces dispositions interdisent l’émission de brevets dont la commercialisation irait à l’encontre de normes morales fondamentales et partagées. Les législations européennes et asiatiques sur les brevets comprennent de telles dispositions, mais celles du Canada et des États-Unis n’en comportent pas. L’accord sur les ADPIC permet aux États membres de refuser d’émettre un brevet lorsque la commercialisation de l’invention peut menacer l’ordre public ou la moralité, y compris la santé des êtres humains ou des animaux et celle de l’environnement8. L’intégration de ce concept au droit canadien des brevets impliquerait plusieurs facteurs, dont certains sont fort complexes. L’un d’eux porte sur la portée de l’exclusion – devrait-elle nommer les produits et-ou procédés spécifiques perçus comme étant socialement ou éthiquement inacceptables, ou devrait-elle être de nature plus générale? Deuxièmement, comme l’usage commercial d’une invention peut changer avec le temps, comment le régime des brevets traiterait-il un nouvel usage qui serait apparu après l’émission du brevet, mais dont la commercialisation irait à l’encontre de l’ordre public ou de la moralité? D’autre part, qu’arriverait-il si un nouvel usage avantageux faisait surface après le refus d’émission du brevet? Troisièmement, comme un brevet n’autorise pas son détenteur à exploiter son invention 9, l’exploitation commerciale peut, et est, fréquemment régie par d’autres lois pertinentes au champ d’application en question. Quatrièmement, même si le brevet est refusé, il serait toujours possible d’exploiter l’invention commercialement (par le demandeur du brevet ou une tierce partie), malgré l’entorse à l’ordre public ou à la moralité. Finalement, qui déciderait de la nature des inventions ou des usages faits d’inventions qui contreviendraient à la disposition, quels critères invoquerait-on et comment établirait-on les critères ou directives? Lors de discussions sur l’ordre public, beaucoup de gens invoquent la disposition que comprend la Directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, de la Communauté européenne. Cette disposition stipule que certaines inventions – le clonage humain, la modification de l’identité de lignées germinales, l’utilisation d’embryons humains à des fins commerciales et l’imposition de souffrances à des animaux sans qu’il en découle d’avantages médicaux significatifs au profit d’êtres humains ou d’animaux – sont contraires à l’ordre public ou à la moralité10. On a reproché à ce modèle d’être à la fois trop et pas assez inclusif, et trop rigide pour composer avec de nouveaux développements ou des changements de normes éthiques. De plus, parce portant sur les inventions plutôt que sur leurs usages, il est peu probable que ce modèle réussisse à prévenir des comportements répugnants. Une disposition plus générale, qui reprendrait par exemple en partie ou en totalité l’essence de l’article 27.2 des ADPIC (voir la note 8), permettrait d’éviter les problèmes identifiés dans la Directive de la Communauté européenne. Si l’on décide d’intégrer une disposition d’ordre public ou de moralité à la Loi sur les brevets, elle pourrait faire partie des exigences de brevetabilité (nouveau, non évident, utile et non contraire à l’ordre public ou la moralité) ou seulement servir de fondement d’une opposition à l’émission d’un brevet. Dans un tel cas, si l’invention est nouvelle, non évidente et utile, le brevet pourrait être émis, puis contesté parce que l’invention est contraire à l’ordre public ou à la moralité, en plus des motifs usuels de ne pas satisfaire aux exigences de brevetabilité. Peu importe où se trouvera la disposition, il faudra orienter les décideurs pour qu’ils puissent déterminer si une invention donnée ou son usage contrevient à la disposition. De tels critères pourraient être relativement étroits comme ils pourraient être plutôt généraux.
Régime des brevets à rôle limité. Un processus imposant des limites, qui ne porterait que sur la commercialisation d’activités déjà interdites au Canada. Si les ADPIC énoncent que le simple fait qu’une chose est illégale n’est pas suffisant pour établir qu’elle contrevient à l’ordre public ou à la moralité, la raison justifiant qu’une certaine activité a été interdite pourrait suffire. Par exemple, il pourrait être limpide lors de débats menant à une nouvelle loi que la raison pour laquelle une certaine activité a été déclarée illégale provenait du fait qu’elle avait été jugée contraire à des valeurs morales (p. ex., l’illégalité de la vente de sang au Canada parce cela allait à l’encontre de l’opinion que le corps humain et ses parties constituantes ne doivent pas être réifiées, et le fait que les médicaments ne peuvent être vendus au Canada qu’une fois approuvés par Santé Canada). Ce processus pourrait être associé à un alignement – soit ajuster le régime des brevets à des décisions sociétales établies sur des questions sociales et éthiques. Régime des brevets à rôle élargi. Selon un régime à rôle élargi, la disposition d’ordre public ou de moralité permettrait également de s’occuper d’inventions ou d’usages d’inventions dont la commercialisation soulève des préoccupations sociales et éthiques et au sujet desquelles la loi, la réglementation ou d’autres outils sont muets. Cette méthode pourrait s’appeler non limitative. L’article 27.2 des ADPIC permet aux pays membres d’exclure de la brevetabilité (c.-à-d., de déclarer inadmissibles) certaines catégories d’inventions si leur commercialisation devait offenser leurs sociétés respectives. Tel que mentionné auparavant, une invention donnée peut avoir plusieurs usages, dont quelquesuns (peut-être un seul) sont répugnants, tandis que d’autres sont clairement avantageux. Si on ne veut pas pêcher par excès de zèle, la flexibilité s’impose, ce qui pourrait se faire en permettant au décideur de suspendre le brevet, plutôt que de le refuser. En termes juridiques, cela sous-entend que le détenteur du brevet ne pourrait pas empêcher des tiers d’exploiter l’invention. En termes pratiques, parce qu’il ne peut exclure des tiers, ce détenteur pourra fort difficilement amasser les fonds requis pour commercialiser l’invention. Une autre option serait d’accorder le brevet, de le suspendre et, également, de refuser au détenteur du brevet le droit de l’exploiter. Advenant de nouveaux développements (nouveaux usages qui n’offensent pas, évolution des sensibilités du grand public, etc.), la suspension pourrait être levée. Il faudrait également débattre de l’identité du décideur. Dans le régime européen, les examinateurs des brevets et les experts techniques sont ceux qui prennent des décisions concernant le volet éthique, une situation qu’on a critiquée en soutenant que ces gens ne sont pas particulièrement formés en politique sociale ou éthique. Cela laisse entendre que l’Office des brevets doit se doter de gens formés sur cette question ou forger un régime qui permettrait de référer les demandes de brevets qui soulèvent des préoccupations éthiques à un organisme spécialisé dans cette question (soit pour présenter des conseils, soit pour prendre des décisions). Que le rôle soit restreint ou non, il faudrait définir notamment le concept d’ordre public ou de moralité, les procédures et délais pour l’invoquer, les critères sur lesquels se fonder pour refuser le brevet ou en limiter la portée, l’identité et les qualifications du décideur et le système administratif à l’appui, et intégrer à la Loi sur les brevets des règlements en conséquence. S’il faut doter le régime canadien des brevets d’une disposition d’ordre public ou de moralité, l’objectif visé devrait être de constituer un régime qui inspirerait confiance au grand public. Il reflèterait les valeurs communes du peuple canadien et serait ouvert, transparent, efficace et efficient, et ne ralentirait pas ce qui s’avère déjà un processus dispendieux et lourd. Résumé des trois méthodes permettant de composer avec les considérations sociales et éthiquesStatu quo – Aucun rôle pour le régime des brevetsOn continue à composer avec les enjeux sociaux et éthiques par le biais de mécanismes existants, y compris le projet de loi sur la reproduction humaine assistée, les droits criminel et de la concurrence, les règlements de la Loi sur les aliments et drogues, les exigences des bailleurs de fonds ou des organismes professionnels axés sur le traitement éthique des humains et des animaux sujets de recherches, etc. Les enjeux qui verront le jour plus tard continueront à relever du Parlement, de conseils subventionnaires, de conseils d’éthique d’institutions hospitalières, etc., dont découleraient des lois et règlements ou d’autres mesures appropriées. Cette option n’exige aucune modification de la Loi sur les brevets ou de son administration, et offre donc l’avantage de la continuité, de la stabilité et de la prévisibilité, trois facteurs hautement prisés par le milieu des affaires. Cependant, elle comporte un désavantage en ce que des inventions soulevant des préoccupations sociales et éthiques semblables, mais émanant de champs différents, pourraient ne pas être examinées de la même façon. Alignement – Régime des brevets à rôle limitéLorsque des enjeux sociaux et éthiques relèvent déjà de lois, de réglements ou d’autres outils, le brevet peut être refusé, suspendu ou limité pour s’aligner avec ces décisions. Le régime des brevets demeurerait prévisible (comme dans l’option du statu quo) en ce que les détenteurs éventuels de brevets seraient au courant des décisions actuelles portant sur les volets social et éthique. La cohérence de traitement entre le régime des brevets et les décisions prises sous l’égide d’autres outils juridiques ou réglementaires peut également être perçue comme un avantage. Le grand désavantage de cette option tient à sa nature réactive. Grande discrétion – Régime des brevets à rôle élargiCette option offre le maximum d’envergure pour tenir compte des considérations sociales et éthiques dans le cadre du régime des brevets11. Elle offre l’avantage particulier que les enjeux nouvellement identifiés et qui ne sont pas encore sujets à d’autres mécanismes de contrôle social peuvent être pris en considération en refusant ou en limitant la portée d’un brevet. Cependant, cette possibilité d’adaptation à de nouveaux développements injecte en même temps incertitude et imprévisibilité au sein du régime des brevets, ce qui pourrait ralentir l’innovation et les investissements faits au Canada. Chacune de ces méthodes peut être mise en application de diverses façons. Quel que soit le choix, il faudra le structurer de façon à respecter les obligations internationales du Canada en vertu des ADPIC et d’autres accords. Le CCCB sollicite présentement des commentaires de toutes les parties intéressées avant de faire des recommandations spécifiques pour tenir compte des préoccupations sociales et éthiques touchant à la biotechnologie et au régime des brevets. Tout particulièrement, le CCCB aimerait savoir en premier lieu si ce concept de catégories s’avèrerait utile lors des discussions sur la façon de composer avec les préoccupations sociales et éthiques. Ensuite, le CCCB aimerait recevoir les commentaires d’autant de personnes que possible quant à la meilleure méthode selon elles pour traiter efficacement des enjeux qui les préoccupent le plus. La perception qu’auront les gens du rôle du régime des brevets en matière de biotechnologie dépendra de la méthode choisie pour tenir compte des considérations sociales et éthiques. Le CCCB s’affaire déjà à élaborer des recommandations provisoires sur d’autres questions afin d’obtenir des commentaires tant sur les méthodes appropriées que sur des enjeux spécifiques (sachant fort bien que les points de vue sur les enjeux reflèteront les préférences quant aux méthodes) avant de présenter ses recommandations finales. Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux)L’expression « forme de vie supérieure » n’est pas définie dans la loi. L’usage veut qu’il s’agisse des plantes et des animaux non humains12, autres que les organismes unicellulaires13. Au Canada, le Bureau des brevets décrit les formes de vie supérieures comme étant des organismes multicellulaires différenciés (plantes, graines et animaux) et ne les considère pas comme brevetables14. Cette interprétation de la loi canadienne des brevets est présentement débattue dans l’affaire de l’oncosouris de Harvard15. Devant la Cour suprême du Canada, le gouvernement défendra la position que la Loi sur les brevets ne permet pas le brevetage d’animaux en leur entier16. Même si le gouvernement soutient en cour la position que les formes de vie supérieures ne sont pas brevetables, le Canada pourrait décider, par le biais du processus parlementaire, que le brevetage des formes de vie supérieures pourrait être permis, soit comme tel, soit sujet à certaines exclusions ou restrictions touchant aux droits normalement conférés par brevet17. En décidant d’exclusions ou de limitations, le Canada devra tenir compte des accords commerciaux internationaux qu’il a signés. Ces accords, dont les ADPIC et l’Accord de libreéchange nord-américain, spécifient que les pays membres ne peuvent faire de discrimination entre des technologies. Cela signifie probablement que dans le contexte de ces accords, un pays peut se doter de ses propres règles quant à une technologie donnée en fonction uniquement de la nature de l’invention, non de ses conséquences éthiques18. Plusieurs participants aux tables rondes ont exprimé de vives préoccupations quant à l’application du droit des brevets aux plantes et animaux, et ce pour une foule de raisons. Par exemple, certains estimaient que les régimes de réglementation actuels visant la protection de la santé et de l’environnement étaient inadéquats et que le brevetage ne devrait pas servir d’incitatif à l’invention tant que des mécanismes réglementaires valables ne sont pas en place. Certains ont fait état de préoccupations spirituelles au sujet du caractère sacré de la vie et de la place de l’humanité dans l’univers naturel. Le brevetage mène à une réification injustifiable. L’autorisation de breveter des inventions issues de la biotechnologie est de fait une décision éthique qui annoncerait que le Parlement donne son aval à une activité inventive menant à la commercialisation de formes de vie en tout ou en partie. Si les raisons pour s’y opposer varient, les partisans de cette option sont unanimement opposés au brevetage des formes de vie supérieures. Brevetabilité des êtres humainsSi le Canada approuve le brevetage des formes de vie supérieures, il faudrait exclure les êtres humains, et ce à tous les stades de leur développement. Cependant, cette restriction n’empêcherait pas l’émission de brevets sur des séquences d’ADN, des lignées germinales ou des cellules souches d’origine humaine. L’on tient généralement pour acquis que le détenteur d’un brevet sur une séquence d’ADN ou des cellules (y compris des lignées germinales) ne pourrait fort probablement pas avoir de contrôle sur un être humain renfermant cette séquence ou ces cellules. Néanmoins, la loi est muette à cet effet. Quoique les êtres humains soient également des animaux, aucun pays, y compris le Canada, n’émet de brevet sur le corps humain. Il est généralement accepté qu’un être humain entier ne pourrait être breveté. Cette position découle du principe universel du respect de la dignité humaine, un principe reconnu dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme. Un élément du concept de la dignité humaine est que l’homme n’est pas un bien de base. Même si le fait d’émettre un brevet sur un être humain inventé ne violait pas les droits humains fondamentaux, le fait de tenter d’exercer le droit exclusif conféré par brevet de faire, d’utiliser ou de vendre un être humain inventé irait certainement à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Recommandation provisoire : Non-brevetabilité des êtres humains
Cette recommandation est formulée en langage de tous les jours, plutôt qu’en jargon juridique ou scientifique. Le CCCB est bien conscient que l’élaboration d’une terminologie appropriée pour donner corps à l’intention de la recommandation peut être difficile. Par exemple, si l’on se sert de l’expression « êtres humains », cela voudrait-il dire que des parties d’êtres humains (p. ex., des tissus ou des organes) seraient brevetables? Dans un tel cas, ceci serait-il acceptable? Si l’on se servait de l’expression « corps humain », à quel stade du développement humain, à compter de la conception ou après celle-ci, la notion de corps s’appliqueraitelle? Même l’expression « quel que soit leur stade de développement » n’est pas limpide, car dans la législation européenne elle comprend le sperme et les ovules non fertilisés. Le Canada autorise présentement l’émission de brevets quand il est question de séquences d’ADN, de gènes, de protéines et de cellules. On se pose également des questions au sujet de processus biotechnologiques qui pourraient s’appliquer à des humains, que l’on parle d’êtres ou de corps. La récente Directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, de la Communauté européenne, précise également que les inventions qui impliquent le clonage d’êtres humains, la modification de l’identité de la lignée germinale d’êtres humains et l’utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ne sont pas brevetables parce qu’elles sont contraires à l’ordre public ou à la moralité. Au Canada, le projet de loi sur la reproduction humaine assistée, tel que rédigé (dont débat présentement sur la Comité permanent de la Chambre des communes sur la santé) interdirait également ces activités, mais n’empêcherait pas qu’elles soient brevetées au Canada. Brevetabilité des formes de vie supérieures (plantes, graines et animaux non humains)Si le Canada n’émet pas présentement de brevets sur des plantes et des animaux non humains, nombre de ses partenaires commerciaux le font (voir la comparaison internationale à l’annexe F). Deux courants de pensée touchent au pour et au contre de cette situation. Certaines personnes croient qu’elle avantage le Canada. Si des entreprises trouvent que les lois sur les brevets d’autres pays freinent trop leurs activités, elles pourraient choisir de s’établir au Canada, ce qui attirerait des investisseurs. Comme on le notait plus tôt, il n’est pas nécessaire de breveter une invention pour la commercialiser. D’autre part, la situation actuelle ne permettant pas de breveter des plantes ou des animaux non humains, on pourrait avoir l’impression que le Canada n’est pas ouvert à la biotechnologie, ce qui ralentirait les investissements étrangers dans l’industrie canadienne de la biotechnologie. Si ce deuxième point de vue a davantage trait à la réputation du Canada qu’à son droit des brevets, il demeure un facteur pertinent de l’élaboration de la politique canadienne en matière de brevetage. De plus, si le Canada n’offre pas de protection par brevet sur des plantes et des animaux non humains, les inventeurs se rabattront probablement sur la protection qu’accorde le secret commercial. Cela nuirait à la communauté scientifique canadienne étant donné que le secret commercial empêche la libre circulation de connaissances fondamentales dans le milieu de la recherche. En exigeant le dévoilement des données sous-tendant une invention, le brevet facilite la dissémination de connaissances une fois que la demande de brevet tombe dans le domaine public, soit 18 mois après la date du dépôt de sa demande19. Au Canada, les obtentions végétales sont déjà protégées par la Loi sur la protection des obtentions végétales, un volet juridique spécial indépendant du droit des brevets. À l’international, les droits des obtentions végétales ont d’abord été reconnus en 1961 par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Sa version révisée de 1978 n’autorisait pas un pays à permettre à la fois la protection des obtentions végétales et la protection par brevet. En 1991, la convention UPOV a été amendée une fois de plus et permet maintenant aux pays d’offrir ces deux protections. Le traité s’applique également « aux variétés essentiellement dérivées et aux matières récoltées ». Cela signifie que le producteur a le droit d’empêcher des tiers non seulement de produire la même plante que celle qui est protégée, mais également des plantes qui sont fortement dérivées de la plante d’origine. Le Canada a ratifié la version 1978 de la convention UPOV et a l’intention de ratifier celle de 1991. Si le Canada décide de permettre le brevetage de plantes, il lui faudra soit se doter d’une exclusion par brevet de sorte qu’un genre ou une espèce assujettie au droit des obtentions végétales ne puisse être breveté, soit ratifier la convention UPOV de 1991. Plusieurs participants aux tables rondes favorisaient la ratification. D’autre part, on a également dit au CCCB que le Canada