English

La recherche sur l'évolution de la couche d'ozone : perspective canadienne

sous la direction de D.I. Wardle, J.B. Kerr. C.T. McElroy et D.R. Francis

On peut se procurer la version complète de ce document, en anglais ou en français, auprès de la Direction de la politique, du programme et des affaires internationales, Service de l'environnement atmosphérique, 4905, rue Dufferin, Downsview,Ontario M3H 5T4, ou appuyer ici


Le Protocole de Montréal - les réalisations et les défis

La signature du Protocole de Montréal, le 16 septembre 1987, a été un épisode marquant de l'histoire de la diplomatie moderne; c'est un des rares cas où des États ont fait passer la réalisation d'un objectif mondial commun avant leur intérêt économique. La chose est d'autant plus remarquable lorsque l'on considère qu'il persistait des incertitudes scientifiques sur certains aspects du processus d'appauvrissement et que l'on n'avait aucune preuve immédiate de ses impacts sur les écosystèmes et sur la santé humaine. Le fait qu'on ait finalement pu en arriver à une entente a tenu non seulement à une collaboration extraordinairement fructueuse entre les scientifiques et les décideurs, mais aussi aux énormes progrès réalisés par la communauté scientifique internationale pour repousser les frontières de la connaissance de l'ozone. La valeur de leur réalisation se manifeste dans les progrès très concrets effectués depuis 1987 pour réduire les émissions de substances qui appauvrissent la couche d'ozone.

Le Canada se préoccupe de l'appauvrissement de l'ozone stratosphérique depuis que la question a été soulevée par les scientifiques dans les années 60 et 70; notre intérêt pour la science de l'ozone remonte encore plus loin, aux années 50, époque où furent établis les premiers programmes canadiens de surveillance de l'ozone. Dans les vingt dernières années, notre participation à l'étude de l'ozone et nos contributions à cet effort ont été considérables. Le spectrophotomètre d'ozone Brewer, qui est maintenant le principal instrument utilisé pour les mesures au sol, a été développé dans notre pays. Notre réseau de stations de surveillance est l'un des plus vastes du monde, et, le Centre de données mondiales sur l'ozone et sur le rayonnement ultraviolet étant situé sur notre territoire, nous avons la responsabilité d'archiver les mesures de l'ozone faites dans le monde entier. Le Canada est également fier d'avoir été l'une des Parties originales au Protocole de Montréal et parmi les nombreux pays qui ont rempli, voire dépassé, les obligations contractées aux termes du Protocole et de ses amendements.

On trouvera ici un bref aperçu de l'état de la science de l'ozone en 1997, année du dixième anniversaire du Protocole de Montréal. Compilé par des scientifiques canadiens, ce document puise dans des recherches tant canadiennes qu'étrangères pour résumer notre compréhension actuelle de l'appauvrissement de l'ozone et de ses effets. Il met aussi en lumière les résultats des recherches canadiennes et, le cas échéant, les données, ainsi que les points d'intérêt particulier pour le Canada, comme l'appauvrissement de l'ozone dans l'Arctique et les impacts des changements du rayonnement UV sur les écosystèmes forestiers et dulçaquicoles.

Sur la voie du Protocole

La possibilité d'une influence de l'homme sur la couche d'ozone a été soulevée dès 1964, lorsque John Hampton, du Centre d'étude et de recherche sur les armements (Canada), a fait remarquer que l'ozone pouvait être endommagé par les émissions de vapeur d'eau des fusées et des avions volant à haute altitude. Dans la décennie suivante, les projets visant à faire circuler des avions supersoniques commerciaux dans la basse stratosphère ont de nouveau attiré l'attention sur la question, comme l'a fait le débat sur les effets environnementaux des armes nucléaires. En 1974, cependant, paraissaient deux articles qui ont ajouté une tout autre dimension à la question de l'appauvrissement de la couche d'ozone. Le premier, publié dans le Journal canadien de chimie par Richard Stolarski et Ralph Cicerone, de l'université du Michigan, décrivait un processus par lequel le chlore présent dans les émissions des fusées pouvait catalyser la destruction de grandes quantités d'ozone stratosphérique pendant de nombreuses dizaines d'années. Presque en même temps, de leur côté, deux chercheurs de l'université de Californie, Mario Molina et Sherwood Roland, ont exprimé des préoccupations similaires quant à une perte d'ozone catalysée par le chlore, mais suggéré l'existence d'une source beaucoup plus importante de chlore anthropique dans la stratosphère. Dans un article présenté dans Nature, ils avançaient que nombre des chlorofluorocarbures (CFC) largement utilisés par l'industrie pouvaient migrer jusque dans la stratosphère, où ils dissocieraient sous l'effet de l'intense rayonnement ultraviolet et libéreraient des quantités significatives de chlore.

