COMMUNIQUÉSLe 18 mars 1997 Nº 52 M. AXWORTHY OUVRE UN COLLOQUE CANADA-OCDE Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, a ouvert aujourd'hui un colloque de deux jours sur les dépenses militaires dans les pays en développement. Le Colloque est coparrainé par le Canada et par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « À l'ère de l'après-guerre froide, la communauté mondiale a pris conscience du fait qu'on ne peut plus définir la sécurité uniquement dans le sens militaire du terme, a mentionné M. Axworthy dans son allocution d'ouverture. La sécurité humaine est également tributaire du respect des droits de la personne, du bon gouvernement, de la présence de ressources suffisantes à des fins d'investissement social et économique, ainsi que d'un développement durable sur le plan écologique. Nous devons trouver des façons de faire l'équilibre entre la sécurité militaire et la sécurité humaine. » Le Colloque d'Ottawa vise à approfondir le dialogue sur les efforts des pays en développement pour réaliser l'équilibre nécessaire entre leurs intérêts de sécurité et leurs besoins de développement. Parmi les participants, on retrouve des officiels de pays développés et en développement, des représentants d'institutions financières internationales, d'organisations régionales et d'organisations non gouvernementales, ainsi que des experts indépendants. Le Canada s'efforce de donner plus de visibilité à la question des dépenses militaires dans les pays en développement depuis que la question a été discutée aux sommets du G-7 tenus à Halifax (1995) et à Lyon (1996). Le Ministre a présenté l'approche du gouvernement canadien sur cette question dans le document de stratégie intitulé « Réduction des dépenses militaires dans les pays en développement », qui a été déposé à la Chambre des communes en juin dernier. - 30 - Le texte de la déclaration du Ministre au Colloque est joint à la présente. Pour plus amples renseignements, les représentants des médias sont priés de communiquer avec : Catherine Lappe Directrice des communications Cabinet du ministre des Affaires étrangères (613) 995-1851 Service des relations avec les médias Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (613) 995-1874 Ce document est aussi offert sur le site Internet du Ministère, à : http://www.dfait-maeci.gc.ca 97/15 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, À L'OCCASION DU COLLOQUE DE L'OCDE SUR LES DÉPENSES MILITAIRES DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT : SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT OTTAWA (Ontario) Le 18 mars 1997 Ce document se trouve également au site Internet du Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca C'est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue à Ottawa pour la tenue du présent colloque, parrainé conjointement par le Comité d'aide au développement [CAD] de l'OCDE [Organisation pour la coopération et le développement économiques] et par le gouvernement du Canada. Cette réunion, je l'espère, prendra appui sur les contributions découlant de quatre colloques précédents -- tenus à Tokyo, à Paris, à Bonn et à La Haye -- pour mieux faire comprendre cette question extrêmement importante. Je me réjouis tout particulièrement de ce que nous réunissons aujourd'hui non seulement des pays membres du CAD, mais également des représentants de pays en développement et d'organisations non gouvernementales. Ce n'est qu'en faisant participer ceux qui sont le plus directement touchés par le fardeau que constituent des dépenses militaires superflues -- ceux qui en voient les effets directs sur la vie des populations -- que nous serons en mesure de définir des solutions vraiment efficaces pour régler ce problème. À l'ère de l'après-guerre froide, la communauté mondiale a pris conscience du fait qu'on ne peut plus définir la sécurité uniquement dans le sens militaire du terme. La sécurité humaine est également tributaire du respect des droits de la personne, du bon gouvernement, de la présence de ressources suffisantes à des fins d'investissement social et économique, ainsi que d'un développement durable sur le plan écologique. Afin d'instaurer les conditions propices à la stabilité et à la paix, les gouvernements doivent promouvoir un développement économiquement durable, qui repose sur un consensus national. Dans certains pays, cela suppose nécessairement une réaffectation des ressources des forces armées en faveur d'usages plus productifs liés au développement. À l'échelle mondiale, les dépenses militaires ont diminué ces dernières années. Néanmoins, nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter. Il est extrêmement difficile de recueillir des chiffres qui soient