TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 14 février 1997
Projet de loi C-41. Motion de deuxième lecture etd'adoption des amendements du Sénat 8121
M. Hill (Prince George-Peace River) 8127
M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8133
M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8133
M. Hill (Prince George-Peace River) 8136
M. Hill (Prince George-Peace River) 8136
M. Leroux (Shefford) 8137
M. Leroux (Shefford) 8137
M. Martin (LaSalle-Émard) 8139
M. Martin (LaSalle-Émard) 8139
M. Martin (LaSalle-Émard) 8140
M. Martin (LaSalle-Émard) 8140
Projet de loi C-82. Adoption des motions de présentation etde première lecture 8144
Motion d'approbation du 55e rapport 8144
Adoption de la motion 8144
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8144
M. Hill (Prince George-Peace River) 8145
Projet de loi C-41. Reprise de l'étude sur la motion dedeuxième lecture et d'adoption des
amendementsdu Sénat 8146
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8146
M. Hill (Prince George-Peace River) 8148
Projet de loi C-41. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture et d'adoption des
amendementsdu Sénat 8149
M. Hill (Prince George-Peace River) 8149
M. White (North Vancouver) 8149
M. Hill (Prince George-Peace River) 8149
Adoption de la motion, deuxième lecture et approbationde l'amendement 8153
Projet de loi C-81. Motion de deuxième lecture 8153
Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loiet renvoi à un comité 8158
Projet de loi C-249. Motion de deuxième lecture 8158
Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loiet renvoi à un comité 8164
8121
CHAMBRE DES COMMUNES
Le vendredi 14 février 1997
La séance est ouverte à 10 heures.
_______________
Prière
_______________
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
L'hon. Fred Miflin (au nom du ministre de la Justice et
solliciteur général du Canada, Lib.) propose: Que les
amendements que le Sénat a apportés au projet de loi C-41, Loi
modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des
ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la
distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du
Canada, soient maintenant lus pour la deuxième fois et adoptés.
M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de
la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui d'aborder
à la Chambre le projet de loi C-41. Nous sommes saisis de cette
mesure législative et priés d'approuver les amendements apportés
par le Sénat. Le projet de loi a été lu pour la troisième fois à la
Chambre des communes le 18 novembre 1996, avec votre appui, et
je vous demande de réitérer aujourd'hui votre appui à ce projet de
loi afin que nous puissions commencer à appliquer cette mesure
législative. . .
Le vice-président: Je rappelle au secrétaire parlementaire que,
lorsqu'il utilise le pronom «vous», il s'adresse à la présidence et
non à l'ensemble de ses collègues.
M. Kirkby: Je demande à la Chambre, par l'entremise du
Président, de réitérer aujourd'hui son appui à ce projet de loi afin
que nous puissions commencer à appliquer cette mesure législative
qui modernisera le régime des pensions alimentaires pour enfants et
veillera à ce que les besoins des enfants de parents divorcés soient
satisfaits.
Ce projet de loi confirme notre promesse d'accorder la priorité
aux enfants, promesse que nous avons faite lorsque nous avons
annoncé la stratégie relative aux pensions alimentaires pour
enfants. Cette stratégie a été annoncée dans le budget que le
ministre des Finances a déposé l'an dernier. Elle comprend les
lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour enfants,
la réforme du traitement fiscal des pensions alimentaires pour
enfants et la redistribution de toutes les recettes découlant de cette
réforme aux enfants pauvres. Elle vise aussi à améliorer les mesures
de mise en application. Tous ces changements devraient entrer en
vigueur le 1er mai 1997.
La réforme des pensions alimentaires pour enfants est le fruit de
six années de collaboration avec les provinces et les territoires, par
l'entremise du comité fédéral-provincial-territorial du droit de la
famille. Pendant six ans, les provinces et le gouvernement fédéral
ont travaillé en étroite collaboration, mettant en commun leurs
travaux de recherche et leurs ressources financières afin d'élaborer
une formule de pensions alimentaires pour enfants en fonction du
contexte canadien et de bonnes analyses économiques des dépenses
familiales consacrées aux enfants.
Le projet de loi C-41 découle également des vastes consultations
menées auprès de tous les groupes concernés. Au moins trois séries
de consultations ont été menées et des centaines de mémoires ont
été reçus et examinés. Plus de 8 000 exemplaires du rapport
original du comité fédéral-provincial-territorial du droit de la
famille ont été distribués dans tout le Canada.
Tous les gouvernements et groupes ont eu, d'une façon ou d'une
autre, une influence importante sur les lignes directrices. Il s'ensuit
qu'aucun groupe n'est entièrement satisfait. Chaque groupe aurait
procédé différemment pour un certain nombre de choses s'il avait
eu le contrôle total du projet. Toutefois, chacun d'entre eux a mis de
côté ses propres préférences au bénéfice d'une uniformité et d'une
coordination nationales.
Tout le monde reconnaît que ces lignes directrices constituent
une nette amélioration par rapport au système actuel, et il est
reconnu par les tribunaux et les juristes du droit de la famille qui
sont déjà. . .
Une voix: Il n'y a pas quorum, monsieur le Président.
Le vice-président: Le député a raison. Il n'y a pas 20 députés à la
Chambre. Convoquez les députés.
(1010)
Et le timbre s'étant fait entendre:
Le vice-président: La présidence voit que 20 députés sont
maintenant présents.
M. Flis: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Il n'est
pas conforme au Règlement de la Chambre qu'un député réformiste
jette un coup d'oeil dans la Chambre, dise qu'il n'y a pas quorum,
puis sorte furtivement, alors qu'il n'y a pas un seul député
réformiste à la Chambre.
Le vice-président: Le député sait aussi bien que la présidence
que, pour des raisons qui remontent à loin, on n'est pas censé
signaler l'absence à la Chambre de députés de quelque parti que ce
soit.
M. Kirkby: Monsieur le Président, je ne parlerai pas des députés
qui sont absents; mes observations s'adresseront plutôt aux députés
du Bloc québécois et du Parti libéral ici présents.
8122
La plupart des personnes intéressées ont fait fi de leurs
préférences pour privilégier l'objectif de coordination et de
cohérence nationales. Il est clairement reconnu que les lignes
directrices qui ont été établies constituent une nette amélioration par
rapport au système actuellement en vigueur. Les tribunaux et les
spécialistes du droit de la famille qui utilisent déjà ces lignes
directrices provisoires à titre consultatif le reconnaissent.
On s'attend maintenant à ce que la plupart des provinces mettent
en oeuvre ces lignes directrices, qu'elles apprennent de leur
expérience et qu'elles collaborent afin de les améliorer. Le Québec
est la seule province qui a déjà adopté des dispositions législatives
afin de présenter ses propres lignes directrices dans le cadre du
processus réglementaire, de manière à respecter la date du 1er mai.
Le projet de loi C-41 permettra que ces lignes directrices
s'appliquent aussi aux ordonnances rendues en vertu de la Loi sur le
divorce. Sans le projet de loi C-41, il y aurait au Québec deux
systèmes différents pour déterminer les ordonnances alimentaires
au profit d'un enfant, un pour les cas de séparation de conjoints de
fait, et un pour les cas de divorce.
Le projet de loi à l'étude vise les enfants. Il vise à garantir la
satisfaction de leurs besoins actuels et futurs. Il aidera les parents à
s'entendre plus rapidement sur la pension alimentaire pour les
enfants et, partant, réduira les conflits.
Enfin, le projet de loi C-41 reconnaît que certains gouvernements
doivent continuer d'axer leurs efforts sur la mise en application des
ordonnances alimentaires. De nouvelles mesures sont prises pour
aider les provinces et territoires à cet égard.
Nous avons aussi appris que les ordonnances alimentaires au
profit d'un enfant ne sont pas les seuls sujets de préoccupation de
nombreux Canadiens. Pendant l'étude du projet de loi aux deux
endroits, il a souvent été question de la garde et de l'accès. Nous
n'ignorons pas cette question. Nous ne faisons que terminer la tâche
que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont
amorcée il y a six ans. La réforme tant attendue des pensions
alimentaires pour enfants, de la garde et de l'accès a fait l'objet de
consultations publiques préparées par le ministère en 1993. Les
fonctionnaire du ministère de la Justice ont déjà commencé à
travailler là-dessus par l'entremise du comité juridique fédéral,
provincial et territorial.
Pour réaffirmer notre engagement à cet égard, le ministre de la
Justice a accepté de proposer que le gouvernement forme un comité
parlementaire mixte de la Chambre des communes et du Sénat pour
étudier la question de la garde et de l'accès. J'espère que les
Canadiens que cela intéresse et les intervenants profiteront de
l'occasion pour exprimer leurs préoccupations au comité.
Nous ferons un important premier pas dans la recherche de
solutions si nous travaillons tous ensemble. Comme vous le savez,
monsieur le Président, le Comité sénatorial permanent des affaires
sociales, des sciences et de la technologie a apporté deux
amendements au projet de loi C-41. C'est pourquoi nous sommes de
nouveau saisis de ce projet de loi aujourd'hui. Je voudrais faire des
observations sur les effets de ces modifications sur la Loi sur le
divorce.
D'abord, certains membres du comité se sont dits inquiets au
sujet de la définition de mariage dans le projet de loi C-41, qui a été
formulée pour la première fois de manière explicite quant à la
poursuite d'une éducation raisonnable.
Le vice-président: La parole est au député de North Vancouver.
M. White (North Vancouver): Monsieur le Président, je
demande que l'on vérifie s'il y a quorum.
Le vice-président: Voilà un des beaux côtés du travil du
Président.
Après le compte:
Le vice-président: Il semble que le quorum soit atteint. La
parole est au secrétaire parlementaire.
(1015)
M. Kirkby: En ajoutant ces mots, nous voulions codifier le droit
jurisprudentiel actuel qui permet d'ordonner le paiement d'une
pension aux enfants majeurs qui poursuivent des études
postsecondaires lorsque les parents ont les moyens de payer cette
pension.
Cependant, des sénateurs ont dit craindre que ces mots puissent
être interprétés dans un sens plus large que le droit jurisprudentiel
actuel. Certaines personnes jugeaient que c'était inacceptable et,
comme mesure de compromis, le ministre de la Justice a accepté de
retirer les mots «poursuit des études raisonnables» de sorte que la
jurisprudence actuelle continuera de s'appliquer. Le mot
«notamment» laisse aux tribunaux le choix d'accorder une pension
pour la poursuite d'études postsecondaires aux enfants majeurs dont
les parents ont les moyens de payer cette pension.
Deuxièmement, en instituant des lignes directrices sur les
pensions alimentaires, le projet de loi réaffirme que les deux parents
ont une obligation financière conjointe envers leur enfant.
Cependant, le ministre a compris les préoccupations exprimées par
certains membres du comité qui soutenaient que l'existence de cette
obligation financière conjointe n'était plus apparente depuis qu'elle
avait été retirée du projet de loi en même temps que les autres
dispositions se rattachant aux pouvoirs discrétionnaires larges qui
servent actuellement à déterminer le montant de la pension
alimentaire. Ces pouvoirs larges entraient en contradiction avec les
objectifs des lignes directrices, c'est pourquoi il a fallu les retirer du
projet de loi.
Cependant, le ministre est toujours d'avis que les deux parents
sont financièrement responsables de leur enfant. Cette obligation
est incluse dans les lignes directrices, mais, pour lui donner plus
d'importance, le ministre a accepté qu'on la réintègre dans la loi
afin de s'assurer que les lignes directrices respectent ce principe.
Les lignes directrices sur les pensions alimentaires ne sont pas
dans ce projet de loi, mais seront mises en place par voie
réglementaire. La disposition concernant la garde partagée a attiré
l'attention de certains membres du comité sénatorial, qui
s'inquiétaient du fait qu'elle s'appliquait seulement aux situations
où les deux parents partagent de façon égale la garde des enfants.
Les membres du
8123
comité ont suggéré que les tribunaux aient le pouvoir
discrétionnaire de s'éloigner des sommes indiquées dans le tableau
dans les cas où les deux parents partagent la garde des enfants
pendant au moins 40 p. 100 du temps.
Il convient de signaler que c'était là la recommandation initiale
du comité du droit de la famille, mais elle avait été changée par la
suite à la demande de nombreux organismes juridiques d'un bout à
l'autre du pays qui craignaient que cela ne rende encore plus
litigieuse la question de la garde et des droits de visite. Nous avons
accepté d'inclure cette disposition dans les lignes directrices, mais
nous surveillerons la situation de près, comme nous le ferons pour
n'importe quelle autre disposition des lignes directrices.
La mesure législative exige que le ministère de la Justice fasse un
examen de l'application des lignes directrices et dépose un rapport
devant chaque Chambre du Parlement dans les cinq ans suivant
l'entrée en vigueur de la loi. Entre-temps, le ministère de la Justice
surveillera de près la mise en oeuvre de chacune des dispositions
avec les provinces et les territoires par l'intermédiaire du groupe de
travail sur la mise en oeuvre. Le groupe de travail sera appuyé par
un comité consultatif, qui donnera des conseils spécialisés sur les
problèmes qui pourront se poser. S'il est nécessaire d'apporter des
changements aux lignes directrices, nous pourrons le faire assez
rapidement étant donné que les lignes directrices seront mises en
place par voie réglementaire.
La date cible d'entrée en vigueur de ce projet de loi est encore le
1er mai 1997, pour coïncider avec les modifications fiscales.
J'exhorte tous les députés de la Chambre à appuyer encore une fois
ce projet de loi, qui apportera d'importantes améliorations dans le
domaine de droit de la famille. Le système actuel est en place depuis
plus de 50 ans et le temps est venu de le moderniser. Les
propositions présentées aujourd'hui par le ministre sont le fruit de
six ans d'étude et d'un examen détaillé de la question par les
provinces et par tous les intervenants qui oeuvrent dans le domaine
du droit de la famille.
Je désire remercier tous ceux qui ont contribué à améliorer cette
mesure législative pour en faire ce qu'elle est aujourd'hui. Cela
étant dit, comme il a été mentionné, à mesure que les modifications
seront mises en oeuvre, nous aurons la chance d'examiner le projet
de loi de façon continue et d'apporter d'autres changements au
besoin. Mais nous avons déjà fait un grand pas. Nous remercions le
ministre de la Justice pour ses efforts ainsi que tous ceux qui ont
participé à ce processus.
(1020)
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, c'est à
mon tour de prendre la parole sur le projet de loi C-41, sur lequel on
s'est déjà exprimé à plusieurs reprises. S'il y a un débat ce matin,
c'est parce que le Sénat, l'autre Chambre, comme on l'appelle en
langage parlementaire, a décidé d'y apporter des modifications.
Donc, cela nous amène à en discuter de nouveau.
Je rappelle cela à la population, car le processus normal a déjà été
suivi: il y a eu une première lecture, une deuxième lecture, l'examen
au Comité de la justice et, ensuite, la troisième lecture. Voilà que
l'autre Chambre, une fois de plus, vient y mettre son grain de sel et
contribue à retarder les choses.
Cela a créé une situation qui oblige le ministre de la Justice à
proposer un compromis. Pourquoi? Dans l'espoir que ce projet de
loi, qui est légitime, qui est correct dans son essence, par les
objectifs qu'il poursuit, soit adopté et mis en vigueur avant les
élections.
De nouveau, cela soulève la question de l'utilité et de la
pertinence de l'autre Chambre. Comme on le sait, cette autre
Chambre est toujours un peu en retard. Ce ne sont pas des gens élus,
ce sont des gens nommés par le gouvernement lorsqu'il y a des
postes à combler. Souvent, en début de mandat, on se retrouve
devant une situation où c'est la majorité de l'ancien gouvernement
qui est présente à l'autre Chambre. En l'occurrence, le Parti
conservateur avait, jusqu'à il y a quelques mois, la majorité à l'autre
Chambre. Pour des intérêts que le Parti conservateur poursuit, cela
retardait le processus.
C'est comme cela depuis le début de la Confédération. On
remplace un gouvernement, mais dans le mandat qui suit, l'ancien
parti qui était au pouvoir trouve le moyen, avec l'autre Chambre,
par toutes sortes de stratagèmes, de retarder l'application des lois.
Il est important de souligner que ce sont des gens qui ne sont pas
élus. Dans mon comté, je pose toujours la question aux gens:
«Connaissez-vous le sénateur qui vous représente à Ottawa?» Je le
connais maintenant. Je pense qu'on ne peut pas donner de nom,
mais on le connaît maintenant.
Des voix: Oui.
M. Dubé: Oui? Alors, il s'agit de Mme Bacon. Elle n'habite pas
la circonscription, mais pour être sénatrice, elle s'est acheté un
terrain dans le comté de Lévis au moment de sa nomination pour
être admissible. Mais qui entend parler de cette sénatrice? Or, c'est
ainsi dans l'autre Chambre.
Depuis que le Bloc québécois est ici, on dit qu'il faut faire une
réforme, car cela n'a pas de sens. Premièrement, cela coûte cher,
plus de 40 millions par année, et deuxièmement, on sent de plus en
plus que c'est une institution qui cherche à freiner le processus
d'application des lois. De moins en moins, mais cela arrive parfois,
il y des choses nouvelles qui arrivent. C'est plus souvent, comme
dans ce cas-ci, des gens qui s'opposent à l'application d'un projet de
loi, qui se servent de l'autre Chambre pour retarder l'application
d'un projet de loi, alors qu'on sait que par la majorité habituelle
dans un Parlement, il finit par être adopté de toute façon. Alors, cela
ne fait retarder le processus.
C'est donc un dédoublement. Je me permets de dire cela d'entrée
de jeu, parce que le compromis est de former un comité conjoint
composé de sénateurs et de députés pour étudier cette partie du
projet de loi qui traite de la garde des enfants et des droits de visite.
En soi, c'est bon. Mais cela ne nous semble pas une raison suffisante
pour voter contre ce projet de loi. Les députés de l'opposition
8124
officielle étaient d'accord avec le projet de loi, parce que ses
objectifs sont intéressants. Une des dispositions principales est
d'exempter la pension alimentaire du régime d'imposition.
(1025)
On sait qu'à ce sujet, il y avait une guerre presque historique. Le
conjoint qui recevait une pension alimentaire se voyait dans
l'obligation de payer de l'impôt, alors que celui qui la versait n'en
payait pas. Souvent, ces guerres, ces jugements en cour et ces
querelles juridiques se faisaient au détriment de l'enfant.
Je rappelle une situation que tout le monde connaît, au Canada,
c'est qu'il y a plus d'enfants pauvres maintenant que lors de la prise
de pouvoir du gouvernement libéral et ça continue d'augmenter. Un
enfant sur cinq est pauvre, vit sous le seuil de la pauvreté. Dans 80 p.
100 des cas et plus, les enfants qui vivent dans des situations
d'extrême pauvreté sont souvent dans des familles monoparentales.
Dans la plupart des cas, on doit le dire, je suis un homme et je ne
veux pas faire une guerre des sexes avec cela, mais on doit admettre
que souvent, les femmes sont chefs de famille monoparentale et
elles ont l'obligation de faire vivre leurs enfants. Malheureusement,
dans de plus en plus de cas, ces femmes doivent s'acquitter de cette
tâche dans des conditions extrêmement difficiles. On ne le dira
jamais assez.
Ce projet de loi permet d'éviter ces situations de crise au moment
du paiement d'impôt, mais cela crée quand même des situations un
peu spéciales. À cet égard, le projet de loi n'est pas tout à fait parfait
parce que, par la Constitution, le divorce est de juridiction fédérale
et le mariage, au Québec, à cause du Code civil, est de juridiction
québécoise grâce au code Napoléon, une dimension de la société
distincte que personne ne veut reconnaître ailleurs.
Alors, on se marie au provincial et on se divorce au fédéral. C'est
une drôle de situation, une sorte de système byzantin. Il y a, dans la
société actuelle, beaucoup de couples qui décident de ne pas se
marier, de vivre comme conjoints de fait, et différentes lois
reconnaissent cette situation au niveau des droits, ce qui est très
bien. Sauf que, dans ce cas-ci, la question du divorce et les lignes
directrices suggérées par le projet de loi relèvent du fédéral. Si on
prend le cas d'individus ayant des enfants et vivant dans un contexte
d'union de fait, lorsque les problèmes de séparation font surface,
l'application des lignes directrices relève totalement du provincial.
On voit qu'à ce moment-là, c'est très compliqué.
Je viens de décrire deux situations de couples ayant des enfants;
dans l'une, il s'agit d'un couple marié, et les lignes directrices
s'appliquent dans le cas de la pension alimentaire; dans l'autre, dans
le cas d'une séparation après le divorce, cela relève des lignes
directrices du fédéral. Dans le cas d'une séparation d'union de fait,
lorsqu'il y a des enfants, la pension alimentaire relève, d'une façon
exclusive dans le cas du Québec, des lignes directrices du
provincial.
Or, avec un système imparfait comme le fédéralisme, on a une
répartition plus ou moins boiteuse des responsabilités dans la
situation actuelle. Ce n'est pas parce que je suis souverainiste que je
dis ces choses, c'est un fait. Le Code civil du Québec régit les
questions de séparation hors mariage.
On pourrait parler longtemps de cela, mais il faut quand même
faire une analogie. Ce n'est pas le seul cas où ce genre de situation
prévaut, parce que le gouvernement libéral actuel a la fâcheuse
tendance, chaque fois qu'il le peut, de profiter de l'ambiguïté du
système pour imposer aux provinces ses lignes directrices dans
toutes sortes de matières.
(1030)
À titre d'exemple, seulement pour illustrer le cas et non pour en
parler, prenons le projet de loi sur le tabac qui touche au domaine de
la santé. Le fédéral justifie son intervention dans ce domaine par le
biais d'infractions et de peines relevant du Code criminel.
Le projet de loi C-41 traite des pensions alimentaires, du droit de
la famille, et d'autres choses du genre. Dès qu'il est question du
Code criminel, c'est le ministre de la Justice qui présente ce projet
de loi. Encore une fois, le gouvernement fédéral se sert du Code
criminel pour justifier son intervention dans ce domaine. Le Code
criminel relève du fédéral, mais le Code civil relève des provinces.
C'est un peu bizarre, et d'ailleurs, il faut dire qu'on n'aurait
jamais dû légiférer dans le domaine des pensions, de la séparation
de couple ou du divorce. Idéalement, dans une société, on ne devrait
pas être obligés d'adopter une loi pour obliger les gens à payer des
pensions alimentaires. Les gens devraient être capables par
eux-mêmes de payer des pensions alimentaires, parce qu'il s'agit de
leurs enfants, c'est leur responsabilité.
Je trouverai toujours, je dis pas anormal, mais bizarre qu'après
un certain temps de vie heureuse, parfois même plusieurs année,
une union matrimoniale se termine par un conflit et que les
partenaires, incapables d'en arriver à une solution, doivent recourir
à la loi pour régler leurs problèmes. C'est un peu dommage. C'est
même très dommage d'en arriver à de telles situations. L'idéal
serait que les gens reconnaissent d'eux-mêmes leurs responsabilités
à l'égard des enfants.
Cela m'attriste de voir, dans mon bureau de comté, des femmes
surtout, mais parfois aussi des hommes, qui se sentent injustement
traités par le système de justice au niveau des pensions alimentaires.
Parfois, ils sont dans l'incapacité de payer. Je déplore que souvent la
haine remplace l'amour et qu'on veuille se venger. Je trouve
toujours cela déplorable. Les enfants qui naissent ne l'ont pas
demandé, et lorsqu'ils sont là, on devrait s'en occuper.
J'en profite, malgré qu'on soit d'accord avec le projet de loi, pour
déplorer le peu de compassion que les membres du gouvernement
actuel ont démontré jusqu'ici envers les familles pauvres de notre
société. Je trouve déplorable que le ministre fédéral des Finances et
le premier ministre, encore cette semaine, se soient réjouis de la
bonne situation financière du pays.
Certainement que mardi, le ministre des Finances nous répétera à
satiété qu'ils ont réussi à dépasser les objectifs relatifs à la
diminution du déficit fédéral. Ils ont fait ça sur le dos des plus
démunis, sur le dos des chômeurs, et en coupant les transferts aux
provinces.
8125
Lorsque l'on coupe dans les transferts aux provinces, il faut
savoir où on coupe. On coupe principalement dans les services aux
enfants, puisque, finalement, ce sont les budgets à l'aide sociale,
pour les soins de santé et aussi pour l'éducation postsecondaire
qu'on coupe. On coupe dans notre avenir.
Le Comité permanent de la santé a passé une partie de l'automne
à étudier toute la question de la santé des enfants. Des experts nous
ont répété que tout se joue entre zéro et trois ans au plan de la santé
mentale et physique. Plusieurs nous ont même affirmé avec
beaucoup d'éloquence et de conviction que souvent, les problèmes
de délinquance juvénile rencontrés plus tard sont provoqués par des
difficultés familiales vécues en bas âge. L'insécurité amène des
tensions et développe l'agressivité et cela crée chez ces jeunes un
sentiment de révolte qui s'exprime souvent par de l'agressivité ou
autre genre de choses. Donc, c'est très important.
(1035)
Quand on touche aux programmes sociaux en effectuant des
coupures tous les jours, on se prépare un avenir difficile. Alors,
malgré nos réserves à l'égard du projet de loi C-41, malgré le
paternalisme du fédéral dans les affaires qui devraient être du
ressort des provinces, malgré l'imposition de normes directrices
qui, normalement, devraient être du ressort des provinces, et parce
qu'ici, on vise la santé et une meilleure condition de vie pour les
enfants qui sont l'avenir du Québec et aussi du Canada, ce projet de
loi est important. Pour ces raisons, en députés responsables que sont
les députés du Bloc québécois, nous voterons en faveur d'un projet
de loi qui améliorera la situation, même s'il n'est pas parfait.
[Traduction]
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, les modifications à la Loi sur le divorce, en particulier
celles qui visent les soins aux enfants et leur éducation, comptent
pour beaucoup dans cette mesure législative qui touche toute la
société.
Même si nous ne subissons pas tous directement et
individuellement les terribles contraintes et épreuves qu'engendre
un divorce dans une relation conjugale, nous sommes quand même
affectés profondément en tant que collectivité. Le divorce nous
affecte quand des parents ne prennent pas leurs responsabilités
parentales, parce que la collectivité doit alors intervenir pour
s'occuper des enfants et assurer leur éducation.
Les conséquences du divorce nous affectent collectivement,
même ceux d'entre nous qui ne vivent pas cette situation, parce que
les statistiques démontrent que des enfants élevés dans un foyer où
vivent deux parents réussissent mieux dans la vie.
Cela ne signifie pas pour autant que les parents seuls soient
incapables de bien élever leurs enfants, mais le meilleur
environnement reste le foyer où vivent deux parents parce que les
enfants peuvent plus aisément y trouver l'amour, le sens du respect,
de la famille et des responsabilités envers la société. Il ne faut pas
conclure pour autant qu'un parent seul, homme ou femme, ne soit
jamais capable d'assumer ses responsabilités de façon héroïque et
d'apprendre à ses enfants à devenir d'excellents citoyens.
On sait néanmoins, parce que les statistiques le prouvent, que les
enfants qui grandissent dans un foyer qui compte deux parents sont
moins portés vers la criminalité et obtiennent de meilleurs résultats
scolaires.
Notre législation devrait mettre deux objectifs en évidence. Le
premier concerne ce que nous pouvons faire comme société pour
encourager les familles à rester unies. Si, par malheur, on se
retrouve-et je m'inclus dans cette catégorie-aux prises avec un
divorce, que pouvons-nous faire pour atténuer les conséquences
dévastatrices qu'entraîne la rupture? Comment faire pour limiter au
maximum le recours aux services des avocats? Comment faire pour
que le divorce des parents n'entraîne pas la séparation des enfants?
