Skip all navigation links
Skip main-navigation links
Défense nationale - Gouvernement du Canada
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Nouvelles et information La flotte Opérations et exercices Site de la Défence
Section jeunesse Carrières Album photo Enjeux stratégiques Média et liens
La marine Canadienne













Enjeux stratégiques
Enjeux et défis

Sécurité maritime dans les eaux canadiennes

Surveillance et sécurité maritime dans les eaux canadiennes

par le capitaine de vaisseau Peter Avis

Depuis septembre 2001, les gouvernements et les forces armées du monde entier tentent de trouver la bonne voie à suivre dans le domaine si profondément modifié de la sécurité du territoire national. En Amérique du Nord, où plusieurs ministères dont relèvent les questions d’ordre intérieur ont des responsabilités à assumer quant à la sécurité, les planificateurs militaires essaient de déterminer de quelles façons les forces armées pourraient utilement appuyer les efforts d’ensemble des gouvernements pour renforcer un système défaillant de sécurité intérieure. En particulier, la sécurité maritime nationale attire l’attention des gouvernements et des médias à cause de la vulnérabilité des routes maritimes et des ports face à des attaques terroristes. Cette vulnérabilité n’a rien d’étonnant, compte tenu que le commerce maritime ouvert et fluide connaît depuis vingt ans une expansion remarquable. Le gouvernement canadien s’efforce de colmater les brèches que cette nouvelle conjoncture a fait apparaître, et le présent article voudrait illustrer les efforts du Canada dans ce domaine.

LE TERRORISME A TRANSFORMÉ L’ESPACE DE COMBAT

En surgissant de nulle part et en frappant la population avec comme armes des moyens de transport civils (utilisés toutefois de manière militaire), les terroristes obligent à modifier la façon dont on doit envisager la sécurité intérieure. Avant le 11 septembre, il était facile de séparer les préoccupations des militaires et des civils en matière de sécurité, mais ce ne sera plus jamais le cas. Cette nouvelle forme de guerre asymétrique impose de faire converger les réactions des différents secteurs de l’État face à cette « menace sans drapeau ». L’idée que la surveillance maritime et ses nouvelles technologies doivent s’emboîter dans un système de collaboration intergouvernementale afin que l’information sur le terrorisme maritime puisse servir les objectifs nationaux s’inscrit dans cette tendance vers une plus grande coopération.

Rétrospectivement, il est aujourd’hui clair que les liens de niveau stratégique entre les ministères traitant des questions maritimes du gouvernement canadien se relâchaient avant le 11 septembre 2001. Les mandats particuliers de chaque ministère avaient créé des circuits fermés, et l’on ne ressentait pas à l’évidence le besoin de changer cette situation. Même le léger réajustement des structures lors de l’alerte du bogue de l’an 2000 a été éphémère. Aucune des agences gouvernementales individuelles ne disposait d’une image d’ensemble des activités, des points faibles, des juridictions et des menaces dans le secteur maritime. Cette situation n’était pas propre au Canada; la plupart des pays occidentaux vivaient dans ce secteur les mêmes problèmes d’affaiblissement et de dispersion.

LES BRÈCHES DANS LA SÉCURITÉ MARITIME AU CANADA

Avec un rivage de 243 772 km et une zone de responsabilité de plus de 11 millions de kilomètres carrés, le Canada fait face à un défi formidable dans sa recherche de sécurité maritime. Il est clair que, avec une population de seulement 31 millions et un PNB assorti, le pays se doit de déterminer des priorités dans la couverture de ses opérations de surveillance. Chaque jour, des navires transitent dans ses 250 ports. Dans une journée normale, environ 1700 navires mouillent dans la zone de responsabilité canadienne, et il va sans dire que le nombre de ceux qui ne sont pas rapportés augmente à mesure qu’on s’éloigne des principaux ports canadiens et des systèmes de gestion du trafic maritime du pays. En outre, la coordination représente un défi puisque beaucoup de ministères et d’agences, dont les mandats se chevauchent, fournissent des renseignements sur la situation maritime. L’objectif de la sécurité maritime est de savoir ce qui se passe, et dans quel secteur maritime avancé, de manière à pouvoir gérer une menace asymétrique potentielle avant d’avoir à réagir aux conséquences d’un désastre.