fiables et qui soutiennent la comparaison, sans compter la difficulté de déterminer le volume des dépenses requises pour faire face aux besoins légitimes en matière de sécurité et de défense. Mais nous pouvons nous faire une idée de l'ampleur du problème à partir des chiffres partiels que nous possédons. Au début des années 1990, selon la banque mondiale, au moins 30 pays à faible revenu et à revenu moyen à faible dépensaient plus que 5 p. 100 de leur PIB [produit intérieur brut] pour la défense. Près d'un tiers de ces pays consacraient davantage de fonds aux dépenses militaires qu'à la santé et à l'éducation réunis. Et ces pays n'étaient pas tous de petits pays ou des pays en guerre. Certains des plus grands pays développés consacrent un pourcentage important de leur PIB aux dépenses militaires. Lorsque cela se produit, particulièrement dans les pays en développement plus démunis, il s'ensuit une baisse des ressources publiques déjà limitées que l'on peut consacrer à la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Parallèlement, ce phénomène peut entraîner une diminution de l'efficacité de l'aide au développement, de sorte que les pauvres en souffrent doublement. En 1995, à la partie « offre » de l'équation, les cinq plus grands exportateurs -- qui représentent 90 p. 100 de l'ensemble des exportations -- ont gagné quelque 28 milliards de dollars américains en ventes d'armes. Et bien entendu, un grand nombre de ces ventes étaient destinées aux pays développés. Mais même si, en termes absolus, les dépenses militaires des pays les plus pauvres sont limitées, elles égalent ou dépassent dans bien des cas l'aide au développement qu'ils reçoivent. Le Canada se préoccupe depuis plusieurs années des rapports entre les dépenses militaires et le développement. Nous avons tenu des discussions à la fois avec nos partenaires en matière de développement et avec d'autres donateurs, bilatéraux et multilatéraux, afin de chercher à mieux comprendre toutes les dimensions de cette question complexe. À la suite de ces discussions, j'ai déposé l'an dernier au Parlement un document exposant la position de notre pays. Notre objectif consiste à adopter une approche intégrée, qui aborde les diverses dimensions de cette question : développement, sécurité et exportation ou fourniture de matériel militaire. Nous considérons qu'une baisse des dépenses militaires excessives est plus probable dans un contexte national et régional qui est stable et sûr. Cela suppose la présence d'institutions démocratiques bien ancrées, d'un vigoureux débat public, ainsi que la transparence des comptes publics. Le Canada n'est pas le seul pays qui s'intéresse à la question des dépenses militaires dans les pays en développement. Sous l'égide de l'OCDE, on continue de préparer quatre études de cas régionales. Les conclusions préliminaires qui s'en dégagent mettent en relief certains thèmes importants qui se rapportent à vos discussions dans le cadre du présent colloque.
Le premier de ces thèmes a trait à l'importance du bon gouvernement et du renforcement des institutions démocratiques, qui constituent des conditions préalables à la diminution des dépenses militaires. De toute évidence, il est d'une importance cruciale de mettre en place de solides institutions qui garantiront le contrôle des forces armées par les civils. La formation de forces armées professionnelles comprenant leur rôle dans une société démocratique présente aussi une grande importance. Il en va de même pour le développement des capacités et des compétences des civils en matière de politique de défense. L'accroissement de la transparence des budgets et comptes publics favorise la réalisation de tous ces objectifs en permettant l'accès à des données plus fiables relativement aux dépenses militaires. Le Canada participe déjà, en compagnie d'autres donateurs, à des projets qui vont dans le sens de ces objectifs. En Haïti, par exemple, le Canada, les États-Unis et la France oeuvrent auprès de la Police nationale. Nous visons à développer les capacités des forces policières au point qu'elles puissent prendre en charge les fonctions en matière de sécurité qui devraient relever de forces policières civiles, mais qui, en Haïti, étaient accomplies par les forces armées. Le deuxième grand thème concerne l'importance du relèvement des capacités des organisations régionales et infra-régionales afin de promouvoir le dialogue sur la sécurité et des mesures de renforcement de la confiance. Le Canada estime que la consolidation de la sécurité à l'échelle régionale constitue un volet fondamental de la problématique de la réduction des dépenses militaires. Conformément à cette conviction, nous avons coparrainé