Skip all menusSkip 
first menu
English BioPortail du gouvernement du Canada
Accueil Plan du site Salle de
presse
FAQ Recherche
cccb-cbac
Naviguer

Vedettes
Contexte
Procès-verbaux des réunions
Publications
Mémoires consultatifs
Rapports annuels
Consultations
Rapports des projets
Recherche
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
Thèmes
Coup d'oeil sur la biotechnologie
Salle de presse
Outil de dialogue
Glossaire









Comité consultatif canadien de la biotechnologie
Accueil Publications Recherche 2000

La génétique, la protection des renseignements personnels et la discrimination

Auteur : Eugene Oscapella

Table des matières

Résumé

Introduction

Partie I : La science

  1. Ce que peut révéler la technologie génétique
  2. Utilisations de l'information génétique

Partie II : Cadres législatifs traitant de la protection des renseignements génétiques et de la discrimination génétique

  1. Le cadre législatif général
    1. Droit constitutionnel
    2. Lois fédérales et provinciales en matière de protection des données
    3. Lois provinciales en matière de protection des renseignements sur la santé
    4. Codes des droits de la personne
    5. Loi sur les assurances
    6. Délits civils
    7. Codes déontologiques
    8. Lois protégeant contre l'intrusion physique
    9. Protection quasi constitutionnelle éventuelle : la Charte du droit au respect de la vie privée (projet de loi S-27)
  2. Exemples de lois canadiennes et d'autres initiatives visant spécifiquement les questions génétiques
    1. Projet de loi C-47 : Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique
    2. Éthique en matière de recherche
    3. Rapport du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée
    4. Programme canadien de technologie et d'analyse du génome (CTAG)
    5. Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes
  3. Initiatives internationales
    1. Genetic Privacy Act (Loi sur l'intimité génétique proposée)
    2. Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine de 1997 du Conseil de l'Europe
    3. Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme (UNESCO 1997)
    4. Autres instruments internationaux

Partie III : Les enjeux

  1. Enjeux prépondérants
    1. Tension entre les avantages et les torts potentiels de la technologie génétique
    2. L'information génétique constitue-t-elle une forme exceptionnelle de renseignements personnels?
    3. Le droit de ne pas savoir
    4. Dépistage secret et privé
    5. Divulgation à la parenté biologique
    6. Discrimination fondée sur un handicap perçu
    7. Un droit résiduaire à la protection de l'information génétique?
  2. Enjeux liés à des situations particulières
    1. Reproduction humaine
    2. Emploi
    3. Dépistage visant à déterminer l'admissibilité à des services comme l'assurance et le crédit

Partie IV : Recommandations et conclusion

  1. Le dilemme central
  2. S'attaquer aux enjeux
    1. Sensibilisation
    2. Contrôle de la dissémination ultérieure de l'information génétique
    3. Législation visant la génétique en particulier ou législation générale?
    4. Autres mesures
  3. Conclusion

Haut de la page
Haut

Résumé

Les renseignements génétiques concernant les individus – les renseignements génétiques personnels – peuvent servir à de nombreuses fins actuelles et éventuelles : aider à prévoir, à diagnostiquer, à traiter et à prévenir des états de santé; aider à la prise de décisions en matière de reproduction; déterminer l'aptitude à un emploi particulier; évaluer l'incidence sur la santé découlant de l'exposition à des contaminants en milieu de travail – par exemple, les radiations; évaluer l'admissibilité à des services comme l'assurance et le crédit; être utilisé comme outil d'identification dans le cadre d'enquêtes criminelles; faire progresser la recherche médicale; confirmer le sexe dans des compétitions sportives; déterminer la paternité; évaluer la vulnérabilité de groupes ethniques à des armes biologiques qui visent certains caractères génétiques.

L'avènement relativement récent de la « génétique moléculaire » a permis d'accroître le nombre de caractéristiques liées à l'état physique et au comportement qui peuvent être mises au jour par le dépistage génétique, ce qui a eu pour conséquence d'accentuer les préoccupations en matière de protection de la vie privée et les craintes de discrimination se fondant sur les caractéristiques génétiques. Une telle discrimination pourrait se manifester de plusieurs façons : refus d'un emploi, accès restreint au crédit ou à l'assurance et même traitement discriminatoire dans le cadre de programmes gouvernementaux en matière de reproduction et d'éducation.

Dans l'ensemble, les pays occidentaux ont adopté peu de lois traitant spécifiquement de la protection des renseignements génétiques et de la discrimination génétique. Cependant, la liste des lois et des lois proposées portant spécifiquement sur la génétique s'allonge, particulièrement aux États-Unis et surtout dans trois domaines – l'assurance, l'emploi et les analyses médico-légales.

Au Canada, la plupart des dispositions touchant la protection des renseignements génétiques et la discrimination génétique sont contenues dans les lois d'application générale, exception faite de la loi sur l'emploi de l'ADN dans le cadre d'enquêtes criminelles. Ces dispositions se retrouvent dans les lois constitutionnelles, les lois régissant la confidentialité professionnelle, un groupe émergent de lois provinciales traitant de l'information sur la santé, les lois en matière de protection des données (vie privée) et les lois sur les droits de la personne, les délits civils et les lois criminelles (protection contre les intrusions physiques). Bon nombre de ces lois générales ont été rédigées sans prendre en compte la génétique. Elles fournissent néanmoins un cadre législatif important, quoique incomplet, en matière de traitement des renseignements génétiques personnels.

Des tentatives de protection des renseignements génétiques ont été réalisées à l'échelle internationale, notamment dans le cadre de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine de 1997 du Conseil de l'Europe et la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme (UNESCO, 1997). D'autres instruments internationaux de nature plus générale sont également pertinents. Ils comprennent des lignes directrices pour la recherche et des conventions traitant des droits de la personne en général.

Enjeux d'ordre général

Tension entre les avantages et les torts potentiels de la technique génétique : À l'heure actuelle, bon nombre des avantages de la science génétique demeurent théoriques. Cependant, une utilisation à mauvais escient de l'information génétique touchant les personnes s'est déjà traduite par une discrimination génétique, parfois imputable à des caractéristiques génétiques visibles, comme la couleur de la peau et le sexe, et d'autres fois à des traits génétiques qui ne peuvent être découverts que par un dépistage – comme l'anémie falciforme, par exemple.

L'information génétique constitue-t-elle une forme exceptionnelle de renseignements personnels? Le débat pour déterminer si l'information génétique est en quelque sorte « exceptionnelle » se poursuit, et on s'interroge toujours pour savoir si elle devrait faire l'objet d'un traitement différent, peut-être plus prudent, et d'une meilleure protection que les autres types de renseignements.

Le droit de ne pas savoir : Le respect de l'autonomie individuelle peut servir de fondement permettant de justifier la position selon laquelle les personnes ne devraient pas être obligées de connaître des renseignements génétiques les concernant. Une telle connaissance pourrait être catastrophique – comme la découverte, contre son gré, que l'on est porteur du gène qui cause la chorée de Huntington. De même, on s'interroge pour savoir si les mineurs devraient ou non avoir le même droit de ne pas savoir, ou si leurs tuteurs devraient être autorisés à obtenir des renseignements que les mineurs eux-mêmes pourraient ne pas désirer connaître plus tard?

Dépistage secret et privé : Les personnes pourraient bientôt être en mesure d'identifier certains traits génétiques grâce à des trousses de dépistage offertes sur le marché. Ces trousses ouvriront inévitablement la porte au dépistage clandestin. Même si ces trousses ne sont pas utilisées clandestinement, le seul fait qu'elles soient offertes au grand public pourra encourager leur utilisation à mauvais escient – par exemple, pour frauder les sociétés d'assurances.

Divulgation à la parenté biologique : Les résultats de tests effectués sur une personne peuvent révéler des traits génétiques de parents biologiques. Un débat important étudie actuellement la question du devoir ou de l'obligation éthique des professionnels ou des particuliers de faire connaître de l'information génétique utile aux parents biologiques.

Discrimination fondée sur un handicap perçu : La jurisprudence et la loi ont étendu la protection contre la discrimination se fondant sur l'invalidité aux cas de handicap perçu. Par conséquent, la possibilité de discrimination se fondant sur une invalidité perçue est considérablement réduite. Cependant, l'étendue de la protection fournie par les lois sur les droits de la personne contre la discrimination imputable à un handicap génétique futur reste à préciser.

Un droit résiduaire à la protection de l'information génétique? Même si des lois, des codes, des normes d'éthique et d'autres instruments devaient fournir une protection généreuse de la confidentialité, certains font valoir qu'il existe néanmoins un droit résiduaire de dire « non » à de nouvelles utilisations de sa propre information génétique. Cette question se présente surtout dans le contexte de la recherche.

Domaines de préoccupation particuliers

Reproduction humaine : Les gouvernements seront inévitablement attirés par des programmes qui préviennent la naissance d'enfants atteints de coûteux « handicaps » génétiques. D'autres questions peuvent également être soulevées, comme celle de la prévention de la dissémination de l'information génétique acquise par les cliniques de reproduction privées et les droits, le cas échéant, des enfants conçus à la suite d'un don de sperme ou d'ovules, de connaître l'identité, ou du moins le patrimoine génétique du donneur, et le droit, potentiellement conflictuel, du donneur à la confidentialité.

