Premier rapport -- janvier 1998
Préface
En qualité de président du Comité
consultatif sur le maintien en poste et la
rémunération du personnel de direction, je suis
heureux de vous présenter ce premier rapport. Mes
collègues et moi avons beaucoup appris sur la fonction
publique fédérale au cours des neuf derniers mois.
Nos recherches ont bénéficié de l'apport
précieux des organismes centraux, de cadres, actuels et
anciens, de la fonction publique ainsi que de chefs de file du
monde des affaires.
Ce premier rapport présente une analyse de la situation
actuelle et fait ressortir un certain nombre de questions qui,
aux yeux du Comité, revêtent une importance vitale
à l'approche du nouveau millénaire. Pour rester
concurrentiel, le Canada devra manifestement continuer de pouvoir
compter sur le leadership exceptionnel et l'esprit d'invention du
secteur public, lequel devra en plus acquérir les
nouvelles compétences et habiletés requises.
Cependant, si les tendances actuelles se maintiennent, il
pourrait y avoir un déficit important de ressources
humaines aux échelons les plus élevés. Si le
gouvernement n'intervient pas, la situation pourrait
sérieusement menacer la qualité de la fonction
publique et, par ricochet, le bien-être économique
du pays.
Ayant reçu un mandat de trois ans, nous avons choisi de
n'aborder ici que les questions les plus urgentes, soit :
l'élaboration d'une vision pour l'avenir, la
nécessité d'une transformation culturelle, le
renouvellement des ressources humaines et la
rémunération. Nous croyons que les mesures
recommandées ici sont essentielles pour garantir
l'excellence de la fonction publique de demain et que les
conséquences de l'inaction seraient très
graves.
Nos recommandations en matière de
rémunération touchent trois aspects : les
principes, la structure et l'application. Nous avons
tâché d'offrir des solutions à la fois
équitables et financièrement acceptables.
J'espère avoir le plaisir de discuter plus amplement
des constatations et des recommandations présentées
ici. Mes collègues et moi sommes prêts à
communiquer les messages clés au public et nous sommes
disposés à rechercher les occasions de le
faire.
Je vous prie d'agréer, monsieur le Président du
Conseil du Trésor, l'expression de ma considération
distinguée.
![Lawrence F. Strong](/web/20071123023622im_/http://www.psagency-agencefp.gc.ca/reports-rapports/images/lssig.gif)
Lawrence F. Strong
L'avenir de la fonction publique
La population et les élus du Canada
bénéficient depuis longtemps d'une fonction
publique morale, professionnelle et non partisane -- une fonction
publique reconnue comme l'une des meilleures au monde. Nous
croyons que ces valeurs fondamentales devront continuer de guider
la fonction publique canadienne dans le nouveau
millénaire.
Le contexte de la gestion publique a changé
radicalement au cours de la dernière décennie. Les
citoyens exigent un gouvernement plus responsable, de meilleurs
services, une plus grande transparence et des réalisations
supérieures; surtout, ils veulent des résultats
tangibles. Dans un monde caractérisé par
l'augmentation de l'insécurité économique et
la rareté des ressources, les citoyens demandent des
programmes sociaux plus efficaces, qui permettent un partage des
risques et créent des possibilités d'emploi,
rehaussant de ce fait l'autonomie. Le secteur privé a
besoin d'un cadre juridique lui permettant d'être
concurrentiel et d'une excellente représentation à
l'étranger pour se tailler une place sur les
marchés internationaux. Et tout cela doit bien sûr
être réalisé avec efficacité. Pour
relever ces défis, la fonction publique aura besoin d'un
leadership exceptionnel, d'esprits inventifs, ainsi que de
nouvelles compétences et habiletés -- que ce soit
pour la négociation des accords internationaux de
commerce, la gestion des nouveaux modes de prestation des
services ou encore pour répondre aux besoins directs des
citoyens.