devrait se limiter à la convention UPOV de 1978. Les brevets sur des variétés animales donnent également lieu à des préoccupations en matière de secret commercial. Tout comme pour les obtentions végétales, la Communauté européenne a établi que les variétés animales étaient exclues de la protection par brevet. Pour leur part, les États-Unis n’excluent pas les variétés animales de cette protection. Là où le problème se pose, c’est dans la définition de ce qui constitue une variété animale. La Communauté européenne ne s’y est pas attaquée, et il n’existe pas de norme internationale valable qui définisse cette expression. Advenant que le Canada veuille exclure les variétés animales de la protection par brevet, il lui faudra élaborer une définition pratique de l’expression. Le raisonnement en faveur de l’émission de brevets sur les plantes prend du poids quand on songe aux conséquences de l’immobilisme. Il n’y a pas de démarcation nette entre les revendications justifiant l’émission d’un brevet sur des séquences d’ADN et des lignées germinales, lesquelles sont brevetables, et celles portant sur des plantes, graines et animaux non humains dans leur entier, qui ne le sont pas. C’est parce qu’une personne qui détient un brevet sur un gène de plante, de graine ou d’animal peut contrôler dans une grande mesure comment la plante, la graine ou l’animal pourra être utilisé. Cette question sous-tend la récente affaire Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser devant la Cour fédérale du Canada. Dans cette affaire, le juge a trouvé que le détenteur d’un brevet sur un gène artificiellement construit et les cellules comprenant ce gène peut empêcher des tiers de faire pousser des plantes comprenant ce gène ou ces cellules, même si le brevet ne porte pas sur la plante en son entier. Si le Canada décide que les plantes ou les animaux non humains en leur entier sont brevetables, il devra également préciser si d’autres exclusions devraient s’appliquer à la brevetabilité. Il est difficile de déterminer si d’autres espèces que les humains devraient être exclues. Si les lois actuelles permettent de rejeter la brevetabilité des humains sur une base pratique sinon éthique, la question est très différente quand il est question d’exclure des animaux de diverses espèces. Si l’on désire exclure certains animaux non humains, devrait-il s’agir de ceux qui sont quantitativement semblables aux êtres humains (p. ex., un certain pourcentage de variation génétique par rapport aux humains) ou de ceux qui sont qualitativement semblables aux humains (p. ex., l’aptitude à la pensée et au raisonnement)? Il semblerait qu’une décision basée sur le quantitatif s’avèrerait inapplicable et pourrait mener au résultat indésirable qu’un organisme dérivé essentiellement de gènes humains pourrait être considéré comme brevetable, mais en autant qu’il franchit le seuil menant à une variance génétique par rapport à la norme génétique humaine. De plus, la détermination du seuil pourrait être jugée arbitraire, tandis que la recherche de la différenciation des anthropoïdes, qui sont génétiquement très semblables aux humains, s’avèrerait irréalisable. Pour cette raison, il pourrait être justifiable de tout simplement soustraire les anthropoïdes de la brevetabilité, comme les humains. brevetabilité, comme les humains. Par contre, les distinctions qualitatives (p. ex., niveau de cognition perçue, aptitude à communiquer linguistiquement) offriraient un mécanisme plus réaliste. Il se pourrait, cependant, qu’il s’agisse là d’une approche éthiquement dangereuse en ce que les humains se verraient forcés de choisir les animaux qui méritent d’être protégés, décision qui pourrait se fonder davantage sur l’opinion que sur des recherches et des données. De plus, le Canada doit décider si l’intégration de telles distinctions dans la Loi sur les brevets serait d’intérêt public et, qui plus est, si ce faisant les obligations internationales du Canada seraient respectées20. Le CCCB n’a pas encore trouvé de consensus quant à la brevetabilité ou non des formes de vie supérieures. La majorité de ses membres qui ont tranché la question a trouvé persuasifs les arguments en faveur. Un membre a estimé fort persuasif l’argument voulant que toutes les formes de vie aient une valeur intrinsèque dans le monde naturel et qu’elles ne devraient pas être brevetables. Recommandation provisoire : Brevetabilité des formes de vie supérieures
Droits des détenteurs de brevetsPrivilège des agriculteursDe nombreux participants ont estimé que s’il devenait possible de breveter des plantes ou des animaux en leur entier, ainsi que les variétés en découlant, une exemption de violation de brevet serait essentielle au maintien de la salubrité des aliments et de la vitalité de l’agriculture canadienne. Le privilège de l’agriculteur permettrait à celui-ci de conserver et de réutiliser des graines provenant de ses récoltes de plantes brevetées et de reproduire des animaux brevetés pour ses propres fins. Si l’agriculteur obtenait ainsi le droit de vendre ces plantes et animaux, il n’aurait pas le droit de les vendre comme matériel reproducteur. Présentement, les agriculteurs canadiens tirent parti du privilège des agriculteurs grâce à Loi sur la protection des obtentions végétales (quoique cette exemption n’ait pas fait l’objet de législation). Les lois sur les brevets de la Communauté européenne comprennent un privilège des agriculteurs qui leur permet de reproduire des animaux non humains et certaines plantes (ces dernières, contre des droits monétaires plutôt modestes) pour leurs fins personnelles, sans nécessité du consentement du détenteur du brevet. Les détenteurs de brevets sur des plantes ou des animaux non humains conserveraient l’option d’accorder des licences d’exploitation, plutôt que de vendre la plante ou l’animal non humain breveté. En vertu d’une licence, le détenteur du brevet peut imposer toute obligation contractuelle qu’il désire, y compris d’obliger l’agriculteur à ne pas réutiliser les graines ou reproduire des animaux non humains. Tant qu’une telle activité n’est pas considérée comme un frein à la concurrence, les lois actuelles n’y imposent aucune restriction. Recommandation provisoire : Privilège des agriculteurs
Contrevenant innocentÉtant donné que les plantes et les animaux sont aptes à se reproduire sans aide, il faut reconnaître qu’ils ne seront pas toujours nécessairement sous le contrôle du détenteur de brevet, ou du propriétaire ou du détenteur d’une licence d’utilisation d’une plante ou d’un animal breveté. Recommandation provisoire : Protection contre les plaintes de violation de brevet
Recommandation provisoire : Action en dommages et intérêts
Usage expérimental pour fins de recherche et d’usage expérimentalTel que noté auparavant, le détenteur d’un brevet obtient le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser et de vendre son invention en échange de rendre publique l’information sous-tendant cette invention afin de favoriser la création d’autres innovations. Les inventions en aval ne peuvent généralement être faites que dans le sillage de recherches et expérimentations additionnelles prenant l’invention comme point de départ. Cependant, sans autorisation à cet effet, de telles activités violent les droits du détenteur du brevet. C’est pourquoi de nombreux pays ont décidé que la recherche basée sur une invention et des expérimentations à base d’une invention brevetée ne violent pas les droits du détenteur du brevet. L’exemption pour fins expérimentales tente d’établir un équilibre entre l’intérêt qu’a le détenteur du brevet de commercialiser son invention et l’intérêt qu’a la société de faire avancer les recherches. Aux États-Unis, l’invocation de l’utilisation expérimentale est fort limitée. Elle ne s’applique qu’à des recherches ayant un objectif philosophique. Si ce concept manque de limpidité, il s’applique fort probablement à des recherches qui ne sauraient mener à une exploitation commerciale. Dans la Convention sur le brevet européen, l’exemption pour utilisation expérimentale a davantage de portée, permettant même la recherche commerciale sur l’invention elle-même, plutôt qu’uniquement des recherches basées sur l’invention. Au Canada, l’exemption est née des tribunaux. Essentiellement, elle permet à des tiers de se servir d’une invention brevetée à des fins non commerciales, habituellement de la recherche, ou pour voir si l’invention donne les résultats qu’avance le brevet. Cependant, la portée maximale de la défense basée sur l’expérimentation est difficile à établir. La plupart des praticiens du droit des brevets conviennent de la nébulosité du concept actuel d’utilisation expérimentale, particulièrement en ce qui a trait aux inventions biotechnologiques. Par contre, ils ne réussissent pas à convenir de mécanismes correcteurs. Beaucoup de participants aux tables rondes préfèrent un régime plus libéral d’exemption pour fins expérimentales, sur la foi qu’une interprétation trop étroite freinerait l’innovation en empêchant l’accès à des technologies de base ou à tout le moins en les rendant plus difficile d’accès. Certaines recherches théoriques et empiriques (dont un sondage de chercheurs en biotechnologie commandé par le CCCB) laissent entendre que les brevets préviennent de fait la réalisation de certaines recherches. D’autres représentants de l’industrie croient qu’une exemption libérale pour fins d’expérimentation n’a pas de raison d’être étant donné que l’industrie ne verrait aucune utilité à intenter des poursuites contre un chercheur non commercial. Ces individus ont également fait remarquer qu’en adoptant une exemption à portée étendue il pourrait être difficile, sinon impossible, de faire respecter les brevets. Comme la recherche en biotechnologie vise souvent le développement de produits commercialement viables, l’utilisation de cette exemption en biotechnologie s’avère incertaine. L’envergure de cette défense est particulièrement importante en ce qui a trait au brevetage de plantes ou d’animaux dans leur entier, étant donné que les récoltes et animaux reproducteurs génétiquement manipulés deviennent souvent la base de nouvelles recherches. Il importe donc aux scientifiques de savoir quelles sont les recherches qu’ils peuvent entreprendre sans violer de brevets. Il est crucial que les chercheurs aient accès à des technologies de base ou de plate-forme à coût abordable. L’absence de clarté actuelle