Emploi : Les employeurs peuvent désirer obtenir de l'information génétique sur les employés et les candidats à l'emploi. Si la majorité des coûts des soins de santé sont transférés au secteur privé, l'intérêt des employeurs canadiens à embaucher seulement les employés les plus en santé pourrait s'accroître encore plus.

Tests visant à déterminer l'admissibilité à des services comme l'assurance et le crédit : L'information génétique pourrait également servir à créer une distinction entre les personnes ayant droit à l'assurance, au crédit et d'autres services et celles qui, en raison de leurs caractéristiques génétiques, n'y ont pas accès.

Conclusions

L'utilisation éventuelle de l'information génétique personnelle au détriment des personnes peut, de façon tout à fait justifiée, freiner l'acceptation de nouvelles recherches génétiques. Par conséquent, l'inaptitude à protéger les renseignements personnels et à prévenir la discrimination risque fortement d'atténuer le potentiel qu'a la génétique d'améliorer les soins de santé.

Pour profiter des avantages de l'information génétique tout en évitant ses inconvénients, il est nécessaire de contrôler l'utilisation de l'information dans des contextes autres que celui de la prestation de soins de santé à la personne sur laquelle porte l'information. Il est indispensable d'établir une réglementation et, dans certains cas, des interdictions, relativement aux utilisations secondaires des renseignements personnels, dès la collecte de l'information génétique. L'ADN prélevé et analysé à des fins de soins de santé ne devrait pas automatiquement servir à d'autres fins, même la recherche, si l'ADN peut être associé à une personne identifiable.

Cependant, c'est souvent une limitation rigoureuse de la collecte initiale de l'information génétique personnelle qui pourrait constituer la meilleure protection. Ainsi, la meilleure forme de protection contre l'ingérence de l'État dans la reproduction humaine s'appuiera d'entrée de jeu sur la non-divulgation de l'information génétique personnelle à l'État.

Les lois générales régissant les renseignements personnels en matière de santé peuvent souvent protéger l'information génétique, même si ces lois générales sont elles-mêmes parfois inadéquates. Cependant, l'information génétique intensifie le besoin de protéger les renseignements médicaux personnels. Une loi visant les enjeux particuliers liés au dépistage génétique pourrait être requise afin de compléter la législation existante. La loi portant sur le prélèvement de l'ADN de personnes suspectées d'actes criminels et la mise sur pied de bases de données d'ADN provenant de criminels condamnés doit être suivie de près afin de prévenir l'élargissement injustifié de sa portée.

La sensibilisation du public est un élément essentiel de la protection des renseignements génétiques et de la prévention de la discrimination. Les gouvernements, en particulier, ont l'obligation d'expliquer l'utilisation de l'information génétique et son incidence possible sur la société.

Haut de la page
Haut

La génétique, la protection des renseignements personnels et la discrimination

Introduction

Les progrès de la science génétique ont donné naissance à de nombreuses préoccupations – notamment les atteintes à la vie privée se rattachant à la collecte et à l'analyse du matériel génétique. Une autre conséquence possible de ces atteintes, et celle qui inspire le plus de craintes, est la discrimination génétique – soit une discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques d'une personne.

La discrimination peut se manifester sous plusieurs formes – le refus d'un emploi, ou l'offre de moins bonnes conditions d'emploi, la perte d'accès au crédit ou à l'assurance, ou l'accès seulement dans des circonstances exceptionnelles et à des frais exceptionnels, et même le traitement discriminatoire dans l'application des politiques sociales du gouvernement en matière de reproduction et d'éducation. La collecte et la diffusion non souhaitées de l'information génétique peuvent également s'immiscer dans les relations personnelles. Un partenaire de mariage éventuel peut rejeter une personne dotée d'antécédents génétiques risquant de contribuer à la naissance d'un enfant « défectueux ».

Surtout, la promesse de l'amélioration de la santé et des soins de santé par la génétique peut être sérieusement compromise si les questions de protection des renseignements et de discrimination ne sont pas résolues. Ainsi, un sondage réalisé en 1998 par le US National Center for Genome Resources a constaté que près des deux tiers des répondants ont déclaré qu'ils ne participeraient probablement ou sûrement pas à des tests génétiques si les assureurs de soins médicaux ou les employeurs pouvaient avoir accès aux résultats.1 La possibilité que l'information génétique soit utilisée au détriment des personnes, plutôt qu'à des fins utiles, peut, de façon tout à fait justifiée, freiner l'acceptation de nouvelles recherches génétiques à un moment où nous venons à peine de franchir une étape importante dans la compréhension de la génétique, soit le séquençage initial du génome humain. La présente analyse est structurée conformément au plan suivant :

La partie I présente une brève analyse des éléments scientifiques pertinents liés à la génétique et à la protection des renseignements personnels.

La partie II présente un aperçu des cadres législatifs canadiens traitant de la protection des renseignements personnels et de la discrimination en général. La partie II donne aussi les grandes lignes d'initiatives particulières visant les enjeux génétiques, au Canada et dans plusieurs autres pays.

La partie III se penche sur un vaste éventail de questions liées à la protection des renseignements génétiques et à la discrimination génétique.

La partie IV contient des recommandations pour la prise de mesures particulières visant à protéger la confidentialité de l'information génétique et à prévenir la discrimination.

L'éventail des questions portant sur la protection des renseignements génétiques et la discrimination génétique est vaste et grandissant. Le présent rapport d'étude ne peut qu'effleurer certains des thèmes principaux. Il ne peut pas traiter à fond des enjeux extrêmement complexes en matière de génétique, de protection des renseignements personnels et de discrimination – des enjeux qui, depuis plus d'une décennie, ont dominé en grande partie le débat éthique et juridique entourant la génétique. Pour des raisons de concision, il ne traite pas en détail des applications médico-légales de l'ADN dans le cadre d'enquêtes criminelles ni de l'utilisation de l'information génétique pour accroître la précision des armes biologiques.

Haut de la page
Haut

Partie I : La science

1. Ce que peut révéler la technologie génétique

La technologie génétique n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs décennies, des tests simples sont utilisés pour identifier des problèmes chromosomiques.2 Cependant, l'avènement relativement récent de la « génétique moléculaire », qui permet d'identifier des défauts génétiques dans la molécule d'ADN même, a amplifié les répercussions du dépistage génétique. Selon un auteur, « la capacité de découvrir les défauts génétiques dans la molécule d'ADN même a permis d'identifier les troubles génétiques avec un degré de précision qui n'était pas auparavant possible »3. Ce niveau accru de détail concernant les caractéristiques liées à l'état physique et au comportement a accentué les enjeux liés à la confidentialité et à la discrimination concernant les renseignements personnels en général.

La mesure dans laquelle les caractéristiques et les comportements individuels sont déterminés par les gènes fait actuellement l'objet d'un débat entourant le « déterminisme génétique » – c'est-à-dire la croyance que l'ensemble du comportement est régi par une chaîne de déterminants qui sont transmis du gène à l'individu et constituent la somme des comportements de tous les individus4.

De nombreuses affirmations sur les composantes génétiques de maladies et de comportements sont provisoires. Certaines d'entre elles soulèvent beaucoup de controverse. Certains chercheurs, par exemple, font valoir que les gènes semblent contribuer à l'homosexualité; d'autres écartent ce lien5. Au cœur de ce débat toujours non résolu sur les répercussions de la génétique sur les caractéristiques et les comportements, des « découvertes » sur les composantes génétiques de maladies et de comportements se produisent à un rythme grandissant. Ainsi, parmi les nombreuses « découvertes » génétiques réalisées au cours des dernières années se trouvaient un « gène du sel » qui pourrait expliquer pourquoi certaines personnes atteintes d'hypertension réagissent à une diète à faible teneur en sel qui ne produit aucun effet sur d'autres; la constatation que les fumeurs noirs semblent absorber plus de nicotine que les fumeurs blancs, ce qui pourrait expliquer pourquoi les fumeurs noirs éprouvent plus de difficulté à abandonner la cigarette et qu'ils ont un risque plus élevé de développer un cancer des poumons; une étude concluant que les personnes qui sont malheureuses et déprimées sont peut-être nées avec une prédisposition génétique les empêchant d'être heureuses; la découverte que plusieurs défauts génétiques accentuent la tendance à prendre du poids; une étude sur une mutation génétique qui peut causer une défaillance cardiaque; une étude selon laquelle un gène « aventureux » peut influencer la recherche de sensations chez les adultes; la constatation qu'un gène joue un rôle clé dans le cancer du sein inflammatoire, la forme la plus mortelle de la maladie; la constatation que même les personnes à épiderme foncé qui sont porteuses de certaines variations génétiques peuvent avoir un facteur de risque plus élevé pour le cancer de la peau; et la découverte que la modification d'un gène particulier semble contribuer à la fois à l'apparition de la forme tardive de la maladie de Parkinson et à l'apparition, plus rare, de la forme précoce de la maladie.

