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Aux XIXe et XXe siècles, le gouvernement du Canada a collaboré avec divers organismes religieux pour établir un régime de pensionnats. L'objectif de ces écoles était d'enseigner le français, l'anglais, les valeurs euro-canadiennes, la religion et diverses connaissances aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits en vue de les assimiler à la société canadienne.
Entre 1831 et 1998, on trouvait un pensionnat dans toutes les provinces canadiennes (130 au total) à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick. Dès 1920, l'école était obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans pour la plupart des enfants autochtones. En tout et pour tout, des dizaines de milliers de jeunes autochtones ont fréquenté ces établissements.
Le sombre passé des pensionnats
Au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus
évident que les personnes qui ont fréquenté ces établissements
de force en ont gardé des séquelles. En fait, certains anciens
pensionnaires divulguent des histoires d'horreur. On parle de surpeuplement,
de négligence, de manque de nourriture, de travaux forcés et d'agressions
physiques, psychologiques et sexuelles hideuses. Un rapport de la Fondation
autochtone de guérison nous apprend ceci : « Essentiellement, les
pensionnats sont nés d'un effort organisé pour détruire
l'identité indienne de l'enfant. Le missionnaire Hugh McKay a écrit
en 1903 que le principal objectif du système était d'éduquer
et de coloniser un peuple contre sa volonté » (traduction libre).
En 1998, le gouvernement fédéral annonçait le lancement de l'initiative Rassembler
nos forces, le plan d'action du Canada pour les questions autochtones. Le
plan prévoit, entre autres, une aide financière de 350 millions de dollars. Cette
aide sert à appuyer les divers programmes de guérison communautaire visant à
aider les nombreuses personnes qui ont subi des sévices dans ces pensionnats.
Au début de 2006, la Fondation autochtone de guérison, qui finance des programmes
de guérison communautaire, a publié son rapport
final sur le cheminement de guérison. Cette démarche se poursuit à l'intérieur
et à l'extérieur des réserves et dans les régions rurales et urbaines de tout
le pays, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard. Le rapport indique en outre
les mesures à prendre pour veiller à ce que ce cheminement de guérison demeure
sur la bonne voie.
La mission de la Fondation autochtone de guérison consiste à « encourager et appuyer les peuples autochtones à concevoir, élaborer et renforcer des démarches de guérison durables qui visent à réparer les séquelles laissées par les agressions sexuelles et physiques subies dans les pensionnats, y compris les répercussions sur les familles d'une génération à l'autre. Le principal objectif de la mission est d'habiliter les Autochtones à s'aider eux-mêmes en leur fournissant les ressources nécessaires pour mettre en œuvre des initiatives de guérison, en les éduquant sur le processus de guérison et les besoins en la matière et en créant chez le public canadien un climat de compréhension ». Les activités financées par la Fondation au cours des six dernières années s'adressaient principalement aux anciens élèves et à leur famille, aux jeunes Autochtones et aux communautés autochtones. D'autres activités avaient pour but de sensibiliser l'ensemble de la population canadienne.
« Nous sommes allés droit au cœur de ce qui constitue une communauté. »
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Les générations s'unissent
« Nous avons remarqué, et cela n'étonnera personne, que les projets de nature culturelle ont tendance à être les plus fructueux, à engager le plus grand nombre de personnes et à donner les meilleurs résultats, déclare Wayne Spear, directeur des Communications à la Fondation autochtone de guérison. Les projets qui mobilisent diverses générations, les jeunes et les aînés par exemple, sont particulièrement puissants. Les Autochtones plus âgés n'ont commencé à parler de leur expérience dans les pensionnats que tout récemment. Ce manque de communication avait donc dressé des barrières entre les générations. »
Internet offre des ressources qui peuvent aider les diverses générations
à communiquer entre elles. Par exemple, la ressource Que
sont devenus les enfants, l'expérience des pensionnats autochtones est une
galerie de photos d'archives et de témoignages
pour aider les jeunes Autochtones à comprendre les expériences
vécues par leurs parents et grands-parents.
Activités nécessaires pour favoriser la guérison
Au cours des six dernières années, divers programmes ont été
instaurés pour promouvoir la guérison, allant de la gestion de
crises aux projets coordonnés, dont les suivants :
- Activités engageant la participation de chacun dont, entre autres,
un projet qui enseigne la couture aux femmes de divers groupes d'âge.
- Projets favorisant des activités pratiques. « Ces activités
créent un milieu rassurant où les gens se confient. Les souvenirs d'école
sont divulgués spontanément », déclare M. Spear.
- Combinaison d'approches thérapeutiques et occidentales. Les participants
peuvent se confier à qui ils veulent, un thérapeute ou un Aîné.
On leur demande s'ils sont plus à l'aise avec une démarche occidentale
ou autochtone. Certaines activités autochtones comprennent l'artisanat,
la chasse et les stratégies de survie, les jeux et la confection de
courtepointes, de couvertures et de paniers, « toutes des activités
qui font partie de la culture et de l'histoire de ces gens », fait remarquer
M. Spear.
- Programmes religieux. Certaines personnes tiennent à assister à ces programmes. Les Églises anglicanes et Unies du Canada offrent des programmes précis qui traitent des expériences vécues dans les pensionnats et des séquelles subies.
Rétablir l'harmonie communautaire
Les programmes de guérison ne répondent pas qu'aux besoins des survivants des
pensionnats. En discutant avec les Aînés, les jeunes commencent à comprendre
pourquoi les choses sont comme elles sont. « On grandit en présumant que
tous nos problèmes sont de notre faute, que c'est dans notre nature d'agir ainsi,
explique M. Spear. Nous n'avons jamais pu mettre ces problèmes en contexte.
Aujourd'hui, les jeunes savent qu'il y a une histoire derrière tout cela, que
cela n'a rien à voir avec eux et que ce n'est pas de leur faute. Ils se rendent
compte qu'ils ne sont pas de mauvaises personnes. Ils peuvent maintenant renouer
avec leur identité et apprendre à connaître leurs antécédents sans avoir à porter
ce fardeau. »
Les survivants quant à eux, ajoute M. Spear, ont l'impression qu'ils sont la
cause de tous les problèmes. « Pour les aînés, ces divulgations les aident
à combattre les préjugés. Ils reprennent petit à petit la vie communautaire
avec une valeur renouvelée. » En parlant du passé, ils réussissent à éliminer
certains tabous au lieu de les traîner comme un boulet. « Les gens se
rendent vite compte qu'il s'agit d'un problème structurel et non d'un échec
personnel. Ce qu'on a fait aux Autochtones partout au pays est une page de l'histoire
canadienne », ajoute M. Spear.
Les initiatives de la Fondation autochtone de guérison ont permis de réaliser
de grandes avancées dans le processus de guérison. M. Spear explique que l'on
sait par expérience qu'à partir du moment où une communauté décide de monter
un projet, il faut compter environ dix ans avant d'engager la pleine participation
de chacun et de constater des changements. Les premiers signes sont toutefois
prometteurs. « Nous sommes partis d'un vécu qui a été associé à la honte,
à la défaite et à de grandes blessures et nous avons réussi petit à petit à
assainir notre communauté. Nous sommes allés droit au cœur de ce qui constitue
une communauté », ajoute M. Spear.
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