au sein du droit des brevets au Canada ne peut que gêner les chercheurs universitaires et indépendants qui craindraient des poursuites pour violation de brevet. Cette douche froide pourrait réduire l’ampleur des investissements en recherche fondamentale. Pour rendre le droit jurisprudentiel limpide, le Canada devrait éliminer cette crainte en incorporant à la Loi sur les brevets une exception pour fins d’usage expérimental. Les chercheurs en biotechnologie ont besoin du libre accès à de nombreuses technologies de plate-forme, y compris séquences d’ADN, lignées germinales, plantes et animaux. S’il est inapproprié que ces scientifiques se servent d’inventions brevetées aux seules fins de faire des recherches sans payer de redevances, il importe de leur fournir la possibilité d’étudier, de réaliser des expériences et d’améliorer des inventions biotechnologiques sans payer. Cela s’applique tout particulièrement en biotechnologie agricole, où les inventions reposent souvent sur des inventions précédentes. Comme la recherche de base mène souvent à des produits commercialisables, il est inapproprié d’établir une distinction entre des scientifiques qui font de la recherche pour des fins privées et ceux qui le font dans un but commercial. Si le Canada décide d’intégrer à la Loi sur les brevets une exception pour fins d’usage expérimental, son droit des brevets concorderait à ce titre avec celui des pays européens et avec la Convention sur le brevet européen. Il est donc peu probable que cela aille à l’encontre de ses obligations commerciales internationales. Cependant, pour tenir compte des préoccupations de certains représentants de l’industrie, particulièrement ceux du milieu pharmaceutique, la révision d’autres réglementations pourrait s’imposer. Cette dernière permettrait de s’assurer que les règlements actuels et une exemption libérale aux fins d’usage expérimental n’entravent pas les recours des entreprises quand quelqu’un se sert de leurs brevets pour leur faire concurrence. Recommandation provisoire : Exception pour fins d’usage expérimental
Autres enjeux ayant trait à la biotechnologie et à la propriété intellectuelleCertaines considérations sociales et éthiquesPlus tôt dans ce rapport, le CCCB décrivait trois méthodes générales permettant de tenir compte des préoccupations sociales soulevées en matière de biotechnologie, et demandait aux Canadiens de faire valoir leurs opinions sur ces méthodes. Le rapport présente ci-après des recommandations provisoires portant sur les connaissances traditionnelles et le partage des bienfaits (voir page vii) qui pourraient être mis en oeuvre peu importe la méthode qui sera ultimement retenue. Partage des bienfaitsEn avril 2000, le Comité d’éthique international de la Human Genome Organisation (HUGO) a publié une déclaration sur le partage des bienfaits quant au bien-fondé et à la façon de répartir des profits que pourraient réaliser des entreprises commerciales, gouvernements et institutions de haut savoir dans le sillage de la participation de communautés ou populations spécifiques. Recommandation provisoire : Partage des bienfaits
Connaissances traditionnellesCertains pays (dont le Kenya) se dotent de procédures pour protéger les connaissances traditionnelles indigènes et-ou recevoir une partie des bienfaits qui peuvent découler de recherches fondées sur ces connaissances. Quelques centres de recherche (dont le Danforth Centre, à St. Louis, aux États-Unis) mettent gratuitement leurs brevets à la disposition des pays en voie de développement. Quelques participants ont proposé que l’on tienne compte de la question de la protection des connaissances traditionnelles au sein du régime des brevets. D’autres optent pour le développement d’un nouveau volet de la propriété intellectuelle qui traiterait spécifiquement des connaissances issues de la communauté. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dont le Canada est membre, s’est dotée d’un groupe de travail sur les ressources génétiques, les connaissances traditionnelles et le folklore pour examiner ces questions. Recommandations provisoires : Connaissances traditionnelles
Effet du brevetage en biotechnologie sur le système des soins de santéOn s’attend à ce que les matières biotechnologiques brevetées aient une incidence majeure sur la médecine, les traitements médicaux et les régimes des soins de santé. Nombre de ces innovations étant brevetées, il importe d’examiner soigneusement les impacts de telles inventions sur un régime de brevetage. Si l’on trouve que les effets défavorables sont plus grands que les effets avantageux des brevets, des mesures appropriées pourraient être adoptées. Par le passé, l’équilibre entre les avantages des brevets et la situation unique découlant des soins de santé a mené à la création du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. Ce conseil est un organisme quasi judiciaire qui veille à ce que les prix de vente des médicaments brevetés par le détenteur du brevet ne soient pas excessifs. Il fait également la surveillance des activités de R-D de l’industrie pharmaceutique au Canada. Récemment, dans les pays en voie de développement, on a négocié des ententes spéciales avec l’Afrique du Sud et le Brésil pour s’assurer que ces pays puissent traiter le sida avec des médicaments brevetés et à meilleur coût22. Il vaudrait probablement la peine, dans un proche avenir, de voir si un bon équilibre existe entre les droits des détenteurs de brevets et ceux des citoyens qui cherchent à améliorer leur état de santé à une époque où le monde dispose de nombreuses inventions biotechnologiques applicables aux soins de santé. Si le CCCB estime que toutes ces préoccupations sont importantes, la plupart dépassent le cadre de son mandat et des consultations en cours. Recommandation provisoire : Recherche sur l’effet de la biotechnologie sur les soins de santé
Amélioration de la gestion du régime des brevetsDirectives applicables aux brevets et processus en biotechnologieIl serait utile que l’OPIC émette des directives précises sur la brevetabilité du matériel biologique et que les applications soient évaluées. Nombre des enjeux que soulève le présent rapport ne sont pas traités dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets concernant la biotechnologie. Le Patent and Trademark Office des États-Unis émet déjà de telles directives. Ces dernières s’avèreraient particulièrement utiles pour les petites entreprises de biotechnologie qui ne sont pas rompues aux processus de brevetage. Ces directives pourraient être rédigées avec le concours d’un groupe d’experts-conseils. Recommandation provisoire : Directives applicables aux brevets sur le matériel biologique
Rapport sur la performanceLes statistiques semblent démontrer que l’OPIC prend plus de temps à émettre des brevets en biotechnologie que ses vis-à-vis d’autres pays. Il faut faire d’autres études pour trouver la cause de ces délais. S’il s’avère que ceux-ci s’expliquent par un manque d’examinateurs compétents, il faudra trouver des remèdes sans tarder. Certains participants ont suggéré que l’OPIC embauche des examinateurs et augmente les salaires pour retenir ceux qu’il a. D’autres ont proposé que le Canada accepte les décisions prises par les bureaux des brevets des États-Unis ou des pays européens. Plusieurs participants de l’industrie ont soulevé une question connexe lors des audiences spéciales, soit que le Canada adopte une politique de rétablissement de la durée des brevets semblable à celle des États-Unis, des pays d’Europe et du Japon. Cela dédommagerait les détenteurs de brevet qui perdent une partie de leur période d’exclusivité pendant que l’OPIC examine leurs dossiers. Il faudra faire davantage de recherche à ce sujet. Afin de pouvoir s’occuper du nombre croissant de demandes de brevet en biotechnologie et autres domaines, l’OPIC doit non seulement disposer de personnel en nombre suffisant, mais également d’un savoir-faire à la hauteur des exigences. Il pourrait être utile de vérifier la capacité de travail de l’OPIC pour déterminer combien de demandes peuvent être traitées en une période de temps raisonnable, s’il faut davantage d’examinateurs et s’il y a carence de savoir-faire. Le gouvernement doit offrir des incitatifs pour conserver ces employés et leur savoirfaire plutôt que de les voir partir pour occuper des emplois plus lucratifs dans le secteur privé au Canada ou aux États-Unis. Le fait de faire rapport sur la performance en fonction d’objectifs définis de performance et par le biais de comptes rendus périodiques sur l’atteinte des objectifs peut s’avérer un outil utile favorisant la transparence et la responsabilité. S’il est techniquement exigeant de se doter de normes valables et d’un mécanisme de compte rendu connexe, c’est néanmoins un outil fort utile pour s’assurer que les intéressés peuvent contrôler la performance. Recommandation provisoire : Normes
Recommandation provisoire : Rapport sur la performance
Harmonisation internationale du droit et des procédures des brevetsÉtant membre de l’OMC, le Canada est sujet aux dispositions des ADPIC. Tel que mentionné précédemment, les ADPIC visent à établir une certaine cohérence parmi les membres de l’OMC en matière de protection des droits de propriété intellectuelle, y compris les brevets. Le Canada est également membre de l’OMPI qui, elle, fait la promotion de la protection de la propriété intellectuelle et pousse à la coopération administrative parmi ses membres. En juin 2000, l’OMPI a convenu d’un Traité sur le droit des brevets pour harmoniser les formalités de dépôt des demandes de brevets et de maintien des brevets. Il faudra plusieurs années pour que ce traité entre en vigueur. Le Canada l’a signé en mai 2001 et il lui reste maintenant à le ratifier. Certains représentants de l’industrie ont affirmé que les politiques de brevetage d’autres nations, dont les États-Unis, le Japon et les pays de l’Europe, ont plus d’impact sur l’industrie canadienne que la politique canadienne des brevets, étant donné la taille relative de ces marchés. Plus le Canada s’alignera sur les régimes de brevet de ses partenaires commerciaux, plus il réussira à attirer et à conserver des investissements et à épauler une communauté prospère de chercheurs. Il en découle que le Canada devrait oeuvrer à l’harmonisation du droit des brevets et des procédures entourant l’émission de brevets à l’échelle internationale de façon à permettre à l’industrie canadienne de tirer parti de brevets émis à travers le monde. La mise en oeuvre du Traité sur le droit des brevets se veut un pas dans cette direction. Cependant, le Canada devrait parallèlement continuer à promouvoir le développement de systèmes transparents, rapides et uniformes des brevets à l’échelle internationale. Recommandations provisoires : Harmonisation internationale