Haut de la page
Haut

2. Utilisations de l'information génétique

L'information génétique peut être utile dans plusieurs situations, notamment :

  • aider à prévoir, à diagnostiquer, à traiter et à prévenir des états de santé;
  • guider les choix en matière de reproduction et aider à la prise de décisions concernant la reproduction en général;
  • évaluer l'aptitude à un emploi;
  • évaluer les conséquences génétiques de l'exposition à certains milieux de travail, ou matériaux ou contaminants environnementaux – la radiation par exemple;
  • évaluer l'admissibilité à des services comme l'assurance et le crédit;
  • être utilisé comme outil d'identification dans le cadre d'enquêtes criminelles;
  • faire progresser dans la recherche médicale;
  • confirmer le sexe dans les compétitions sportives;
  • déterminer la paternité;
  • évaluer la vulnérabilité de groupes ethniques à des armes biologiques qui visent certains caractères génétiques.

La plupart des maladies génétiques touchent un grand nombre de gènes et comportent souvent des composantes environnementales (ce sont les maladies « multifactorielles »). De telles maladies comprennent l'hypertension, le diabète et la maladie coronarienne. Les maladies multifactorielles sont très difficiles à prévoir par le dépistage génétique tout simplement parce qu'elles sont influencées par un grand nombre de gènes et de facteurs environnementaux. Les scientifiques devront peut-être se borner à déclarer que la présence d'un ou de gènes particuliers contribue au risque de contracter une maladie, mais ils ne pourront pas affirmer avec certitude qu'une personne contractera ou non la maladie. Soulignons la différence entre ces maladies et celles qui sont déterminées par un gène unique (monogénique) où une mutation d'un seul gène peut indiquer la certitude de contracter une maladie.

Haut de la page
Haut

Partie II : Cadres législatifs traitant de la protection des renseignements génétiques et de la discrimination génétique

1. Le cadre législatif général

Dans de nombreux pays occidentaux, il semble exister peu de lois traitant spécifiquement de la protection des renseignements génétiques et de la discrimination génétique. Cependant, la liste des lois et des lois proposées portant spécifiquement sur la génétique s'allonge, particulièrement aux États-Unis et principalement dans trois domaines – l'assurance, l'emploi et les analyses médico-légales.

Au Canada, la plupart des dispositions touchant la protection des renseignements génétiques et la discrimination génétique ne se trouvent pas dans les lois traitant spécifiquement de questions génétiques, exception faite de la loi visant l'emploi de l'ADN dans des enquêtes criminelles. Ces dispositions se retrouvent plutôt dans des lois plus générales – entre autres le droit constitutionnel, les lois régissant la confidentialité professionnelle, la protection des données (vie privée) et les droits de la personne. Bon nombre de ces lois générales ont été rédigées sans prendre en compte la génétique. Elles fournissent néanmoins un cadre législatif important, quoique incomplet, en matière de traitement des renseignements génétiques personnels.

  1. Droit constitutionnel

    La Charte canadienne des droits et libertés procure une certaine protection contre un usage à mauvais escient par l'État de l'information génétique personnelle. Cette protection s'effectue dans le cadre de l'exercice des droits fondamentaux de liberté d'association, de conscience et de religion; du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; du droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives; et du droit à l'égalité.6 La Charte est clairement un moyen important de protéger les renseignements génétiques et d'éviter la discrimination génétique exercée par l'État.

    Cependant, ces droits prévus par la Charte ne sont pas absolus et doivent être interprétés à la lumière de l'article 1 de la Charte, qui peut limiter les droits énoncés ailleurs dans la Charte. Malgré tout, des conditions rigoureuses doivent être satisfaites avant que l'article 1 ne limite un droit protégé par la Constitution.

  2. Lois fédérales et provinciales en matière de protection des données

    Le Parlement et la plupart des assemblées législatatives provinciales ont maintenant adopté des lois sur la protection des données qui réglementent la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels par les gouvernements et les nombreux organismes gouvernementaux. Jusqu'à récemment, seul le Québec avait adopté une loi visant la protection des données dans le secteur privé. À compter de janvier 2001, une loi fédérale, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques7, réglementera la collecte, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels par les entreprises commerciales à réglementation fédérale. Elle autorisera aussi les individus à avoir accès aux renseignements les concernant. Cependant, la loi exemptera les « renseignements personnels en matière de santé » pour une période d'un an après son entrée en vigueur. La collecte, l'utilisation ou la divulgation des renseignements personnels en matière de santé ne seront pas protégées avant janvier 20028. Les renseignements personnels en matière de santé comprennent « tout renseignement provenant des résultats de tests ou d'examens effectués sur une partie du corps ou une substance corporelle »9 et incluent par conséquent les résultats des tests génétiques. Il règne de la confusion quant à savoir si la loi visera les médecins, étant donné qu'elle s'appliquera aux entreprises commerciales, et qu'on ne sait pas si ceci inclut les professions traditionnelles.

    Si les gouvernements provinciaux n'adoptent pas de lois similaires sur la protection des données afin de régir les activités commerciales à réglementation provinciale au cours des trois années suivant l'entrée en vigueur de la loi10, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques s'étendra à toutes les activités commerciales, tant au niveau fédéral que provincial.

    Une loi sur la protection des données est clairement pertinente dans le cadre d'une discussion sur la protection des renseignements génétiques. L'information génétique concernant une personne constitue des « renseignements personnels » et représente précisément le type d'information que vise à réglementer une loi sur la protection des données. Cependant, les lois sur la protection des données varient d'un gouvernement à l'autre et elles ne protègent pas toujours efficacement l'information génétique. La Loi sur la protection des renseignements personnels fédérale11, par exemple, impose seulement des restrictions vagues en matière de collecte et de divulgation de renseignements personnels par le gouvernement fédéral.

  3. Lois provinciales en matière de protection des renseignements sur la santé

    Trois provinces – le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta12 – ont récemment adopté des lois visant spécifiquement la protection et la confidentialité des renseignements médicaux, et l'Ontario envisage une telle initiative. Ces lois réglementent la collecte, l'utilisation et la divulgation des dossiers médicaux, y compris les dossiers génétiques. De même, les lois provinciales réglementant les soins de santé et les établissements de soins de santé renferment souvent des dispositions protégeant la confidentialité des renseignements médicaux en limitant leur divulgation ultérieure13; de telles dispositions s'appliqueraient aux renseignements génétiques.

  4. Codes des droits de la personne

    En général, les codes des droits de la personne interdisent la discrimination des personnes handicapées en matière d'emploi et d'accès aux services, et la jurisprudence a étendu la protection à des cas de handicaps perçus. En Ontario, la loi énonce clairement que la protection s'étend aux cas de handicaps perçus. Par conséquent, la possibilité de discrimination génétique est considérablement réduite par les codes des droits de la personne existants et par les jugements interprétant ces codes14, y compris par un jugement récent rendu par la Cour suprême du Canada15. Dans ce cas particulier, la Cour a insisté sur le fait que le droit à la protection contre la discrimination fondée sur un handicap s'étend à la discrimination fondée sur un handicap perçu. Néanmoins, l'étendue de la protection accordée par les codes des droits de la personne au sujet d'un handicap génétique futur reste à élucider.

    Aux États-Unis, certaines mesures ont été adoptées dans le but de protéger les employés contre la discrimination génétique. En 1998, l'American Civil Liberties Union a rapporté que 12 États avaient adopté des lois protégeant les employés contre la discrimination génétique dans le milieu de travail et que des lois étaient en instance d'adoption dans quelques autres États16. Une compilation des lois sur l'emploi préparée en 1999 par le US National Human Genome Research Institute montrait que 25 États avaient à ce moment adopté des dispositions sur l'utilisation de l'information génétique dans le contexte de l'emploi17. Aucune loi fédérale n'a été votée aux États-Unis en ce qui concerne la discrimination génétique relativement à la couverture d'une assurance individuelle ni en rapport avec la discrimination génétique en milieu de travail. Cependant, au cours de la dernière décennie, plusieurs projets de loi fédéraux ont été déposés et, le 8 février 2000, le président Clinton a signé un décret interdisant à tous les ministères et organismes fédéraux d'utiliser l'information génétique au moment de l'embauche ou d'une promotion18.

  5. Lois sur les assurances

    Les lois sur les droits de la personne n'interdisent pas la discrimination dans le domaine de l'assurance. En fait, les lois actuelles en matière d'assurance favorisent l'utilisation des renseignements médicaux aux fins de souscription19. Ainsi, une loi provinciale modèle en matière d'assurance, la Loi uniforme sur la protection de la vie privée, exige qu'un candidat à l'assurance divulgue à l'assureur [TRADUCTION] « tous les faits connus par une personne qui sont pertinents dans le contexte de la souscription à l'assurance. . . »20 L'information génétique ne fait pas exception.

    Comparons cela avec la situation américaine. Un rapport préparé en 1998 par l'Associated Press énonce que 150 millions d'Américains couverts par une police d'assurance collective au travail sont protégés, en vertu de la loi, contre certaines formes de discrimination génétique en matière d'assurance. Selon le rapport, 24 États limitent aussi l'utilisation de l'information génétique par les assureurs21. Une compilation des lois américaines en matière d'assurance, réalisée en 1999 par le US National Human Genome Research Institute, indique que 41 États avaient adopté des dispositions relatives à la protection des renseignements génétiques dans le domaine de l'assurance22.

