Bureau de la sécurité des transports du Canada / Transportation Safety Board of Canada
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Marine 1994

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Ligne horizontale

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet accident dans le seul but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.

Naufrage
bateau de plaisance «QASAOQ»
baie de Frobisher (Territoires du Nord-Ouest)
29 octobre 1994

Rapport numéro M94H0002

Résumé

Le 29 octobre 1994 vers 19 h, le «QASAOQ» revient d'une excursion de chasse au morse dans l'embouchure de la baie de Frobisher (Territoires du Nord-Ouest). Pendant le retour des lieux de chasse, on découvre une voie d'eau dans les fonds que les pompes de cale ne réussissent pas à assécher. Vers 23 h, les 10 occupants du bateau, y compris le propriétaire-patron, abandonnent le bateau à bord d'un canot. Peu après, une vague déferlante submerge le canot et projette ses occupants à la mer. Trois jours plus tard, 2 des 10 naufragés sont repêchés du «QASAOQ», qui est demeuré à demi submergé; les 8 autres sont portés disparus et on présume qu'ils se sont noyés.

Le Bureau a déterminé que l'état de la coque du «QASAOQ», combiné à l'état de la mer et aux conditions météorologiques, a eu une incidence directe sur le naufrage. Le fait qu'il n'y avait aucun équipement de sauvetage à bord et qu'on a abandonné le bateau dans un canot non conçu pour recevoir 10 personnes a diminué les chances de survie des victimes. De plus, parce que le radiotéléphone à bord du navire ne pouvait pas émettre sur la fréquence réservée aux situations de détresse, il n'a pas été possible de déclencher une opération de recherches et sauvetage plus tôt.


Table des matières

1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire
    1.1.1 Renseignements sur le navire
    1.2 Déroulement du voyage
    1.3 Victimes
    1.4 Avaries et dommages
    1.4.1 Avaries au navire
    1.5 Certificats et brevets
    1.5.1 Certificats du navire
    1.5.2 Brevets du personnel
    1.6 Antécédents du personnel
    1.7 Renseignements sur les conditions météorologiques
    1.7.1 Prévisions météorologiques
    1.7.2 Conditions météorologiques enregistrées par le navire
    1.7.3 Conditions météorologiques enregistrées pendant l'opération de recherches et sauvetage (SAR)
    1.8 Instruments de navigation
    1.9 Communications radio
    1.9.1 Station radio de la Garde côtière
    1.10 Équipement de sauvetage
    1.11 Recherches et sauvetage (SAR)
    1.12 Notification et déploiement des ressources SAR
    1.13 Objectif national du système SAR

2.0 Analyse

    2.1 État de la coque du «QASAOQ»
    2.2 Inspection du bateau
    2.3 Communications radio
    2.4 Organisation des opérations SAR dans l'Arctique

3.0 Conclusions

    3.1 Faits établis
    3.2 Causes

4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises
    4.1.1 Traitement des messages de détresse
    4.1.2 Programme d'information sur la sécurité

5.0 Annexes


1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Nom « QASAOQ »
Numéro de permis de petit bâtiment 5FC19877
Port de délivrance du permis Iqaluit (T. N.-O.)<1>
Pavillon Canadien
Type Bateau de plaisance
Longueur 11,3 m
Construction 1954
Groupe propulseur Un diesel Isuzu
Propriétaire Simonie Alainga
Iqaluit (T. N.-O.)

1.1.1 Renseignements sur le navire

Le «QASAOQ» est un bateau de plaisance, de type palangrier, construit en bois. Selon les dimensions indiquées sur son permis de petit bâtiment, on estime sa jauge brute à 11 tonneaux<2> environ. Le bateau est muni d'une timonerie à l'arrière, d'une cale au milieu du pont principal et d'un poste d'équipage à l'avant.

Le propriétaire-patron du «QASAOQ» avait profité du fait que le bateau avait été à l'échouage pendant plus de deux ans sur la plage d'Iqaluit pour remplacer le moteur et recouvrir la coque de fibre de verre. On avait boulonné deux plaques d'acier de chaque côté de la quille pour la renforcer. Apparemment, la quille, une partie du tableau arrière et certains galbords étaient pourris.

