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Comité consultatif canadien de la biotechnologie
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Rapport d’étape et commentaire sur le débat international au sujet du principe de précaution

suite à la Conférence internationale sur la biotechnologie dans l’économie mondiale : la science et le Principe de Précaution tenue les 22 et 23 septembre 2000 à la Kennedy School of Government, Harvard University
Préparé pour

Le Comité de direction du projet sur la réglementation des aliments génétiquement modifiés du Comité consultatif canadien de la biotechnologie

par Marc Saner
Décembre 2000

Table des matières

  1. Objectifs de la conférence
  2. Les limites propres à la conférencee
  3. Les questions de fond
  4. Différences entre les pays en matière d’utilisation du PP
  5. Effets de la divergence des modèles sur les pays en développement
  6. Perspectives et recommandation

  1. Conference Goals

    Le texte qui suit, en caractères sans empattement, est le résumé de la conférence, que les organisateurs ont affiché sur leur site Web à l’intention des participants. J’ai mis en gras un passage sur lequel je reviendrai dans la section suivante.

    Le Center for International Development (CID) de l’université Harvard et le Belfer Center for Science and International Affairs (BCSIA) ont tenu de concert une conférence intitulée « Conférence internationale sur la biotechnologie dans l’économie mondiale : la science et le principe de précaution », les 22 et 23 septembre 2000 à la Kennedy School of Government de Harvard. La conférence s’inscrivait dans une série d’activités organisées dans le but d’analyser les grandes questions stratégiques liées à la biotechnologie et à la mondialisation.L’exploitation sans risque de la biotechnologie agricole moderne est devenue l’objet de l’une des controverses les plus houleuses jamais vues dans le monde entier. Les parties au débat conviennent généralement de la nécessité de recourir à l’évaluation, à la gestion et à la divulgation des risques afin d’assurer l’innocuité des produits de la biotechnologie, mais les pays ne s’entendent pas sur l’intégration de ces mesures à leur politique officielle. Certains pays exigent que « des principes scientifiques objectifs » régissent la restriction du commerce des produits qui risquent de mettre en danger l’environnement et la santé humaine. D’autres, par contre, favorisent l’instauration de « mesures de précaution » selon lesquelles les gouvernements sont autorisés à intervenir même dans les cas où les preuves scientifiques ne sont pas complètes. En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) adoptait le principe 15, lequel déclare que « dans l’éventualité de la menace de dommages graves ou irréversibles, l’absence d’une certitude scientifique absolue ne justifie pas le report de mesures rentables visant à empêcher la dégradation de l’environnement » (traduction libre). L’ONU a récemment intégré une version de ce principe au Protocole de la biosécurité afférent à la Convention sur la diversité biologique. Une controverse considérable continue de régner quant à la signification, à la portée, au contexte et à l’application du principe de précaution en matière de commerce international et de gestion de l’environnement.La conférence tenue à Harvard avait pour but d’analyser les incidences politiques et pratiques du recours au principe de précaution dans le domaine de la biotechnologie. Le programme de la conférence couvrait : a) les aspects théoriques, historiques et culturels du principe de précaution; b) les applications antérieures du principe au droit international de l’environnement et du commerce; c) les implications de diverses définitions de l’utilisation du principe dans les discussions et les négociations à l’échelle internationale; et d) les incidences sociales, économiques et politiques du principe dans les pays industrialisés et les pays en voie de développement.La conférence a pris la forme de deux séances plénières et de deux séances parallèles de discussion. Les résultats obtenus contribuent aux efforts mis en oeuvre actuellement en vue d’élaborer des activités de recherche, d’offrir des programmes de formation et de favoriser le débat d’orientation et la sensibilisation à l’utilisation sans risque de la biotechnologie. »

    [Un résumé de la conférence (textes, aides visuelles et enregistrements sonores) est affiché au site Web (http://www.iisd.ca/sd/biotech/)]
  2. Les limites propres à la conférence

    Il s'agissait de la deuxiène d'une série de conférences extrêmement fructueuses et riches en information au sujet de la biotechnologie moderne. Elle a permis de saisir un aperçu très général des enjeux. La conférence a attiré la participation de nombreuses personnalités influentes et une représentation internationale importante. Il est important de souligner, cependant, que le débat au sujet du principe de précaution (PP) est une affaire très complexe et personne ne peut s'attendre à ce que les enjeux connexes puissent se régler lors d'une rencoutre d'aussi courte durée.

