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UN PARLEMENT SELON NOS VOEUX

LES VUES DES PARLEMENTAIRES SUR LA RÉFORME DU PARLEMENT

Rapport préparé par la Bibliothèque du Parlement

 

sous la direction de :
Carolyn Bennett, députée
Deborah Grey, députée
L’honorable Yves Morin, sénateur

avec :
Graham Fox
William Young

 Décembre 2003


REMERCIEMENTS

À titre de coprésidents, nous tenons à remercier
les personnes suivantes pour leur contribution :

Diane Ablonczy, députée
L’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice
Mauril Bélanger, député
Stéphane Bergeron, député
Rick Borotsik, député
Marlene Catterall, députée
Le très honorable Joe Clark, député
Liza Frulla, députée
Roger Gallaway, député
John Godfrey, député
Loyola Hearn, député
John Herron, député
Gerald Keddy, député
L’honorable John Lynch-Staunton, sénateur
Richard Marceau, député
Alexa McDonough, députée
John McKay, député
Chuck Strahl, député
Ted White, député
John Williams, député

Debbie Cook, Bureau du Conseil privé
Graham Fox, Centre KTA pour la collaboration gouvernementale
C.E.S. Franks, Université Queen’s
Frank Graves, Les Associés de recherche EKOS
Jeff Heynen, Centre canadien de gestion
Don Lenihan, Centre KTA pour la collaboration gouvernementale
Matthew Lynch, Bureau du Conseil privé
Tom Wileman, Bureau du vérificateur général

De la Bibliothèque du Parlement :

Richard Paré, Bibliothécaire parlementaire
Hugh Finsten, Bibliothécaire parlementaire associé
Brian O’Neal
James Robertson
Jack Stilborn
William Young

 

Carolyn Bennett, députée
Deborah Grey, députée
L’honorable Yves Morin, sénateur



PRÉFACE

À titre de coprésidents et de vice-présidente du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, nous sommes heureux de présenter ce rapport très actuel, qui exprime la façon dont les parlementaires voient la réforme du Parlement.  Ce rapport tire toute sa crédibilité et tout son poids du fait qu’il a été rédigé après consultation d’un grand nombre de députés et de sénateurs de tous les partis et de toutes les régions. 

Notre pays mérite un Parlement tourné vers le XXIe siècle.  Le Canada et les Canadiens ont énormément changé depuis 150 ans.  Par comparaison, nos institutions parlementaires n’ont pas suivi le rythme du changement.  Aujourd’hui, les Canadiens s’attendent, à juste titre, à une démocratie axée sur les besoins actuels, et ils nous l’ont fait savoir haut et clair.  Chaque parti politique représenté au Parlement a, d’une manière ou d’une autre, manifesté son appui au renouvellement de la démocratie et à la réforme du Parlement.

Dans le cadre de l’examen par les parlementaires de diverses propositions de changement, nous avons jugé utile de sonder les hommes et les femmes qui siègent au Parlement sur le type de Parlement qu’ils souhaitent.  Ils ont mis leur expérience à profit et parlé avec passion et conviction de la modernisation de l’institution qui est au cœur même de notre régime démocratique fédéral.  La réforme étant imminente, nous avons cru bon d’esquisser la voie dans laquelle les parlementaires veulent s’engager. 

Nous aimerions tout d’abord remercier Richard Paré, bibliothécaire parlementaire, et le personnel de la Direction de la recherche parlementaire, tout spécialement William Young, d’avoir entrepris et géré un projet aussi important en cette période critique.  Nous tenons à remercier Graham Fox et Don Lenihan du Centre KTA pour la collaboration gouvernementale de leur aide pour la consultation et la rédaction du rapport.  Nous voulons également offrir nos remerciements au Bureau du vérificateur général du Canada, qui a appuyé ce projet.  Enfin, nous exprimons nos remerciements les plus sincères à tous ceux qui, au Parlement et ailleurs, ont bien voulu accepter, malgré leur horaire chargé, de nous faire connaître leurs vues sur un sujet aussi important.

signatures



TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

INTRODUCTION

UN MOT SUR LE PROCESSUS

LE CONTEXTE

LES QUESTIONS SOULEVÉES

LES QUESTIONS  CRUCIALES : DES RÉFORMES CERTES, MAIS DANS QUEL BUT?

CONCLUSION


INTRODUCTION

Depuis une dizaine d’années, les discussions qui entourent la question de la réforme du Parlement se sont concentrées essentiellement sur les modifications du Règlement et de la procédure qui donneraient aux parlementaires plus de poids dans la prise de décisions et plus de responsabilités dans l’exercice des fonctions de leur charge.  Ainsi, plusieurs suggestions intéressantes ont été formulées concernant le fonctionnement du Parlement, mais la question de savoir à quoi doit ressembler le Parlement à l’issue du processus de réforme n’a pas vraiment été approfondie.

Tous les partis représentés au Parlement ont convenu, d’une façon ou d’une autre, de la nécessité d’une réforme parlementaire.  Leurs avis divergent sur des points importants, mais on note tout de même des similitudes frappantes.  Par exemple, la plupart souhaitent un plus grand nombre de votes libres, plus d’autonomie pour les comités parlementaires pour ce qui est de l’étude des politiques et des consultations publiques, davantage d’occasions d’interroger les ministres sur les projets de loi du gouvernement et les budgets des ministères, plus de consultations avec le gouvernement dès les premières phases du processus législatif et une plus grande place pour les affaires émanant des députés et les nominations à une charge parlementaire.

Évidemment, pour pouvoir répondre à la question « À quoi devrait ressembler le Parlement au XXIe siècle? », il faut examiner plusieurs points : le rôle des parlementaires au sein des partis politiques, la nature du rôle des parlementaires en tant que représentants de la population canadienne et d’autres encore.  Il était impossible dans le présent document d’aborder toutes ces questions.  L’accent a plutôt été mis sur des fonctions essentielles des parlementaires à la Chambre des communes et au Sénat.  De toute évidence, ces fonctions ont des répercussions sur le débat plus large, tout comme le contexte plus large influe sur le fonctionnement des parlementaires au sein de l’institution du Parlement.

