Anciens Combattants Canada

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Notes pour une allocution de

L’honorable

Dr. Rey D. Pagtakhan , P.C., M.P.

Ministre des Anciens Combattants

Cérémonie au Cimetière militaire canadien de Dieppe

Dieppe, France
19/8/2002

Comparer au discours prononcé

Chers Anciens Combattants, Monsieur le Secrétaire, Monsieur le Préfet, Monsieur le Député-maire de Dieppe, Monsieur le Ministre Moonie, Monsieur le Ministre McCallum, Monsieur l'ambassadeur Chrétien, Distingués invités, Mesdames et Messieurs :

Je me joins à notre maître de cérémonie pour vous souhaiter la plus cordiale bienvenue en ce lieu sacré où reposent à tout jamais des hommes d'honneur - 707 soldats et marins canadiens - qui, pour la plupart, ont fait le sacrifice de leur vie en ce terrible jour d'août 1942.

Opération Jubilee, tel était le nom de code du raid sur Dieppe, un nom qui laisse présager une issue heureuse à une attaque qui, en réalité, était vouée à l'échec. Certes, les hommes qui ont traversé la Manche à l'aube du 19 n'en savaient rien. Mais ils ont eu tôt fait d'apprendre que la mort, à tout le moins le désastre, les y attendait. « Personne ne pouvait prendre Dieppe », tels ont été les commentaires succincts du lieutenant-colonel Lord Lovat, l'officier responsable du 4e Commando britannique qui était chargé de l'attaque sur le flanc ouest. Et personne n'a réussi.

L'attaque principale devait se faire sur la plage de galets devant Dieppe, et elle devait précéder d'une demi-heure l'attaque sur les flancs. Or les soldats ennemis, cachés et lourdement armés, attendaient.

Ils attendaient les hommes de l'Essex Scottish Regiment, qui se sont lancés à l'assaut du secteur Est, à découvert, et qui ont été fauchés par les mitrailleuses. Ceux-ci ont bien essayé à plusieurs reprises de dépasser les ouvrages de défense, mais ils ont toujours été repoussés, subissant à chaque fois de lourdes pertes. À 10 h 30, presque à court de munitions, les survivants ont tenté de regagner la grève de peine et de misère. Des 553 officiers et non-officiers qui ont donné l'assaut initial, 530 ont été blessés, dont 121, mortellement et 382 ont été faits prisonniers. Ils attendaient les Fusiliers Mont-Royal, qui ont été envoyés pour appuyer l'Essex Scottish. Ceux dont les péniches n'ont pas été détruites dans l'eau ont été fauchés sur la plage. 119 morts. 344 prisonniers. Ils attendaient le Royal Hamilton Light Infantry qui a débarqué à l'ouest de la promenade. Certains, qui ont pu franchir les premiers obstacles, se sont retrouvés sur un boulevard balayé par les balles et dans la ville, où ils ont dû prendre part à de violents combats de rue. Leur avancée a été de courte durée. Leur aumônier, le révérend John Foote, s'est distingué ce jour-là en s'exposant continuellement à une mort certaine pour aider à sauver les blessés. À la fin de son calvaire, il est descendu de l'embarcation qui l'aurait ramené vers la sécurité. Tout comme son collègue qui a été décoré de la Croix de Victoria, le lieutenant-colonel Merritt, il est resté avec ses hommes jusqu'à ce qu'il soit lui aussi fait prisonnier. Des 582 hommes du Rileys, 480 ont été tués ou blessés, et 175 ont été capturés par l'ennemi. Le désastre n'a pas épargné non plus les chars du Calgary Tank Regiment. Ils ont été débarqués plus tard que prévu. Par conséquent, l'infanterie n'a pas pu bénéficier d'un tir d'appui pendant les premières minutes cruciales de l'attaque. Leur avancée s'est faite sous un feu nourri jusqu'à ce qu'ils soient freinés, non pas seulement par les canons, mais aussi à cause du terrain accidenté et de l'étroitesse des rues. Quoi qu'il en soit, même les chars immobilisés ont continué à faire feu, pour appuyer l'infanterie et protéger l'évacuation, inévitable, plus tard ce jour-là. Pour un grand nombre des membres d'équipage des chars, l'issue du combat allait être la prison ou la mort. Au cours des prochain jours, nous parlerons des exploits héroïques des unités qui ont combattu à Puys et à Pourville. Nous rendons aussi hommage aux aviateurs du CARC qui, avec leurs camarades de la RAF, ont participé à l'une des plus importantes batailles aériennes de la Seconde Guerre mondiale. Nous saluons aussi nos marins qui se sont joints à leurs camarades britanniques pour monter à bord des péniches de débarquement, au péril de leur vie, afin de sauver ceux qui étaient restés sur les plages. Nous offrons toute notre gratitude aux commandos britanniques qui ont souffert avec les Canadiens et qui comme eux ont consenti des sacrifices, ainsi qu'aux membres du 1st U.S. Ranger Battalion. Dès le début de l'après-midi, l'Opération Jubilee était terminée. L'historien officiel de l'Armée a résumé dans cet extrait à la fois poétique et douloureux la fin du désastre :
C'est ainsi que se termina cette journée héroïque et amère. Sous les lumières voilées des ports anglais, des hommes sales et fatigués buvaient maintenant leur thé fort et se racontaient leurs exploits, pendant que les trains d'ambulance remplis de blessés roulaient lentement dans la nuit. Là-bas, sur les plages de Dieppe, les Allemands continuaient de ramasser les blessés, cependant que les corps de centaines de Canadiens gisaient encore là où ils étaient tombés. Des deux côtés de la Manche, les officiers des états-majors avaient déjà commencé à étudier les résultats et à tirer les conclusions du raid. Au-delà de l'Atlantique, dans d'innombrables villes et hameaux du Canada, les familles attendaient, le coeur serré, les nouvelles de leurs amis de l'armée d'outre-mer, de cette armée qui, après trois ans de guerre, venait de livrer sa première bataille.1
La valeur du raid continue à alimenter des débats contradictoires. Certains prétendent que ce fut un massacre inutile, qui n'a servi à rien, ni sur le moment, ni pour la conduite future de la guerre.
De nombreux autres croient cependant que l'opération était nécessaire pour la réussite de l'invasion du continent le jour J, deux ans plus tard. Lord Mountbatten était de cet avis :
Il ne fait aucun doute pour moi que la bataille de Normandie a été gagnée sur les plages de Dieppe. Pour chaque homme qui a perdu la vie à Dieppe, au moins dix ont été épargnés en Normandie en 1944.
Je ne sais pas si de telles opinions réconfortent nos anciens combattants de Dieppe ou les familles qui ont perdu leurs fils à tout jamais. Ils sont les seuls à porter le secret dans leur coeur. Il vaut mieux confier les évaluations historiques aux historiens.
Mais probablement que le meilleur bilan qu'on ait pu en faire vient d'un éditorial paru dans le New York Times un an jour pour jour après le raid. On pouvait y lire à peu près ce qui suit :

