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Horizons Volume 6 Numéro 2
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  Volume 6 Numéro 2

 

À LA UNE

Espérance de vie, espérance de vie en santé et cycle de vie

Sarah Hogan et
Jeremey Lise,
Santé Canada

La Direction de la recherche appliquée et de l’analyse de Santé Canada a entrepris un examen complet des conséquences du vieillissement sur le système de soins de santé canadien. Dans cette analyse, on a utilisé des techniques de modélisation perfectionnées permettant d’explorer des questions difficiles qui laissent perplexes les économistes du secteur de la santé du monde entier. L’une de ces questions consiste à démêler les effets du vieillissement de la population découlant de la tendance à long terme à une espérance de vie accrue, due aux effets d’un « bouleversement » démographique, tels que les répercussions uniques, mais à très long terme, du vieillissement des baby-boomers. Une autre question est celle du débat sur la compression de la morbidité : dans quelle mesure l’accroissement de la durée de vie est-il attribuable à une plus longue période passée en bonne santé ou, au contraire, en mauvaise santé? Les problèmes de santé, de même que les coûts en soins de santé s’y rattachant, augmentent-ils à mesure que la population vieillit? Ou encore, les périodes de maladie sont-elles plus ou moins fixes, les principaux coûts étant associés à la période précédant le décès et survenant plus tard dans la vie à mesure que les taux de mortalité continuent de chuter?

L’analyse contribue à apaiser certaines de ces craintes. Elle a permis de constater que le vieillissement découlant d’une longévité accrue – qui explique le vieillissement de la population observé jusqu’à présent – ne semble pas exercer de pression sur les coûts des soins de santé. Elle démontre toutefois que le vieillissement engendré par l’explosion démographique de l’après-guerre exercera davantage de pressions sur les coûts, mais que ces effets seront moins importants que les pressions exercées par d’autres causes de la hausse des coûts des soins de santé, telles que l’augmentation de l’utilisation des services ou les nouveaux traitements. Elle a également permis de constater que les pressions exercées par l’explosion démographique sur les coûts en santé doivent être comparées aux pressions exercées sur le régime public de retraite du Canada, ce qui signifie qu’il faut les considérer comme une question de politique fiscale, et non comme une question de prestation des soins de santé.

L’extrait suivant est tiré d’une étude de Sarah Hogan et de Jeremey Lise, qui fait partie d’une série de documents publiés par Santé Canada.1 Cette étude permet d’explorer des questions liées à la santé et à la retraite, un aspect particulièrement important de l’analyse générale du vieillissement de la population et de la flexibilité du cycle de vie, qui constitue le thème de ce numéro de Horizons. Dans cette étude, on analyse une question parfois formulée de la façon suivante : puisque nous vivons maintenant plus longtemps, ne devrions-nous pas aussi travailler plus longtemps, au lieu de prendre plus tôt notre retraite? Les lecteurs doivent comprendre que Sarah Hogan et Jeremey Lise n’ont pas examiné la retraite dans la vaste perspective de ce qui est souhaitable ou optimal sur le plan social, car il ne s’agit pas vraiment là d’une question de santé. Dans cette analyse, on utilise plutôt la distinction entre les années passées au travail et les années passées à la retraite pour illustrer certains des principaux aspects de la santé et de la viabilité du système de soins de santé, et des rapports de dépendance éventuels. De plus, les conclusions tirées par les auteurs portent principalement sur les effets permanents du vieillissement découlant de l’espérance de vie accrue.

De nombreux lecteurs trouveront probablement les résultats étonnamment optimistes. Ceux-ci illustrent un élément que l’on oublie souvent lorsque l’espérance de vie à la naissance est à la hausse : le phénomène n’est pas uniquement associé au fait que les personnes âgées vivent plus longtemps, mais il est principalement associé au fait que les jeunes vivent suffisamment longtemps pour devenir des personnes âgées. Ce fait signifie qu’une espérance de vie accrue touche à la fois la population en âge de travailler et la population âgée. En conséquence, le fait que chaque cohorte successive vive plus longtemps signifie que les rapports de dépendance ne changent pas autant qu’on le prétend souvent. Malgré cela, l’amélioration de notre santé nous permettra de prendre notre retraite beaucoup plus tard, selon notre convenance.


