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Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet accident dans le seul but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.
Rapport d'enquête maritime Rapport numéro M01C0019 SommaireÀ 13 h 18, heure avancée de l'Est, le 14 mai 2001, par temps clair et calme, le navire sortant Canadian Transfer, à pleine charge, a talonné à environ 1,25 mille marin à l'ouest des jetées extérieures du port de Goderich. Le navire a subi des avaries importantes. This report is also available in English. Autres renseignements de baseFiche technique du bâtiment
Le timonier et un capitaine de relève se trouvent sur la passerelle. Le capitaine de relève est à bord pour apprendre les caractéristiques des ports locaux actifs dans le commerce de sel et de pierre et il doit bientôt relever le capitaine permanent qui se trouve à bord. Le second officier (l'officier de quart) se trouve en bas, sur le pont principal, où il supervise l'arrimage du matériel pendant la sortie du port. Une fois l'arrimage terminé, il prend une douche et se rafraîchit avant de se rendre à la passerelle. À 13 h 7, le Canadian Transfer franchit les jetées extérieures du port de Goderich à faible allure. Le timonier gouverne alors au 272º V. La carte ECPINS utilisée est la carte 2291(A) du Service hydrographique du Canada (SHC). On n'ordonne aucun autre changement de cap. Selon l'information recueillie, le capitaine de relève augmente peu à peu le régime du moteur à hélice à pas variable en plaçant la manette des gaz à la position 9. À la position 10, le navire peut atteindre la vitesse de 14,5 à 15 noeuds. Pour guider les navires qui entrent dans le port de Goderich ou en sortent, un groupe de balises d'alignement ont été mises en place pour définir une route de sortie au 266,5º V. Autrefois le chenal était balisé par des bouées, mais elles ont été retirées quand le gouvernement du Canada a commercialisé l'exploitation du port de Goderich et a cédé le contrôle du port à la municipalité. Le navire se trouve au sud des balises d'alignement après avoir franchi les jetées extérieures et le capitaine de relève observe qu'il traverse au nord des balises d'alignement quelques minutes plus tard.
Aucune correction de cap n'est faite à ce moment-là. L'officier de quart arrive sur la passerelle entre 13 h 9 et 13 h 13. Le capitaine de relève demande à l'officier de quart de calculer l'heure probable d'arrivée au point d'appel facultatif situé entre Harbour Beach au Michigan (É.-U.) et la pointe Clark (Ontario). L'officier de quart se rend dans la chambre des cartes à l'arrière de la passerelle pour faire les calculs demandés, et le capitaine de relève se joint à lui pendant quelque temps. Une fois cette tâche terminée, l'officier de quart retourne sur la passerelle où il se tient debout près d'une table à cartes plus petite située du côté tribord en regardant vers l'avant. L'ECPINS affiche alors la carte 2291(A) du SHC, et l'officier de quart et le capitaine de relève la consultent de temps à autre. La carte papier à la disposition du capitaine sur la passerelle est la carte 2228-2 du SHC montrant le port de Goderich; il y a aussi une carte papier à beaucoup plus petite échelle, la carte 2228 du SHC, qui montre les atterrages du port de Goderich (échelle 1:120 000). La carte 2261 du SHC, à plus grande échelle (1:80 000), montre le chenal et les atterrages du port de Goderich plus clairement et fournit davantage de données de profondeur, mais rien ne permet de penser qu'elle est utilisée à la table à cartes de tribord avant sur la passerelle. On ne porte pas le point sur la carte à ce moment-là. Le capitaine de relève ne donne pas d'autres instructions. Il n'y a aucun échange entre les membres de l'équipe à la passerelle concernant la navigation. Entre 13 h 14 et 13 h 15, l'homme de quart arrive sur la passerelle pour transcrire dans le journal passerelle les résultats du sondage des citernes consignés dans son brouillon de passerelle. À 13 h 17, le capitaine de relève appelle Sarnia Traffic pour signaler volontairement son heure probable d'arrivée au milieu du lac Huron. À 13 h 18, pendant que le capitaine de relève est en communication avec Sarnia Traffic, le personnel de la passerelle ressent une secousse et entend un grondement sourd qui fait penser au mouillage d'une ancre. L'homme de quart, envoyé en bas voir ce qui se passe, informe