Lorsqu'on a mis le «QASAOQ» à l'eau à l'automne 1994, on a décelé une importante voie d'eau, qui a été rafistolée avec du fibre de verre. Lorsque le bateau a été remis à l'eau, une pompe de cale fonctionnait sans arrêt, tandis qu'une autre fonctionnait par intermittence pour garder le bateau à flot. Lorsque le bateau a quitté Iqaluit, les deux pompes fonctionnaient par intermittence.

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1.2 Déroulement du voyage

Le 25 octobre 1994, le «QASAOQ» appareille d'Iqaluit, avec neuf personnes à son bord, pour effectuer un voyage de chasse au morse à l'embouchure de la baie de Frobisher. L'itinéraire prévoit le ravitaillement du camp avancé de Kuyait (Gold Cove) avec deux barils de combustible, et une dixième personne monte à bord du bateau au camp de Kuyait.

Le bateau doit ensuite se diriger vers les lieux de chasse habituels, à l'ouest de l'île Loks Land.

À cause du mauvais temps, le bateau doit se mettre à l'abri au nord-ouest de Loks Land pendant deux jours et demi.

Le 29 octobre, les conditions météorologiques s'étant améliorées, le «QASAOQ» reprend sa route en direction des lieux de chasse. Vers 17 h 30<3>, après avoir capturé une douzaine de morses, on les entreposent dans la cale et on met le cap sur le camp de Kuyait.

À part un compas magnétique et un radiotéléphone portatif MF, le bateau n'a pas d'autres instruments de navigation. La navigation se fait par repères visuels terrestres et au moyen des connaissances du secteur. En raison de la noirceur, il est difficile aux occupants du bateau de déterminer leur position avec certitude. On doit naviguer en zigzag, en s'approchant et s'éloignant de la côte pour éviter les récifs et les hauts-fonds.

Vers 19 h, alors que le bateau se trouve, selon les estimations, à la position la plus éloignée de la côte, on découvre une accumulation d'eau de mer dont personne n'est en mesure de déterminer la source; les pompes de cale n'arrivent pas à empêcher l'envahissement, et le propriétaire-patron dirige aussitôt son bateau vers la côte. En outre, le compas n'étant pas muni d'un dispositif d'éclairage, il est difficile d'y voir le cap du bateau. Les conditions météorologiques se détériorent et les câbles de l'appareil à gouverner se relâchent, ce qui rend la gouverne du «QASAOQ» difficile voire même impossible.

Vers 23 h, comme on n'arrive toujours pas à maîtriser l'envahissement et que l'on craint de ne pas être en mesure d'atteindre la rive à temps, le propriétaire-patron et les neuf autres occupants abandonnent le bateau dans un canot de 5,2 m arrimé sur le pont dont on se sert habituellement pour la chasse. Toutefois, avant que l'on n'arrive à faire démarrer le moteur hors-bord du canot, un paquet de mer déferle sur l'arrière du canot et le fait chavirer; tous les occupants sont projetés à la mer. Deux d'entre eux réussissent à rejoindre le «QASAOQ» à la nage, tandis que les huit autres disparaissent sous l'eau.

Il ne reste plus du bateau à demi submergé que le gaillard d'avant et la plage arrière à flot.

Les deux survivants sont repêchés par un bateau de pêche après avoir passé trois jours sur les parties émergées du «QASAOQ», puis sont transbordés sur un navire du ministère des Pêches et Océans qui les emmènent jusqu'au camp de Kuyait. De là, ils sont transportés par hélicoptère jusqu'à l'hôpital d'Iqaluit. Les deux victimes souffrent d'engelures aux pieds.

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1.3 Victimes

  Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Disparus 8 - - 8
Blessés graves 2 - - 2
Blessés légers/Indemnes - - - -
Total 10 - - 10

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1.4 Avaries et dommages

1.4.1 Avaries au navire

Le «QASAOQ» est une perte réputée totale. Il a été aperçu pour la dernière fois, la coque à demi submergée, lors du sauvetage des survivants au sud de l'île Gabriel.

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1.5 Certificats et brevets

1.5.1 Certificats du navire

Un permis de petit bâtiment avait été délivré au «QASAOQ» en 1991 par le ministère des Transports.