Nous ne voulons pas sembler alarmistes, mais nous croyons que
la fonction publique d'aujourd'hui a atteint un point critique
quant à la qualité de son leadership. Le maintien
de l'actuelle approche de gestion des ressources humaines se
traduira inévitablement par un affaiblissement de
l'effectif de direction : à court terme, les
départs vont s'accélérer, et la fonction
publique ne parviendra pas à attirer et garder les
personnes nécessaires au remplacement des nombreux cadres
qui deviendront admissibles à la retraite au cours des dix
prochaines années. Le potentiel économique du pays
risque d'en souffrir, tout comme la crédibilité du
gouvernement. D'un autre côté, le contexte se
prête bien à l'élaboration d'une nouvelle
vision de la fonction publique, adaptée aux exigences du
prochain millénaire. De cette vision devraient
découler des normes de rendement élevées,
ainsi qu'un nouveau sentiment de fierté et d'optimisme
pour tous les fonctionnaires, en particulier ceux et celles
chargés de la direction et de la gestion du
système. Il faudrait enraciner cette vision dans une
nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines, des
structures modernisées et une transformation culturelle.
La fonction publique hautement performante qui en
résultera offrira un meilleur service à la
population, tout en contribuant au bien-être
économique et à la compétitivité
internationale du Canada.
Le Comité consultatif s'est donné comme premier
objectif de comprendre l'environnement actuel et de cerner les
problèmes les plus pressants en matière de gestion
des ressources humaines. Ayant reçu un mandat de trois
ans, nous avons choisi de n'aborder ici que les questions les
plus urgentes, soit : l'élaboration d'une vision pour
l'avenir, la démotivation, la rémunération
et, enfin, le renouvellement.
La situation de la fonction publique aujourd'hui
Durant les années 1990, le gouvernement
fédéral a lancé une grande initiative de
renouveau, baptisée Repenser le rôle de
l'État. Nombre de ses résultats sont bien connus
du public, en particulier l'assainissement des finances de
l'État, la réduction des effectifs de la fonction
publique et la création de nouveaux modèles pour la
prestation des services. Moins connus sont les défis
considérables que la gestion de ces changements, sans
précédent dans le secteur public, a posés au
niveau des ressources humaines.
Il est urgent que la fonction publique se dote d'une vision
convaincante et bien comprise de son avenir. Il faut une vision
pour gérer efficacement les changements importants qu'a
connus la fonction publique; et la meilleure façon
d'élaborer cette vision, c'est de débattre
sérieusement du rôle de la fonction publique au
Canada. Un tel débat pourra aussi contribuer à
diminuer l'incertitude face à l'avenir et à
accroître la satisfaction au travail qui, au dire de
certains, n'a jamais été aussi basse.
Absorbé par la crise financière du pays, le
gouvernement semble avoir négligé ses hauts
fonctionnaires. Le gel prolongé des traitements a, en plus
de réduire leur niveau de vie, dévalorisé
leur travail à leurs propres yeux. Les cadres de direction
ne se sentent pas appréciés de la population; ils
se sentent aussi sous-estimés par leur employeur. À
cela il faut ajouter l'élimination de 30 p. 100 de ces
postes, la diminution des possibilités d'emploi et
d'avancement ainsi que la nécessité d'investir
toujours plus de temps dans le travail, des faits qui ont tous
affecté la satisfaction au travail. Le résultat,
c'est que la fonction publique perd d'excellents
éléments alors qu'elle en a tant besoin. Elle
n'arrive plus à garder les personnes qu'il lui faut, et la
frustration de ceux et celles qui restent risque d'avoir
tôt ou tard des conséquences négatives sur la
productivité.