Ce que laissaient entendre ces articles était inquiétant. La société, semblait­il, allait devoir faire un choix : ou préserver l'intégrité de la couche d'ozone, qui empêche les rayons ultraviolets d'atteindre la surface de la Terre en quantités nocives pour les formes de vie, ou conserver les avantages économiques offerts par les CFC, groupe précieux de substances chimiques par ailleurs inoffensives qui étaient devenues essentielles à une vaste gamme d'applications, comme la réfrigération et la fabrication de mousses et de composantes électroniques. Les risques potentiels pour la santé humaine et les écosystèmes étaient graves et sans précédent, et il semblait fort coûteux d'abandonner les CFC. En outre, la destruction de l'ozone dans des réactions catalysées par le chlore semblait plausible, mais on n'avait pas encore de preuve empirique d'une perte d'ozone dans la stratosphère. La situation s'est compliquée en 1975 lorsque S.C. Wofsy, M.B. McElroy et Y.I. Yung, de l'université d'Harvard, ont montré que le brome, utilisé dans les halons ignifugeants, avait lui aussi le potentiel de détruire l'ozone. Bien évidemment, la question a soulevé une chaude controverse, tant dans la communauté scientifique qu'à l'extérieur de celle­ci.

Dans le monde entier, des scientifiques d'universités, de gouvernements et de l'industrie ont réagi en intensifiant les recherches sur le sujet. Le problème immédiat était de confirmer, ou d'infirmer, les nouvelles théories sur la destruction de l'ozone et d'en évaluer les implications pour une vaste gamme d'impacts potentiels. Vu la grande variabilité naturelle des concentrations d'ozone, dans le temps comme dans l'espace, il n'était pas facile de détecter l'empreinte d'une perturbation anthropique et de vérifier les processus en jeu. À mesure que les chercheurs recueillaient de nouvelles informations sur la chimie et la dynamique de l'atmosphère moyenne, le problème devenait plus complexe et les incertitudes croissaient. La modélisation des processus régissant l'abondance de l'ozone s'est révélée extrêmement difficile, en partie du fait des limitations de la puissance de calcul des ordinateurs et en partie du fait des incertitudes quant aux vitesses de réaction et à d'autres aspects critiques des mécanismes de destruction. Les premières projections de l'appauvrissement par les CFC étaient donc fort divergentes. Cependant, vers le milieu des années 80, la connaissance des processus gouvernant l'abondance de l'ozone avait considérablement progressé. Lorsque le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation météorologique mondiale (OMM) publièrent leur première grande évaluation internationale de l'ozone en 1986, ce rapport a pu non seulement donner une analyse complète de la menace que représentaient les CFC 11 et 12, mais aussi mettre en évidence d'autres substances qui avaient le potentiel de détruire l'ozone stratosphérique. En outre, il attirait l'attention sur le fait que nombre de ces substances étaient des gaz à effet de serre très puissants, dont la présence dans l'atmosphère pouvait influer sérieusement sur le réchauffement planétaire et le changement climatique.

La réaction à cette menace d'un appauvrissement de l'ozone a été variable d'un pays à l'autre. Elle a été la plus forte dans ceux où l'intérêt des médias et de groupes environnementaux dynamiques garantissaient à la question une place à l'ordre du jour politique. Dans un certain nombre de ceux­ci, on a institué des commissions d'enquête et intensifié les activités de recherche, pour que les gouvernements puissent disposer de plus d'information sur la nature et les implications du problème. En 1978, quelques pays en étaient arrivés à la conclusion qu'il serait prudent de suspendre les utilisations les moins essentielles des CFC jusqu'à ce que soient mieux définis les risques qui en découlaient. C'est ainsi que les États­Unis ont interdit d'utiliser des CFC pour les produits en aérosols non essentiels en mars de cette année, mesure reprise par le Canada, la Norvège et la Suède peu après. La Communauté européenne, après avoir rejeté les propositions formulées par les Pays­Bas, puis par l'Allemagne, de restreindre l'utilisation des CFC, a accepté en 1980 d'imposer un recul de 30 %, chiffre plus modeste.