Comment tirer le meilleur parti d'une mauvaise situation?
Le premier objectif vise à déterminer ce que nous pouvons faire
en tant que société pour veiller à ce que le problème ne se produise
pas au départ. Nous savons que beaucoup de divorces sont dus à la
détresse familiale occasionnée par des problèmes financiers. Il y a
bien sûr d'autres raisons, mais nous savons tous qu'une famille qui
a des problèmes financiers est plus susceptible d'avoir d'autres
problèmes qu'une famille qui n'en a pas. Que pouvons-nous, en tant
que gouvernement, faire pour nous attaquer à ce problème? La
première chose que nous pouvons faire, c'est de veiller au bien-être
des familles. Nous pouvons faire en sorte que les familles
subviennent à leurs besoins et s'occupent de leurs enfants. La façon
d'y arriver est, pour commencer, d'alléger le fardeau fiscal des
familles. En tant que société, notre avenir repose sur nos enfants,
nos petits-enfants et leurs enfants. Tout ce que nous pouvons faire
en tant que législateurs devrait être axé là-dessus.
(1040)
Nous parlions de la prestation aux aînés, et je n'en reviens
absolument pas. En tant que nation, nous avons décidé d'accorder à
nos aînés un revenu annuel garanti. C'est ce en quoi consiste la
prestation aux aînés. . . Toutes les personnes âgées auront, après
l'an 2000, un revenu non imposable de 11 430 $ par an, qu'ils en
aient besoin ou non. Ce revenu sera imposé ensuite très rapidement
dans le cas des personnes qui n'en ont pas besoin. Mais c'est une
autre histoire.
Si, en tant que société, nous pouvons nous permettre d'accorder
aux aînés un revenu annuel garanti, pourquoi ne pouvons-nous
accorder un revenu annuel garanti ou un impôt négatif sur le revenu
pour les enfants, puisque les enfants sont l'avenir de notre pays? La
société en aura nettement plus pour son argent et tirera un plus grand
rendement sur son investissement si elle fait tout son possible pour
assurer le bien-être des enfants. Cela veut dire que nous devrions
faire tout notre possible pour alléger le fardeau financier des
familles et réduire leur stress de façon à ce qu'elle puissent
s'occuper de leurs propres enfants.
Nous savons que c'est ça l'idéal, mais que ce n'est pas le cas.
Nous savons que les familles regroupent tout un spectre de modèles
différents. Que ça plaise ou non n'a rien à voir. En tant que société,
nous devons nous concentrer rigoureusement sur le bien-être des
enfants.
Comment faire pour protéger les enfants, en cas de divorce et au
cours des événements qui mènent à un divorce? Nous disons dans la
loi que, lorsqu'un couple décide de divorcer, il pourrait être dans
8126
l'intérêt de notre société de participer tout de suite au processus de
résolution de conflits. Plutôt que de laisser les conjoints consulter
chacun leur avocat et les laisser s'empoigner par personne
interposée pour voir qui pourra en arracher le plus à l'autre, nous
pourrions avoir un système de règlement de conflits. Ils ont décidé
de se séparer et de trouver comment ils pouvaient y parvenir en
faisant le moins de tort possible aux enfants. La partie du projet de
loi qui prévoit la mise en place d'un tel système est très louable et
mérite d'être appuyée.
Nous savons que la violence conjugale est parfois en cause. Il n'y
a aucune raison pour qu'un conjoint victime de violence endure la
situation une seconde de plus. Cela soulève toute une série de
nouvelles questions. Pourquoi est-ce toujours la femme et les
enfants-les victimes de violence-qui doivent quitter le domicile
et se réfugier ailleurs? Pour moi, c'est insensé.
L'explication, c'est que nous devons protéger les droits des
agresseurs. Encore une fois, ce sont les victimes qui sont punies,
tandis que l'agresseur ne l'est pas. C'est tout simplement
impossible de traîner l'agresseur en prison, de le garder là et de lui
dire qu'il ne peut plus aller embêter ses victimes. En général, il faut
emmener la mère et les enfants dans un endroit où ils seront, du
moins on l'espère, en sécurité.
Nous avons décidé, en tant que législateurs, que nous allions faire
tout ce qui était en notre pouvoir pour essayer d'abord d'empêcher
les divorces de se produire. C'est l'idéal que nous recherchons.
Nous savons que ce ne sera pas toujours possible, mais nous devons
travailler à cet idéal.
Pour ce faire, il faut diminuer les pressions financières que
subissent les familles en offrant des allégements fiscaux conçus
précisément pour elles. Comment peut-on penser à alléger les
impôts et à subventionner Bombardier et d'autres grosses
compagnies quand on ne subventionne et n'élève même pas nos
enfants pour qu'ils aient un avenir et qu'ils puissent s'épanouir?
C'est insensé. C'est tellement absurde que ça défie le bon sens.
Il arrive un moment où la séparation entre les conjoints devient
inévitable. Elle survient contre vents et marées. Je ne fais la morale
à personne. J'ai vécu la chose et je sais de quoi je parle. Qui a la
responsabilité de s'occuper des enfants qui se retrouvent dans cette
situation? Est-ce l'État ou les parents?
Lorsqu'on prend la décision d'avoir des enfants, ces enfants
deviennent notre responsabilité et la responsabilité de notre famille,
un point, c'est tout. Le seul moment où l'État devrait intervenir est
lorsque les parents sont incapables de s'acquitter de leurs
responsabilités.
(1045)
Comment donc pouvons-nous rendre la tâche plus facile ou plus
alléchante pour les parents? La première chose à ne pas faire, c'est
de dire que l'un a raison et que l'autre a tort. On ne peut pas dire que
l'homme ou la femme a entièrement tort et que l'on va enfermer
l'un ou l'autre dans un carcan de dettes. On ferait en sorte que ni
l'un ni l'autre ne pouraient recommencer sa vie.
Il me semble qu'on devrait tout de suite opter pour la garde et la
responsabilité conjointes. Bien sûr, il y a des cas où cela est
impossible. Nous savons qu'il y a des cas où une des deux
personnes-généralement l'homme-fuit ses responsabilités.
Je répète que ce projet de loi tend à l'idéal. Notre société a
instauré une culture où les gens savent intuitivement et
comprennent automatiquement que le mariage peut mener à un
divorce ou à une séparation et qu'ils auront alors la responsabilité
de nourrir, de soigner, de protéger et d'élever leurs enfants, de façon
aussi harmonieuse que possible. Ils savent qu'ils devront tourner la
page sur leurs problèmes conjugaux pour que les enfants ne
souffrent pas davantage de la situation.
Le principal problème, selon ma propre expérience et ce que les
gens m'ont dit, ce n'est pas le paiement de la pension, mais plutôt
les droits de visite. Il survient lorsqu'un parent doit payer une
pension sans avoir le droit de voir ses enfants. Voilà ce qui enrage
les parents en cause. La situation s'apparente à celle de l'oeuf ou de
la poule.
Les pères ou les mères qui n'ont pas la garde devraient avoir le
droit de visiter leurs enfants pour remplir leur devoir de parents,
même s'ils sont séparés. On ne peut pas affirmer que la pension et
les droits de visite ne sont pas inextricablement liés car ils le sont. Si
quelqu'un est tenu de verser une pension alimentaire et qu'il ne le
fait pas, il est bien évident que l'ex-conjoint lésé sera en colère.
Cette personne cherchera un moyen de se venger.
Les enfants deviennent l'instrument de la vengeance. Il y a des
cas où la pension est payée fidèlement, mais, pour une raison
quelconque, le parent qui a la garde empêche l'autre de rendre
régulièrement visite à ses enfants. Cela brise le lien entre ce parent
et ses enfants. Nous devons veiller à ce que les ordonnances
alimentaires soient respectées, mais nous devons procéder de
manière à ne pas exacerber la situation déjà difficile provoquée par
le divorce.
Il y a bien des façons de procéder. Toutefois, si l'État assume un
rôle, il me semble que ce que nous pourrions faire, lorsque des
pensions alimentaires sont imposées, c'est faire verser l'argent au
Trésor, lequel serait responsable du paiement au conjoint qui doit
recevoir la pension. Si on peut faire cela pour les remboursements
de TPS, on peut certainement le faire pour autre chose.
L'idée, c'est de réduire les risques de friction, de
mécontentement et d'affrontement entre les ex-conjoints. Il faut se
souvenir que ce que nous visons, c'est le bien-être des enfants. Il ne
s'agit pas de se venger.
Nous devrions chercher, en tant que société, à inculquer aux gens
un sens des responsabilités, à les amener à dire: «Nous nous
sommes séparés, mais, à partir de maintenant, nous allons tous les
deux prendre la responsabilité d'élever nos enfants.» Il n'appartient
pas à
8127
l'État de savoir pourquoi le couple a rompu, mais la position à
adopter par défaut, en cas de rupture, devrait être le partage égal.
Cela signifie que le coût de l'éducation des enfants devrait être
partagé moitié-moitié. Les impôts devraient être partagés
moitié-moitié. Je ne vois pas pourquoi une partie ou l'autre devrait
être entièrement responsable. Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas
possible que celui qui verse la pension paie la moitié de l'impôt et
que celui qui la reçoit paie l'autre moitié. Ce sont des partenaires. Il
a fallu les deux pour créer ces enfants. Il a fallu les deux d'abord
pour que le mariage ait lieu, puis pour que les liens du mariage
soient rompus. Alors pourquoi ne peuvent-ils pas aller plus loin et
admettre que la position par défaut est une responsabilité partagée.
(1050)
Je reconnais que c'est l'idéal. Je sais bien qu'il y a toutes sortes
de circonstances qui font que ça ne va se passer ainsi. Or, cela ne
veut pas dire que l'on ne puisse pas formuler la loi en fonction de
l'idéal et tenir compte des autres problèmes à mesure qu'ils se
présenteront,
J'aimerais ajouter un élément de réflexion à ce débat. Je veux
parler du rôle du Sénat. Je tiens à féliciter le sénateur Anne Cools
pour sa participation active à ce débat. Lorsque cette mesure
législative a été introduite à la Chambre pour la première fois, les
réformistes ont dit essentiellement ce que nous disons maintenant, à
savoir que ce projet de loi part d'une bonne intention, mais qu'il
soulève d'énormes problèmes et que les conséquences sont telles
que le projet de loi doit être amendé.
C'est une mesure législative du gouvernement et elle fera des
gagnants et des perdants. Voilà une mesure législative qui porte sur
l'avenir de notre pays, sur la façon dont nous élevons et éduquons
nos enfants et sur la façon dont nous assumons nos responsabilités à
l'égard de nos enfants.
Nous n'avons pas pu changer un mot, un iota. Les députés ne le
savent que trop bien. Si le gouvernement n'en démord pas, le rôle de
l'opposition se réduit à néant. Et j'irais même plus loin. Si le
Cabinet ou le premier ministre et son entourage persistent à prendre
telle ou telle direction, le sort en est jeté. Rien ne peut les en
empêcher.
Ce n'est pas démocratique. En fait, la Chambre est un endroit où,
si on a de la chance, on peut exercer une certaine influence et,
peut-être, changer des choses.
Lorsque le sénateur Anne Cools a pris connaissance du projet de
loi, étant donné la position précaire de la majorité ministérielle au
Sénat, elle a pu obliger le gouvernement à apporter certaines
modifications qui amélioreront considérablement ce projet de loi,
ce que nous n'avions pu faire à la Chambre des communes.
Il incombe à l'opposition officielle, à nous et à d'autres députés
de l'opposition de reconnaître le courage qu'a manifesté le sénateur
Anne Cools en s'élevant contre l'appareil gouvernemental. Cela
signifie qu'elle devient suspecte. Ce n'est pas une situation très
confortable.
J'estime que la démocratie s'améliore lorsqu'on la met à
l'épreuve. Il en va de même pour le leadership. Sur ce projet de loi et
d'autres, le sénateur Anne Cools a fait preuve de la détermination et
du courage nécessaires pour mettre le gouvernement à l'épreuve
lorsque cela s'est imposé et lorsque l'opposition n'a pas pu en faire
autant, en raison de la manière dont fonctionne la Chambre. Il a
fallu que cela vienne de l'un des ministériels au Sénat qui a la force
de caractère voulue pour s'opposer à l'appareil gouvernemental.
Ce projet de loi reviendra à la Chambre. L'affaire est close. Nous
le débattrons ici. Il aura force de loi sous sa forme quelque peu
redéfinie et modifiée. Il est meilleur qu'auparavant, mais il ne
reconnaît toujours pas le grand problème que présente le droit
familial au Canada, à savoir que le droit familial ne devrait pas être
de nature accusatoire. Nous devrions avoir un tribunal de la famille
unifié. Le droit familial n'est pas comme le droit pénal. Il ne devrait
pas être accusatoire. Nous devrions chercher à régler les différends
et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour prendre soin des enfants
de notre pays, de l'avenir, dans un environnement qui soit le plus
harmonieux possible.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, je suis heureux de répondre aux brèves observations de
mon collègue sur un projet de loi aussi important.
(1055)
Après avoir rencontré beaucoup de parents qui ont traversé un
divorce alors que des enfants étaient en cause, j'ai souvent assimilé
cet événement regrettable dans la vie des gens à la perte d'un enfant.
Toutefois, de nos jours, le système judiciaire favorise la
confrontation dans les cas de divorce et cela touche les enfants
concernés. Le député dit qu'il faut faire passer le bien-être des
enfants en premier, parce qu'ils sont les victimes innocentes des
divorces et des échecs définitifs de mariages.
Je me suis efforcé de trouver une solution à cette question, ainsi
qu'à la question plus vaste de l'éducation conjointe des enfants et de
l'accès aux enfants. On tient pour acquis que tant que le mariage est
intact, les parents sont de bons parents. C'est ce qu'on croit
généralement dans notre société. On part du principe que les deux
parents sont dignes d'élever leurs enfants. Or, il semble qu'en cas de
rupture, on jette cette idée au rebut.
J'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet
de loi C-242, qui demande au gouvernement de mettre en place un
système de garde partagée dans tous les cas, sauf lorsqu'on peut
prouver que ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant ou lorsque
l'enfant a été victime de négligence ou de mauvais traitements de la
part d'un des époux, ce qui exclurait la garde partagée. Je crois que
cela mettrait un terme, dans une large mesure, à la confrontation
dans le cadre du système judiciaire. Je voudrais l'opinion de mon
collègue là-dessus.
Le vice-président: Le député pourra terminer après les
déclarations de députés.
8128
8128
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[
Traduction]
M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke,
Lib.): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de fierté que je
félicite aujourd'hui les 52 membres des Forces canadiennes qui ont
reçu récemment du gouverneur général du Canada l'Ordre du
mérite militaire. On a créé cette récompense en 1972 pour souligner
le travail exceptionnel des hommes et des femmes servant dans les
forces régulières ou dans les forces de la réserve.
Ces 52 militaires que nous honorons représentent vraiment le
type de personnes qui composent nos forces de nos jours. Ces gens
reflètent le dévouement, le sens de l'honneur et le courage des
membres des Forces canadiennes.
Ils servent le Canada de bien des façons, en s'acquittant de leur
devoir envers les Canadiens sur notre territoire et en représentant
avec fierté le Canada à l'étranger dans des circonstances souvent
difficiles. Ils viennent de toutes les régions du Canada, y compris de
ma circonscription, Renfrew-Nipissing-Pembroke, et de ma
localité, Petawawa.
Nous saluons les services remarquables qu'ils ont rendus aux
Forces canadiennes et au Canada au fil des ans.
* * *
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le8 janvier dernier, le révérend James Browning de Drumheller, en
Alberta, a perdu son amie de longue date qui lui était très chère,
Lynn Larose de Kingston, en Ontario. Mlle Larose a été tuée
brutalement par une femme au passé meurtrier.
Voici ce que le révérend Browning a dit à cette occasion: «C'est
une autre manchette, un autre meurtre, une autre statistique, une
autre victime, mais cette fois, ce n'est pas du tout la même chose.
Cette fois, la victime est une vieille amie. C'est comme s'il
s'agissait d'une soeur adoptive, et non d'une victime anonyme.
Non, on ne retrouvera pas le nom de Lynn Larose sur la liste
d'honneur des grands personnages qui ont marqué le monde, tels
que John Kennedy, Bobby Kennedy, Martin Luther King ou John
Lennon, même s'il y a un point commun entre eux et Lynn. Comme
eux, elle a été brutalement assassinée. Que Dieu te garde, Lynn. Le
monde est plus pauvre depuis que tu l'as quitté. Je reste ton ami.»
Lynn Larose a été assassinée par une récidiviste. Notre système
judiciaire doit changer pour notre bien à tous.
[Français]
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, les
prochains championnats mondiaux scolaires se dérouleront, cette
année, du 2 au 7 mars, à Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne.
Cinquante pour cent de la délégation canadienne sera composée de
dix jeunes étudiants et étudiantes inscrits au programme
Étude-Sport-Excellence de la polyvalente Thérèse-Martin, dans ma
circonscription de Joliette.
Cette équipe participera à une compétition de ski de fond qui les
opposera aux meilleurs athlètes scolaires de 12 autres pays
participants. Ces jeunes adolescents et adolescentes sont surtout
motivés par la recherche de l'excellence en conciliant
développement physique intensif avec développement intellectuel
remarquable.
Ils seront dirigés par un de leurs professeurs, et entraîneur,M. Jean-Pierre Sansregret, qui, depuis une vingtaine d'année, incite
inlassablement les jeunes à relever des défis tant académiques que
sportifs.
(1100)
Leur détermination commune mérite toute notre admiration.
Leur engagement personnel constitue un excellent exemple pour
combattre le décrochage scolaire et les autres maux qui affligent
présentement notre jeunesse.
* * *
[
Traduction]
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président,
même si des milliers d'entreprises telles que Bombardier reçoivent
de fabuleux cadeaux du gouvernement fédéral et si des familles
comme celle des Bronfman bénéficient de d'extraordinaires congés
d'impôts, quelqu'un doit payer pour tout cela. C'est précisément ce
que les libéraux vont annoncer aujourd'hui. Il s'agit des personnes
âgées, des handicapés, des veuves et des travailleurs pauvres. C'est
tout simplement scandaleux.
Au moyen d'une loi cruelle et méprisable, les libéraux vont
réduire les pensions des veuves et des handicapés. Comme les
pensions ne seront plus totalement indexées, ce sont les travailleurs
pauvres qui vont écoper. Les pauvres cotiseront davantage, mais
recevront moins de prestations.
Le traitement qu'elle donne aux personnes âgées, aux pauvres et
aux handicapés en dit long sur une société. La présentation de ce
projet de loi régressif, qui lèse ces membres de notre société,
signifie que le Canada tourne le dos aux plus misérables.
* * *
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, le gouvernement fédéral s'emploie maintenant avec
ardeur à concrétiser l'intérêt qu'il porte aux jeunes Canadiens avec
la Stratégie emploi jeunesse, que le ministre du Développement des
ressources humaines a annoncée mercredi.
8129
La Stratégie emploi jeunesse est le fruit de consultations menées
auprès des jeunes, des éducateurs, des parents et du secteur privé
afin de déterminer comment on peut le mieux répondre aux besoins
des jeunes Canadiens dans l'économie d'aujourd'hui en pleine
évolution. Chacun de nous le reconnaît, le taux élevé du chômage
chez les jeunes est inacceptable et rien n'est aussi déprimant qu'un
potentiel gaspillé.
La stratégie regroupe des ressources financières de plus de 2
milliards de dollars de fonds existants et d'argent frais destinés à
des programmes et à des services dont les jeunes ont besoin pour
faire la transition entre l'école et le monde du travail. Un des points
saillants de la stratégie a trait aux nouveaux programmes de stages
qui procureront aux jeunes une expérience de travail dans des
secteurs cruciaux comme les sciences et la technologie,
l'environnement, le commerce international et le développement
international.
J'invite tous les intéressés à travailler ensemble pour réaliser ce
qu'il nous faut, une société qui soit bonne pour tous les Canadiens à
commencer par nos jeunes.
* * *
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président,
les banques canadiennes continuent d'apporter une grande
contribution à l'économie canadienne.
Rien qu'en 1996, les banques ont payé 4,9 milliards de dollars en
taxes et impôts de toutes sortes au gouvernement et versé plus de 2,3
milliards de dollars à leurs actionnaires, les Canadiens. Les
syndicats, les entreprises et le public en général détiennent plus de
90 p. 100 des actions bancaires. Comme la plupart des actions
bancaires appartiennent aux membres de la population, quand les
banques font des bénéfices, c'est la population qui en profite.
Les banques ont pris récemment certaines mesures, notamment
la mise en application d'un code d'éthique, l'adoption de nouvelles
méthodes de règlement des différends et la nomination
d'ombudsmans au niveau interne et au niveau national.
Dans ma ville, les banques ont notamment contribué aux fonds de
dotation des universités, elles ont appuyé des oeuvres de
bienfaisance comme le Fonds d'habits de neige et elles ont
contribué à de nombreux mouvements de jeunesse.
Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas que du mauvais
dans les banques.
* * *
M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le
Président, demain, le samedi 15 février, nous fêtons la Journée du
drapeau national. La tradition de cette célébration a commencé en
février dernier, et la promotion du drapeau s'est faite tout au long de
l'année grâce au défi «Un million de drapeaux» du Patrimoine
canadien.
Je me suis aussi intéressé à cette nouvelle tradition, et je suis à la
recherche d'un chant pour souligner la fierté qu'inspire le drapeau
canadien. Depuis quelques mois, j'encourage les étudiants et les
artistes de ma circonscription à écrire de nouvelles paroles sur la
musique du Maple Leaf Forever pour saluer cet important symbole
canadien.
À l'occasion de la fête de cette année, je lance le même défi à tous
les Canadiens et je les invite à écrire un hymne qui traduira un
authentique sentiment national.
L'unifolié rouge et blanc nous représente depuis 1965. Je crois
que la meilleure façon d'honorer ce symbole est de l'accompagner
d'un hommage musical.
Je souhaite que les Canadiens, en brandissant un million de
drapeaux, auront également un hymne à chanter pour célébrer
l'unité nationale.
* * *
Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley,
Réf.): Monsieur le Président, la Chambre va réexaminer
aujourd'hui le projet de loi C-41. Cette fois-ci, les députés
ministériels vont peut-être prêter attention aux préoccupations du
Parti réformiste.
J'ai eu l'occasion cette semaine d'entendre un certain nombre de
députés ministériels expliquer qu'ils n'étaient pas parfaitement
conscients de toutes les conséquences du projet de loi C-41. L'un
d'eux a simplement conclu qu'ils devaient admettre leurs erreurs et
accepter les amendements.
C'est tout à fait typique de la manière dont les libéraux ont géré
les travaux de cette législature. Comme ils sont persuadés que leurs
ministres proposent des projets de loi irréprochables, ils mettent
leur sens critique en veilleuse. Dans le caucus libéral, il est mal vu
d'avoir sa propre opinion.
J'invite les députés d'en face à faire un effort de réflexion
personnelle et à écouter les amendements que le Parti réformiste
propose à la Chambre au lieu de se fier aux politicards nommés par
favoritisme à l'autre endroit.
* * *
(1105)
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le
Président, pour la sixième année consécutive, le ministère de
l'Éducation du Québec, conjointement avec le ministère de la
Culture et des Communications du Québec, organise la Semaine
québécoise des arts qui se déroule depuis le 9 février et se poursuit
jusqu'au 16 février prochain.
Afin de souligner cette semaine unique, tout le réseau scolaire
québécois a été invité à organiser des activités sous le thème «Sans
mots pour le dire». Ainsi, plus d'un million d'élèves québécois du
primaire et du secondaire explorent actuellement les différents
aspects d'un projet artistique ou d'un processus de création, soit en
danse, en musique, en arts plastiques, en communication ou en art
dramatique.
8130
On aura beau affirmer à tort et à travers que le Québec n'a jamais
mis une cenne dans sa culture, ce n'est pas en achetant à coups de
millions de dollars des drapeaux qu'on éduque et sensibilise une
jeunesse aux arts et à la culture, et encore moins qu'on leur donne la
chance de développer leur créativité et leur imagination.
* * *
[
Traduction]
M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président,
sept associations nationales du secteur de l'enseignement
postsecondaire ont ensemble proposé l'initiative de réforme de
l'aide financière aux études qui, si elle est promulguée, rendra les
études supérieures plus accessibles. J'exhorte tous les députés à
examiner la proposition. En tant que membre actif du comité du
caucus sur l'enseignement postsecondaire, je félicite les groupes
qui ont participé à la rédaction et à la diffusion de ce document.
À l'heure actuelle, les prêts aux étudiants constituent parfois un
problème, non seulement pour les personnes qui s'efforcent de les
rembourser, mais encore pour celles qui sont chargées de tenter de
percevoir les prêts en souffrance. Nous pouvons remédier à cette
situation et reconnaître les difficultés qui assaillent les diplômés en
créant un programme de remboursement des prêts en fonction du
revenu. Cela vaut particulièrement pour les diplômés qui viennent
tout juste d'entamer leur carrière.
L'éducation est un intérêt national vital pour le Canada. En
investissant dans les Canadiens, nous renforçons notre économie et
nous améliorons notre compétitivité sur les marchés mondiaux.
* * *
[
Français]
M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.):
Monsieur le Président, la compagnie LanSer de Westmount, au
Québec, faisait partie de cette dernière mission conduite par notre
premier ministre, et elle est revenue de Thaïlande avec de très
bonnes nouvelles pour l'avenir.
Cette compagnie, spécialisée dans la recherche et la mise au
point d'appareils de communication sans fil, a signé une lettre
d'entente en vue de la formation d'une coentreprise avec une
compagnie de Bangkok.
La compagnie LanSer emploie déjà 75 employés. Elle pourrait,
grâce à cette lettre d'entente qu'elle a signée, entreprendre
prochainement la commercialisation d'un système de paiement par
carte de crédit sans fil pour répondre à la demande des institutions
financières, des marchands et des consommateurs de Thaïlande. Cet
audacieux projet est évalué à 52 millions de dollars.
Voilà un autre exemple des avantages et des retombées
extraordinaires que procurent les missions d'Équipe Canada pour
les entreprises et l'économie québécoise et canadienne.
* * *
M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le
Président, mercredi dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu
un important jugement interdisant le transfert des vols
internationaux de Mirabel vers Dorval. Quarante-huit heures plus
tard, le ministre des Transports ne voulait toujours pas commenter
le jugement. L'instabilité plane toujours. C'est l'économie de
Montréal et celle des Basses-Laurentides qui en a souffert, qui en
souffre et qui en souffrira.
Pourtant, nous n'en serions pas là aujourd'hui si le fédéral avait
écouté le Bloc québécois. Nous avions demandé au gouvernement,
il y a un an, de faire une consultation publique rapide et de rendre
publiques toutes les études relatives à ce transfert.
Celui qui nous a mis dans le pétrin, le gouvernement fédéral, ne
peut plus aujourd'hui s'éclipser et tenter de se cacher derrière
ADM. Le jugement a fait tomber les masques. Que le gouvernement
fédéral arrête de regarder passer le train ou plutôt, devrais-je dire,
les avions, et qu'il règle enfin rapidement le problème dont il est le
grand responsable.
* * *
[
Traduction]
M. John English (Kitchener, Lib.): Monsieur le Président, je
tiens à rendre hommage aujourd'hui à un électeur de Kitchener, ma
circonscription, M. Edward James.
Hier, M. James a eu l'honneur de recevoir le Prix du premier
ministre pour l'excellence dans l'enseignement des sciences, de la
technologie et des mathématiques. Son dévouement et son
engagement persistant à l'égard de l'enseignement sont vraiment
admirables.