    Au Royaume-Uni, il semble n'exister aucune interdiction judirique contre le dépistage génétique dans le domaine de l'assurance. En novembre 1998, le ministère du Commerce et de l'Industrie a annoncé un accord volontaire conclu avec les sociétés d'assurances. Selon les modalités de l'accord, tous les tests génétiques doivent être validés individuellement avant qu'ils ne puissent être utilisés par l'industrie de l'assurance, et les personnes se soumettant à des tests génétiques ont le droit de ne pas divulguer les résultats aux sociétés d'assurances23. Ce droit ne serait valable que jusqu'au moment où les compagnies d'assurances pourraient établir la preuve qu'un test génétique a une capacité reconnue de prévoir la mort prématurée d'une personne.

    En juillet 2000, l'Association of British Insurers a soumis une demande au Genetics and Insurance Committee (GAIC), qui a été mis sur pied par le ministère de la Santé du Royaume-Uni pour l'homologation de deux tests génétiques pour la chorée de Huntington. En octobre 2000, le GAIC a annoncé que la fiabilité et la pertinence des tests génétiques étaient suffisantes pour autoriser les sociétés d'assurances à utiliser le résultat au moment de l'évaluation des demandes d'assurance-vie24.

  6. Délits civils

    Quatre provinces – la Colombie-Britannique25, la Saskatchewan26, le Manitoba27 et Terre-Neuve28 – ont adopté des lois en matière de protection des renseignements personnels. Ces lois stipulent que la violation injustifiée de la vie privée d'une autre personne constitue un préjudice civil. Au Québec, de telles dispositions législatives n'existent pas. Toutefois, l'article 1053 du Code civil du Québec peut fournir une protection semblable.

  7. Codes déontologiques

    Les lois provinciales régissent l'éthique professionnelle des médecins et de certains autres professionnels de la santé. Toutefois, elles ne prescrivent souvent pas explicitement l'obligation de confidentialité dans le cadre des normes à l'intention des professionnels. Cet écart est parfois comblé en s'appuyant sur les dispositions sur la confidentialité des codes d'éthique professionnelle29. Un code d'éthique volontaire, le Code de protection des renseignements personnels sur la santé30, de l'Association médicale canadienne, établit les exigences minimales requises pour protéger la vie privée des patients ainsi que la sécurité et la confidentialité de leurs renseignements personnels en matière de santé. Le code traite de la collecte, de l'utilisation et de la divulgation des renseignements personnels en matière de santé et des droits d'accès à l'information.

  8. Lois protégeant contre l'intrusion physique

    La loi criminelle peut prévenir le prélèvement d'échantillons d'ADN contre le gré d'un individu aux fins de dépistage génétique. L'intrusion physique nécessaire afin d'obtenir de la salive, du sang ou un cheveu pourrait être considérée comme un assaut criminel si elle se produisait sans le consentement de la personne ou sans une autorisation légale explicite31 permettant le prélèvement des échantillons. Cet énoncé est valable même s'il s'agit d'une intrusion physique en soi très mineure. L'obtention de l'ADN sans le consentement d'une personne pourrait constituer un cas de voie de fait.

  9. Protection quasi constitutionnelle éventuelle : la Charte du droit au respect de la vie privée (projet de loi S-27)

    Parce que la loi constitutionnelle canadienne ne contient aucun droit constitutionnel explicite à la vie privée, l'honorable Sheila Finestone a déposé, le 15 juin 2000, un projet de loi d'intérêt privé émanant d'un sénateur, le projet de loi S-27, la Charte du droit au respect de la vie privée. Le projet de loi, qui vise à donner à la vie privée une reconnaissance quasi constitutionnelle, garantirait le droit d'une personne à la vie privée. Il définirait ce qui constitue une violation et permettrait d'examiner ce qui constitue une violation justifiable. Il accorderait aussi le droit aux personnes de réclamer et de faire respecter leur droit à la vie privée ainsi que de refuser de violer le droit à la vie privée des autres sans justification valable. En somme, il interdirait la violation injustifiée du droit au respect de la vie privée d'une autre personne.

    Le projet de loi exigerait que le ministre de la Justice examine tous les projets de loi et les règlements afin d'assurer la conformité à la Charte et autoriserait la consultation du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada à cet égard.

    Contrairement à la Charte des droits, qui s'applique uniquement à l'État, la Charte du droit au respect de la vie privée s'appliquerait également au secteur privé sous réglementation fédérale et pourrait servir de modèle à des lois provinciales semblables. (Seul le Québec, avec sa Charte des droits et libertés de la personne offre déjà une telle reconnaissance quasi constitutionnelle de la protection de la vie privée, en accordant à chaque personne le droit au respect de sa vie privée.)

    Le projet de loi S-27 est mort au feuilleton au moment du déclenchement des élections fédérales en octobre 2000, mais il sera fort probablement présenté de nouveau après l'élection.

Haut de la page
Haut

2. Exemples de lois canadiennes et d'autres initiatives visant spécifiquement les questions génétiques

  1. Projet de loi C-47 : Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique

    Le projet de loi C-47, Loi sur les techniques de reproduction humaine et de manipulation génétique32, a été déposé à la Chambre des communes en 1996. Le projet de loi cherchait à interdire l'utilisation de certaines techniques de reproduction et de manipulation génétique (y compris le clonage) concernant les êtres humains, ainsi que certaines ententes commerciales relatives à la reproduction humaine. Le projet de loi aurait interdit toute intervention médicale visant à assurer ou à accroître la probabilité qu'un zygote ou un embryon soit d'une sexe particulier, sauf pour des raisons liées à la santé du zygote ou de l'embryon33. De même, le projet de loi aurait interdit toute procédure diagnostique visant à déterminer le sexe d'un zygote, d'un embryon ou d'un fœtus, sauf pour des raisons liées à sa santé34.

    Le projet de loi C-47 est mort au feuilleton. Le ministre de la Santé a ensuite annoncé qu'il déposerait une loi exhaustive – un ensemble d'interdictions et de règlements – avant la fin de 1999. Au moment du déclenchement des élections fédérales en octobre 2000, aucune loi semblable n'avait été présentée.

  2. Éthique en matière de recherche

    Publié en août 1998, l'Énoncé de politique des trois conseils35 Éthique de la recherche avec des êtres humains contient plusieurs dispositions se rapportant à la protection de la vie privée et à la recherche en génétique concernant les sujets humains. L'énoncé de politique n'a pas force de loi, mais il présente une ligne de conduite solide sur les enjeux éthiques liés à la protection des renseignements génétiques et à la discrimination génétique. Les lignes directrices portent entre autres sur des enjeux comme la perte éventuelle d'avantages, et d'autres préjudices découlant de l'utilisation ultérieure de l'information génétique, des utilisations commerciales des renseignements génétiques et de la constitution de banques d'ADN.

  3. Rapport du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée

    En 1992, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada a publié Le dépistage génétique et la vie privée36. Le rapport examinait entre autres les questions de protection des renseignements génétiques en ce qui a trait à l'emploi, l'accès aux services, la reproduction humaine et les enquêtes criminelles. Le rapport signalait le besoin de protéger la confidentialité des renseignements génétiques personnels et présentait 22 recommandations à cet effet. Entre autres sujets, les recommandations portaient sur le droit « de ne pas savoir », le besoin de limiter ou d'interdire la collecte de renseignements génétiques par les gouvernements, les employeurs et les fournisseurs de services et l'utilisation de l'ADN dans le cadre d'enquêtes criminelles.

  4. Programme canadien de technologie et d'analyse du génome (CTAG)

    Le Programme canadien de technologie et d'analyse du génome a été mis sur pied en 1992 à titre de pendant canadien du Projet international sur le génome humain. En 1993, le CTAG a établi un comité consultatif de recherche pour se pencher sur les répercussions médicales, éthiques, juridiques et sociales (« MEJS ») de la génétique. Le Comité consultatif MEJS avait pour but d'identifier les enjeux prioritaires dans les domaines médical, éthique, juridique et social au Canada. Le CTAG a financé de nombreuses études sur ces questions. Les enjeux étudiés par le Comité consultatif comprenaient entre autres la génétique et l'assurance ainsi qu'une comparaison entre les différentes approches internationales en matière de génétique. Ces travaux, qui ne représentaient qu'un volet de l'ensemble du projet du CTAG, ont pris fin en avril 1997.

  5. Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes

    Le Comité permanent a formulé plusieurs recommandations portant sur la discrimination génétique dans son rapport d'avril 1997 sur le droit à la protection de la vie privée et les nouvelles technologies intitulé La vie privée : Où se situe la frontière? Le comité a réclamé la mise en œuvre immédiate de mesures afin d'aborder les enjeux en matière de violations de la vie privée et de discrimination découlant du dépistage génétique. Il réclamait un examen des politiques et des pratiques en matière de tests génétiques dans plusieurs domaines — emploi, santé, assurance et justice criminelle.