Dans cette étude, on cherche d’abord à connaître les conséquences des gains futurs en matière d’espérance de vie sur les années de la vie passées à la retraite pour des cohortes successives. Ensuite, on cherche à connaître l’âge de la retraite nécessaire pour que ces cohortes puissent financer leurs dépenses en matière de santé au cours de leur vie, avec et sans compression des dépenses. Enfin, on utilise l’analyse sur la prévalence des maladies chroniques pour déterminer comment les tendances relatives à l’état de santé pourraient permettre des changements dans l’âge de la retraite.

Âges de retraite implicites de cohortes de naissance successives

À l’aide d’une unité de mesure facile à comprendre – le nombre moyen d’années supplémentaires pendant lesquelles les générations successives devront demeurer au sein de la population active – nous obtenons une interprétation intuitive des conséquences d’une espérance de vie accrue sur des cohortes successives. Cette méthode vise à répondre à la question suivante : si nous gardons constante la proportion de la vie passée au travail, combien d’années supplémentaires les cohortes successives devraient-elles s’attendre à travailler? Afin de répondre à cette question, nous déterminons l’âge implicite de la retraite de chaque cohorte qui permettrait de garder constante dans le temps la partie de la vie passée sans travailler. Nous obtenons l’âge de la retraite requis pour chaque cohorte, de sorte que chacune d’entre elles a la même capacité que les cohortes précédentes de financer la consommation de ses membres au cours de leur vie.

Les calculs qui en résultent montrent que, au cours des 20 dernières années, l’âge moyen à laquelle les hommes ont pris leur retraite dans une année donnée a chuté de 2,5 années, passant de 65,5 ans en 1976 à 62,2 ans en 1997. En prévoyant une faible augmentation de l’espérance de vie, l’âge moyen de la retraite ne devrait augmenter que d’environ six mois entre 1989 et 2040 pour que la partie de la vie passée sans travailler demeure constante, alors que le gain en matière d’espérance de vie est de onze ans au cours de cette période de 50 ans. La raison pour laquelle l’âge de la retraite peut demeurer presque constant au cours de la période de 50 ans est que, en plus d’une portion accrue de la cohorte toujours en vie après l’âge de 63 ans, davantage de personnes demeurent aussi en vie pendant leur vie active. Ces deux effets s’annulent mutuellement lorsqu’on évalue la partie de la vie passée sans travailler. Autrement dit, non seulement une proportion accrue des cohortes successives atteint-elle le troisième âge, mais une proportion accrue demeure également en vie pendant la vie active et peut ainsi économiser en vue de la consommation à la retraite.

En prévoyant une forte augmentation de l’espérance de vie, l’âge moyen de la retraite devrait atteindre 65 ans. Ce chiffre est légèrement inférieur à la moyenne de 1976. Dans ce scénario, la cohorte qui prendra sa retraite en 2046 peut s’attendre à vivre 17 années de plus que la cohorte qui a pris sa retraite en 1989.

Âges de retraite nécessaires pour maintenir constante la partie de la vie passées sans travailler

Adaptation liée à la variation des dépenses en santé selon l’âge

La partie de la vie passée sans travailler utilisée ci-dessus suppose que les dépenses sont les mêmes au cours de chaque année de la vie. Cette hypothèse ne s’applique pas aux dépenses en santé, qui ont tendance à atteindre un sommet au cours des dernières années de la vie. Par la pondération de chaque année de la vie selon les dépenses moyennes en santé pour cet âge, nous obtenons un profil des dépenses qui augmente avec l’âge pour correspondre au profil des dépenses en santé.

