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Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet accident dans le seul but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.
Rapport d'enquête maritime Rapport numéro M04L0099 SommaireÀ 5 h 30 le 11 août 2004, alors que le porte-conteneurs Canada Senator descend le fleuve Saint-Laurent sous la conduite d'un pilote, l'équipe à la passerelle à bord du Canada Senator aperçoit le voilier Mondisy qui navigue au moteur dans le chenal principal, à environ deux milles marins droit devant. Bien que la distance entre le Canada Senator et le Mondisy diminue, ce dernier reste dans le chenal principal. Comme le pilote du Canada Senator ne connaît pas les intentions du Mondisy, on émet des signaux d'avertissement au sifflet à deux reprises, mais en vain. Malgré les manoeuvres d'évitement du Canada Senator, les deux bâtiments s'abordent. Le voilier en ferro-ciment Mondisy coule presque aussitôt suite à l'impact. Deux de ses quatre occupants sont repêchés avec des blessures légères. Les deux autres ont perdu la vie. This report is also available in English. Autres renseignements de baseFiches techniques des navires
Déroulement du voyageLe Canada Senator
À 2 h 8 le 11 août, après avoir changé de pilote au large de Trois-Rivières (Québec), le navire descend le fleuve Saint-Laurent à quelque 16 noeuds4. Selon l'information recueillie, le trafic est faible; le navire ne croise que trois autres navires. Peu après 5 h 30, après le lever du jour, l'équipe à la passerelle repère à environ deux milles marins devant le Canada Senator en amont de Saint-Nicolas (Québec) un voilier qui sera par la suite identifié comme étant le Mondisy. De loin, le voilier semble naviguer au moteur en descendant le fleuve, mais l'équipe à la passerelle observe par la suite que le bateau zigzague d'un côté à l'autre du chenal de navigation principal. Le pilote signale au centre des Services de communications et trafic maritimes (SCTM) de Québec son passage au point d'appel de Saint-Nicolas un peu à l'avance (environ deux minutes) afin d'éviter toute distraction et d'être en mesure de se concentrer sur le déplacement du Mondisy. Vers 5 h 45, pendant que le Canada Senator navigue en suivant les balises de l'alignement de Pointe-à-Basile, le pilote émet une série de cinq ou six sons brefs au sifflet pour prévenir le Mondisy du danger qui le guette. Le pilote ordonne alors un changement de cap d'environ trois degrés sur tribord, car on observe le Mondisy qui traverse le fleuve de tribord à bâbord. Presque aussitôt, le Mondisy croise la route du Canada Senator de bâbord à tribord; le pilote émet de nouveau le signal sonore d'avertissement. On met la barre à gauche toute et le pilote se rend à la hâte sur l'aileron tribord pour voir si le voilier va parer l'étrave. Le voilier traverse de près devant le navire, mais il vire de nouveau et revient croiser la route du Canada Senator. On ordonne de mettre la barre à droite toute, mais les deux bâtiments s'abordent dans le chenal balisé entre les bouées Q19 et Q18. Selon certains témoins, le dernier ordre de barre, à droite toute, a été donné quelques instants avant l'abordage; selon d'autres, il a été donné immédiatement après. Au contact de l'étrave du Canada Senator aux environs de 5 h 54, la coque du Mondisy est rompue, et le voilier coule presque immédiatement. On signale aussitôt l'abordage au centre des SCTM de Québec. On repère une personne dans l'eau mais on ne lui lance pas de bouée de sauvetage. On réduit la vitesse du navire, et le porte-conteneurs est manoeuvré pour revenir sur les lieux de l'accident. Environ 35 minutes après l'abordage, le navire Sterne des services de recherche et sauvetage (SAR) de la Garde côtière canadienne (GCC) arrive sur les lieux. À 6 h 30, il repêche les deux survivants qui s'étaient accrochés à des débris flottants. Un des survivants a essayé de gonfler le radeau de sauvetage pneumatique, mais la bosse