Le problème de l'ozone était cependant une question avant tout d'ordre international, et ne pouvait se régler que via des actions internationales. Ce genre de mesure a été préconisé relativement tôt par le Programme des Nations Unies pour l'environnement, sous le leadership de son directeur exécutif de l'époque, M. Mostafa Tolba. En 1976, le PNUE convoquait une conférence internationale pour discuter d'une réponse internationale à la question de l'ozone. Lors de cette conférence, tenue à Washington en mars 1977, fut rédigé un " Plan mondial d'action concernant la couche d'ozone ", qui chargeait le PNUE de favoriser et de coordonner les activités internationales de recherche et de collecte de données. En même temps, on formait un Comité de coordination de la couche d'ozone, sous l'égide du PNUE, pour examiner les évaluations internationales périodiques de la question de l'appauvrissement.

La possibilité de fixer des limites internationales à la production et à l'utilisation des CFC fut soulevée un mois plus tard lors d'une autre réunion internationale à Washington, mais elle ne recueillit pas assez d'appui ni à ce moment­là ni à plusieurs autres occasions dans les années qui suivirent. En avril 1981, toutefois, le Conseil d'administration du PNUE autorisait l'organisme à entreprendre des travaux en vue d'une entente pour la protection de la couche d'ozone. La première mesure fut prise en janvier 1982, lorsque 24 États se réunirent à Stockholm et convinrent de créer un " Groupe de travail spécial constitué d'experts juridiques et techniques chargés de l'élaboration d'une convention-cadre mondiale pour la protection de la couche d'ozone ". En 1983, le groupe dit " de Toronto " (pour l'endroit où s'est tenue sa première réunion), composé de représentants du Canada, de la Finlande, de la Norvège, de la Suède et, plus tard, des États­Unis, recommanda une interdiction mondiale des utilisations non essentielles des CFC comme propulseurs d'aérosols et proposa qu'un protocole à vocation réglementaire distinct soit élaboré et adopté en même temps que la convention­cadre.

Ces efforts en vue d'une entente­cadre ont abouti en mars 1985, avec la signature de la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone. Les États participants acceptaient alors d'adopter des mesures (qui n'étaient cependant pas définies) pour protéger la couche d'ozone et de prendre des dispositions en matière de coopération internationale dans les secteurs de la recherche, de la surveillance et de l'échange de données sur l'état de la couche d'ozone, ainsi que sur les émissions et concentrations de CFC et d'autres substances chimiques. La convention n'était pas assortie d'un protocole de réglementation, mais, dans une autre résolution, le PNUE fut autorisé à lancer les négociations en vue d'un protocole ayant force obligatoire qui serait prêt en 1987.

La Convention de Vienne était certes une étape importante, mais on ne disposait pas du consensus international nécessaire à l'efficacité d'un protocole de réglementation. Il fut donc décidé de tenir deux ateliers en 1986 pour revoir certaines des grandes questions économiques et scientifiques. Oeuvrant de manière informelle, plus à titre personnel qu'en tant que membres de délégations nationales, des experts de l'ONU, de gouvernements, de l'industrie, d'universités et de groupes environnementalistes se sont réunis, d'abord à Rome, puis à Leesburg, en Virginie. Bien qu'il ait persisté de nombreuses divergences, les réunions ont réussi à établir une plus large base d'entente en vue des négociations. Un des plus importants points issus de ces discussions était l'idée d'un protocole provisoire, qui ne fournirait pas de solution définitive à tous les problèmes en suspens, mais pourrait être périodiquement réévalué et révisé à mesure de l'évolution des faits et de l'élargissement des connaissances scientifiques.

Les négociations proprement dites ont débuté à Genève en décembre 1986. Des rencontres tenues par la suite à Vienne et de nouveau à Genève ont aidé à rapprocher les points de vue, mais, lorsque les délégués se sont réunis à Montréal le 8 septembre 1987, il demeurait d'importants désaccords sur des questions telles que les substances à réglementer, le recours à la production ou à la consommation comme base des restrictions, l'étendue des limites imposées et le moment de leur mise en oeuvre, le choix d'une année de référence, et les dispositions concernant les pays en développement. Ce n'est qu'après des négociations intensives qu'on a pu en arriver à une entente le 16 septembre.

