Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
Déclaration annuelle 2005
Sommaire
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) est entrée en vigueur le 1er
avril 2003. Elle a modifié considérablement la justice applicable aux adolescents au Canada à plusieurs
égards, notamment les bases philosophiques du système de justice pour les adolescents, le recours aux tribunaux par
opposition aux mesures extrajudiciaires prises pour lutter contre la délinquance juvénile, les groupes consultatifs, les restrictions au recours au placement sous garde avant procès, les
principes de détermination de la peine; les options en matière de peine, la suppression du renvoi des cas devant le tribunal pour
adultes et le placement sous garde ainsi que la réinsertion sociale des jeunes délinquants. Les modifications législatives dans
ces domaines visaient à régler les problèmes qui se posaient dans le système de justice pour les adolescents sous le régime de
l'ancienne loi, la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC).
Il existe des limites à ce qui peut être accompli par l'entremise de la loi elle-même. C'est pourquoi la LSJPA s'inscrit dans
l'approche beaucoup plus globale du gouvernement fédéral visant à répondre à la délinquance juvénile et la réforme du système
de justice pour les adolescents au Canada. Les principaux éléments de l'approche non législative plus globale comprennent
notamment une augmentation du financement fédéral accordé aux provinces et aux territoires, l'adoption des mesures de prévention
du crime, l'établissement de programmes innovateurs et efficaces, la formation des professionnels, la réalisation de recherches,
l'établissement de partenariats avec d'autres secteurs (notamment les secteurs de l'éducation, de la protection de l'enfance
et de la santé mentale) et les améliorations apportées dans les collectivités autochtones. Un autre
élément de l'approche non législative pouvant avoir des incidences importantes sur la réforme du
système de justice pour les adolescents concerne la mise en œuvre de la LSJPA par les provinces et les territoires, notamment les décisions ayant trait aux programmes
à financer et l'élaboration des politiques et des directives qui soient conformes à la LSJPA.
Objet et sources d'information
Ce sommaire met en évidence les points saillants et les conclusions de la Déclaration annuelle sur
la LSJPA pour l'année 2005 avant la publication même de la Déclaration annuelle qui aura lieu sous peu.
La déclaration annuelle vise à rendre compte de la manière dont le système de justice pour les
adolescents fonctionne sous le régime de la LSJPA, en vue de savoir si les objectives stratégiques de la Loi
sont atteints et de déterminer les problèmes devant être résolus. Idéalement, il aurait
fallu que la discussion engagée dans la déclaration repose sur des données statistiques fiables et exhaustives.
Cependant, il faudra attendre encore un certain temps avant que le Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ)
fournisse de telles données sur l'application de la LSJPA. Cette déclaration s'appuie principalement sur les sources
suivantes :
1. Carrington et Schulenberg, Les incidences de la LSJPA sur les pratiques
policières en matière d'inculpation des adolescents : une évaluation statistique préliminaire, 2005 [Traduction]
(en cours de publication).
Cette recherche visait à fournir une évaluation préliminaire fondée sur les données
statistiques nationales et à examiner dans quelle mesure, au Canada, les pratiques policières concernant le
recours aux inculpations ou à d'autres mesures évoluent en réponse à la nouvelle orientation
législative prévue dans la LSJPA. Les données de 1986 à 2003 recueillies au cours de
l'Enquête sur la déclaration uniforme de la criminalité (DUC) ont été analysées
en vue de déterminer les changements survenus concernant les pratiques des indicateurs statistiques de la police en
matière d'inculpation des adolescents.
2. Moyer, Comparaison des dossiers traités sous le régime de la LJC et les
six premiers mois de l'application de la LSJPA, 2005 [Traduction] (en cours de publication).
Ce rapport a été rédigé en vue de répondre à certaines questions relativement au traitement des affaires devant le
tribunal pour adolescents avant et après l'entrée en vigueur de la LSJPA. Deux études menées dans cinq principaux centres
ont permis de recueillir des données quantitatives à partir de dossiers du système de justice concernant des affaires
traitées sous le régime de la LJC et sous le régime de la LSJPA. Les échantillons de dossiers relatifs à la LJC choisis
au hasard concernaient des affaires traitées au cours de l'exercice 1999-2000. Les dossiers relatifs à la LSJPA ont été
traités dans les six premiers mois de l'application de la nouvelle loi. Les tribunaux qui ont fait l'objet de l'étude
sont les suivants : Halifax, Toronto et Scarborough, Winnipeg, Edmonton, Vancouver et Surrey. Il faut garder en mémoire
les mises en garde suivantes lors de la lecture des énoncés reposant sur ce rapport :
- Les dossiers traités dans le rapport ne sont pas nécessairement représentatifs de toutes les affaires traitées sous le
régime de la nouvelle loi.