Bien sûr, les suggestions formulées dans les études et rapports récents amélioreraient effectivement, pour la plupart, le fonctionnement du Parlement.  Il serait cependant aussi utile de se faire une idée plus nette du Parlement auquel devraient mener ces changements.  Jusqu’à quel point le Parlement devrait-il, de l’avis des Canadiens et de leurs représentants, différer dans son fonctionnement après la réforme?  En quoi le rôle des parlementaires doit‑il être renouvelé dans la nouvelle institution?

En tant que parlementaires, nous avons souvent débattu de propositions de modifications particulières du Règlement et d’autres règles de procédure qui régissent l’activité parlementaire, mais nous n’avons pas encore formulé la raison pour laquelle nous voulons apporter ces changements.  Le présent rapport vise à donner une idée plus claire des fonctions parlementaires essentielles se rapportant à une question absolument fondamentale – « Quel est le rôle du Parlement et des parlementaires au XXIe siècle? » – et à préciser les modifications des règles et usages du Parlement susceptibles d’étayer cette vision des choses.

Nous sommes convaincus que l’impulsion nécessaire à cette évolution doit venir de l’intérieur.  C’est au Parlement et aux parlementaires de prendre l’initiative.

UN MOT SUR LE PROCESSUS

Le présent rapport s’appuie sur les études et rapports passés au sujet de la réforme parlementaire, mais part du principe que tout changement des règles doit s’accompagner d’un changement dans la manière dont les parlementaires conçoivent leur rôle et leurs responsabilités.  Concrètement, nous cherchons à amener les parlementaires à réfléchir sur leur travail quotidien et à en discuter.  Nous cherchons aussi à leur donner des conseils pratiques sur la façon dont leur travail devra changer durant la prochaine législature pour que la réforme prenne.

À l’automne de 2003, la Bibliothèque du Parlement a consulté des députés et des sénateurs de tous les partis sur les objectifs que devrait viser la réforme parlementaire.  Elle a ensuite tenu, au début de décembre, une table ronde réunissant des parlementaires, des hauts fonctionnaires, des universitaires et d’autres intéressés pour analyser le bilan de la consultation et commencer à formuler des recommandations.

Le rapport qui suit consiste en une liste de recommandations préliminaires issues de la consultation et de la table ronde.  Ces recommandations ne sont pas une série exhaustive de révisions à apporter aux règles régissant les activités parlementaires, mais plutôt des suggestions qui nous permettent de voir plus clairement la manière dont le Parlement devrait être – selon ce que les parlementaires nous ont dit – refaçonné par la réforme. Elles comportent également des propositions plus précises de changements propres à susciter ce « nouveau » Parlement.

LE CONTEXTE

Un débat sur les politiques n’a jamais lieu dans le vide.  À cet égard, nous, en qualité de parlementaires, pouvons soit considérer ce débat comme une question interne touchant les procédures qui régissent le fonctionnement de nos Chambres respectives, ou nous pouvons élargir le champ du débat pour relier ce qui se passe au Parlement à ce qui se passe dans le pays.

À notre avis, la réforme parlementaire doit être considérée comme un des volets d’un débat plus vaste sur l’avenir de notre régime démocratique, au même titre que la réforme électorale, la démocratie directe et la réforme du Sénat.  Comme l’a dit un parlementaire durant une entrevue, la réforme parlementaire peut – ou même doit – être vue comme une manière d’étayer la démocratie entre deux élections.

 Il est donc capital, pour déterminer la meilleure façon de renouveler le Parlement, de connaître l’opinion de la population en général sur la nature de la démocratie au Canada.  De fait, le processus de consultation a montré que les attentes de la population et celles des parlementaires concernant leur rôle respectif dans notre régime démocratique sont remarquablement similaires à plus d’un égard.

Dans une analyse présentée à l’occasion de la table ronde, Frank Graves, président de la firme Les Associés de recherche EKOS, brosse un tableau intéressant de la façon dont les Canadiens voient l’état de la démocratie au Canada :

Ces observations sur les attentes de la population sont pertinentes et importantes dans le contexte du débat sur la réforme parlementaire, et ce, à deux égards. 

LES QUESTIONS SOULEVÉES

À la question de savoir si le Parlement a besoin de réformes, les parlementaires que nous avons interrogés nous ont tous répondu un oui sans équivoque.  À leur avis, l’institution parlementaire a en quelque sorte un peu perdu son chemin.

Les parlementaires déplorent le fait que la Chambre des communes et le Sénat ne sont plus, comme autrefois, le lieu de véritables débats.  Les impératifs de l’adoption des mesures gouvernementales et l’application stricte de la discipline de parti se sont conjugués pour limiter le nombre de voix entendues au Parlement.  Sur la plupart des questions qui font l’objet d’un débat public, les Canadiens ont une infinité d’opinions, mais les parlementaires ne peuvent en exprimer que quelques-unes dans l’enceinte du Parlement – en raison essentiellement de la discipline de  parti.  Le Parlement doit mettre la riche diversité des opinions embrassées au sein de la population au service de la population en permettant à ces nombreuses voix d’être entendues au Parlement.

Les parlementaires ont l’impression de n’avoir ni l’information, ni l’expertise, ni le soutien nécessaires pour vraiment obliger avec une réelle efficacité le gouvernement à rendre compte de ses actes.  À quelques exceptions près, le déluge d’information arrivant de tous côtés, la complexité des rapports sur le rendement des ministères et du processus budgétaire et le manque de temps sont autant de facteurs qui concourent à ramener la fonction d’examen du Parlement à quelques escarmouches partisanes de pure forme, sans vraiment offrir aux parlementaires la possibilité de se pencher sérieusement sur les grands dossiers ou les dépenses publiques importantes.