Système simplifié de contestation de brevetsPlusieurs participants, particulièrement du milieu de la recherche, ont proposé qu’on simplifie les mécanismes de contestation de brevets. Présentement, le Canada offre un processus de réexamen en matière de connaissances non dévoilées et datant d’avant la demande de brevet (soit préexistantes et publiques) et peut donc contester un brevet en Cour fédérale. Certains participants aux audiences spéciales du CCCB ont suggéré que le Canada se dote d’une procédure d’opposition. De telles procédures d’opposition existent chez certains grands partenaires commerciaux du Canada pour permettre à des tiers de contester une demande de brevet (p. ex., le Japon et l’Australie) ou de contester un brevet après son émission (p. ex., l’Union européenne). Étant donné que toute procédure d’opposition s’appliquerait à tous les brevets, pas seulement à ceux portant sur les formes de vie supérieures ou autres inventions biologiques, la proposition que le Canada agisse en ce sens pourrait être perçue comme dépassant le cadre du mandat du CCCB. Néanmoins, nous pensons que l’idée d’un mécanisme rapide de résolution de différends quant à l’émission d’un brevet a du mérite. En 1998, le Comité consultatif national de la biotechnologie23 a recommandé que l’OPIC mette en place une procédure d’opposition efficace similaire aux procédures européennes (Assumer le leadership au prochain millénaire)24. L’un des arguments présentés par le Comité voulait que les brevets peuvent avoir une incidence sur des tiers et qu’il y va de l’intérêt public de s’assurer que la portée des brevets soit juste et que ceux-ci ne contiennent pas d’affirmations excessivement larges. Les brevets à grande portée, surtout quand cette dernière dépasse celle des partenaires commerciaux, peuvent gêner des activités commerciales. Le CCNB a également émis l’opinion qu’il serait avantageux d’instituer un tel régime au sein de l’OPIC pour permettre à des tiers de contester la validité d’un brevet sans qu’il faille passer par la lourdeur de la cour. Un tel régime permettrait un examen plus approfondi de brevet à fort potentiel commercial et permettrait à l’OPIC de réexaminer sa décision à la lumière des arguments avancés par des tiers. Le CCNB a également souligné l’importance de veiller à ce que les procédures d’opposition n’entraînent pas de délais indus – d’où la recommandation d’une procédure d’au plus six mois. Recommandation provisoire : Procédure en opposition
Prochaines étapesEn publiant ce rapport, le CCCB entreprend la troisième phase de son travail sur la propriété intellectuelle et le brevetage des formes de vie supérieures. Pendant la phase 3, le CCCB sollicitera des apports additionnels de la part des intervenants et autres Canadiens qui s’intéressent aux recommandations ici présentées, et aux principes et valeurs éthiques qu’il a identifiés comme étant au coeur de son mandat. Au cours des trois prochains mois, le CCCB recueillera cet apport additionnel à l’aide de trois méthodes. La première est de rendre ce rapport aussi disponible que possible de sorte que les Canadiens puissent examiner son contenu et apporter des commentaires aux recommandations du CCCB. Ensuite, il analysera ces nouveaux renseignements et en tiendra compte dans le peaufinage de ses recommandations. Il soumettra son rapport final au gouvernement du Canada au printemps de 2002. Ce rapport sera également rendu public. La biotechnologie dans son ensemble et le brevetage de produits biotechnologiques, dont les formes de vie supérieures, étant un domaine dynamique, le CCCB maintiendra un suivi des développements et pourra, à une date ultérieure, revenir sur ce sujet par le biais d’autres consultations. Le CCCB exerce un suivi et consulte les Canadiens au sujet d’autres facettes de la biotechnologie, par exemple les aliments génétiquement modifiés et un cadre élargi conçu pour examiner les grandes questions éthiques. Le CCCB aimerait recevoir des commentaires sur ses recommandations pour l’aider à déterminer tant l’efficacité probable que l’impact de ses recommandations sur les rôles traditionnels de la Loi sur les brevets de protéger les inventeurs, d’aider à stimuler l’innovation et le développement économique et de s’assurer que l’information découlant de nouvelles inventions soit accessible à tous. Quiconque aimerait apporter des commentaires sur ce rapport devrait le faire au plus tard le 15 mars 2002. Les commentaires peuvent être présentés sur le site Web (www.cbac-cccb.ca), par télécopieur au (613) 946-2847, ou par courrier à CCCB, 240, rue Sparks, bureau 570E, Ottawa (Ontario) K1A 0H5. Pour obtenir des renseignements additionnels sur ce sujet ou d’autres activités du CCCB, il suffit de se rendre à son site Web ou de composer son numéro sans frais 1 866 748-2222. Annexe A — Membres du Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Dr Arnold Naimark
Mary Alton Mackey (Ph.D.)
Lorne Babiuk (Ph.D.)
Dr Françoise Baylis (jusqu´au 30 juin 2001)
Gloria Bishop
Timothy Caulfield
Robert Church (Ph.D.)
Pierre Coulombe (Ph.D.)
Arthur Hanson (Ph.D.)
Dr Michael Hayden
Suzanne Hendricks
Dr Thomas J. Hudson
Bartha Maria Knoppers (Ph.D.)
Murray McLaughlin (Ph.D.)
Anne Mitchell
Peter W. B. Phillips (Ph.D.)
Douglas Powell (Ph.D.)
René Simard (Ph.D.)
Jonathan Bjorn Syms
Denny Warner Annexe B — Publications et rapports de recherche du CCCBDocument de consultationPropriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures : Document de consultation 2001. Un résumé des principaux concepts émanant des mémoires de recherche et ne faisant pas directement l’objet du Document de consultation 2001 sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures. Audiences du CCCB, 2000-2001Résumé des consultations sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et la brevetabilité des formes de vie supérieures. Rapport sommaire des audiences tenues par le CCCB avec des chefs d’entreprises et d’autres intervenants de l’industrie; rapporteur Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta, le 29 septembre 2000. Rapport sommaire des audiences tenues par le CCCB avec des organisations non gouvernementales; rapporteur Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta, le 22 novembre 2000. Summary Report of the Scientific Researcher On-line E-forum, rapporteur Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta, du 5 au 9 février 2001. Rapports commandésLa biotechnologie, l’éthique et l’état : synthèse, par Michael McDonald (Ph.D.), directeur, Centre for Applied Ethics, University of British Columbia, Vancouver (Colombie-Britannique). Le brevetage des gènes, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta. Les brevets en biotechnologie et la loi sur la concurrence, par Warren Grover, Q.C., Barrister and Solicitor, Blake, Cassels and Graydon, Toronto (Ontario). Directive de l’UE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts; agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta; et Alain Gallochat, conseiller, ministère français de la Recherche, France. Human Rights Issues in Patenting of Higher Life Forms — The Role of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, par Barbara von Tigerstrom, professeur de droit, Health Law Institute, University of Alberta, Edmonton (Alberta). Human Rights Issues Related to the Patenting of Human Biological Materials, par Barbara von Tigerstrom, professeur de droit, Health Law Institute, University of Alberta, Edmonton (Alberta). Impact of Canada’s Patent System on the Ability of Publicly Funded Organizations to Transfer, and Private Sector Firms to Commercialize Biotechnological Inventions, par Tom Clarke, Stargate Consultants Ltd, Nanaimo (Colombie- Britannique). Innovation in the Livestock Industry, par Robert Kemp (Ph.D.), RAK Consulting Ltd, Lethbridge (Alberta). Intellectual Property Protection for Biotechnological Innovations, par Mona Frendo, analyste juridique, Direction générale de la régie d’entreprise, Industrie Canada, Ottawa (Ontario). Intellectual Property Rights in Biotechnology : The Economic Argument, par Ron Hirshhorn (Ph.D.), Hirshhorn Consulting Inc., Nepean (Ontario); et Jock Langford, économiste, Direction générale de la régie d’en-treprise, Industrie Canada, Ottawa (Ontario). (à paraître) New Enclosures: The Impetus for and Potential of Alternative Mechanisms for the Protection of Biotechnological Innovations, par Patrick Mooney, Rural Advancement Foundation International (RAFI), Winnipeg (Manitoba). Patenting of Biotechnological Innovations concerning Animals and Human Beings, par Ted Schrecker, conseiller, Ted Schrecker-Research and Consulting, Montréal (Québec); et Alex Wellington, Department of Philosophy, Ryerson Polytechnic University, Toronto (Ontario). Patenting of Higher Life Forms and Human Biological Materials, par Ted Shrecker, conseiller, Ted Schrecker-Research and Consulting, Montréal (Québec); et Alex Washington, Department of Philosophy, Ryerson Polytechnic University, Toronto (Ontario). Patenting Life Forms: An International Comparison, par Richard Gold (Ph.D.), professeur adjoint, Faculty of Law, University of Western Ontario, London (Ontario); professeur adjoint, attaché supérieur de recherches, Einstein Institute for Science, Health & the Courts, agrégé de recherche, Health Law Institute, University of Alberta. Profil économique du secteur canadien de la biotechnologie, par Kenneth White, Acton, White and Associates, Manotick (Ontario). Solutions de rechange à l’utilisation d’animaux pour la recherche et les essais et comme sources de produits du génie génétique, par Gilly Griffin (Ph.D.) et Clément Gauthier (Ph.D.), Conseil canadien de protection des animaux, Ottawa (Ontario). Système canadien de brevets, par Vic Duy, conseiller, Ottawa (Ontario). The Use of Animals in Scientific Research and as Sources of Bioengineered Products, par Clément Gauthier (Ph.D.) et Gilly Griffin (Ph.D.), Conseil canadien de protection des animaux, Ottawa (Ontario). Vers l’établissement d’un cadre éthique adéquat pour l’élaboration de la politique en matière de