était trop longue pour qu'il puisse la manipuler tout en nageant pour déclencher le gonflage du radeau. À 6 h 48, le Canada Senator.jette l'ancre près du lieu de l'accident et, à 6 h 54, il met son canot de secours à l'eau pour participer aux recherches. Un hélicoptère de la GCC et des bâtiments de la Garde côtière auxiliaire canadienne participent aux recherches pendant le reste de la journée, mais sans succès. À 7 h 54, le centre des SCTM de Québec demande au Canada Senator de se rendre au mouillage B dans le port de Québec. Le navire récupère son canot de secours et lève l'ancre; il arrive au port de Québec à 9 h 18. Le pilote quitte le navire à 9 h 36, et selon l'information recueillie, il est épuisé. Avant que le navire lève l'ancre, l'Administration de pilotage des Laurentides ne fournit pas de remplaçant au pilote, et celui-ci ne demande pas à être remplacé. Visibilité depuis la passerelle du Canada SenatorAprès l'accident, alors que le Canada Senator mouille l'ancre dans le port de Québec, des données recueillies sur le chargement des conteneurs en pontée ont permis d'établir que le champ de vision horizontal depuis la passerelle était obstrué sur une distance approximative de 610 m à l'avant de l'étrave. Selon la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer5, le Canada Senator aurait dû, dans la mesure du possible, avoir une vue de la surface de la mer qui n'était pas obstruée sur plus de deux longueurs de navire, c.-à-d. 405 m. Le Mondisy
Toute la nuit, le membre d'équipage et le collègue se relaient au besoin tandis que le voilier poursuit sa route vers Québec. Conformément aux instructions du propriétaire, on utilise le système de cartes électroniques pour naviguer et on fait en sorte que le voilier reste du côté droit du chenal navigable, très proche des bouées vertes. Vers 3 h du matin le 11 août, le propriétaire et sa compagne sont réveillés par inadvertance lorsque le membre d'équipage fait du bruit en soulevant des tôles de pont dans le compartiment moteur pour transférer l'alimentation en combustible du moteur d'une soute à l'autre. Le propriétaire et sa compagne se rendorment vers 4 h. Peu après, le collègue remplace le membre d'équipage à la barre, car ce dernier se sent fatigué. Alors que le collègue est à la barre et assure la veille, le membre d'équipage s'endort assis dans la descente. Il s'agit du dernier événement connu à bord du Mondisy avant l'abordage. Observateur à terreUn voilier qui se déplaçait d'une manière inhabituelle a attiré l'attention d'un observateur qui se trouvait sur une falaise surplombant le fleuve à Saint-Nicolas. Il a indiqué que le Mondisy avait décrit des cercles sur bâbord, c.-à-d. dans le sens inverse des aiguilles d'une montre pendant au moins 15 minutes, et peut-être même pendant aussi longtemps que 25 minutes avant l'abordage. VictimesLes deux survivants repêchés ont été admis à l'hôpital, mais ont pu quitter l'hôpital par la suite n'ayant subi que des blessures légères. Le collègue qui assurait la veille au moment de l'abordage et le propriétaire qui dormait dans sa cabine ont perdu la vie dans l'accident. Le corps du propriétaire a été retrouvé par des plongeurs dans l'épave du voilier peu après l'accident. Le corps du collègue a été retrouvé le 16 août, un peu en aval du lieu de l'abordage. D'après le rapport du coroner, le collègue a subi des blessures qui dénotent un traumatisme majeur qui serait probablement attribuable à l'impact. Les résultats des analyses toxicologiques ont été négatifs, et aucune information ne donne à penser qu'il y ait eu consommation d'alcool. AvariesL'épave du Mondisy a été récupérée au fond du fleuve 22 jours après l'abordage par 46º 42' 54" de latitude nord et 071º 25' 42" de longitude ouest. Les avaries étaient très lourdes; la coque s'était disloquée sous la force d'impact avec le Canada Senator. On a récupéré l'ordinateur portable utilisé à bord du Mondisy pour la navigation, mais il a été impossible