M. James a été honoré pour l'attention particulière qu'il accorde
aux défis qui se posent aux jeunes femmes qui veulent faire des
sciences. Parmi ses nombreuses réalisations, il a organisé un
programme de mathématiques et de sciences à l'intention des
jeunes femmes du Eastwood Collegiate et a contribué à préparer du
matériel didactique pour le Women Inventors' Project.
Cela fait dix ans que M. James s'efforce d'initier de plus en plus
de jeunes femmes à l'étude des sciences et de les encourager dans
cette voie. C'est grâce à lui qu'un nombre considérable de femmes
ont décroché des diplômes en mathématiques et en sciences.
Je tiens à féliciter M. James d'avoir obtenu ce prix spécial. Il est
vraiment un leader de sa localité.
8131
(1110)
M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.):
Monsieur le Président, en 1993, le premier ministre a imposé à 15
associations libérales les candidats de son choix. Cette année, le
premier ministre récidive.
À Nepean, la députée qui prend sa retraite a exprimé son aversion
pour cette pratique. En 1993, dans la circonscription de
Renfrew-Nipissing-Pembroke, le Parti libéral a suspendu pour
cinq ans Hec Cloutier, parce qu'il s'était présenté, en tant
qu'indépendant, contre le favori libéral. Dans la circonscription
d'Edmonton-Nord, les dirigeants libéraux ont fait une entorse aux
règles afin que le favori du premier ministre n'ait aucune
opposition. Un des directeurs a été expulsé pour avoir continué
d'appuyer le député libéral en fonction qu'on avait décidé d'écarter
de la course.
Cette tactique ne devrait surprendre personne. Le premier
ministre s'est fait élire en 1972 et en 1974 en s'arrangeant pour que
son adversaire progressiste conservateur soit une nullité.
* * *
M. Rey Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le
Président, nous sommes en plein milieu de la semaine de
célébrations intitulée «Le Canada, une affaire de coeur», qui vise à
mettre en valeur la citoyenneté canadienne ainsi que nos symboles
et notre patrimoine.
Demain, le 15 février, nous célébrerons la Journée du drapeau
national du Canada, pour évoquer le symbole de notre nationalité et
raviver la flamme des idéaux qui ont façonné notre pays. Le drapeau
du Canada est aimé et respecté dans le monde entier, et nous
pouvons en être fiers.
Le lundi 17 février, j'aurai l'honneur de participer, à Winnipeg, à
une célébration du sentier historique Fort Garry-Fort Edmonton, un
vestige bien réel de l'époque de la colonisation des trois provinces
des Prairies.
Ces commémorations nous donnent l'occasion de montrer que
nous sommes fiers de notre pays et de réfléchir aux facteurs qui font
de nous une nation bien distincte: nos symboles, nos valeurs et notre
patrimoine.
Plus nous connaîtrons l'histoire de notre pays, plus nous
pourrons envisager notre avenir en toute confiance.
* * *
M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le
Président, l'examen du mandat de la Société canadienne des postes,
qui s'est terminé à l'automne, à donné lieu à un certain nombre de
recommandations précises concernant le fonctionnement de la
société.
Après publication du rapport, la ministre des Travaux publics a
affirmé que la société doit mettre en pratique l'équité, la
transparence et l'ouverture, et qu'elle a des comptes à rendre.
Pourtant, la ministre refuse toujours de rendre publics les livres de
la Société canadienne des postes, une société d'État.
La ministre a promis qu'elle déposerait un rapport présentant des
recommandations relatives à la Société canadienne des postes
quand l'examen financier serait terminé, en janvier. Ce délai est
écoulé, mais les Canadiens attendent toujours.
L'examen du mandat de la société a révélé que le gouvernement
n'a plus aucune autorité réelle sur elle et qu'aucune des autorités
chargées de sa supervision n'a actuellement les ressources
permettant la surveillance minutieuse qui serait nécessaire pour
protéger les intérêts du public. La concurrence injuste et les
pratiques abusives restent donc courantes.
La confusion règne à la Société canadienne des postes, et il est
temps que la ministre fasse son travail, qu'elle assume ses
responsabilités concernant cette société et qu'elle lui demande des
comptes.
* * *
[
Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le
Président, tout comme moi, la ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration et députée de Saint-Henri-Westmount ainsi que le
député de Brome-Missisquoi ont tenu, hier, leur assemblée
d'investiture dans leur comté respectif.
[Traduction]
Hier, nous avons tous trois célébré le deuxième anniversaire de
notre victoire aux élections partielles de 1995. Le même jour, deux
ans plus tard, nous avons été choisis par les membres de nos
associations de circonscription pour solliciter un nouveau mandat
comme candidats libéraux aux prochaines élections.
Je souhaite bonne chance à mes collègues aux prochaines
élections et je les félicite de l'excellent travail qu'ils ont accompli
au cours de leurs deux premières années en tant que députés du
Parlement du Canada.
* * *
M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, à
l'approche du jour du dépôt du budget, je voudrais encore une fois
demander aux ministres concernés de reconsidérer le financement
du Programme d'action communautaire pour les enfants. Financé
par le ministère de la Santé, le programme verse une aide financière
aux centres de ressources pour les familles. Il s'est révélé fort utile
dans le domaine de l'assistance aux familles et aux particuliers.
Ces centres de ressources pour les familles, il y en a sept à
l'Île-du-Prince-Édouard, ont obtenu un franc succès et sont très en
demande à l'île. J'estime qu'ils diminuent la dépendance envers les
services et le personnel du gouvernement et favorisent
l'établissement d'un système au sein duquel les gens s'appuient
mutuellement.
Je demande donc au ministre de reconsidérer le financement.
Le vice-président: Avant que l'on passe à la période des
questions, je vais donner la parole au ministre de la Défense
nationale pour un bref rappel au Règlement.
8132
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
durant la période des questions d'hier, j'ai fait allusion à un
document. Je croyais que je ne pouvais pas le déposer pendant la
période des questions. C'est donc avec grand plaisir que je le dépose
maintenant pour l'information des députés.
______________________________________________
8132
QUESTIONS ORALES
(1115)
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le
Président, on ne s'objectera pas à ce dépôt, pour une fois qu'il y a
quelque chose, un document qui nous provient de la Défense
nationale, on en est très heureux. En voilà un de trouvé.
Aujourd'hui, dans les villes de Québec, Montréal, Rimouski,
Chicoutimi, Sept-Îles, Matane et Moncton, par diverses
manifestations, la population et le personnel de Radio-Canada
rappellent au gouvernement qu'il avait promis d'accorder un
financement stable à Radio-Canada.
Un autre regroupement, The Friends of Canadian Broadcasting,
précise qu'en accordant à Radio-Canada 10 millions de dollars pour
la radio, le gouvernement n'a rempli que 3 p. 100 de ses promesses,
tout en remettant en cause son indépendance.
Ma question s'adresse au gouvernement dans son ensemble.
Comment le gouvernement peut-il expliquer qu'il ait imposé des
compressions de 14 millions supérieures à celles proposées par le
Parti réformiste dans leur budget des contribuables? Comment le
gouvernement peut-il prétendre défendre la culture, alors qu'il a
retiré 414 millions à Radio-Canada et trouvé des millions pour des
gadgets publicitaires de toutes sortes, des cerfs-volants aux
drapeaux, et j'en passe?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada s'est
engagé, et la ministre l'a répété la semaine dernière, à un
financement à long terme pour Radio-Canada. Tous les ministères
de notre gouvernement ont été assujettis à des coupures, et
Radio-Canada a été assujettie à de telles coupures elle aussi.
Le député d'en face sait fort bien que pour les cinq prochaines
années, Radio-Canada sera la seule agence du gouvernement à être
exemptée de coupures, donc les fonds seront stables à long terme.
Qui plus est, Radio-Canada recevra des deniers publics, quelque
900 millions de dollars par an. Ce n'est pas des pinottes, c'est un
montant considérable et c'est bien sûr assuré à long terme.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Il me
semble, monsieur le Président, que j'ai entendu ça quelque part en
1993. C'était pour 1993-1994. C'est une promesse recyclée.
The Friends of Canadian Broadcasting, le maire de Québec,M. Jean-Paul Lallier, Tony Manera qui était président de
Radio-Canada et qui a démissionné devant les politiques de ce
gouvernement, Pierre Juneau, un autre ancien président, Margaret
Atwood, Pierre Berton, le cardinal Jean-Claude Turcotte et bien
d'autres s'interrogent sur les véritables intentions du gouvernement
quant à Radio-Canada.
Pourquoi le gouvernement choisit-il de fragiliser une institution
indépendante et de transférer des fonds dans des organismes non
redevables au gouvernement, comme le Fonds de production des
câblodiffuseurs?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, quand le député parle du fonds, et
qu'il le qualifie de non redevable, il sait sûrement qu'une partie de
ce fonds ira à Radio-Canada. Il n'est pas sans le savoir. Je crois que
cette accusation est tout à fait inappropriée de sa part.
Dans un deuxième temps, il n'est sans doute pas sans savoir que
le gouvernement s'est engagé, je le répète, à un financement à long
terme pour Radio-Canada. On accordera quelque 900 millions par
année, 800 millions en crédits spécifiques, plus une partie du fonds,
comme je l'ai indiqué plus tôt.
Finalement, le gouvernement a annoncé encore dernièrement des
fonds supplémentaires, par-dessus tout ce que je viens de décrire, à
Radio Canada International.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le
Président, c'est un vieux truc ça: on coupe au complet avant et on en
rajoute un petit peu par la suite. Ensuite, on peut dire: «Regardez
combien on est généreux, on vient vous en donner tout cela.»
On nous fait le truc dans les paiements de transfert. On coupe
quelque chose comme 1,3 milliard, ensuite on arrive avec 215
millions. C'est un gouvernement spécialisé dans la distribution de
pinottes.
Le gouvernement se rend-il compte que le recyclage de ses
vieilles promesses du défunt livre rouge, dont ne parle plus le
premier ministre d'ailleurs, ne constitue qu'un trompe-l'oeil,
puisque, depuis 1993, ce même gouvernement a réduit les budgets
de Radio-Canada comme jamais un gouvernement n'avait osé le
faire jusqu'à ce jour?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, je pense que le Bloc québécois et leurs
amis à Québec sont en très mauvaise position pour prêcher la vertu
dans ce dossier. Radio-Québec a également fait des coupures dans le
nombre de ses employés de près de 50 p. 100.
8133
(1120)
De plus, souvenons-nous de la déclaration de la députée de
Rimouski-Témiscouata du 16 mars 1995. Elle disait, et je cite: «Si
on veut faire des coupures», disait la députée de
Rimouski-Témiscouata, «il y a des coupures magistrales à faire à
Radio-Canada.»
On n'a pas fait des coupures magistrales, on a assuré les fonds à
long terme après avoir fait des coupures, bien sûr, comme il se
devait. Mais contrairement au Bloc québécois, on n'a pas fait et on
n'a pas l'intention de faire ces coupures magistrales.
* * *
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le
Président, il faut rappeler que les coupures que ma collègue
suggérait de faire étaient au siège social, pas à la base. Le
gouvernement a très bien compris le message: il a coupé 414
millions de dollars et 4 000 emplois. Voilà la réalité.
Ma question s'adresse au gouvernement, à celui qui pourra
répondre. Après la ministre du Patrimoine, voilà que le ministre des
Affaires étrangères se lance dans une campagne de propagande pour
mousser l'unité nationale. Avec ses nouvelles règles de
subventions, dorénavant, le ministre ne financera que les projets
dont l'objectif est de promouvoir l'unité du Canada à l'étranger.
M. Young: Bravo!
M. Leroux (Richmond-Wolfe): On entend le ministre de la
Défense dire bravo, et ce qu'il dit, ça veut dire à la culture
québécoise: «Dehors!» Ça veut dire aux artistes québécois:
«Dehors!» C'est ce que ça veut dire.
Comme cette politique de financement est discriminatoire,
antidémocratique, et pour éviter toute ingérence politique, le
ministre retirera-t-il ce critère des objectifs du programme des
relations culturelles des Affaires étrangères?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, il faut bien raisonner comme un
député du Bloc pour penser que de promouvoir le Canada à
l'étranger est antidémocratique. Ce sont les paroles du député d'en
face.
Je l'invite à repenser un peu ses propos. Bien sûr, le député d'en
face sait fort bien, comme nous le savons tous, que de promouvoir la
culture canadienne inclut promouvoir la culture québécoise. Bien
sûr, c'est également une cause que doivent épouser totalement, je
pense, tous les Canadiens.
Si l'inverse s'appliquait, je suis sûr que tous les députés et les
contribuables canadiens trouveraient cela totalement inapproprié.
Le rôle du gouvernement du Canada est de promouvoir le Canada, et
ça, c'est sûr.
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le
Président, je voudrais rappeler au ministre que ce n'est pas du tout
ce qu'on a dit au Comité du patrimoine, entre autres, à Marie
Laberge et à nos cinéastes québécois, les accusant de faire des films
anticanadiens.
Pour amener le gouvernement à un niveau un petit peu plus élevé,
l'argent pour la promotion de la culture à l'étranger doit être octroyé
en fonction de la qualité des oeuvres et des projets soumis par les
artistes et non en fonction de la propagande politique véhiculée par
ce gouvernement.
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, le député n'a pas posé de question. Je
me permettrai quand même une remarque face à ce qu'il vient de
dire.
Le député semble suggérer aux parlementaires de cette Chambre
qu'il est totalement correct et approprié, selon lui, que le
gouvernement subventionne ou autrement avance de l'argent à des
artistes qui épousent des messages qui ne sont pas pour l'unité
canadienne, et d'en proposer à ceux qui sont en faveur de l'unité
canadienne serait pour lui inacceptable. J'ai un peu de difficulté à
comprendre le raisonnement du député.
* * *
[
Traduction]
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre de la Défense essaie de récrire l'histoire du scandale de
Somalie. Hier, il a déclaré:
Personne au Canada ne croit qu'il y a eu ou qu'il y a maintenant camouflage d'un
meurtre.
L'arrogance du ministre est sans limites. Croit-il que des
documents se sont déchiquetés tout seul? Pourquoi croit-il que la
commission d'enquête voudrait entendre Bob Fowler, Kim
Campbell et John Anderson?
Comment le ministre peut-il prétendre que personne n'a essayé
de camoufler la torture et le meurtre de Shidane Arone?
(1125)
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
les attaques par coups et par balles sur la personne de citoyens
somaliens ont donné lieu à des procès où des individus ont été
condamnés à des peines majeures.
Ce que j'ai dit hier et, je suis sûr que le député sait ce que j'ai dit,
c'est que les Canadiens intéressés à la question savent ce qui s'est
passé en Somalie lors de ces incidents où des citoyens somaliens ont
trouvé la mort.
J'ai également ajouté, ce que le député passe sous silence, que, à
la suite de ces incidents, il y avait eu des procès devant une cour
martiale, que les individus ayant participé directement aux meurtres
avaient reçu leur sentence et que la réaction de l'institution à ces
incidents avait été tout à fait inacceptable.
8134
C'est pourquoi nous prenons des mesures radicales et tentons
d'élaborer des systèmes et des procédures faisant en sorte que le
ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes
réagiront comme il se doit en cas de nouveaux incidents
intolérables.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ce que le
ministre ne dit pas, c'est que, en interrompant les travaux de la
commission, il l'empêche d'enquêter aux plus hauts échelons. C'est
cela le problème aux yeux des Canadiens.
Nous savons que des documents ont été cachés, déchiquetés et
modifiés. La police militaire a été induite en erreur, et des officiers
et des fonctionnaires supérieurs ont tenté d'intimider des ministres
et de garder la population canadienne dans le noir.
Si ce n'était pas là des tentatives de camouflage d'un meurtre, je
me demande ce que c'était. Il y a eu un meurtre. Il y a eu camouflage
et le gouvernement essaie de camoufler ce camouflage en mettant
fin aux travaux de la commission d'enquête.
Pourquoi le gouvernement a-t-il si peur de la vérité? Pourquoi ne
laisse-t-il pas la commission d'enquête sur la Somalie aller au fond
des choses dans cette affaire de camouflage de meurtre?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
nous parlons ici d'une question extrêmement sérieuse et complexe.
Si le député veut laisser entendre que les incidents qui sont
survenus sur le terrain sont inconnus ou ont été camouflés, il devrait
savoir exactement ce qui s'est passé, comme la majorité des
Canadiens qui s'intéressent à la question. Il y a eu des livres de
publiés sur ces incidents. Les médias ont fait de grands reportages.
Il en a été question devant la commission d'enquête sur la mission
en Somalie.
Des citoyens somaliens ont été abattus. Un citoyen somalien a été
torturé à mort. Des meurtres ont été commis. Des mesures ont été
prises par le système de justice militaire pour s'occuper de la
question. Tout cela est bien connu.
Les Canadiens n'acceptent pas du tout cela et nous devrons y
mettre un terme. Le gouvernement du Canada est prêt à prendre des
mesures pour que ce qui s'est passé après ces meurtres et ces actes
de torture au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces
canadiennes ne se reproduise plus jamais.
Le député a fait allusion à certaines allégations se rapportant à du
déchiquetage de documents et à des tentatives de camouflage des
événements, pour reprendre ses mots. Cela s'est produit après les
meurtres et après que les individus en cause aient été jugés.
Nous avons toujours dit-et je continue de l'affirmer au
député-que le gouvernement tient fermement à corriger un
système qui n'a pas réagi correctement devant les meurtres et les
actes de torture survenus en Somalie.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre ne va pas jusqu'au bout. Dès que nous commençons à
grimper les échelons, il ferme les portes. C'est de cela que je parle et
il évite de répondre.
Lorsque le ministre a déclaré hier qu'il n'y avait personne au
Canada qui croyait qu'il y avait eu camouflage, pensait-il
sincèrement que les Canadiens le croiraient? Ne comprend-il pas la
gravité de la situation? Ne comprend-il pas que les militaires ne
s'amenderont jamais si nous n'allons pas au fond de toute cette
affaire dès maintenant?
Mon bureau reçoit les commentaires de Canadiens. Ceux-ci
s'inquiètent du camouflage et du blanchiment des responsables de
ce camouflage. Le ministre cessera-t-il ses fanfaronnades,
jouera-t-il franc jeu avec les Canadiens et laissera-t-il la
commission d'enquête trouver la vérité?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
nous aussi nous recevons des appels. J'ai reçu un appel d'un homme
de Smith Falls qui a dit qu'il appuyait notre décision de mettre fin
aux travaux de la commission d'enquête sur la Somalie.
(1130)
Il a ajouté qu'il s'était entretenu avec des gens du parti du député
qui lui ont dit qu'il devrait y avoir une enquête sur les raisons de
l'interruption des travaux de la commission d'enquête. Si cette
enquête n'a pas lieu, il devrait y avoir une autre enquête pour savoir
les raisons pour lesquelles une deuxième commission d'enquête n'a
pas été constituée, parce qu'il semble que les réformistes donnent
dans l'enquête ces jours-ci.
* * *
[
Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des
Transports.
À la suite du jugement invalidant le transfert des vols de Mirabel
à Dorval, la ministre des Transports a, une fois de plus, tenu à
préciser, et je cite, qu'«ADM est une administration locale et ce sont
eux qui ont la direction des aéroports de Montréal et non pas le
ministère fédéral des Transports». Depuis près d'un an, le fédéral se
sert d'ADM pour ne pas permettre à la population d'être consultée
et pour ne pas avoir à se mouiller dans ce dossier dans lequel le bilan
fédéral des 30 dernières années est pitoyable.
Le ministre se rend-il compte aujourd'hui que c'est son inaction
et son irresponsabilité qui nous conduisent de nouveau à une
impasse dans le dossier des aéroports de Montréal?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député sait très bien que
la politique relative aux aéroports donne aux autorités locales la
capacité de prendre des décisions importantes pour les aéroports
spécifiquement et pour les régions où ils sont situés.
8135
Le ministre des Transports a répondu hier à une question en
disant que sa politique visait à donner aux autorités locales la
capacité de prendre ces décisions. Une opinion différente a été
rendue par la cour, c'est l'autorité qui est devant les tribunaux.
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ):
Monsieur le Président, je voudrais rappeler au ministre que le
gouvernement fédéral est locataire dans ce contrat et que le juge
lui-même a enjoint le gouvernement fédéral à agir et à prendre ses
responsabilités.
Doit-on comprendre des propos du ministre qu'il n'a toujours pas
la volonté de régler un problème que le gouvernement fédéral a
lui-même créé par son inaction?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, je crois que même le
député comprend très bien qu'il y a un problème à régler dans
plusieurs aéroports au Canada. Pense-t-il qu'il est mieux qu'un
gouvernement central prenne toutes ces décisions? Ou est-ce
qu'une autorité qui est plutôt locale peut régler les problèmes d'une
région spécifique est mieux placée pour prendre ces décisions?
* * *
[
Traduction]
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre de la Défense a récemment cité un document. Je voudrais
qu'il le dépose à la Chambre.
Hier, le ministre de la Défense a déclaré à la Chambre qu'il n'y
avait pas de camouflage en ce qui concerne le meurtre commis en
Somalie. Permettez-moi de lui rappeler que son ministère a
déchiqueté des documents, intimidé des témoins, caché la vérité à la
police militaire et refusé de dévoiler tous les faits.
Tout cela porte à croire à un camouflage, mais nous ne
connaîtrons jamais la vérité, car le gouvernement camoufle le
camouflage en mettant un terme aux travaux de la commission
d'enquête.
Lorsque le ministre de la Défense affirme qu'il n'y a pas de
camouflage, comment le sait-il? A-t-il des preuves ou des faits pour
fonder son affirmation ou fait-il encore une fois de l'ingérence
politique dans les travaux de la commission d'enquête?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
il est évident que nous ne voudrions pas nous ingérer dans les
travaux de la commission d'enquête. Le député sait pertinemment
que nous ne pouvons le faire et nous sommes très conscients de
notre responsabilité de ne pas nous ingérer dans un processus
judiciaire ou quasi judiciaire.
Le gouvernement a des décisions à prendre. Je tiens à dire à mon
collègue qu'il est vrai que, durant la période des questions, j'ai fait
mention d'un document. Je l'ai déposé auprès de la présidence
avant le début de la période des questions d'aujourd'hui.
M. Mills (Red Deer): La lettre d'aujourd'hui?
M. Young: Le député dit qu'il y a d'autres lettres que celle
d'aujourd'hui. Pour mettre les choses au clair, il s'agit d'une lettre
parmi plusieurs que les commissaires ont envoyée au gouvernement
pour lui demander de prolonger l'enquête.
Pour être juste et plutôt que de citer les documents et d'ajouter à
la confusion du député, je préférerais déposer également en temps
opportun les trois autres lettres que la commission a envoyées au
gouvernement pour lui demander de prolonger ses travaux et pour
expliquer son mode de fonctionnement. Je serai heureux de faire
cela pour la gouverne du député et de ses collègues.
(1135)
Le vice-président: Le ministre peut déposer les documents
durant la période des questions en les remettant à un page.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je
veux parler de la lettre qu'il a citée aujourd'hui. Je lui ai demandé
s'il était prêt à la déposer.
Le ministre a déclaré à la Chambre hier qu'il n'y avait pas de
camouflage du meurtre commis. Peut-il retirer cette affirmation? Il
tire des conclusions au sujet d'événements avant même que la
commission ne présente son rapport. C'est de l'ingérence politique
dans une enquête judiciaire. Ou le ministre a des preuves qu'il n'a
pas rendues publiques ou il s'immisce dans les travaux de la
commission d'enquête. Qu'en est-il? Le ministre fait-il de
l'ingérence ou cache-t-il des faits?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
en ce qui concerne la première partie de la question, j'aimerais bien
pouvoir me plier à la demande de mon collègue qui voudrait que je
dépose le contenu d'une conversation téléphonique, mais c'est
difficile à faire. J'ai dit clairement que j'avais reçu ce matin un coup
de téléphone et j'ai simplement signalé au député l'objet de la
conversation.
Pour ce qui est de la seconde partie de la question, à savoir si les
Canadiens comprennent ce qui s'est passé sur le terrain, en Somalie,
la Commission d'enquête sur la Somalie mène ses travaux depuis
maintenant près de deux ans. Elle a entendu plus de 100 témoins. On
lui a soumis à son étude des centaines de milliers de documents.
Il y a eu des cours martiales et des appels des jugements rendus
par ces cours martiales, et on a établi que certaines personnes
étaient impliquées dans les incidents précis qui se sont produits en
Somalie.
Ce que j'ai dit et ce que je répète, c'est que les Canadiens qui
veulent se renseigner sur ces incidents savent pertinemment ce qui
s'est produit au sujet des meurtres par balle ou par suite de tortures.
8136
Ce que j'essaie également d'expliquer-et je vais continuer
d'essayer d'expliquer-c'est qu'à la suite de ces incidents,
beaucoup de choses inacceptables et intolérables se sont produites
et on ne peut accepter qu'elles se répètent.
Nous prenons des mesures pour essayer de corriger ces
problèmes et ces façons de faire. Le député et son parti voudraient
que la commission poursuive ses travaux jusqu'en 1998, 1999 ou
peut-être même l'an 2000. Il peut nous accuser de bien des choses,
mais il ne fera jamais croire à personne que nous essayons de faire
traîner les choses sur une question aussi importante que celle dont
nous sommes saisis dans le cas présent.
[Français]
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ):
Monsieur le Président, ma question s'adresse également au ministre
de la Défense nationale.
Selon le témoignage de l'ex-directeur de la police militaire
devant la Commission d'enquête sur la Somalie, l'actuel chef
d'état-major, qui était, au moment des événements de Somalie, le
numéro trois de l'armée, aurait refusé à trois reprises que la police
militaire enquête sur la mort suspecte d'un Somalien, le 4 mars
1993, et ce, dans le but d'en étouffer les circonstances.
Compte tenu des témoignages troublants et contradictoires du
chef d'état-major et de l'ex-directeur de la police militaire, le
ministre peut-il nous dire s'il accorde toujours son appui à l'actuel
chef d'état-major, et ce, dans le contexte où celui-ci était au coeur
même du scandale sur la Somalie?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai toujours été très méticuleux en m'assurant de ne pas commenter
les témoignages présentés devant la Commission d'enquête.
L'honorable député a fait allusion au témoignage d'un individu
qui a comparu devant la Commission; je laisserai la Commission
tirer les conclusions qui s'imposent, à la suite, non seulement du
témoignage de l'individu auquel l'honorable député fait allusion,
mais aussi de celui de l'amiral Murray qui agit en ce moment
comme chef d'état-major suppléant.
Évidemment, depuis que je suis au ministère de la Défense, et
avec le travail que nous avons réussi à accomplir, il est essentiel que
tous ceux qui occupent des postes dans les forces canadiennes
bénéficient de l'appui du ministre de la Défense nationale et c'est le
cas pour l'amiral Murray.
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ):
Monsieur le Président, je vous ferai remarquer que c'est exactement
ce qu'on disait à propos du général Boyle. On s'achemine
exactement vers la même chose.
Puisque le ministre savait, au moment de nommer le vice-amiral
Murray au poste de chef d'état-major que celui-ci était impliqué
dans les événements sur la Somalie, et puisqu'il s'est assuré que la
Commission ne pourrait plus établir s'il y a eu camouflage, quelles
garanties les Québécois et les Canadiens peuvent-ils avoir sur
l'intégrité du vice-amiral?
(1140)
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
le vice-amiral Murray a comparu devant la Commission d'enquête
et il a témoigné pendant plusieurs jours.
Je n'ai aucun doute qu'à un moment donné, d'ici le 30 juin, les
commissaires feront rapport sur tout le témoignage et toute
l'information qu'ils ont à leur disposition. C'est une des raisons
pour lesquelles le gouvernement a jugé bon, après avoir accordé
trois prolongations, de demander à la Commission d'enquête de
terminer son travail le 30 juin, afin qu'on sache, justement, quelles
sont ses conclusions et ses recommandations sur un nombre de
sujets sur lesquels elle a enquêté depuis presque deux ans
maintenant, et durant lesquels elle a entendu au-delà de 100
témoins.