- L'évolution observée dans le rapport ne devrait pas être considérée comme
étant nécessairement le fruit de la nouvelle loi. D'autres facteurs, notamment des facteurs non
législatifs déjà mentionnés peuvent avoir une incidence entre 1999 et les six premiers mois
de l'application de la LSJPA.
- Le rapport fournit des renseignements relatifs aux proportions (aux pourcentages) des dossiers traités par les tribunaux
pour adolescents et non relativement au nombre d'affaires
- Certaines différences qui sont mentionnées dans le rapport n'atteignent pas le seuil de la signification statistique,
mais elles indiquent des changements possibles sous la LSJPA qui méritent une recherche supplémentaire.
3. Ministère de la Justice du Canada, Forum national sur la mise en œuvre de
la LSJPA, 2005.
Ce Forum visait à obtenir les meilleurs renseignements disponibles sur le fonctionnement du système de justice pour
les adolescents au cours des deux premières années de l'application de la LSJPA. En l'absence de données détaillées, le
ministère de la Justice a invité les principaux intéressés à faire part de leurs observations et de leur expérience
relativement à la mise en œuvre de la LSJPA ainsi que de toute donnée dont ils disposent au niveau provincial ou local.
Ces principaux intéressés représentaient un échantillon des personnes les plus compétentes à l'échelle du pays sur la
manière dont la LSJPA est interprétée et appliquée. Près de la moitié des participants étaient des fonctionnaires
fédéraux, provinciaux et territoriaux et l'autre moitié était des avocats de la défense, des représentants d'organisations
non-gouvernementales et des chercheurs. Il convient de rappeler qu'à l'exception des données fournies, les déclarations
faites par les participants au cours du Forum n'étaient pas nécessairement représentatives de la situation dans une
administration donnée ou un secteur professionnel.
Il est clair, compte tenu de ce qui précède, qu'il y a des limites aux sources utilisées dans
la déclaration et par conséquent, les déclarations sur la manière dont le système de justice
pour les adolescents fonctionne sous le régime de la LSJPA devraient être envisagées avec
réserve. Néanmoins, même si les conclusions de la déclaration sont préliminaires, elles sont
fondées sur les renseignements les plus fiables disponibles concernant les premiers temps de l'application de la
LSJPA. Ces renseignements comprennent des données statistiques relatives aux activités exercées
aux niveaux national et régional ainsi que l'avis éclairé, l'expérience et les observations
des fonctionnaires et des experts professionnels dans le domaine de la justice pour les adolescents qui interviennent
sur le terrain partout au pays.
Même si ces conclusions ne portent pas nécessairement sur le fonctionnement du système de justice pour les adolescents
dans son ensemble, elles permettent de jeter un premier regard sur l'application de la LSJPA et constituent un fondement
qui servira aux fins d'autres recherches et analyses.
Cette Déclaration est structurée selon les phases du processus du système de justice pour les jeunes. Les conclusions
pour chaque phase sont les suivantes :
I. |
MESURES INITIALES: LES ACCUSATIONS, L'UTILISATION DES TRIBUNAUX ET LES MESURES
EXTRAJUDICIAIRES
|
A. |
Mises en accusation
|
1. |
En 2003, le taux de mises en accusation contre des jeunes a chuté de 16 % par rapport aux
données de 2002, ce qui constitue la baisse annuelle la plus importante enregistrée depuis 1977. |
2. |
On a relevé une réduction importante du nombre d'accusations portées pour des infractions moins graves,
mais cette réduction diminue à mesure qu'augmente la gravité des infractions. |
3. |
Constatation d'une légère baisse en 2003, des taux de mises en accusation par les
policiers pour des infractions contre l'administration de la justice, par rapport aux taux les plus hauts; toutefois
le taux enregistré en 2003 est encore considérablement plus élevé que ceux enregistrés
avant 1999.