1.5.2 Brevets du personnel

Le propriétaire-patron n'avait aucun brevet et il n'était d'ailleurs pas tenu d'en avoir en vertu des règlements. Personne à bord n'avait reçu de formation en bonne et due forme en matière de navigation ni sur les fonctions d'urgence en mer (FUM), et personne n'avait reçu de formation pratique sur les FUM.

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1.6 Antécédents du personnel

La chasse au morse est une activité traditionnelle qui se pratique de génération en génération depuis des siècles chez les Inuit du Grand Nord canadien. Les aînés initient les plus jeunes aux rudiments et aux techniques ancestrales de la chasse au morse.

Le patron était propriétaire du «QASAOQ» depuis plus d'une vingtaine d'années.

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1.7 Renseignements sur les conditions météorologiques

1.7.1 Prévisions météorologiques

Le Centre météorologique de l'Arctique d'Environnement Canada a émis un avertissement de coups de vent à 5 h le samedi 29 octobre 1994, pour le secteur de la baie de Frobisher. Le bulletin se lisait comme suit :

Avertissement de coups de vent en vigueur. Vents du sud-est de 15 se renforçant à 25 cet après-midi et à coups de vent du sud-est de 35 ce soir. Coups de vent diminuant à vents du sud-est de 25 dimanche matin. Brume éparse. Averses de neige dispersées. Visibilité réduite à deux milles marins sous les averses de neige.

1.7.2 Conditions météorologiques enregistrées par le navire

Selon les témoignages, au moment de l'abandon du bateau, les vents étaient de 30 à 35 noeuds du secteur sud et la mer était agitée.

1.7.3 Conditions météorologiques enregistrées pendant l'opération de recherches et sauvetage (SAR)

Pendant les recherches, les conditions météorologiques ont été de mauvaises à passables avec une visibilité de 0 à 10 milles marins dans la neige et la brume avec des vents de modérés à coups de vent de l'est et du sud-est. La température de l'air est demeurée au point de congélation et la température de la mer était de moins 1 ·C.

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1.8 Instruments de navigation

Le «QASAOQ» était muni d'un compas magnétique et d'un radiotéléphone portatif MF pouvant émettre et recevoir des messages sur les fréquences 5 210,00 et 5 031,00 kHz. Un détecteur à poisson à ultrasons, hors d'usage, était également à bord.

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1.9 Communications radio

Le propriétaire-patron du «QASAOQ» était tenu d'avoir une licence commerciale privée de station radio pour utiliser un appareil MF portatif de type SPILBURY, modèle SBX-11A; toutefois, il n'était pas tenu d'être titulaire d'un certificat restreint en radiotéléphonie. Cet appareil, qui est très répandu dans l'Arctique, n'avait pas de fréquences maritimes.

Le bateau a communiqué, sur la fréquence 5 210,00 kHz, avec le responsable du camp de Kuyait vers 19 h, pour l'informer de la situation et lui demander de l'aide. Toutefois, étant donné les conditions météorologiques défavorables, il était pratiquement impossible d'envoyer de l'aide à partir de Kuyait.

Le responsable du camp a donc tenté d'établir un contact avec Iqaluit par radiotéléphone; cependant, aucune station d'Iqaluit n'a pu être rejointe.

La dernière communication du «QASAOQ» a eu lieu vers 23 h, et le propriétaire-patron a alors indiqué au responsable du camp de Kuyait que les occupants allaient abandonner le bateau à bord d'un canot. Toute la nuit, le camp de Kuyait a tenté en vain d'entrer en communication avec Iqaluit sur la fréquence 5 210,00 kHz.

Ce n'est que le lendemain que la communication a pu être établie avec une station privée d'Iqaluit. À 7 h 15<4>, l'opérateur de cette station a alerté le répartiteur du service d'urgence d'Iqaluit. Ce service est chargé d'assurer une veille téléphonique de nuit pour le compte de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et de l'Emergency Measures Organization (EMO - Organisation des mesures d'urgence) du département des Affaires municipales et communautaires de la région de Baffin.

Le Groupe consultatif en matière de recherches et sauvetage de l'administration locale de la Ville d'Iqaluit a été informé de la situation à 7 h 17, le détachement de la GRC d'Iqaluit, à 7 h 24, et les autorités de l'EMO du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, à 7 h 50.

L'EMO a contacté le Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Halifax à 9 h 3 le 30 octobre, soit 1 heure et 13 minutes plus tard.