Dans l’ensemble, les parlementaires n’ont pas l’impression que leur travail de législateurs influe vraiment sur l’orientation de la politique publique.  Quand l’une ou l’autre Chambre est saisie d’une question, les positions sont déjà fixées, les lignes partisanes établies et l’issue du débat prédéterminée.  Au demeurant, les parlementaires estiment que, même dans les cas où ils se mettent d’accord sur un point, que ce soit la recommandation d’un comité ou une motion adoptée à la Chambre ou au Sénat, c’est souvent de peu de conséquence.  Bref, les décisions sont prises ailleurs.

Si les parlementaires s’entendent en général sur les trois griefs précités, ils tendent à dire que c’est l’un ou l’autre des deux derniers – la fonction d’examen et la fonction d’élaboration des politiques – qui est symptomatique des maux du Parlement.  En outre, bien que cette distinction ne s’applique pas à tous, il est intéressant de noter que, dans la plupart des cas, les parlementaires du parti ministériel penchent davantage vers la fonction d’élaboration des politiques et ceux de l’opposition, vers la fonction d’examen.

La distinction entre la fonction d’examen et la fonction d’élaboration des  politiques et le fait que les parlementaires du parti ministériel et ceux de l’opposition privilégient des fonctions opposées révèlent des tensions sous-jacentes importantes dans le débat sur la réforme parlementaire, que l’on peut résumer par l’opposition entre « indépendance » et « inclusion ».

D’un côté, les parlementaires reconnaissent que leur principale fonction consiste à demander des comptes au gouvernement et que le Parlement doit pour cela maintenir une certaine distance, ou « indépendance », vis-à-vis du gouvernement.

D’un autre côté, de plus en plus de parlementaires voient leur contribution au débat public en termes de politiques.  Or, pour influer sur l’orientation des politiques publiques, le Parlement doit s’immiscer très loin dans le processus de prise de décisions du gouvernement, d’où l’« inclusion ».

Pour réussir – en particulier pour répondre aux vœux des parlementaires des deux côtés de chaque Chambre –, tout projet de réforme doit trouver le juste milieu entre ces deux fonctions.  Le choix entre indépendance et inclusion n’est pas absolu, mais il a des conséquences pour la forme donnée aux réformes.

Enfin, quand on leur a demandé quels facteurs contribuaient aux problèmes actuels, les parlementaires ont évoqué la centralisation de l’établissement des priorités et des décisions, l’importance des considérations partisanes et la stricte discipline de parti.  Des universitaires et instituts d’étude des politiques réputés ont récemment recommandé, par exemple, d’assouplir la discipline de parti, d’accroître le nombre de votes libres, d’accorder une plus grande indépendance aux comités, mesures qui contribueraient grandement à atténuer certaines de ces tensions.  Il importe de noter, cependant, que ce sont là des moyens, et non des objectifs en soi.

LES QUESTIONS  CRUCIALES : DES RÉFORMES CERTES, MAIS DANS QUEL BUT?

S’il est un message qui est ressorti clairement de nos consultations auprès des parlementaires, c’est le suivant : tous les systèmes ont des règles – qu’il existe toujours des moyens de tourner.  Ainsi, une réforme qui se contenterait d’énoncer une liste de modifications du Règlement et d’autres usages et règles de procédure ferait fausse route.

Pour réussir, la réforme doit aller au-delà des simples règles et transformer la façon même dont les parlementaires conçoivent leur rôle et s’acquittent de leurs responsabilités.  À cet égard, les commentaires formulés durant la phase de consultation de ce projet nous amènent à formuler les propositions suivantes.

Objectif 1 : La réforme doit accroître la pertinence du travail des parlementaires

L’importance croissante conférée au Cabinet est telle que les autres fonctions parlementaires sont de plus en plus considérées comme des prix de consolation.  Cet état de choses est la principale cause de la baisse de l’importance associée à la charge parlementaire.

En conséquence, tout projet de réforme doit faire en sorte que les fonctions parlementaires comme celles de président de comité ou de secrétaire parlementaire soient vues comme de réelles carrières en soi et non plus comme un passage obligé pour ceux qui montent vers les hautes sphères ou en redescendent.  En outre, les tâches associées à ces fonctions doivent être prises au sérieux et avoir un réel impact sur le travail du Parlement.

Recommandation 1.1

La réforme doit viser à allonger la durée des mandats pour améliorer l’expérience et la connaissance des dossiers.

La première recommandation de la plupart des parlementaires au sujet des fonctions au Parlement est d’allonger le mandat des personnes qui occupent ces postes – qu’elles soient secrétaires parlementaires, présidents ou vice-présidents de comité ou encore membres de comités.

Pour beaucoup, l’habitude prise récemment de changer régulièrement les secrétaires parlementaires et les présidents et membres des comités a grandement miné la valeur réelle et perçue de ces postes.  La durée relativement courte des mandats empêche les intéressés d’acquérir un degré de compétence utile et leur donne l’impression qu’il ne vaut pas vraiment la peine d’approfondir leurs connaissances.

L’assurance d’un mandat plus long améliorerait vraisemblablement la valeur du travail accompli par les parlementaires qui occupent ces postes et leur degré d’expérience et de connaissance des dossiers et les encouragerait à s’investir davantage dans leurs fonctions.

Recommandation 1.2

Les réformes proposées, par exemple le relâchement de la discipline de parti, les votes libres et l’indépendance des comités, doivent mener à des résultats concrets sur le plan de l’amendement des projets de loi, de l’adoption des recommandations de comités ou de l’influence exercée sur le programme du Parlement.

Tous les partis politiques ont exprimé, dans une certaine mesure, leur appui aux réformes énoncées ci-dessus.  Cependant, aux yeux de nombreux parlementaires, elles ne sont pas des fins en soi.  Ces réformes doivent aider les parlementaires à réaliser des changements réels.