La conclusion d'un accord si important et si novateur doit beaucoup aux talents de persuasion et à la persévérance des négociateurs, mais divers autres facteurs importants y ont contribué. Le rôle de la communauté scientifique internationale a été particulièrement crucial. Bien que les scientifiques n'aient pas pu lever toutes les incertitudes qui pesaient, et pèsent encore, sur la question de l'ozone stratosphérique, ils ont réussi à les réduire et à avancer des raisons impérieuses d'agir. Le hasard aussi est intervenu, tout spécialement avec la découverte en 1985 du trou d'ozone de l'Antarctique. Cette découverte n'a pas confirmé les théories sur la destruction de la couche d'ozone, mais soulevé de nouvelles questions, et surtout sensibilisé davantage les leaders d'opinion et le public au fait que quelque chose arrivait à l'atmosphère et qu'il fallait prendre des mesures préventives. L'entente devint également beaucoup plus proche de se matérialiser après 1986, lorsque l'industrie chimique des États­Unis, l'un des plus gros producteurs de CFC du monde, abandonna son opposition aux restrictions. Enfin, ce fut la souplesse même de l'accord qui le rendit acceptable à nombre des parties. Il ne visait pas à résoudre d'un seul coup un problème si complexe, ce qui aurait été utopique. Au contraire, il établissait un mécanisme d'examen continu, pour que l'on puisse raffiner les politiques en fonction des nouvelles réalités et des meilleures informations disponibles. En fait, une de ses plus grandes réalisations a été de créer un mécanisme d'action continue. Comme le faisait remarquer M. Mostafa Tolba, le Protocole de Montréal était un point de départ, le début des véritables travaux.

Jalons : 1987-1997

La dernière décennie a vu la science de l'ozone avancer de façon très significative, tant par l'amélioration des capacités de recherche et de surveillance que par des progrès concrets dans la compréhension de l'appauvrissement et de ses effets sur la quantité de rayonnement qui atteint la surface de la Terre. Un des plus importants développements est survenu à la fin des années 80, lorsque des efforts de recherche intensifs ont éclairci le mystère du trou d'ozone de l'Antarctique et découvert le rôle joué dans sa formation par les nuages stratosphériques polaires (PSC) et la chimie hétérogène. En 1990, on avait recueilli des informations importantes sur les tendances de l'ozone dans d'autres parties du monde, et l'on a découvert des pertes de l'ordre de 5 % par décennie aux latitudes moyennes de l'hémisphère Nord. Après l'éruption du mont Pinatubo en 1991, il est également devenu évident que les aérosols soufrés injectés dans la stratosphère par l'activité volcanique pouvaient causer une importante destruction de l'ozone. Plus récemment, on a eu des preuves que des pertes significatives étaient survenues dans l'Arctique du fait de réactions hétérogènes sur les PSC. En 1993, le lien soupçonné entre l'appauvrissement de l'ozone et l'augmentation du rayonnement UV à la surface a été confirmé par l'analyse de données spectrales. L'étude, menée par des scientifiques d'Environnement Canada, a récemment été étendue pour couvrir une période de 11 ans se terminant en 1996. Elle a mis en évidence une tendance positive d'environ 1 % par an du rayonnement à 300 nm en été.

Parmi les autres progrès notables de la dernière décennie :

Les progrès de la compréhension des processus d'appauvrissement et de nouvelles preuves d'une perte d'ozone ont précipité un resserrement marqué et une extension du régime de réglementation du Protocole. L'entente originale demandait que l'utilisation des CFC soit réduite de 50 % au milieu de 1998 et la consommation de halons gelée aux niveaux de 1986 en 1992, mais les amendements adoptés aux réunions de Londres (1990) et de Copenhague (1992) ont imposé l'élimination quasi totale de ces substances, puis ramené les échéances d'élimination graduelle à la fin de 1994 pour les halons et à la fin de 1995 pour les CFC. En outre, le tétrachlorométhane et le méthylchloroforme, les HCFC et les HBFC (utilisés comme substituts des CFC et des halons), ainsi que le bromométhane, ont été assujettis à une réglementation. Le tétrachlorométhane, le méthylchloroforme et les HBFC devaient être éliminés à la fin de 1995, et la consommation de HCFC en 2030. D'autres réunions, tenues à Vienne (1995) et à Costa Rica (1996), ont conduit à une réduction de l'utilisation du bromométhane et à une entente pour y mettre fin totalement d'ici 2010.

Tendances actuelles

La perte d'ozone la plus importante et la plus spectaculaire est survenue au début du printemps de l'Antarctique, les valeurs de l'ozone total ayant chuté de plus de 65 % depuis 1975. Les pertes sur l'Arctique au cours de la même période ont été moindres, les régimes de circulation étant différents, mais demeurent de l'ordre de 12 %. Pendant ce temps, aux latitudes moyennes, l'ozone s'appauvrissait au rythme de 5 % par décennie.