Les cadres de la fonction publique ont entrepris la
tâche difficile de réinventer les stratégies
de gestion des ressources humaines, et ils ont déjà
accompli énormément. Les mesures importantes prises
à cet égard sont rattachées à la
grande initiative La Relève. Les travaux
réalisés par l'équipe de sous-ministres
chargée de guider l'initiative convergent avec ceux du
Comité consultatif, mais il y a cependant trois
différences majeures entre eux : premièrement, le
Comité consultatif ne s'intéresse qu'à
l'effectif de la direction, pas à l'ensemble de la
fonction publique; deuxièmement, notre point de vue est
celui d'un observateur externe; troisièmement,
l'indépendance de notre Comité nous permettra de
formuler des recommandations précises sur la
rémunération, sans conteste le premier facteur
à changer pour améliorer le moral dans
l'immédiat. À notre avis, il faut continuer
d'assurer une gestion intégrée des ressources
humaines, guidée par des priorités claires.
Plusieurs initiatives touchant les ressources humaines ont
échoué dans le passé; cette fois, il faudra
veiller collectivement à ce que les efforts actuels
produisent des résultats tangibles.
Au fil de nos travaux, nous avons relevé de nombreux
exemples illustrant comment la culture de la fonction publique
influe sur la gestion des ressources humaines. Bien qu'il existe
nombre d'arguments convaincants en faveur d'un traitement
distinct des cadres, on a l'impression qu'il n'en a pas
réellement été ainsi dans le passé.
Les avantages négociés sont reproduits, les primes
sont généralement distribuées
uniformément, les systèmes de gestion du rendement
ne permettent pas d'établir de distinctions
précises et les comportements sont en bonne partie
déterminés par les pratiques passées. Du
point de vue du secteur privé, la gestion des ressources
humaines dans la fonction publique semble inutilement lourde et
complexe. Nous soupçonnons que cette lourdeur et cette
complexité découlent en partie du
rapiéçage de règlements entrant en jeu dans
la gestion des ressources humaines -- un sujet sur lequel nous
reviendrons plus tard.
Cela dit, nous désirons nous concentrer ici sur les
deux problèmes les plus importants relativement à
la stratégie de gestion de ressources humaines : la
rémunération et la qualité future de la
fonction publique. Nous sommes conscients de l'existence de
nombreux autres problèmes dans les milieux de travail et
de quantité d'autres défis en gestion des
ressources humaines. Leur absence de ce rapport ne veut pas dire
que le Comité consultatif ne croit pas utile d'apporter
des changements. Nous avons simplement décidé de
nous concentrer sur les problèmes les plus urgents dans
notre premier rapport.
Rémunération des sous-ministres et des cadres
de direction
La politique de rémunération devrait, à
notre avis, être conçue de manière à
permettre le recrutement et le maintien en poste de
fonctionnaires du calibre requis pour atteindre les objectifs
organisationnels. Cette politique devrait être
équitable dans son fonctionnement, respecter le contexte
économique et social, de même qu'encourager et
récompenser le rendement exceptionnel. Le traitement est
habituellement l'élément central d'une telle
politique. Il varie en fonction des responsabilités, de la
comparabilité avec les marchés appropriés et
du rendement individuel. Règle générale, ces
facteurs sont évalués individuellement de
manière objective et transparente au moyen de pratiques et
techniques normalisées.
Évaluation des responsabilités
La fonction publique est dotée d'un système
d'évaluation des emplois basé sur la méthode
Hay. Correctement appliquée, cette méthode permet
de bien évaluer les responsabilités relatives.
Cependant, la proportion d'emplois évalués a
diminué depuis le gel des traitements, cela malgré
les nombreuses réorganisations. Par exemple, le
1er janvier 1992, les niveaux SM et EX-1 ont
été réunis de manière à faire
partie de la même fourchette de traitement et à ne
former plus qu'un niveau : le nouveau EX-1. D'autres changements
importants ont eu lieu en même temps et se poursuivent
depuis (déstratification, réduction des effectifs
et restructurations). Dans bien des cas, on ignore encore
l'impact de ces changements sur les responsabilités
individuelles. Les postes de sous-ministres, les plus
élevés dans la hiérarchie, n'ont en outre
pas été évalués au moyen de la
méthode Hay.