Selon de nombreuses personnes, la liberté découlant de telles réformes amènerait les parlementaires à assumer la responsabilité de leurs propres actes et prises de position.  Ces réformes mettraient aussi en valeur les avantages d’un esprit de parti sain et des partis politiques, puisque les divergences devraient alors être énoncées plus clairement et de façon plus convaincante.

Mais pour ce faire, les parlementaires devront être rassurés qu’ils ne subiront pas de représailles s’ils exercent leur indépendance et ils devront pouvoir constater l’impact qu’ils ont sur les débats, les travaux des comités et la législation.  Autrement, ils risquent de glisser un peu plus dans le cynisme.

   Objectif 2 : Les réformes doivent être axées sur l’avenir, non le passé

Lorsqu’ils ont exprimé la frustration que suscite chez eux le fonctionnement actuel du Parlement, les répondants ont souvent parlé – avec raison ou non – des rôles et des pouvoirs perdus au profit des autres branches du gouvernement, à savoir l’exécutif et le judiciaire.

Il est possible d’affirmer de façon convaincante, et d’aucuns l’ont fait, que depuis quelques décennies, les pouvoirs ont été concentrés au centre.  Cependant, à notre avis, la question est plus complexe.  Au lieu de ne parler que des fonctions, des responsabilités et des rôles que le Parlement aurait perdus aux mains d’autres organes du gouvernement fédéral, il faudrait peut-être plutôt parler des fonctions, des rôles et des responsabilités dont le Parlement a besoin pour être efficace au XXIe siècle.

Recommandation 2.1

Les suggestions de réformes ne doivent pas avoir pour objet de restaurer les belles années du gouvernement parlementaire, mais plutôt de bâtir le Parlement du XXIe siècle.

S’il s’agit simplement de reprendre les pouvoirs que le Parlement a perdus au profit du Cabinet du premier ministre, de la fonction publique ou des tribunaux, la réforme n’en sera pas réellement une.  La réforme parlementaire ne doit pas se préoccuper du passé.  Nous devons plutôt axer le débat sur le Parlement du XXIe siècle.  Ainsi, les réformes pourront tenter de redonner un peu d’indépendance au Parlement à l’égard du gouvernement, mais aussi de préciser les nouveaux rôles qu’il pourra jouer.

Par exemple, la répartition traditionnelle des rôles entre le Parlement et le gouvernement fondée sur l’opposition politiques-services ne suffit plus pour décider quels rôles et quelles responsabilités attribuer à chaque élément du gouvernement.  Cette distinction s’est estompée dans le contexte des pratiques modernes.

D’une part, les fonctionnaires d’aujourd’hui traitent régulièrement avec les citoyens à l’occasion de consultations publiques réalisées au nom de leur ministre – une fonction qui était auparavant considérée comme l’apanage du Parlement.

D’autre part, les parlementaires sont de plus en plus appelés à agir comme des éléments de l’exécutif.  Souvent dans les circonscriptions rurales, les bureaux de députés font office de guichets ministériels et aident les citoyens à s’occuper de questions d’immigration, d’assurance-emploi, de passeports et de services de santé et sociaux.

Une réforme réussie ne se limitera pas à un retour en arrière et à la répartition traditionnelle des rôles entre parlementaires et fonctionnaires.  Sous bien des rapports, cette époque est révolue.  Pour reprendre une expression de Donald Savoie, nous avons besoin d’une nouvelle entente pour définir le lien qui unira désormais le Parlement, le gouvernement et les citoyens.

Recommandation 2.2

Lorsqu’on étudie les rôles et les responsabilités du Parlement, il faut examiner les façons dont le Parlement peut donner la parole au public canadien en matière d’affaires internationales, que ce soit dans les négociations commerciales, la ratification de traités internationaux ou les délibérations des Nations Unies.

Lorsqu’ils réfléchissent aux nouveaux rôles du Parlement au XXIe siècle, bon nombre de parlementaires voient la réforme comme l’occasion de corriger un autre problème de notre système démocratique.  Selon la sénatrice Andreychuk, la mondialisation s’est traduite par la nécessité de donner un rôle plus central au Parlement dans le débat sur la politique étrangère du Canada et la négociation des traités internationaux.

Nombreux sont ceux qui croient qu’un déficit démocratique important existe aussi au niveau international et supranational, où une poignée d’organisations comme les Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale prennent des décisions qui ont une incidence sur de grandes questions intérieures telles que l’économie, les normes environnementales, les engagements sur le plan militaire, les normes du travail et la santé publique.  Faisant remarquer que des responsabilités similaires ont été attribuées à d’autres parlements, notamment le Parlement de l’Union européenne et celui de certains de ses pays membres, les parlementaires canadiens font valoir que le Parlement peut et devrait être le lieu où les Canadiens peuvent avoir leur mot à dire dans les affaires internationales.

   Objectif 3 : La réforme doit améliorer le droit de regard
  
du Parlement sur les activités gouvernementales

La fonction d’examen du Parlement a plusieurs facettes.  Selon les circonstances, le droit de regard peut vouloir dire l’interrogation d’un ministre ou d’un fonctionnaire sur une politique ou un programme, l’étude des budgets et des dépenses, l’examen de la législation ou des rapports des hauts fonctionnaires du Parlement.

Au fond, toutefois, on peut dire que surveiller le gouvernement signifie s’assurer qu’il rend compte publiquement de ses actions – de ce qu’il fait et de comment il le fait.  Du point de vue de la réforme, cela peut signifier que les parlementaires peuvent : 1) obliger le gouvernement à parler, généralement par l’entremise d’un ministre (responsabilité); 2) obliger le gouvernement à fournir des renseignements sur ce qu’il fait et créer les possibilités de débattre de l’information fournie (rapport); 3) faire ressortir les avantages et les inconvénients des politiques gouvernementales ainsi que des solutions de rechange (débat public sur le rendement).