Plusieurs données illustrent l’étendue du commerce maritime et permettent de mieux faire comprendre à quel point l’économie canadienne dépend de sa libre circulation :

  • en 2001, le commerce maritime s’élevait à 310 millions de tonnes;
  • la valeur totale de l’économie canadienne atteignait alors 110 milliards de dollars;
  • en 2001, 1,3 million de conteneurs sont déchargés dans les ports du Canada;
  • chaque année, plus d’un million de conteneurs entrent sans contrôle au Canada et aux États-Unis par les ports de Vancouver, Montréal et Halifax.
Crude oil tanker.
Source : Collection de l'auteur

Pétrolier de brut.

Par rapport à ce solide commerce maritime, la capacité de surveillance maritime est plutôt décevante. Le Canada n’a pas la capacité suffisante de faire face aux menaces asymétriques qui semblent si évidentes depuis le 11 septembre 2001. L’échange d’informations et le partage des bases de données sont limités. Même s’il y a eu une bonne coordination entre ministères dans certains cas particuliers, la coordination routinière de la surveillance de l’ensemble de la zone de responsabilité canadienne a besoin d’être grandement améliorée. Qui plus est, les équipements physiques qui assurent une surveillance efficace (navires, aéronefs, stations radar et autres moyens de cueillette d’information) sont en nombre limité, engendrant de nombreuses brèches dans la capacité canadienne de surveillance.

Les événements du 11 septembre ont forcé le Canada à faire une série d’analyses de ses insuffisances afin de comprendre dans quelle direction orienter son plan national de surveillance. À court terme, il a été possible de réduire quelque peu le risque en élaborant un plan de surveillance axé sur le renseignement et l’analyse. Alors que toutes les zones sont jusqu’à un certain point surveillées, cette surveillance repose sur les rapports de trafic et les évaluations des menaces; et la capacité de pister un navire particulier parmi beaucoup d’autres laisse à désirer. La solution réside dans l’amélioration de la cueillette et de l’échange des informations entre les agences concernées de manière à permettre de cibler les activités et d’en dégager les renseignements. Grâce aux synergies qui en résulteront, les autorités nationales canadiennes pourront se concentrer sur l’inattendu, sur ces anomalies que provoqueront un jour les terroristes. On n’attrape Al Capone qu’en piégeant son comptable. Pour atteindre ce résultat final, il faut fusionner les données de différents partenaires gouvernementaux qui ne partagent normalement pas leurs informations. Cette fusion des données aboutit à la connaissance des situations chez les décideurs, ce qui est le résultat attendu de la surveillance. Cependant, même avec les centres embryonnaires de regroupement des données qui existent sur les côtes canadiennes, le réseau de surveillance maritime du pays a d’importantes lacunes que seule une amélioration des capacités et de l’efficacité pourra combler.

LES RÉACTIONS INITIALES

Dans les mois qui ont suivi les attaques du 11 septembre, le Canada et les États-Unis ont fébrilement concerté leurs efforts pour améliorer la sécurité maritime en renforçant la vigilance dans les ports et sur les routes de navigation. Dans certains cas, plus on apprenait de choses, moins l’image de la situation paraissait satisfaisante. En une mesure positive, les deux pays ont porté de 24 à 96 heures l’obligation pour les navires d’indiquer leur intention de pénétrer dans leurs eaux territoriales, ce qui allonge ainsi de beaucoup le délai d’avertissement requis pour faire enquête sur chaque navire. La sécurité physique dans les principaux ports a été renforcée et l’inspection des conteneurs a été accrue. Sans atteindre l’ampleur des dépenses faites aux États-Unis, le gouvernement canadien a dépensé 9,5 millions de dollars à l’amélioration de la sécurité publique depuis 2000. Ce n’est pas là un mince effort pour le Canada. Cet accent mis sur la lutte contre le terrorisme a rendu nécessaire la nomination du vice-premier ministre, l’honorable John Manley, au poste de chef de file de l’organisation de la réponse du Canada en matière de sécurité publique et de lutte contre le terrorisme.