d'extraire les données du dernier voyage, le disque dur ayant été endommagé par l'eau. Formation et expérienceLe capitaine et l'officier de quart du Canada Senator étaient des officiers de marine titulaires de brevets conformes aux normes internationales, comptant 23 ans et 20 ans d'expérience respectivement. Le pilote à bord du Canada Senator était également un marin d'expérience; il naviguait depuis 1976 et remplissait les fonctions de pilote depuis 1986. Il était titulaire d'un brevet de pilote de classe A depuis 1990. Le propriétaire, le collègue et le membre d'équipage à bord du Mondisy n'étaient pas des navigateurs expérimentés. Toutefois, à bord du Mondisy, il y avait un ordinateur portable intégrant un récepteur GPS (système de positionnement global) et un système de cartes électroniques. L'équipage utilisait le logiciel pour la navigation au moteur de jour et de nuit pour descendre le fleuve Saint-Laurent. Aucun des occupants du Mondisy n'avait suivi une formation officielle à la navigation, et seul le propriétaire était titulaire d'une carte de conducteur d'embarcation de plaisance (CCEP). En raison des dispositions transitoires qui ne s'appliqueront qu'en 2009, ni le propriétaire ni le collègue n'étaient tenus d'être titulaires de cette carte. Par contre, le membre d'équipage âgé de 18 ans était tenu de posséder une CCEP pour conduire le Mondisy6. Carte de conducteur d'embarcation de plaisanceLe Règlement sur la compétence des conducteurs d'embarcations de plaisance prévoit un mécanisme potentiel d'atténuation des risques qui fait appel à l'étude personnelle et à un examen préalable à l'obtention de la CCEP7. Bien que ce programme de formation porte sur de nombreux aspects de la conduite des embarcations de plaisance, et notamment sur l'obligation d'assurer une veille auditive et visuelle, il ne porte pas sur la planification de voyage. On peut également passer l'examen par Internet, et la validation est effectuée par des surveillants. Il y a des procédures en place qui définissent les rôles et responsabilités des prestataires de cours et des surveillants. AnalyseDéplacements du voilier Mondisy
La personne qui se trouvait sur une falaise environnante surplombant le fleuve pouvait observer le véritable déplacement du Mondisy (qui en fait tournait en rond). Cependant, pour une personne observant le voilier à partir d'une certaine distance, comme un observateur à bord du Canada Senator, les déplacements circulaires du Mondisy ressemblaient plutôt à des zigzags. Le fait de décrire des cercles donne à penser que le voilier a subi une panne mécanique de l'appareil à gouverner ou que la barre a été laissée sans surveillance pendant un certain temps avant l'abordage. Aucun signe d'activité n'a été noté sur le pont du voilier dans les 15 minutes qui ont précédé l'abordage. Construction en ferro-cimentOn rapporte souvent que des embarcations de plaisance ont gêné le passage de grands navires dans le chenal de navigation principal, mais les abordages sont rares. En 1986, un voilier en fibre de verre de 12 m et un laquier se sont abordés dans le chenal de navigation principal près de Chippewa Point, dans l'État de New York, aux États-Unis8. Le voilier est resté accroché sur le bulbe de l'étrave du laquier pendant plusieurs minutes et, quand le laquier a cassé son erre, le voilier est retombé à l'eau et est resté à flot. Le voilier n'a subi que des avaries mineures à la coque, et ses occupants s'en sont tirés avec quelques contusions. Le Mondisy était construit en ferro-ciment avec des matériaux à élasticité relativement faible et qui ne présentaient pas une flottabilité intrinsèque. Au moment de l'impact contre l'étrave en acier du Canada Senator, la coque de ferro-ciment du Mondisy a été rompue, et le voilier a coulé rapidement. Horaires de veille et fatigueLe régime de quart à bord du voilier n'était pas structuré, de sorte qu'une seule personne devait simultanément assumer les fonctions de timonier et