Obliger le gouvernement à rendre compte de ses actes est, selon la plupart des parlementaires consultés, la responsabilité la plus importante du Parlement – et, paradoxalement, le domaine où son efficacité a été le plus entamée au cours des dernières années.  Toutefois, selon les personnes interrogées, les principaux obstacles à cette fonction ne sont pas le fruit de règles ou de procédures.  Souvent, les parlementaires croient que les règles actuelles leur permettent déjà de s’acquitter efficacement de ces obligations.  Ce sont plutôt les pratiques courantes et la méconnaissance de l’existence de ces règles qui empêchent les parlementaires d’employer adéquatement tous les outils dont ils disposent.

Recommandation 3.1

Il faut définir l’expression « demander des comptes au gouvernement » en fonction du rôle que l’on peut raisonnablement s’attendre à voir le Parlement jouer et préciser le sens d’« obligation de rendre compte » au XXIe siècle.

Lorsqu’on les questionne sur leur responsabilité qui consiste à demander au gouvernement de rendre compte des décisions et mesures qu’il prend, la majorité des parlementaires admettent qu’ils sont tout simplement submergés.  Selon eux, la notion traditionnelle de « demander des comptes au gouvernement » n’est plus réaliste.  Il y a plus de dépenses, de rapports et de programmes ministériels que ne peuvent en étudier attentivement les quelque 400 personnes qui composent la Chambre des communes et le Sénat.

Il est certain que les parlementaires n’ont pas abandonné leur fonction de surveillance.  C’est après tout la pierre angulaire de notre système.  Ils soulignent cependant que si le Parlement doit continuer d’exercer cette fonction, celle-ci doit être redéfinie et des ressources supplémentaires doivent être engagées pour aider le Parlement à s’en acquitter.

Les parlementaires reconnaissent que l’examen des budgets et des dépenses n’est plus simplement une question d’argent, mais d’argent dépensé judicieusement.  Les deniers publics sont-ils utilisés à bon escient?  Voilà la question.

Les parlementaires conviennent également que le système doit évoluer pour permettre à la notion d’« obligation de rendre compte » d’évoluer elle aussi.  Pendant des années, les limites inhérentes aux outils de mesure et de suivi empêchaient le gouvernement de rendre compte d’autre chose que des processus.  Les outils n’étaient pas assez raffinés pour permettre de rendre compte des résultats, ce qui signifie que le gouvernement ne pouvait expliquer que ses processus – comment le travail était accompli et si les règles étaient respectées.

Bien entendu, le respect des règles demeure un élément fondamental du contrôle des activités gouvernementales par le Parlement.  Cela dit, le gouvernement est de plus en plus capable de rendre compte d’autre chose que des processus et de dire au Parlement ce qui, exactement, a été accompli.  Par conséquent, les parlementaires reconnaissent que notre conception d’obligation de rendre compte doit elle aussi évoluer.  Un système d’examen réformé doit permettre au gouvernement de dire au Parlement ce qu’il avait l’intention de faire et comment il s’en est tiré.

Évidemment, cela aurait des conséquences sur la façon dont les parlementaires abordent leur fonction d’examen.  Si le Parlement veut vraiment contrôler ce qui est important au lieu d’attendre que les journaux en fassent leurs choux gras, il faut que le gouvernement puisse expliquer au Parlement ce qu’il a accompli, et non seulement la façon dont il y est parvenu.  Par conséquent, il faut admettre que le gouvernement puisse se tromper de temps à autre, pour autant qu’il explique comment il a tiré la leçon de son expérience.

La tâche ne sera pas aisée.  À titre d’exemple, un participant a parlé de la « responsabilité en matière d’apprentissage » et l’a comparée la situation d’un chien auquel on demande de rapporter le bâton avec lequel on le battra.  Le gouvernement et l’opposition doivent modifier leur attitude à l’égard de l’obligation de rendre compte.  Ils n’y parviendront pas du jour au lendemain, mais les parlementaires affirment qu’il ne faut jamais oublier que c’est là l’objectif ultime recherché.

Recommandation 3.2

Il faut trouver un moyen de lier les dépenses et le rendement et établir un système de renvois entre les documents (budgets des dépenses, budgets, rapports du vérificateur général, rapports ministériels sur le rendement, rapports sur les plans et les priorités).

Selon les parlementaires, un des principaux obstacles qui les attendent lorsqu’ils doivent vérifier ce que le gouvernement a fait est la montagne de renseignements qu’ils doivent assimiler.  Les documents préparés à l’intention des parlementaires sur les budgets des dépenses, les budgets, les rapports ministériels sur le rendement et les rapports sur les plans et les priorités ne sont pas exhaustifs, ni structurés pour faciliter l’utilisation des renseignements qu’ils contiennent.  On a souvent suggéré de lier les dépenses et le rendement grâce à un système de renvois qui permette à un parlementaire de voir le lien entre, par exemple, un poste du budget supplémentaire des dépenses et le rapport sur le rendement de ce programme et une recommandation formulée par le Bureau du vérificateur général.  Alors seulement un député ou un sénateur pourra décider en toute connaissance de cause s’il vote ou non en faveur des fonds additionnels demandés.

Il a été suggéré de réorganiser la façon dont les budgets des dépenses sont présentés au Parlement afin qu’ils soient reliés non pas aux programmes ministériels, mais à des « questions horizontales », comme « les enfants » ou « l’environnement », qui peuvent faire l’objet de plus d’un programme de plus d’un ministère.  Cette réorganisation pourrait faciliter l’établissement de liens entre les dépenses et les politiques.  

Cela aura, bien entendu, une incidence sur la structure et la conception des documents fournis aux parlementaires et des implications pour le système de renvois.  Ces changements ne se produiront pas non plus du jour au lendemain, mais les parlementaires ont commenté favorablement des innovations et des projets-pilotes qui ont eu lieu depuis quelques années.

Recommandation 3.3

La clé de la responsabilisation du gouvernement est le contrôle des cordons de la bourse.  Le Parlement doit pouvoir contrôler efficacement les dépenses publiques et disposer véritablement du pouvoir de modifier les budgets de dépenses.

