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Référence : Khadr c. Canada (C.F.), 2005 CF 1076, (2005), [2006] 2 R.C.F. 506
Date : 8 août 2005
Dossier : T-536-04
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T-536-04

2005 CF 1076

Omar Ahmed Khadr par sa tutrice à l'instance Fatmah El-Samnah (demandeur)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

Répertorié : Khadr c. Canada (C.F.)

Cour fédérale, juge von Finckenstein--Edmonton, 7 juillet; Ottawa, 8 août 2005.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Arrestation, détention, emprisonnement -- Requête en injonction provisoire interdisant à la défenderesse de procéder à d'autres entrevues ou interrogatoires du demandeur jusqu'à la tenue du procès relatif à l'action en dommages-intérêts et en jugement déclaratoire portant que les droits garantis au demandeur par la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés -- Le demandeur est un citoyen canadien détenu à Guantanamo depuis 2002 par le gouvernement des États-Unis en raison de son présumé rôle au sein des forces d'Al-Qaïda en Afghanistan -- Il a été assigné devant un tribunal militaire spécial appelé Combattant Status Review Tribunal et a été désigné combattant ennemi -- Il a été interrogé par des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAÉCI) et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) -- Le demandeur prétend que les fonctionnaires du MAÉCI et du SCRS ont porté atteinte à son droit de garder le silence, à son droit de consulter un avocat et à son droit d'être informé des accusations portées contre lui en l'interrogeant -- Ces fonctionnaires ont joué un rôle de premier plan lors de l'interrogatoire du demandeur -- Ils ont remis aux autorités américaines un résumé de ces entrevues -- En l'espèce, il n'était pas question de la suspension ou de l'exemption d'application d'une loi dont la constitutionnalité était contestée -- Le demandeur a invoqué la Charte afin d'empêcher que les renseignements qu'obtiendraient les agents des services de sécurité canadiens qui l'interrogeraient soient utilisés dans le cadre de tout procès qui pourrait à l'avenir être intenté aux États-Unis -- Les droits consacrés par la Charte peuvent s'appliquer à l'extérieur du Canada à certaines conditions -- Il est possible de prononcer une injonction contre l'État pour sanctionner une violation de la Charte découlant non seulement d'une loi inconstitutionnelle mais d'agissements interdits.

Couronne -- Pratique -- Requête en injonction provisoire interdisant à la défenderesse de procéder à d'autres entrevues ou interrogatoires du demandeur jusqu'à la tenue du procès relatif à l'action en dommages-intérêts et en jugement déclaratoire portant que les droits garantis au demandeur par la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés -- Le demandeur est un citoyen canadien détenu à Guantanamo depuis 2002 par le gouvernement des États-Unis en raison de son présumé rôle au sein des forces d'Al-Qaïda en Afghanistan -- Il est possible de prononcer une injonction contre l'État pour sanctionner une violation de la Charte découlant d'une loi inconstitutionnelle ou d'agissements interdits, à condition que soient respectées les conditions préalables énoncées dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général).

Injonctions -- Requête en injonction provisoire interdisant à la défenderesse de procéder à d'autres entrevues ou interrogatoires du demandeur jusqu'à la tenue du procès relatif à son action intentée pour des violations alléguées de la Charte -- On peut obtenir une injonction interlocutoire dans le cadre d'une cause où la Charte est invoquée lorsque la constitutionnalité d'agissements accomplis en vertu d'une loi valide est contestée -- L'injonction interlocutoire a pour objet d'empêcher la violation des droits garantis par la Charte en attendant que soit tenu le procès relatif à l'action principale -- Le demandeur a rempli les conditions préalables énoncées dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) en matière d'injonctions : il a établi qu'il y a une question sérieuse à juger, qu'il peut subir un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur -- Compte tenu de la gravité des accusations portées contre le demandeur, tout procès qui serait intenté contre lui aux États-Unis pourrait lui causer un préjudice irréparable -- On doit concilier les activités légitimes de cueillette de renseignements effectuées par le SCRS en vue de lutter contre Al-Qaïda et les activités exercées par le MAÉCI à l'appui des Canadiens qui se trouvent à l'étranger, et le risque que court le demandeur que les renseignements obtenus de lui soient utilisés dans des poursuites intentées contre lui -- L'intérêt public exige que, lorsqu'ils interrogent des Canadiens, au Canada ou à l'étranger, les fonctionnaires canadiens respectent la Charte -- Le risque que court le demandeur d'être condamné aux États-Unis sur la foi d'éléments de preuve obtenus en violation de la Charte l'emportait sur le danger que représente pour l'intérêt public l'impossibilité pour les fonctionnaires du SCRS et du MAÉCI de le rencontrer.

Renseignement de sécurité -- Des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAÉCI) et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont interrogé le demandeur au sujet de son présumé rôle au sein des forces d'Al-Qaïda -- Ces fonctionnaires ont l'obligation de recueillir des renseignements à des fins de sécurité nationale, mais ils n'ont pas le droit d'interroger une personne qui ne veut pas être interrogée -- Ils ont refusé de s'engager à vérifier l'utilisation future des renseignements qui ont été recueillis auprès du demandeur par les agents canadiens et qui ont été communiqués aux autorités américaines -- La Cour en a tiré une inférence défavorable en concluant que ces renseignements seraient utilisés contre le demandeur.

Il s'agissait d'une requête en injonction provisoire interdisant à la défenderesse de procéder à d'autres entrevues ou interrogatoires du demandeur jusqu'à la tenue du procès relatif à son action intentée contre la défenderesse. Le demandeur réclame des dommages-intérêts et un jugement déclaratoire portant que les droits qui lui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés. Le demandeur est un citoyen canadien âgé de 17 ans qui est détenu à Guantanamo depuis 2002 par le gouvernement des États-Unis en raison de son présumé rôle au sein des forces d'Al-Qaïda en Afghanistan. Le demandeur soutenait qu'il avait été interrogé à plusieurs reprises au cours de sa détention et qu'il s'est vu refuser l'accès à des représentants consulaires, à ses avocats et à sa famille. Il a été assigné devant un tribunal militaire spécial appelé Combattant Status Review Tribunal, il a été désigné combattant ennemi (membre d'Al-Qaïda ayant participé à des opérations militaires contre les forces des États-Unis) et il est toujours détenu. Il a reçu à trois reprises la visite de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAÉCI) et du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Un résumé des renseignements recueillis lors de ces visites a été communiqué aux autorités américaines et à la Gendarmerie royale du Canada. On ignorait à quelles fins ce résumé devait servir et le SCRS a refusé de s'engager à s'informer à ce sujet. La police canadienne n'a formulé aucune allégation et n'a ouvert aucune enquête qui serait liée à un crime commis ou devant faire l'objet de poursuites au Canada. Les trois questions suivantes se posa