d'homme de veille durant le quart; de plus, le régime de quart ne prévoyait pas de périodes de repos de façon systématique. Les personnes se faisaient remplacer pendant quelque temps quand elles voulaient faire une pause, ou elles étaient remplacées par le propriétaire du voilier quand celui-ci estimait devoir se charger de la conduite du bateau dans les secteurs difficiles. Le régime de quart non structuré a été maintenu pendant toute la soirée et toute la nuit. Vers 4 h, le membre d'équipage a demandé au collègue de le remplacer. Le fait que le membre d'équipage s'est endormi dans la descente quelques instants après avoir été remplacé indique qu'il avait atteint un degré de fatigue qui le rendait inapte à remplir ses fonctions à bord. Au moment de l'accident, les fonctions d'homme de veille et de timonier étaient assumées par le collègue qui totalisait environ 18 heures de service intermittent à bord du voilier, plus 4 à 6 heures de préparation le matin du départ, soit au moins 22 heures sans sommeil. Au bout de longues périodes sans sommeil, on ressent une somnolence profonde aux premières heures du jour9. Si en plus, on doit accomplir une tâche monotone comme barrer un bateau - tout seul (les autres occupants dormaient) - au rythme sourd et répétitif du moteur, il devient difficile de rester éveillé. Aucune information ne donne à penser qu'il y ait eu consommation d'alcool, et puisque les résultats des analyses toxicologiques sont négatifs pour le collègue, la possibilité que son rendement ait été perturbé par la présence de drogues peut être écartée. Selon toute vraisemblance, le régime de quart non structuré à bord du Mondisy a créé un déficit de sommeil qui a fait en sorte que le collègue s'est endormi à la barre. Une fois endormi, la tension dans ses muscles a dû se relâcher et il a cessé de tenir la barre à roue. Le voilier a alors amorcé un virage dans la direction du dernier mouvement imprimé au gouvernail, et s'est mis à tourner en rond. Dans ce cas-ci, comme la barre à roue avait été tournée dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, le voilier a amorcé un virage vers bâbord. Une étude récente révèle que les horaires de quart qui prévoient la présence de deux personnes ou moins peuvent entraîner des accidents liés à la fatigue et que les mauvaises pratiques de quart sur les navires commerciaux diminuent les chances de détecter les risques d'abordage10. Les risques liés à de mauvaises pratiques de quart peuvent s'avérer encore plus grands sur une embarcation de plaisance qu'à bord d'un navire commercial, car les conducteurs d'embarcations de plaisance ne sont pas tenus de se conformer à quelque norme que ce soit pour l'organisation des quarts et ils ne possèdent pas nécessairement la formation requise ou ils n'y sont pas sensibilisés. Communications de navire à navireLes communications de navire à navire se font surtout sur les fréquences VHF du radiotéléphone. Nonobstant ce type de communication, les navires doivent aussi communiquer avec des appareils de signalisation lumineux et sonore, aux termes du Règlement international pour prévenir les abordages en mer (Règlement sur les abordages). Les communications radio de navire à navire ou entre les navires et les centres locaux des SCTM supposent une surveillance continue de fréquences spécifiques en radiotéléphonie. Quand les intentions d'un navire sont ambiguës, on peut émettre directement un signal de sécurité ou le faire relayer par un centre des SCTM, à l'intention de l'équipe à la passerelle du navire concerné, pour le prévenir du danger qui le guette. Les navires commerciaux n'utilisent pas d'emblée le radiotéléphone pour communiquer avec les embarcations de plaisance, et ce même si de nombreuses embarcations de plaisance comme le Mondisy sont équipées d'un radiotéléphone. La veille radio n'étant pas obligatoire à bord des embarcations de plaisance, les navigateurs de navires commerciaux ne sont pas portés à utiliser la