Haut de la page
Haut

3. Initiatives internationales

  1. Genetic Privacy Act (Loi sur l'intimité génétique proposée)

    En 1995, le Département de santé publique de l'Université de Boston a rédigé une loi modèle, la Genetic Privacy Act (Loi sur l'intimité génétique)37.

    Les auteurs décrivent la loi comme [TRADUCTION] « une proposition de loi fédérale [É.-U.]. La loi se fonde sur l'hypothèse que les différences entre les renseignements génétiques et les autres types de renseignements personnels sont telles que les renseignements génétiques exigent une protection spéciale. » La loi modèle imposerait des restrictions serrées pour la collecte, l'utilisation et la divulgation de l'information génétique. De même, il y aurait des règlements spéciaux régissant le prélèvement d'échantillons d'ADN aux fins d'analyse génétique pour les mineurs, les personnes atteintes d'incapacité, les femmes enceintes et les embryons. Des exceptions seraient prévues pour les échantillons d'ADN prélevés et analysés aux fins d'identification nécessaires à l'application de la loi, si la loi de l'État l'autorise, et aux fins d'identification des cadavres. Il serait interdit d'effectuer de la recherche sur les échantillons d'ADN pouvant être identifiés individuellement à moins que la personne en question n'ait autorisé l'utilisation aux fins de recherche et il serait permis d'effectuer de la recherche sur les échantillons ne pouvant être identifiés, à moins que cette recherche ne soit interdite par la personne38.

  2. Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine de 1997 du Conseil de l'Europe

    La Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe39 a été ouverte aux fins de ratification par les États membres du Conseil de l'Europe et des États non membres qui ont participé à son élaboration, dont le Canada. En octobre 2000, le traité n'avait pas obtenu un nombre suffisant de signatures des États membres du Conseil de l'Europe pour entrer en vigueur. De même, le Canada n'avait pas encore signé ni ratifié le traité.

    La Convention interdit toutes les formes de discrimination fondées sur les caractéristiques génétiques d'une personne et autorise le dépistage génétique prévisionnel seulement à des fins médicales. La Convention établit également des règles pour la recherche médicale et reconnaît le droit d'un patient « de ne pas savoir ».

  3. Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme (UNESCO 1997)

    En 1997, la Conférence générale40 de l'UNESCO a adopté la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme. La Déclaration contient plusieurs dispositions visant à empêcher la discrimination génétique – par exemple, le droit de chacun à la dignité et au respect de ses droits, sans égard à ses caractéristiques génétiques. De plus, la Déclaration affirme [TRADUCTION] « qu'il est impératif, pour des raisons de dignité, de ne pas réduire la définition des individus à leurs caractéristiques génétiques et de respecter leur individualité et leur diversité. » La Déclaration interdit aussi la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques ayant pour but ou pour effet de violer les droits de la personne, les libertés fondamentales et la dignité humaine. De plus, elle propose des règles rigoureuses en matière de recherche génétique.

  4. Autres instruments internationaux

    Même s'ils ne visent pas particulièrement les questions de génétique, de nombreux instruments internationaux ont une incidence sur la protection des renseignements génétiques et la discrimination génétique. Ils incluent les déclarations et les conventions portant sur les droits de la personne en général, les lignes directrices en matière de recherche et les conventions traitant de questions comme les armes biologiques.

    Les déclarations et les conventions sur les droits de la personne, par exemple, abordent le droit au respect de la vie privée, le droit à l'égalité, le droit d'association, la liberté de religion, le droit à des soins de santé adéquats et le droit de fonder une famille. Les accords ou les lignes directrices internationaux sur la recherche peuvent également empêcher la discrimination génétique. Les interdictions contre la mise au point et l'utilisation des armes biologiques concernent aussi directement la discrimination génétique, particulièrement à la lumière des preuves croissantes que les caractéristiques génétiques sont étudiées comme moyen possible de mieux cibler les armes biologiques contre des groupes ethniques particuliers41.

Haut de la page
Haut

Partie III : Les enjeux

1. Enjeux prépondérants

  1. Tension entre les avantages et les torts potentiels de la technologie génétique

    La technologie génétique offre de grandes possibilités considérable pour la prévision, le diagnostic, le traitement et la prévention des maladies. À l'heure actuelle, bon nombre de ces avantages demeurent potentiels, car la science ne possède qu'une compréhension incomplète des complexités de la santé, de la maladie et des gènes.

    Cependant, les menaces à la vie privée et le risque de discrimination ne sont pas purement théoriques. L'utilisation à bon et à mauvais escient de l'information génétique touchant les personnes s'est déjà traduite par une discrimination génétique, portant parfois sur des caractéristiques génétiques visibles, comme la couleur de la peau et le sexe, et d'autres fois sur des traits génétiques qui ne peuvent être découverts que par un dépistage – comme l'anémie falciforme, par exemple. L'information génétique continuera assurément à engendrer de la discrimination et d'autres violations des droits de la personne, à moins que les individus ne conservent le contrôle de tels renseignements.

  2. L'information génétique constitue-t-elle une forme exceptionnelle de renseignements personnels?

    Les renseignements génétiques sont-ils en quelque sorte « exceptionnels » et exigent-ils une gestion plus prudente et une meilleure protection que les autres types de renseignements personnels? Cette question n'a pas encore été élucidée.

    Certains renseignements génétiques, comme la couleur des yeux, sont habituellement anodins; d'autres renseignements similaires promettent toutefois de révéler des secrets qui pourraient avoir une influence profonde sur la vie des personnes et leurs familles. Certes, il est probable que l'information génétique fera plus clairement ressortir les enjeux en matière de protection des renseignements personnels et de discrimination que les autres types de renseignements personnels. Ainsi, l'information génétique pourrait forcer l'étude rapide et en profondeur des enjeux depuis longtemps présents.

  3. Le droit de ne pas savoir

    On n'oblige habituellement pas les personnes à s'interroger sur leur état de santé. Ce droit de ne pas savoir peut être considéré comme un aspect de l'autonomie individuelle.

    Le respect de l'autonomie peut servir à étayer l'argument selon lequel les personnes ne devraient pas être obligées de prendre connaissance des renseignements génétiques les concernant. Dans de nombreux cas, de tels renseignements ne causent pas de tort à la personne. Par contre, dans d'autres cas, cette connaissance pourrait être catastrophique – comme la découverte, contre son gré, que l'on est porteur du gène qui cause la chorée de Huntington.

    Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada a fait valoir que tout le monde a le droit de s'attendre à une protection raisonnable des renseignements génétiques. Cela comprend le droit de « ne pas prendre connaissance » des renseignements génétiques sur soi-même42.

    Un autre aspect de cet enjeu a trait aux mineurs. Est-ce qu'un mineur a un droit semblable de ne pas savoir? Si un test génétique cherche à identifier un état pour lequel aucun traitement n'est actuellement offert, ou si un test prévoit un trouble de santé qui ne se manifestera qu'à l'âge adulte, il pourrait être difficile, d'un point de vue moral et éthique, pour des parents d'obtenir un test de dépistage chez un mineur, même s'ils ont le droit d'obtenir ce test en vertu de la loi. Une technique récente permettant d'analyser chaque chromosome d'un embryon humain avant de l'implanter dans l'utérus soulève des enjeux tout aussi inquiétants. Un reportage au sujet de cette technique affirme qu'elle permettra de connaître l'ensemble des caractéristiques génétiques d'un bébé avant sa naissance43. Dans une telle situation, l'enfant pourrait venir au monde avec le fardeau d'un « pedigree » génétique qu'il ou elle pourrait ne pas désirer connaître à l'âge adulte.

  4. Dépistage secret et privé

    Un facteur ressortant du débat sur la génétique, la protection des renseignements et la discrimination est la perspective de la vente sur le marché de tests de dépistage privés44. Comme dans le cas des tests de grossesse à domicile, les personnes seront peut-être un jour en mesure d'identifier des caractéristiques génétiques particulières en utilisant un test offert sur le marché, dont le prix sera probablement de plus en plus abordable. De même, il sera possible d'utiliser de tels tests afin de déterminer les caractéristiques génétiques de n'importe quelle autre personne si l'on a accès à son matériel génétique – par exemple, de la salive ou des racines de cheveux.

    La conséquence principale de la disponibilité de ces tests réside dans le fait qu'il pourrait se produire une augmentation du nombre de tests de dépistage, parfois même à l'insu des personnes. Une plus grande disponibilité dans le commerce des trousses de dépistage ouvrira inévitablement la porte au dépistage clandestin. Même si ces trousses ne sont pas utilisées clandestinement, le seul fait qu'elles soient offertes au grand public pourra encourager leur utilisation à mauvais escient.

    La disponibilité sur le marché de tests de dépistage privés comporte aussi des conséquences pour l'industrie de l'assurance. Les personnes ayant des antécédents familiaux de maladie débilitante pourraient utiliser un tel test pour déterminer si elles courent le risque de contracter cette maladie. Si les personnes sont à risque, elles pourraient acheter une police d'assurance-vie ou d'assurance-invalidité d'une garantie plus élevée, mais sans informer (frauduleusement) la compagnie d'assurances de leur facteur de risque accru. Cette « sélection défavorable » pourrait imposer un fardeau injuste à l'industrie de l'assurance.