1.9.1 Station radio de la Garde côtière

La station radio de la Garde côtière (SRGC) d'Iqaluit n'a reçu aucun appel de détresse.

Le 30 octobre, à 7 h 46, le répartiteur du service d'urgence d'Iqaluit a contacté la SRGC d'Iqaluit par téléphone pour l'informer de la situation de détresse. L'opérateur radio de la SRGC lui a communiqué le numéro de téléphone du CCS de Halifax sans avoir obtenu, au préalable, des détails concernant l'appel reçu par le service d'urgence d'Iqaluit. Selon les normes d'exploitation des SRGC, l'opérateur qui reçoit un appel de détresse doit obtenir toute l'information nécessaire pour venir en aide au navire en détresse et en aviser le CCS le plus tôt possible.

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1.10 Équipement de sauvetage

Le «QASAOQ» avait à son bord un canot de 5,2 m dont on se servait pour la chasse au morse. Il s'agit d'un canot de bois à faible franc-bord et qui n'est pas conçu pour naviguer en haute mer ni pour servir d'embarcation de sauvetage.

À part un seul vêtement de flottaison individuel (VFI), lequel appartenait à l'un des occupants du bateau, il y avait une bouée de sauvetage à bord. Aucun autre équipement n'était disponible.

Le Règlement sur les petits bâtiments stipule qu'un bâtiment comme le «QASAOQ» doit avoir à son bord :

a) un gilet de sauvetage approuvé pour petits bâtiments ou un vêtement de flottaison individuel approuvé pour chaque personne à bord;

b) une bouée de sauvetage approuvée de 762 mm ou de 610 mm;

c) une ligne d'attrape flottante d'au moins 15 m de longueur;

d) une écope et une pompe de cale à main;

e) six signaux pyrotechniques de détresse de n'importe quel type et six signaux pyrotechniques de détresse de type A, B ou C;

f) une ancre avec au moins 15 m de câble, de cordage ou de chaîne;

g) un extincteur de classe B II.

De plus, il doit être muni de feux de position et d'un appareil sonore de signalisation.

La publication de la Garde côtière canadienne (GCC) intitulée Petits bateaux de pêche : Manuel de sécurité (TP 10038) a été traduite en inuktitut à l'intention des populations de l'Arctique. En 1992, lors d'une réunion du Conseil consultatif maritime canadien à Yellowknife (T.N.-O.) organisée par la GCC et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, on a démontré les bienfaits des vêtements de travail (de protection) et tenu des discussions générales sur les petits bâtiments avec les autorités locales et les usagers.

En mars 1993, lors d'un atelier sur l'industrie des pêches à Pangnirtung (T.N.-O.) organisé par le département du Développement économique des Territoires du Nord-Ouest, la GCC a fait des exposés sur la sécurité des bateaux de pêche.

Une série de quatre documentaires sur la sécurité nautique réalisés en anglais par la GCC à l'intention des Inuit a été présentée sur les ondes de la télévision communautaire.

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1.11 Recherches et sauvetage (SAR)

Le 30 octobre, à 9 h 20, le CCS de Halifax a déclenché une opération SAR et des aéronefs de type Hercules et Aurora, en provenance de la base des Forces armées canadiennes de Halifax, ont été dépêchés sur les lieux. De plus, des hélicoptères, des bateaux de pêche et un navire de Pêches et Océans de la région d'Iqaluit ont pris part aux recherches.

Quand le «QASAOQ» a été retrouvé le 1er novembre, au sud de l'île Gabriel, l'épave était à demi submergée et la timonerie avait été arrachée par les vagues. Les deux survivants étaient demeurés sur l'épave pendant une soixantaine d'heures. Après avoir été recueillis, ils ont été conduits à l'hôpital d'Iqaluit.

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1.12 Notification et déploiement des ressources SAR

Dans l'Arctique canadien, plusieurs organismes prennent part aux activités SAR.

Il a été reconnu que, par le passé, certains problèmes s'étaient présentés au cours d'opérations SAR. Afin de résoudre ces problèmes, des réunions ont eu lieu entre les divers organismes concernés pour tirer au clair le rôle et les responsabilités de chacun d'entre eux. La correspondance portant sur les sujets à l'ordre du jour lors de ces réunions fait ressortir une certaine ambiguïté en ce qui concerne les procédures à suivre, surtout pour ce qui est d'aviser les organismes pertinents en temps opportun. Il a été convenu que les CCS de Halifax ou de Trenton seraient les seuls organismes à contacter pour les opérations SAR aéronautiques et maritimes, et que l'on devait communiquer directement avec le CCS pour l'aviser de la situation le plus tôt possible.

