Portraits de donateurs et de donatrices
DIANE ET ALAN ALDRED
Une terre ancestrale et ses pâturages naturels préservés à jamais
![Alan et Diane Aldred dans leur maison de Ghost Hill Farm en 1997.](/web/20071124013907im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/aldred_1.jpg)
Alan et Diane Aldred dans leur maison de Ghost
Hill Farm en 1997.
Photo : © Alan Aldred
Quand elle était enfant, Elizabeth Lusk Hay a vu une chose
« semblable à une immense lune dorée qui planait au tournant
de la colline » où elle habitait. Puis la lune s'est évanouie.
Ce magnifique feu follet était peut-être dû à la combustion
spontanée des gaz des marais ou
à l'un des nombreux fantômes qui peuplaient, disait-on, la ferme
Ghost Hill. Cette propriété de 178 hectares (440 acres), située
à Pontiac près de Gatineau, a été défrichée
et habitée par cinq générations de Lusk, tous descendants
de Joseph Lusk et d'Esther Balmer, des Irlandais immigrés dans la région
vers 1820. Les trois premières générations ont travaillé sans
relâche pour défricher la forêt, cultiver la terre et élever
du bétail. Ces pionniers n'ont probablement jamais pensé
que leurs descendants rendraient un jour leur terre à la nature, mais
c'est ce qu'a fait Diane Aldred, la fille d'Elizabeth Lusk Hay. Elle l'a léguée à la
nature pour la préserver de l'étalement urbain et de nouvelles
pratiques agricoles qui auraient dégradé ses vieux pâturages.
![Les magnifiques pâturages naturels de la propriété donnée par les Aldred.](/web/20071124013907im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/aldred_2.jpg)
Les magnifiques pâturages naturels de la
propriété donnée par les Aldred
Photo : © Benoît Jobin, Service canadien de la faune
Mme Aldred, enseignante au secondaire et écrivaine-historienne,
a été élevée sur cette ferme familiale. Son
terrain de jeu comprenait des milieux humides, des pâturages naturels,
des forêts feuillues, de denses cédrières, une falaise
calcaire de 36 mètres ainsi que le ruisseau Breckenridge et son
estuaire dans la rivière des Outaouais. Diane Aldred était
très attachée à cet endroit, et ses parents le savaient.
En 1993, ils lui ont légué leur moitié de la propriété,
l'autre moitié appartenant à sa tante. Mme Aldred et son
mari, Alan, ont alors emménagé dans la maison en pierre
construite par un des ancêtres Lusk au sommet de la colline hantée,
qui offre une vue splendide sur la rivière des Outaouais. Depuis
les années 1930, les prairies avaient seulement été
utilisées comme pâturages d'été, et le couple
a poursuivi la tradition en les louant à des agriculteurs voisins
pour qu'ils y fassent paître leur bétail. M. Aldred, consultant
en aménagement forestier, gérait les boisés de la
propriété. Le couple partageait la même passion pour
cet endroit, que ce soit l'étang de castors, au pied de la falaise,
où abondent canards et oiseaux aquatiques, le bord de la rivière
ou l'estuaire du ruisseau et ses magnifiques érables, frênes
et ormes matures qui sont inondés chaque printemps et évoquent
alors les Everglades.
![Dès le dégel printanier, la Rainette faux-grillon de l'Ouest fait entendre son cri singulier. Cette minuscule grenouille d'à peine 3 cm se reproduit dans des étangs temporaires et peu profonds, des sites précaires qui peuvent être facilement détruits par le drainage et le nivellement des terres.](/web/20071124013907im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/aldred_3.jpg)
Dès le dégel printanier, la Rainette
faux-grillon de l'Ouest fait entendre son cri singulier. Cette minuscule grenouille
d'à peine 3 cm se reproduit dans des étangs temporaires et peu
profonds, des sites précaires qui peuvent être facilement détruits
par le drainage et le nivellement des terres.