  5. Divulgation à la parenté biologique

    Un débat considérable se déroule actuellement sur l'obligation ou non de communiquer l'information génétique à la parenté biologique. De tels renseignements pourraient préserver la santé ou la vie de ces parents. Cependant, la divulgation de ces renseignements révèle les traits génétiques du membre de la famille qui a été testé et cette personne pourrait ne pas désirer que les résultats des tests soient divulgués aux autres membres de la famille. Cette situation crée un sérieux dilemme sur les plans éthique et juridique pour les travailleurs de la santé qui détiennent ces renseignements. Devraient-ils briser le silence que leur impose leur obligation de confidentialité envers leur patient afin de protéger la vie et la santé des parents biologiques ou les droits du patient à la confidentialité devraient-ils prévaloir?

  6. Discrimination fondée sur un handicap perçu

    La jurisprudence a étendu la protection contre la discrimination de personnes handicapées à des cas de handicap perçus et la loi ontarienne sur les droits de la personne offre une protection explicite contre une telle discrimination. Par conséquent, la possibilité d'une discrimination fondée sur un handicap réel ou perçu s'en trouve grandement réduit.

    Cependant, l'étendue de la protection fournie par les lois sur les droits de la personne et la jurisprudence contre la discrimination imputable à la possibilité d'un handicap futur reste à préciser. Si un employeur refuse d'embaucher une personne parce qu'elle possède un trait génétique qui peut causer ou causera une maladie, mais que l'employeur considère malgré cela que cette personne est actuellement en santé, est-ce que cela constitue une discrimination fondée sur un handicap ou un handicap perçu?

  7. Un droit résiduaire à la protection de l'information génétique?

    Même si des lois, des codes, des normes d'éthique et d'autres instruments devaient fournir une protection adéquate de la confidentialité, existe-t-il néanmoins un droit résiduaire de dire « non » à de nouvelles utilisations de sa propre information génétique au-delà de l'utilisation initialement prévue?

    Cette question se présente surtout dans le contexte de la recherche. Une personne atteinte d'une invalidité génétique grave devrait-elle avoir le droit de refuser aux chercheurs l'accès à son information génétique, même si cette recherche est dans l'intérêt public? Et si l'objectif de la recherche consiste à isoler le gène qui cause l'invalidité ou y contribue, afin de pouvoir à l'avenir « filtrer et éliminer » cette invalidité dans la population? Une personne devrait-elle avoir le droit de refuser de participer à la recherche si l'objectif ultime de cette dernière consiste à prévenir la naissance d'autres individus qui lui sont semblables?

    De plus, même si aucune des questions d'éthique susmentionnées ne se présente, existe-t-il un droit résiduaire d'agir arbitrairement – de refuser à un tiers l'accès à de l'information génétique personnelle au nom du droit de chacun de protéger les renseignements génétiques qui le concernent?

Haut de la page
Haut

2. Enjeux liés à des situations particulières

  1. Reproduction humaine

    Certains des enjeux les plus inquiétants en matière de protection des renseignements personnels et de discrimination ont trait à la reproduction humaine. Les gouvernements, soucieux de réaliser des économies, seront inévitablement attirés par des programmes qui préviennent la naissance d'enfants atteints de « handicaps » génétiques. La pression gouvernementale pourrait se manifester de plusieurs façons :

    • fournir des conseils relativement neutres aux futurs parents concernant le risque de donner naissance à un enfant doté d'un « défaut » génétique;
    • conseiller aux parents de ne pas avoir d'enfants ou d'avorter dans le cas d'un fœtus « défectueux »;
    • offrir des encouragements financiers qui favorisent l'avortement ou incitent les parents à ne pas concevoir;
    • imposer une responsabilité financière pour le coût des soins de santé additionnels ou d'autres coûts imputables à la naissance d'un enfant « défectueux »;
    • obliger à ne pas avoir d'enfant ou à se faire avorter45.

    Des enjeux complémentaires se présentent également, notamment :

    • la prévention ou la limitation d'une distribution plus vaste (par exemple, aux assureurs, aux services policiers, aux chercheurs, aux gouvernements ou aux employeurs) de renseignements génétiques acquis par les cliniques de reproduction privées;
    • les droits, le cas échéant, des enfants conçus à la suite d'un don de sperme ou d'un ovule de connaître l'identité, ou du moins le patrimoine génétique du donneur, et les droits potentiellement conflictuels du donneur à la confidentialité des renseignements le concernant.

  2. Emploi

    Les employeurs peuvent penser qu'ils ont un intérêt manifeste à prendre connaissance des renseignements génétiques concernant les employés et les candidats à l'emploi. L'information qui pourrait les intéresser comprend les facteurs de risque pour la déclaration précoce de la maladie d'Alzheimer, la maladie coronarienne, le cancer, la toxicomanie ainsi que certains traits psychologiques et sensibilités aux produits chimiques ou à d'autres contaminants en milieu de travail. Si le fardeau des coûts de la santé était transféré au secteur privé, les employeurs canadiens, à l'instar de leurs homologues américains, pourraient s'intéresser de plus en plus à l'embauche des employés les plus en santé dotés du « bagage » génétique approprié.

    Jusqu'en 1990, il semble exister peu de dépistage génétique des employés ou des candidats à l'emploi au Canada46. Cette situation existe probablement toujours, en partie parce que la législation sur les droits de la personne offre une certaine protection contre la discrimination génétique qui pourrait découler des tests de dépistage. Toutefois, l'American Civil Liberties Union (ACLU) a déclaré que, au cours des dernières années, les employeurs américains avaient considérablement accru leur recours au dépistage génétique pour fins d'emploi et que, en 1997, de 6 à 10 p. 100 des employeurs procédaient à du dépistage génétique. L'ACLU a également fait état de « nombreux cas documentés » de discrimination génétique. Elle a cité un sondage réalisé auprès de près de 1 000 personnes qui présentaient des risques de troubles de santé génétiquement transmis. Plus de 22 p. 100 ont rapporté une certaine forme de discrimination fondée sur leur facteur de risque47. Par ailleurs, le ministère américain du Travail et plusieurs autres ministères américains ont considèrent que l'information génétique en milieu de travail représente un enjeu qui justifiait une protection législative fédérale [TRADUCTION] « afin d'assurer que les connaissances issues de la recherche génétique sont pleinement utilisées en vue d'améliorer la santé des Américains sans discrimination contre les travailleurs »48.

    L'enjeu consiste à déterminer dans quelle mesure les employeurs devraient avoir accès à l'information génétique personnelle et pouvoir s'en servir pour prendre des décisions concernant l'embauche d'employés et l'attribution de certaines tâches. Et dans quelle mesure les dispositions actuelles contre la discrimination, contenues dans les lois sur les droits de la personne, suffisent-elles à aborder la question du dépistage génétique en milieu de travail?

  3. Dépistage visant à déterminer l'admissibilité à des services comme l'assurance et le crédit

    L'information génétique, comme tous les autres renseignements médicaux sur l'état de santé, peut entraver l'accès à des services comme l'assurance et le crédit. De même, de tels renseignements pourraient rendre les personnes plus faciles à assurer, et à un coût moindre, tout en facilitant également l'accès au crédit. Par conséquent, l'information génétique pourrait accentuer l'écart séparant les personnes ayant droit à l'assurance, au crédit et à d'autres services de celles qui, en raison de leurs caractéristiques génétiques, n'y ont pas accès.

    En outre, la crainte que l'information génétique prélevée pour des raisons de soins de santé puisse être utilisée à des fins de discrimination dans le domaine de l'assurance et de la prestation d'autres services pourrait dissuader certaines personnes de se soumettre à des tests de dépistage génétique qui seraient utiles sur le plan médical et qui pourraient, dans certains cas, leur sauver la vie.

    L'information génétique pourra aussi avoir des répercussions sur l'accès à d'autres services. Ainsi, les personnes dotées de traits génétiques « supérieurs » pourraient être choisies pour recevoir une formation spéciale ou professionnelle, tandis que celles ayant des traits « inférieurs » pourraient se voir refuser ou limiter l'accès à de telles possibilités.

Haut de la page
Haut

Partie IV : Recommandations et conclusion

1. Le dilemme central

Au cœur de débat sur la protection des renseignements personnels, la discrimination et l'information génétique, se manifeste la crainte qu'un échec en matière de protection des renseignements personnels et de prévention de la discrimination puisse considérablement diminuer le potentiel d'amélioration de la santé et des soins de santé qui pourrait se réaliser au moyen de la génétique. Les personnes peuvent craindre de se soumettre à des tests de dépistage utiles sur le plan médical ou de participer à de la recherche en génétique utile d'un point de vue social, redoutant que ces renseignements puissent se retourner contre elles. Des analyses génétiques pourront exacerber les atteintes à la vie privée et jeter les bases d'une plus grande discrimination. Les formes les plus extrêmes d'utilisation de l'information génétique pourraient même aller au-delà d'une ingérence dans la vie privée et donner lieu à un « nettoyage » ethnique ou racial, ou à la mise au point d'armes biologiques un fonction de caractères génétiques.