Dans nos projections, en pondérant chaque année de la vie selon les dépenses en santé, il nous faut émettre une hypothèse sur l’évolution de la relation entre l’âge et les dépenses pour l’avenir. D’autres études présentées dans la série de documents publiés par Santé Canada montrent que les dépenses en santé varient traditionnellement beaucoup avec l’âge et qu’elles augmentent rapidement après l’âge de 65 ans. Deux raisons pourraient expliquer ce phénomène : soit les dépenses en soins de santé sont directement liées à l’âge, soit elles n’ont rien à voir avec l’âge, mais augmentent à mesure que les personnes approchent de la fin de leur vie. Cette alternative influence grandement les coûts des soins de santé de toute une vie pour les cohortes successives, qui vivent en moyenne plus longtemps.

En supposant que les dépenses en santé varient de façon constante avec l’âge et en prévoyant une faible augmentation de l’espérance de vie, une légère hausse de l’âge de la retraite est nécessaire, passant de 63 ans en 1989 à un peu plus de 65 ans en 2046. L’âge de la retraite requis augmente à presque 74 ans lorsqu’on prévoit une grande augmentation de l’espérance de vie. Ce chiffre excède considérablement l’âge de la retraite observé au cours des 25 dernières années.

Toutefois, selon d’autres résultats obtenus, les dépenses en santé sont probablement davantage liées à la proximité du décès qu’à l’âge. Dans ce cas, comme les gens vivent plus longtemps, les années au cours desquelles les dépenses en soins de santé sont les plus élevées sont repoussées vers un âge plus avancé. Avec une telle compression des dépenses, les âges de retraite implicites changent du tout au tout. Dans ce cas, l’âge moyen de la retraite peut diminuer plutôt qu’augmenter. Ce résultat provient du fait que la compression des dépenses annule complètement les années supplémentaires passées à la retraite, tandis qu’un taux de survie élevé pendant les années passées au travail permet de réduire l’âge moyen de la retraite tout en maintenant le même nombre moyen d’années passées au sein de la population active. Il est intéressant de constater que la récente baisse de l’âge réel de la retraite observée au Canada suit de près la tendance proposée par les projections qui supposent la compression des dépenses.

C’est seulement lorsque des hypothèses très optimistes sur l’augmentation de l’espérance de vie sont combinées à des hypothèses très pessimistes sur les coûts des soins de santé que le vieillissement découlant d’une longévité accrue constitue un problème. Cette combinaison d’hypothèses semble peu probable, puisque l’on prévoit que l’amélioration de la santé explique au moins en partie pourquoi les gens vivent plus longtemps. Il serait étonnant que tous les gains réalisés en matière d’espérance de vie résultent d’interventions coûteuses prolongeant la vie des personnes âgées en mauvaise santé.

Il convient également de souligner que les calculs de l’âge de la retraite présentés dans ce document reposent uniquement sur les coûts des soins de santé, et ne prennent pas en compte d’autres dépenses engagées par la population des personnes en âge de prendre leur retraite, telles que la nourriture, les vêtements et l’éducation, qui n’ont pas la même tendance à augmenter avec l’âge. De façon générale, au cours des 50 prochaines années, si l’espérance de vie présente une faible augmentation ou si les dépenses en soins de santé sont liées aux dernières années de la vie des gens, l’âge de la retraite ne devrait pas être augmenté au-dessus de la moyenne observée en 1976.

Âges de retraite nécessaires pour maintenir constante la partie de la vie passée sans travailler

L’état de santé permettrait-il une vie active plus longue?

L’analyse présentée dans la section précédente montre que l’espérance de vie accrue nécessitera probablement une certaine hausse de l’âge moyen de la retraite, afin de maintenir la partie de la vie passée sans travailler au même niveau que par le passé. Bien que l’ampleur des augmentations nécessaires soit beaucoup moins grande que l’on pourrait le supposer, sauf si l’on se fonde sur des hypothèses très extrêmes, nous devons tout de même nous demander si un tel changement est possible. L’un des aspects de la possibilité d’un tel changement a trait à l’état de santé : manifestement, si les Canadiens ne sont pas suffisamment en santé pour travailler plus longtemps, il serait difficile d’augmenter l’âge moyen de la retraite. Par contre, si les Canadiens peuvent généralement s’attendre à vivre en bonne santé au-delà de l’âge actuel de la retraite (réputé être 63 ans, tel qu’expliqué dans la section précédente) — en particulier sans maladie invalidante — l’on pourrait sérieusement songer à prolonger la vie active des Canadiens.