Lier les dépenses au rendement pour mieux évaluer l’usage judicieux des sommes dépensées est un moyen parmi tant d’autres qui permettent au Parlement de garder un œil sur le gouvernement.  Beaucoup de parlementaires ont souligné le fait que leur contrôle ne sera réel que lorsque le Parlement pourra dans certains cas passer outre au gouvernement et modifier, par exemple, des rubriques du budget des dépenses.

De fait, de nombreux parlementaires interrogés estiment que, tant que le Parlement n’aura pas récupéré son droit de modifier les dépenses, un examen réel et une responsabilisation réelle seront impossibles.

Recommandation 3.4

En matière de responsabilisation, les parlementaires doivent avoir un accès plus satisfaisant aux ministres pour leur demander de répondre au nom du gouvernement.

Fondamentalement, les parlementaires des deux Chambres, autant ceux du parti ministériel que ceux de l’opposition, conviennent que le Parlement ne saura être efficace que si le gouvernement lui donne l’occasion de poser des questions et d’obtenir des réponses.  Pour certains, cela pourrait se traduire par des changements à la période des questions, bien que la majorité des parlementaires préfèrent obliger les ministres à comparaître régulièrement devant les comités.

En plus de vouloir forcer les ministres à se présenter régulièrement devant les comités, deux parlementaires ont recommandé que le Parlement adopte une procédure novatrice qui a cours à l’Assemblée nationale du Québec.  Il s’agit de l’interpellation, un événement hebdomadaire (habituellement le vendredi après-midi) pendant lequel un ministre est assigné à comparaître devant l’Assemblée, réunie en commission plénière, pendant deux heures pour répondre aux questions de l’opposition sur un sujet donné.  La durée et la procédure de l’événement en font un échange beaucoup plus intéressant entre le ministre et les députés –  donc une activité plus utile pour les parlementaires – qu’aucun événement au Parlement fédéral.

   Objectif 4 : La réforme doit mener à une contribution
  
plus importante aux débats sur les politiques

Le processus d’élaboration des politiques a évolué considérablement depuis une vingtaine d’années.  Aujourd’hui, la capacité d’intervenir dans le secteur des politiques se trouve dans les sphères gouvernementales, le milieu universitaire, le secteur privé et le tiers secteur, et fait intervenir de différentes façons un éventail de particuliers et de groupes.  Ces intervenants sont de plus en plus organisés et s’attendent à jouer un rôle dans les débats publics.

C’est dans ce contexte que les parlementaires repensent leur rôle dans l’élaboration des politiques et leurs relations avec les autres intervenants.  En qualité de représentants des citoyens, ils sont tenus de défendre l’intérêt public, mais ils ne peuvent plus tenir pour acquis qu’ils jouent automatiquement un rôle central voire pertinent dans les débats sur les politiques.  Pour jouer ce rôle, ils doivent continuellement prendre le pouls de la société.

Cependant, si l’articulation des différents intérêts revient à un nombre toujours croissant de personnes et devient de plus en plus diversifiée et fragmentée, l’élaboration des politiques requiert encore que ces intérêts soient regroupés de façon à mener, le plus souvent possible, à un consensus ou à des compromis.  C’est là le rôle qui, selon bon nombre de répondants, revient naturellement au Parlement.

Il existe toutefois une tension croissante mais naturelle entre les aspirations légitimes des parlementaires, qui souhaitent contribuer réellement aux débats sur les politiques, et la répartition du travail entre le gouvernement et le Parlement, qui confie à l’exécutif le choix des politiques.

Au cours de la table ronde, une distinction utile a été faite à cet égard entre l’élaboration des politiques, à laquelle les parlementaires peuvent participer pleinement aux côtés d’une multitude d’autres joueurs, et le choix des politiques, qui est l’apanage du gouvernement.

Recommandation 4.1

L’étape à laquelle le gouvernement sollicite l’opinion du Parlement est critique, le plus tôt étant le mieux.  Et si possible, le gouvernement doit demander l’avis du Parlement avant de statuer sur la voie qu’il y a lieu d’emprunter.

Les parlementaires étaient pratiquement unanimes à ce sujet : c’est la seule façon de rendre leur importance aux délibérations du Parlement.  Une fois que le gouvernement a dépassé le point où il consentirait toujours à changer d’idée, toute consultation véritable du Parlement devient impossible.

Certains parlementaires insistent pour dire qu’il n’est pas essentiel d’avoir le dernier mot pour participer davantage à l’élaboration des politiques.  Essentiellement, le droit de regard du Parlement sur les politiques tient davantage de la délibération que de la contrainte.

Recommandation 4.2

La capacité de consulter leurs électeurs et de parler en leur nom est un facteur extrêmement important de réussite et de satisfaction pour les parlementaires.  Cette consultation doit être un élément important de tout nouveau rôle confié au Parlement en matière de politiques.

Les parlementaires prennent leurs responsabilités très au sérieux – à juste titre d’ailleurs – lorsqu’il s’agit de représenter leurs électeurs.  Les députés, notamment, parlent avec passion  de leur rôle collectif en tant que fenêtre ouverte sur la collectivité canadienne.

Les parlementaires se sont toutefois empressés d’ajouter que leur rôle de représentants des électeurs va au-delà de la représentation des citoyens de leur circonscription ou de leur province.  Cette fonction première demeure essentielle, mais les parlementaires sont de plus en plus souvent appelés à agir à titre de représentants et de porte-parole d’autres circonscriptions, non géographiques celles-là, ou communautés d’intérêts. 

À ce titre, les parlementaires croient fermement être et devoir continuer d’être un intermédiaire de premier plan dans les consultations qui se déroulent entre le gouvernement et les citoyens.

Individuellement, les parlementaires cherchent à bien s’outiller pour être branchés en direct avec leurs électeurs.  En tant que membres de comités, ils considèrent les technologies de l’information et des communications (TIC) comme des outils de plus en plus importants pour moderniser les modes de consultation.