la passerelle que les ancres sont saisies. L'équipe à la passerelle réalise alors que le navire a talonné. Après plusieurs échanges entre le capitaine de relève et le capitaine permanent sur le téléphone du bord, le capitaine permanent arrive sur la passerelle en moins de deux minutes pour assurer la conduite du navire. Entre temps, le Canadian Transfer prend une gîte de 6 à 8º sur bâbord et amorce une évolution à gauche toute. Le capitaine permanent, qui ignore l'ampleur des avaries, donne l'alerte générale et demande aux membres de l'équipage d'enfiler leur combinaison d'immersion et de se rassembler sur le pont. Il ordonne ensuite de mettre la machine en arrière toute et décide de mouiller le navire. Les officiers présents sur la passerelle estiment que la vitesse du navire était de 9,5 à 10 noeuds au moment du talonnage. L'ECPINS indique que le navire filait 11,4 noeuds. Le talonnage est survenu par 43º44,8' N et 081º46' W, à quelque 300 m au nord du centre du chenal. Une inspection révèle que la citerne de ballast no 1 de bâbord se remplit d'eau mais que les pompes d'assèchement ne réussissent pas à évacuer l'eau. De l'eau pénètre aussi dans la citerne de coqueron avant, toutefois les pompes réussissent à évacuer l'eau. Le premier officier fait le compte des membres de l'équipage, puis l'on constate que la chef-cuisinière s'est effondrée sur le pont près de la cuisine en tentant d'enfiler sa combinaison d'immersion. On la transporte sur une civière jusqu'au pont découvert où elle reprend peu à peu ses esprits. Brevets, certificats et expérience du personnelAu cours des deux dernières années, le capitaine de relève avait assuré la conduite d'environ six autres navires pendant de brèves périodes. Il avait déjà fait entrer un autre navire, le Canadian Century, dans le port de Goderich et l'avait fait sortir, mais il estimait qu'il était en formation à ce moment-là. La compagnie avait reconnu qu'il avait besoin de formation supplémentaire et il était en train d'acquérir une meilleure connaissance des lieux ainsi que de l'expérience dans le transport du sel et de la pierre. Le capitaine de relève possédait le brevet nécessaire pour le type de voyage entrepris. En 1997, il avait suivi un cours de cinq jours en gestion des ressources à la passerelle (GRP) à Newport, Rhode Island (É.-U.). L'officier de quart était titulaire du brevet de compétence requis pour le poste qu'il occupait; il n'avait toutefois pas suivi de formation officielle en GRP. AnalysePlan de route avant l'appareillageL'officier de navigation et le capitaine de service ont la responsabilité conjointe d'assurer en tout temps la sécurité de la navigation. Ils suivent à cette fin un plan de route établi avant l'appareillage, plan qui indique les routes à suivre, la vitesse du navire eu égard à l'accroupissement, les zones de haut-fond à éviter, les alignements sur lesquels se guider et les périodes préétablies pour porter le point sur la carte. Aucun plan de route n'avait été préparé avant l'appareillage pour permettre au Canadian Transfer de naviguer en eaux profondes en toute sécurité. Après avoir paré le quai, le navire devait prendre un cap au 272º qui devait l'amener dans l'alignement, puis prendre un cap entre le 266º et le 267º pour rester sur la route recommandée pour sortir du port et quitter les atterrages du port. Ce changement de cap n'a pas été fait, et le navire est sorti au nord de sa route et a fini par talonner. Comme les navires qui font escale dans le port sont équipés de systèmes de navigation ultramodernes et vu la simplicité relative des manoeuvres d'approche et d'appareillage, on a estimé, après la commercialisation, que l'entretien des bouées qui balisaient le chenal n'était plus économiquement justifié et on les a enlevées. Par temps calme, la sortie du port de Goderich ne nécessite que peu de changements de route et ne présente guère de difficultés pour un navire. Les conditions météorologiques idéales et la simplicité des manoeuvres requises ont amené un certain relâchement dans la navigation, ce qui explique que la position du navire n'a pas été étroitement surveillée pendant la période critique suivant l'appareillage, alors que le navire se trouvait dans le chenal étroit. L'absence de plan de route privait l'équipe à la passerelle d'un moyen qui lui aurait permis de rester concentrée sur la conduite en toute sécurité du navire. Gestion des ressources