biotechnologie, par Susan Sherwin (Ph.D.), Munro Chair in Philosophy, Department of Philosophy, Dalhousie University, Halifax (Nouvelle-Écosse). Annexe C — Processus de recherche et de consultation du CCCB sur la brevetabilité des formes de vie supérieuresLe CCCB a entrepris son programme de recherche et de consultation sur la propriété intellectuelle en biotechnologie et le brevetage des formes de vie supérieures au début de 2000. Ce travail comprend quatre phases; les deux premières sont terminées et la troisième vient tout juste de commencer. Phase 1 : La première phase a porté sur la cueillette et l’analyse de données sur diverses facettes du sujet. Il a été question de mémoires de recherche et de rapports techniques par des spécialistes des domaines pertinents, et d’un examen d’études et de documentation existantes. Le Comité a également tenu à l’automne 2000 et au début de 2001 des rencontres préliminaires avec des représentants du secteur de biotechnologie de l’industrie, d’organismes non gouvernementaux et du milieu de la recherche pour cibler des domaines d’intérêt en prévision des tables rondes nationales à intervenants multiples en avril et mai 2001. Phase 2 : En mars 2001, le CCCB en entrepris la deuxième phase du projet. Il comprenait deux volets, tous deux visant à obtenir des points de vue de Canadiens sur le brevetage des formes de vie supérieures. Le premier volet comprenait la publication d’un document de consultation axé principalement sur quatre grands enjeux, et l’invitation lancée aux Canadiens à les commenter25. Ces quatre grands thèmes étaient : Qu’est-ce qui devrait ou ne devrait pas faire l’objet d’un brevet? Quels mécanismes de régie pourraient être changés? Considérations sociales et éthiques; Obligations et compétitivité à l’échelle internationale. Afin de rejoindre le plus de gens possible, le document a été affiché sur le site Web du CCCB et un communiqué de presse a permis d’annoncer aux Canadiens la publication du rapport et les façons de contribuer en faisant parvenir leurs opinions. Plusieurs organismes représentant des producteurs, des groupes environnementaux et de citoyens, les consommateurs, les professionnels de la santé et l’industrie ont également aidé à disséminer ce document. Le public a été invité à présenter ses commentaires, de mars au 14 mai 2001, par le biais de la ligne téléphonique sans frais du CCCB, du site Web, du télécopieur ou du courrier traditionnel. Un grand nombre d’organismes et de Canadiens ont fourni des commentaires au CCCB. Le deuxième volet de la phase 2 s’est caractérisé par des tables rondes nationales à intervenants multiples tenues en avril et mai 2001 dans cinq villes d’un océan à l’autre. L’objectif était de recueillir des points de vue de gens que les brevets et la biotechnologie préoccupent, ou qui y ont un intérêt. Ces tables rondes ont porté sur la capacité des Canadiens de protéger les droits de propriété intellectuelle touchant à la biotechnologie et de s’en servir d’une façon socialement raisonnable, et de déterminer si le Canada doit ou non permettre le brevetage de plantes et d’animaux non humains et-ou des processus y étant reliés. Les rapports qui résument les discussions de chaque table ronde sont affichés sur le site Web du CCCB, tout comme un rapport omnibus qui synthétise les cinq tables rondes. À la fin de la phase 2, le CCCB a préparé le présent rapport provisoire afin de disposer d’assises pour la phase 3. Phase 3 : Cette phase recherche des points de vue des Canadiens et de parties intéressées sur ces recommandations provisoires et aboutira sur la rédaction du rapport final et de ses recommandations. À cette fin, le CCCB cherche à rendre ce rapport aussi accessible que possible de sorte que les Canadiens puissent y examiner les recommandations provisoires et les commenter. Afin de s’assurer que les Canadiens ont suffisamment de temps pour ce faire, leurs commentaires seront reçus jusqu’au 15 mars 2002, que ce soit par téléphone, télécopieur, courrier ou courriel selon les coordonnées présentées ci-après. De plus, comme à l’occasion de la phase 1, le CCCB consultera des groupes spécialisés, dont des présidents et chefs de direction de l’industrie, des organismes non gouvernementaux et la communauté scientifique. Le CCCB reverra et peaufinera ses recommandations provisoires en tenant compte des commentaires qu’il aura reçus d’ici le 15 mars 2002. Un rapport de suivi présentant les recommandations du CCCB sera publié au printemps de 2002. Annexe D — Structuration du débatLes points de vue avancés au cours des recherches et des consultations reflètent une gamme de positions allant de l’idée que les inventions biologiques impliquant des formes de vie supérieures relèvent de la propriété intellectuelle à celle voulant que les droits de propriété intellectuelle doivent respecter les considérations sociales et éthiques. Afin de simplifier la discussion d’un sujet aussi complexe, nous avons identifié quatre « positions » couvrant les grands points de vue qui nous ont été communiqués.
Chacune des positions qui ont fait surface pendant nos recherches et consultations donne lieu à de nombreuses avenues de modification des politiques et pratiques du gouvernement. D’autres questions de mise en application se sont également manifestées et il faudra en tenir compte advenant que des options spécifiques soient adoptées. Dans ce document, ces options et leurs incidences pratiques s’appellent des « options de mise en application ». Position A : Les brevets sont des outils purement économiquesLes constatations et observations suivantes reflètent le point de vue voulant que les brevets soient seulement des outils économiques et que tant qu’une invention (y compris l’invention d’une plante ou d’un animal non humain) est nouvelle, utile et non évidente, elle devrait être brevetable. Conséquemment, la Loi sur les brevets du Canada devrait être amendée pour permettre le brevetage de plantes et animaux non humains, au lieu de ne couvrir que le matériel génétique et les cellules. Voici quelques raisons justifiant cette position :
Quoique la Loi sur les brevets devrait être amendée pour interdire le brevetage du corps humain, quel que soit son stade de développement, cette restriction ne devrait pas s’appliquer aux séquences d’ADN, aux lignées germinales ou aux cellules souches d’origine humaine. Que devrait-on exclure de la brevetabilité ou exempter de la violation de brevet? Si le Canada décide d’accorder des brevets sur des plantes ou des animaux non humains en leur entier, il lui faudra également déterminer la nature des exclusions et exemptions et les sujets à codifier avec clarté. Méthodes de traitement médical : Le Canada ne permet pas le brevetage de « méthodes de traitement médical ». On a traditionnellement considéré que les méthodes de traitement médical ne peuvent être brevetées parce qu’elles ne satisfont pas au critère d’utilité quant à l’applicabilité et à la reproductibilité industrielles26. Le point de vue courant veut que l’efficacité de tels traitements dépende des habiletés du médecin ou du vétérinaire traitant. Cependant, les produits pharmaceutiques et les méthodes de diagnostic, tests et appareillages sont brevetables au Canada. Si diverses raisons ont sous-tendu cette distinction (p. ex., éviter des frais de soins de santé, y compris ceux découlant de poursuites en violation de brevet), on a avancé que cette distinction était d’une validité contestable, particulièrement à la lumière de techniques biotechnologiques modernes. Conséquemment, on a suggéré que le Canada amende sa Loi sur les brevets pour permettre le brevetage de méthodes de traitement médical avec la stipulation que ni les actes médicaux rendus par des praticiens de la médecine, ni les institutions pour lesquelles ils travaillent, ne pourraient être l’objet de poursuites pour violation de brevet. Le contrôle des autres frais relèverait d’autres moyens. Obtentions végétales : Au Canada, les obtentions végétales sont protégées par un régime ne relevant pas du droit des brevets, la Loi sur la protection des obtentions végétales (LPOV). Sur le plan international, les droits des sélectionneurs ont d’abord été reconnus en 1961 par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (convention UPOV). En 1991, la convention UPOV a été amendée pour permettre aux pays de se doter de la protection que confèrent le brevet et la variété et d’étendre la portée de la convention UPOV « aux variétés essentiellement dérivées et aux matières récoltées ». En 1999, un projet de loi est mort au feuilleton de la Chambre des communes, projet qui aurait permis au Canada de ratifier la version 1991 de la convention UPOV. Plusieurs nations, y compris les principaux partenaires commerciaux du Canada, ont modifié leurs règlements pour se conformer à la convention UPOV de 1991. La plupart des commentaires reçus durant les tables rondes appuyaient que le gouvernement dépose à nouveau un projet de loi pour ratifier la convention UPOV de 1991. Plusieurs, par contre, s’y opposent, alléguant que pourraient s’ensuivre des conflits entre les détenteurs de droits conférés par brevet et ceux des sélectionneurs se fiant à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Exemption pour fins d’usage expérimental : Le Canada permet à des personnes autres que le détenteur d’un brevet de se servir de l’invention à des fins non commerciales (habituellement pour des recherches) ou pour voir si l’invention donne les résultats revendiqués dans la demande de brevet. La plupart des gens qui pratiquent le droit des brevets conviennent que l’exemption actuelle pour usage expérimental au sens large manque de clarté, surtout en ce qui a trait aux inventions biotechnologiques. On a proposé que le Canada élimine cette incertitude en amendant la Loi sur les brevets par l’intégration d’une exemption explicite pour fins d’usage expérimental. Cependant, il a été suggéré que le Canada revoie les recommandations connexes (comme celles sur les brevets pharmaceutiques), pour donner suite à des problèmes perçus par l’industrie. Il pourrait ainsi s’assurer que l’amalgame de règlements actuels et d’exemptions sans approbation pour fins d’usage expérimental ne gêne pas les entreprises qui cherchent à faire respecter leurs brevets quand des tiers s’en servent pour leur faire concurrence. Portée de la protection par brevet : Deux questions touchant à la portée des brevets ont été cernées.