Comparabilité des taux de rémunération
avec des organisations externes
Avant le gel des traitements de 1991, le Comité Burns
avait énoncé des principes clairs visant à
garantir la comparabilité des taux de
rémunération : la rémunération des
cadres du premier échelon devait équivaloir
à celle en vigueur dans le secteur privé et celle
des cadres de plus haut niveau devait être fixée en
fonction de la valeur relative d'un niveau par rapport à
l'autre. La rémunération du secteur privé
était régulièrement évaluée au
moyen d'enquêtes, et l'on se fondait sur ces mesures pour
recommander au besoin une modification de la
rémunération réelle ou de la structure de
rémunération. Le gel des traitements (fourchette et
augmentations au rendement comprises) a résulté en
une discontinuité importante, et il y a un certain temps
qu'aucune comparaison rigoureuse externe n'a été
établie. Nous avons par conséquent demandé
à la firme William M. Mercer Ltée. de situer la
rémunération actuelle des cadres de la fonction
publique par rapport à celle d'autres groupes, soit les
administrations publiques provinciales; le «
troisième secteur », que nous appellerons ici
secteur public élargi (incluant les municipalités,
les services publics, les hôpitaux, les universités
et d'autres organisations à but non lucratif); et le
secteur privé. Fait à souligner, nous avons
préféré fonder cette évaluation sur
la rémunération totale, incluant le
traitement ou salaire, la rémunération variable ou
au rendement, la pension, les autres avantages sociaux, les
avantages indirects et les conditions de travail.
La figure 1
résume les résultats de cette évaluation. En
voici les principales conclusions :
- À responsabilités et champ d'activités
comparables, les cadres fédéraux reçoivent
une rémunération totale :
- supérieure, en général, à celle
de leurs homologues provinciaux;
- inférieure à celle de leurs homologues du
secteur public élargi;
- considérablement inférieure à celle de
leurs homologues du secteur privé.
- Les écarts avec le secteur privé sont
particulièrement marqués aux échelons les
plus élevés.
- C'est au niveau des salaires de base et des primes de
rendement (rémunération variable) que
résident les différences les plus importantes.
- La fonction publique offre des pensions
généreuses. Cependant, la contribution des
fonctionnaires étant relativement élevée, il
en coûte à peu près la même chose au
gouvernement qu'aux employeurs des autres secteurs. Le
régime de pension des sous-ministres fait exception
à cette règle, étant plus coûteux en
pourcentage du salaire.
- Les différences dans les autres avantages sociaux, les
conditions de travail et les avantages indirects tendent à
s'égaliser
Des études réalisées par le secteur
privé et le milieu universitaire indiquent que, exception
faite des cadres, les fonctionnaires fédéraux
reçoivent un traitement comparable ou supérieur au
salaire de leurs homologues du secteur privé. Notre mandat
étant limité au personnel de direction, nous
n'avons pas tenté de confirmer ou de réfuter ces
études qui, indépendamment de leur valeur, ont
nourri le ressentiment du public envers la sécurité
d'emploi et les conditions salariales des fonctionnaires
syndiqués. Ce ressentiment, qui s'étend jusqu'aux
échelons supérieurs, semble avoir en retour
découragé le gouvernement fédéral
d'offrir une rémunération adéquate à
ses cadres; cela, malgré les preuves de l'insuffisance de
la rémunération offerte comparativement aux autres
secteurs.
Équité salariale à l'intérieur
des niveaux
L'une des conséquences les plus néfastes du gel
des traitements, c'est que nombre de cadres ne sont plus
rémunérés en fonction de leur rendement
actuel. Les effets de cette aberration fondamentale sont
particulièrement visibles au niveau EX-1, où plus
des deux tiers des titulaires reçoivent un traitement bien
inférieur au taux normal (c.-à-d., le taux que
devrait normalement recevoir le cadre qui donne toujours un
rendement entièrement satisfaisant). Les cadres qui
étaient au bas de leur fourchette de traitement au
début du gel n'ont eu droit à aucun rajustement en
fonction du rendement pendant cinq ans. Le problème n'est
pas aussi évident aux échelons les plus
élevés de la direction, mais il est encore
important au niveau EX-2.