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1.13 Objectif national du système SAR

L'objectif national du système SAR est de prévenir les pertes de vie et les blessures en exécutant, à la suite de la notification d'un événement, des opérations SAR et d'assistance (en faisant appel à des ressources publiques et privées).

La réalisation de l'objectif national en matière de recherches et sauvetage repose sur deux types d'activités :

a) les opérations SAR comprenant la découverte des incidents, l'intervention et les secours proprement dits;

b) les mesures de prévention destinées à réduire le nombre et la gravité des incidents, par le biais de campagnes de sensibilisation du public et de la mise en application des lois.

Il existe trois niveaux d'urgence dans la conduite des opérations SAR en cas d'événements maritimes soit : INCERTITUDE - ALERTE - DÉTRESSE.

Dans le cas à l'étude, toutes les communications radio entre le «QASAOQ» et le camp de Kuyait ont été effectuées sur la fréquence 5 210,00 kHz. La première communication concernant l'appel de détresse a eu lieu vers 19 h HAE, moment où le «QASAOQ» a signalé une voie d'eau, et la dernière communication vers 23 h HAE pour informer le camp de Kuyait que les 10 personnes abandonnaient le bateau dans un canot.

À partir de ce moment et tout au cours de la nuit, le camp de Kuyait a tenté d'entrer en communication radio avec Iqaluit.

Ce n'est que vers 7 h 15 HNE le matin du 30 octobre, que le service d'urgence d'Iqaluit a été informé de la situation. À ce moment-là, les niveaux INCERTITUDE et ALERTE étaient passés et celui de DÉTRESSE était en vigueur.

En raison d'une certaine ambiguïté dans la répartition des communications et du temps que le Groupe consultatif en matière de SAR de l'administration locale de la Ville d'Iqaluit a mis pour évaluer la situation, les services SAR n'ont été avisés qu'à 9 h 3, soit 1 heure et 13 minutes plus tard.

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2.0 Analyse

2.1 État de la coque du «QASAOQ»

Pour recouvrir de fibre de verre une coque en bois, il faut avoir de l'expérience et des connaissances bien précises. Il faut que le bois soit sec, libre de toute anomalie et propre, sinon la fibre de verre n'adhère pas à la coque. Le «QASAOQ» avait été à l'échouage sur la plage d'Iqaluit pendant deux ans sans protection contre les intempéries, ce qui rendait difficile un séchage adéquat de la coque.

Il est primordial, au moment de faire des travaux de réfection, que les parties qui sont en mauvais état à cause de la pourriture ou d'avaries, soient réparées ou remplacées avant qu'on y applique de la fibre de verre. La surface de ces parties doit être soigneusement préparée avant qu'on les recouvre de fibre de verre pour s'assurer d'une meilleure adhérence. Les techniques de pose de la fibre de verre, la qualité du matériel, les outils utilisés et l'endroit où le travail est effectué sont autant de facteurs qu'il ne faut pas négliger.

Les travaux de réfection du «QASAOQ» ont été effectués à l'extérieur dans des conditions atmosphériques parfois défavorables pour ce genre de travail. On doit utiliser de la fibre de verre et de la résine pour usages maritimes pour effectuer des réparations. Puisque le bateau a fait naufrage, la qualité de la fibre de verre utilisée n'a pu être vérifiée.

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2.2 Inspection du bateau

Le Règlement sur les petits bâtiments s'applique à toute embarcation de plaisance d'au plus 20 tonneaux munie en permanence ou provisoirement d'un moteur de 7,5 kW. Le règlement s'appliquait donc au «QASAOQ» puisque celui-ci était considéré comme étant un bateau de plaisance.

Apparemment, aucun agent de la sûreté d'Iqaluit n'avait visité le «QASAOQ» au cours des 20 dernières années; une telle visite n'était d'ailleurs pas requise en vertu des règlements. C'est au propriétaire du bateau qu'incombe la responsabilité d'avoir à bord l'équipement de sécurité exigé par le Règlement sur les petits bâtiments. Toutefois, le règlement prévoit qu'un agent de la sûreté peut, à tout hasard, visiter des bâtiments pour s'assurer qu'ils sont conformes aux exigences du règlement.