    Le débat concernant la signification et la mise en oeuvre du principe de précaution est maintenant si vaste que certains spécialistes en ont fait leur profession. Le bouillonnement d’activité auquel il donne lieu englobe un bon nombre de conférences spécialisées, des ouvrages entiers et d’innombrables articles publiés dans les périodiques savants et dans la presse populaire. La rubrique de « points de vue » du site Web de la conférence représente, à elle seule, environ 25 000 mots et pourrait constituer un livre de dimensions modestes (http://www.cid.harvard.edu/cidbiotech/comments/). Les documents distribués pendant la conférence offrent une mesure de l’immensité du débat. Enfin, les conférences spécialisées sur la question sont de plus en plus fréquentes. Sans essayer de recenser toutes celles qui se sont tenues récemment sur le PP, en voici trois dont j’ai pris connaissance par hasard ces jours derniers :
    • Quatre jours après la conférence de Harvard, l’organisme International Consumers for Civil Society parrainait un séminaire d’information sur « le principe de précaution en agriculture et en biotechnologie », sous les auspices de la fondation Kaiser dans le cadre de la série des Capitol Hill Briefings (États-Unis).
    • Dans le dernier bulletin d’information de la Society of Environmental Toxicology and Chemistry (États-Unis), j’ai relevé une longue analyse du principe de précaution, qui avait fait l’objet de l’une des séance de clôture du « Congrès sur le Tiers-Monde » organisé par cette société (Brighton, Royaume-Uni, mai 2000).
    • Un autre bulletin électronique m’apprend qu’en juin 2000, le Harvard Center for Risk Analysis a parrainé un atelier d’orientation stratégique sur le thème suivant : « le principe de précaution, faut-il le préciser ou le remplacer? ».

    Ces quelques exemples suffisent à esquisser le contexte dans lequel envisager les objectifs mentionnés plus haut de la conférence de Harvard.

    Cette conférence était également limitée par le mode d’encadrement de la question. La mise en opposition de « principes scientifiques objectifs » et de « principe de précaution », qui figure au thème de la conférence tel que décrit plus haut, peut prêter à confusion. Elle semble sous-entendre que les « principes scientifiques objectifs » sont exempts du PP et que le PP ne contient pas de principes scientifiques objectifs. Pendant la conférence, les spécialistes de la situation scientifique et juridique contemporaine aux États-Unis n’ont certainement pas caché que le principe de précaution avait été utilisé pendant des années au sein d’une « démarchée axée sur des principes scientifiques objectifs » bien avant de faire l’objet de débats. Les partisans du PP ont également affirmé leur vif intérêt à discuter des questions de risque en fonction d’hypothèses vérifiables (et pouvant donc être traitées à l‘aide de principes scientifiques objectifs). En conséquence, je serais disposé à soutenir que la mise en opposition de « principes scientifiques objectifs » et de « principe de précaution » ne donne pas une juste description des positions divergentes en présence. En outre, elle pourrait même favoriser le recours à la rhétorique puisque ni l’une ni l’autre des parties au débat ne veut être considérée comme « imprudente » ou « non scientifique ». Bien au contraire, toutes les parties aspirent à conjuguer des faits exacts à une prudence raisonnable.

  3. Les questions de fond

    La mise en contexte de ce débat pose un défi énorme. En participant à la conférence et en m’efforçant de tendre à toutes les parties une oreille impartiale (et je m’estime autorisé à le faire à titre de scientifique et d’éthicien et d’origine à la fois canadienne et européenne), je me suis rendu compte que la plupart des conférenciers recouraient à la rhétorique pour faire valoir leurs perspectives divergentes concernant la biotechnologie. Toutefois, je me suis rendu compte également que le problème ne venait pas uniquement du caractère purement rhétorique du discours des conférenciers, car il est vite devenu évident que les auditeurs aussi véhiculaient des préjugés; leurs réactions étaient souvent émotives et loin d’être toujours justifiées par le contenu des exposés.

    En bien des façons, la séance d’ouverture s’est avérée la plus intéressante et a présenté clairement les conflits de fond. Elle a également soulevé la controverse et donné lieu à des discussions fort animées une fois les exposés terminés.