Les cartes jointes montrent les différences entre les quantités d'ozone au­dessus du Canada au moment de la signature du Protocole de Montréal, en 1987, et dix ans plus tard, en 1997. Entre ces deux périodes de six mois, c'est dans le haut­Arctique que les pertes ont été les plus fortes (jusqu'à 12 %) et dans le sud­est qu'elles ont été les plus basses (environ 3 %). Cependant, en 1996, les valeurs de l'ozone dans l'Arctique sont tombées à 30 % sous la normale pendant une courte période; au printemps de 1997, elles étaient inférieures à la normale de 45 % sur le haut­Arctique et de 7 % aux latitudes moyennes du pays. Cet appauvrissement exceptionnellement fort dans l'Arctique au printemps dernier est probablement dû à des régimes inhabituels de températures et de vents en altitude qui peuvent, à leur tour, être liés aux effets radiatifs de concentrations accrues de gaz à effet de serre.

Toutefois, en raison de la mise en oeuvre du Protocole de Montréal, l'augmentation des concentrations atmosphériques de CFC a ralenti considérablement depuis les alentours de 1990 et, dans le cas du CFC­11, les concentrations ont même commencé à décliner. À mesure que baisseront les concentrations stratosphériques de CFC et d'autres substances destructrices de l'ozone, celles de chlore et de brome devraient faire de même. Si les dispositions du Protocole de Montréal sont pleinement respectées par toutes les Parties, la concentration stratosphérique de chlore, qui est actuellement de 3,5 parties par milliard (ppb) devrait plafonner au cours des prochaines années, puis diminuer graduellement, pour revenir à son niveau naturel de 1,0 ppb un peu après l'an 2100.

Considérant les baisses prévues des concentrations de substances destructrices d'ozone ainsi que de chlore et de brome stratosphériques, quand peut­on penser que la couche d'ozone sera rétablie et quand pourrons­nous détecter que le rétablissement est déjà amorcé? Le graphique ci­joint montre le déroulement de la baisse de l'ozone entre 1965 et 1996. Il fait ensuite une comparaison simplifiée de ce qui pourrait se passer si nos hypothèses présentes sur l'appauvrissement de l'ozone sont bonnes, et que le Protocole de Montréal et ses amendements sont pleinement mis en oeuvre, avec un scénario selon lequel les concentrations de substances destructrices de l'ozone restent aux niveaux de 1997. Bien que le graphique repose sur une base scientifique minimale, il révèle qu'aucune tendance nette à une augmentation de l'abondance de l'ozone ne pourrait se dessiner avant 2005 ou 2010. En fait, les indications en ce sens pourraient même être encore retardées, parce que le Protocole pourrait ne pas être totalement respecté et qu'il pèse encore des incertitudes sur notre compréhension de la science. Du fait de ces mêmes incertitudes, il est difficile de prédire avec confiance à quel moment les concentrations d'ozone reviendront aux niveaux naturels. Comme l'indiquent les récentes et étonnamment grandes pertes d'ozone dans l'Arctique, la question peut réserver d'autres surprises.

Le nouvel ordre du jour

Pour faire des prévisions fiables du rétablissement futur de la couche d'ozone, il faudra disposer d'une modélisation complète et détaillée de la chimie et de la dynamique de l'atmosphère. À l'heure actuelle, cependant, nos modèles sous­estiment généralement l'ampleur de la perte d'ozone réellement survenue et ne peuvent pas simuler avec exactitude tous les aspects de la distribution de l'ozone en fonction de l'altitude, de l'endroit et de l'époque de l'année. Ces limites portent à penser qu'il y a des lacunes dans notre connaissance de la chimie de l'ozone et de la dynamique de l'atmosphère. Elles peuvent aussi être des indices de la présence dans la stratosphère d'autres substances destructrices de l'ozone que l'on n'a pas encore reconnues comme telles. En outre, l'ampleur inattendue des récentes pertes d'ozone dans l'Arctique indiquent qu'il faut étudier plus avant l'atmosphère de cette région et, en particulier, les effets qu'y ont des concentrations accrues de gaz à effet de serre. Il est maintenant relativement certain que la hausse des abondances de ces gaz a entraîné un refroidissement de la stratosphère, et qu'une stratosphère arctique plus froide constitue un milieu plus favorable à la destruction de l'ozone. Enfin, même si l'on connaît raisonnablement bien les effets de l'accroissement du rayonnement UV sur les systèmes biologiques, notre connaissance n'en est pas complète, et il se peut que d'autres mécanismes de d'endommagement n'aient pas encore été repérés. De plus, il reste à étudier en détail les implications des interactions écologiques et d'autres stress environnementaux liés aux effets des UV.