On ne décidera pas sur la base du témoignage d'un témoin plutôt
qu'un autre avant que la Commission nous présente ses
conclusions.
[Traduction]
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, hier, le ministre de la Défense nationale a essayé de
rejeter la responsabilité du camouflage d'un meurtre sur la
commission d'enquête sur les incidents survenus en Somalie en
citant de façon très sélective des passages d'une lettre qu'il n'a
déposée que ce matin.
Ce que le ministre n'a pas dit à la Chambre, c'est comment la
lettre prouve que le ministre savait que sa décision de mettre un
terme à l'enquête aurait pour effet de cacher la vérité et de protéger
des amis des Libéraux comme Bob Fowler.
Les Canadiens veulent savoir qui le ministre protège et pourquoi
il a peur de la vérité.
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
il est facile de prétendre que quelqu'un a peur de la vérité, et il est
tout aussi facile de montrer que quelqu'un connaît très mal les faits.
L'homme à qui mon collègue fait allusion, qui est actuellement
ambassadeur du Canada aux Nations Unies, a été nommé au poste
de sous-ministre de la Défense nationale sous le gouvernement
précédent. Cet homme a gardé la confiance du gouvernement après
que la ministre de la Défense nationale qui était en poste au moment
où ces incidents sont survenus est devenue première ministre du
Canada.
Le député devrait être un peu plus prudent lorsqu'il parle des
liens d'amitié entre certaines personnes et vérifier avec qui ces
personnes entretenaient des relations en tant que connaissances ou
même en tant qu'amis, du moins à un certain moment.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, le gouvernement libéral est coupable d'ingérence
politique dans sa propre enquête judiciaire, une enquête qui est
censée être indépendante.
Les libéraux n'ont pas tenu leur promesse de découvrir la vérité.
Ils ont trahi la confiance des commissaires qu'ils ont nommés et la
confiance des hommes et des femmes des Forces armées
canadiennes qui s'attendent à ce que justice soit faite aux échelons
supérieurs de la hiérarchie, et non seulement aux échelons
inférieurs. Le
8137
ministre savait que sa décision aurait pour effet de cacher la vérité,
mais les Canadiens ne le laisseront pas faire. Encore une fois,
pourquoi le ministre a-t-il peur que la vérité sorte?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, à
la mi-septembre, le chef du Parti réformiste a demandé au premier
ministre du Canada de donner à la Chambre l'assurance-pour
employer le même terme que lui-que les résultats de l'enquête sur
les événements survenus en Somalie seraient rendus publics avant
les prochaines élections fédérales. Il n'a pas parlé de la vérité. Il n'a
pas parlé des amis du gouvernement. Il n'a pas parlé d'aller au fond
des choses. Il a simplement demandé l'assurance que la
commission publierait son rapport avant les élections.
Le député croit-il que nous devrions dire aux commissaires qui
ils devraient citer à comparaître? Ce serait de l'ingérence politique.
Ils ont eu deux ans pour convoquer tous les témoins qu'ils
voulaient. Ils ont eu la possibilité d'établir leur plan de travail à leur
guise. Deux ans et 25 millions de dollars plus tard, le gouvernement
a décidé qu'il était temps, après trois prorogations du mandat de la
commission, de s'assurer que le rapport serait déposé au plus tard le
30 juin.
* * *
[
Français]
M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, ma
question s'adresse au premier ministre suppléant ou à tout autre
ministre qui voudra répondre. Il y en a tellement peu ce matin.
(1145)
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Le député sait très
bien qu'on ne peut pas commenter sur l'absence d'un député ou
d'un ministre.
M. Leroux (Shefford): Monsieur le Président, ce qu'on peut
dire, c'est qu'il y en a. L'usine Hyundai de Bromont a fermé ses
portes depuis quelques années. Or, les dirigeants et les intervenants
économiques tels que la SODER, la Société de développement
régional, ne savent toujours pas les intentions de la compagnie
concernant cette importante usine qui employait plus de 800
personnes. Durant le mois de janvier, le premier ministre est allé en
Corée du Sud où se trouve justement le siège social de Hyundai.
Lors de son voyage avec Équipe Canada, est-ce quelqu'un peut
me dire si le premier ministre s'est renseigné auprès des dirigeants
de Hyundai sur leurs intentions concernant l'usine désaffectée de
Bromont?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, apparemment tous les
députés bloquistes qui sont ici aujourd'hui vont poser des questions.
En ce qui concerne l'usine Hyundai, le député sait très bien que nous
avons travaillé ensemble, avec les autres paliers de gouvernement,
afin de trouver une façon de faire revivre cette usine.
Hyundai a décidé de fermer cette usine. Ils ont remboursé
l'argent qui avait été investi par les gouvernements, selon l'accord
entre le gouvernement et Hyundai. De notre part, et je crois aussi de
la part du gouvernement du Québec, ces sommes sont remboursées
même dans l'entente bilatérale entre les gouvernements fédéral et
québécois.
Nous essaierons, toujours ensemble, de trouver un moyen de
rétablir les emplois à Bromont.
M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, si
j'ai bien compris, le ministre n'a rencontré personne lors de son
voyage.
Puisque le député de Brome-Missisquoi, qui est responsable de
Bromont, c'est dans son comté, ne s'occupe pas des affaires de son
comté, le premier ministre ou le ministre qui a répondu et qui a
quand même une certaine responsabilité, peut-il s'engager à
s'informer auprès des dirigeants de Hyundai sur l'avenir de l'usine
de Bromont, par le biais de notre délégation commerciale en Corée
du Sud?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, je reçois beaucoup plus
d'interventions de la part du député de Brome-Missisquoi au sujet
de Bromont que des bloquistes.
Une voix: C'est un très bon député.
M. Manley: C'est un très bon député. Il comprend une chose qui
n'est pas bien comprise par les députés du Bloc, soit que ce n'est pas
la compagnie Hyundai qui sauvera l'usine qui était occupée par
Hyundai, parce que Hyundai a pris sa décision.
Il y aura peut-être d'autres possibilités pour cette usine, mais ce
ne sera pas Hyundai.
* * *
[
Traduction]
L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.):
Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du
Conseil du Trésor. Un récent rapport de la Commission canadienne
des droits de la personne révèle que le secteur privé obtient une
meilleure note que le gouvernement fédéral sur le chapitre de
l'embauche et de la promotion des minorités.
Étant donné que le programme d'équité en matière d'emploi est
en place depuis maintenant dix ans, pourquoi le gouvernement
accuse-t-il ce retard et qu'entend-il faire pour le combler?
8138
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et
ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le
Président, la Fonction publique du Canada reconnaît qu'elle doit
refléter la composition de la société qu'elle sert. Je trouve
regrettable que ce ne soit pas nécessairement l'objectif de tous les
gouvernements au Canada, mais c'est néanmoins celui que poursuit
la Commission de la fonction publique du Canada.
Dans cette optique, nous avons accru de 50 p. 100 la
représentation des minorités visibles depuis quelques années. Le
Conseil du Trésor a même mis sur pied un programme d'élaboration
de mesures spéciales pour appuyer des initiatives d'aide aux
minorités visibles, notamment des programmes de recrutement et
de perfectionnement professionnel et des mesures de promotion de
la commerciabilité, ainsi que de formation au titre de l'organisation
des carrières, pour préparer les gens à occuper des postes cadres.
Dans ce domaine, la Commission de la fonction publique du Canada
fait donc clairement son travail.
* * *
(1150)
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, hier,
le ministre de la Défense nationale disait clairement qu'il n'y avait
pas eu de tentative de camouflage dans le cas du meurtre en
Somalie.
Je voudrais donner au ministre l'occasion de retirer ce qu'il a dit
ou de dire à la Chambre et à la population canadienne comment il
sait qu'il n'y a pas eu de tentative de camouflage dans le cas du
meurtre en Somalie.
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
je suppose que nous parlons des incidents qui se sont produits en
Somalie au début de l'année 1993 et pour lesquels des personnes ont
été inculpées et jugées responsables. Les noms des citoyens
somaliens qui ont été tués sont connus des Canadiens et le député
peut les trouver si cela l'intéresse. Ces incidents ont été décrits et
examinés, ils ont fait l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaires.
Ce que j'ai dit hier, et ce que la population canadienne comprend
très bien, j'en suis sûr, c'est que ce qui s'est produit en Somalie était
totalement inacceptable. Deux ans plus tard, les Canadiens savent
également que ce qui s'est produit après ces incidents en Somalie,
c'est-à-dire la réponse de la justice militaire et l'incompétence au
niveau de l'enquête, était également intolérable.
Nous sommes d'avis que les Canadiens attendent de nous que
nous fassions quelque chose, et c'est notre intention.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, le
ministre n'a pas répondu à ma question. Il a dit clairement, hier,
qu'il n'y avait pas eu de tentative de camouflage du meurtre de
l'adolescent en Somalie, alors que c'est la raison même pour
laquelle l'enquête a été mise sur pied.
Je repose au ministre la même question: Est-il prêt à révéler à la
Chambre les faits sur lesquels il basait sa déclaration qu'il n'y a pas
eu de tentative de camouflage du meurtre en Somalie ou bien va-t-il
nous forcer à conclure qu'il a fait une déclaration erronée à la
Chambre?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
je ne voudrais pas que le député passe ses nuits à se demander si j'ai
compris et si les Canadiens comprennent ce qui s'est passé en
Somalie en ce qui concerne ces meurtres.
Ce que j'ai dit hier c'est que tous les Canadiens qui veulent
vraiment savoir ce qui s'est passé en Somalie savent qui a appuyé
sur la gâchette. Tout le monde au Canada sait exactement ce qui
s'est passé sur le terrain, dans la mesure où l'on peut le savoir après
deux ans de travail de la part de la commission, des enquêteurs
militaires, des cours martiales et de beaucoup d'autres groupes ou
individus.
Le député ne peut pas faire la distinction entre les problèmes qui
se sont produits, les incidents qui ont entraîné des morts, les
difficultés que le système a eues et les réponses inappropriées
données après ces événements. Je pense qu'il ne devrait pas
sous-estimer le degré d'intelligence des Canadiens de la façon dont
il l'a fait jusqu'à présent. Les Canadiens savent. . .
* * *
[
Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président,
ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.
Si le CRTC accorde à Bell Canada ce qu'elle demande, les clients
d'affaires des petites localités paieront entre 44 $ et 54 $ par mois
pour leur service téléphonique, alors que dans les grands centres, la
facture sera d'environ 10 $ de moins.
Quelles sont les mesures qu'entend adopter le ministre de
l'Industrie pour s'assurer que les services de télécommunications et
de téléphonie essentiels à la compétitivité des entreprises soient
aussi abordables pour les PME des milieux ruraux que pour celles
des milieux urbains?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, je crois que la députée sait
que le CRTC est en train de considérer les questions au sujet des
tarifs abordables des services téléphoniques.
Je trouve que c'est une question très importante. Un des objectifs
de notre politique sur l'inforoute était que tous les Canadiens aient
accès, à un prix abordable, aux services téléphoniques. Mais la
députée sait aussi, je crois, qu'il y a des changements très
importants dans le secteur des télécommunications. Il y a de
nouveaux services, une technologie avancée, et tous les Canadiens
veulent aussi recevoir ces nouveaux services.
(1155)
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président,
nous savons très bien qu'actuellement, le CRTC étudie toute la
question des tarifs de télécommunications et de téléphonie, mais ce
n'est pas au CRTC que j'ai posé ma question, c'est au ministre.
8139
Dans son livre rouge, le Parti libéral affirmait qu'il prendrait les
mesures nécessaires pour favoriser la création d'emplois. Or, avec
la proposition qui est sur la table actuellement, des PME pourraient
voir leur facture de télécommunications et de téléphonie subir des
augmentations de 41 à 77 p. 100.
Comment le ministre peut-il concilier ces hausses démesurées
avec des promesses de productivité accrue et de création d'emplois?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, premièrement, la députée
confond la responsabilité du gouvernement et celle du CRTC.
Je lui signale que la question de base ici est que nous avons mis
en place un système de concurrence qui a déjà permis de réduire les
tarifs des services interurbains d'une façon très importante, ce qui a
aidé toutes les petites et moyennes entreprises. Ce système a permis
d'établir des services concurrentiels, non seulement pour les
entreprises canadiennes, mais également en relation avec des
entreprises américaines. Nous recevrons ici, au Canada, des
services modernes et différents, et les prix seront. . .
[Traduction]
Le vice-président: Le député d'Emonton-Sud-Ouest.
* * *
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.
Quiconque a déjà signé un chèque de paie comprend que les
charges sociales ont un effet dissuasif sur l'embauche.
L'assurance-emploi, l'indemnisation des travailleurs et la nouvelle
cotisation au Régime de pensions du Canada, que l'on propose de
porter à 10 p. 100, représenteront presque 20 p. 100 du salaire. En
plus, la victime doit payer des impôts sur son revenu et la TPS. Il
n'est pas étonnant que les Canadiens soient écrasés par les impôts.
Comment le gouvernement peut-il établir un climat favorable à
la création d'emplois, particulièrement pour ceux qui arrivent sur le
marché du travail, lorsque les charges sociales font qu'il est plus
rentable de payer des heures supplémentaires ou d'avoir recours à
des contractuels à temps partiel?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, le député devrait savoir que, grâce aux mesures prises par
ce gouvernement, les cotisations d'assurance-emploi vont baisser
de 1,7 milliard de dollars. C'est de l'argent qui va retourner dans les
poches des Canadiens.
Je remercie le député de m'avoir donné l'occasion d'en dire un
peu plus long à ce sujet. Il a mentionné qu'il devrait y avoir des
mesures incitatives pour l'embauche des nouveaux venus sur le
marché du travail. Il a dû oublier que, dans le dernier budget, nous
avons pris la décision de ne pas faire payer les cotisations
d'assurance-emploi aux PME. Quelque 900 000 entreprises, d'un
bout à l'autre du pays, vont pouvoir employer des jeunes Canadiens
sans avoir à verser de cotisations.
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, les Canadiens savent intuitivement que lorsqu'un
ministre des Finances se met debout pour parler, il glisse sa main
dans leurs poches.
À l'heure actuelle, l'assurance-emploi ramasse plus de 5
milliards de dollars de plus en cotisations qu'elle ne verse en
prestations. Ce n'est rien d'autre qu'une surtaxe fédérale. Les
cotisations au Régime de pensions du Canada vont augmenter de 69
p. 100 parce que le régime est gravement malade.
Afin d'éliminer les charges sociales régressives, le
gouvernement va-t-il limiter l'augmentation des cotisations au
Régime de pensions du Canada à un montant égal à celui de la
diminution des cotisations d'assurance-emploi?
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, ce que le député n'a sans doute pas remarquer, c'est que
j'ai mis ma main dans ma poche à moi.
Les réformistes préconisent une diminution du TCSPS de3,5 milliards. Ils préconisent une diminution des paiements de
péréquation. Ils veulent enlever aux Canadiens, particulièrement à
ceux qui ont un revenu moyen, de l'argent qu'ils reçoivent
actuellement. Ils veulent le leur enlever. Notre objectif est de
maintenir les services dont les Canadiens ont besoin pour vivre.
(1200)
[Français]
Le vice-président: Je m'excuse auprès des députés qui n'ont pas
eu l'occasion de poser leurs questions, c'est maintenant la fin de la
période des questions orales.
[Traduction]
M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le
Président, j'invoque le Règlement. J'aimerais obtenir le
consentement unanime de la Chambre pour poser une question au
gouvernement.
Le vice-président: Y a-t-il unanimité pour autoriser le député à
poser une question au gouvernement?
Une voix: Non.
Le vice-président: Quelqu'un a dit non.
8140
8140
AFFAIRES COURANTES
[
Traduction]
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, je dépose l'avant-projet de loi constituant l'Office
d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le
Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse
et d'autres lois en conséquence.
* * *
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le
Président, je suis fier de présenter aujourd'hui des propositions qui
vont assurer l'avenir du Régime de pensions du Canada (RPC). Les
mesures proposées découlent de l'examen du Régime de pensions
du Canada mené depuis un an par les gouvernements fédéral et
provinciaux.
À titre de gestionnaires conjoints du RPC avec les provinces,
nous sommes tenus de faire tout notre possible pour maintenir le
régime dans l'intérêt des Canadiens-non seulement pour ceux qui
sont à la retraite, mais aussi pour les travailleurs qui deviennent
invalides pendant leur vie active. Nous croyons que les Canadiens
devraient pouvoir compter sur leurs prestations, et c'est pourquoi
nous n'avons pas ménagé nos efforts pour leur donner cette
assurance.
[Français]
Les problèmes du RPC sont fondamentaux. L'actuaire en chef du
régime a montré que si aucun changement n'était effectué, le fonds
du Régime des pensions du Canada serait épuisé dans moins de 20
ans. Si aucun changement n'était effectué, les taux de cotisation
devraient passer de moins de 6 p. 100, à l'heure actuelle, à plus de
14 p. 100 en raison de l'escalade des coûts.
En d'autres mots, les jeunes générations devraient payer plus du
double de ce que nous payons maintenant, sans obtenir davantage en
retour. Ce n'est pas juste, ce n'est pas abordable.
[Traduction]
En un mot, le Régime de pensions du Canada, tel qu'il existe à
l'heure actuelle, n'est pas viable, à long terme à un taux équitable
pour les futures générations de Canadiens. Cela en a conduit
plusieurs à déclarer que nous devrions abolir le RPC.
Permettez-moi de dire bien clairement que ni le gouvernement
fédéral ni les provinces ne sont d'avis qu'un démantèlement du RPC
servirait les intérêts des Canadiens. Et les Canadiens le savent.
C'est ce qu'ils nous ont déclaré pendant les consultations publiques
que nous avons organisées avec les provinces d'un bout à l'autre du
pays, au printemps dernier.
Les Canadiens ont demandé à leurs gouvernements de préserver
le RPC, de renforcer son financement, d'améliorer ses méthodes de
placement et de réduire ses coûts. Autrement dit, ils nous ont
demandé, non pas de prendre des demi-mesures, mais d'assurer la
viabilité à long terme du RPC. C'est ce que nous avons fait.
Les options que nous avons envisagées pendant notre examen du
RPC exigeaient des choix difficiles. Mais nous sommes parvenus à
élaborer un ensemble efficace et bien équilibré de mesures qui
permettront aux Canadiens de compter sur le Régime de pensions
du Canada lorsqu'ils en auront besoin. Et nous y sommes parvenus
en maintenant intactes certaines caractéristiques extrêmement
importantes du RPC, à la demande expresse des Canadiens.
(1205)
Aucun des retraités ni des personnes âgées de plus de 65 ans au 31
décembre 1997 ne sera touché par les changments proposés. Tous
ceux et celles qui reçoivent actuellement des prestations
d'invalidité, des prestations de survivant ou des prestations
combinées ne seront pas touchés non plus. Toutes les prestations du
Régime de pensions du Canada resteront entièrement indexées sur
l'inflation. L'âge de la retraite-normale, anticipée ou
tardive-restera inchangé.
Permettez-moi de décrire les mesures que nous avons prises. Il a
été convenu d'apporter un changement fondamental au mode de
financement du régime. Celui-ci passera d'un système de
répartition à une capitalisation plus complète, de manière à créer un
fonds de réserve beaucoup plus important. Le fonds équivaut
actuellement à environ deux années de prestations, et il diminue.
Une capitalisation supérieure lui permettrait de monter à environ
cinq années de prestations. Il sera placé dans un portefeuille de
titres diversifié qui permettra d'obtenir un rendement plus élevé et
de contribuer au financement des prestations à mesure que la
population du Canada vieillira.
[Français]
Les Canadiens et les Canadiennes nous ont également demandé
de ne plus donner aux gouvernements un accès exclusif aux fonds
du RPC. C'est ce que nous avons fait. Les gouvernements ont
accepté de limiter leur accès aux fonds et de payer les taux d'intérêt
du marché. Les Canadiens et Canadiennes nous ont aussi demandé
de ne pas laisser les taux de cotisation dépasser 10 p. 100. Nous
avons entendu leur demande.
[Traduction]
Les taux de cotisation augmenteront au cours des six prochaines
années pour atteindre 9,9 p. 100, et resteront stables ensuite. Ce
niveau est beaucoup moins élevé que le taux projeté de plus de 14 p.
100 qui aurait été nécessaire d'après l'actuaire en chef si aucun
changement n'avait été apporté.
Plusieurs mesures ont permis de limiter les taux de cotisation à
9,9 p. 100. Je voudrais en citer quelques-unes. L'exemption
annuelle de base-la première tranche de 3 500 dollars de gains sur
lesquels aucune cotisation de RPC n'est versée-restera au niveau
actuel. Les pensions de retraite seront calculées en fonction de la
moyenne sur cinq ans du maximum des gains annuels ouvrant droit
à pension au moment de la retraite, plutôt que d'une moyenne sur
trois ans. Nous améliorons l'administration des prestations
d'invalidité afin qu'elles bénéficient uniquement aux personnes
admissibles en vertu de la loi.
Les pensions de retraite des bénéficiaires de prestations
d'invalidité seront basées sur le maximum des gains ouvrant droit à
pension au moment de l'invalidité, puis indexées sur les prix, plutôt
que sur les salaires, jusqu'à 65 ans.
8141
[Français]
De nouvelles règles s'appliqueront au calcul des pensions
combinées pour les personnes qui reçoivent à la fois des prestations
d'invalidité et de survivant, ou des prestations de retraite et de
survivant. La prestation de décès équivaudra à six mois de pension
de retraite, à concurrence de 2 500 $.
Une participation plus assidue à la population active sera exigée
pour être admissible aux prestations d'invalidité. Il faudra avoir
cotisé pendant 4 des 6 dernières années avant la demande de
prestations.
[Traduction]
Les changements proposés sont modérés et bien équilibrés. Ils
vont ralentir l'excalade des coûts du régime. Les Canadiens nous
ont toutefois demandé de faire preuve de modération pour modifier
les prestations, et c'est ce que nous avons fait.
Enfin, les Canadiens nous ont demandé d'être traités comme des
participants à un régime de pensions. C'est ce que nous allons faire.
Les mécanismes de reddition de comptes au public seront renforcés.
Les Canadiens recevront chaque année un relevé de leur compte de
RPC, et cela commencera dès que possible. Un examen
fédéral-provincial devra être effectué tous les trois ans plutôt que
tous les cinq ans.
À l'exception d'une faible hausse additionnelle du taux de
cotisation en 1997, les changements proposés entreront en vigueur
en 1998, une fois le projet de loi adopté.
(1210)
[Français]
Les changements apportés au régime pour assurer son avenir ont
l'appui du gouvernement fédéral, ainsi que de Terre-Neuve, de la
Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de
l'Île-du-Prince-Édouard, du Québec, de l'Ontario, du Manitoba, de
l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest.
[Traduction]
Nous regrettons de n'avoir pu obtenir un soutien unanime et que
deux provinces aient jugé ne pas pouvoir signer l'entente. Toutefois,
nous avons respecté l'exigence du soutien du deux tiers des
provinces avec deux tiers de la population.
Il est juste de dire qu'on a examiné toutes les options au sujet du
RPC. Certaines, toutefois ont été proposées après les consultations
publiques. La porte est ouverte à ces idées, ainsi qu'à d'autres
questions qui dépassent le cadre de cet examen.
Permettez-moi de souligner que notre objectif premier était de
garantir la sécurité fondamentale du Régime de pensions du
Canada. C'est fait maintenant. Les gouvernements qui se sont
succédé depuis plus de dix ans n'y étaient pas parvenus.
Nous sommes maintenant en mesure de passer à l'examen
d'autres questions, ce que nous ferons le plus tôt possible. Ces
questions consistent à: envisager que le partage des droits de
pension soit obligatoire pendant le mariage; examiner les
prestations de survivant pour s'assurer qu'elles sont adaptées à la
situation des familles d'aujourd'hui; examiner le passage de la vie
active à la retraite, et notamment la possibilité de verser des
pensions partielles pendant cette période. Nous examinerons la
possibilité d'étendre l'application du RPC à des revenus plus
élevés, comme l'a proposé la Colombie-Britannique.
Le système de revenu de retraite du Canada n'est pas le seul à
affronter des problème dus au vieillissement et à une plus grande
longévité de la population. Cependant, presque aucun autre pays
industrialisé n'a pris autant d'initiatives que le Canada pour
s'attaquer à ces problèmes.
Le gouvernement avait promis d'assurer l'avenir du système de
revenu de retraite pour les Canadiens. Nous sommes en bonne voie
d'y parvenir.
[Français]
Le RPC est l'un des trois piliers de notre système de revenu de
retraite. La Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu
garanti offrent également des pensions publiques aux aînés. Nous
avons pris des initiatives afin d'assurer également le maintien de
ces régimes.
[Traduction]
La nouvelle Prestation aux aîné(e)s, annoncée dans le budget de
1996, regroupera la SV et la SRG à partir de l'an 2001. Cette
nouvelle prestation devrait venir en aide aux personnes qui en ont le
plus besoin et protéger entièrement les Canadiens à revenu faible ou
modeste.
Le troisième pilier du système est constitué par les mécanismes
d'aide fiscale à l'épargne-retraite, par exemple les régimes de
pension agréés et les régimes enregistrés d'épargne-retraite. Nous
continuerons d'offir de généreux encouragements aux Canadiens
pour qu'ils épargnent en vue de leur propre retraite.
En résumé, les trois piliers sur lesquels repose le système de
revenu de retraite au Canada sont placés sur des fondations solides
et stables. Les Canadiens peuvent maintenant avoir l'assurance que
le système de pensions tel qu'ils le connaissent sera là pour
répondre à leurs besoins, de même qu'à ceux des générations future.
Je remercie mon collègue du travail qu'il a accompli dans ce
dossier.
[Français]
M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ):
Monsieur le Président, il me fait plaisir, au nom de mes collègues du
Bloc québécois, de répondre aujourd'hui au dépôt de l'avant-projet
de loi visant à modifier le Régime de pensions du Canada, tout juste
déposé par le ministre.
Dans l'ensemble, nous accueillons favorablement cette annonce,
avec cependant, comme il se doit, quelques bémols bien sentis là où
le bât blesse. Nous sommes parfaitement conscients, comme
l'actuaire en chef du régime, que les problèmes du Régime de
pensions du Canada sont fondamentaux et que, si rien n'est fait,
effectivement, le fonds du Régime de pensions du Canada sera
épuisé dans moins de 20 ans. À ce moment-là, les taux de cotisation
devraient passer de 6 à 14 p. 100.
J'aimerais reprendre la plupart des mesures qu'on retrouve dans
cet avant-projet de loi, très rapidement, en faire un survol rapide et
mettre les bémols là où il faut.
8142
Une des mesures proposées, la première, c'est qu'aucun des
prestataires actuels, c'est-à-dire ceux qui reçoivent des rentes de
survivant, d'invalidité et des rentes combinées, ni les personnes
âgées de plus de 65 ans au 31 décembre ne sera touché par les
changements proposés. On sait bien qu'à l'approche des élections,
c'est une mesure électorale et que le ministre ne veut pas
transmettre l'idée à tous les gens qu'ils vont être affectés
immédiatement. Mais tous ceux qui suivront dans le régime, un peu
plus tard, eux, seront affectés.
(1215)
La deuxième mesure: toutes les prestations au Régime de
pensions resteront entièrement indexées à l'inflation. C'est une très
bonne nouvelle. À ce sujet, le fédéral s'aligne sur le Québec.
D'ailleurs le Québec est d'accord, en principe, avec le
gouvernement fédéral là-dessus. Il y a seulement deux provinces
qui ne s'entendent pas.