    Dans son introduction, l’organisateur de la conférence, Calestous Juma, a signalé que son équipe avait recensé 14 définitions différentes du PP (certains participants ont fait remarquer plus tard que cette estimation était bien faible) et que, par conséquent, au départ, il ne semblait pas possible de donner à la conférence l’objectif de déterminer la signification précise du PP.

    Jeffrey Sachs, directeur du Center for International Development, à Harvard, a mis de l’avant des arguments vigoureux en faveur de l’utilisation de la biotechnologie partout dans le monde et de la mise en oeuvre du PP dans un contexte étroit d’évaluation du risque. Selon lui, le progrès des sciences et de la technologie est d’une importance cruciale pour l’avenir des pays peu industrialisés. Les transferts de technologie et l’adoption de la biotechnologie sont nécessaires à ces pays qui autrement, seront exclus de la nouvelle économie. Jeffrey Sachs a également prédit que la biotechnologie continuerait de progresser aux États-Unis, qu’elle allait prendre son essor en Chine et en Inde et qu’elle serait adoptée par l’Amérique du Sud. Il hésite en ce qui concerne l’Afrique. À son avis, les pays devraient jouir d’une autonomie entière en matière d’acceptation du risque, et il qualifie le PP d’irrémédiablement vague à moins que l’on n’arrive à le quantifier.

    Le conférencier suivant, John Holdren du Belfer Centre for Science and International Affairs, à l’université Harvard, a défendu une position très différente, soutenant qu’il est impossible de tout quantifier ou monétiser. Il met en garde contre une surestimation des attentes, qui peut comporter des dangers très graves (comme on l’a vu, par exemple, dans le cas de l’énergie nucléaire). Il mentionne aussi l’abondance grandissante des rapports industrie-universités qui, d’après lui, est un des enjeux principaux en rapport avec la biotechnologie.

    Konrad Von Moltke, de l’Institut international du développement durable, s’est penché sur le cadre institutionnel. Selon ses affirmations, l’article 20 de l’Accord du GATT est inadéquat et de là découlent l’incapacité de l’OMC à agir en cette matière et les divergences internationales concernant l’utilisation du PP. Il cite de nombreux cas où le PP est déjà opérationnel et des exemples concrets de problèmes environnementaux qui ont pu se régler avec succès malgré le recours à des systèmes de gestion apparemment impropres. En conséquence, Von Moltke n’est pas du tout préoccupé par le caractère vague du PP. Il rappelle que l’évaluation du risque est une invention américaine qui reste enchaînée aux « incohérences de structure de l’appareil gouvernemental des États-Unis », ajoutant que la France « a autant besoin de l’évaluation du risque que d’un trou dans la tête ». Il termine son exposé par un conseil, celui de ne pas définir le PP uniquement en fonction de la biotechnologie.

    Carolyn Raffensperger, du Science and Environmental Health Network (Canada et États-Unis), a exposé le point de vue des ONG. Elle favorise une définition du PP selon l’envergure (« Wingspread Definition »), définition qu’elle a elle-même exposée et défendue lors d’une conférence tenue en 1998. Elle privilégie également une démarche plus large d’évaluation du risque, celle qui est décrite dans le nouvel ouvrage de Mary O’Brien (Making Better Environmental Decisions, MIT Press, 2000). Les principes généraux de cette approche consistent à envisager les enjeux de façon plus globale et à déterminer et viser de grands objectifs sociétaux. Carolyn Raffensperger affirme aussi que le PP n’est pas en conflit avec la science, mais qu’il nécessite la mise en jeu de bases scientifiques plus nombreuses et différentes de celles qui sont traditionnellement utilisées. À son avis, le PP est un principe prédominant qui devrait intervenir dès les tout débuts d’un programme de recherches.