Régime des brevets (OPIC) : Le régime des brevets luimême, tel que l’OPIC le représente, a soulevé deux questions – le besoin de voir l’OPIC émettre des directives sur la brevetabilité de matériel biologique et la façon d’examiner de telles demandes de brevets; et le besoin de voir l’OPIC prendre moins de temps pour émettre ou refuser un brevet. Harmonisation internationale : Tout en reconnaissant qu’il faut établir un équilibre entre l’approche « faite au Canada » et l’harmonisation avec l’étranger, de sorte que le Canada soit perçu comme un partenaire commercial responsable, on insiste pour que le gouvernement pousse à davantage d’harmonisation des politiques et des procédures de brevetage à l’échelle internationale, y compris la ratification du traité sur le droit des brevets que le Canada a signé en mai 2001. Position B : Les brevets sont des outils économiques reflétant de façon limitée les préoccupations sociales et éthiquesLes personnes qui penchent pour la position B voient dans le droit des brevets une emphase essentiellement axée sur les incitatifs économiques, mais avec la possibilité, quoique limitée, de tenir compte de certaines préoccupations sociales et éthiques. Trois autres propositions touchant aux préoccupations sociales et éthiques ont fait surface : une au sein du droit des brevets, une autre en dehors du droit des brevets et la troisième, à l’échelle internationale.
Appui public à la recherche : Une des préoccupations éthiques veut qu’une brevetabilité à portée plus étendue augmenterait la concentration du contrôle d’informations biologiques entre les mains de l’industrie, tout comme elle mettrait davantage d’emphase sur la commercialisation au détriment de la R-D dans des domaines de moindre intérêt du point de vue du commerce. Quoi qu’une clause d’ordre public ou de moralité diluerait quelque peu cette préoccupation, elle ne suffira pas seule à la tâche. En réalité, le régime des brevets semble ne disposer d’aucun mécanisme pour traiter de cette question de façon satisfaisante. Il faudrait plutôt qu’une autre mesure soit adoptée par le gouvernement, celle d’épauler et de renforcer les recherches dans des domaines qui peuvent ne pas aboutir sur des produits commercialisables. Ainsi, on permettrait à la recherche de se poursuivre dans des secteurs où l’industrie ne voit pas de viabilité financière. Privilège des agriculteurs : Si le Canada dispose d’un privilège des agriculteurs non codifié comme tel en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales, il n’existe aucun privilège applicable aux animaux. L’incorporation à la Loi sur les brevets du privilège des agriculteurs de conserver et de réutiliser des graines provenant de plantes brevetées et de reproduire des animaux brevetés pour leur propre usage codifierait leur privilège actuel en matière de plantes et l’étendrait aux animaux. Ainsi, seraient protégées les personnes dont les récoltes ou animaux auront été accidentellement fertilisés ou inséminés par une plante ou un animal breveté (p. ex., si des graines brevetées sont transportées par le vent sur une terre voisine et donnent lieu à une récolte). Le Canada pourrait amender sa Loi sur les brevets pour stipuler que les agriculteurs peuvent utiliser la progéniture d’animaux brevetés qu’ils auront achetés pour leurs propres fins (p. ex., un éleveur de vaches laitières pourrait se servir des descendants pour produire du lait ou vendre leur viande, mais ne pourrait pas vendre la vache ou ses descendants comme animaux reproducteurs). Le détenteur d’un brevet pourrait accorder une licence d’utilisation à l’agriculteur, plutôt que de lui vendre l’animal ou la plante brevetée, ce qui lui permettrait d’imposer toute obligation contractuelle qu’il voudrait, y compris l’obligation de ne pas réutiliser les graines ou reproduire les animaux. Connaissances traditionnelles : L’industrie se sert souvent des connaissances de peuples indigènes et de nations en voie de développement pour aider à identifier des plantes et des animaux non humains qui pourraient générer des produits profitables, mais les entreprises ne sont pas tenues de partager les retombées de ces produits. On convient que le gouvernement a la responsabilité d’épauler ces groupes en cherchant à constituer un volet international de protection de propriété intellectuelle pour pratiques et connaissances traditionnelles. Position C : Égalité de poids entre les préoccupations sociales et éthiques et les facteurs économiquesCeux dont les points de vue tombent sous la position C entérineraient les modifications et propositions des positions A et B, mais iraient encore plus loin en ce sens qu’ils accorderaient aux facteurs sociaux et éthiques un poids égal aux facteurs économiques dans le régime des brevets, par le biais de la mise sur pied d’un système mixte impliquant les brevets et d’autres mécanismes. Outre l’intégration d’une clause d’ordre public ou de moralité à la Loi sur les brevets, il faudrait établir une réglementation en vertu de cette loi pour disposer de directives d’interprétation des critères de nouveauté, de non-évidence et d’utilité de produits biologiques (il faudrait à cette fin amender la Loi sur les brevets afin de la doter de l’autorité voulue pour créer ces règlements); et mettre en oeuvre un nouveau régime législatif (une loi sur la protection des produits biologiques) qui pourrait remplacer la Loi sur la protection des obtentions végétales pour protéger les produits biologiques. Cette nouvelle loi, qui devrait être établie par législation fédérale, décrirait un processus de demande de protection d’un produit biologique et préciserait la portée et la durée de cette protection et les mécanismes de contrôle. Ceux qui prônent la position C ont également examiné le volet international en demandant que le gouvernement songe à renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et les ADPIC pour permettre aux pays membres de considérer les inventions biotechnologiques différemment des autres inventions de sorte que l’on puisse tenir compte des préoccupations sociales et éthiques. Il serait également question que le Canada propose le développement de normes internationales quant à la conformité aux conventions sociales et éthiques, même si l’ALENA et les ADPIC ne sont pas renégociés. Position D : Aucun brevetage de matériel génétique humain, de plantes ou d’animauxCeux qui prônent la position D croient qu’il est immoral de breveter tout produit biologique qui provienne des formes de vie supérieures et que la Loi sur les brevets devrait être amendée en conséquence. Leurs préoccupations englobent :
Plus spécifiquement, ceux qui appuient la position D proposent que la Loi sur les brevets soit amendée pour exclure les produits biologiques (séquences d’ADN, cellules, lignées germinales, cellules souches, tissus, organes et plantes et animaux en leur entier) de la protection conférée par le brevet. Ils proposent également que l’on exclue les procédés à base de matériel biologique. Ces personnes accepteraient, cependant, d’appuyer des efforts visant à créer une forme internationalement reconnue de protection de propriété intellectuelle relevant de pratiques et connaissances traditionnelles. Domaines appelant un examen spécialOn a identifié trois domaines importants que le gouvernement devrait examiner tout particulièrement et qui ne s’inscrivent dans aucune des quatre positions. Il s’agit :
Annexe E — Principes éthiques : réaction des participants aux tables rondes et prochaines étapesLors des tables rondes à intervenants multiples, qui se sont tenues en avril et mai 2001, le CCCB a présenté aux intervenants les principes éthiques qu’il avançait et a sollicité leurs réactions à ce sujet. Spécifiquement, le CCCB voulait savoir si ces principes étaient pertinents et s’il fallait en ajouter. Les principes avancés sont-ils pertinents?Les participants ont généralement convenu de ces principes. Ils ont trouvé que les expressions générales sous-tendant leur formulation étaient pertinentes vu que ces principes visent une grande portée et ont un objectif d’orientation. Cependant, certains ont suggéré que ces principes constituent un cadre trop axé sur les résultats. Ils ont proposé qu’avant de viser un résultat donné, le CCCB se penche sur les buts que le Canada doit se donner en matière de biotechnologie. Cela devrait se faire de façon à tenir compte des préoccupations morales et philosophiques que soulève la biotechnologie en général et la propriété intellectuelle et le brevetage des formes de vie supérieures en particulier. Ce processus devrait également comprendre la position du Canada sur des questions telles que la nature et la propriété de la vie et le droit qu’a ou n’a pas l’humanité de manipuler la vie. Les consultations organisées par le CCCB ont bien mis en évidence que si les principes avancés fournissent un cadre raisonnable permettant de déterminer des politiques en matière de brevetage en biotechnologie, le véritable défi relève de l’interprétation et de la mise en application de ces principes. De nombreux participants ont trouvé que le CCCB doit poursuivre son travail d’identification, de compréhension et de description des valeurs canadiennes, et s’assurer que celles-ci se reflètent dans les principes. Ils estimaient également que les principes doivent être plus clairement définis, car tels quels ils laissent la porte ouverte à diverses interprétations (voir l’encart Suggestions portant sur la formulation des principes avancés par le CCCB). Certains participants ont enjoint le CCCB d’aller plus loin et d’expliciter comment les principes pourraient être intégrés aux décisions spécifiques du quotidien de l’innovation, du brevetage et de la commercialisation. De nombreux participants ont estimé que le Canada, fort de ses liens avec les États-Unis et l’Europe, est dans une position privilégiée pour exercer un leadership moral dans l’élaboration d’un consensus international sur les valeurs et principes et leur mise en application lors du brevetage des formes de vie supérieures. Cependant, ils pensent qu’avant de s’aventurer sur la scène internationale, le Canada devrait se doter d’une position nationale par le biais d’un processus inclusif, ouvert et transparent qui reflète la diversité de son peuple. Ils ont suggéré que la position du Canada ne devait probablement pas être mue seulement par l’altruisme; le Canada doit s’occuper de ses propres intérêts en même temps qu’il étudie les conséquences à long terme d’un nouveau régime international des brevets. Devrait-on ajouter d’autres principes?Les participants ont proposé que l’on considère les principes suivants :
Suggestions portant sur la formulation des principes avancés par le CCCBJustice
Imputabilité
Autonomie
Bienfaisance
Respect de la diversité
Connaissances
Prudence
Prochaines étapes touchant aux principes avancés par le CCCB : Aux yeux du CCCB, le processus de l’élaboration et du peaufinage des principes est l’une de ses grandes priorités. Il comprend d’ailleurs qu’en parallèle avec l’apparition de nouvelles technologies il faudra mettre ces principes à jour. À cette fin, il poursuivra ses consultations auprès des Canadiens sur le perfectionnement des principes. Annexe F — Brevetabilité, au Canada et dans certains pays, de matières provenant de plantes, d’animaux non humains et d’humains et des processus basés sur des formes de vie supérieuresIl existe à travers le monde divers processus reliés au brevetage des formes de vie supérieures et des processus connexes. Le tableau qui suit compare le Canada à d’autres grands pays exportateurs de biotechnologie (États-Unis, Japon et membres de l’UE) et plusieurs autres pays (Australie, Hongrie et Corée). Les zones grises du tableau indiquent ce qu’il est permis de breveter dans ces pays.