Malgré les progrès remarquables de la science de l'ozone dans la dernière décennie, le problème de l'appauvrissement n'est pas encore résolu. Dans les dix prochaines années, notre tâche sera de combler les lacunes dans nos connaissances de l'appauvrissement induit par le chlore et le brome, tout en élargissant notre compréhension des effets d'autres facteurs sur la quantité d'ozone. Parallèlement, il nous faudra poursuivre nos efforts de surveillance et de détection du rétablissement de la couche d'ozone, et étendre nos travaux sur les effets biologiques de la hausse des quantités de rayonnement UV.

Si nous respectons ce programme pendant les dix années à venir, nous disposerons d'une bien meilleure base pour assurer le rétablissement de la couche d'ozone, et pour élaborer des réponses efficaces afin de protéger entre temps la santé humaine et la vitalité des écosystèmes. Nous aurons aussi une compréhension plus profonde des interactions complexes des processus dynamiques, radiatifs et photochimiques qui gouvernent l'atmosphère, donc de meilleurs outils pour prévoir sa réaction à d'autres éventuelles perturbations.


La couche d'ozone a­t­elle beaucoup changé depuis 1987?

La carte du haut montre les abondances moyennes de l'ozone au­dessus du Canada pour la période de janvier à juin 1987, et celle du milieu la même information pour la même période de 1997. Les différences en pourcentage entre les deux périodes sont portées sur la carte du bas, qui révèle des baisses variant de 3 % dans le sud du Canada à environ 4 % sur les Prairies et jusqu'à 12 % dans le haut­Arctique. Bien que ces variations concordent avec les tendances décennales, si l'on comparait d'autres années, comme 1985 et 1995, on obtiendrait des résultats différents. Les cartes ont été réalisées à partir de mesures au sol et par satellite.


Quand pourrait­on détecter le rétablissement de la couche d'ozone?

On voit ici l'enregistrement de l'ozone total mondial pour la période de 1964 à 1996 et deux projections basées sur des scénarios différents. La branche (a), qui représente le meilleur cas, postule que le Protocole de Montréal et ses amendements seront pleinement mis en oeuvre et que les concentrations de chlore et de brome baisseront conformément aux projections de l'évaluation du PNUE de 1994. Elle suppose aussi que l'appauvrissement n'est dû qu'aux substances destructrices de l'ozone. La branche (b) repose sur l'hypothèse que les concentrations de toutes ces substances restent à leurs niveaux de 1997.

Bien que ces projections soient relativement grossières, elles montrent qu'il s'écoulera plusieurs années avant que l'on puisse détecter le début du rétablissement et plusieurs autres avant qu'on en mesure l'ampleur. Le rétablissement réel se situera probablement entre les deux cas présentés, parce que le Protocole pourra ne pas être totalement respecté par toutes les Parties et que l'appauvrissement peut être lié à d'autres substances ou facteurs dont on ne connaît pas encore le rôle.

Le graphique est tiré d'un modèle statistique très simple d'appauvrissement induit par le chlore et dépendant de la saison, modifié par l'ajout de bruit aléatoire et des cycles solaire et quasi biennal de l'ozone.



Résumé

La recherche sur l'évolution de la couche d'ozone : perspective canadienne

Le dixième anniversaire de la signature, en 1987, du Protocole de Montréal mérite vraiment d'être souligné; en effet, le Protocole a été le point de départ d'un fructueux effort de la communauté internationale pour limiter et réduire considérablement les émissions atmosphériques de substances destructrices de l'ozone. On s'est attaqué à une grave menace pour l'environnement mondial et les mesures appropriées ont été prises. Ce rapport présente un bref survol de l'état de la science de l'ozone en 1997, dix ans après la signature du Protocole. Compilé par des scientifiques canadiens, ce document puise dans des recherches tant canadiennes qu'étrangères pour résumer notre compréhension actuelle de l'appauvrissement de l'ozone et de ses effets. Il met aussi en lumière les résultats des recherches canadiennes et, le cas échéant, les données, ainsi que les points d'intérêt particulier pour le Canada, comme l'appauvrissement de l'ozone dans l'Arctique et les impacts des changements du rayonnement UV sur les écosystèmes forestiers et dulçaquicoles.