à la passerelle - Fonctions non liées à la navigation et disponibilité du personnelLa gestion en GRP est considérablement limitée quand l'équipe à la passerelle n'est formée que du capitaine et du timonier. Tel était le cas lorsque le Canadian Transfer a quitté le quai de chargement du sel du port de Goderich. La vérification des routes et la surveillance de la progression du navire en toute sécurité en appliquant les principes de la GRP sont plus faciles lorsque l'équipe à la passerelle compte un officier de navigation de plus. Le 13 avril 2001, le directeur général des opérations du Upper Lakes Group Inc. a envoyé la lettre circulaire 24-2001 dont l'objet est de sensibiliser et renseigner tous les capitaines et officiers de pont. La lettre attire l'attention sur la publication du BST, intitulée Réflexions sur la sécurité maritime, qui contient des articles sur des enquêtes maritimes récentes, et qui comprend entre autres un article sur l'accident du Olympic Mentor (rapport M95C0120 du BST). On y souligne.l'importance d'une bonne GRP pour assurer que tous les membres de l'équipe à la passerelle fournissent toute l'information dont le capitaine et le pilote ont besoin pour prendre les décisions liées à la navigation. Lorsque l'officier de quart est arrivé sur la passerelle, on lui a immédiatement demandé de calculer l'heure probable d'arrivée au milieu du lac, tâche peu prioritaire pour la navigation. Une fois cela fait, l'officier de quart s'est placé près de la table à cartes à l'avant de la passerelle. Il n'a pas porté le point sur la carte ni vérifié la position du navire, que ce soit à l'aide de l'ECPINS, à l'aide de la précision de la distance et du relèvement radar, à l'aide du système mondial de localisation différentiel (DGPS), ou à l'aide de moyens visuels comme les balises d'alignement sur l'arrière. Au lieu de cela, il a présumé à tort que le capitaine de relève assurait la conduite en toute sécurité du navire en eaux libres. Les risques pour les navires sont généralement plus grands à l'arrivée dans un port ou au départ d'un port. Toutefois, sur les Grands Lacs, l'usage veut que l'officier de service s'acquitte de tâches non reliées à la navigation et se rafraîchisse avant de reprendre ses fonctions sur la passerelle. Dans le cas à l'étude, l'officier de quart a passé 10 à 15 minutes à se rafraîchir avant de revenir sur la passerelle. De plus, même s'il y avait deux capitaines à bord, seul le capitaine de relève se trouvait dans la passerelle. La présence sur la passerelle au moment de l'appareillage d'un autre officier ou d'un autre capitaine pour s'occuper des tâches de navigation aurait pu augmenter la synergie de l'équipe à la passerelle. Cela aurait permis de déceler rapidement les erreurs de navigation ou les situations imminentes, de sorte qu'on aurait pu prévenir le capitaine assez tôt pour qu'il puisse prendre des mesures correctives à temps. Utilisation efficace de l'équipement de navigation et des aides à la navigationL'équipement de navigation du Canadian Transfer n'a pas été exploité au mieux. L'ECPINS du bord utilisait une carte vectorielle du port de Goderich. Les cartes électroniques de navigation, et spécialement les cartes vectorielles, comportent une série de dispositifs d'alarme et d'indicateurs pour la surveillance de la route. Ces dispositifs d'alarme et ces indicateurs permettent d'alerter l'officier de quart pour qu'il puisse intervenir, s'il y a lieu. Ainsi, le système peut être utilisé pour établir des paramètres de sécurité comme le tirant d'eau, l'écart de route (transversal) et tout autre paramètre pertinent entré par l'officier de quart. Pendant un voyage, l'ECPINS enregistre les changements de route du navire et balaie systématiquement les données des cartes vectorielles en comparant les écarts par rapport aux paramètres de sécurité préétablis. Le dépassement de toute limite de sécurité préétablie déclenche l'alarme. L'ECPINS peut afficher un cône antiéchouement. Ce cône surveille à l'avant et autour du prochain changement de route. Pour faire apparaître le cône antiéchouement, l'officier de quart doit entrer les paramètres voulus. Ce n'est qu'après cela que le cône peut être activé. Les champs extension Port (bâbord) et Starboard (tribord) ajoutent une distance de sécurité minimale de chaque côté du navire. Le champ Stern (arrière) définit la base du cône. Le champ Bow (avant) ajoute une distance de sécurité minimale devant l'étrave. Les cartes marines matricielles ne permettent pas l'utilisation de ces paramètres. Les systèmes de cartes électroniques comme l'ECPINS, de même que le système électronique de visualisation des cartes marines (SEVCM) approuvés par l'Organisation maritime internationale comportent tous des alarmes ou des indicateurs pour la surveillance automatique des routes. Quand on place des limites appropriées (limites de sécurité pour le navire), les alarmes ou les indicateurs sont activés :