Les hommes à pied et les hommes dans les chars ont été soumis à un tir que même les plus courageux n'auraient pas pu endurer. Des centaines d'entre eux ont avancé aussi loin qu'ils l'ont pu et ont trouvé la mort, mais ces morts n'ont servi à rien, sauf de prouver ce que l'on savait déjà : la vaillance des troupes canadiennes...2

Un jour, les Britanniques et leurs alliés vénéreront deux endroits de la côte française. Il y aura Dunkerque, où la Grande-Bretagne a été sauvée parce qu'une armée battue n'a pas voulu se rendre. L'autre sera Dieppe, où de braves hommes ont trouvé la mort sans espoir, pour prouver qu'il y avait une mauvaise façon d'envahir le territoire. Ils auront leur part de gloire lorsque l'on trouvera la bonne façon.

Bien sûr, le cours de l'histoire a donné raison à l'éditorialiste.

À nos anciens combattants de Dieppe qui sont parmi nous aujourd'hui, je voudrais dire ceci : sachez que vous avez ouvert la voie aux Canadiens qui ont débarqué en Sicile en 1943 et à ceux qui se sont battus pour libérer le Nord de l'Europe en 1944 et en 1945.

Vous et vos camarades tombés au champ d'honneur avez payé de vos larmes, de votre sueur et de votre sang, du moins en partie, le prix de la paix mondiale. Ce lieu sacré témoigne de la tragédie de la guerre et du triomphe de l'esprit humain. Aujourd'hui, nous déplorons la guerre et nous rendons hommage au triomphe. Merci.


1Six années de guerre, repris dans Les forces armées du Canada 1867-1967, rédigé par le lieutenant-colonel D.J. Goodspeed (p. 122).

2Traduction d’un extrait de The Canadians at War 1939/45 (p. 187).

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