Recommandation 4.3

Dans le cadre des réformes, le Parlement doit se demander quelle plate-forme Web commune et quels outils devraient être mis à la disposition de chaque parlementaire et de chaque comité pour diffuser l’information et faire de la consultation sur les enjeux et les options.

Si le but de la réforme est véritablement de bâtir une institution politique pour le XXI siècle, les parlementaires doivent envisager sans tarder de se doter des outils du XXIe siècle.  Même ceux et celles qui n’utilisent pas l’Internet pour communiquer régulièrement avec leurs électeurs sont d’accord pour dire que le Parlement dans son ensemble devrait chercher à mieux profiter des possibilités offertes par les TIC. 

   Objectif 5 : La réforme doit viser un équilibre plus moderne entre les aspects
  
conflictuels et consensuels de notre système démocratique

À la base, notre système démocratique est essentiellement conflictuel.  Comme l’a fait remarquer le professeur émérite C.E.S. Franks de l’Université Queen’s durant la table ronde, cette caractéristique prend naissance dès l’élection, puisque les candidats se mesurent l’un à l’autre, tout comme les partis.  Il est naturel, par conséquent, que cette caractéristique se transpose au Parlement – de par sa conception, le Parlement repose sur cette caractéristique.

En revanche, les parlementaires cherchent de plus en plus à unir leurs efforts pour atteindre des objectifs communs.  Très peu de députés consultés dans ce projet – voire aucun – ont laissé entendre qu’il n’y avait pas de place pour la collaboration entre les partis, surtout pour ce qui est d’élaborer des politiques.  Bien sûr, après que le gouvernement a pris une décision et proposé son plan au Parlement, soit par un projet de loi ou une motion, les désaccords partisans sont susceptibles de reprendre le dessus.  Toutefois, quand il s’agit d’enjeux à long terme, ou de nouveaux enjeux, qui n’ont pas encore été frappés par des positions de parti, la plupart des parlementaires sont enthousiastes à la perspective d’une collaboration entre les partis.  Ils ont été nombreux à donner en exemple le travail accompli au sein des comités, preuve qu’ils peuvent collaborer et apporter une contribution intéressante au débat public.

Les tensions se feront toujours sentir entre les éléments conflictuels et consensuels dans les rouages du Parlement.  Aucun programme de réforme ne peut ni ne doit chercher à éliminer ces tensions.  Il est possible, toutefois, de séparer les rôles des parlementaires et les forums dans lesquels les parlementaires jouent ces rôles pour que les fonctions conflictuelles et consensuelles ne se côtoient pas dans le même contexte.  Cela est particulièrement vrai à la Chambre des communes, où la partisanerie est plus intense qu’au Sénat.

  Objectif 6 : La réforme devrait porter en priorité sur les comités

Recommandation 6.1

Il faut repenser la structure des comités et établir une distinction entre la fonction d’examen des projets de loi et celle du débat sur les politiques.

De nombreux parlementaires ont recommandé que le Parlement – en particulier la Chambre des communes – rétablisse une structure des comités où il existe une distinction entre l’examen des textes de loi, qui serait confié aux comités législatifs, et le débat sur les politiques, qui deviendrait l’affaire des comités permanents.

Dans la fonction d’examen, il faudra peut-être confier l’examen des budgets des dépenses à un comité spécialisé qui est suffisamment versé en la matière pour aborder de tels documents.

Quant aux politiques, les parlementaires sont d’avis qu’il vaudrait peut-être mieux abandonner l’habitude de structurer les comités en fonction de la structure des ministères et de permettre la formation de comités thématiques dont la portée serait interministérielle.

Il était également essentiel pour les parlementaires que le travail des comités donne des résultats.  Les comités à vocation d’examen doivent avoir l’autorité voulue.  Les comités à vocation stratégique doivent pouvoir avoir un impact.

Après qu’on aurait détaché la fonction d’examen des projets de loi des comités permanents de la Chambre, il deviendrait également plus facile de permettre à des députés de l’opposition de siéger à la présidence d’un comité, comme on le fait d’ailleurs au Sénat.  De nombreux députés interrogés – tant ceux du parti ministériel que ceux de l’opposition – ont recommandé que le nombre de députés des partis de l’opposition à la présidence de comités soit proportionnel au nombre de sièges occupés par ces partis à la Chambre.  Les parlementaires du Québec ont signalé qu’une pratique analogue a été adoptée il y a un certain temps à l’Assemblée nationale et que cette formule s’est révélée efficace pour favoriser la collaboration entre les membres des commissions.

En dernier lieu, la plupart des parlementaires croyaient si fermement que les comités doivent faire l’objet d’une réforme immédiate, qu’ils ont suggéré que le calendrier parlementaire réserve du temps exclusivement aux travaux des comités, en plus des journées consacrées aux affaires de la Chambre et des journées consacrées au travail de circonscription.

   Objectif 7 : Les réformes doivent donner aux parlementaires les outils
   nécessaires pour devenir des courtiers du savoir

Selon la grande majorité des participants, les obstacles les plus immédiats qu’ils doivent surmonter dans leur travail se présentent sur le plan des connaissances, de la formation et des ressources, plutôt que sur celui des règles et procédures régissant les activités parlementaires.

Bon nombre des recommandations présentées dans les autres sections du rapport portent sur la nécessité de mieux informer les députés et les sénateurs.  Les suggestions figurant ci‑dessous concernent la capacité des parlementaires de se servir de cette information.

Recommandation 7.1

La formation destinée aux parlementaires doit s’écarter du modèle des séances « d’orientation » et revêtir un caractère plus permanent et continu.

De nombreux parlementaires ont souligné l’utilité de certaines séances de formation offertes à l’heure actuelle aux nouveaux députés à l’ouverture d’une nouvelle législature.  Toutefois, comme l’un d’eux l’a fait remarquer, il faut huit ans pour former un médecin mais seulement 36 jours pour élire un député.  Les parlementaires s’accordent pour dire qu’il faut continuer à fournir des sessions d’orientation aux nouveaux députés, mais tendre généralement vers un modèle de formation plus permanent et continu.