Le système fonctionnait correctement mais il n'a pas été utilisé au mieux pour naviguer en toute sécurité. Les balises d'alignement dans le port de Goderich étaient bien en place, mais l'équipe à la passerelle n'a pas gardé le navire aligné, même après que le capitaine de relève eut remarqué que le navire traversait la ligne de projection du sud vers le nord. Vitesse du navire et accroupissementLorsqu'un navire avance dans un chenal peu profond, l'écoulement de l'eau sous la coque s'accélère, causant une réduction de pression telle que le navire s'enfonce et que son tirant d'eau excède le tirant d'eau moyen statique. Ce phénomène, connu sous le nom d'accroupissement, est fonction de la vitesse du navire, du tirant d'eau statique et de la profondeur du chenal, ainsi que du rapport entre la superficie de la section transversale de la coque et celle du chenal. L'accroupissement est fonction du carré de la vitesse, et les navires chargés dont la hauteur d'eau sous la quille est limitée peuvent s'enfoncer au point de talonner et de subir des avaries s'ils se déplacent à trop grande vitesse. L'observation et l'analyse de centaines de cas de navires circulant à des vitesses variées dans des eaux relativement peu profondes montrent que les transporteurs de vrac sec comme le Canadian Transfer dont le coefficient de finesse est d'environ 0,8 ont tendance à s'enfoncer en bloc avec un accroupissement à l'avant2. Selon l'information recueillie, le niveau d'eau du lac Huron au moment de l'accident était inférieur de 0,08 m aux profondeurs indiquées sur les cartes. Par conséquent, lorsque le navire pénétrait dans une zone dont la profondeur indiquée était de 8,23 m, la profondeur d'eau réelle était de 8,15 m. Les tirants d'eau avant et arrière en charge consignés étaient de 7,34 m et 7,625 m, respectivement, ce qui, compte tenu du tirant d'eau moyen d'environ 7,48 m, donnait un rapport de la profondeur de l'eau au tirant d'eau moyen statique d'environ 1,10 et une hauteur d'eau sous la quille statique de 0,67 m au moment où le navire pénétrait dans des eaux peu profondes. Toutefois, dans ces conditions, une vitesse de 11,4 noeuds devait provoquer un accroupissement du navire d'environ 1,10 m, ce qui excédait la hauteur d'eau sous la quille statique et explique que le navire a talonné. À cause de ses formes pleines et de sa vitesse de 11,4 noeuds, le navire devait s'accroupir et se retrouver sur le nez en pénétrant dans des eaux moins profondes, ce qui correspond aux dommages au bordé de fond relevés à l'extrémité avant du navire. Selon l'information recueillie, les navires chargés des Grands Lacs quittent habituellement le port de Goderich à des vitesses de 6 ou 7 noeuds. À noter qu'avec un chargement donnant les mêmes tirants d'eau, le Canadian Transfer aurait, à de telles vitesses, subi un effet d'accroupissement de 0,29 m à 0,39 m, ce qui aurait fort probablement permis d'éviter le talonnage. Conduite du navire et sécuritéLe fait que le capitaine de relève faisait son travail sur la passerelle sans encadrement donne à penser que le capitaine permanent était confiant que le capitaine de relève pourrait sortir le navire du port en toute sécurité. Le fait que le capitaine de relève n'a pas exigé la présence du capitaine permanent sur la passerelle donne à penser que le capitaine de relève se sentait capable de sortir le navire du port de Goderich en toute sécurité. Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Autres faits établis
Mesures de sécurité prisesLes propriétaires du navire ont resserré la sécurité grâce aux mesures suivantes :
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le 14 mai 2003. Annexe A - Sigles et abréviations
1. Les heures sont exprimées en HAE (temps universel coordonné moins quatre heures). 2. Dr C.B. Barrass, MSc., FRINA CEng., Ship Squat, 1997. |
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