Chaque fois que le Québec est en mesure de défendre ses intérêts
correctement, on l'a vu avec l'harmonisation de la TPS, on le voit
encore aujourd'hui avec ce projet de loi, le Québec est toujours
parmi les premiers à s'aligner sur des mesures qui vont dans le sens
des intérêts des citoyens.
La troisième mesure: l'âge de la retraite normale, anticipée ou
tardive, restera inchangé. Il n'y a pas de problème à ce sujet, bien
sûr. Le fonds équivaut actuellement à deux années de prestations; on
veut faire passer ce fonds à une réserve pour cinq années de
prestations et, nous sommes d'accord avec le ministre, c'est une
mesure qui assure la viabilité du système.
Les taux de cotisation augmenteront au cours des six prochaines
années pour atteindre 9,9 p. 100 en 2003 et resteront stables ensuite.
C'est une autre mesure qui, nous le croyons, assure, à long terme, la
viabilité du système. L'exemption de base, la première tranche de
3 500 $ de gains sur lesquels aucune cotisation au régime n'est
versée, restera à son niveau actuel. Cela ne pose pas de problème.
Les pensions de retraite seront calculées en fonction de la
moyenne sur cinq ans du maximum des gains annuels donnant droit
à une pension plutôt que sur une moyenne de trois ans. Là, il y a un
petit bémol. Cela représente une petite perte pour les prestataires,
car la moyenne de cinq ans sera, en général, légèrement inférieure à
la moyenne sur trois ans.
L'autre mesure: amélioration de l'administration des prestations
d'invalidité. Le vérificateur général a dénoncé, dans un récent
rapport, la mauvaise administration de ces prestations, en citant le
Québec comme exemple de ce qu'il faut faire. Encore
extraordinaire que le Québec se retrouve ici. Nous saluons la
décision du ministre des Finances de faire les choses comme il faut.
Il faudra voir ce que cela voudra dire en pratique dans le projet de
loi.
Il y a aussi cette mesure: les prestations d'invalidité seront
indexées sur les prix plutôt que sur les salaires. Là également, on
émet un petit bémol. Cela pénalise un peu les prestataires car, règle
générale, les prix évoluent moins rapidement que les salaires.
De nouvelles règles de calcul s'appliqueront aux pensions
combinées pour les personnes qui reçoivent à la fois des prestations
d'invalidité et de survivant ou des prestations de retraite et de
survivant. Ici, on émet un gros bémol; c'est une très mauvaise
nouvelle.
Prenons le cas d'une dame qui reçoit des prestations de survivant,
car son conjoint est décédé, et qui devient invalide. Elle a donc droit
à des prestations pour invalidité. Sous le régime actuel, la dame
reçoit les deux prestations complètes. Avec les nouvelles règles, on
plafonnera le maximum auquel cette personne a droit.
Concrètement, cela peut représenter une prestation de 800 $ par
mois au lieu de 1 200 $. C'est injuste, nous semble-t-il, de pénaliser
de la sorte des gens qui se retrouveront dans des situations de grand
malheur.
Autre mesure: les prestations de décès équivaudront à six mois de
pension de retraite ou 2 500 $, le plus bas des deux montants. Cela
ne semble pas poser de problème, à première vue, comme mesure.
On exigera également une participation active plus grande. Pour
être admissible aux prestations d'invalidité, la personne devra avoir
cotisé pendant quatre des six dernières années avant la demande de
prestations. Autre bémol; il faudra voir ce que les témoins qui
comparaîtront devant le Comité permanent des finances auront à
dire sur les conséquences de cette mesure. À première vue, cela
risque d'évincer du régime un bon nombre de cotisants qui auront,
de ce fait, payé pour rien.
Autre mesure encore: les Canadiens recevront, chaque année, un
relevé de compte du Régime de pensions du Canada. Naturellement,
c'est une très bonne idée. Les Canadiens et les Québécois devraient
toujours recevoir des relevés de compte de ce qui se passe dans leur
dossier.
Un examen fédéral-provincial sera effectué tous les trois ans
plutôt que tous les cinq ans. Et nous sommes également
parfaitement d'accord avec cette mesure.
Le système canadien de revenu de retraite, comme le soulignait
le ministre, repose sur trois piliers: le Régime de pensions du
Canada, la Sécurité de la vieillesse et le Supplément du revenu
garanti ensemble et, le troisième pilier, les incitatifs fiscaux à
l'épargne retraite, on parle ici des REER.
C'est concernant le deuxième pilier que le bât blesse. La
proposition de remplacer ces deux prestations, en 2001, par une
prestation unifiée aux aînés est une chose à laquelle le Bloc
québécois s'opposera vivement.
(1220)
La proposition du ministre des Finances désincite l'épargne en
pénalisant les Québécois et les Canadiens qui auront mis de l'argent
de côté pour leurs vieux jours, car elle sera amputée d'un montant
proportionnel aux revenus de retraite des individus.
Le Bloc québécois promet une bataille de tous les instants au
gouvernement fédéral là-dessus, si bien sûr en l'an 2002, nous
faisons toujours partie du Canada.
La position du Bloc québécois en regard du troisième pilier, les
REER, fut énoncée dans l'analyse des dépenses fiscales des
particuliers, rendue publique au début de février par le Bloc. Nous
pensons qu'il est inéquitable pour les Québécois et les Canadiens
que le
8143
versement de 1000 $ dans un REER par un contribuable qui gagne
plus de 100 000 $ lui donne une économie de 313 $ d'impôt fédéral,
alors qu'un contribuable qui gagne 30 000 $ et moins, pour le
même 1 000 $ dans un REER profite d'une économie d'impôt de
seulement 175 $.
Nous avons proposé de remplacer la réduction pour REER par un
crédit d'impôt de 268 $ uniforme pour tout le monde, la seule façon
juste et équitable d'inciter tous les contribuables à épargner de
l'argent pour leur retraite.
En définitive, cela résume un petit peu à première vue la réaction
que nous avons devant le dépôt de cet avant-projet de loi. Bien sûr,
nous suivrons toutes les étapes subséquentes et il nous fera plaisir
de commenter au fur et à mesure.
[Traduction]
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, les Canadiens d'un océan à l'autre ont dû tressaillir
aujourd'hui en entendant le ministre des Finances annoncer
l'augmentation d'impôt la plus régressive jamais vue au Canada.
Le gouvernement a annoncé aujourd'hui qu'il hausserait la
cotisation au Régime de pensions du Canada de 5,85 p. 100 à 9,9 p.
100 des gains. Cela représente une augmentation considérable des
impôts personnels, des cotisations sociales, qui sont prélevées avant
même que l'impôt sur le revenu ne soit payé, avant même que les
Canadiens aient la chance de payer la TPS. Peu importe le point de
vue que l'on adopte, il s'agit d'une augmentation d'impôt pour les
Canadiens.
Si le RPC était un véritable régime de pension comme les gens
l'entendent généralement, c'est-à-dire une façon de préparer sa
retraite, la mesure ne serait pas si terrible, mais ce n'est pas le cas.
Par exemple, si vous versez aujourd'hui 5,8 p. 100 de votre salaire
pour recevoir des prestations de retraite de 8 724,90 $, soit le
maximum versé en vertu du Régime de pensions du Canada, vous
recevrez effectivement 8 724,96 $. Une fois les changements mis
en oeuvre, vous et votre employeur aurez la chance de payer
3 193,36 $ pour obtenir les mêmes 8 000 $. Vous payerez 3 200 $
par année pour recevoir des prestations de retraite de 9 000 $
environ.
Est-ce raisonnable? C'est maintenant la saison des REER. Si le
gouvernement vendait des fonds mutuels et qu'il annonçait à
chaque contribuable: «Nous avons un nouveau régime
extraordinaire à vous offrir. Vous et votre employeur verserez des
cotisations de 3 200 $ par année et vous recevrez ensuite des
prestations de retraite de 9 000 $ par année.» Les contribuables lui
riraient au nez car un tel régime est absolument insensé. Voilà le
problème de ce régime. Il ne procure pas au titulaire qui paie les
cotisations, à chaque Canadien, un rendement équilibré, juste et
honnête sur l'argent investi.
Le gouvernement a déjà affirmé qu'il était conscient de l'impact
négatif des charges sociales sur les emplois. C'est un fait historique
et bien documenté. Reconnaissant cet état de fait, le gouvernement a
annoncé qu'il réduirait les cotisations au régime
d'assurance-emploi de la somme faramineuse de 10c. par 100 $ de
revenu gagné.
(1225)
Pour mettre les choses en perspective, disons que cette hausse
des charges sociales correspond à 4,10 $ du 100 $ de revenu. En
somme, le gouvernement donne d'une main et reprend de l'autre.
Quand le gouvernement retranche de la sorte, peut-on parler
d'équilibre? Je ne le crois pas et c'est là le problème. Les Canadiens
croulent sous le poids des impôts. On ne saurait examiner les impôts
un par un. Ce qui compte, c'est l'incidence cumulative que cela peut
avoir sur notre économie. La ponction fiscale qui s'abat sur notre
économie est en quelque sorte un parasite qui s'accroche aux
contribuables et suce leur sang jusqu'à la dernière goutte.
Quand les charges sociales augmentent dans le cas du travailleur
et dans le cas de l'employeur-dans le cas actuel, au bout de six ans
l'augmentation atteindra jusqu'à 651,90 $ pour chacun-d'où
provient cet argent? L'employeur dit: «Nous versons actuellement
1 889,56 $ par employé par année, mais il nous faut maintenant
verser 3 193,36 $. Où allons-nous prendre cet argent?
Pouvons-nous augmenter nos prix? Non, ce n'est pas possible.»
Nous vivons dans un monde où la concurrence est vive et le profit,
de plus en plus réduit. La diminution des profits fait qu'il nous reste
moins d'argent à réinvestir dans notre économie. Qu'est-ce à dire?
C'est l'emploi qui en souffre.
Pour savoir ce qu'il est advenu à notre économie en conséquence
directe de cette ponction fiscale rendue nécessaire par le fait que nos
fonds de pension ont été mal gérés au cours des 36 dernières années,
il suffit de surveiller le chômage qui va recommencer de plus belle
une fois que ça va être en place. Et que va-t-il arriver? Les gens
d'affaires vont faire la seule chose qui leur reste à faire. Ils vont
licencier des employés car c'est la seule façon de faire des
économies. Comment les entreprises peuvent-elles espérer survivre
quand un gouvernement ne voit en elles qu'une mine inépuisable de
ressources? Alors qu'on sait que la réalité est tout autre.
Le député d'en face était pourtant haut placé à la Banque Toronto
Dominion. La Banque Toronto-Dominion va dire à toutes ces
entreprises: «Si vous avez 100 employés, vous rendez-vous compte
que vous devrez réunir environ 90 000 $ par année seulement pour
payer ces cotisations au Régime de pensions du Canada? Où
trouverez-vous cet argent? Vous devrez injecter plus d'argent dans
vos entreprises.».
Les gens d'affaires vont dire: «Un instant. Nous ne pouvons pas
tout simplement présumer d'office que les affaires s'amélioreront.
Alors, la seule chose que nous puissions faire, c'est mettre des
employés à pied ou ne pas en embaucher.» Voilà le problème que
pose cette mesure. Nous devons inculquer un sens de la
responsabilité financière à tous les gouvernements.
Lorsque le gouvernement dit à quelqu'un qu'il investit cet argent
pour lui, je demande aux députés et aux Canadiens quelle personne
sensée demanderait à un gouvernement endetté de 600 milliards de
dollars de devenir son conseiller en investissements. Seul un
gouvernement endetté de 600 milliards est capable de dire sans
broncher aux Canadiens: «Donnez-nous 3 200 $ de votre argent
chaque année et nous l'investirons pour vous. Après votre retraite,
vous en retirerez près de 9 000 $ par année.» Il ne faut pas charrier!
8144
Quiconque investit dans un REER, même le plus sûr possible,
sait qu'un régime d'investissement géré par une entreprise privée
rapporte plus de deux fois ce montant au cours de la même période.
Comment le gouvernement peut-il regarder les Canadiens dans les
yeux et leur dire qu'il s'agit là d'une bonne affaire? Ce n'est pas une
bonne affaire. C'est une tragédie.
C'est une tragédie pour tous les Canadiens car, encore une fois,
au lieu d'affronter la réalité, le gouvernement dit qu'il peut
surmonter ce problème en augmentant les impôts. Chaque fois qu'il
augmente les impôts, il perce un autre trou dans le bateau de
sauvetage de l'économie. Il est ainsi plus difficile de maintenir
l'ordre dans nos finances nationales.
(1230)
En tant que gouvernement, et c'est le cas pour tous les
gouvernements du Canada, nous avons l'obligation fiduciaire
envers nos enfants et leurs enfants de vivre selon nos moyens. Cela
ne veut pas dire qu'il faut soutirer tout l'argent des Canadiens en
augmentant les charges sociales pour le prêter à des gouvernements
étrangers, à des taux inférieurs à ceux du marché, afin d'embellir
notre réputation aujourd'hui aux dépens des générations à venir.
Le gouvernement n'a aucune raison de se réjouir de cette hausse
des impôts parce que l'emploi en souffrira horriblement. Cela nuira
énormément à l'emploi des jeunes Canadiens, surtout les plus
vulnérables qui essaient d'entrer sur le marché du travail.
Rien ne justifie la mauvaise gestion de nos impôts, de nos
régimes de retraite et de notre argent qui nous a menés à la situation
que nous vivons aujourd'hui au Canada.
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour revenir
au dépôt de documents?
Des voix: D'accord.
* * *
Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire de la
ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président,
conformément au paragraphe 32(2) du Règlement, j'ai l'honneur de
déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de la
Lower Churchill Development Corporation Limited pour 1995.
* * *
M. John English (Kitchener, Lib.): Monsieur le Président,
conformément au paragraphe 34(1) u Règlement, j'ai l'honneur de
déposer à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport
de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la réunion du
comité permanent de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, qui
s'est tenue à Vienne, en Autriche, les 16 et 17 janvier 1997.
M. Bob Kilger (Stormont-Dundas, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai l'honneur de déposer le 55e rapport du Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui porte
sur la composition du Comité permanent de l'industrie.
Avec le consentement de la Chambre, je proposerai l'adoption de
ce rapport plus tard aujourd'hui.
* * *
L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre des Finances)
demande à présenter le projet de loi C-82, Loi modifiant la
législation relative aux institutions financières.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
* * *
[
Français]
M. Bob Kilger (Stormont-Dundas, Lib.): Monsieur le
Président, si la Chambre donne son consentement, je propose,
appuyé par le député de Dartmouth, que le 55e rapport du Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à
la Chambre aujourd'hui, soit adopté.
(La motion est adoptée.)
* * *
M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ):
Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition signée
par 44 concitoyens et concitoyennes de mon comté. Elle tombe à
point, puisque nous sommes à la veille du budget, et le ministre des
Finances étant justement avec nous, cette pétition rappelle
l'importance des taxes sur l'essence. Elle demande au Parlement et
au ministre des Finances de ne pas hausser la taxe fédérale d'accise
sur l'essence dans le prochain budget fédéral.
J'espère que mes commettants et commettantes seront bien
entendus par ce gouvernement.
(1235)
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, je
voudrais aujourd'hui présenter à la Chambre une pétition signée par
273 personnes de mon comté demandant au Parlement d'adopter
une loi qui imposerait un plafond aux taux d'intérêt sur les cartes de
8145
crédit émises aux consommateurs par les banques et les grands
détaillants en regard du taux d'escompte de la Banque du Canada.
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, j'ai
l'honneur de présenter deux pétitions.
La première est signée par 50 personnes de mon comté qui
demandent au gouvernement et au ministre des Finances de ne pas
hausser la taxe d'accise sur l'essence lors du prochain budget
fédéral.
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, j'ai une
deuxième pétition signée par 25 personnes de mon comté et qui
s'ajoute à celle que j'ai déjà déposée plus tôt en cette Chambre.
Les signataires souhaitent que le Parlement exerce des pressions
sur le gouvernement fédéral pour que celui-ci se joigne aux
gouvernements provinciaux afin de rendre possible l'amélioration
du réseau routier national.
[Traduction]
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, j'ai deux pétitions à présenter aux termes de l'article 36
du Règlement. Les pétitionnaires demandent au Parlement
d'exhorter le gouvernement à unir ses efforts à ceux des provinces
pour que la réfection du réseau routier national devienne possible et
débute dès 1997.
Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, la deuxième pétition est signée par un certain nombre de
mes électeurs, qui prient le Parlement d'affecter des ressources
beaucoup plus importantes au soutien et au développement de la
recherche scientifique grâce à des programmes comme ceux du
Conseil de recherches médicales du Canada et du Conseil de
recherches en sciences naturelles et en génie.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président,
c'est pour moi un plaisir de présenter à la Chambre une pétition
signée par 200 de mes électeurs qui appuient fermement le
Programme d'action communautaire pour les enfants.
Les pétitionnaires soulignent que les programmes de prévention
en matière de santé comme le PACE sont une utilisation rentable
des budgets de santé. Ils ajoutent que les évaluations des projets
PACE de l'Île-du-Prince-Édouard réalisées aux niveaux local et
régional révèlent un taux de succès élevé.
C'est pourquoi les pétitionnaires demandent au gouvernement de
maintenir le PACE en lui laissant le même mandat et les mêmes
ressources.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président,
c'est mon devoir de déposer une pétition au nom des électeurs
d'Ottawa-Sud et d'Ottawa-Centre. Les pétitionnaires demandent au
gouvernement d'appuyer la négociation immédiate d'une
convention internationale, à signer avant l'an 2000, fixant un délai
ferme pour l'abolition de toute les armes nucléaires.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai le plaisir
de présenter aujourd'hui une pétition signée par des habitants de
Prince George-Peace River qui tombe à point, puisque la Chambre
est de nouveau saisie du projet de loi C-41.
Les pétitionnaires exhortent entre autres le Parlement à réduire
les litiges dans les causes où la garde partagée a été accordée
automatiquement. Selon les statistiques, plus l'accès aux enfants est
facile, plus les ordonnances de pensions alimentaires sont
respectées. C'est dans les cas de garde partagée que les ordonnances
sont le plus respectées.
Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement
d'adopter une loi protégeant le droit des enfants d'être aimés et de
recevoir les soins des deux parents, en veillant à ce que les
programmes d'exécution soient équitables et les conditions de
garde au moins similaires aux ententes en vigueur avant la
séparation.
M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.):
Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement,
j'ai deux pétitions à présenter au nom de la députée
d'Edmonton-Est.
Les signataires de la première pétition demandent au Parlement
d'exhorter le gouvernement fédéral à se joindre aux gouvernements
provinciaux pour remettre en état le réseau routier national.
M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.):
Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition
demandent au premier ministre et au ministre de la Santé de
reconduire la stratégie nationale sur le sida, avant qu'elle ne prenne
fin le 31 mars 1998, en lui accordant au moins le même niveau de
financement qu'en ce moment, afin que le Canada puisse
poursuivre ses programmes de prévention, d'éducation, de soutien
et de recherches sur le sida.
* * *
M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du
Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je
demande que toutes les questions restent au
Feuilleton.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
8146
8146
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
(1240)
[Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion relative aux
amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-41, Loi
modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des
ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la
distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du
Canada.
Le vice-président: Par suite de la déclaration ministérielle et des
réponses à ces déclarations, la séance sera prolongée de 30 minutes.
M. Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, juste avant la période des questions, j'ai posé une
question à un collègue qui n'est pas à la Chambre en ce moment. Par
conséquent, je suppose que la procédure veut que l'on reprenne le
débat sur les amendements du Sénat.
Le vice-président: Je remercie le député de le signaler.
[Français]
M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ):
Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le cadre du
débat sur le projet de loi C-41 qui, comme on l'a mentionné
précédemment, se retrouve devant nous à la suite de son passage à la
Chambre haute, au Sénat. Ce projet de loi a été amendé par cette
Chambre haute après avoir été adopté en bonne et due forme par la
Chambre des communes, il y a déjà quelques mois.
On se retrouve donc devant cette situation que l'on a connue à
plusieurs reprises au cours de cette présente législature, d'avoir à
reprendre les mêmes débats que l'on a eus dans le passé, parce que
des sénateurs, plus souvent qu'autrement en mal d'activité,
décident de revoir un projet de loi et d'y apporter des amendements.
Dans le cas présent, les amendements proposés par les
représentants de la Chambre haute sont au nombre de trois et j'y
reviendrai au cours de mon allocution.
Je voudrais prendre quelques minutes pour dénoncer cette
situation, celle que je viens de décrire, qui fait qu'à la Chambre des
communes, on retrouve des élus de partout au Canada qui ont été
mandatés par leurs populations respectives pour représenter leurs
électeurs, leurs électrices dans cette Chambre et proposer des
projets de loi, adopter des projets de loi qui répondent aux
aspirations et aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes.
Notre régime parlementaire fait qu'une autre Chambre, la
Chambre haute, le Sénat, constituée, elle, de non-élus, peut, pour
toutes sortes de raisons, et plus souvent qu'autrement des raisons
partisanes, entraver le processus législatif, c'est-à-dire intervenir
pour modifier des projets de loi, retarder leur mise en application
avec souvent des conséquences fâcheuses et même désastreuses
pour une bonne partie de notre population.
Il faut dénoncer cette façon de faire des représentants du Sénat
qui, je le répète, ne sont pas des élus. Ce sont des gens qui ont été
nommés par les différents gouvernements. On sait pour quelles
raisons nos sénateurs et sénatrices se retrouvent à la Chambre haute.
Les raisons qui motivent ces choix sont purement et essentiellement
partisanes, dans la très grande majorité des cas. Il y a bien sûr des
exceptions et la très grande majorité des sénateurs et des sénatrices
sont des hommes ou des femmes qui ont servi soit le Parti libéral,
soit le Parti conservateur au cours des années passées . . .
M. Crête: Ou les deux.
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): . . .et qui
continuent de servir ces partis, ou comme mon collègue de
Kamouraska-Rivière-du-Loup vient de le mentionner, qui ont
servi plus souvent qu'autrement les deux partis. Ces gens-là, qui
n'ont aucune légitimité électorale, peuvent, à tout moment, mettre
les bâtons dans les roues.
(1245)
J'ai mentionné le commentaire de mon collègue de
Kamouraska-Rivière-du-Loup, il y a quelques minutes, et je
profite de cette occasion pour souligner son travail en relation avec
l'inutilité, et non pas l'utilité, de la Chambre haute. Mon collègue,
qui a été la bougie d'allumage d'une pétition qui a été déposée en
cette Chambre après avoir circulé à travers le Québec. On s'en
souvient, au-delà de 30 000 de nos concitoyens et concitoyennes
ont demandé l'abolition pure et simple du Sénat.
Au cours des années, depuis 1993 et chaque fois qu'il en a eu
l'occasion, le Bloc québécois a soulevé ce débat ou encore a
participé à des débats pour exiger l'abolition de la Chambre haute.
Si on se réfère à l'option même du Bloc québécois et à sa raison
d'être, c'est-à-dire la souveraineté du Québec, pour nous, non
seulement la Chambre haute est de trop, mais également notre
représentation ici même à la Chambre des communes.
Conséquemment, on souhaite le plus tôt possible qu'apparaisse
dans le décor politique de l'Amérique du Nord un nouveau pays qui
s'appellera le Québec et qui pourra établir de bonnes relations avec
ses voisins, tant ceux du sud que ceux de l'est et de l'ouest, afin de
pouvoir nous concentrer sur des débats qui touchent notre
population, c'est-à-dire des débats qui permettent de trouver des
solutions, plutôt que de perdre un temps inutile à discuter de
l'inutilité de la Chambre haute et à reprendre plus souvent
qu'autrement, comme on est en train de le faire aujourd'hui, un
travail qu'ils ont décidé de défaire.
Puisqu'on parle du Sénat, il me sera certainement permis de
souligner, si on veut parler de sa raison d'être, puisque, malgré le
fait que son travail sur le plan législatif est, le plus souvent
qu'autrement, inutile, le Sénat a une raison d'être. Je l'ai dit, c'est
une espèce de Club Med pour d'ex-organisateurs libéraux et
conservateurs leur permettant de voyager à travers le monde aux
frais de Sa Majesté et aux frais des contribuables.
Il permet également à des organisateurs du Parti libéral et du
Parti conservateur de pouvoir oeuvrer à plein temps à l'organisation
et au financement de leur parti respectif. Si je prends l'exemple du
Parti conservateur, on constatera qu'au cours du dernier mandat,
n'eut été la présence de sénateurs et sénatrices conservateurs à la
Chambre haute, pas grand-chose ne se serait passé du côté politique
8147
ou du côté de l'organisation du Parti conservateur, puisqu'ici en
Chambre, on ne retrouve que deux députés, dont le député de
Sherbrooke qui voit son salaire payé en bonne partie par les
contribuables de Sherbrooke pour agir en tant que directeur général
du Parti conservateur.
On remarque plus souvent qu'autrement que ce député est absent
des débats de cette Chambre, concentré et occupé qu'il est à rebâtir
un parti qui, de toute façon, disparaîtra aux prochaines élections.
C'est le cas d'un grand nombre de sénateurs et de sénatrices que je
m'abstiendrai d'identifier, puisqu'ils sont déjà largement connus.
Il reste que le projet de loi C-41 a une importance primordiale
pour l'ensemble des familles avec enfants qui, pour toutes sortes de
raison, se voient dans l'obligation d'être séparées. Ces enfants
doivent non seulement subir le choc émotif d'une telle séparation,
mais également être les premières victimes sur le plan économique
de décisions prises sans leur consentement, souvent sans qu'ils
soient consultés. Je le répète, ils subissent les contrecoups de telles
décisions, aussi justifiées soient-elles.
(1250)
Avec le projet de loi C-41, on a voulu régler une situation qui
avait été dénoncée par un grand nombre de personnes partout au
Canada, mais de façon particulière au Québec. On a voulu régler
une situation qui s'était retrouvée en Cour suprême avec l'affaire
Thibaudeau, dont on connaît le jugement, et qui faisait et fait encore
en sorte qu'une pension alimentaire versée par un conjoint est
déduite de son revenu personnel imposable, mais par contre se voit
ajoutée au revenu de la personne qui la reçoit au profit des enfants, il
est important de le mentionner.
Je n'ai pas de statistiques devant moi, mais de mémoire j'affirme
que plus de 90 p. 100 des situations font que ce sont des femmes qui
se voient «bénéficier» d'une pension alimentaire pour les enfants
dont elles ont la garde et qui doivent ajouter cette pension à leurs
revenus.
Leur ex-mari, qui souvent est disparu dans le décor, qu'on a de la
difficulté à retrouver, qui manque souvent à ses responsabilités,
lorsqu'il s'acquitte de ses responsabilités, il bénéficie d'une
déduction sur le plan fiscal alors que son ex-épouse, qui a la garde
des enfants, voit son revenu augmenter et se voit dans l'obligation
de rembourser l'impôt pour la bonne partie de la pension
alimentaire qu'elle reçoit.
C'est une situation injuste. Le projet de loi C-41 veut mettre fin à
ce régime. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice,
lorsqu'il est intervenu aujourd'hui en cette Chambre, a répété ce qui
avait déjà été dit auparavant par les représentants du gouvernement
libéral, mais bien sûr par les représentants du Bloc québécois. Au
Québec, on tient compte de cette situation depuis plusieurs années
et on a, dans ce domaine comme dans bien d'autres, apporté des
solutions non seulement originales, mais qui répondent vraiment
aux attentes et aux besoins des personnes concernées. Je parle bien
sûr des directives qui seront données pour tenir compte de
l'établissement de la pension alimentaire.