Sous la direction de John Manley, on est à mettre en place une structure gouvernementale axée sur la sécurité intérieure avec au premier plan un comité interministériel sur la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme. Ce comité comprend des représentants du Bureau du Conseil privé, du ministère de la Défense nationale, du Solliciteur général, de l’Agence des douanes et du revenu Canada, de Citoyenneté et Immigration Canada, de Transports Canada, de Pêches et Océans Canada, de la Garde côtière et de la police. Depuis octobre dernier, ce comité tient des audiences et alloue des ressources aux ministères qui justifient les besoins les plus urgents.

Le 20 novembre 2002, ce comité a fixé cinq priorités pour guider le gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme :

  • empêcher les terroristes d’entrer au Canada;
  • dissuader les terroristes, les empêcher d’agir, les repérer, les poursuivre en justice et les éliminer de la circulation;
  • faciliter les relations entre le Canada et les États-Unis;
  • faciliter les initiatives internationales; et
  • protéger les infrastructures du pays.

Ce comité a aussi proposé au Cabinet plusieurs mesures spécifiques de sécurité maritime. Il a chargé Transports Canada de prendre la direction d’une évaluation globale des menaces et d’une analyse des secteurs vulnérables. La Garde côtière ainsi que Pêches et Océans Canada ont été chargés d’accroître la surveillance de l’accès aux eaux territoriales canadiennes et l’Agence des douanes et du revenu Canada, celle d’accroître la sécurité dans les ports, tout particulièrement dans la manutention des conteneurs. Un financement accompagnait ces nouvelles responsabilités.

Le ministre des Transports a été chargé de former un groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime. Ce groupe devait fournir au ministre des recommandations mûrement réfléchies qu’il présenterait au comité interministériel et au Cabinet. Il faut noter que les mandats des ministères canadiens diffèrent sensiblement de ceux de leurs homologues américains. Par exemple, au Canada, la Garde côtière n’a pas, à l’instar de la U.S. Coast Guard, un mandat large d’application de la loi; elle est plutôt une organisation chargée de la sécurité, de la surveillance et de l’administration.

Le groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime a reçu 60 millions de dollars pour une période de cinq ans afin de financer des projets essentiels en sécurité maritime. Trente-neuf millions ont été attribués à son Fonds de prévoyance, dont il a déjà réparti deux millions entre Pêches et Océans Canada, qui élabore un Système d’identification automatique des navires marchands, et le ministère de la Défense nationale, qui étudie comment améliorer la fusion et la gestion des données d’information maritime. Six autres millions ont été octroyés au ministère des Transports pour une évaluation constante des menaces qui pèsent sur les ports et de leurs vulnérabilités, et la Garde côtière a reçu 15 millions pour l’amélioration des systèmes de surveillance et de navigation.

Transporteur de vrac des Grands Lacs.
Source :  Collection de l'auteur

Transporteur de vrac des Grands Lacs.

UN PLAN DE SÉCURITÉ MARITIME

Un mémoire au Cabinet rédigé par le groupe de travail pour le comité interministériel a été approuvé en décembre 2002. Il formule pour la première fois un plan canadien de sécurité maritime et alloue des fonds. Il identifie les brèches les plus flagrantes du système actuel et détermine les méthodes de redressement des secteurs à problèmes. Il établit aussi des priorités dans les demandes de fonds par les ministères de façon à optimiser les dépenses des budgets attribués. Il reconnaît que tout plan de sécurité maritime repose sur la « connaissance des secteurs » et sur la capacité de gérer les données de manière à permettre aux responsables gouvernementaux de prendre les décisions appropriées dans les tâches qui leur sont assignées.