|
B. |
Mesures extrajudiciaires
|
1. |
Il y a eu une augmentation du recours aux mesures extrajudiciaires par les policiers et les
renseignements préliminaires indiquent qu'ils utilisent tout l'éventail des mesures prévues à l'article 6. |
2. |
Dans les provinces et territoires où il y a des programmes de mises en garde par le procureur ou
d'examen préalable à l'inculpation, certains procureurs semblent faire des mises en garde et encourager les policiers
à avoir davantage recours aux mesures extrajudiciaires. |
3. |
Élargissement du filet : les données nationales recensées par le CCSJ pour l'exercice 2003 n'indiquent
aucune augmentation significative du nombre de jeunes qui ont eu affaire avec le système de justice pour adolescents,
cependant on constate des cas où il semble y avoir eu un élargissement du filet en ce qui a trait à l'utilisation des
programmes de mesures extrajudiciaires. |
4. |
Il n'existe pas, à l'heure actuelle, des données suffisantes qui permettent de déterminer si
l'utilisation des mesures extrajudiciaires, en particulier des sanctions extrajudiciaires, est proportionnelle à la
gravité de l'infraction. |
5. |
Des éléments de preuve indiquent que l'on pose parfois des conditions à l'utilisation de certains
renvois par les policiers, ce qui va à l'encontre des objectifs de la réforme aux étapes initiales du processus.
|
II. |
LA DÉTENTION AVANT LE PROCÈS
|
A. |
La détention policière
|
1. |
On ne peut établir avec certitude qu'il y a eu un accroissement ou une diminution de la
détention policière des adolescents sous le régime de la LSJPA. |
2. |
Sous le régime de la LSJPA, des adolescents qui avaient manqué aux conditions d'une
ordonnance de probation ou qui ont été déclarés coupables à à trois reprises ou plus
sont considérablement plus susceptibles d'être détenus par les services de police. |
3. |
On n'a constaté aucun changement significatif du taux de détention policière pour les adolescents
accusés d'actes criminels contre la personne. |
4. |
Sous le régime de la LSJPA, on n'a constaté aucun changement significatif des formes de remise en
liberté utilisées par les services de police. |
5. |
Comparativement à l'année de référence 1999-2000, sous le régime de la LSJPA, les services de police
étaient plus susceptibles d'imposer des conditions aux adolescents qu'ils avaient remis en liberté et la moyenne
des conditions de remise en liberté était notablement plus élevée.
|
B. |
Détention suite à une audience sur le cautionnement
|
1. |
Sous le régime de la LSJPA, le nombre d'admissions des adolescents en détention a
diminué, même si la proportion des adolescents détenus suite à une audience sur le
cautionnement n'a pas considérablement changé au cours des six premiers mois de l'entrée en
vigueur de la LSJPA. |
2. |
Sous le régime de la LSJPA, une plus faible proportion des adolescents accusés d'avoir commis des
infractions moins graves contre la personne étaient détenus que dans le cadre de la LJC, mais cette différence n'est
pas statistiquement significative. |
3. |
Sous le régime de la LSJPA, une plus faible proportion des adolescents qui avaient fait l'objet d'une
condamnation antérieure pour manquement aux conditions d'une ordonnance de probation étaient détenus que dans le
cadre de la LJC, mais cette différence n'est pas statistiquement significative. |
4. |
Sous le régime de LJC et de la LSJPA, les adolescents qui avaient commis trois infractions antérieures
ou plus, étaient beaucoup plus susceptibles d'être détenus que ceux qui avaient commis moins d'infractions ou qui en
étaient à leur première infraction. |
5. |
Sous le régime de la LSJPA, la moyenne des jours de détention n'a pas changé de manière significative.
|
C.
|
Application des paragraphes 29(1) et 29(2)
|
1. |
Malgré l'interdiction de substituer la détention à des services de protection de la jeunesse
(paragraphe 29(1)), certaines administrations ont encore recours à la détention en vue de répondre aux besoins de ces
services. Dans d'autres administrations, la prohibition a été respectée. |
2. |
La présomption à l'encontre de la détention (paragraphe 29(2)) a eu des répercussions considérables et a
entraîné la remise en liberté de nombreux adolescents qui, sous le régime de la LJC, auraient été détenus. |
3. |
Selon les tribunaux, la présomption à l'encontre de la détention (paragraphe 29(2)) l'emporte sur les
dispositions du Code criminel établissant une inversion de la charge de la preuve.
|
D. |
Les conditions de remise en liberté
|
1. |
Le nombre moyen des conditions de remise en liberté imposées par les tribunaux, sous le régime de la
LSJPA demeure identique à celui sous le régime de la LJC. |
2. |
On n'a constaté aucun changement important relativement au recours aux conditions spécifiques de remise
en liberté.