radio pour communiquer avec ces embarcations, comme ce fut le cas dans cet événement. Le plus souvent, ils utilisent des signaux sonores. Par ailleurs, les signaux lumineux et sonores comportent des limitations qui réduisent leur efficacité. Par exemple, les signaux lumineux sont moins efficaces pendant le jour. Le bruit du moteur, ou bien un habitacle ou une passerelle fermé, peut faire qu'on a du mal à entendre les signaux sonores, qui sont alors moins efficaces. Dans le cas à l'étude, toute la descente du fleuve par le voilier a été faite au moteur. Dans l'habitacle fermé du Mondisy avec le bruit du moteur en marche, il a dû être difficile d'entendre les deux signaux d'avertissement qui ont été donnés par le Canada Senator. Cadre d'exploitation et sécuritéL'expérience démontre que les embarcations de plaisance restent à l'écart des grands navires qui ne peuvent naviguer en toute sécurité qu'à l'intérieur d'un chenal. D'ailleurs le Règlement sur les abordages préconise cette exigence11. Pour bien des pilotes, le fait de donner un signal d'avertissement, c.-à-d. en émettant une série rapide d'au moins cinq sons brefs au sifflet, permet habituellement d'attirer l'attention et d'amener à prendre les mesures nécessaires. Il arrive souvent que des navires commerciaux croisent des embarcations de plaisance qui sont conduites d'une façon irrégulière ou imprévisible dans le chenal de navigation principal. Dans ces circonstances, il est souvent difficile de déterminer s'il y a un risque d'abordage12, et il est rarement nécessaire de faire un important changement de cap ou de vitesse, ou bien il est impossible de le faire dans le temps disponible. Manoeuvre du navire privilégiéEn vertu du Règlement sur les abordages, le Canada Senator devait maintenir son cap et sa vitesse mais, dès qu'il devenait évident que le Mondisy n'effectuait pas la manoeuvre appropriée pour s'écarter de sa route, le Canada Senator se devait de faire la manoeuvre qui est la meilleure.pour aider à prévenir l'abordage13. Dans ce cas-ci, des changements de cap ont été effectués, mais le Canada Senator n'a pas réduit sa vitesse ni pour laisser plus de temps pour apprécier la situation14 ni quand l'abordage est devenu imminent. Progrès technologiquesLe voilier était équipé d'un système de cartes électroniques programmé pour fonctionner sur un ordinateur portable et relié à un récepteur GPS pour la navigation. Le chenal de navigation en aval de Trois-Rivières étant relativement difficile, il importe de se servir du système de cartes électroniques ou de faire un usage efficace du radar pour pouvoir naviguer en toute sécurité dans le chenal. L'équipage ne possédait pas les connaissances nécessaires pour naviguer de nuit au moyen d'aides comme le radar. Toutefois, grâce au système de cartes électroniques, l'équipage disposait d'un moyen permettant de naviguer à l'intérieur des limites d'un chenal, surtout la nuit, étant donné que ce type de système permet de surveiller la position du navire avec une facilité relative, en se conformant aux instructions de l'opérateur. Au moment de décider d'entreprendre ce long voyage qui comportait une période de navigation de nuit, on aurait dû tenir compte de différents facteurs, notamment de la capacité de faire une surveillance efficace de la progression du bateau, de la densité et des mouvements du trafic dans les parages, de l'importance d'avoir suffisamment de personnel de quart reposé pour assurer la veille (efficacité du régime de quart), etc. Comme le propriétaire a péri dans l'accident, l'enquête n'a pas pu déterminer les raisons pour lesquelles il a décidé d'entreprendre ce voyage sans faire d'escale la nuit. En outre, un conducteur d'embarcation de plaisance qui a peu de formation et peu d'expérience de la navigation est susceptible de trop se fier au système de cartes électroniques, ce qui peut créer une situation dangereuse quand il navigue dans des eaux resserrées de nuit ou par visibilité