Le gel des traitements a en outre rendue presque impossible
toute tentative pour corriger les iniquités connues.
Ainsi, nombre de cadres EX-1 ont des subalternes mieux
payés qu'eux. L'absence d'un système
intégré de l'information de gestion sur les
ressources humaines nous empêche d'avoir une vue
d'ensemble, mais l'échantillon prélevé dans
cinq ministères nous a permis de déterminer qu'il
existait bel et bien un problème. Il faut ajouter à
cela les nombreux cas de compression (où le traitement des
cadres est très proche de celui des subalternes) et
l'absence d'indemnité de temps supplémentaire pour
les cadres (alors que les heures supplémentaires des
subalternes syndiqués peuvent l'être). En bref, on
constate de sérieux problèmes au plan de
l'équité.
Il existe également des problèmes de compression
à l'intérieur du groupe de la direction. Par
exemple, 25 p. 100 des EX-2 les moins bien payés
reçoivent un traitement comparable à 25 p. 100 des
EX-1 les mieux payés bien qu'ils assument des
responsabilités plus importantes.
Nonobstant ces problèmes relativement importants, notre
principale préoccupation porte sur les écarts,
nettement insuffisants, entre les taux normaux. L'actuelle
structure des échelles de rémunération n'est
pas représentative des responsabilités, beaucoup
plus grandes, des cadres de niveaux les plus
élevés.
Enfin, le gouvernement s'est montré peu disposé
à revoir la rémunération des fonctionnaires
qui assument des fonctions de niveau supérieur à
titre intérimaire. Durant la récente période
intense de réorganisation, la durée de ces
affectations a augmenté, ce qui a fait du problème
une source de grande irritation et a miné encore plus
l'intégrité de l'infrastructure salariale.
Rémunération au rendement
Un examen des pratiques de rémunération en
vigueur au cours des dernières années a mis en
lumière un grand nombre d'incohérences dans
l'administration de ce que l'on appelle aujourd'hui la
rémunération au rendement. Les fonctionnaires
syndiqués progressent d'un échelon salarial
à l'autre grâce à des augmentations annuelles
et automatiques. Les cadres, pour leur part, doivent
mériter ces augmentations par leur rendement. Le
système a été créé en 1981,
lorsque le gouvernement a abandonné l'échelle de
traitement traditionnelle, consistant en un plancher, un taux
normal et un maximum. La portion supérieure de
l'échelle comprise entre le taux normal et le maximum
(équivalant à environ 15 p. 100 du taux normal) a
été éliminée et le traitement,
restreint au taux normal. À la place, le gouvernement a
adopté un système de rémunération au
rendement laquelle, pour une année donnée, peut
atteindre jusqu'à 10 p. 100 du taux normal. Ce
système a pris plusieurs aspects au fil des ans; mais la
façon la plus juste de le décrire serait de le
présenter comme une forme de rémunération au
mérite, que peuvent regagner les cadres payés au
taux normal. Pour les cadres se situant en dessous du taux
normal, cette forme de rémunération
représentait un moyen d'atteindre le taux normal.
Cette forme de rémunération n'a cependant
été mise en oeuvre que durant 7 des 17
années qui se sont écoulées depuis 1981. Les
cadres n'ont pu progresser dans l'échelle qu'au cours de 7
ans sur les 17 années. Quand le gouvernement a
effectivement réinstauré la
rémunération au rendement, il l'a
administrée d'une manière qui est loin d'être
idéale (voir l'Annexe D pour un
historique de la rémunération au rendement).