Au Québec on a déjà énuméré un certain nombre de critères. Le
fédéral peut faire de même. Dans le projet de loi, on mentionne que
le gouvernement, par décret, peut faire en sorte que les critères
d'une province s'appliquent. De cette façon, on évite d'avoir un
double standard dans l'application de la répartition ou du calcul des
pensions alimentaires.
Mon collègue de Lévis l'a mentionné auparavant, lorsqu'il s'agit
de divorce, c'est naturellement la loi fédérale qui intervient,
puisque le divorce est de juridiction fédérale, et lorsqu'il s'agit
d'une séparation, c'est le Code civil québécois qui s'applique en
l'occurrence, comme c'est le cas pour le mariage. Comme on l'a
souligné à plusieurs reprises, on vit une situation un peu paradoxale,
mais qui s'apparente quand même au dossier constitutionnel, alors
que le mariage, ou autrement dit l'union, se fait par la législation
québécoise alors que la désunion, le divorce, lui, est de juridiction
fédérale.
C'est exactement ce qu'on tente d'expliquer à nos amis d'en face
depuis déjà plusieurs décennies, et on a un peu de problèmes à leur
faire comprendre cette situation.
(1255)
Si on revient au projet de loi comme tel, le projet de loi C-41 offre
la possibilité de tenir compte des critères qui seront établis par les
provinces. Le Bloc québécois a dénoncé cette situation. Non pas que
nous soyons en désaccord, au contraire, nous insistions pour que les
critères établis par le Québec, ou toute autre province, aient
prépondérance sur ceux établis par le gouvernement fédéral. On
considère qu'on n'a pas besoin de cette forme de paternalisme dont
le gouvernement fédéral fait preuve, plus souvent qu'autrement,
dans une série de domaines au nom de l'imposition de normes
nationales.
Je l'ai mentionné au début de mon intervention, il y a trois
amendements proposés par le Sénat. Le premier consiste à mettre
sur pied un comité conjoint de sénateurs et de députés sur la garde
des enfants et les droits de visite. Le Bloc s'oppose à cet
amendement pour une raison tout à fait logique. Nous considérons
que le Sénat ne devrait intervenir d'aucune façon dans le cours ou
l'étude de ce projet de loi. On ne voit aucune utilité dans
l'établissement d'un tel comité pour examiner les questions de
garde d'enfants et de droits de visite.
Cette disposition se retrouve dans le projet de loi car le
gouvernement y a donné son aval par l'entremise du ministre de la
Justice. C'est sûr que le Bloc québécois participera aux travaux de
ce comité afin de faire valoir le point de vue de notre formation
politique, mais aussi celui de la population du Québec.
Un autre amendement proposé par le Sénat a comme objet de
retirer l'obligation de payer les études des enfants jusqu'à 25 ans et
de permettre plutôt aux tribunaux de déterminer cette question. Le
Bloc québécois est d'accord avec cet amendement. Au Québec,
cette question a été déterminée par la jurisprudence suite à
l'interprétation du Code civil. Pour nous, c'est une situation de fait.
Nous n'avons certainement pas d'objection à ce que cette
disposition se retrouve dans le projet de loi.
Finalement, le troisième amendement de la Chambre haute veut
que l'on considère que chaque parent contribue pour subvenir aux
besoins de l'enfant et non seulement le parent qui paie la pension
alimentaire. Encore une fois, l'opposition officielle est d'accord
avec cet amendement. Ce problème avait été soulevé au comité par
les représentants du Bloc québécois. De plus, le gouvernement
québécois tient compte du revenu des deux parents dans ses propres
lignes directrices.
8148
Voilà la position du Bloc québécois sur les amendements
proposés par le Sénat. Je conclurai mon intervention en parlant de la
nécessité, dans ce genre de débat, de tenir compte de ceux et celles
qui doivent être au centre de nos préoccupations, et je veux dire,
bien sûr, les enfants. Finalement, c'est à nos enfants qu'on pensait
lorsque nous désirions régler cette situation.
Il est important de préciser que lorsqu'on parle du calcul de la
pension alimentaire, du fait qu'elle doit être juste et équitable, on
parle de la pension alimentaire versée pour assurer, je dirais, le
développement maximal des enfants et non la pension alimentaire
pour assurer la survie du conjoint ou de la conjointe.
(1300)
Je l'ai dit au début de mon intervention, les enfants n'ont pas à
être les victimes des décisions prises par leurs parents, même
lorsque ces décisions sont justifiées non seulement pour le bien-être
des enfants mais aussi pour celui des adultes.
Autrement dit, il faut faire en sorte de prendre toutes les mesures
pour éviter que nos enfants soient pénalisés, alors que déjà ils
doivent subir le choc émotif et affectif relié à une séparation.
Je souhaite que, cette fois-ci, on puisse adopter ce projet de loi et
ses amendements afin de pouvoir voir leur mise en application dans
les meilleurs délais.
* * *
[
Traduction]
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
j'invoque le Règlement afin de fournir des éclaircissements.
Je voudrais donner de très brèves explications au sujet de quelque
chose. Il arrive souvent à la Chambre, au cours de la période des
questions ou pendant le débat, que nous donnions tout à fait
inconsciemment des renseignements ou une réponse qui ne sont pas
entièrement exacts.
Au moment où je quittais la Chambre, des journalistes m'ont
rappelé que, durant la période des questions aujourd'hui, au sujet
des incidents en Somalie-auxquels j'ai maintes fois fait
allusion-j'ai parlé d'exécutions, de mises à mort et de meurtre,
comme le laissent entendre les questions et les réponses.
Je tiens à m'excuser auprès de la Chambre et de mes collègues si
j'ai le moindrement induit quelqu'un en erreur en liant les deux
incidents qui se sont passés en Somalie lorsque j'ai dit que les
Canadiens étaient parfaitement au courant des meurtres qui avaient
été commis par fusillade ou par torture. La mort par torture
constitue évidemment un incident tout à fait indépendant des coups
de feu qui ont été tirés contre deux citoyens somaliens, causant la
mort d'un des deux.
Si je ne m'abuse, au cours de la période des questions
d'aujourd'hui, j'ai parlé deux fois de meurtres au pluriel. Bien sûr, il
n'y a qu'un incident qui peut être convenablement qualifié de
meurtre. La fusillade qui a entraîné la mort d'un citoyen somalien
est une autre affaire. Je n'ai absolument pas voulu donner une fausse
impression à mes collègues ou à toute autre personne qui suit cette
affaire.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): J'invoque le
Règlement, monsieur le Président.
Le vice-président: Si c'est pour faire une observation sur ce qui
vient d'être dit, je député peut continuer, mais je ne pense pas que
c'est à cela qu'on s'attend normalement quand un député prend la
parole pour une déclaration comme celle qu'il vient de faire.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, si vous le permettez, je voudrais seulement que le
ministre clarifie un point. Le ministre veut-il dire alors que le décès
des deux civils, qui, selon des témoins, ressemblait à une exécution,
n'était pas un meurtre? Est-ce qu'il veut dire à la Chambre?
Le vice-président: C'est la période consacrée au débat et non
aux questions et aux réponses. Toutefois, compte tenu des
circonstances très graves, le ministre peut faire d'autres
observations, s'il le souhaite.
M. Young: Monsieur le Président, je vous remercie, la Chambre
et vous, de votre indulgence. Je pense devoir répondre à la question.
Je pense-et je suis revenu là-dessus à la première occasion pour
m'assurer que ce soit bien clair-que personne ne peut tirer des
conclusions quant à la nature de cet incident. L'enquête judiciaire a
montré que, dans un cas, il s'agissait d'un meurtre.
Dans l'autre cas où un civil somalien a été tué par balle, la
question n'a pas encore été élucidée. C'est pourquoi j'ai fait bien
attention de ne pas parler de meurtre au pluriel et d'être le plus exact
possible dans l'intérêt de la Chambre et de tous mes collègues.
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): J'invoque le Règlement,
monsieur le Président.
Le vice-président: Nous n'allons pas transformer le débat en
période de questions. Si les députés ont des questions à poser, qu'ils
le fassent pendant la période des questions. Le rappel au Règlement
porte-t-il sur la même question ou sur une autre?
M. Silye: Monsieur le Président, c'est sur la même question,
mais je voudrais obtenir une clarification.
(1305)
Durant la période des questions, le ministre a fait une observation
qu'il estime maintenant devoir clarifier. Il l'a clarifiée et j'ai
compris ses explications. Toutefois, pourquoi ne pouvons-nous pas
obtenir de clarification sur ce qu'il vient de dire à la Chambre, car il
y a une différence.
8149
Dans un cas, il sait qu'il y a eu meurtre. Dans l'autre, il n'est pas
sûr, mais cela ne l'a pas empêché de mettre un terme aux travaux de
la commission. Pourquoi a-t-il agi ainsi même s'il n'avait pas toutes
les réponses?
Le vice-président: Les députés tentent d'élaborer une nouvelle
procédure en vertu de laquelle il y aurait une période de questions
toutes les fois que l'un d'entre eux veut obtenir une clarification sur
un point soulevé pendant la période des questions. Le Règlement ne
renferme aucune disposition à cet égard.
La Chambre reprend le débat qui était en cours.
______________________________________________
8149
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Traduction]
La Chambre reprend l'étude de la motion des amendements
apportés par le Sénat au projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur
le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des
ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de
pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada.
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, je serai bref, car je constate qu'un de mes collègues
désire formuler une observation ou une question à l'intention du
député du Bloc qui vient de prendre la parole.
J'ai été intrigué par certaines observations que le député a faites
dans son discours. Vers la fin, il a parlé des trois amendements
apportés au projet de loi par le Sénat. Il a dit que le Bloc s'opposera
à ce qu'il a appelé le premier amendement, à savoir la promesse de
créer un comité mixte pour examiner la question des droits de garde,
d'accès et de visite.
Nous savons tous que le débat sur le projet de loi C-41 a été plutôt
long. De nombreux députés en ont dénoncé les faiblesses et
l'inefficacité en ce qui concerne certains aspects des tâches
parentales, une question à laquelle la majorité des Canadiens
accordent une très grande importance.
Je me demande pourquoi le Bloc s'opposerait, si ce n'est par
animosité envers l'autre endroit, à la création d'un comité mixte qui
serait chargé d'examiner cette question cruciale concernant le rôle
de parent.
[Français]
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le
Président, je croyais avoir répondu à cette question, mais je
remercie mon collègue pour cette demande de clarification. C'est
fort simple, nous nous opposons au fait que le Sénat intervienne en
cette matière. Nous ne nous opposons pas au fait qu'il y ait un
comité de suivi sur ces questions.
Au contraire, j'ai pris soin de mentionner que même si la formule
qui est proposée, c'est-à-dire un comité conjoint du Sénat et de la
Chambre, ne nous semble pas être la bonne formule, nous avons
bien l'intention de participer aux travaux de ce comité et de faire
valoir notre point de vue dans le meilleur intérêt de nos concitoyens
et concitoyennes.
[Traduction]
M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président,
je suis heureux d'avoir entendu le député dire que le Bloc est
maintenant prêt à discuter de la création d'un comité mixte.
Je voudrais interroger mon collègue au sujet de l'abolition de la
Chambre haute. Il a paru très amer à son endroit, alors que, pour une
fois, elle remplit son rôle de second examen objectif d'un projet de
loi que nous avons adopté.
Dieu merci, l'équilibre serré qui existe présentement entre les
représentations respectives des conservateurs et des libéraux à la
Chambre haute a permis au bon sens de prévaloir. L'autre endroit
nous a renvoyé le projet de loi pour que nous l'examinions plus en
profondeur.
Au lieu de nous débarrasser du Sénat et de rendre le pays otage de
la Chambre des communes, ne pense-t-il pas qu'il serait préférable
d'avoir un Sénat élu qui compterait une représentation égale de
chaque province? De cette façon, ce serait une assemblée de second
examen objectif vraiment représentative.
[Français]
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le
Président, encore une fois, il me semble que j'ai répondu à cette
question. Je ferai d'abord part de mon étonnement d'entendre mon
collègue du Parti réformiste vanter la représentation conservatrice
et libérale au Sénat. Il me semble qu'il devrait normalement
souhaiter qu'on y retrouve quelques sénateurs réformistes, comme
ce fut le cas dans le passé.
(1310)
Nous, du Bloc québécois, prétendons que le Sénat est une
institution complètement inutile dans notre processus
parlementaire. Qui plus est, dans mon intervention, j'ai fait
référence à l'option même de notre parti, option connue
naturellement à la grandeur du Québec, puisque nous avons été élus
en débattant de notre option politique, qui fait que la souveraineté
du Québec intervenant naturellement, nous n'aurons plus besoin de
débattre de l'utilité ou de l'inutilité du Sénat. Conséquemment, le
Sénat va disparaître.
Maintenant, une fois que ce sera fait, nous concevons que nos
amis canadiens pourront se donner les institutions qu'ils souhaitent,
de la façon qu'ils le souhaitent. S'ils veulent un Sénat élu et que cela
correspond mieux à leurs préoccupations et à leurs attentes, nous ne
nous y objecterons naturellement pas. Nous en prendrons acte et
nous serons à même de surveiller l'application de cette mesure. Il
est clair et net que pour nous, du Bloc québécois, nous ne voyons pas
l'utilité du Sénat, maintenant et dans l'avenir.
[Traduction]
M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le
Président, je suis heureux de prendre part au débat sur les
amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-41, qui
modifie la Loi sur le divorce.
8150
Ce projet de loi a reçu une certaine attention dans les médias et est
devenu en quelque sorte populaire en raison des efforts d'un
sénateur en particulier. Comme mon collègue de North Vancouver
l'a dit, le Sénat a joué son rôle de Chambre de réflexion.
L'impression générale est que la Chambre ne l'a pas, elle, bien
examiné. C'est tout simplement faux.
Même si ça semble être la perception du public et même si cette
perception est perpétuée par les médias, la vérité est que la Chambre
a examiné ce projet de loi à plusieurs reprises. Je suis intervenu à
deux reprises à ce sujet, une fois à l'étape de la deuxième lecture et
une autre fois à l'étape du rapport, lorsque les deux partis de
l'opposition ont proposé un certain nombre d'amendements qui
auraient amélioré le projet de loi.
Il est assez ironique que le sénateur Anne Cools se soit saisie de
cette question dès le renvoi du projet de loi au Sénat. Elle a
également fait des propositions d'amendement, ainsi qu'ont le droit
de le faire les sénateurs à l'autre endroit, dont nous apprécions les
efforts en vue d'améliorer cette mesure législative. Après tout, c'est
pourquoi nous avons un Sénat.
Comme mon collègue de North Vancouver vient de le dire, c'est
un exemple qui montre clairement que le Sénat peut accomplir
beaucoup, surtout dans la situation actuelle où l'équilibre du
pouvoir entre les deux partis, les conservateurs et les libéraux, est si
serré à la Chambre haute. Voilà un exemple que le Sénat est à même
d'accomplir beaucoup. Il a le pouvoir énorme d'imposer des
changements à une mesure législative.
Il est également ironique que, tandis que nous avons là un
exemple du pouvoir de la Chambre haute, cette mesure législative
montre inversement l'impuissance de la Chambre. Comme je l'ai
dit, les amendements proposés par le Sénat que nous examinons
aujourd'hui sont essentiellement les mêmes que ceux qui avaient
été proposés par le Parti réformiste du Canada et par le Bloc
québécois lorsque la Chambre a examiné cette mesure législative.
Comme je l'ai fait remarquer, j'ai eu l'honneur de prendre la
parole à deux reprises à propos de ce projet de loi, une fois, le 3
octobre 1996, et une autre fois assez longuement, le 4 novembre
1996, lorsque la Chambre l'a examiné à l'étape du rapport.
(1315)
Nous avons proposé quatre amendements. Le premier visait à
établir un ordre de priorité qui aurait permis aux tribunaux
d'examiner d'abord les besoins de l'enfant, ensuite la capacité de
payer du parent qui n'a pas la garde, ainsi que les lignes directrices
pertinentes, pour déterminer le montant de la pension alimentaire.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi exige des tribunaux qu'ils se
fient uniquement aux lignes directrices. Nous croyons que c'est une
lacune bien réelle du projet de loi, et que les amendements proposés
par le Sénat ne la corrigent pas.
Le deuxième amendement que nous avions proposé voulait que
les lignes directrices établies en vertu de la loi tiennent compte des
besoins des enfants et de la capacité de payer du parent.
Le troisième amendement prolongeait de 30 à 50 jours le délai
accordé au conjoint qui n'a pas la garde des enfants pour réagir à la
réception de l'avis l'informant que son passeport peut être suspendu
ou qu'une autorisation fédérale peut lui être retirée pour
non-paiement de la pension. C'est une préoccupation fondée car,
pour une simple erreur-et, à cette époque de la technologie, les
ordinateurs font des erreurs constamment-, un parent qui n'a pas
la garde de ses enfants pourrait se rendre compte, une fois rendu au
port ou à l'aéroport, que son passeport est révoqué, alors qu'il
s'apprête à quitter le pays, peut-être parce qu'il s'est trouvé du
travail l'étranger.
Si c'est une véritable erreur et que la personne suit simplement le
processus d'appel, elle peut avoir perdu son emploi avant qu'on lui
aie rendu justice. Comment une situation de ce genre pourrait-elle
être bénéfique pour les enfants que ce projet de loi est censé
protéger? C'est vraiment préoccupant.
Nous avons présenté un autre amendement sur le même point,
pour faire passer de 10 à 20 jours la période de grâce pour la
réception de l'avis indiquant que le passeport pourrait être retiré ou
une autre autorisation révoquée. Le motif de cet amendement est le
même: une période de préavis un peu plus longue préviendrait
certaines situations tragiques où une simple erreur pourrait faire
perdre aux gens leur emploi et leur moyen de subvenir aux besoins
de leurs enfants.
Nous acceptons que la loi considère qu'il y a eu faute très grave
lorsqu'un particulier n'ayant pas la garde des enfants a eu droit à
toutes les étapes prévues et que, de toute évidence, il est déterminé à
ne pas assumer ses responsabilités à l'égard de ses enfants. En
prévoyant une disposition de saisie-arrêt du salaire, le projet de loi
veille à ce que l'enfant ou les enfants reçoivent les soins et les
moyens d'existence nécessaires.
Cependant, le projet de loi va trop loin en proposant de retirer
leur passeport aux parents en défaut. Certaines erreurs pourraient
toujours se produire éventuellement. Lorsqu'elles apparaîtront, il se
pourrait qu'elles aient des conséquences tragiques et entraînent des
pertes de revenus qui se répercuteraient sur les pensions
alimentaires destinées à ces enfants mêmes que le projet de loi est
censé aider.
Il y a un autre sujet que j'aimerais aborder et qui ne figure pas
dans le projet de loi, celui de la garde et du droit de visite. Nous
avons dit à maintes occasion, tant dans cette enceinte qu'à
l'extérieur, que le projet de loi portait sur l'aspect pécuniaire des
pensions alimentaires pour enfants, mais qu'il était passé
complètement à côté de la question du fait qu'il ne disait mot de la
garde, du droit de visite et du partage des responsabilités en tant que
parents. Il ne crée pas un environnement favorable au partage des
responsabilités.
Comme il a été mentionné plus tôt dans le débat, le problème que
beaucoup d'entre nous voient en ce qui concerne le divorce et ce qui
arrive à la famille après les formalités du divorce, c'est que le fait
qu'il reste un sentiment d'hostilité entre les deux parents. C'est le
système même qui encourage l'hostilité au lieu d'essayer de
promouvoir le divorce à l'amiable. Nous avons dit que bien que
l'objectif d'ensemble du projet de loi C-41 soit admirable, ce
dernier laisse à désirer à cet égard.
8151
(1320)
Pendant que je suis sur ce sujet, je me rappele que j'ai présenté le
projet de loi C-242 d'initiative parlementaire à la Chambre des
communes le 20 mars dernier. Le projet de loi accordera la garde
partagée dans tous les cas de divorce, sauf lorsqu'on peut prouver à
la cour qu'il est dans l'intérêt de l'enfant ou des enfants qu'ils soient
confiés à la garde d'un seul parent. C'est que, bien sûr, il y a les cas
d'abus, de négligence ou encore la situation où un des parents est
vraiment peu disposé à assumer ses responsabilités. J'estime que
ces cas représentent une très faible proportion du tableau
d'ensemble.
Je me suis entretenu avec beaucoup de parents divorcés de la
circonscription de Prince George-Peace River que je représente et
d'un peu partout au pays à propos de ces questions. Dans la grande
majorité des cas, les deux parents essaient d'agir dans l'intérêt des
enfants. Ils veulent demeurer après le divorce les parents aimants
qu'ils étaient avant la dissolution du mariage.
Dans un discours prononcé plus tôt, quelqu'un a cité une étude
effectuée en 1995 par le Bureau américain de la statistique, selon
laquelle il y avait beaucoup plus de chances que les parents n'ayant
pas la garde et ayant le droit de visite et la garde partagée paient la
pension alimentaire. Soixante-neuf pour cent de ceux qui ont accès
aux enfants payaient la pension, contre 59 p. 100 de ceux n'ayant
pas accès aux enfants.
Il n'est pas possible de distinguer la question touchant la pension
alimentaire de la question de la garde, de la visite et de l'accès aux
enfants. Les deux sont indissociables. On ne peut pas les isoler l'une
de l'autre puisque les statistiques démontrent clairement que plus
l'accès est grand, plus grand est l'empressement du parent non
gardien, de l'autre parent, le plus souvent le père, à satisfaire aux
exigences de la pension. C'est un domaine où le gouvernement
pourrait adopter une loi qui défendrait l'intérêt des familles au lieu
de les plonger davantage dans l'adversité, comme c'est
actuellement le cas.
Une étude effectuée le 19 mai 1992 par l'Institut canadien de
recherche sur le droit et la famille a révélé que près de 75 p. 100 des
parents qui n'obtiennent pas la garde se plaignent de difficultés à
voir leurs enfants. Il est donc évident que l'accès et le droit de visite
au Canada ne fonctionnent pas et donnent lieu à de nombreuses
difficultés, dont le refus de verser la pension alimentaire.
C'est la raison pour laquelle, lorsque j'examinais cette situation,
j'ai opté pour une solution qu'ont adoptée un grand nombre d'États
américains, soit la garde conjointe. J'admets que cette solution ne
peut s'appliquer à tous les cas. Je me suis entretenu avec de
nombreux groupes, dont un qui se trouvait au Parlement il y a
environ une semaine et demie, un groupe de coordination appelé
FACT, Fathers Are Capable Too. Certains membres du groupe ont
pris la parole et tenu une conférence de presse à l'étage inférieur,
dans cet édifice même. Ils ont présenté au sujet de ce projet de loi et
de cette question un grand nombre d'arguments que, à mon avis, le
gouvernement ferait bien d'écouter et de retenir.
Comme un de mes collègues l'a dit plus tôt, nous devons
examiner cette question sous l'angle de la famille et du soutien
qu'elle peut apporter. Pourquoi la société, les collectivités et le
système de justice présument-ils que les deux parents sont aimants
et attentionnés lorsque le mariage est uni? C'est ce que nous
présumons, à moins de preuve du contraire. Or, une fois qu'il y a
rupture du mariage et que les parents sont séparés, il semble que le
système favorise un sentiment de confrontation entre les parents. Il
accorde certains droits et certains pouvoirs à l'un des parents, mais
pas à l'autre: en 1992, les tribunaux canadiens ont accordé la garde
partagée dans seulement 16 p. 100 des cas. Dans environ 72 p. 100
des divorces, la garde est accordée uniquement à la mère et, dans
seulement 12 p. 100, elle est accordée au père.
(1325)
Dans certains cas, lorsque la garde est accordée uniquement à
l'un des parents, les parents eux-mêmes peuvent en arriver à une
solution raisonnable, qui est dans l'intérêt des enfants en ce qui
concerne les visites, les congés et l'accès. Elle est dans l'intérêt des
enfants, et je félicite certes les parents qui peuvent s'entendre sur
cette solution.
Toutefois, ces statistiques me portent à penser qu'il y a un
problème, c'est-à-dire que les enfants sont souvent utilisés comme
des pions. Ils deviennent les victimes innocentes. Voilà ce qui
m'inquiète.
Je refuse de me prononcer en faveur d'un parent en particulier,
que ce soit celui qui a la garde ou celui qui ne l'a pas. Je refuse
d'appuyer les pères plutôt que les mères. Je prends le parti des
enfants.
En tant que parent qui aime et qui prend soin de trois enfants, je
ne peux absolument pas imaginer pire tragédie que la perte d'un
enfant. Quand un mariage se brise et qu'un conjoint veut continuer à
être le parent aimant et attentionné, qui tient à bâtir une relation
durable avec son enfant, mais qui ne peut y avoir accès, tant le
parent que l'enfant se retrouvent dans une situation horrible et
indescriptible. À cause de cette séparation, la relation entre le parent
et l'enfant qui grandit et qui arrivera à l'âge adulte n'existera
jamais. Cela a des répercussions sur toute la vie de l'enfant et va
sûrement angoisser le parent en question.
Par conséquent, même avec les amendements proposés par le
Sénat, je considère que le projet de loi fait très peu. Il ne répond pas
au véritable besoin que ressentent de si nombreuses familles. Nous
laissons tomber les Canadiens sur cette question cruciale.
Je ne peux qu'espérer qu'un jour, après les prochaines élections,
nous auront un gouvernement réformiste qui s'attaquera
correctement à cette question et à bien d'autres. Nous présenterons
alors des projets de loi qui appuieront vraiment la famille.
Pour traiter de la Loi sur le divorce, il faut mettre l'accent sur le
bien de l'enfant.
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le
Président, je remercie le député de Prince George-Peace River de
ses observations, qui m'ont paru très sérieuse. Il a certainement
8152
réfléchi longuement à la question. Je voudrais revenir avec lui sur
un point qui a été soulevé plusieurs fois à la Chambre.
Je pense que nous avons tous convenu que le projet de loi nous
revient du Sénat amélioré grâce aux amendements qui y ont été
apportés. Mes collègues réformistes ont dit plusieurs fois que le
Sénat avait fait du bon travail. Ils portent ces améliorations au crédit
d'une sénatrice libérale qui, étant donné que les sièges se partagent
également entre le gouvernement et l'opposition au Sénat, a pu
répondre aux inquiétudes que suscitait le projet de loi et réclamer
les modifications qui bonifient cette mesure. Tous les députés
admettent que le projet de loi a été amélioré.
Je remarque que le député de North Vancouver a profité de ce
débat pour dire que, même si le Sénat a bien fait son travail dans ce
cas-ci, il serait préférable que les sénateurs soient élus. Je signale à
mes collègues réformistes que, si les sénateurs étaient élus, il n'y
aurait pas eu au Sénat l'équilibre des partis qui a permis à une
sénatrice libérale de faire adopter ces amendements. Si les sénateurs
se répartissaient entre les partis de la même manière qu'aux
Communes, les libéraux y seraient fortement majoritaires, et les
résultats que nous avons vus n'auraient pas été possibles.
(1330)
Des voix: Oh, oh!
M. Bryden: Le député de Prince George-Peace River ne
convient-il pas que le mode de nomination actuel des sénateurs. . .
Le vice-président: À l'ordre. Je demande aux député de bien
vouloir avoir l'obligeance de s'adresser à la présidence. Le député
de Prince George-Peace River.
M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président,
je ne sais pas très bien si le député avait terminé ses observations et
posé sa question.
Une voix: Il a été interrompu par la présidence.
M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président,
je suis heureux qu'on pose cette question parce qu'elle me donne
l'occasion de parler, quoique très brièvement, de la nécessité d'une
réforme démocratique du Parlement.