Le plan canadien de sécurité maritime contient beaucoup de bonnes idées qui pourraient aider d’autres pays en matière de sécurité et de surveillance maritimes. Il repose sur la notion de cercles concentriques qui s’éloignent de plus en plus du Canada. Le premier cercle, de faible rayon, entoure un port national tel que celui de Montréal. Le suivant, d’un rayon de 12 milles nautiques, couvre la zone intérieure et côtière jusqu’aux limites des eaux territoriales du Canada. Le troisième cercle, plus large encore, englobe les eaux internationales entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Le dernier cercle, enfin, couvre un port étranger tel que celui d’Anvers ou de Londres.

À chacun de ces cercles correspondent des activités spécifiques telles que la protection, la réaction, la connaissance des secteurs et la collaboration. Dans le modèle de ces cercles concentriques et de ces quatre activités de sécurité, le cercle relatif à un port national, correspondrait à des activités de protection comme la sélection du personnel, la sécurité physique (clôtures et caméras notamment), la fouille des conteneurs, etc. Dans le cercle des eaux côtières et des routes maritimes, on se concentrerait sur des activités combinées de connaissance des secteurs, de collaboration et de réaction. Ceci inclurait des activités de connaissance des secteurs comme la surveillance par navires, aéronefs, radar et satellites, des activités de collaboration comme l’échange et l’analyse de bases de données en vue de leur fusion, et des activités de réaction comme les arraisonnements et les fouilles. Dans le cercle entourant un port étranger, c’est la connaissance des secteurs et la collaboration qui dominerait avec la cueillette de renseignements et la coopération avec des autorités étrangères en vue de partager des informations sur les activités portuaires qui concernent la menace en question.

Ce modèle montre que les exigences de sécurité reposent de plus en plus sur le renseignement à mesure qu’on s’éloigne du Canada alors que, plus on est près du Canada, elles sont plutôt d’ordre matériel et réactionnel. L’objectif d’ensemble de ce système de sécurité est d’utiliser les informations le plus efficacement possible afin d’être en mesure de réagir à une menace avant qu’elle n’atteigne les eaux territoriales canadiennes.

Navire roulier.
Source :  Collection de l'auteur

Navire roulier.

Une conclusion très claire se dégage de ce modèle : compte tenu des capacités actuelles qu’a le Canada d’assurer sa sécurité maritime, la collaboration est un atout essentiel au fonctionnement d’ensemble de son système de sécurité. De même, la connaissance des secteurs, dont on a constaté les faiblesses dans les ports et les eaux côtières, dépend principalement de la surveillance maritime de la zone de responsabilité du Canada. Comme on l’a déjà fait remarquer, des ressources ont été consacrées à la surveillance des eaux territoriales canadiennes, mais des brèches importantes subsistent toujours. Pêches et Océans Canada, la Garde côtière, la Gendarmerie royale et le ministère de la Défense contribuent à la surveillance. D’autres ministères apportent aussi leurs contributions au tableau d’ensemble sous forme d’informations sur les navires, leurs équipages, leurs passagers et leurs cargaisons. Les navires eux-mêmes fournissent des informations quant à leur position, aux conditions météorologiques, et ils ont l’obligation d’indiquer 96 heures à l’avance leur intention d’utiliser les principales routes maritimes canadiennes. L’image d’ensemble de la situation maritime découle de la fusion de toutes ces informations et de leur combinaison avec les rapports des patrouilles navales et aériennes des différentes zones d’opération. Il importe d’insister sur le fait que les aéronefs sont de loin le meilleur des moyens de surveillance, alors que les navires sont le meilleur moyen de réaction. Pêches et Océans Canada fournit de l’information à partir de l’image d’ensemble de la situation maritime que lui fournissent les patrouilles de ses avions civils. Cette information en temps quasi réel est intégrée à l’image d’ensemble de la situation maritime des Forces armées et rendue accessible à tous les autres ministères grâce à un site Internet d’utilisation ouverte.