Résultat : le concept de rémunération au
rendement a perdu toute crédibilité bien que,
fondamentalement, il ne soit pas sans valeur. La
rémunération au rendement paraît, dans les
faits, n'être aucunement liée à l'atteinte
des objectifs définis dans les plans d'activités;
son administration est perçue comme étant non
équitable et non transparente. Son caractère
sporadique a de plus, chose fort inquiétante, miné
la confiance des cadres dans le gouvernement.
Gestion du rendement
La fonction publique a entrepris des expériences fort
intéressantes de gestion du rendement, mais
l'établissement d'objectifs quantifiables provoque encore
un certain malaise. Précisons que l'établissement
d'objectifs peut dans certains cas s'avérer difficile,
voire indésirable pour certains postes dont les titulaires
sont nommés par le gouverneur en conseil. On semble avoir
à l'égard de la rémunération au
rendement une attitude égalitariste, comme si l'on
cherchait à répartir à peu près
également les fonds disponibles; ce qui n'est pas sans
lien avec les restrictions très sévères qui
ont récemment touché les budgets salariaux et
l'apparente résistance du gouvernement à
récompenser concrètement les fonctionnaires qui
donnent un rendement exceptionnel.
La mise en place de processus structurés de
planification des activités est un développement
important pour l'administration fédérale. Nous
croyons que la fonction publique se doit de préserver ce
système, quitte à le raffiner plus tard à la
lumière de l'expérience acquise.
L'élaboration de plans d'activités comportant des
objectifs quantifiables, assortie d'une meilleure
compréhension des interactions entre ministères,
permettra une évaluation plus efficace du rendement des
cadres de direction.
Résumé
Pour des raisons historiques et en raison de pratiques
administratives et de décisions politiques passées,
le régime de rémunération des sous-ministres
et des EX comporte aujourd'hui des failles majeures si on le
compare à celui des groupes comparables à
l'extérieur de la fonction publique. Mais il n'y a pas de
panacée, pas de solution applicable à tous les
cadres. Si l'on regarde la rémunération totale, les
iniquités les plus importantes se rencontrent aux
échelons les plus élevés de la direction et
parmi les sous-ministres. À ces niveaux, le taux normal
est nettement inférieur à celui offert dans le
secteur privé et dans le secteur public élargi. Un
problème différent existe au niveau EX-1 et, dans
une moindre mesure, au niveau EX-2. Si les cadres étaient
payés au taux normal, ils auraient un traitement
comparable à ce que l'on trouve dans le secteur public
élargi. Cependant, nombre d'entre eux sont payés
bien en-dessous du taux normal, et il n'est pas rare que leur
traitement soit inférieur à celui de leurs
subalternes. Il faut à l'évidence combler
rapidement l'écart séparant les cadres de niveaux
EX-1 et EX-2 du taux normal. En ce qui concerne les cadres de
niveaux plus élevés, la solution devra passer par
une modification progressive de la structure salariale.
Les sous-ministres et les EX forment un ensemble assez
homogène du point de vue des responsabilités et de
la rémunération. On ne peut cependant pas en dire
autant des autres personnes à temps plein nommées
par décret, qui forment un groupe très
diversifié. Au nombre de 500 environ, elles peuvent
être divisées en trois catégories
générales :
- premiers dirigeants de sociétés d'État
(comme le président de Via Rail Canada ou de la
Société du crédit agricole);
- chefs d'organismes ou de comités consultatifs,
incluant des administrateurs généraux (comme
l'administrateur général de la Bibliothèque
nationale, le président de l'Agence spatiale canadienne et
le président du Conseil national de recherches);
- présidents et membres de tribunaux administratifs ou
d'organismes de réglementation (comme la Commission
nationale des libérations conditionnelles et l'Office
national de l'énergie).
Le gouverneur en conseil nomme ces personnes et fixe leur
salaire. Généralement choisies à
l'extérieur de la fonction publique, elles sont
nommées pour une période relativement courte. Leur
rémunération dépend de l'importance de leurs
responsabilités, évaluées selon la
méthode Hay.