    Les exposés des autres séances sont revenus sur les thèmes énoncés dans la séance d’ouverture. Voici comment je décrirais les grands enjeux abordés :
    • Les critiques de la biotechnologie et-ou de son système de réglementation ont essayé de montrer que le problème principal tient à « l’étroitesse de la démarche » utilisée par les gouvernements pour évaluer les risques ou au « peu de disposition » des gouvernements et de l’industrie à donner des réponses claires. Le caractère vague du PP n’a pas une grande importance.
    • Les défenseurs de la biotechnologie et des systèmes de réglementation actuels se sont efforcés de démontrer que la question primordiale est celle de l’incompréhension du public (conjuguée à la désinformation émanant de certaines ONG). Pour eux, le caractère vague du PP est un problème sérieux. L’industrie n’aime pas le PP parce qu’il rend le système de réglementation moins prévisible pour le moment et peut-être même de façon permanente (le PP est difficile à définir étroitement et même ses définitions larges ne font pas encore l’unanimité).
    Deux aphorismes énoncés pendant la conférence donnent peut-être une image claire et concise de ces positions opposées:
    • De la part des critiques de la biotechnologie : « Regardez avant de sauter »;
    • De la part des partisans de la biotechnologie : « Tout le monde est avide de progrès mais personne ne veut de changement ».
    L’ajout de la dimension internationale rend cependant les enjeux plus complexes. Je pourrais résumer comme suit les questions soulevées à cet égard :
    • Sur le plan international, d’une part, les critiques de la biotechnologie tentent de montrer que les risques rattachés à la biotechnologie sont réels et que les producteurs sont tenus de chercher à mieux comprendre ces risques. Bien plus, un des participants à la conférence déclare que les démocraties européennes à représentation proportionnelle sont « plus démocratiques » que les États-Unis et que, par conséquent, l’environnement politique européen est plus propice à une discussion ouverte des questions controversées.
    • D’autre part, les participants venus de pays moins industrialisés affirment d’emblée que le protectionnisme voilé est une menace de première importance pour leurs économies et que des gens très pauvres se voient contraints à un mode de vie comportant souvent des dangers extrêmes (par exemple, à recycler les seringues usagées que les autorités hospitalières font jeter dans les décharges publiques). Un participant de l’industrie pose alors la question suivante : « La mise en oeuvre du PP, dans son utilisation raisonnable, donnerait-elle un avantage injuste au monde industrialisé? ».
  4. Différences entre les pays en matière d’utilisation du PP

    En ce qui a trait à l’utilisation du PP, le conflit principal se situe entre l’Europe et l’Amérique du Nord. La conférence de Harvard n’a pas cherché, cependant, à déterminer en quoi exactement les modèles diffèrent l’un de l’autre. Un exposé présenté par un participant des Pays-Bas décrivait des méthodes d’évaluation du risque qui paraissaient fort raisonnable du point de vue nord-américain. Il n’empêche que de nombreux participants provenant des États-Unis ont critiqué le document européen émanant de la Commission du principe de précaution (Commission européenne, Bruxelles, 2 février 2000), mais personnellement, je vois pas très bien de quelles façons précises les deux systèmes divergeront une fois qu’ils seront pleinement en vigueur. Il est possible que le conflit ne soit pas tellement entre les organes de réglementation des divers pays, mais plutôt entre les représentants du public et les systèmes de réglementation déjà en place. J’entends par là que les méthodes de réglementation des pays de l’OCDE sont déjà rationalisées au point d’admettre des conceptions radicalement différentes du PP. Par ailleurs, il semble exister des différences entre les pays quant à la validité de ces méthodes de réglementation et à la disposition des citoyens et de la classe politique à les contester. Il faut souligner que ma perception est de nature plutôt empirique, qu’il faudrait la vérifier par des recherches et que personne ne l’a énoncée explicitement lors de la conférence.

    Les participants venus des pays en développement ont démontré non seulement qu’il existe des différences entre cultures en ce qui concerne la disposition à prendre des risques, mais aussi que l’évaluation des risques peut varier en raison de conditions environnementales différentes.

  5. Effets de la divergence des modèles sur les pays en développement

    Les effets que peut avoir sur les pays en développement le recours à des modèles divergents d’interprétation et d’application du PP ne peuvent faire l’objet que d’hypothèses pour le moment. Les incidences effectives dépendront beaucoup de la qualité des décisions produites par les systèmes de réglementation divergents. Il faudra des années avant de pouvoir évaluer complètement lequel des systèmes agit le plus justement en rapport avec la santé humaine, l’environnement et la société.

    Toutefois, certains participants ont soutenu que le protectionnisme pouvait avoir des conséquences désastreuses pour les pays en développement. Le haut fonctionnaire commercial qui représentait l’Argentine à la conférence était profondément préoccupé par la possibilité que le protectionnisme fasse son apparition sous le déguisement de la précaution (c’est-à-dire, que le PP annule l’effet des règlements phytosanitaires prévus par l’OMC). Par le passé, l’Argentine usait d’une forme de PP en refusant l’enregistrement d’un produit qui faisait l’objet de controverses internationales. Le participant argentin a formulé le dilemme comme suit : 1) il y a soutien au PP dans le sens d’une réglementation de la protection de l’environnement, mais 2) il y a méfiance à l‘égard du PP s’il est mis en oeuvre par les hauts fonctionnaires du commerce.