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2.3 Communications radio

Toutes les communications entre le bateau et les stations terrestres ont été effectuées sur la fréquence 5 210,00 kHz, fréquence qui n'est pas réservée au service maritime.

L'appareil utilisé ne pouvait émettre sur la fréquence de détresse maritime de 2 182 kHz et, par conséquent, ne permettait pas d'entrer en communication avec la SRGC d'Iqaluit. Toutefois, un technicien peut facilement ajouter à ce type d'appareils la fréquence utilisée pour les situations de détresse maritime.

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2.4 Organisation des opérations SAR dans l'Arctique

Des mécanismes d'intervention rapide ont été mis en place pour assurer une couverture prompte et efficace en cas de sinistre.

Le CCS doit couvrir de vastes territoires. Comme il est possible que plus d'une opération SAR soient en cours simultanément, il est essentiel que le CCS soit avisé le plus tôt possible. Un déploiement rapide des ressources est la clé du succès lors de missions SAR.

La rapidité avec laquelle l'information est retransmise permet au CCS d'organiser et de rassembler des ressources additionnelles pour le cas où l'on aurait à les déployer.

Il semble que l'EMO n'ait pas pleinement apprécié la nécessité d'aviser immédiatement le CCS, puisqu'il s'est écoulé environ 1 heure et 13 minutes avant que l'information soit communiquée au CCS. Heureusement, dans le cas à l'étude, le temps qu'on a mis à aviser le CCS de l'incident n'a joué aucun rôle dans le dénouement des événements.

Dès qu'une SRGC est prévenue d'un incident qui requiert une intervention SAR, il incombe à l'opérateur radio d'obtenir les renseignements pertinents et de prévenir le CCS le plus tôt possible.

En l'occurrence, malgré le fait que la SRGC avait été prévenue de l'incident, l'opérateur radio n'a pas obtenu l'information pertinente ni même contacté le CCS; il a plutôt donné le numéro de téléphone du CCS au répartiteur de nuit du service d'urgence.

La publication intitulée Station de radio : Normes d'exploitation , 1992 (TP 989) décrit la procédure de réception des rapports de sinistres maritimes par les SRGC.

L'article 5.20.2 du chapitre 2 de cette publication stipule : «Non seulement doit-il accuser réception du message de détresse ou de toute autre transmission indiquant l'existence d'une situation de détresse, mais l'opérateur radio de la Garde côtière doit également obtenir toute information, autre que celle contenue dans le message de détresse ou l'équivalent, qui pourrait aider à fournir de l'aide au navire en détresse.»

L'article 4.1.1 de ce même chapitre stipule, entre autres : «Dès qu'un opérateur devient informé d'un incident maritime, il doit dès que possible, aviser les autorités compétentes CCS/CSSM par circuit SARCOM.»

L'opérateur de la SRGC d'Iqaluit qui a reçu l'avis de détresse par téléphone le 30 octobre ne s'est pas conformé aux normes d'exploitation. Il n'a pas obtenu toute l'information quant à la nature de l'appel de détresse et il n'en a pas avisé le CCS de Halifax.

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3.0 Conclusions

3.1 Faits établis

  1. La quille, une partie du tableau arrière et certains galbords étaient pourris.


  2. Le propriétaire avait lui-même exécuté les travaux de réparation sur la coque.


  3. La qualité de la fibre de verre utilisée pour effectuer les réparations n'a pu être vérifiée.


  4. Pendant une vingtaine d'années, le «QASAOQ» n'a reçu aucune visite d'agent de la sûreté, et une telle visite n'était pas requise en vertu des règlements.


  5. Le bateau n'avait pas à son bord l'équipement de sauvetage requis pour les embarcations de plaisance.


  6. Les victimes ne portaient ni gilet de sauvetage, ni vêtement de flottaison individuel (VFI).


  7. Personne à bord du «QASAOQ» n'a pu communiquer avec la station radio de la Garde côtière (SRGC) d'Iqaluit parce que le radiotéléphone à bord du navire ne pouvait pas émettre sur les fréquences réservées au service maritime.


