Portraits de donateurs et de donatrices
JOHN SAURO
Il achète une terre et en fait don pour la protéger.
![John Sauro watches as dusk descends on the two ponds he saved from destruction in 1982.](/web/20071124014006im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/sauro_1.jpg)
John Sauro regarde le jour tomber sur les deux étangs qu'il a sauvés
de la destruction en 1982.
Photo: © Christiane Foley
Acheter pour protéger, John Sauro sait ce que c'est. Il a jusqu'à
maintenant consacré plus de 200 000 $ à l'achat de 145 hectares
de marais, de tourbières et de forêts à Venise-en-Québec,
à proximité du lac Champlain. Pourquoi? Pour n'en rien faire et
les soustraire aux pressions anthropiques qui les menacent. C'est en 1982 qu'il
a acheté sa première parcelle : deux étangs à
castors qu'on avait drainés dans le but de les transformer en terrain
de golf et en ensemble résidentiel. Pour sauver ce bout de nature, le
jeune homme de 23 ans a dû
encaisser ses bons d'épargne du Canada et emprunter de l'argent
à sa mère et à l'un de ses frères. Une dizaine d'années
plus tard, après avoir payé ses dettes, M. Sauro a pu acquérir
quatre autres parcelles adjacentes à la première, dont une pinède
mature à haut risque de lotissement. Pour y arriver, il a dû réhypothéquer
trois fois sa maison.
Cet amoureux des marais a pourtant été élevé
loin de la nature. Son père, un meunier italien dont le commerce
fut ruiné pendant la Seconde Guerre mondiale, a émigré
à Montréal en 1949. Sa mère est arrivée l'année
suivante, accompagnée de leurs trois premiers enfants et d'un immense
coffre chargé de victuailles italiennes. En 1953, le couple a acheté
une modeste maison à Ville Saint-Michel, aujourd'hui un arrondissement
de Montréal, où il a élevé ses sept enfants.
Petit univers urbain d'où John Sauro n'était jamais sorti
avant de participer, à l'âge de 12 ans, à un voyage
de camping au nord de Montréal organisé par trois enseignants
de son école. Quand l'autobus a quitté la ville, le jeune
citadin n'avait plus assez d'yeux pour voir défiler ce nouveau
monde de forêts et de montagnes. Le lendemain en randonnée,
il s'est isolé de son groupe pour mieux découvrir les silences
et les bruits de la nature : le vent dans les feuilles, l'eau des rapides
et les oiseaux tout autour. Quelques poissons remontaient un cours d'eau.
Était-ce des truites? Le garçon n'en savait rien, mais il
avait maintenant une certitude : la nature ferait désormais partie
de sa vie.
![Un des deux étangs acquis par M. Sauro.](/web/20071124014006im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/sauro_2.jpg)
Un des deux étangs acquis par M. Sauro
Photo : © Service canadien de la faune
Quelque trente-cinq ans plus tard, il est difficile de croire qu'à
une certaine époque, John Sauro ne savait reconnaître une
truite. Devenu technicien en aménagement de la faune, il est un
passionné de chasse et de pêche et un ardent défenseur
des milieux humides. Les deux étangs drainés qu'il a achetés
en 1982 ont été à nouveau inondés et sont
utilisés chaque année par des milliers de canards et autres
oiseaux aquatiques, par différentes espèces de grenouilles
et de tortues et par des mammifères, tels le Castor, la Loutre
de rivière et le Pékan. Il y dirige une station de baguage
de canards en collaboration avec le Service canadien de la faune.
![La propriété donnée est un milieu propice au Grand Pic, un oiseau de la taille d'une corneille. Les forêts matures et les arbres morts sont essentiels à la survie de cette espèce.](/web/20071124014006im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/sauro_3.jpg)
La propriété donnée est
un milieu propice au Grand Pic, un oiseau de la taille d'une corneille. Les
forêts matures et les arbres morts sont essentiels à la survie
de cette espèce.
Photo : © Léo-Guy de Repentigny, Service canadien de la faune
Il y a quelques années, M. Sauro a amorcé une réflexion
sur l'avenir de ses terres. Il souhaitait qu'elles conservent à tout
jamais leur vocation faunique. Après en avoir discuté avec
sa notaire, il a choisi de les céder à un organisme de
conservation plutôt qu'à ses enfants. Ainsi en 2001, il
a cédé la plus grande partie de ses terres à
Conservation de la Nature Canada (CNC)1,
un organisme privé à but non lucratif, et en 2003, il a
fait le don écologique de sa pinède de 5 hectares (12 acres) à ce
même organisme dans le cadre du Programme des dons écologiques
d'Environnement Canada.
Cette forêt située en bordure des deux étangs est
en grande partie formée d'une pinède blanche à
Érable rouge, une communauté
forestière qui a progressivement disparu de la région des
Grands Lacs et du Saint-Laurent depuis le début de la colonisation.
Elle offre un habitat propice à différents animaux tels
que le Grand Pic, le Grand-duc d'Amérique et le Cerf de Virginie
et constitue une zone tampon entre les lieux habités et la tourbière
de Venise Ouest. Cette dernière, en plus de filtrer les eaux d'une
partie du lac Champlain, abrite une grande diversité de plantes
dont le Pin rigide et la Thélyptère simulatrice, deux espèces
menacées au Québec que l'on ne trouve qu'à deux
autres endroits dans la province. Le Programme des dons écologiques
a ainsi contribué à la pérennité
d'une forêt ayant une grande importance écologique pour
ces milieux humides. Il a également procuré à M.
Sauro, grâce à un crédit d'impôt, un répit
financier bien accueilli par cet homme qui a fait de nombreux sacrifices
au cours de sa vie pour protéger ces milieux qu'il aime tant.
![La tourbière de Venise Ouest abrite une des trois populations de Pin rigide connues au Québec. Le don écologique de M. Sauro garantit la préservation d'une zone tampon entre cette tourbière et les lieux habités.](/web/20071124014006im_/http://www.qc.ec.gc.ca/faune/pde-egp/portraits/images/sauro_5.jpg)
La tourbière de Venise Ouest abrite une
des trois populations de Pin rigide connues au Québec. Le don écologique
de M. Sauro garantit la préservation d'une zone tampon entre cette
tourbière et les lieux habités.
Photo : © Christiane Foley
Les enseignants Clem Prioletta, Frank Buffa et Walter Ninzatti se sont-ils
jamais doutés de l'impact qu'avait eu un voyage de camping sur un de
leurs élèves en 1971? Ils l'ont appris il y a quelques années
lorsque M. Sauro les a appelés un à un pour les remercier de
ce voyage qui a changé le cours de sa vie. John Sauro a reçu,
en 2002, un Phénix de l'Environnement qui soulignait ses années
d'efforts consacrées à la protection des tourbières du
lac Champlain ainsi que son oeuvre de conservation en tant qu'individu. Son
généreux don garantit que tous ses efforts n'auront pas été
vains.
1 www.conservationdelanature.ca
Pour obtenir d'autres renseignements sur les
dons écologiques