    Dans mon propre exposé, j’ai plaidé en faveur de la transparence tant dans le débat sur le PP que dans la mise en oeuvre du principe. Il y a là un devoir moral que les pays industrialisés devraient assumer, pour la simple raison que les pays en développement n’ont pas accès aux renseignements non officiels émanant des débats tenus dans le cadre de l’OCDE ni aux détails des rouages internes de nos régimes de réglementation. Les pays non industrialisés sont peut-être capables d’évaluer et de gérer les risques liés aux produits, mais ils ne peuvent pas évaluer la qualité de notre travail si nous n’agissons pas dans la transparence.

  6. Perspectives et recommandation

    À mon avis, il y a bien des chances que le débat au sujet du principe de précaution ressemble de près à l’ancienne dispute concernant le « développement durable ». S’il en est ainsi, les résultats risquent d’aller à l’encontre du but recherché. Il s’ensuit donc que la gestion du débat pourrait avoir une importance capitale.

    Pourquoi le PP suscite-t-il autant le débat? Je dirais que la nature du débat, dans lequel interviennent des scientifiques, des décisionnaires, des économistes, des spécialistes en commerce international et de nombreuses organisations non gouvernementales, montre que le principe de précaution est au coeur même du conflit ayant trait au rôle de l’Organisation mondiale du commerce et à la question de savoir comment tenir compte de valeurs dans un système qui se veut, par ailleurs, fondé sur la science.

    Il faudrait toute une somme de travail pour arriver à résumer ce qui s’est déjà accompli dans le monde entier au sujet de la conception et de la mise en application du PP. Il ne faut pas oublier non plus qu’une bonne part de cette action est en devenir. Les organes de réglementation ont émis des déclarations officielles, mais les enjeux commerciaux entourant ces déclarations pourraient éventuellement en entraîner la modification ou en changer la concrétisation. Par conséquent, un résumé minutieux des documents produits à l’échelle internationale n’est peut-être pas la meilleure démarche à emprunter pour saisir les questions importantes.

    En revanche, il est fort possible que nous devions procéder à une évaluation de la situation canadienne (du point de vue des citoyens, des gouvernements et de l’industrie) avant de pouvoir être en mesure de participer au débat mondial qui se poursuit. Lors des consultations auprès du public, il faudrait être ouvert aux suggestions offertes concernant le système de réglementation en général et aussi à celles visant la manière de concevoir et d’intégrer le PP. Il est probable, cependant, que les commentaires de cette nature viendront uniquement d’une toute petite partie de la population, celle qui connaît déjà les questions techniques propres à la gestion du risque. Un processus consultatif faisant intervenir tous les citoyens exige au préalable de déterminer exactement les valeurs fondamentales (et les visions du monde) qui animent le public. La compréhension de ces valeurs du public (qui supporte toujours la plus grande part du risque) peut donner une orientation aux décisions concernant la conception et le degré d’application du PP qui conviennent le mieux à la situation canadienne.

    Recommandation

    Je suis convaincu que la question fondamentale n’est de nature ni scientifique ni entièrement politique. À mon avis (partial), la clé de sa compréhension réside dans 1) l’analyse des cadres de valeurs sousjacents, 2) l’expression de ces cadres de valeurs en un langage systématique et clair et 3) la tenue d’un dialogue entre tous les intéressés en vue de trouver une convergence qui se manifestera dans des recommandations de principe. On trouve un modèle de ce genre de dialogue dans un rapport commandé récemment par le CCCB (Paul Thompson, « Intégration de facteurs d’éthique à la biotechnologie alimentaire et agricole », version provisoire, 26 juin 2000). Je soutiens qu’un tel dialogue devrait faire appel au langage systématique et clair élaboré pendant l’analyse et s’efforcer d’en arriver à une convergence des recommandations de principe plutôt qu’à une concordance entre les cadres de valeurs sous-jacents (ce second objectif étant, à mon avis, trop ambitieux).

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2005-07-13
Révision: 2005-07-13
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