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Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet accident dans le seul but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.
RésuméLe 10 mai 1997, le vraquier grec « JEANNIE » remontait le fleuve Saint-Laurent avec un chargement de manganèse à destination de Montréal (Québec). Alors que le navire se trouvait dans les atterrages de Lotbinière, l'appareil à gouverner est tombé en panne. Le navire a fait une embardée vers la gauche et s'est échoué en bordure sud du chenal. L'accident n'a fait ni blessé ni pollution. Le navire a toutefois subi des avaries à la coque. Le Bureau a déterminé que le « JEANNIE » s'est échoué à la suite de la rupture d'une conduite flexible du circuit hydraulique de l'appareil à gouverner parce que le personnel du navire n'a pu intervenir et reprendre le contrôle des manoeuvres avant que les deux groupes moteurs ne soient mis hors service. This report is also available in English. Table des matières
1.1.1 Renseignements sur le navire 1.2 Déroulement du voyage 1.3 Victimes 1.4 Avaries et dommages 1.4.1 Avaries au navire 1.4.2 Dommages à l'appareil à gouverner 1.5 Certificats et brevets 1.5.1 Certificats du navire 1.5.2 Brevets du personnel 1.6 Renseignements sur la marée
2.2 Alarmes 2.3 Réservoirs 2.4 Réglementation 2.5 Compatibilité avec les exigences internationales
3.2 Causes
1.0 Renseignements de base1.1 Fiche technique du navire
1.1.1 Renseignements sur le navireLe « JEANNIE » est un vraquier traditionnel pour marchandises diverses. Le navire est renforcé pour les charges lourdes et le pont principal est doté de quatre grues. Les emménagements et les espaces machines se trouvent à l'arrière. 1.2 Déroulement du voyageLe 10 mai 1997, le « JEANNIE » en provenance de Boulogne, en France, se dirige vers Montréal (Québec). Alors que le navire, sous la conduite d'un pilote, se trouve à la hauteur de Lotbinière (Québec), le personnel de quart à la passerelle se rend compte que l'indicateur d'angle de barre est à gauche toute. On essaie de remettre le navire sur son cap en changeant de mode de gouverne à partir du poste de gouverne sur la passerelle, mais sans résultat. Vers 22 h 55[3], le « JEANNIE » s'échoue en bordure sud du chenal, dans les atterrages de la bouée Q83, sans qu'on ait eu le temps de mouiller l'ancre ou de mettre la machine principale en marche arrière. Après l'échouement, on sonde les réservoirs et on constate que seul le peak avant est perforé. Les pompes du navire ne parviennent pas à réduire le niveau d'eau dans le réservoir à un niveau plus bas que celui du tirant d'eau. Vers 7 h le 11 mai, deux remorqueurs quittent le port de Québec pour venir en aide au vraquier. Vers 10 h 10, au moment où les remorqueurs arrivent sur les lieux, le navire se renfloue à la faveur de la marée montante. À 10 h 43, le navire avise les Services de communications et du trafic maritime (SCTM) de Québec qu'il est renfloué et qu'il a mouillé l'ancre du côté nord du chenal. L'appareil à gouverner du « JEANNIE », fabriqué par la Donkin & Co. Ltée, est du type à cylindres articulés. L'appareil se compose de deux groupes moteurs comprenant chacun deux cylindres à double action. Chaque groupe moteur est muni d'une pompe à régime constant. Ces dernières sont montées sur un seul et même réservoir de liquide hydraulique. Un collecteur à soupapes multiples sert à isoler l'un ou l'autre des groupes moteurs pour permettre l'entretien ou pour passer en mode manuel en cas d'urgence. 1.3 VictimesPersonne n'a été blessé. 1.4 Avaries et dommages1.4.1 Avaries au navirePar suite de l'échouement, le peak avant a été perforé et les tôles de la coque de même que la structure interne de la partie avant ont subi des déformations importantes. Les différentes réparations à la structure ont nécessité le remplacement de tout près de 43 tonnes d'acier. 1.4.2 Dommages à l'appareil à gouvernerL'inspection du compartiment de l'appareil à gouverner a révélé qu'une conduite flexible du circuit hydraulique s'était séparée du raccord et que le contenu du réservoir de liquide hydraulique s'était répandu sur le plancher du compartiment. 1.5 Certificats et brevets1.5.1 Certificats du navireLe navire possédait tous les certificats qu'il était tenu d'avoir en vertu des règlements en vigueur. 1.5.2 Brevets du personnelLes membres de l'équipage étaient titulaires des brevets nécessaires pour les postes qu'ils occupaient et pour le type de voyage que le navire effectuait. 