|
III. |
DÉTERMINATION DE LA PEINE
|
A. |
Options au chapitre de la détermination de la peine
|
1. |
Près de vingt pour cent des peines imposées sous le régime de la LSJPA comprenaient au
moins une nouvelle option parmi les suivantes : la réprimande, l'ordonnance de fréquenter un lieu où est offert un
programme, l'ordonnance de suivre un programme d'assistance et de surveillance intensives et l'ordonnance différée
de placement sous garde et de surveillance.
|
B. |
Peines comportant le placement sous garde
|
1. |
Sous le régime de la LSJPA, on impose beaucoup moins de peines comportant le placement sous garde. |
2. |
Sous le régime de la LSJPA, moins de peines comportant le placement sous garde sont imposées pour
toutes les catégories importantes d'infractions. Pour la plupart des catégories, la baisse est statistiquement
signficative. |
3. |
Lorsqu'une peine comportant le placement sous garde est imposée sous le régime de la LSJPA, il y a
beaucoup plus de chefs accusations que lorsqu'une ordonnance de placement sous garde est rendue sous le régime de la
LJC. |
4. |
Aux termes de la LSJPA, l'adolescent qui a des antécédents judiciaires est beaucoup moins susceptible
de se voir imposer une peine comportant le placement sous garde que dans le cadre de la LJC.
|
C. |
Probation
|
1. |
Sous le régime de la LSJPA, il y a eu considérablement moins d'ordonnances de probation. |
2. |
Sous le régime de la LSJPA, la durée des ordonnances de probation reste la même, mais le
nombre de conditions a augmenté considérablement et on impose plus de conditions onéreuses. |
3. |
Le nombre de peines comprenant le placement sous garde et la probation a diminué considérablement sous
le régime de la LSJPA, mais le pourcentage d'adolescents qui font l'objet d'une ordonnance de probation une fois que
la peine comportant le placement sous garde a été purgée est à peu près le même.
|
D. |
Application des dispositions de la LSJPA sur la détermination de la peine
|
1. |
Il semble que les dispositions de la LSJPA sur la détermination de la peine aient eu d'importantes
répercussions sur les décisions, particulièrement lorsqu'il s'agit des peines comportant le placement sous garde. |
|
a) Une déclaration de culpabilité pour une infraction grave (acte criminel) et plusieurs déclarations
de culpabilité aux termes de la LSJPA constituent un facteur prédictif fort d'une peine comportant un placement sous
garde dans le cadre de la LSJPA. Cette combinaison constituait un facteur prédictif faible d'une ordonnance de
placement sous garde sous le régime de la LJC. |
|
b) Une violation des conditions de l'ordonnance de mise en liberté sous caution n'est pas un facteur
prédictif d'une peine comportant un placement sous garde sous le régime de la LSJPA. Mais ce n'était pas le cas sous
le régime de la LJC. |
|
c) La violation, par l'adolescent, des conditions de la probation augmentait la possibilité d'une
peine comportant un placement sous garde sous le régime de la LJC, mais ce n'est pas le cas dans le cadre de la LSJPA.
|
|
d) Une déclaration de culpabilité pour une infraction avec violence était un facteur prédictif d'une
peine comportant un placement sous garde sous le régime de la LJC et l'est également sous le régime de la LSJPA. |
|
e) Le fait que l'adolescent était aux prises avec des problèmes sociaux ou psychologiques augmentait la
possibilité d'une peine comportant un placement sous garde sous le régime de la LJC, mais ce n'est pas le cas dans le
cadre de la LSJPA.
|
E. |
Autres questions
|
1. |
Les tribunaux diffèrent quant à savoir si la dissuasion est un principe de la détermination de la peine
en vertu de la LSJPA. Il semble cependant que la plupart en soient venus à la conclusion que cet élément n'est pas
pertinent à la détermination de la peine sous le régime de la LSJPA. La Cour suprême du Canada doit être saisie de la
question en novembre 2005. |
2. |
Il semble que, dans certaines région au Canada, on procède à l'évaluation du risque dans le cadre du
processus de détermination de la peine. Cependant, la recherche soulève de graves questions sur la fiabilité et la
validité de cette mesure. En fait, certains tribunaux ont conclu que l'évaluation du risque n'a rien à voir avec la
détermination de la peine aux termes de la LSJPA et que la démarche peut même être préjudiciable à l'adolescent. |
3. |
Il semble que les juges n'aient pas souvent eu recours aux groupes consultatifs pour aider à
déterminer la peine. |