Recommandation 7.2

Les parlementaires doivent disposer de meilleurs guides et conseils pour naviguer dans l’appareil fédéral.

Les ressources posent également problème.  Le bureau de circonscription d’un député, par exemple, est souvent appelé à servir de vitrine au gouvernement du Canada pour ce qui est de questions comme les demandes d’assurance-emploi, les passeports et les demandes d’immigration et de statut de réfugié.

Deux suggestions particulièrement intéressantes ont été apportées à cet égard.  Premièrement, M. Bélanger a suggéré qu’un fonctionnaire soit affecté au bureau de circonscription de chaque député pour guider les électeurs et le personnel dans la bureaucratie.  Ainsi, les citoyens de chaque circonscription auraient accès à une personne connaissant bien les services dont ils ont besoin, ce qui libérerait les autres membres du personnel du député pour aider celui-ci dans la partie législative de son travail parlementaire.

On a aussi suggéré que la plate-forme Web commune qui pourrait être conçue pour tous les parlementaires comporte un portail vers les services du gouvernement fédéral.  Ce portail contiendrait de l’information et des formulaires concernant les services les plus courants pour lesquels les électeurs font appel à leurs députés.  Il servirait également de « guichet des objets perdus » pour aider les citoyens à récupérer de l’information et des documents.  Bien personnalisé, le site pourrait diriger les citoyens vers des services provinciaux (permis de conduire, carte d’assurance-maladie, etc.) – un autre pas vers l’accès homogène aux programmes de l’État.

Recommandation 7.3

Pour devenir des courtiers du savoir, les parlementaires auront besoin de beaucoup plus de ressources pour effectuer une analyse indépendante des politiques.

Dans cette optique, le Parlement devrait envisager :

   Objectif 8 : Créer de nouveaux rapports entre
  
le Parlement et la fonction publique

Recommandation 8.1

Conclure une nouvelle entente entre le Parlement et la fonction publique.

Les parlementaires ont recommandé de conclure une nouvelle entente entre le Parlement et la fonction publique.  Certains ont dit que le Parlement s’occuperait du « contenu » et la fonction publique, des « modalités » de la gouvernance.  Si une telle dichotomie de rôles séduit par sa simplicité, elle risque de s’avérer décevante parce que presque impossible à réaliser au XXIsiècle.  Où tracer la ligne, par exemple, entre le « contenu » et les «  modalités » dans le secteur des soins de santé?  À bien des égards, décider comment un service est fourni aux citoyens aura un impact important sur la nature même du service.  Au lieu d’isoler les deux parties en tirant une ligne claire entre elles, il serait peut-être bon de voir de comment elles peuvent aborder ces questions dans un esprit de collaboration.

De toutes les suggestions formulées dans le présent rapport, la nouvelle entente avec la fonction publique est peut-être la réforme à la fois la plus importante et la plus difficile à réaliser.  Durant les entrevues, de nombreux parlementaires ont donné à entendre que la division du travail entre le Parlement et le gouvernement était nettement désavantageuse pour eux à l’heure actuelle.  Certains sont même allés jusqu’à dire qu’à défaut d’une nouvelle entente avec les gens à l’extérieur du Parlement, il serait presque vain de tenter de réformer ce qui se déroule à l’intérieur du Parlement.

Il est intéressant de noter que durant la table ronde, les fonctionnaires présents ont exprimé les mêmes préoccupations et le désir de trouver un nouveau terrain d’entente.

Recommandation 8.2

La communication entre le Parlement et le gouvernement doit être ininterrompue et il faut trouver des moyens de permettre aux députés et aux fonctionnaires de collaborer sans compromettre le devoir de ceux-ci envers leur ministre.

Dans le cadre du dialogue qui, selon les participants, devrait normalement se dérouler entre les parlementaires et les fonctionnaires, de nombreux parlementaires insistent sur la nécessité de mettre la conversation – et la consultation – continue entre le Parlement et le gouvernement, sans doute par l’entremise du ministre, au cœur du système de l’avenir.

De nombreux participants, surtout parmi les fonctionnaires, ont bien sûr signalé l’importance de ne pas placer les fonctionnaires dans la difficile position de servir deux maîtres.  Ils sont avant tout au service du ministre.  De l’avis de la plupart des parlementaires, toutefois, la nécessité de respecter cette caractéristique de base de notre système ne doit pas nous empêcher et ne nous empêche pas d’asseoir sur de nouvelles bases les rapports entre ces deux solitudes.  Pour accroître les chances de succès, on suggère de mettre ces idées à l’épreuve dans des domaines de politique moins controversés et à des moments où le gouvernement n’a pas encore pris position.

CONCLUSION

Le processus de consultation a mis en évidence le fait que la réforme parlementaire est, à n’en pas douter, fort complexe et suscite de fortes réactions chez les parlementaires de toutes les allégeances politiques.  Interrogés au sujet de leurs vues sur la réforme, certains parlementaires ont exprimé un vif enthousiasme et un grand optimisme pour l’avenir.  D’autres ont manifesté un véritable cynisme et dit croire que les changements si nécessaires ne seront jamais apportés. 

Il ressort de cette étude qu’il faut tourner notre regard vers l’avenir.  Le Canada et les Canadiens ont énormément changé depuis 1867, contrairement à nos institutions politiques nationales.  Il n’est donc pas exagéré de dire qu’il s’agit d’un débat historique – un débat qui laisse entrevoir la possibilité d’un fonctionnement modifié du gouvernement fédéral si nous, parlementaires, savons nous montrer à la hauteur.

Notre message, inspiré de nos consultations, est qu’au moment de soupeser les nombreuses options qui s’offrent à nous et de prendre des décisions sur le rôle futur des parlementaires, nous devons nous rappeler que les réformes doivent viser :

Voilà en quelques mots le Parlement auquel nous aspirons.  Les parlementaires ne souhaitent et les Canadiens ne méritent rien de moins.

 

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