Les inquiétudes face à l'utilisation à mauvais escient de l'information génétique sont un prolongement des inquiétudes quant à l'utilisation à mauvais escient des renseignements personnels en général. Si, jusqu'à maintenant, la société avait mieux protégé les renseignements personnels non génétiques, les craintes concernant l'utilisation à mauvais escient de l'information génétique seraient peut-être beaucoup moins aiguës et beaucoup moins justifiées.

Haut de la page
Haut

2. S'attaquer aux enjeux

  1. Sensibilisation

    La sensibilisation du public est essentielle afin de protéger les renseignements génétiques et de prévenir la discrimination. Les gouvernements ont en particulier l'obligation d'expliquer les utilisations de l'information génétique et leurs répercussions possibles sur la société.

    Le rapport du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée, publié en 1992, représente un exemple d'initiative de sensibilisation du public qui peut aider ce dernier à saisir l'importance des questions de protection de la confidentialité génétique et de discrimination génétique. Ces prises de conscience pourraient engendrer un débat mieux éclairé sur le traitement approprié de l'information génétique. Le travail réalisé par le Programme canadien de technologie et d'analyse du génome et le rapport final du Comité consultatif sur l'infostructure de la santé publié en 1999, même s'ils ne sont pas conçus comme des outils de sensibilisation du grand public, pourraient également servir de référence utile pour l'élaboration de documents d'information faciles à comprendre.

  2. Contrôle de la dissémination ultérieure de l'information génétique

    Afin de profiter des avantages procurés par l'information génétique, il est nécessaire de contrôler ses utilisations à des fins autres que celles liées aux soins de santé de la personne à laquelle elle se rattache.

    Il est particulièrement troublant de constater que, comme dans le cas du programme de prélèvement d'échantillons d'ADN du ministère américain de la Défense, l'ADN prélevé à une fin particulière (l'identification des restes des soldats) est également mis à la disposition des enquêtes criminelles. En outre, en 1998, le FBI a demandé au gouvernement américain de lui accorder l'accès complet aux dossiers médicaux sans obtenir au préalable le consentement du patient, ce qui aurait pour conséquence de mettre à la disposition du FBI de nombreuses banques de données d'ADN et des dossiers de patients renfermant des profils d'ADN49. Selon un reportage publié en 1999, la commission du Michigan sur la protection des renseignements génétiques a proposé que l'État conserve en permanence des échantillons d'ADN prélevés aux fins de diagnostic de maladies congénitales rares chez les nouveau-nés. La raison : les échantillons s'avéreraient utiles pour les autorités chargées de faire respecter la loi et pour la recherche scientifique50. Ces événements exerceront inévitablement une certaine influence sur les Canadiens étudiant le traitement de l'information génétique.

    Les appels en faveur de l'utilisation à de nouvelles fins de l'information génétique disponible et l'infiltration des pratiques et des philosophies américaines dans notre pays doivent faire l'objet d'une surveillance étroite. Les autorités gouvernementales ne devraient pas piller impunément une banque de données d'ADN mise sur pied aux fins de soins de santé et de recherche. Pourtant, au Canada, les mécanismes de contrôle régissant de telles utilisations sont faibles.

    De même, l'ADN prélevé et analysé aux fins de soins de santé ne devrait pas automatiquement pouvoir servir à d'autres fins, même la recherche, si l'ADN peut être associé à une personne identifiable. La dissémination de ces renseignements à des entreprises commerciales privées doit également faire l'objet d'un contrôle rigoureux.

    Certaines lois protègent déjà l'information génétique. La Charte canadienne des droits et libertés protège contre les abus de l'État et les mesures législatives empiétant sur les garanties contenues dans la Charte, mais son application à la protection de l'information génétique demeurera imprécise pendant un certain temps51. La législation régissant le secteur privé est incohérente et incomplète. L'adoption récente de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques procurera une certaine protection contre les utilisations secondaires non voulues de l'information génétique par des entreprises commerciales, même si l'étendue de cette protection n'est pas encore tout à fait claire et devra attendre l'interprétation judiciaire. De même, des lois sur la protection de l'information sur la santé comme celles récemment adoptées dans trois provinces aideront à promouvoir « des pratiques d'information justes » concernant la traitement de l'information génétique. Les lois créant les délits civils, les codes d'éthique professionnelle, les lignes directrices déontologiques et les dispositions sur le confidentialité dans les lois sur la santé peuvent également limiter l'utilisation de l'information génétique personnelle, même si leur degré d'efficacité variera.

    Des règlements législatifs exhaustifs et, dans certains cas, des interdictions, sur les utilisations secondaires de l'information personnelle sont indispensables afin de sauvegarder l'intérêt public et la vie privée des individus une fois que l'information a été prélevée. Cependant, c'est souvent une limitation rigoureuse de la collecte initiale de l'information génétique personnelle qui pourrait constituer la meilleure protection.

  3. Législation visant la génétique en particulier ou législation générale?

    Une grande partie des discussions entourant la protection de l'information génétique porte sur la nécessité d'adopter une législation visant particulièrement la génétique ou la pertinence d'adopter une législation générale rédigée en des termes appropriés afin de réduire les cas de discrimination et de violation de la confidentialité des renseignements génétiques.

    Lemmens et Bahamin font valoir que la réglementation de l'utilisation des données génétiques, à titre de catégorie distincte de renseignements sur la santé, pourrait être peu réaliste. « Mais il est important de souligner les types de problèmes soulevés. Cela pourra convaincre les personnes du besoin d'une réglementation plus rigoureuse de l'utilisation des renseignements médicaux en général »52.

    Le professeur Mark Rothstein soutient que [TRADUCTION] « les lois générales ayant fait l'objet d'une rédaction minutieuse plutôt que des lois visant expressément la génétique auront plus de chances de succès pour protéger les secrets génétiques »53. Rothstein conclut également qu'il n'y a essentiellement aucune différence entre les renseignements médicaux ordinaires et les renseignements génétiques et que les deux types d'information devraient bénéficier de la même protection54.

    Certes, les règles régissant l'information médicale personnelle peuvent aussi offrir une protection aux renseignements génétiques. Par conséquent, les lois, les politiques et les lignes directrices déontologiques s'appliquent généralement à l'information génétique. Cependant, comme nous l'avons déjà signalé dans le présent rapport, l'information génétique intensifie le besoin de protéger l'information médicale personnelle en raison de l'abondance de renseignements personnels de nature parfois hautement délicate que la génétique produit ou promet de produire.

    Dans certaines situations, les mesures, législatives ou autres, visant à protéger l'information médicale en général ne protègent pas nécessairement l'information génétique de façon adéquate, compte tenu de ses particularités. Parmi les enjeux que l'on doit aborder particulièrement, en raison de la nature familiale de l'information génétique, citons entres autres :

    • la nécessité et les façons de réglementer la divulgation de l'information génétique concernant une personne à ses parents biologiques dans les cas où l'information pourrait leur être utile;
    • la possibilité de protéger le droit des parents biologiques de « ne pas savoir » et, si cela est réalisable, les mécanismes à mettre en œuvre pour ce faire.

    De même, des mesures législatives pourraient être requises pour protéger le droit de « ne pas savoir » des mineurs, y compris les mesures visant à empêcher les nouveau-nés de venir au monde avec un « bulletin » génétique.

    La législation sur l'utilisation de l'ADN à des fins médico-légales est un autre domaine où des règles particulières sont requises. Le Canada a élaboré une loi abordant la question du prélèvement de l'ADN de personnes suspectées d'actes criminels et la constitution de banques de données d'ADN provenant de criminels condamnés. Toutefois, il est nécessaire d'avoir l'œil sur cette loi afin de prévenir un élargissement non justifié de sa portée.

  4. Autres mesures

    Reproduction humaine : Les lois internationales et constitutionnelles offrent une certaine protection contre la discrimination par l'État en ce qui concerne les questions liées à la reproduction humaine. En particulier, le droit à la vie privée, préférablement explicite, conjointement avec d'autres droits, comme la liberté d'association, pourrait empêcher les gouvernements de chercher à obtenir l'accès à l'information génétique dans le but d'intervenir dans la prise de décisions liées à la reproduction humaine. Il est nécessaire de surveiller dans quelle mesure ces lois protégeront les droits à la reproduction, particulièrement dans le contexte des réductions de dépenses en matière de santé par les gouvernements. Toutefois, la meilleure protection contre l'intervention de l'État sera d'empêcher, au départ, que l'État puisse obtenir l'information génétique personnelle. Pour cela, il faut adopter des mesures de restriction régissant la collecte des renseignements personnels par l'État.

    Assurance : L'information génétique met en lumière des préoccupations importantes en matière d'assurance. Comme dans le cas d'autres enjeux discutés dans le présent rapport, ce n'est pas nécessairement la nature génétique de l'information, mais plutôt le fait que cette information peut être utilisée « au détriment » d'une personne, qui rend son examen nécessaire. Si les personnes refusent de se soumettre aux tests de dépistage génétique utiles sur le plan médical, parce qu'elles ont peur de perdre l'accès, ou celui des membres de leur famille, à l'assurance, l'objectif principal de la science génétique – l'amélioration des soins de santé – est sérieusement miné.