réduite. Formation des conducteurs d'embarcations de plaisanceLors de la descente du fleuve, trois personnes ont conduit le Mondisy, mais seul le propriétaire du voilier était titulaire d'une CCEP valide. Le membre d'équipage qui était âgé de 18 ans devait être titulaire de cette carte, mais il n'avait pas acquis cette formation. Assurer une veille appropriée et veiller à ce que l'équipage soit reposé est tout à fait logique. Le principe de repos et de maintien d'une surveillance du trafic est intuitif. Malgré cela, des recherches ont démontré que les gens fatigués sont incapables de faire une estimation fiable de leur propre niveau de vigilance et de rendement15. Une formation efficace, comme celle qui est dispensée dans le cadre du programme de la CCEP, peut aider à faire connaître les pratiques recommandées et à favoriser la mise en pratique des bons usages maritimes. Toutefois, la CCEP n'est pas obligatoire pour la majorité des conducteurs d'embarcations de plaisance avant 2009. Pour l'instant, la bonne planification de voyage, et notamment la planification des périodes de repos de l'équipage en vue d'assurer la sécurité de la navigation en tout temps, ne fait pas partie du plan de cours pour l'obtention de la CCEP. L'équipage du Mondisy n'a pas apprécié entièrement les avantages d'une veille visuelle et auditive constante16 ainsi que le risque de fatigue à faire route pendant une période prolongée sans régime de quart structuré. Risques pour la sécurité après l'abordageAprès un accident, il est important de prendre les décisions appropriées et d'utiliser l'équipement de sauvetage correctement afin d'éviter d'autres risques. Les situations ci-après ne sont pas des facteurs causals de l'abordage, mais ils auraient pu aggraver une situation déjà précaire :
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Faits établis quant aux risques
Autres faits établis
Mesures de sécuritéPréoccupations liées à la sécuritéRemplacement du pilote après un événementUn des éléments du système de sécurité dans le milieu maritime est le rendement du pilote et sa capacité à rester concentré en tous temps. Pour garder un tel niveau de concentration, le pilote a besoin d'être bien reposé et, de préférence, de rester émotionnellement distant de l'événement. Bien qu'il y ait des dispositions en place pour communiquer avec les pilotes en cas d'urgence et pour fournir un remplaçant au pilote, c'est au pilote en cause dans l'événement que revient la décision de demander un remplaçant ou de l'assistance. À l'heure actuelle, l'Administration de pilotage des Laurentides (APL) et la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central n'ont pas de politique de relève obligatoire des pilotes. Toutefois, selon l'information recueillie, l'APL a l'intention de prendre des mesures pour que les pilotes soient remplacés après un événement grave. La fatigue et le stress liés à un événement peuvent avoir une incidence sur la capacité du pilote à remplir ses fonctions. On sait depuis longtemps que le stress peut faire commettre certains types d'erreur. Au bout du compte, la nature humaine et l'orgueil professionnel peuvent diminuer la capacité du pilote à faire une évaluation objective de son besoin d'être remplacé ou de demander de l'aide. En 1997, le vraquier Venus s'est échoué près de Bécancour (Québec). Le pilote qui travaillait sous contrat pour le compte de l'APL n'avait pas demandé de remplaçant ni la présence d'un autre pilote pour l'aider à s'acquitter de ses fonctions, et il était resté à bord pendant une période prolongée. En 1999, une situation similaire s'est produite à bord du vraquier Alcor qui s'était échoué. D'ailleurs, le Venus et le Alcor se sont échoués une seconde fois après avoir été renfloués. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur causal, la dégradation du rendement du pilote en raison de la fatigue a été retenue comme facteur contributif au second échouement de ces navires. Le BST a signalé ces problèmes de sécurité dans la Lettre de sécurité maritime 05/01 qu'elle a fait parvenir à l'APL en 2001. Bien que l'Administration de pilotage des Grands Lacs ait reconnu la nécessité de remplacer les pilotes en cause dans un événement, l'APL n'exige pas que le pilote soit remplacé dans ces circonstances, quoiqu'elle reconnaisse le fait que le pilote doit être remplacé dans des circonstances normales si le voyage se prolonge parce que le navire évolue lentement ou dans des conditions hivernales. En l'absence de critères clairs et précis pour le remplacement des pilotes après un événement, le pilote se retrouve dans une situation difficile où il doit décider s'il doit demander un remplaçant ou de l'aide. Dans ces circonstances, le pilote peut ne pas être la personne la mieux placée pour prendre cette décision qui peut avoir une incidence sur la sécurité de la navigation. Le Bureau s'inquiète du fait que même après un événement maritime grave, l'APL continue ses activités sans la mise en place d'une politique de relève obligatoire des pilotes, ce qui compromet la sécurité maritime et augmente les risques. Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le 10 janvier 2006. Annexe A - Croquis du lieu de l'accidentAnnexe B - Sigles et abréviations
1. Les unités de mesure utilisées dans le présent rapport respectent les normes de l'Organisation maritime internationale (OMI) ou, à défaut, celles du Système international d'unités. 2. Voir l'annexe B pour la signification des sigles et abréviations. 3. Les heures sont exprimées en HAE (temps universel coordonné moins quatre heures). 4. Les vitesses sont des vitesses sur le fond, à moins d'indication contraire. 5. Convention SOLAS, chapitre V, Sécurité de la navigation, règle 22, Visibilité à la passerelle de navigation. 6. Depuis septembre 1999, toutes les personnes nées après le 1er avril 1983 doivent posséder une CCEP pour conduire une embarcation de plaisance. 7. Règlement sur la compétence des conducteurs d'embarcations de plaisance en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, Transports Canada, DORS/99-53. 8. Rapport de sinistre maritime 454 (1986). 9. De nombreuses études ont démontré qu'on ressent une somnolence plus profonde aux premières heures du jour. Voir, entre autres, T. Akerstedt et M. Gillberg, « Experimentally displaced sleep : Effects on sleepiness » dans Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 1982, 54, p. 220-226. 10. Marine Accident Investigation Branch (MAIB), Bridge Watchkeeping Safety Study. Southampton, Royaume-uni, 2004. 11. La règle 9 b) du Règlement sur les abordages stipule que les petits bâtiments ne doivent pas gêner le passage des navires qui ne peuvent naviguer en toute sécurité qu'à l'intérieur d'un chenal étroit ou d'une voie d'accès. 12. Rapport d'enquête du BST M92L3008 (Abordage entre le Amélia Desgagnés et l'embarcation de plaisance 6E7221). 13. Règle 17 a)(ii) du Règlement sur les abordages. 14. Règle 8 e) du Règlement sur les abordages. 15. Mark R. Rosekind, Philippa L. Gander, Linda J. Connell, et al. Crew Factors in Flight Operations X : Alertness Management in Flight Operations Education Module. NASA Ames Research Center, 2001. 16. Règle 5 du Règlement sur les abordages. 17. Rapports du BST M95W0005 (Pacific Bandit) et M95W0013 (Hili-Kum) 18. La règle 14, au chapitre III, de la Convention SOLAS stipule que « Les canots de secours doivent [...] être arrimés de manière à tout moment à pouvoir être mis à l'eau en 5 minutes au plus. » 19. Lettre d'information sur la sécurité maritime 05/01 et rapport M99L0126 du BST (Alcor), sections B 2.3 et E 4.1.5.1. 20. Voir la discussion sur le stress et les performances dans Stress in Organizations, S. Sonnentag et M. Frese, et dans Handbook of Psychology Vol. 12, Industrial and Organizational Psychology, W. Borman, D. Ilgen et R. Klimoski (Eds.), New Jersey, John Wiley and Sons, 2003, p. 471-473. |
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