À la surveillance aérienne et maritime s’ajoutent les contributions croissantes des systèmes de radars et de satellites. Sur les côtes du Canada, la Garde côtière utilise plusieurs systèmes de contrôle du trafic des navires qui couvrent des points naturels de haute circulation avec des radars terrestres. Sur la côte atlantique, le ministère de la Défense a installé deux sites de radars de surface à haute fréquence qui peuvent suivre des navires d’au moins 3000 tonnes jusqu’à 170 milles des côtes. Cette technologie est à la fine pointe des systèmes de surveillance et de pistage de l’avenir au large des côtes canadiennes, surtout dans le cas de navires qui échappent aux autres systèmes automatisés de dépistage.

L’imagerie par satellite, qui utilise des détecteurs photographiques, électro-optiques, radar et autres, est aussi maintenant disponible. Elle n’est cependant qu’à un stade initial de développement, et ce n’est qu’à moyen terme qu’elle sera un atout de surveillance prometteur. Évidemment, les signalisations et le renseignement acoustique d’origine militaire s’ajoutent au tableau d’ensemble. Le Centre de navigation de l’OTAN, le Registre de la Lloyd, Fairplay sur Internet et le renseignement humain en provenance d’autres ministères sont aussi des sources d’information. Toutes ces sources ajoutent des pièces importantes à l’ensemble du casse-tête de la surveillance. Le défi actuel consiste à créer une structure capable de fusionner toutes les données de surveillance provenant de ces systèmes et de ces installations afin de connaître l’histoire complète de chaque navire. L’addition de la surveillance, du renseignement et de la fusion des données débouche sur la connaissance de la situation.

Départ d’un transporteur de conteneurs.
Credit :  Collection de l'auteur

Départ d’un transporteur de conteneurs.

LES NOUVELLES INITIATIVES

Plusieurs initiatives canadiennes de surveillance ont été traitées prioritairement et sont maintenant opérationnelles. Le Système d’identification automatique est une initiative de l’Organisation maritime internationale. Les gouvernements du Canada et des États-Unis appuient ce programme mondial et espèrent qu’ils sera opérationnel dans environ quatre ans. Pêches et Océans Canada et la Garde côtière canadienne ont reçu 1,5 million de dollars pour lancer ce projet. On a déjà dit qu’un réseau d’accès restreint à l’usage exclusif de l’administration fédérale était nécessaire si on voulait multiplier les avantages de la modeste capacité actuelle du Canada de regrouper des données. Un projet de fusion, de gestion et de partage des données d’information maritime a reçu un demi million de dollars pour étudier comment intégrer tous les ministères dans un réseau étendu et secret auquel chaque membre de la communauté maritime gouvernementale pourrait participer afin de gérer l’information. Ce traitement du renseignement et des données se ferait dans un centre national de coordination qui serait alimenté par des centres régionaux dotés d’un personnel interministériel.

En outre, le groupe de travail interministériel sur la sécurité maritime a récemment établi des liens de communication avec les comités interministériels d’opérations maritimes sur les côtes et avec le comité chargé de l’amélioration de l’identification des navires empruntant la Voie maritime du Saint-Laurent. Ces liens importants permettront aux décideurs fédéraux de transmettre promptement leurs informations et au flux d’idées de remonter du niveau opérationnel vers le centre de décision.

L’automne dernier, des membres d’entreprises privées de navigation et de ministères des gouvernements canadien et américain se sont réunis aux écluses de Saint-Lambert à Montréal. Cette réunion a donné naissance à un comité chargé de l’amélioration de l’identification des navires empruntant la Voie maritime du Saint-Laurent. Ce groupe a préparé un protocole pour l’identification des navires qui entrent dans les eaux continentales et traversent la Voie maritime du Saint-Laurent. Il faut noter que 70 p. 100 des navires qui empruntent cette voie se dirigent vers des ports américains; il est donc évident que les deux pays devront échanger des données et du renseignement afin de cibler les navires à risque. Grâce à cette entreprise de coopération, les renseignements s’échangent facilement, et les autorités canadiennes ont toute latitude pour vérifier les navires avant leur entrée dans les eaux américaines. De la sorte, un navire n’est inspecté qu’une fois, et le commerce n’est pas ralenti par une nouvelle inspection au port d’entrée de Messina. Par l’intermédiaire de ce groupe, le service canadien des douanes fait pression en faveur de la création d’équipes conjointes chargées de passer au crible chaque navire et de cibler des risques potentiels à partir d’informations provenant de sources bilatérales.

