Environnement Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Discours

Notes pour l'allocution du
Très Honorable Brian Mulroney

à l'occasion du 20e anniversaire du Protocole de Montréal

au Palais des Congrès, Montréal

Le 16 septembre 2007


(Le texte prononcé fait foi)

Aujourd'hui marque un anniversaire qui nous rappelle non seulement l'importance de sauvegarder notre planète, mais également celle de nous engager tous à le faire, tous autant que nous sommes. pas seulement l'ONU, ni ses États membres, ni les gouvernements à tous les paliers, mais tous les éléments de la société civile, nous tous qui vivons sur Terre. Nous sommes tous environnementalistes, sans exception.

Voilà 20 ans, les nations du monde se sont réunies dans cette ville pour signer le Protocole de Montréal, plus précisément l'accord visant à mettre fin à l'appauvrissement de la couche d'ozone.

Et 20 ans plus tard, on constate avec bonheur que cet accord tient sa promesse, pour le plus grand bien de la planète, des 191 pays membres de l'ONU qui l'ont ratifié, des pays comme le Canada et, en son sein, des provinces et des États comme le Québec, et des villes comme Montréal. Pour notre plus grand bien à tous, nous qui pourrons ainsi léguer un monde viable à nos enfants et nos petits-enfants.

Et sachez que j'ai un intérêt direct dans cet heureux dénouement. Oui, j'étais à la tête du gouvernement national qui a accueilli la conférence de Montréal en 1987. Et j'ai eu le bonheur de la voir aboutir à la signature du protocole du même nom, grâce au leadership de notre ministre de l'Environnement Tom McMillan, que je souligne avec fierté, et aux efforts inlassables de nos fonctionnaires, qui ont toute ma gratitude. Avec le recul, c'était la première intervention concertée face à l'évolution du climat. À la fin d'un siècle, elle présageait le grand enjeu mondial du siècle suivant.

Mila et moi avons quatre enfants, et aussi quatre petits-enfants. Comme vous tous, nous savons que le plus bel héritage à leur laisser est la Terre elle-même, non pas seulement comme milieu de vie, mais comme milieu vivable.

Et que dirais-je à mes petits-enfants, comme à mes enfants il y a 20 ans, si l'un d'eux me demandait : qu'est-ce que c'est, la couche d'ozone, et pourquoi c'est si important? Je n'aurais pas de réponse scientifique.  Je ne chercherais pas la réponse dans les étoiles.  Je laisserais cela aux experts, réunis en grand nombre ici en cette importante conférence.

Mais je pense que j'aurais dit à mes enfants ou mes petits-enfants que la Terre est notre maison et que l'ozone, c'est le toit. Ou plus exactement l'isolant dans le grenier. Voilà 20 ans, il y avait un trou dans le toit, qui allait en s'agrandissant. Il y avait un énorme trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique.

Vingt ans plus tard, nous constatons des progrès très encourageants. C'est grâce à l'ONU, aux différents gouvernements, aux militants, mais aussi grâce à l'industrie qui a su mettre au point des solutions révolutionnaires, et grâce à chaque personne qui pèse dans la balance d'un avenir meilleur sur la Terre, notre maison sous ce toit.

Car nous pesons tous dans la balance, dans nos propres vies, dans la vie de nos villes, dans la vie de nos pays, afin d'assurer l'avenir de la vie ici sur notre planète.

L'environnement n'est pas seulement un enjeu mondial incontournable, c'est un enjeu qui illustre la faculté d'adaptation de l'humanité. On apprend de nos erreurs et on évolue. Il n'y a qu'à songer aux changements que les citoyens ont apportés dans leur vie quotidienne au cours de la dernière génération en recyclant leurs journaux, leurs cartons, leurs bouteilles. Il est tout naturel aujourd'hui de remplir son bac vert ou sa boîte bleu.

C'est aussi un enjeu qui nous rappelle que les problèmes exigent des solutions. Le grand défi de la vie publique, disait le Président Kennedy, c'est d'être un « idéaliste sans illusions ». Nous devons tous être idéalistes en matière d'environnement. Mais nous devons aussi nous défaire de nos illusions. Ne faisons pas du mieux l'ennemi du bien. Dans le monde réel, le progrès se fait par étapes, l'amélioration vient avant la perfection.

Le Protocole de Montréal nous offre l'exemple d'un traité international qui fonctionne. L'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Anan y voyait « peut-être l'accord international le plus fructueux à ce jour ». Le ministre de l'Environnement du Canada, John Baird, a déclaré : « Il n'est pas parfait, mais c'est la plus grande réussite du genre ». Elizabeth May, aujourd'hui chef du Parti Vert du Canada, mais qui était alors conseillère auprès de notre gouvernement, a écrit que le Protocole de Montréal était « le traité mondial le plus important pour préserver la vie sur Terre depuis celui de 1963 interdisant les essais atmosphériques d'armes nucléaires ». 