Les cadres de la première catégorie (premiers
dirigeants de société d'État) ont des
responsabilités généralement plus proches de
leurs homologues du secteur privé et rendent compte
à un conseil d'administration indépendant, dont les
membres sont nommés par le gouvernement. Ces premiers
dirigeants ne forment cependant pas un groupe homogène.
Certaines sociétés fonctionnent presque comme des
entreprises privées : elles ne dépendent pas du
soutien financier de l'État et doivent livrer concurrence
au secteur privé pour leurs ressources de direction.
D'autres ont pour tâche principale de servir
l'intérêt public et dépendent pour ce faire
des fonds de l'État.
La méthode Hay permet de quantifier les
différences entre les responsabilités des premiers
dirigeants de grandes et de petites sociétés
d'État. Cependant, il y a eu beaucoup de changements dans
le mandat et les activités de plusieurs
sociétés depuis 1990, année de la
dernière révision des niveaux de
rémunération. Ajoutons que chaque
société a sa propre structure de
rémunération, approuvée par son conseil
d'administration et applicable à tous les postes
inférieurs à celui du premier dirigeant. Nous ne
disposons d'aucune donnée sur ces structures, qui
dépassent de toute façon le cadre de notre mandat.
Nous croyons cependant que le gel des traitements, qui s'est
également appliqué aux premiers dirigeants des
sociétés d'État, a eu un impact
négatif sur la relativité interne au sein des
équipes de direction et a créé des
problèmes de recrutement et de maintien en poste dans
plusieurs des grandes sociétés. De toute
évidence, il y aurait lieu d'examiner de plus près
la situation de cette catégorie.
Les cadres de la deuxième catégorie (chefs
d'organismes et de comités consultatifs, incluant quelques
administrateurs généraux) sont responsables de la
gestion et de la direction d'une organisation dont le mandat est
défini par la loi et qui, bien que rattachée
à un portefeuille gouvernemental et relevant d'un
ministre, bénéficie d'un certain degré
d'autonomie. Parce que leurs responsabilités s'apparentent
à celles des sous-ministres et des cadres de la fonction
publique, ces personnes jouissent généralement d'un
traitement et de conditions d'emploi comparables. C'est là
une pratique qu'il faut maintenir. Nous croyons de plus que les
principes de gestion du rendement et de
rémunération à risque devraient s'appliquer
à ces cadres en raison de l'importance de leurs
responsabilités.
La majorité des personnes nommées par le
gouverneur en conseil appartiennent à la troisième
catégorie (présidents et membres de tribunaux
administratifs ou d'organismes de réglementation). Elles
sont en tout plus de 300.
La nomination de ces personnes suit des règles
très précises. Conformément à la loi
applicable, elles sont nommées à titre inamovible
et remplissent un mandat semblable à celui des juges, ce
qui garantit leur indépendance. La méthode Hay
utilisée tient compte de la valeur relative des postes
entre les différentes organisations. Comme dans le cas des
juges, tous les membres d'une organisation donnée
reçoivent généralement le même
traitement. Cette pratique, bien que justifiée, a
déjà été remise en question -- en
particulier par les présidents et les membres des
tribunaux et des organismes de réglementation. Le fait que
ces organisations doivent rester indépendantes justifie
certainement de ne pas offrir de rémunération au
rendement à leurs membres. Nous croyons cependant que le
gouvernement devrait créer un mécanisme qui
permettrait à ces derniers de progresser dans
l'échelle de traitement, jusqu'à l'atteinte du taux
normal. Le Comité consultatif est disposé à
examiner cette question dans un rapport ultérieur et
à présenter au gouvernement des recommandations
relativement à la structure de rémunération
la mieux adaptée aux besoins de ces organisations.
Le statut des présidents de ces organisations pose un
problème particulier : les présidents sont d'abord
nommés membres à titre inamovible, puis choisis
pour occuper la présidence « à titre amovible
». En qualité de présidents, ils assument des
responsabilités d'administrateur principal en plus des
fonctions quasi-judiciaires qui leurs incombent.