DISTRIBUTION DE L'OZONE ET DES SUBSTANCES QUI APPAUVRISSENT L'OZONE DANS L'ATMOSPHÈRE ET CHANGEMENTS OBSERVÉS

Les principales caractéristiques de la climatologie de l'ozone total ont été découvertes avant 1930 par G.M.B. Dobson. Il s'agissait de sa dépendance à la latitude et à la saison, et des changements quotidiens liés aux conditions météorologiques. Grâce à l'utilisation de nombreuses techniques modernes, on dispose maintenant d'une climatologie plus complète, s'étendant du sol à tous les niveaux de la stratosphère. On peut ainsi mesurer la distribution de l'ozone avec l'altitude, ainsi que la quantité d'ozone total, à partir du sol et de diverses plates­formes, comme des ballons, des aéronefs, des fusées et des satellites. Le grave appauvrissement qui se produit au printemps dans l'Antarctique, le « trou d'ozone », a été découvert en 1985; quelques années plus tard, on constatait un appauvrissement aux latitudes moyennes. Ces dernières années, on a noté une perte significative et croissante au printemps dans l'Arctique. Il y a déjà quelques décennies que l'on mesure les concentrations atmosphériques des substances qui appauvrissent l'ozone, et l'on y détecte maintenant des indices probants de l'effet du Protocole de Montréal.


INFLUENCE DES PROCESSUS DYNAMIQUES SUR L'ABONDANCE DE L'OZONE

Le transport de l'ozone par la circulation de Brewer-Dobson depuis sa principale région source dans la mi­stratosphère équatoriale vers les régions de grande abondance, dans la basse stratosphère des latitudes moyennes et élevées, est un facteur déterminant pour établir la distribution observée de l'ozone. La hauteur de la tropopause a aussi une grande influence sur la quantité d'ozone total, puisque la troposphère est pauvre en ozone, alors que la stratosphère en est relativement riche. Ce sont là des processus dynamiques qui régissent directement l'ozone. Différentes échelles de mélange influent sur les concentrations de l'ozone et d'autres constituants, et la modélisation des réactions chimiques peut manquer de précision si la résolution spatiale du modèle n'est pas assez fine pour rendre les effets aux échelles plus petites.

La dynamique gouverne indirectement la chimie de l'ozone en entraînant des changements de la température, paramètre qui influe sur la vitesse de la plupart des réactions chimiques (à divers degrés selon la réaction). Des éléments particulièrement importants sont l'effet de la température sur la formation des nuages stratosphériques polaires, ainsi que l'accroissement de la concentration de chlore et de la destruction de l'ozone que ceux­ci induisent. La compréhension de la dynamique de l'atmosphère a évolué grâce aux progrès de la modélisation numérique et à des mesures de plus en plus détaillées de l'ozone et d'autres composants traces, mais il demeure un certain nombre de problèmes.


CHIMIE DE L'OZONE : SIMULATION ET APPAUVRISSEMENT

La presque totalité de l'ozone stratosphérique se forme lorsque le rayonnement solaire agit sur les molécules d'oxygène diatomique normales, surtout à des altitudes supérieures à environ 25 km et sous les tropiques. L'ozone est aussi produit par des réactions mettant en jeu des composés organiques volatils (COV) et des oxydes d'azote, mais ces processus n'ont une grande importance que dans la troposphère. On pensait autrefois que la réaction de l'oxygène atomique avec l'ozone était le seul mécanisme de perte d'ozone dans la stratosphère. Cependant, divers gaz naturels et anthropiques de longue durée de vie, comme le N2O, les CFC, les halons, le bromométhane et le chlorométhane sont dissociés dans la stratosphère en produits qui sont des destructeurs catalytiques efficaces des molécules d'ozone. Les radicaux réactifs incluent NO et NO2, Cl et ClO, OH et HO2, ainsi que Br et BrO. Leurs concentrations sont limitées par l'existence d'espèces réservoirs, comme HNO3, ClONO2 et HCl, qui peuvent se dissocier, mais pas nécessairement rapidement, pour redonner les agents réactifs. Ce sont les concentrations relatives des molécules réactives et des espèces réservoirs non destructrices de l'ozone qui déterminent l'efficacité de la destruction de ce gaz. Elles sont fortement régies par les nuages stratosphériques polaires (PSC), qui facilitent la conversion des espèces réservoirs en halogènes réactifs comme le font, à un moindre degré, les aérosols soufrés aux latitudes moyennes. La représentation adéquate des propriétés et du comportement des PSC et des aérosols soufrés est donc un élément crucial des modèles de simulation. Les types de modèles utilisés varient de modèles de la boîte uniquement chimiques de dimension zéro à des modèles modifiés de la circulation atmosphérique générale et de prévision numérique du temps(MCAG et PNT), qui comportent une photochimie interactive de l'ozone. Ces modèles constituent des outils pour diagnostiquer les processus en jeu dans l'atmosphère, et peuvent servir à faire des prédictions, dans la mesure où ils sont validés et que leurs caractéristiques concordent avec les propriétés connues de l'atmosphère.