Les résultats sont éloquents. La semaine dernière, Le Devoir affichait en gros titre à la une de son édition du samedi : « Le protocole de Montréal plus efficace que Kyoto : cinq fois plus de GES (gaz à effet de serre) ont été éliminés en protégeant la couche d'ozone. » Citant des sources au PNUE, l'auteur écrivait : « En 2005, les efforts combinés des 191 pays ayant ratifié le protocole de Montréal avaient permis de réduire globalement de 95 % les substances appauvrissant la couche d'ozone. »

Comment en sommes-nous arrivés là, à ce 20e anniversaire du Protocole de Montréal, et quels progrès faisons-nous dans le grand dossier des changements climatiques? Il n'est pas exagéré de dire qu'ici à Montréal, la communauté mondiale a pris les premières mesures essentielles afin de préserver la vie sur Terre. À l'époque, on s'accordait en général sur la nature du problème, mais pas sur la solution. La controverse régnait encore même chez les savants. Cela ne vous fait-il pas penser au débat actuel sur les changements climatiques? Y a-t'il un écho dans la salle?

Un haut fonctionnaire américain avait beau conseiller alors de porter des chapeaux à large bord et d'utiliser plus d'écran solaire, la communauté mondiale n'était pas dupe : il fallait agir, avant même que se manifestent pleinement les effets de l'appauvrissement de la couche d'ozone.

Nous avons tiré de grandes leçons de notre expérience. Nous avons appris qu'il était possible d'agir malgré une connaissance imparfaite du problème. Nous avons appris qu'il était possible de nous entendre sur l'élimination immédiate de substances dangereuses, quitte à laisser la science fonder plus tard des interventions plus vigoureuses.

Le Protocole de Montréal était aussi le premier à établir le principe de la responsabilité commune mais différenciée. C'est ainsi que des pays en développement ont pu consommer davantage de substances nuisibles à la couche d'ozone, tandis que des pays développés comme le Canada et les États-Unis se sont engagés à effectuer des réductions considérables.

Le Protocole créait aussi un fonds multilatéral pour sa propre mise en ouvre, qui a fourni à ce jour plus de 2 milliards de dollards américains afin d'aider le monde en développement à renoncer progressivement aux substances nuisibles à l'ozone.

Un dernier point et non le moindre, le Protocole mobilisait l'industrie. Je vous cite l'exemple de DuPont, qui était alors le plus grand fabricant de chlorofluorocarbures (CFC).  En ratifiant ce traité, nous avons signifié clairement à DuPont notre ferme résolution d'éliminer ces substances dangereuses. Nous ne ferions pas marche arrière. DuPont a réagi de brillante façon, par des innovations technologiques qui non seulement ont accru son bénéfice, mais en ont fait aussi un modèle de responsabilité environnementale dans le monde entier.

Et voici que nous apprenons du PNUE, comme le rapportait Le Devoir la semaine dernière, que le Protocole de Montréal a eu des retombées secondaires imprévues, dont une réduction des GES.

Par la plume de son réputé correspondant en environnement, Louis-Gilles Francoeur, le quotidien écrivait en effet :« Les dernier calculs des experts onusiens sur les progrès accomplis dans le cadre de ce protocole indiquent que le retrait massif des substances appauvrissant la couche d'ozone (SACO) réalisé en 20 ans a eu un impact bénéfique, aussi capital que méconnu, sur le réchauffement du climat parce que plusieurs des substances nocives pour la couche d'ozone se sont aussi avérées de puissants gaz à effet de serre. »

Et dans sa chronique d'affaires, le journaliste Peter Hadekel a écrit : « Le Protocole de Montréal a prouvé que la communauté mondiale des affaires pouvait faire face à une menace mondiale. Il a été extrêmement efficace à éliminer graduellement les produits chimiques qui détruisaient la couche d'ozone dans notre stratosphère. » 

Et quelle leçon en tirons-nous pour notre lutte contre le réchauffement planétaire et les changements climatiques? Lorsque, l'an dernier, quand un groupe d'éminents environnementalistes m'a qualifié du premier ministre le plus écologiste du Canada -- un des plus grands honneurs qu'il m'ait été donné de recevoir, j'ai fait deux observations sur les problèmes environnementaux.

Je vous les offre à nouveau. D'abord, le processus importe peu, du moment que la classe dirigeante s'attaque au problème, avec fermeté au niveau national, et avec concertation au niveau international, surtout dans cette instance planétaire qu'est l'ONU.

Ensuite, il existe peu de solutions durables, en environnement comme ailleurs, sans l'engagement des États-Unis, sous le leadership de leur président. Il importe peu que le processus soit celui de Kyoto ou un autre, du moment que nous nous attaquons de toute urgence au réchauffement planétaire. Avec la feuille de route de Kyoto, ou une autre, l'important est de nous rendre où nous voulons aller.