  8. L'opérateur de la SRGC ne s'est pas informé des détails de l'accident lorsqu'il a reçu l'appel initial de détresse.


  9. Les méthodes de notification en vigueur ont imposé un délai injustifiable à l'opération de recherches et sauvetage (SAR).


  10. Il s'est écoulé 1 heure et 13 minutes avant que l'Emergency Measures Organization (EMO) alerte les intervenants du Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Halifax.

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3.2 Causes

L'état de la coque du «QASAOQ», combiné à l'état de la mer et aux conditions météorologiques, a eu une incidence directe sur le naufrage. Le fait qu'il n'y avait aucun équipement de sauvetage à bord et qu'on a abandonné le bateau dans un canot non conçu pour recevoir 10 personnes a diminué les chances de survie des victimes. De plus, parce que

le radiotéléphone à bord du navire ne pouvait pas émettre sur la fréquence réservée aux situations de détresse, il n'a pas été possible de déclencher une opération de recherches et sauvetage plus tôt.

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4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Traitement des messages de détresse

Après l'accident, le personnel des organismes clés<5> qui sont appelés à participer aux opérations de recherches et sauvetage (SAR) dans le Nord et des représentants de l'administration locale se sont rencontrés pour examiner les responsabilités de chacun d'entre eux et pour discuter des méthodes relatives aux opérations SAR. Il a été convenu que le Centre de coordination du sauvetage (CCS) pertinent, Trenton ou Halifax, doit être avisé immédiatement de tout accident maritime. Pour éviter les malentendus et les délais, depuis le 1er avril 1996, un centre spécifique de l'Emergency Measures Organization (EMO) s'occupe des transmissions et des communications d'urgence.

4.1.2 Programme d'information sur la sécurité

Une série de quatre documentaires sur la sécurité nautique réalisés par la Garde côtière canadienne (GCC) à l'intention des Inuit a été présentée sur les ondes de la télévision communautaire de l'endroit. En outre, des affiches sur la sécurité et des exemplaires de la publication Petits bateaux de pêche : Manuel de sécurité (TP 10038) en inuktitut, qui portent un numéro sans frais, ont été distribués aux pêcheurs des environs.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le 28 mai 1996 par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

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Annexe A - Croquis du secteur de l'événement

Croquis du secteur de l'événement

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Annexe B - Photographies

Le <<QASAOQ>> à demi submergé tel que retrouvé par les services SAR.


Le <<QASAOQ>> à demi submergé tel que retrouvé par les services SAR.

Le <<QASAOQ>> à demi submergé tel que retrouvé par les services SAR.


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Annexe C - Sigles et abréviations

BST Bureau de la sécurité des transports du Canada
C Celsius
CCS Centre de coordination du sauvetage
EMO Emergency Measures Organization
FUM fonctions d'urgence en mer
GCC Garde côtière canadienne
GRC Gendarmerie royale du Canada
HAE heure avancée de l'est
HNE heure normale de l'Est
kHz kilohertz
m mètre(s)
MDN ministère de la Défense nationale
MF modulation de fréquence
mm millimètre(s)
noeud mille marin à l'heure
OMI Organisation maritime internationale
SAR recherches et sauvetage
SI système international (d'unités)
SRGC station radio de la Garde côtière
T. N.-O. Territoires du Nord-Ouest
UTC temps universel coordonné
VFI vêtement de flottaison individuel
° degré(s)

[1]  Voir l'annexe C pour la signification des sigles et abréviations.

[2]  Les unités de mesure dans le présent rapport sont conformes aux normes de l'Organisation maritime internationale (OMI) ou, à défaut de telles normes, elles sont exprimées selon le système international (SI) d'unités.

[3]  Les heures pour le samedi 29 octobre 1994 sont exprimées en HAE (temps universel coordonné (UTC) moins quatre heures).

[4]  Le 30 octobre 1994 était le dernier dimanche d'octobre. Toutes les heures sont donc exprimées en HNE (UTC moins cinq heures) à compter du dimanche matin.

[5]  Le ministère de la Défense nationale (MDN), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), les centres de coordination du sauvetage (CCS), la Garde côtière canadienne (GCC), et l'Emergency Measures Organization (EMO) du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.



Mise à jour : 2002-09-27

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