INFLUENCE DE L'OZONE ET D'AUTRES FACTEURS SUR LE RAYONNEMENT À LA SURFACE

L'importance de l'ozone atmosphérique tient à ce qu'il interagit tant avec le rayonnement solaire qu'avec le rayonnement thermique émis par la surface de la Terre et l'atmosphère. Il fait écran entre la surface et les UV solaires, qui sinon seraient dangereux pour les organismes vivants, cause un réchauffement dans la stratosphère et joue un rôle de gaz à effet de serre. En raison de l'appauvrissement de l'ozone survenu depuis une vingtaine d'années, le rayonnement UVB atteint le sol en plus grande quantité qu'il ne le ferait normalement. L'importance de cet accroissement, ainsi que la variabilité du rayonnement UV au niveau du sol et les causes de celle­ci, sont actuellement l'objet de recherches, puisqu'il faut connaître ces deux facteurs pour estimer les effets biologiques de l'appauvrissement de l'ozone. Les effets des UV sur l'homme sont largement gouvernés par le comportement de celui­ci, et des programmes de sensibilisation peuvent aider la population à éviter de trop s'exposer. Les substances destructrices de l'ozone sont aussi des gaz à effet de serre, et leur présence dans l'atmosphère, comme les récents changements dans l'ozone stratosphérique, influent sur le réchauffement planétaire.


EFFETS DES UVB

L'accroissement de la quantité d'UVB qui atteignent la surface de la Terre a, à juste titre, accentué les préoccupations quant à l'impact de ceux­ci sur la santé humaine, puisqu'il est bien connu que ces rayonnements causent divers types de cancers, des troubles oculaires et d'autres problèmes. Malgré la gravité des risques pour la santé humaine, de nombreux aspects de l'épidémiologie et de la pathologie de l'exposition aux UVB sont relativement bien compris; cependant, la situation est plus complexe pour ce qui est des autres espèces vivantes. Les écosystèmes et les biomes se sont adaptés, au fil de longues périodes, à une plage particulière des UVB, et tout changement à cet égard doit a priori agir sur leur stabilité, leur répartition géographique et éventuellement leur survie. Que les changements entraînés par une augmentation des UVB incidents soient profonds ou subtils, mineurs ou considérables, bénéfiques ou sans conséquences, la situation dépend de nombreux facteurs, dont la plupart sont mal compris. Il est donc impérieux de mesurer, surveiller et comprendre les effets d'une irradiation accrue aux UVB sur les communautés biologiques pour pouvoir prédire les impacts qui prendront place dans les 30 à 40 prochaines années et en gérer les conséquences.

Santé humaine

Au Canada, la plus grande partie des recherches sur les UVB a concerné les cancers cutanés et les dommages aux yeux, mais très peu d'efforts ont été consacrés à des études de l'immunosuppression et des maladies infectieuses.

Écosystèmes

Les modifications de l'irradiation UV peuvent toucher la production primaire dans tous les écosystèmes, terrestres et aquatiques, naturels, aménagés ou exploités, et y avoir une cascade d'effets. La compréhension actuelle de ces processus ne permet pas de prévoir ces impacts avec une confiance raisonnable.

Il y a eu peu de recherches systématiques sur l'impact de niveaux accrus d'UVB sur la faune et la flore du Canada. Quelques études concernant certaines espèces agricoles et forestières commerciales donnent un aperçu limité du problème, mais il est difficile de les extrapoler pour en déduire l'impact sur des écosystèmes entiers.

Il est important d'évaluer les effets d'une augmentation chronique de l'irradiation menant à des doses cumulatives, ainsi que des épisodes de valeurs de pointe qui peuvent survenir à des stades critiques du cycle biologique. En outre, l'influence de l'appauvrissement de l'ozone doit être examiné en conjonction avec les effets d'autres stress comme le réchauffement planétaire, l'acidification et la présence de substances chimiques toxiques; il est donc essentiel que les études sur les impacts des UVB soient intégrées aux programmes actuels de recherche, de surveillance et d'évaluation écologiques.

Agriculture

Forêts

Écosystèmes des eaux douces et des milieux humides

Écosystèmes marins

Matériaux

Le rayonnement UV a des effets nocifs significatifs sur nombre des matériaux utilisés à l'extérieur. Toute augmentation des UV qui touchent la surface de la Terre entraînera une dégradation de l'infrastructure et, donc, des coûts élevés de réparation et de remplacement.


Vous pouvez trouver des images et graphiques supplémentaires ici.