Pour discuter des changements climatiques, il fallait tout de même que les États-Unis, la Chine et l'Inde, entre autres, soient à la même table. En refusant de signer, les États-Unis ont soustrait à l'emprise de Kyoto le quart des émissions mondiales de GES. La Chine et l'Inde ont bien signé, elles, mais ni l'une ni l'autre n'a pris d'engagements pour la période initiale de mise en ouvre, de 2008 à 2012.

Pourtant, les émissions de GES de l'Inde pourraient augmenter des deux tiers d'ici 20 ans. Sa consommation d'énergie a déjà doublé dans les deux dernières décennies du 20e siècle.

On prévoit que dès la fin de cette année, la Chine aura déclassé les États-Unis au premier rang mondial des émetteurs de GES. Ses émissions ont augmenté en effet de 80 p. 100 depuis 1990, en raison surtout d'une plus grande consommation d'électricité produite à partir du charbon.

On estime que sa demande totale d'électricité augmentera de 2 600 gigawatts d'ici au milieu du siècle. Pour avoir une idée de ce que cela représente, disons que la Chine a besoin de construire chaque année une fois et demie l'équivalent d'Hydro-Québec, qui est pourtant une des plus grandes entreprises d'électricité en Amérique du Nord.

Heureusement, nous faisons des progrès. Les États-Unis et le président Bush font preuve d'ouverture. Et je me réjouis de voir que le Canada et le premier ministre Harper font preuve de leadership.

À la fin du mois, le président Bush accueillera le monde à Washington, lors d'une conférence sur les changements climatiques présidée par la secrétaire d'État Condoleezza Rice. La Chine et l'Inde y seront. L'occasion est mémorable. Voici que le président des États-Unis d'Amérique appuie de toute l'autorité morale de sa charge -- que Theodore Roosevelt, grand écologiste avant l'heure, appelait « the bully pulpit » -- une conférence mondiale sur les changements climatiques. Voilà qui marque un retour de l'influence américaine dans les affaires multilatérales. Le monde doit y voir l'occasion d'accomplir de réels progrès dans ce domaine. 

De réels progrès comme ceux qu'on a vus en Australie ce mois-ci au Sommet de l'APEC, où le premier ministre Harper a joué un rôle de premier plan. L'accord intervenu à Sydney la fin de semaine dernière marque un engagement commun, de la part de pays développés et de pays en développement, de négocier en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques des mesures concrètes visant à ralentir, à stopper puis à inverser la croissance des émissions de GES.

Le premier ministre Harper en parle comme du « succès singulier » de cette réunion de l'APEC. Il y voit un énorme progrès et il a bien raison. Il a raison aussi d'y voir « un consensus naissant sur la nécessité pour tous les pays de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre».

Les critiques diront que les objectifs fixés sont facultatifs plutôt qu'obligatoires. N'empêche que Canada et la plus grande partie du monde ont raté les objectifs de Kyoto, pourtant obligatoires.

Tant qu'on ne les atteint pas, les objectifs ne sont rien d'autre que cela, des objectifs. Ce sont les résultats qui comptent. Et l'entreprise qui améliore son rendement environnemental voit invariablement augmenter son bénéfice au bout du compte.

C'est ce que nous avons vu avec DuPont dans le cas de la couche d'ozone, puis avec Inco et d'autres gros émetteurs de substances responsables des pluies acides. L'industrie canadienne des produits forestiers a volontairement réduit, de 44 p. 100 depuis 1990, le débit d'émissions nocives des usines de pâtes et papiers.  L'aluminerie Alcan de Montréal a réduit le sien de 25 p. 100, et s'est engagée à le réduire encore de 10 p. 100 d'ici 2010.

Kyoto a peut-être le mérite d'avoir braqué l'attention mondiale sur l'ampleur des changements climatiques, mais le problème avait fait l'objet d'une première convention mondiale au Sommet de Rio en 1992. Kyoto s'inscrit donc dans une continuité.

À partir de là, comment allons-nous maintenant mobiliser tout le monde dans l'élaboration d'un accord global pour après 2012? Des jalons importants ont été posés au Sommet du G-8 cette année, ainsi qu'à Sydney, et on fonde beaucoup d'espoir sur la conférence imminente de Washington et la prochaine rencontre des parties à Bali.

Quel que soit le nom qu'on donnera à cet accord sur l'après-2012, il n'a aucune chance de réussir sans les États-Unis, la Chine et l'Inde. Les trois seront présents à Washington, ce qui est un grand pas en avant.

Et quelle que soit la nature de cet accord, l'important est que le monde s'en donne un, comme il l'a fait voilà 20 ans à Montréal. Sans être parfait, le Protocole de Montréal a quand même contribué énormément à protéger la couche d'ozone. Encore une fois, ne faisons pas du mieux l'ennemi du bien.