L'évaluation du rendement de ces personnes, au sommet de
leur organisation respective, pose un défi
intéressant; car il faut traiter équitablement tous
les membres de cette collectivité en veillant en
même temps à préserver leur
indépendance, empêchant le gouvernement d'influencer
leurs décisions.
Qualité de la fonction publique de demain
Nous craignons sérieusement une diminution de la
qualité de la gestion de la fonction publique. Quatre
facteurs entrent ici en jeu :
- la réduction des effectifs s'est déjà
traduite par la perte de personnel d'expérience;
- à cause de la démotivation des effectifs et de
la rémunération non concurrentielle, il y a un
risque sérieux de départs additionnels à
court terme, ce que le gouvernement pourrait influencer en
suivant ou non les recommandations de ce rapport;
- vue la moyenne d'âge des cadres, on peut prévoir
une importante pénurie de ressources due aux
départs à la retraite au cours des 5 à 10
prochaines années;
- la fonction publique ne parvient plus à attirer les
personnes les plus compétentes parce qu'elle n'offre pas
une rémunération adéquate et parce que la
poursuite d'une carrière au fédéral a perdu
son prestige.
Jetons d'abord un regard sur le profil démographique de
la direction : 30 p. 100 des cadres de niveau EX-1, EX-2 et EX-3
deviendront admissibles à la retraite d'ici l'an 2000, et
70 p. 100, d'ici l'an 2005. Aux niveaux EX-4 et EX-5 (les
sous-ministres de demain), ces pourcentages grimpent à 50
p. 100 et 90 p. 100 pour ces périodes respectives. Pour
couronner le tout, le groupe qui fournit les candidats à
la direction a un profil démographique très proche
de celui des EX, quoique moins alarmant. Cet exode en puissance
pourrait résulter en une perte atterrante
d'expérience et de savoir-faire et constitue probablement
l'enjeu à long terme le plus important de la fonction
publique.
Il y a cependant d'autres manques en gestion des ressources
humaines qui nuisent à la qualité de l'effectif des
cadres, le plus important étant le manque de
mobilité interministérielle, ce qui témoigne
à la fois de l'absence d'un mécanisme
adéquat de mouvement horizontal et de
l'insécurité ressentie par les fonctionnaires. Il
en résulte que les cadres qui devraient être
pressentis pour des postes supérieurs ont souvent des
lacunes importantes dans leur expérience. C'est là
un manque majeur du point de vue du perfectionnement des
ressources humaines.
L'initiative La Relève a déjà fait
ressortir ces problèmes et a mené à la
création de programmes tels que le Programme de
perfectionnement accéléré des cadres
supérieurs et la réserve de sous-ministres adjoints
préqualifiés, ainsi qu'à la gestion de la
collectivité des sous-ministres adjoints comme une
ressource commune. D'autres efforts sont toutefois
nécessaires pour que le passage au prochain
millénaire se fasse sans heurt. L'initiative La
Relève n'est qu'un premier pas, mais un premier pas
important; tous les gestionnaires doivent accorder une attention
plus grande à la gestion efficace des ressources humaines
et être comptables des résultats atteints à
ce chapitre. Il semble par ailleurs nécessaire de prendre
des mesures concertées et hautement ciblées en
matière de recrutement : en effet, à cause des
critiques incessantes du public et de la classe politique
à l'endroit des hauts fonctionnaires, ainsi que de la
rémunération relativement mauvaise, il est devenu
de plus en plus difficile d'attirer des personnes de haut calibre
à la fonction publique.
La tendance à la diversification des modes de
prestation de services, à la sous-traitance et à la
privatisation a modifié les rapports entre le gouvernement
fédéral et ses partenaires des autres secteurs
économiques. Les cadres supérieurs doivent par
conséquent acquérir une nouvelle palette
d'habiletés et de compétences. Les programmes de
formation et de perfectionnement en gestion à l'intention
des cadres doivent répondre adéquatement à
ces besoins.
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