Outre le très prudent prolongement à 96 heures de l’obligation qu’ont les navires d’indiquer leur intention de pénétrer dans les eaux territoriales, plusieurs nouvelles mesures permettent aussi de recueillir plus d’informations. Le ministère de la Défense a déjà acheté deux sites de radars de surface à haute fréquence pour les utiliser sur la côte atlantique; ils sont en opération, et on leur fait subir divers tests. Ce système radar moderne utilise à partir de la côte des ondes qui épousent la circonférence terrestre afin d’accroître la portée des contacts à la surface. Le ministère de la Défense envisage d’installer 25 stations de ce type le long des trois côtes canadiennes pour suivre à la trace tous les navires qui s’en approcheraient. De même, la Garde côtière canadienne a intensifié ses patrouilles sur les Grands Lacs en soutien des efforts de la United States Coast Guard; pour sa part, la Gendarmerie royale a instauré un programme de surveillance côtière qui applique les mêmes principes que le Coastal Watch Program américain.

En guise de complément aux méthodes de surveillance, Pêches et Océans Canada et la Marine canadienne font équipe pour échanger les informations recueillies sur les côtes atlantique et pacifique par les vols de surveillance des entreprises privées de pêche et par ceux du ministère de la Défense. Ces informations sur la situation en temps quasi réel sont incorporées à la banque de données des centres d’intégration de données de la Marine à Halifax et à Victoria, puis offertes sur CANMARNET, un réseau de partage d’informations à usage ouvert. Le but de ces mesures est de créer une solide connaissance des situations qui permettra d’intercepter les menaces aussi loin que possible des côtes canadiennes. Enfin, le ministère de la Défense et la division hydrographique de Pêches et Océans Canada collaborent à faire la cartographie des fonds marins autour des principaux ports et routes maritimes en commençant par le fleuve Saint-Laurent. Ce travail prépare évidemment le pays à des scénarios de lutte contre les mines. L’entente avec les États-Unis sur l’échange de données permettra de transmettre ces informations à la US Navy et à l’US Hydrographic Service en échange d’informations de même nature sur les voies navigables communes aux deux pays.

LA COOPÉRATION BILATÉRALE

Plusieurs excellents projets de collaboration bilatérale viennent enrichir considérablement le tableau de la surveillance. Une initiative réussie, les équipes de ciblage conjoint des conteneurs en transit, a pris forme à Halifax, Montréal, Vancouver, Seattle et Newark; ces équipes canado-américaines qui regroupent plusieurs ministères vérifient les informations relatives aux conteneurs entrant dans les ports et ciblent les activités criminelles ou terroristes potentielles.

Le partage du renseignement et des informations tant dans les diverses régions que sur les côtes s’est avéré excellent puisque les deux pays ont, depuis des années, fait face à des problèmes similaires qui se chevauchent. Avec Transports Canada, l’Agence des douanes et du revenu et la Gendarmerie royale, la US Coast Guard s’est lancée dans un projet de partage des méthodes d’arraisonnement et de fouille de manière à pouvoir satisfaire les attentes de chacun des deux pays et à affermir la confiance mutuelle dans les procédures utilisées. En outre, à la suggestion du ministère de la Défense, la US Coast Guard ira de l’avant avec des exercices canado-américains en vue d’entraîner des équipes conjointes et de tester les protocoles bilatéraux. Grâce à ce genre d’initiatives entre plusieurs ministères des deux pays, les outils combinés des deux gouvernements nord-américains servent à produire une image efficace de la situation maritime.