1.6 Renseignements sur la maréeAu moment de l'échouement, la marée était montante avec encore 1 heure et 20 minutes avant la marée haute. L'amplitude prévue de cette dernière était de 3,4 m. La marée haute suivante était prévue pour 12 h 30 avec une amplitude de 3,8 m. 2.0 Analyse2.1 Bris d'une conduite hydrauliqueL'inspection visuelle de la conduite flexible a permis de constater que cette dernière était durcie et craquelée et qu'elle s'était séparée du raccord. La détérioration de la conduite est attribuable aux sources de chaleur environnantes de même qu'à l'usure. Lorsqu'un bris survient sur l'une des conduites hydrauliques, l'unique réservoir se vide rapidement de son contenu à cause des pompes à régime constant. 2.2 AlarmesLorsque la quantité de liquide hydraulique dans le réservoir baisse à un niveau déterminé, une alarme retentit dans la salle de contrôle des machines. Un membre d'équipage doit alors se rendre dans le compartiment de l'appareil à gouverner, déterminer le problème, fermer quatre soupapes à l'aide d'une clé distincte, puis en ouvrir deux autres afin d'isoler le groupe moteur défectueux et ainsi rétablir la capacité de gouverne du navire. Lorsque la première personne est arrivée dans le compartiment de l'appareil à gouverner, le réservoir de liquide hydraulique était déjà vide; c'est pourquoi rien n'a pu être fait pour contrer la panne. Il semble que l'alarme de bas niveau se soit fait entendre dans la salle de contrôle des machines. Sur la passerelle, on s'est rendu compte qu'il y avait un problème lorsque l'indicateur d'angle de barre affichait à gauche toute et que le timonier ne pouvait, malgré ses efforts, ramener la barre à zéro. Il semble que le personnel présent à la passerelle n'ait pas entendu d'alarme. 2.3 RéservoirsMalgré l'accès direct de la salle des machines au compartiment de l'appareil à gouverner, le circuit était conçu de telle manière qu'il se serait vidé complètement même si un mécanicien était intervenu. Les deux groupes moteurs sont alimentés par un seul réservoir et il n'y a pas de caisse de réserve raccordée en permanence au circuit hydraulique. Si chacun des groupes moteurs avait été muni d'un réservoir indépendant, l'appareil à gouverner serait demeuré en opération sans l'intervention du personnel. Sur certains navires plus récents, l'appareil à gouverner reste en opération même si l'un des groupes moteurs tombe en panne. 2.4 RéglementationLa réglementation canadienne exige qu'en cas de défaillance la capacité de gouverne soit maintenue ou rétablie rapidement. Les exigences sont toutefois plus strictes pour les navires-citernes et pour les navires-citernes pour produits chimiques de 10 000 tonneaux et plus. Ces navires doivent être en mesure de rétablir la capacité de gouverne en moins de 45 secondes après la défaillance d'un système de transmission de la puissance. En eaux restreintes, tous les navires devraient être en mesure de rétablir leur capacité de gouverne en cas de défaillance, peu importe la taille ou le type de navire. Plusieurs navires-citernes et navires-citernes pour produits chimiques canadiens et étrangers de moins de 10 000 tonneaux qui naviguent sur le fleuve Saint-Laurent et ailleurs au Canada où les eaux sont restreintes ne sont pas assujettis à ces exigences. La perte de liquide hydraulique de l'un des circuits doit pouvoir être décelée et isolée automatiquement de façon à ce qu'un autre ou plusieurs autres circuits puissent demeurer en état de fonctionnement. La Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), ch. II-1, partie C, comporte des règles pour les appareils à gouverner. Ces règles sont reprises par certaines sociétés de classification et on les retrouve aussi dans la Loi sur la marine marchande du Canada. Elles s'appliquent à tous les navires de la Convention. En voici quelques-unes :
2.5 Compatibilité avec les exigences internationalesLorsque l'appareil à gouverner principal comporte deux groupes moteurs identiques, il devrait avoir les mêmes capacités et la même fiabilité qu'un groupe moteur principal muni d'un appareil à gouverner auxiliaire et pouvoir être mis en marche à partir de la passerelle de navigation. En cas de panne d'alimentation de l'un ou l'autre des groupes moteurs de l'appareil à gouverner, une alarme sonore et visuelle doit être donnée sur la passerelle de navigation. L'appareil à gouverner du « JEANNIE » répondait aux exigences réglementaires au moment de sa construction. Ce système, qu'on retrouve tant sur les navires étrangers que sur les navires canadiens, peut être modifié pour éviter une telle panne. 3.0 Conclusions3.1 Faits établis