À en juger d'après l'intervention du député, il présume que si la
Chambre haute était une assemblée élue, les gens voteraient pour
leurs sénateurs comme ils le font pour leurs députés. Or, d'après ce
que nous voyons dans d'autres Parlements et dans d'autres
républiques autour du monde, il n'arrive pas toujours que le parti
qui détient la majorité à la Chambre basse détienne également la
majorité à la Chambre haute.
On présume qu'il n'y a pas de votes libres ici à la Chambre. Ce
qui sous-tend vraiment les observations du député c'est qu'il n'y a
pas de votes libres; on vote simplement selon la ligne du parti. Or,
nous avons vu en l'occurrence le sénateur libéral Anne Cools
résister aux pressions du ministre de la Justice et du gouvernement
et refuser de laisser adopter cette mesure à la vapeur à la Chambre
haute. Voilà ce qu'il a fallu faire. Elle a résisté aux pressions et a fait
approuver les amendements que nous n'avions pas été capables de
faire approuver ici.
Le gouvernement ne donne pas à ses députés la liberté
d'expression ni la liberté de vote à la Chambre. Il n'y a pas de votes
libres ici. C'est ce fait que trahissent les propos du député d'en face.
M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur
le Président, j'ai reçu récemment une lettre d'un électeur de
Kootenay-Ouest-Revelstoke, ma circonscription, qui est
justement préoccupé par la question que le député de Prince
George-Peace River a soulevée, à savoir le fait que le parent qui
n'a pas la garde se voit refuser l'accès à son enfant.
Cet électeur, qui a scrupuleusement versé au fil des années les
milliers de dollars qu'il était tenu de verser, se voyait refuser l'accès
à son enfant. Rien dans le système n'est prévu pour cela. C'est un
point très important.
Mon collègue l'a très bien traité, comme toujours. Le député
peut-il me dire pourquoi une disposition aussi sensée s'est heurtée à
une telle résistance de la part du gouvernement?
M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président,
si des dispositions logiques n'ont pas l'heur de plaire au
gouvernement d'en face, c'est parce que le sens commun ne règne
pas en face.
Si le sens commun motivait les projets de loi qui sont présentés à
la Chambre, nous aurions beaucoup moins de projets de loi.
Beaucoup de projets de loi qui ont été présentés ici au cours des trois
dernières années n'ont pas donné grand-chose au yeux du vrai
monde qui suit peut-être le débat aujourd'hui.
(1335)
À un moment donné, j'ai dit qu'un parti qui voudrait se faire élire
au gouvernement pourrait fort bien obtenir une majorité
substantielle en promettant d'abroger des lois et des mesures
inutiles plutôt que de présenter des projets de loi déraisonnables et
inefficaces comme ceux que le gouvernement présente depuis trois
ans.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion
veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
8153
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien
dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.
Une voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée et les amendements sont lus pour la
deuxième fois et adoptés.)
* * *
L'hon. John Manley (au nom du ministre du Commerce
international) propose: Que le projet de loi C-81, Loi portant mise
en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili et d'autres
accords connexes, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un
comité.
M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire du ministre du
Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je suis
heureux d'aborder à la Chambre une mesure législative très
importante pour l'ensemble des Canadiens. Ce projet de loi
renforcera les relations commerciales entre le Canada et le Chili qui
sont déjà très bonnes.
Le projet de loi met donc en oeuvre l'Accord de libre-échange
Canada-Chili. Il s'agit d'une importante étape pour nous, puisque
l'accord facilite, sous un régime de libre-échange, l'accès des
produits et services canadiens aux marchés de l'Amérique latine et
de l'Amérique du Sud.
Comme la plupart des députés et des Canadiens le savent, le
Canada est très fier d'être depuis longtemps très concurrentiel sur
les marchés mondiaux.
Je suis originaire du Canada atlantique dont l'histoire a comme
trame le commerce. Par le passé, j'ai souvent dit que, jusqu'en
1867, à l'époque où nous ne formions qu'une colonie britannique,
des endroits comme la Nouvelle-Écosse brassaient de grosses
affaires. Si la Nouvelle-Écosse était si prospère dans les années
1800, c'est que la culture des habitants du Canada atlantique les
incitait à se tourner vers l'étranger.
Le port de Halifax, le plus magnifique des ports naturels du
monde entier, regorgeait de navires qui s'y rendaient par affaires. Je
me suis laissé dire qu'on pouvait presque marcher de la rive de
Dartmouth à la rive de Halifax par une belle journée d'été. Des
navires de tous les coins du monde accostaient au port de Halifax
dans les années 1850 et 1860 pour apporter des produits du monde
entier. Ils négociaient non seulement avec le centre du Canada ou le
Haut-Canada, mais également avec des États de la
Nouvelle-Angleterre. Ils faisaient beaucoup de commerce avec des
pays d'Amérique latine, des Antilles, de l'Europe et du reste du
monde.
En 1867, avec la formation du Canada et les divers régimes et
États-nations qui étaient institués, le protectionnisme est devenu la
règle du jeu. Pendant plus de 120 ans, nous avons vu des pays
comme le Canada se replier davantage sur eux-mêmes et dresser des
barrières commerciales pour protéger leurs industries et leurs
marchés.
Au cours de la dernière décennie, il y a eu une révolution au
chapitre de la déréglementation commerciale. Nous assistons, dans
le monde entier, à la naissance de différents groupes commerciaux
comme l'Union européenne et le Mercosur en Amérique du Sud. En
Amérique du Nord, nous avons conclu, avec les États-Unis, un
accord de libre-échange qui a par la suite été élargi pour englober le
Mexique et qui est connu sous le nom d'ALENA.
(1340)
Au Canada, il y a eu d'intéressants débats sur la capacité de notre
pays de relever le défi de la concurrence mondiale et de supprimer
les barrières tarifaires et non tarifaires sur ses propres marchés et
sur la capacité de nos entrepreneurs canadiens de rester
concurrentiels et de continuer d'assurer la croissance de nos
industries ainsi que la création d'emplois et de richesses.
Le verdict est peut-être tombé, et je pense qu'il est en faveur du
libre-échange. Après deux récessions, une au début des années 80,
l'autre au début des années 90, de nombreuses industries
canadiennes sont parmi les plus concurrentielles du monde entier.
Dans l'exercice de mes fonctions de secrétaire parlementaire du
ministre du Commerce international, je suis en rapport avec
certaines des entreprises les plus concurrentielles et les plus
efficaces du monde. Ce sont des entreprises canadiennes dans
presque tous les secteurs: l'exploitation minière, les ressources
naturelles, les télécommunications et les infrastructures. Ces
entreprises sont réputées dans le monde entier pour la façon dont
elles mènent leurs activités, la qualité de leurs produits ainsi que la
rapidité et la qualité d'exécution de leurs services.
Ces dernières années, nous avons vu les infrastructures
industrielles canadiennes tirer profit des réductions tarifaires et de
l'ins-tauration du libre-échange par le biais de l'ALENA. Nous
continuons de percer l'un des marchés les plus hermétiques du
monde, celui des États-Unis.
Il est très important d'examiner les statistiques. Au risque de
paraître vantard, je voudrais les répéter. Les échanges bilatéraux du
Canada, ce merveilleux pays qui est le nôtre et qui compte 30
millions d'habitants, s'élèvent à un milliard de dollars par jour avec
les États-Unis d'Amérique. Nous expédions chez nos voisins du
Sud des produits et services d'une valeur de 550 millions de dollars,
et ceux que nous importons en échange sont évalués à 450 millions
de dollars. Pour chaque jour ouvrable, tous les mois, au Canada, la
valeur de nos échanges commerciaux dépasse un milliard de
dollars. Nous sommes un petit pays de 30 millions d'habitants et,
tous les jours, nous faisons des exportations d'une valeur de plus
d'un milliard de dollars.
À la question de savoir si les entreprises canadiennes sont
capables de relever le défi du libre-échange ou de soutenir la
concurrence sur les marchés internationaux, la réponse est oui.
Le Canada arrive en tête des membres du G-7 pour le
pourcentage du PIB représenté par le commerce, qui s'élève à près
de 39 p. 100. Il est à peine croyable que l'industrie canadienne ait
été aussi concurrentielle. Des quelque 700 000 emplois créés
depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux, la plupart d'entre eux l'ont
été dans des industries qui ont augmenté leur volume d'exportations
en prospectant et en pénétrant de nouveaux marchés, ce qui s'est
traduit par la création d'emplois et une plus grande prospérité pour
les Canadiens.
8154
Que cela signifie-t-il au chapitre des emplois créés par le
commerce international? Y a-t-il un lien? Il y a un lien très réel.
Pour chaque milliard de dollars d'exportations des entreprises
canadiennes, 11 000 emplois sont maintenus ou créés dans
l'économie canadienne. Et ce ne sont pas des emplois traditionnels
chez McDonald à 5 $ l'heure. Ce sont des emplois du secteur de
haute technologie. Ce sont des emplois de scientifiques, de
chercheurs et de professionnels. Ce sont des emplois qui sont source
de prospérité d'un bout à l'autre du pays.
Des régions comme le Canada atlantique, d'où je viens, en ont
beaucoup profité. Il nous a fallu un peu plus de temps pour prendre
conscience du fait que nous pouvions être de nouveau
concurrentiels, que nous n'étions plus limités au marché intérieur et
soumis aux régimes réglementaires qui viennent avec.
De plus en plus, on voit de nouveau des navires venant du monde
entier mouiller dans les eaux du port de Halifax et de celui de Saint
John, au Nouveau-Brunswick, qui sont redevenus des ports d'escale
internationaux. Et il y a les emplois qui viennent avec cela. De plus
en plus de gens partout dans le monde se tournent vers des régions
comme le Canada atlantique en raison de son emplacement
stratégique, de ses ressources naturelles et de son histoire en ce qui
concerne l'esprit d'entreprise et le commerce. De plus en plus, on
voit que ces gens cherchent à investir dans des endroits comme le
Canada atlantique et les ports du Québec et de la
Colombie-Britannique.
Nous avons eu beaucoup de succès avec le libre-échange ces
dernières années. Il y a à peine un an, nous avons décidé de ne pas
attendre après les États-Unis, qui avaient décidé de ne pas recourir à
la procédure accélérée pour autoriser le président américain à
entreprendre des négociations de libre-échange avec le Chili. En
tant que gouvernement, nous avons pris une décision stratégique
parce que nous suivons une politique commerciale indépendante.
Connaissant la compétitivité de notre industrie, nous avons décidé
qu'il était avantageux pour nous de pousser nos négociations de
libre-échange jusque chez nos amis du Sud. Nous avons trouvé un
partenaire consentant dans ce beau pays qu'est le Chili. Les Chiliens
ont dit: «Nous voulons conclure un accord de libre-échange avec le
Canada. Nous croyons que nous pouvons faire des choses
extraordinaires ensemble.» Les négociations ont débuté en janvier
1996. En moins d'un an, soit le 18 novembre 1996, le premier
ministre du Canada et le président du Chili apposaient leurs initiales
sur l'accord de libre-échange entre le Canada et le Chili.
(1345)
C'est un accord très important. Il montre au monde entier que le
Canada ne fera pas que parler de libre-échange. Il montre que le
Canada va exploiter toutes les possibilités qui s'offrent à lui afin
que les entreprises canadiennes puissent avoir accès aux marchés
étrangers. Il montre aussi que nous n'avons pas peur de donner aux
entreprises étrangères l'accès au marché canadien parce que nous
sommes absolument convaincus de la compétitivité de notre
industrie et de nos entrepreneurs.
Que nous apporte cet accord? Certains demanderont pourquoi
conclure un tel accord avec le Chili, pays avec lequel nous ne
commerçons pas beaucoup. Ils ont tort. Nos échanges commerciaux
avec le Chili s'élèvent à environ 700 millions de dollars par année.
Ce qui est plus important encore, c'est que nous investissons
environ 7 milliards de dollars au Chili. Le Canada vient au
deuxième rang parmi les plus importants investisseurs au Chili. Cet
accord un important pour nous. Il nous ouvre une fenêtre sur ce
marché sud-américain.
C'est un bon accord pour le Canada. Il est appuyé par de
nombreux députés. Il réduit immédiatement le droit à l'importation
pour environ 75 p. 100 des produits que le Canada exporte au Chili.
Pour le reste des produits, à une ou deux exceptions près, le droit de
douane sera éliminé sur les cinq prochaines années.
L'accord nous donne aussi d'autres avantages, que je vais
mentionner brièvement. Il prévoit un très bon mécanisme de
règlement des différends, qui est semblable à celui prévu dans
l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Sur la question des
recours commerciaux, et c'est là que je m'arrêterai, nous avons
convenu dans cet accord qu'il n'y avait pas de place pour les lois
antidumping dans une association de libre-échange. C'est une
grande victoire pour le Canada. Cet accord est aussi une grande
victoire pour le peuple chilien.
J'espère pouvoir compter sur l'appui de tous les députés de la
Chambre pour que cette mesure législative soit adoptée rapidement
à l'étape de la deuxième lecture et renvoyée à un comité afin que
l'accord puisse entrer en vigueur le 2 juin dans l'intérêt de tous les
Canadiens et de tous les Chiliens.
M. Kilger: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'ai
discuté avec les représentants de l'opposition officielle et du Parti
réformiste et le projet de loi obtient un appui unanime. Je sais que la
séance a été prolongée jusqu'à 14 heures.
La Chambre accepterait-elle à l'unanimité qu'il n'y ait pas de
période de questions et d'observations, qu'on accorde la parole à un
député bloquiste et à un député réformiste et que, après leur
intervention, on mette la question aux voix?
Une voix: Non.
M. Kilger: Monsieur le Président, je vois qu'il n'y a pas
consentement unanime. J'ai une autre proposition. Il y aura une
période de questions et d'observations si les députés le veulent et,
ensuite, un député du Bloc et un député du Parti réformiste auront la
parole. Puis la question sera mise aux voix. Pour sa part, le Président
ne tiendra pas compte de l'heure.
[Français]
Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?
M. Laurin: Monsieur le Président, nous sommes d'accord pour
donner notre consentement, à condition que chaque parti se limite à
une période d'intervention de dix minutes.
[Traduction]
Le vice-président: Le Parti réformiste accepte-t-il cette
proposition avec la petite condition qui vient d'y être ajoutée?
8155
M. Silye: Monsieur le Président, je croyais que nous avions
convenu qu'une seule question serait posée sur le discours du député
libéral et que, après cela, il n'y aurait plus de question, mais
seulement les interventions des députés.
Le vice-président: Nous avons ajouté une deuxième condition.
Une question sera posée au secrétaire parlementaire et les partis
d'opposition auront chacun 10 minutes. Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président,
après avoir écouté son discours, je ne crois pas que le député de
Dartmouth soit un libéral. Il a parlé des vertus et avantages du
libre-échange, notamment de l'Accord de libre-échange
nord-américain et de ce merveilleux accord avec le Chili. J'ai plutôt
eu l'impression d'entendre parler un entrepreneur et un tenant de la
libre entreprise.
(1350)
Le député a également parlé des avantages de Halifax. Je suis
étonné que le Parti libéral, qui est tourné vers l'avenir, ait été contre
le libre-échange sous la direction de John Turner. Les députés
libéraux nous livrent maintenant des discours enthousiastes, ce qui
constitue toute une volte-face, mais une volte-face agréable.
Cependant, je tiens à dénoncer ce qu'a dit le député dans son
discours au sujet de l'entente concernant les mécanismes de
règlement des différends prévus dans l'ALENA.
Aux dernières élections, les trois principaux chevaux de bataille
des libéraux étaient la création d'emplois, l'abolition de la TPS et la
renégociation de l'ALENA. Nous savons tous qu'ils n'ont pas
renégocié l'ALENA. Le gouvernement l'a ratifié dans sa forme
initiale.
Les libéraux ont fait une erreur en ne s'en tenant pas à leurs
principes originaux et en ne tenant pas leur promesse de retarder la
signature de l'accord tant qu'il ne contiendrait pas un mécanisme de
règlement des différends satisfaisant. Le Canada l'a chèrement
payé. Cette situation a créé un grave problème dans le commerce
international et dans nos échanges commerciaux avec nos
partenaires, parce que les Américains ne ratent pas une occasion de
profiter de la situation. Un mécanisme de règlement des différends
dans l'ALENA aurait permis de régler depuis longtemps le
différend concernant le bois d'oeuvre. Il aurait également permis de
régler rapidement les autres différends.
Le député semblait dire dans son discours que l'accord avec le
Chili est bon parce qu'il est semblable à celui que nous avons signé
avec les États-Unis. Je ne crois pas que les Canadiens soient
satisfaits de l'accord avec les État-Unis, qui nous cause des
problèmes. J'aimerais que le député explique son double langage.
M. MacDonald: Monsieur le Président, le député a besoin de
bon nombre d'éclaircissements s'il ne comprend pas que le Parti
libéral a toujours été par tradition en faveur du libre-échange. Ce
n'était pas le Parti conservateur, ce ne l'a jamais été. Le député rit,
mais s'il regarde les mesures en vue de libéraliser le commerce, il
verra que les plus importantes ont été prises depuis 1867 par le Parti
libéral du Canada.
Ce qu'il ne comprend pas, c'est que quand le Parti libéral du
Canada va de l'avant avec la libéralisation du commerce, il ne
succombe pas à ce que veulent les États-Unis. Nous défendons
vigoureusement les droits de l'industrie canadienne. Nous l'avons
fait dans le cas de l'ALENA, dans le cas de l'ALE et dans celui de
l'accord avec le Chili.
Finalement, le député a posé une question très importante. Il a
prétendu que le mécanisme de règlement des différends prévu dans
l'ALENA ne fonctionne tout simplement pas. J'aimerais montrer à
mon collègue la preuve que le mécanisme de règlement des
différends a très bien fonctionné et que le Canada a eu gain de cause
dans 90 p. 100 des différends qui ont été tranchés. Je pense que
l'entente que nous avons négocié a protégé les industries
canadiennes.
Pour ce qui est des promesses faites au sujet de l'ALENA durant
la campagne électorale, nous avons établi des groupes de travail
pour examiner un code des subventions et la question des droits
antidumping. Les rapports de ces groupes feront l'objet de
négociations et de discussions à la prochaine réunion de la
commission de l'ALENA. S'il est encore ici à ce moment-là, nous
pourrons l'édifier quant à l'issue de ces négociations.
[Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, il
me fait plaisir d'intervenir à mon tour sur le projet de loi C-81, Loi
de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili.
C'est à la fin de l'année 1994, au Sommet des Amériques qui se
tenait à Miami, que fut décidée l'adhésion du Chili à l'ALENA. Un
an plus tard, à la suite de complications dans ses négociations avec
les États-Unis, le gouvernement chilien décidait de cesser les
pourparlers.
Le Canada et le Chili lancèrent alors la possibilité de
négociations bilatérales sur un accord intérimaire. Cet accord
servirait de pont éventuellement et faciliterait l'accession du Chili à
l'ALENA.
Les négociations portant sur un tel accord se déroulèrent de
janvier à novembre 1996, et l'Accord de libre-échange
Canada-Chili, qui a été signé en décembre 1996, sera donc mis en
vigueur dès le 2 juin 1997. Il s'agit d'un accord intérimaire qui vise,
entre autres choses, à faciliter l'entrée du Chili au sein de l'ALENA,
probablement vers l'an 2000.
(1355)
D'entrée de jeu, je vous dis que le Bloc québécois est heureux de
la signature de cet accord, et c'est avec ouverture d'esprit que nous
nous préparons à accueillir nos amis chiliens dans une vaste zone de
libre-échange américaine.
Le Bloc québécois est évidemment favorable au principe du
libre-échange. C'est la position traditionnelle des gouvernements
du Québec, et je tiens à le rappeler. Nous avons d'ailleurs été
d'ardents défenseurs de l'entrée en vigueur de l'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Souvenons-nous
que la
8156
campagne électorale fédérale de 1988 au Québec a porté
principalement sur ce dossier.
Dans le même ordre d'idées, nous avons également soutenu
l'extension de l'entente de libre-échange, qui est devenu l'ALENA
par la suite, ainsi que l'Accord de libre-échange Canada-Israël.
En effectuant ce retour sur la ferme position libre-échangiste des
forces souverainistes, je ne peux m'empêcher de penser à la
dernière campagne électorale du Parti libéral, celui-là même qui
forme aujourd'hui le gouvernement.
J'écoutais tout à l'heure le secrétaire parlementaire du ministre
du Commerce international se vanter, on dirait chez nous se péter
les bretelles, en disant qu'ils étaient favorables, dès 1867, au
libre-échange. J'inciterais peut-être le secrétaire parlementaire à
revoir ses livres d'histoire.
À l'époque, les libéraux s'étaient farouchement opposés au traité
de libre-échange avec les États-Unis. Dans le fameux livre rouge
des promesses libérales, on peut lire, à la page 22, et je cite, donc
pas nécessaire pour le secrétaire parlementaire de suivre un cours
d'histoire, qu'il consulte tout simplement le livre rouge: «Un
gouvernement libéral renégociera le traité de libre-échange
canado-américain et l'ALENA.»
Encore une fois, nous tombons, comme par hasard, sur une
promesse non réalisée. Aujourd'hui, on constate que quelques
années après leur arrivée au pouvoir, il y a eu chez les libéraux une
conversion au libre-échange quasi miraculeuse.
Oui, le Parti libéral, une fois élu, a décidé qu'il changeait son
fusil d'épaule et que l'Accord de libre-échange américain lui
convenait parfaitement. En effet, le texte, le contenu, les mots de cet
accord lui conviennent tellement aujourd'hui que, loin de vouloir y
changer quoi que ce soit, le présent gouvernement s'en est
fortement inspiré pour rédiger l'Accord de libre-échange
Canada-Chili, et c'est bien ainsi.
Bien sûr, comme l'Accord de libre-échange Canada-Chili a pour
but l'adhésion du Chili à l'ALENA, il importait d'y inclure des
clauses semblables sur plusieurs points. Par contre, comme il s'agit
d'un accord à plus petite échelle, avec des incidences moindres sur
l'économie des deux partenaires, il aurait, à mon sens, été possible
d'y ajouter certains éléments, ne serait-ce que pour en tester la
faisabilité. Je fais ici référence surtout aux accords parallèles.
Comme ce fut le cas pour l'ALENA, l'Accord de libre-change
Canada-Chili est accompagné d'accords dits parallèles sur
l'environnement et les normes de travail. Je crois que le
gouvernement aurait pu profiter de l'occasion qui lui était offerte
pour intégrer au texte de l'Accord des normes environnementales et
du travail.
Le gouvernement aurait dû également faire tout en son pouvoir
pour hausser ces mêmes normes de travail et ainsi augmenter la
protection des travailleurs chiliens. Je me permettrai ici de faire
référence encore une fois au livre rouge, où les libéraux
promettaient, et je cite: «Les futurs accords commerciaux obéiront
non seulement à des considérations économiques, mais à des
préoccupations d'ordre social.»
Le gouvernement libéral aurait pu aussi y ajouter une clause pour
le respect des droits de la personne et des principes démocratiques.
Cela étant dit, le gouvernement ne devrait pas oublier qu'au-delà du
commerce et des intérêts mercantiles, il a des responsabilités, ici,
comme sur la scène internationale.
En faisant référence en particulier à la situation des droits de la
personne, je souligne que le Bloc québécois considère que le respect
des droits fondamentaux est primordial et qu'un tel principe devrait
faire partie intégrante d'un accord tel l'Accord de libre-échange
Canada-Chili.
Le commerce doit se faire, le libre-échange doit être favorisé,
mais pas au détriment de nos responsabilités en tant qu'individus et
membres de la communauté mondiale.
(1400)
Le ministre du Commerce international considère que la
protection des droits de la personne ne trouve pas sa place dans un
accord de libre-échange, alors que par exemple l'Accord de
libre-échange entre Israël et l'Union européenne comporte, lui, une
clause intéressante à ce sujet.
Je vous la lis: «Les relations entre les parties, de même que toutes
les dispositions du présent Accord, se fondent sur le respect des
droits de l'homme et des principes démocratiques qui inspirent
leurs politiques internes et internationales et qui constituent un
élément essentiel du présent Accord.»
Comme je l'ai répété à maintes reprises en cette Chambre, les
droits de la personne ne se concrétiseront certainement pas de
manière automatique, ni en vase clos, ni par la seule vertu du
commerce. À ce moment-ci, je profite de l'occasion pour applaudir
l'adhésion du gouvernement québécois, cette semaine, à une partie
méconnue de l'ALENA: l'Accord nord-américain de coopération
dans le domaine du travail.
Cet accord permettra désormais de porter plainte contre des
entreprises des États-Unis ou du Mexique qui ne respectent pas
certains principes minimaux en matière de conditions de travail de
leurs employés. Outre le Québec, seules les provinces du Manitoba
et de l'Alberta ont signé cette entente.
Je conclurai en saluant la venue d'un nouveau partenaire
économique pour le Québec et le Canada. L'institutionnalisation
des relations politiques et économiques de plus en plus intenses
avec le Chili, par le biais de cet accord bilatéral, et possiblement à
terme en l'accueillant dans l'ALENA, est de bon augure.
Pour beaucoup de Québécois et de Canadiens, le Chili est
actuellement synonyme de démocratie, de stabilité politique et de
réussite économique. Quel changement pour un pays qui, pendant
longtemps, évoquait plutôt autoritarisme et violations des droits
humains. En moins de dix ans, le Chili a su se placer à l'avant-garde
d'un continent renouvelé, résolument moderne et prometteur.
[Traduction]
M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia,
Réf.): Monsieur le Président, mon parti a accepté cette forme
tronquée de débat, car, à l'instar du gouvernement, il veut que ce
projet de loi soit renvoyé au comité pour y être examiné convena-
8157
blement. Nous l'appuyons en principe. Il renferme quelques pierres
d'achoppement qui méritent d'être discutées plus longuement.
Nous y viendrons en comité et à la troisième lecture.
Comme tous les députés le savent, l'origine de ce traité remonte
au Sommet des Amériques qui a eu lieu à Miami en 1994. Les
dirigeants du Canada, des États-Unis, du Mexique et du Chili y ont
alors annoncé leur intention de faciliter l'adhésion du Chili à
l'ALENA.
Cependant, le Chili a examiné assez brièvement cette possibilité,
puisque le gouvernement Clinton n'a pas pu convaincre le Congrès
américain de soumettre rapidement un traité à un vote d'adoption ou
de rejet, sans amendement. Le Chili n'a donc pas voulu s'exposer au
risque de conclure un accord qui pourrait être modifié par la suite,
après sa signature.
Comme chacun le sait, bien que ce traité aura des avantages pour
le Canada, et certes, pour le Chili, il porte surtout sur ce que le
ministère des Affaires étrangères se plaît à appeler la construction
de ponts. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international appelle parfois l'Accord de libre-échange
Canada-Chili un accord de libre-échange bilatéral provisoire parce
qu'il espère que l'accord conduira en définitive à l'adhésion du
Chili à l'ALENA, ou, comme on le désigne parfois maintenant, à un
accord de libre-échange pour les Amériques ou ALEA.
Il semble que le refus obstiné du Congrès américain de faciliter
l'adhésion du Chili à l'ALENA sera à notre avantage. Le Mexique a
déjà conclu un accord de libre-échange avec le Chili, et les
États-Unis devront un jour leur emboîter le pas, en utilisant les
zones de libre-échange pour mettre en oeuvre l'initiative des
Amériques.
Un des avantages qu'il y a pour nous à donner l'exemple, c'est
que nous obtenons une longueur d'avance. Le Chili a des liens
commerciaux bien établis dans tout l'hémisphère sud, grâce en
particulier à son association avec le Mercosur, le marché commun
entre l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. Le Chili n'est
pas membre à part entière de ce bloc commercial. Par conséquent,
même s'il peut accéder facilement à ces pays, il a pu nous offrir des
conditions un peu meilleures que celles qu'il offre à ses voisins.