* Les boîtes « Diagnostics pour animaux » et « Diagnostics pour humains » ne s’appliquent qu’aux procédures de diagnostic utilisées directement sur des animaux ou des humains (soit exclusion faite des méthodes de diagnostic extracorporelles). Dans cette même veine, la « Thérapie génique pour animaux » et la « Thérapie génique pour humains » ne s’appliquent qu’aux procédures de thérapie génique administrées à des corps animaux ou humains et ne comprennent ni les matières ayant servi à la thérapie génique ni les processus se produisant en dehors du corps. ** Quoique l’Office des brevets européen ait émis des brevets sur des gènes et des cellules humains qui sont reconnus en France, le ministre français de la Justice a déclaré en juin 2000 que ces brevets pourraient être déclarés invalides s’ils étaient contestés en France. *** Plantes à reproduction asexuée seulement. 1 L’article 27.2 se lit comme suit : « Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation. » 2 En ce qui a trait aux plantes, le Canada est lié par des obligations en vertu de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales et de la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada, deux éléments dont il faudra tenir compte lors de la mise en oeuvre de cette recommandation, advenant qu’elle est acceptée. 3 Assumer le leadership au prochain millénaire, Comité consultatif national de la biotechnologie, sixième rapport, Industrie Canada, 1998. 4 Jusqu’à récemment, la demande de brevet devait être déposée dans chaque pays. En vertu du Traité de coopération en matière de brevets, dont le Canada est signataire, un demandeur peut déposer sa demande dans un pays et nommer les autres pays desquels il voudrait obtenir un brevet. Quoique les autres pays appliquent leurs propres critères de brevetabilité, ils considéreront la demande dans le pays d’origine comme étant une demande dans le leur. 5 Les lois nationales varient quant à la nature et la durée de la période de grâce. Au Canada, la Loi sur les brevets prévoit une période de grâce d’un an pour la divulgation d’information par l’inventeur ou par quelqu’un en passant par cet inventeur. 6 En sa qualité de membre de l’Organisation mondiale du commerce, le Canada doit respecter les dispositions des ADPIC et a donc modifié ses règlements de sorte que les brevets dont la demande a été déposée après le 1er octobre 1989 bénéficient d’une protection de 20 ans à compter de la date de dépôt. Auparavant, la protection par brevet durait 17 ans à compter de la date d’émission. 7 Une lignée cellulaire est la culture d’un type particulier de cellules qui peuvent se reproduire indéfiniment, ce qui la rend « immortelle ». Un hybridome est une nouvelle cellule obtenue de la fusion d’un type particulier de ligne cellulaire cancéreuse immortelle, par exemple un myélome, avec un lymphocyte B producteur d’anticorps. Les cultures de telles cellules peuvent continuer à croître et à secréter des anticorps pour lutter contre l’antigène visé. Quoique ces deux substances proviennent de cellules, une fois que la lignée cellulaire ou l’hybridome est créé l’entité est fort différente des cellules d’origine (p. ex., celles qu’on trouve dans le corps humain). Ni les lignées ni les hybridomes n’existent dans la nature. 8 L’article 27.2 stipule que : « Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation. » 9 Un brevet ne fait qu’empêcher des tiers d’exploiter l’invention sans l’autorisation du détenteur du brevet; cela ne signifie pas nécessairement que le détenteur puisse la commercialiser ou l’exploiter d’une quelconque façon. 10 On ne connaît que deux cas où cette clause a été invoquée pour refuser une demande de brevet; l’un impliquait une souris sans poil destinée à des tests sur des produits favorisant la pousse des cheveux, l’autre une invention impliquant le clonage d’une cellule formée d’éléments humains et porcins. On a également invoqué cette clause dans le cas de l’oncosouris de Harvard. Quoique la division européenne des examens de brevets ait d’abord trouvé que le brevet sur cette souris n’allait pas à l’encontre de l’ordre public ou de la moralité, Greenpeace et d’autres organismes ont institué des procédures en opposition à l’encontre de ce brevet. Le brevet a été confirmé en novembre 2001. 11 Quoique l’on parle de non limitatif, ce n’est pas sans limite. En fait, il y a des balises déterminées par l’envergure de la disposition d’ordre public ou de moralité. 12 Quoique les êtres humains soient des animaux, la plupart des avocats affirment qu’un être humain en son entier n’est pas brevetable, ou encore qu’on ne pourrait faire respecter de brevet sur un être humain en son entier. 13 Dans le document de consultation, le CCCB a défini les « formes de vie supérieures » comme comprenant les plantes et les animaux en leur entier, mais inclut aussi leurs parties comme les séquences d’ADN et les cellules. Même si ces dernières ne font pas généralement partie de la définition de formes de vie supérieures et sont déjà brevetables, elles ont été incluses car il est difficile de délimiter précisément la différence entre l’effet d’un brevet sur les plantes et les animaux en leur entier, d’une part, et d’autre part sur les renseignements génétiques et les cellules. 14 Recueil des pratiques du Bureau des brevets, ch. 16, section 16.05 Matière vivante et section 16.04 Exemples de matières non brevetables. 15 Le Commissaire aux brevets a refusé la demande de brevet de Harvard, qui a logé un appel devant la Division d’appel de la Cour fédérale du Canada. La Division a confirmé l’appel de Harvard. La Cour suprême du Canada devra trancher maintenant sur la brevetabilité d’animaux en vertu du droit canadien. 16 Quelle que soit la décision de la Cour suprême, la Loi sur les brevets pourrait être amendée pour énoncer explicitement que les formes de vie supérieures sont ou ne sont pas brevetables. 17 Si la Cour suprême décide que les formes de vie supérieures sont brevetables, le Canada pourrait amender sa Loi sur les brevets en conséquence. 18 Par exemple, certains pays peuvent et ont institué des règlements spécifiques qui prévoient que le demandeur d’un brevet peut déposer des matières biologiques dans un endroit convenu plutôt que de suivre les règlements de description écrite qu’il lui serait impossible de respecter dans le cas de la biotechnologie. D’autre part, il est improbable que les accords commerciaux permettraient la mise sur pied de règlements spécifiques portant sur les conséquences éthiques d’inventions en biotechnologie. 19 En pratique, la date de priorité est la date à laquelle la demande de brevet a été faite pour la première fois (parfois, la date de priorité peut précéder la date du premier dépôt). Si, comme c’est souvent le cas, la première demande a été faite dans un autre pays, la date de publication au Canada serait de moins de 18 mois. 20 Des démarches sont présentement en cours pour en arriver à une déclaration des Nations Unies sur les droits des anthropoïdes, ce qui garantirait à ces derniers certains des droits qui s’appliquent présentement aux humains : le droit à la vie, à la liberté et à la protection contre la torture. Advenant que les Nations Unies adoptent une telle déclaration et qu’elle soit ratifiée par le Canada, il sera alors logique d’amender en conséquence la recommandation provisoire 1. 21 En ce qui a trait aux plantes, le Canada est lié par des obligations en vertu de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales et de la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada, deux éléments dont il faudra tenir compte lors de la mise en oeuvre de cette recommandation, advenant qu’elle est acceptée.. 22 La plupart des lois sur les brevets, y compris celles en vigueur au Canada, permettent au gouvernement de déroger aux droits sur les brevets en cas d’urgence nationale ou si le détenteur du brevet abuse de ses droits. L’Afrique du Sud voulait importer des médicaments génériques, tandis que le Brésil menaçait d’émettre une licence obligatoire pour que ces produits soient fabriqués au Brésil si les prix n’étaient pas réduits. 23 Le Comité consultatif national de la biotechnologie a été mis sur pied en 1983 pour conseiller le ministre de l’Industrie sur des questions touchant à la croissance industrielle et à la concurrence en matière de biotechnologie et, plus tard, sur un cadre réglementaire pour la biotechnologie. En 1998, il a publié son sixième rapport intitulé Assumer le leadership au prochain millénaire. 24 D’autres pays, dont le Japon et l’Australie, disposent de procédures d’opposition avant l’émission du brevet. 25 Ce rapport était accompagné d’un mémoire intitulé Summary Document: A Summary of Principal Ideas Arising from Research Papers not Addressed in the Biotechnological Intellectual Property and the Patenting of Higher Life Forms Consultation Document 2001. 26 Les résultats ne peuvent être reproduits avec prédictibilité car l’interaction entre le médecin traitant et le patient repose sur de nombreux facteurs. |
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Création: 2005-07-13 Révision: 2006-06-22 |
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