3.2 CausesLe « JEANNIE » s'est échoué à la suite de la rupture d'une conduite flexible du circuit hydraulique de l'appareil à gouverner parce que le personnel du navire n'a pu intervenir et reprendre le contrôle des manoeuvres avant que les deux groupes moteurs ne soient mis hors service. 4.0 Mesures de sécurité4.1 Préoccupations liées à la sécuritéPar suite de cet événement, le BST a transmis un Avis de sécurité maritime à Transports Canada (TC) portant sur les risques liés aux pannes d'appareil à gouverner en eaux restreintes et dans les voies navigables encombrées au Canada. Les données du BST indiquent que de janvier 1975 à mai 1997, des pannes d'appareil à gouverner ont été à l'origine de plus de 120 échouements, talonnages et heurts violents en eaux canadiennes. Le BST a déterminé qu'une quinzaine au moins des événements[4] survenus à des navires qui naviguaient en eaux restreintes au Canada étaient directement attribuables à des défaillances de composantes du circuit hydraulique comme dans le cas du « JEANNIE ». Trois des navires en cause étaient des pétroliers chargés de moins de 20 000 tonneaux de jauge brute, et l'un d'entre eux était un traversier à passagers. En réponse à l'Avis de sécurité qui lui a été transmis, TC a indiqué qu'il considérait que les exigences actuelles en matière de circuits hydrauliques sont adéquates et que le taux d'incidents liés à des pannes ne justifiait pas une revue exhaustive de ces exigences. Depuis la réception de cette réponse de TC, cinq[5] autres navires se sont échoués dans les eaux restreintes du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs par suite de pannes de l'appareil à gouverner, dont le « APTMARINER », vraquier libérien de 17 677 tonneaux de jauge brute, qui s'est échoué dans la voie maritime du Saint-Laurent le 16 juin 1998. Le « APTMARINER » a fait une embardée et s'est échoué en bordure du chenal dans le Canal de la Rive Sud, fermant temporairement la navigation dans la voie maritime. La cause des pannes à l'origine des cinq incidents les plus récents varie; toutefois, le thème commun à chacun d'entre eux est que les pannes ont toutes mené à des échouements soit parce que l'équipage n'a pas décelé la panne, soit parce qu'au moment où l'équipage s'est rendu compte de la panne, il ne disposait plus d'assez de temps pour remédier à la situation. Les navires en cause dans ces incidents récents étaient apparemment conformes aux exigences actuelles en matière de circuits hydrauliques, mais ce sont précisément des défaillances de ces circuits qui ont mené aux échouements qui auraient pu avoir de graves conséquences. Le Bureau croit que des mesures additionnelles s'imposent, comme apporter des changements aux procédures d'exploitation et de quartà bord des navires qui entrent ou qui naviguent en eaux restreintes, pour faire en sorte qu'on puisse déceler plus rapidement les pannes du circuit hydraulique et qu'on puisse y remédier et rétablir la capacité de gouverne du navire, soit en éliminant le problème, soit en mettant en marche un système de relève, avant qu'un accident ou un incident ne survienne. Le Bureau s'inquiète du fait que malgré les risques inhérents à la navigation en eaux restreintes ou encombrées, l'industrie et l'organisme de réglementation ne cherchent pas à trouver d'autres moyens de réduire la probabilité que de tels accidents se produisent par suite de pannes de l'appareilà gouverner. Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le 26 août 1998 par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros. Annexe A - Sigles et abréviations
[1] Les unités de mesure dans le présent rapport sont conformes aux normes de l'Organisation maritime internationale (OMI) ou, à défaut de telles normes, elles sont exprimées selon le système international (SI) d'unités. [2] Voir l'annexe A pour la signification des sigles et abréviations. [3] Les heures sont exprimées en HAE (temps universel coordonné [UTC] moins quatre heures), sauf indication contraire. [4] Six des 15 incidents relevés sont survenus après l'entrée en vigueur en 1990 de l'actuel Règlement sur les machines de navires. [5] Le « CANADIAN MARINER » le 18 juin 1997, le « CANADIAN PROGRESS » le 15 mai 1998, le « APTMARINER » le 16 juin 1998, le « TADOUSSAC » le 9 juillet 1998, et le « GRANT CARRIER » le 13 juillet 1998. |
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