Pour aborder cette question, nous examinons la prévalence de la limitation des activités chez les Canadiens, en mettant l’accent sur l’espérance de vie corrigée en fonction de l’état de santé (dans ce cas en fonction de la limitation des activités) chez les personnes âgées de 63 ans. Dans d’autres travaux de recherche réalisés dans le cadre de l’étude générale de Santé Canada, nous avons examiné la prévalence de la limitation des activités à la maison et constaté que, bien que la limitation des activités augmente avec l’âge, la prévalence de la limitation des activités a chuté entre 1994-1995 et 1998-1999 chez les hommes comme chez les femmes.

D’après l’Enquête nationale sur la santé de la population de 1998-1999 (qui renferme les plus récentes données disponibles sur la limitation des activités), le Canadien moyen âgé de 63 ans peut s’attendre à vivre sans limitation des activités jusqu’à plus de 75 ans, alors que la Canadienne moyenne du même âge peut s’attendre à vivre sans limitation des activités jusqu’à l’âge de 78 ans. Compte tenu que l’âge moyen actuel de la retraite est d’environ 63 ans, ces résultats montrent que l’on pourrait songer à prolonger de beaucoup la vie active, si l’on considère cette mesure comme souhaitable, en encourageant d’une certaine façon les nombreux Canadiens qui décideraient de prendre une retraite anticipée à demeurer au sein de la population active un peu plus longtemps. Ceci est particulièrement vrai si l’on considère la tendance observée dans la nature du travail, qui est de moins en moins exigeant sur le plan physique.

En plus de démontrer que les taux de limitation des activités sont relativement bas, les données illustrent une importante tendance. La prévalence de la limitation des activités a diminué de façon importante entre 1994-1995 et 1998-1999 chez les hommes et chez les femmes. Plus précisément, elle est passée de 26,7 à 25,7 pour cent chez les hommes âgés de 63 ans et plus, et de 31,3 à 26,5 pour cent chez les femmes âgées de 63 ans et plus. Par conséquent, les Canadiens âgés de 63 ans pouvaient, en 1998-1999, s’attendre à vivre six mois de plus sans limitation des activités qu’ils ne le pouvaient en 1994-1995, alors que les femmes âgées de 63 ans pouvaient s’attendre à vivre presque deux années de plus sans limitation des activités. Cette augmentation de l’espérance de vie corrigée en fonction de l’état de santé est proportionnellement plus élevée que la hausse de l’espérance de vie pendant la même période. Par conséquent, les Canadiens âgés de 63 ans vivent non seulement plus longtemps, mais passent aussi une plus grande partie du reste de leur vie sans limitation des activités.

Résumé

Nous avons vu que si, au cours des 50 prochaines années, l’espérance de vie présente une faible augmentation ou si les dépenses en soins de santé sont liées aux dernières années de la vie des gens, l’âge de la retraite ne devrait pas être augmenté au-dessus de la moyenne observée en 1976 pour pouvoir garder un rapport constant entre les dépenses prévues en matière de santé au cours de la vie et le nombre d’années prévu au sein de la population active pour des cohortes successives. De plus, si les gains observés entre 1994-1995 et 1998-1999 en matière d’espérance de vie corrigée en fonction de l’état de santé à l’âge de 63 ans se maintiennent, l’on pourrait songer à prolonger davantage la vie active sans augmenter la portion de la vie en santé passée au travail.

Notes

  1. On peut se procurer un exemplaire de l’ouvrage intitulé Les répercussions du vieillissement sur le régime canadien de soins de santé, qui renferme l’étude de Sarah Hogan et de Jeremey Lise dont est tiré le présent article, en communiquant avec Josée Gratton, DRAA, Santé Canada, au (613) 946-3167.

    Les lecteurs sont priés de noter que les avis exprimés dans les articles, notamment en ce qui concerne l’interprétation des données, appartiennent aux auteurs et ne peuvent être considérés comme des positions officielles de Santé Canada.

 

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Mise à jour:17/05/2004

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