avec l'Argentine des séminaires sur le maintien de la paix à l'intention des membres du Groupe de Rio, et avec la Malaisie et Brunei dans le cadre du Forum régional de l'ASEAN [Association des nations de l'Asie du Sud-Est]. Ces réunions ont non seulement fourni une occasion de discuter des nouveaux rôles des forces armées dans le contexte d'opérations internationales de maintien de la paix, mais elles ont également permis à des représentants des forces armées et à des civils d'échanger à propos de leurs rôles respectifs. Les initiatives régionales ont également prouvé leur efficacité dans le contexte de l'action que nous menons afin de conclure une interdiction des mines antipersonnel, et sur le plan du microdésarmement. Les travaux concrets effectués par l'Organisation de l'unité africaine, la Communauté de développement de l'Afrique australe, l'Organisation des États américains, ainsi que par les communautés de l'Afrique centrale et des Antilles à propos de la création de régions exemptes de mines nous rapprochent considérablement de la conclusion d'un accord mondial d'interdiction des mines terrestres d'ici à la fin de l'année. Il s'agit là d'un objectif que j'ai inscrit parmi les principales priorités de la politique étrangère canadienne. En ce qui concerne le micro-désarmement, le Groupe d'experts des Nations unies sur les armes à feu légères a engagé des travaux importants, passant en revue la recherche empirique et les expériences concrètes. Ces travaux ont clairement démontré que pour s'attaquer aux énormes problèmes d'ordre sécuritaire et social liés à la prolifération des armes à feu légères, il faudrait adopter des approches régionales fortement intégrées. Troisième grand thème connexe : celui de la transparence, aux échelles tant nationale qu'internationale. Dans ce contexte, le Registre des armes classiques des Nations unies et les rapports normalisés de l'ONU sur les dépenses militaires nationales représentent d'importants instruments de promotion de la communication de statistiques nationales transparentes et comparables. Ces instruments encouragent également la transparence sur le plan national en ce qui concerne les dépenses militaires. Ils contribuent donc au renforcement des capacités des institutions démocratiques nationales. La coopération sur ces trois thèmes revêt une importance décisive en vue de la réduction de la demande de dépenses militaires. L'autre moitié de l'équation concerne un comportement réfléchi sur le plan de l'offre. Les pays exportateurs qui sont attachés à des principes doivent s'attaquer au défi stratégique consistant à jauger leurs intérêts commerciaux légitimes au regard des avantages que procurerait l'imposition de contrôles à l'exportation d'armes. Les contrôles appliqués par le Canada figurent déjà parmi les plus sévères du monde et nos exportations vers les pays en développement à plus faible revenu sont très peu nombreuses. Nous effectuons des analyses minutieuses du contexte en matière de sécurité, de la situation des droits de la personne ainsi que des lois et pratiques des pays destinataires en ce qui a trait au contrôle des armes. L'an dernier, j'ai indiqué mon désir que soient interprétés de manière encore plus stricte les critères relatifs aux droits de la personne. Ce faisant, je vise à limiter encore plus le risque que de l'équipement militaire canadien serve à déstabiliser des pays, à attaquer des civils ou à faciliter un commerce illicite d'armes ou des actes de violence sur place. Le lien qui unit les dépenses militaires, la sécurité et le développement durable est complexe. Je ne me fais pas d'illusions : il n'existe pas de solutions simples aux questions que vous allez débattre au cours des deux prochains jours. Le premier défi consiste à élargir le consensus international quant à l'importance de cette question. En dernière analyse, le défi, c'est de promouvoir des moyens efficaces et cohérents d'encourager la réduction des dépenses militaires des pays en développement, là où cela est justifié, tout en tenant compte des préoccupations légitimes en matière de sécurité. L'élargissement du fossé qui sépare les pays nantis et les pays démunis nous préoccupe tous. Les dépenses militaires excessives et improductives ne peuvent qu'exacerber les tendances allant dans le sens de l'inégalité des revenus. Quel que soit le degré de difficulté des questions en cause, il nous faut nous y attaquer si nous voulons parvenir à un développement véritablement durable et partagé à l'échelle planétaire. J'attends avec un vif intérêt de prendre connaissance des propositions concrètes qui, j'en suis persuadé, se dégageront de vos discussions des deux prochains jours. Je vous remercie. |