DE LA SURVEILLANCE À L’ACTION COORDONNÉE

La surveillance fait partie intégrante de la sécurité des eaux territoriales d’un pays. Elle provient de plusieurs sources et prend de nombreuses formes. Pour atteindre ses objectifs, le Canada sera forcé de réexaminer les énormes défis qui se présentent à lui et de rechercher des synergies parmi les ministères du gouvernement dont les activités se chevauchent ou se complètent. En trouvant les moyens d’intégrer dans un système central les information obtenues de différents ministères, en analysant ensuite ces données et en les fusionnant avec des données de base par comparaison et sélection, on obtiendra une image commune à tous. Le Canada doit se doter d’une organisation d’ensemble qui donne forme à l’échange des informations et coordonne les activités qui en découlent. Il faut choisir un chef qui tienne le fort en organisant les données tirées de la surveillance en une image de la situation maritime qui offre aux décideurs un accès rapide aux informations pertinentes en appui de leurs décisions opérationnelles. Il en résultera une capacité nationale de fusionner les données des surveillances, de les analyser et de coordonner les actions dans le domaine maritime.

Depuis le 11 septembre 2001, il faut ne parler de surveillance que dans un contexte aussi large que possible si on veut obtenir de bons résultats en ce qui a trait à la sécurité des eaux territoriales. Même CANUS, le nouveau groupe canado-américain de planification qui sera situé au Colorado avec le NORAD, devra tenir compte de la connaissance des secteurs, de la collaboration intergouvernementale, du partage bilatéral et de l’intégration des données s’il veut remplir son mandat. Aussi la surveillance qui garantira la sécurité des eaux territoriales est-elle nécessairement un travail de coordination et d’intégration qui fera en sorte que les décisions qui découlent de ce processus neutralisent la menace avant qu’elle ne pénètre dans la zone menacée.

CONCLUSION

Tant le Canada que les États-Unis prennent très au sérieux la sécurité de leurs eaux territoriales. Force est de reconnaître que les ports et les voies navigables de l’Amérique du Nord sont vulnérables et pourraient être des cibles de choix pour de futures attaques terroristes. C’est la sensibilisation aux nombreuses com-posantes de la surveillance maritime qui formera la base d’un système de sécurité. Il faut assurer un dialogue continu et accroître la confiance mutuelle entre les pays pour qu’ils en arrivent à connaître leurs systèmes qui sont très différents et à comprendre comment en coordonner les fonctionnements pour réaliser des objectifs communs. À travers tous ces efforts pour maîtriser cet « espace de combat que les terroristes ont transformé », il appert que la seule voie à suivre est d’avancer de façon concertée en utilisant dans chaque pays des équipes de partenaires gouvernementaux, militaires et civils. Pour reprendre le jargon qui sert aujourd’hui à décrire les organisations qui manquent de liens et de communications internes, le cloisonnement engendre des vides. Ces vides, les terroristes les exploitent. Des équipes militaires de planification de deux ou plusieurs pays travaillant avec des experts civils aideront à éliminer ces vides au fur et à mesure que leur travail progressera. En mettant les ressources en commun dans les différents domaines de la surveillance maritime et en clarifiant les responsabilités et l’autorité de chacun, on pourra en travaillant ensemble mettre en place un système acceptable de sécurité maritime qui protégera de la menace terroriste.

Revue militaire canadienne

Le capitaine de vaisseau Peter Avis est directeur – Politique, opérations et état de préparation maritimes, au QGDN


Retour à la liste


Enjeux et défis :

Parole de l'amiral

Le Chef d'état-major de la Force maritime vous souhaite de joyeuses Fêtes

Examen exhaustif des besoins en personnel pour répondre aux demandes de la Marine de demain

Effets cruciaux pour les déploiements de la Marine aux quatre coins du monde

La Marine de demain

La sécurisation des frontières maritimes du Canada

Point de mire

Le « marathon » de la Marine canadienne dans la guerre contre le terrorisme

Sécurité maritime dans les eaux canadiennes

Rehaussement da la sûreté du système de transport maritime du Canada

La sécurité maritime

Surveillance et sécurité maritime dans les eaux canadiennes

Énoncé de la politique de défense

Déclaration du CEMFM au comité permanent sur la défense nationale

La politique de la défense du Canada et sa vision des capacités expéditionnaires

L’énoncé De La Politique de défense : Conséquences pour la Marine Canadienne