Photo : © Raymond Belhumeur
Peu après leur arrivée à la ferme, les Aldred ont
amorcé une réflexion sur l'avenir de cette terre ancestrale,
dont la valeur écologique, croyaient-ils, égalait probablement
la valeur historique. Ses diverses caractéristiques offrent des
habitats à une grande variété d'animaux et de plantes,
dont certaines espèces qui sont considérées comme
vulnérables au Québec, par exemple la Rainette faux-grillon
de l'Ouest et l'Ail des bois. De plus, l'estuaire du ruisseau abrite quelques-uns
des rares peuplements d'Orme liège et d'Érable noir du Québec.
En 1997, inspirée par des amis ayant fait don d'une terre qui a
été intégrée à un parc provincial en
Colombie-Britannique, Mme Aldred s'est adressée au Service canadien
de la faune (SCF) d'Environnement Canada, pour savoir si leur propriété
méritait d'être protégée. Le SCF l'a alors
mise en relation avec Conservation de la nature Canada (CNC) au Québec,
qui a effectué plusieurs inventaires biologiques sur la propriété
au cours des années suivantes afin de documenter sa diversité
et sa richesse. En 2001, CNC a acquis la moitié indivise appartenant
à la tante de Mme Aldred. Quelques mois plus tard, les Aldred ont
commencé à préparer une entente de donation concernant
leur partie. Croyant la nature essentielle à l'être humain,
ils souhaitaient que leur propriété soit protégée
à tout jamais et devienne une réserve naturelle. Pendant
leurs démarches, ils ont entre autres appris que leurs pâturages
parsemés d'aubépines offrent un environnement favorable
à la Pie-grièche migratrice, un oiseau menacé au
Canada. La population de cette espèce a grandement diminué
au cours des dernières décennies, et un programme expérimental
de réintroduction a récemment été mis sur
pied pour favoriser son rétablissement.
![Diane Aldred](/web/20071124013907im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/aldred_4.jpg)
Diane Aldred
Photo : © Alan Aldred
Diane Aldred est décédée en 2003 avant d'avoir
pu léguer son précieux héritage aux générations
futures. Toutefois, l'année suivante, selon ses volontés,
son mari a fait le don écologique de la terre ancestrale à Conservation
de la nature Canada (CNC)1 et
à la Société québécoise pour la protection
des oiseaux (SQPO)2,
deux organismes privés à but non lucratif voués à la
protection de la nature. Ce don a été fait dans le cadre
du Programme des dons
écologiques d'Environnement Canada, qui offre des avantages fiscaux
particuliers et une réduction du gain en capital imposable pour
le don de terres
écosensibles et d'intérêts fonciers partiels. « Dans
notre cas, les avantages fiscaux n'ont pas été
très importants puisque nous n'avions pas de gain en capital à
payer, mais ce programme est un outil fantastique pour encourager les
gens à faire don de leur terre », explique M. Aldred.
![Avec son plumage contrasté, ses parades aériennes et son chant inimitable, le mâle Goglu des prés, une espèce commune dans les champs, n'attire pas seulement l'attention des femelles qu'il convoite.](/web/20071124013907im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/aldred_5.jpg)
Avec son plumage contrasté, ses parades
aériennes et son chant inimitable, le mâle Goglu des prés,
une espèce commune dans les champs, n'attire pas seulement l'attention
des femelles qu'il convoite.
Photo : © Samuel Belleau
Diane Aldred aimait plus que tout marcher sur sa terre. Elle était
particulièrement préoccupée par le sort de ses pâturages
naturels et des multiples animaux qui y vivent ou s'y nourrissent, que ce
soit la Rainette faux-grillon de l'Ouest, la Sturnelle des prés, le
Goglu ou la Buse à queue rousse. « Je ne pouvais accepter l'idée
de destruction totale qui suivrait le passage d'un bulldozer », a-t-elle
déjà écrit. Grâce au soutien indéfectible
de son mari Alan, son rêve de sauvegarder les beaux paysages de la ferme
Ghost Hill, ses divers habitats et ses nombreuses espèces sauvages
s'est réalisé. Ses ancêtres peuvent reposer en paix puisque
leurs pâturages, fruits de décennies de travaux éreintants,
seront également protégés ainsi que les marais où
naissent des fantômes.
1 www.conservationdelanature.ca
2 www.pqspb.org
Pour obtenir d'autres renseignements sur les
dons écologiques