    La solution – qui permettra à la fois de garantir l'accès au bien important qu'est l'assurance et de minimiser les atteintes à la vie privée – peut consister à interdire aux compagnies d'assurances de demander des renseignements médicaux, génétiques ou non génétiques, pour les polices d'assurance dont la garantie est inférieure à une somme déterminée. Cette mesure permettrait d'assurer qu'on ne refuserait à aucun Canadien l'accès à une assurance de base en raison d'un problème génétique ou non génétique. Elle mettrait les compagnies d'assurances à l'abri des ravages économiques causés par une sélection défavorable et éliminerait les obstacles actuels décourageant les personnes de se soumettre à des tests de dépistage génétique utiles sur le plan médical.

    Pour ce qui est des polices d'assurance dont la garantie est élevée, il serait toujours approprié que les compagnies d'assurances aient accès à des renseignements pertinents concernant le candidat. Cependant, il faudrait interdire aux compagnies de divulguer les renseignements à l'extérieur du contexte de l'assurance. Ainsi, il devrait leur être interdit de divulguer des renseignements génétiques aux employeurs ou à d'autres entreprises commerciales.

    En général : Les mesures suivantes fourniraient une protection additionnelle contre une utilisation à mauvais escient de l'information génétique :

    • la ratification de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe55. Comme l'a fait valoir le professeur Knoppers, le débat sur la résolution des enjeux génétiques doit prendre une ampleur internationale. La solution devra peut-être aussi en partie se situer au niveau international;
    • l'adoption de lois en matière de protection des renseignements personnels dans les provinces et territoires où il n'en existe pas encore;
    • l'encouragement aux provinces qui ne l'ont pas encore fait à adopter des mesures de protection visant particulièrement le respect de la vie privée et la confidentialité des renseignements en matière de santé;
    • l'élaboration de codes déontologiques plus détaillés qui traitant des enjeux visant particulièrement les questions génétiques, comme la divulgation d'information aux membres de la famille;
    • l'adoption, dans les codes des droits de la personne, d'une protection législative contre la discrimination en raison d'un possible handicap futur.
Haut de la page
Haut

3. Conclusion

La protection des renseignements personnels et la discrimination ne constituent que deux groupes d'un ensemble complexe d'enjeux entourant la question de la génétique. Un manque d'attention ou la négligence délibérée des enjeux en matière de protection des renseignements personnels et de discrimination peuvent transformer la génétique, qui est actuellement l'un des domaines scientifiques les plus prometteurs, en une arme puissante pouvant menacer les droits fondamentaux de la personne. L'évolution rapide de la génétique laisse très peu de temps pour cerner la notion de confidentialité génétique et trouver des mécanismes de protection contre une discrimination généralisée fondée sur la génétique.


1 « Employers Should Be Barred From Accessing Genetic Information, Americans Say In NCGR Survey » le 4 mars 1998 : http://www.ncgr.org/about/news/archive.html.

2 J.T.R. Clarke, « Professional Norms in the Practice of Medical Genetics », Health Law Journal, 1995, vol. 3, p. 130.

3 Clarke, ibid., p. 138.

4 Citation tirée de Bartha Knoppers, Dignité humaine et patrimoine génétique, document d'étude préparé pour la Commission de réforme du droit du Canada, Ottawa, 1991, p. 43.

5 L. Hood et L. Rowen, « Genes, Genomes, and Society », dans Mark Rothstein, éd., Genetic Secrets: Protecting Privacy and Confidentiality in the Genetic Era, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 27; consulter aussi The Independent, 3 mai 1998 : « Despite claims that area Xq28 of the X chromosome contains a gene giving a "tendency" to homosexuality, scientists dismiss the idea. »

6 Knoppers, ibid., p. 41 et 42.

7 L.C. (de) 2000, chap. 5.

8 Articles 30(1.1) et (2).

9 Article 2.

10 Article 30(2).

11 L.R.C. 1985, chap. P-21, articles 4 et 8.

12 Manitoba : Loi sur les renseignements médicaux personnels (1997); Saskatchewan : Health Information Protection Act (1999); Alberta : Health Information Act (1999).

13 Par exemple, la Loi sur les maisons de soins infirmiers, L.R.O. 1990, chap. N.7, article 6; Loi sur les foyers pour personnes âgées et les maisons de repos, L.R.O. 1990, chap. H.13, article 6; Loi sur les soins de longue durée, 1994, L.O. 1994, chap. 26, articles 3(1) et 32 (1); Loi sur le régime de médicaments gratuits de l'Ontario, L.R.O. 1990, chap. 0.10, article 13(6).

14 Voir la discussion générale dans Trudo Lemmens et Poupak Bahamin, « Genetics in Life, Disability and Additional Health Insurance in Canada: A Comparative Legal and Ethical Analysis », dans Bartha Knoppers, éd., Socio-Ethical Issues in Human Genetics, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, Inc., 1998, p. 114 et p. 201-209.

15 Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (ville) [2000] 1 R.C.S. 665.

16 « Genetic Discrimination in the Workplace Fact Sheet », 1998, http://www.aclu.org/issues/worker/gdfactsheet.html (le 5 avril 1999).

17 http://www.nhgri.nih.gov/Policy_and_public_affairs/Legislation/workplace.htm (consulté le 31 octobre 2000).

18 http://www.ornl.gov/hgmis/elsi/legislat.html (consulté le 31 octobre 2000).

19 Lemmens et Bahamin, supra, p. 271.

20 Lemmens et Bahamin, p. 190.

21 « Test Patients Fear Losing Insurance », Associated Press, 11 avril 1998, New York.

22 http://www.nhgri.nih.gov/Policy_and_public_affairs/Legislation/insure.htm (consulté le 31 octobre 2000).

23 The Independent, 14 novembre 1998.

24 « Insurance in the genetic age, » The Economist, 21 octobre 2000.

25 R.S.B.C. 1979, chap. 336, article 1(1).

26 Loi sur la protection de la vie privée, R.S.S., chap. P-24, article 2.

27 Loi sur la protection de la vie privée, C.P.L.M., P125.

28 The Privacy Act, S.N. 1981, chap. 6, article 3(1).

29 Gilbert Sharpe, The Law and Medicine in Canada, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1987, p. 223 et 224. Même si le texte est déjà dépassé, le commentaire semble toujours pertinent.

30 Approuvé par le Conseil d'administration de l'AMC le 15 août 1998.

31 Comme celle conférée par les amendements de 1995 et de 1998 au Code criminel (et par des amendements parallèles à la Loi sur la défense nationale qui sont entrés en vigueur le 30 juin 2000) afin d'autoriser la police à prélever des échantillons de l'ADN de certains personnes suspectées d'actes criminels et de personnes condamnées pour certaines infractions criminelles.

32 2e Session, 35e Parl., 1996-1997.

33 Alinéa 4(1)h).

34 Alinéa 4(1)i).

35 Conseil de recherches médicales du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des être humains, août 1998.

36 Ottawa, Ministre des Approvisionnements et des Services, 1992.

37 Source : http://www.ornl.gov/TechResources/Human_Genome/resource/privacy/privacy1.html (le 2 avril 1999).

38 http://www.ornl.gov/TechResources/Human_Genome/resource/privacy/privacy1.html#intro (le 2 avril 1999).

39 STE No 164.

40 29e Assemblée.

41 British Medical Association, Biotechnology, Weapons and Humanity, Harwood Academic Publishers, 1999.

42 Le dépistage génétique et la vie privée, supra, p. 30-31.

43 « Genetic test opens door to quest for ‘perfect babies' », Ottawa Citizen, 23 octobre 2000.

44 Voir, par exemple, « Private gene testing should be allowed on trial basis — bioethicist » Presse canadienne, le 13 septembre 1998, 23 h 3 (Edmonton).

45 Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée, p. 38.

46 Commissaire à la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée, p. 16.

47 American Civil Liberties Union, « Genetic Discrimination in the Workplace Fact Sheet » (consulté le 23 octobre 2000). http://www.aclu.org/issues/worker/gdfactsheet.html (notes en bas de page omises)].

48 Department of Labor, Department of Health and Human Services, Equal Employment Opportunity Commission, Department of Justice, Genetic Information and the Workplace (le 20 janvier 1998).

49 American Civil Liberties Union, « The Year in Civil Liberties 1998 ». Site Web : http://www.aclu.org/library/ycl98.html (le 5 avril 1999).

50 « Michigan Wants to Expand DNA Databank of All Newborns », The Detroit News, 26 janvier 1999.

51 Un droit constitutionnel explicite à la vie privée, droit appuyé par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, garantirait dans une certaine mesure que les échantillons d'ADN conservés par des organismes gouvernementaux ne seraient pas utilisés ultérieurements sans justification solide.

52 Lemmens et Bahamin, supra, p. 150.

53 Mark Rothstein, « Genetic Secrets: A Policy Framework », dans Mark Rothstein, éd., Genetic Secrets: Protecting Privacy and Confidentiality in the Genetic Era, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 451-459.

54 Rothstein, ibid., p. 458.

55 STE No 164 (1997).

 

http://cccb-cbac.ca


    Création: 2005-07-13
Révision: 2005-07-13
Haut de la page
Haut de la page
Avis importants