(1405)
Par exemple, nos produits agricoles obtiendront un bien meilleur
traitement. Beaucoup de sociétés canadiennes trouvent déjà que le
Chili est une excellente porte d'entrée vers les autres marchés
d'Amérique du Sud.
Cette entente aura des répercussions immédiates pour les
exportateurs canadiens, qui auront de bien meilleures conditions
d'accès au marché chilien, étant donné l'élimination des droits de
11 p. 100 sur environ 75 p. 100 des produits que nous envoyons au
Chili. Comme 80 p. 100 des exportations chiliennes au Canada sont
déjà exemptes de droits de douanes, c'est raisonnable de s'attendre
à ce que la période d'adaptation, pour les marchés canadiens, ne soit
pas trop pénible.
Dans le secteur agricole, qui m'intéresse particulièrement, le blé
dur canadien, représentant 35 p. 100 des exportations canadiennes
au Chili dans le secteur de l'agriculture, bénéficiera d'un retrait
immédiat des droits de douane actuels de 11 p. 100. Un traitement
semblable est prévu pour l'orge et les oléagineux.
Au Canada, les droits imposés sur l'exportation de toute une
gamme de produits agricoles transformés seront réduits à zéro en
cinq ans. Il y a une exception pour le produit qui pose le plus de
risques pour le Chili, le blé de meunerie. La période de transition
pour ce produit est prolongée, mais il sera également libre de droits
dans 17 ans. Du côté canadien, nous éliminerons progressivement
sur six ans les droits de douane sur un nombre limité de produits,
essentiellement des produits d'horticulture. L'excédent de
contingent de lait, de volaille et d'oeufs exporté au taux de la nation
la plus favorisée est exclu de la disposition prévoyant l'élimination
des droits de douane, et ces taux seront donc protégés.
Cependant, tout n'est pas parfait. Certains producteurs canadiens
sont inquiets, à cause du salaire moyen des employés de ferme au
Chili, qui est de 15 $ par jour, des terres bon marché et de la
souplesse de la réglementation gouvernementale. Tout cela
contribue à réduire le coût des produits agricoles, au Chili.
Heureusement, la plupart des produits canadiens d'horticulture
seront sur les marchés durant notre été et notre automne, alors que
les produits chiliens arriveront durant notre saison morte. Ainsi, les
producteurs canadiens et chiliens vont se compléter plutôt que se
faire concurrence.
Les pommes, c'est autre chose. La situation est inquiétante. Les
producteurs de fruits de Colombie-Britannique s'inquiètent de
l'élimination sur six ans de la réglementation anti-dumping de
l'ALE. Les pommes du Chili entrent sur le marché canadien sans
droits de douane depuis des années, sans problèmes apparents.
Cependant, les pomiculteurs craignent le précédent qu'instaurera
l'accord lorsque le Chili sera finalement membre de l'ALENA. Il y
a quelques années, le prix des pommes «red delicious» était tombé
au-dessous des coûts de production, parce que les producteurs de
l'État de Washington vendaient leurs pommes à perte sur le marché
de Colombie-Britannique. Les producteurs de l'Okanagan ont
finalement obtenu des dédommagements en vertu des règlements
anti-dumping de l'accord de libre-échange entre le Canada et les
États-Unis.
Si le Chili était accepté dans l'ALENA et si l'élimination de la
réglementation anti-dumping s'étendait à tous les pays membres,
les producteurs de l'État de Washington pourraient de nouveau
vendre leurs pommes à perte sur le marché canadien et faire chuter
les prix. Donc, ce n'est pas du Chili que les producteurs ont peur,
mais bien des États-Unis qui sont là et qui attendent.
Nous devons être prudents. J'espère que l'on parlera de cela en
comité. Le seul recours des producteurs canadiens, dans le cas du
scénario dont je viens de parler, serait un appel au Tribunal canadien
du commerce extérieur. Ce tribunal pourrait imposer des droits de
douane à effet immédiat, à titre temporaire, probablement pour une
saison. Ce serait une situation similaire à celle que nous avons
constamment dans le cas du bois d'oeuvre, sauf que, dans ce cas, les
plaignants seraient au nord de la frontière au lieu d'être au sud.
Procédons avec un certain degré de prudence. De façon générale,
le traité est une bonne chose pour le Canada et pour le Chili, mais,
comme tous les traités, il est loin d'être parfait, et je ne voudrais pas
8158
que les pomiculteurs de Colombie-Britannique se trouvent sacrifiés
à l'autel des bonnes relations commerciales.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième
fois et renvoyé à un comité.)
Le vice-président: Comme il est 14 h 10, la Chambre passe
maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au
Feuilleton d'aujourd'hui.
______________________________________________
8158
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[
Traduction]
L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.)
propose: Que le projet de loi C-249, Loi modifiant la Loi sur la
responsabilité nucléaire, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à
un comité.
-Monsieur le Président, ce projet de loi modifierait la Loi sur la
responsabilité nucléaire. Les députés se demandent peut-être ce
qu'est cette Loi sur la responsabilité nucléaire? Elle a été adoptée en
1970, mais promulguée en 1976 seulement. Son objectif était de
tenir les exploitants d'installations nucléaires absolument
responsables de tous dommages éventuels, mais de limiter leur
responsabilité à 75 millions de dollars par incident.
Lorsque je dis que cette loi les tenait absolument responsables,
j'entends par là que les victimes d'un accident nucléaire n'avaient
pas à prouver la négligence des exploitants d'installations
nucléaires, mais simplement à faire état des dommages causés à
leur personne ou à leurs biens lors d'une défaillance ou d'un
accident survenu dans une installation nucléaire. Il leur suffisait de
faire état des dommages pour que le défendeur soit absolument
responsable. Cependant, comme je l'ai dit, sa responsabilité était
limitée à un total de 75 millions de dollars par incident pour tous les
demandeurs.
La Loi sur la responsabilité nucléaire protège aussi les fabricants
d'installations et d'éléments d'installations nucléaires, comme
Générale Électrique, Westinghouse et les autres. Elle les protège
contre toute responsabilité. Elle protège aussi les fournisseurs de
combustible des installations nucléaires. Autrement dit, toutes les
demandes en dommages des victimes d'accidents dus à l'énergie
nucléaire doivent être adressées aux exploitants d'installations et la
responsabilité de ces derniers est limitée à 75 millions de dollars.
Par ailleurs, la loi prévoit que, lorsque les dommages dépassent
75 millions de dollars, le gouvernement du Canada peut décider de
verser des sommes supplémentaires, mais ce n'est pas obligatoire.
Fait à remarquer, les exploitants doivent détenir une licence
attribuée en conformité avec la Loi sur le contrôle de l'énergie
atomique par la Commission du même nom, et ce, pour écarter les
exploitants peu fiables.
Le projet de loi C-249, dont la Chambre est saisie aujourd'hui,
vise à accomplir deux choses. Premièrement, il porterait de 75 à 500
millions de dollars la couverture d'assurance responsabilité qu'un
exploitant est tenu d'avoir. Deuxièmement, il obligerait le
gouvernement à payer une partie des indemnités, si ces dernières
dépassent 500 millions de dollars, dans certaines conditions.
Pourquoi cela est-il nécessaire? Pourquoi est-ce que je présente
ce projet de loi? Il est nécessaire parce que la limite de 75 millions
de dollars est totalement insuffisante et dépassée.
Il y a, à l'heure actuelle, 23 installations nucléaires au Canada,
situées en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.
(1415)
Si on se contentait d'ajuster ce montant pour tenir compte de
l'inflation, le maximum pour 1989 serait de 279 millions de dollars.
Comme les députés le savent, nous sommes en 1997 et le maximum,
une fois ajusté en fonction de l'inflation, serait plus proche de 500
millions de dollars.
L'expérience nous a prouvé que le montant maximum original
était tragiquement insuffisant. La catastrophe de Chernobyl, en
1986, a fait plus de 300 milliards de dommages en Ukraine et au
Bélarus. À la suite de cet accident, 250 000 personnes ont dû être
évacuées de leurs fermes, de leurs villages et de leurs localités.
Des mémoires présentés aux audiences tenues par Hydro Ontario
en 1990 ont démontré que si un accident grave arrivait à Darlington,
en Ontario, il en résulterait des dommages d'un billion de dollars.
En 1990, le Business Journal a déclaré qu'Hydro Ontario n'était pas
suffisamment bien assurée contre les dommages en cas d'accidents
de ce genre.
Il faut signaler que Toronto est plus près de Pickering que Kiev ne
l'était de Tchernobyl, mais que Kiev a quand même subi des
dommages d'environ 100 milliards de dollars en 1986. C'est
probablement pourquoi, en 1986, la ville de Toronto, de concert
avec Energy Probe et Rosalie Bertell, ont demandé aux tribunaux de
déclarer inconstitutionnelle la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Malheureusement, en 1996, après dix années de batailles
juridiques, ils ont été obligés de laisser tomber leur poursuite. Les
principaux adversaires de cette demande étaient Hydro Ontario et la
Société d'énergie du Nouveau-Brunswick.
Certains disent que ces modifications sont inutiles, car les
installations canadiennes sont extrêmement sûres. Il est peut-être
exact que le bilan du Canada en matière de sécurité est bon, et j'en
félicite les exploitants, mais personne ne va prétendre que notre
système est à toute épreuve. Outre l'exemple de Tchernobyl en 1986
et de Three Mile Island aux États-Unis en 1979, 786 incidents
inhabituels ont été enregistrés dans des installations canadiennes en
1995, dont 391 ont été officiellement signalés à la Commission de
contrôle de l'énergie atomique.
8159
En 1983, il y a eu un accident sérieux à la centrale de Pickering 2
située à moins de 20 milles de Toronto et les deux réacteurs ont été
fermés pendant quatre ans. Un tube de pression avait éclaté sans
avertissement au coeur même du réacteur. Le coût de remplacement
était de 700 millions de dollars.
Les installations nucléaires de l'Ontario ne sont pas faites pour
résister à des tremblements de terre de la magnitude maintenant
prévue dans cette région. Les tremblements de terre sont considérés
comme la cause la plus probable d'un grave accident à une
installation nucléaire.
Le projet de loi est également nécessaire, car les particuliers au
Canada ne peuvent obtenir de l'assurance personnelle ou
domiciliaire les couvrant pour des dommages découlant d'un
accident à une centrale nucléaire. Aucune compagnie d'assurance
ne couvre ce risque. Personne n'est assuré contre la contamination
radioactive. J'ai été choqué d'apprendre cela, mais c'est le cas.
Aucun d'entre nous ne peut obtenir une police d'assurance nous
couvrant contre ce type de dommages.
Ainsi, les victimes ne peuvent réclamer des dommages qu'aux
exploitants aux termes de cette loi. À l'heure actuelle, la
responsabilité des exploitants se limite à 75 millions de dollars au
plus. Vous pouvez imaginer ce que cela donnerait aux citoyens du
Grand Toronto s'il y avait un accident semblable à celui de
Tchernobyl à Pickering ou Darlington. Un million de personnes
toucheraient environ 75 $ chacune.
Aux États-Unis, de récentes modifications apportées à la Price
Anderson Act de 1957 exigent une assurance responsabilité de 160
millions de dollars par réacteur. Par ailleurs, pour faire face aux
réclamations supérieures à cette somme, on a établi un fonds qui
offre une couverture totale pouvant aller jusqu'à 7 milliards de
dollars. La Suède a récemment augmenté sa couverture d'assurance
responsabilité dans des circonstances semblables, la faisant passer
de 81 millions de dollars à 130 millions de dollars par réacteur, et le
Japon a fait de même, la portant de 80 millions de dollars à 240
millions de dollars.
(1420)
Monsieur le Président, si vous étiez affecté par un accident
nucléaire parce que les vents ont déposé des retombées nucléaires
sur votre maison, votre entreprise, votre ferme ou votre milieu de
travail, les rendant inhabitables pour des dizaines, voire des
centaines d'années, songez à ce que cela signifierait pour vous, sans
compter que vous-même et les êtres qui vous sont chers pourriez
contracter le cancer ou encore que votre progéniture pourrait subir
des dommages génétiques.
Du point de vue financier, cela veut dire que vos moyens de
subsistance pourraient être supprimés et vos biens, anéantis.
Vous-même et votre famille pourriez être ruinés et il n'existe aucun
moyen de vous protéger parce que les compagnies d'assurance
craignent aussi une fusion. Toutes es polices d'assurance au Canada
ne couvrent pas les accidents nucléaires. Aucune autre industrie n'a
la liberté de détruire la santé ou les biens de tiers innocents qui ne
peuvent ni s'assurer à l'avance ni chercher à obtenir des indemnités
après coup.
En guise de conclusion voici un résumé de mes propos. La Loi
sur la responsabilité nucléaire dans sa forme actuelle n'indemnise
pas suffisamment les victimes d'un accident d'installation
nucléaire. Il y a déjà eu des accidents et il peut encore en avoir. Une
mise à jour et une révision de la loi s'imposent. La loi nécessite
d'autres modifications mais ce n'est pas de cela dont il s'agit
aujourd'hui. Par exemple, la loi fixe à 10 ans la période pendant
laquelle on peut réclamer des indemnités. Or, on se rend compte
maintenant qu'il y a des cas où les dommages peuvent commencer à
se manifester bien après 10 ans, tels les dommages causés à la
progéniture ou le cancer. On a donc recommandé que les demandes
d'indemnisation puissent être présentées sur une période de 30 ans,
mais ce n'est pas de cela dont il s'agit non plus. Je ne fais
qu'illustrer la nécessité d'apporter d'autres modifications.
J'exhorte les députés à renvoyer ce projet de loi au comité où des
témoins pourront être entendus et, au besoin, la mesure législative,
faire l'objet de propositions de modification. Je ferai preuve de
beaucoup de souplesse quant aux points secondaires du projet de
loi. S'il est démontré que la couverture d'assurance responsabilité
devrait être supérieure à 500 millions de dollars, qu'on l'augmente
davantage, je n'y vois pas d'inconvénient. Si le comité trouve une
meilleure façon de protéger les citoyens quand les dommages
dépassent 500 millions de dollars, je suis pour.
En revanche, je ne peux pas admettre que cette question soit
passée sous silence. L'énergie nucléaire est une substance trop
dangereuse. Il n'existe pas de façon parfaite de la contrôler ou de
contrôler ses déchets. Je préférerais que nous cessions d'utiliser
l'énergie nucléaire, mais si ce n'est pas possible, à tout le moins
faisons en sorte que toutes les victimes bénéficient d'une juste
indemnisation.
[Français]
M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau, BQ): Monsieur le
Président, je remercie mon honorable collègue de
Notre-Dame-de-Grâce de soumettre à cette Chambre le projet de loi
C-249, Loi modifiant l'actuelle Loi sur la responsabilité nucléaire.
Son objectif, si je le comprends bien, est de hausser jusqu'à
concurrence de 500 millions de dollars la couverture
d'assurance-responsabilité qu'un exploitant indépendant
d'installations nucléaires peut être tenu de détenir. Actuellement, ce
seuil est situé à 75 millions de dollars. Une catastrophe nucléaire
dépassant donc le coût de 75 millions de dollars serait à la charge de
la Couronne, si elle consent, bien entendu, à en assumer les frais.
Personnellement, je n'ai pas d'objection à ce que soit augmentée
la couverture d'assurance exigée. Je serais même d'avis que 500
millions sont insuffisants.
Nous n'avons qu'à regarder ce qui s'est passé au
Saguenay-Lac-Saint-Jean l'été dernier pour se rendre compte
qu'un chiffre de 500 millions de dollars est vite dépassé lorsque
nous devons faire face à une catastrophe.
Autre exemple qui touche de plus près le nucléaire, c'est la
terrible catastrophe de Tchernobyl; 500 millions, c'est peu d'argent
pour l'ampleur d'une catastrophe comme Tchernobyl. Je suis
convaincu que cet accident a coûté des milliards de dollars et je ne
parle pas de tous ces impacts sur la vie des êtres humains qui y ont
été mêlés.
Dans un pays du type de celui de l'URSS, à l'époque où les droits
de l'homme et les droits individuels comptaient pour peu dans la
balance, les dirigeants ont pu s'en sortir.
(1425)
Mais imaginons qu'une catastrophe d'une telle ampleur se
produise au Canada. Prenons le temps de réfléchir à ce que seraient
ses impacts sur une population et prenons le temps d'évaluer les
coûts qu'un tel accident engendrerait.
8160
À mon avis, le projet de loi C-249 ne va pas assez loin. Je suis
d'accord que tout exploitant devrait être muni d'une couverture
d'assurance, d'une très bonne couverture, mais le problème se
situe-t-il vraiment à ce niveau?
Certains diront que c'est d'exiger beaucoup que de demander un
minimum d'un milliard de dollars de couverture, parce que,
collectivement, nous ne croyons pas qu'une catastrophe puisse se
produire chez nous. Et pourtant, personnellement, je suis convaincu
du contraire.
Depuis que des projets de centrales nucléaires ont été lancés au
pays, il y a eu plusieurs incidents mineurs. Plus récemment, nous
avons découvert que certaines composantes de nos centrales se
détérioraient plus rapidement que ne l'avaient prévu nos ingénieurs.
De plus, tous les exploitants, que ce soient ceux du secteur public ou
du secteur parapublic, n'ont qu'un objectif en tête: produire une
énergie aux meilleurs coûts possibles.
Vous me direz, oui, vous avez peut-être raison, mais pas au prix
de la sécurité de toute une population. Encore là, permettez-moi
d'être sceptique. Dans bien des cas, nous nous en sommes
collectivement rendu compte en l'analysant en comité, ou lorsque
d'autres projets de loi ont été soumis à cette Chambre, que la
sécurité de la population, si elle constitue un objectif, n'est pas pour
autant assurée.
Dans le cas du nucléaire, c'est pire, puisque cette énergie est
encore excessivement difficile à contrôler et que seule une
technologie de très haute pointe et bien appliquée peut nous offrir
une relative sécurité.
J'insiste sur la relative sécurité. Une couverture de 500 millions,
c'est peu, et pour une autre raison. Imaginons un accident dans une
de nos centrales au Québec, en Ontario ou au Nouveau-Brunswick.
Ce sont tous des sites qui pourraient entraîner le déplacement
massif de populations, et avec les vents dominants qui soufflent sur
le pays, il serait surprenant que nos voisins du Sud ne soient pas
touchés.
On sait qu'à Tchernobyl, plusieurs autres pays ont subi des
retombées. Vous pensez qu'avec un petit 500 millions, le problème
serait réglé? Je ne crois pas. Nous serions forcés de déplacer des
populations entières, des villes, des villages, des malades, des
personnes âgées et des écoles. Il y a aussi les dommages inévitables
causés à l'environnement. Le bétail, la faune, la flore et toute la
production de biens alimentaires pourraient être touchés dans une
zone plus ou moins étendue par les retombées. Ajoutons encore
toute la destruction de secteurs de services entiers dans les villes
sises à proximité de ces centrales.
L'homme joue encore à l'apprenti-sorcier avec l'énergie
nucléaire. Un déversement de pétrole peut se contrôler. Avec
beaucoup d'effort, l'environnement peut se rétablir en quelques
années, mais dans le cas de l'énergie nucléaire, il faut des milliers
d'années avant que l'environnement ne puisse revenir dans un état
normal.
Imaginons qu'un accident qui se produirait sur notre territoire ait
un impact majeur sur une grande étendue de forêt, de terres
agricoles, sur une vaste zone d'exploitation minière en action.
Croyez-vous que 500 millions seraient suffisants pour faire face à
une telle éventualité? Que ce soit en Ontario, avec Hydro Ontario ou
au Québec, avec Hydro-Québec, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs
au pays, je ne crois pas qu'aucun exploitant ne pourrait faire face à
un accident majeur.
Le dépôt de ce projet de loi me donne l'occasion de poser une
nouvelle fois la question de l'exploitation à des fins de production
d'énergie du nucléaire. Malgré toutes les assurances qui nous sont
données comme contribuables, je crois sincèrement que les
dirigeants de tous les pays du monde ont pris des décisions trop
hâtives.
Nous nous sommes lancés dans la construction de centrales
nucléaires, sans être totalement assurés de leur complète sécurité.
En terminant, nous appuyons le projet de loi C-249, mais nous
demeurons sceptiques quant à la suffisance d'un montant de 500
millions de dollars dans le cas d'une catastrophe nucléaire.
(1430)
[Traduction]
M. George Proud (secrétaire parlementaire du ministre du
Travail, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre au
sujet du projet de loi C-249. Je remercie le député de
Notre-Dame-de-Grâce d'avoir saisi la Chambre de cette importante
question.
Mon collègue accomplit depuis longtemps un travail
remarquable au service des Canadiens, et je lui rends hommage
pour le dévouement avec lequel il cherche à améliorer la sécurité et
le bien-être de la population. Tous les Canadiens, surtout dans mon
coin de pays, reconnaissent son excellent travail.
Le projet de loi dont nous sommes saisis est un autre exemple qui
montre à quel point le député a à coeur les intérêts des Canadiens, et
il mérite l'examen attentif de la Chambre. À mon sens, le projet de
loi C-249 ferait trois choses: D'abord, il augmenterait le niveau
maximal de la responsabilité d'un exploitant nucléaire pour des
dommages causés à une tierce partie par un accident nucléaire. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce propose d'obliger les exploitants
nucléaires à souscrire une assurance-responsabilité de 500 millions
de dollars, au lieu de 75 millions comme c'est le cas actuellement.
Par extension, le projet de loi C-249 élèverait le seuil à partir
duquel la Commission des réparations des dommages nucléaires
serait constituée, et les réclamations transférées des tribunaux à la
commission.
Finalement, le projet de loi obligerait le ministre à verser des
indemnité après qu'une ordonnance aurait été rendue par le
commission. Cette disposition règle une situation que d'aucuns
avaient décrite comme un pouvoir discrétionnaire injustifié de la
part du ministre.
Je désire établir très clairement que le gouvernement appuie en
principe l'idée d'augmenter la responsabilité de l'exploitant sous le
régime de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Nous sommes en
faveur d'un engagment plus ferme à l'égard de l'indemnisation des
victimes des accidents nuclaires. Par ailleurs, nous estimons qu'il
est nécessaire d'apporter un certain nombre de changements
importants à la loi. J'aimerais prendre quelques minutes pour vous
expliquer pourquoi.
Comme le député l'a rappelé, la Loi sur la responsabilité
nucléaire proclamée en 1976, crée un régime complet
d'indemnisation des victimes pour les blessures et les dommages
découlant d'un accident nucléaire. Vingt ans après sa proclamation,
la loi demeure fidèle aux principes qui sont fondamentaux pour un
régime de responsabilité nucléaire. Il est important de signaler
qu'en vingt ans
8161
d'existence, la Loi sur la responsabilité nucléaire n'a subi aucune
modification majeure.
Le Parlement avait adoptée cette mesure dès 1970, soit six
années complètes avant sa proclamation. Elle a donc vingt-cinq ans
et, pendant ce quart de siècle, l'industrie nucléaire a
considérablement évolué. Oui, il est nécessaire d'augmenter la
responsabilité des exploitants; cela ne fait pas de doute. Mais il y a
aussi plusieurs autres modifications qu'il convient d'apporter à la
Loi pour la moderniser et faire en sorte que les victimes d'un
accident nucléaire soient indemnisés convenablement.
En d'autres termes, le temps est venu de procéder à une révision
complète de la loi. La nécessité d'une révision approfondie a
récemment été mise en évidence par des litiges où l'on a contesté la
constitutionnalité de la loi bien qu'en 1994, la Division générale de
la Cour de l'Ontario ait jugé que la loi était une loi valide du
gouvernement fédéral et qu'en 1996, l'appel ait été rejeté.
Nous devons actualiser et moderniser cette loi pour mieux
répondre aux besoins actuels du Canada et tenir compte des
changements survenus sur la scène internationale au chapitre de la
responsabilité nucléaire. En plus de réviser le régime
d'indemnisation, il nous faut corriger plusieurs problèmes
techniques qui ont été relevés dans la loi.
Je suis heureux d'informer les membres de la Chambre qu'une
révision approfondie de la loi a effectivement été entreprise. Un
comité d'examen interministériel a déjà formulé un certain nombre
de propositions pour modifier la loi et les a soumises à des
intervenants clés, notamment des exploitants d'installations
nucléaires, des représentants de ministères provinciaux chargés des
questions énergétiques et de la planification des mesures d'urgence,
ainsi que la Nuclear Insurance Association of Canada. À la lumière
des commentaires qui auront été reçus au cours de ces discussions
préliminaires et lors des consultations ultérieures, le comité
d'examen recommandera une démarche.
Les députés devraient savoir que les intervenants qui ont pris part
à ces discussions ont exprimé un appui solide en faveur d'une
révision complète de la Loi sur la responsabilité nucléaire, une
révision qui couvrira toutes les questions qui doivent être abordées.
Ce travail débouchera sur un ensemble de modifications qui auront
pour effet de mettre à jour la loi entière, de la moderniser et de la
clarifier.
Je tiens à assurer à la Chambre que l'amélioration du régime
d'indemnisation, dans le sens proposé dans le projet de loi C-249,
constitue un élément clé de la révision. Il s'agit en effet de l'objectif
le plus important du processus. Je suis d'accord avec le député de
Notre-Dame-de-Grâce sur la nécessité de modifier le plafond de 75
millions de dollars auquel est limitée la responsabilité des
exploitants. Nous devons le porter à un niveau qui tient compte des
réalités actuelles. Je crois moi aussi que la limite devrait être
haussée; j'ignore cependant s'il faut la porter à 500 millions ou à
quelque autre montant. Cette question mérite de la réflexion; nous
devons examiner combien de fonds pourraient être disponibles,
d'où ils proviendraient et sous quelle forme.
(1435)
Le comité d'examen interministériel explore actuellement les
possibilités de contracter des assurances plus élevées auprès des
assureurs du secteur privé, ce qui augmenterait les fonds destinés à
indemniser les victimes. Le comité d'examen est prêt à envisager
d'autres formes de garantie, comme l'auto-assurance, un pool
d'exploitants et un régime d'indemnisation gouvernemental. Si
nous examinons toutes les sources de financement possibles, nous
pourrions fort bien en arriver à un fonds de 500 millions de dollars.
On me dit cependant que les choses ne sont pas aussi simples et qu'il
n'est certainement pas évident que les assureurs privés puissent
apporter une telle contribution.
Nous devons également considérer l'impact que le projet de loi
C-249 aura sur la responsabilité du gouvernement fédéral aux
termes de l'accord de réassurance qu'il a conclu avec la Nuclear
Insurance Association of Canada en 1976. Cette formule permet aux
compagnies d'assurance de conclure de affaires qui, en temps
normal, seraient hors de leur portée financière.
Cet accord conclu entre le gouvernement fédéral et la NIAC
augmente à la fois la capacité d'assurance et le nombre de types de
risques assurables. Fondamentalement, il permet au gouvernement
fédéral de se prémunir contre tous les risques envisagés dans la Loi
sur la responsabilité nucléaire qui ne sont pas couverts par
l'assurance souscrite par l'exploitant, jusqu'à concurrence de 75
millions de dollars.
Par exemple, le montant de l'assurance-responsabilité exigé par
la Commission de contrôle de l'énergie atomique pour de petits
réacteurs pourrait se limiter à 500 000 $. Dans ce cas, les 74,5
millions de dollars qui restent sont garantis par le gouvernement
fédéral aux termes de l'accord de réassurance. Si le maximum était
porté à 500 millions de dollars, le gouvernement devrait assumer
des risques de 499,5 millions. Par conséquent, tout relèvement de ce
maximum devrait clairement s'accompagner de modifications à
l'accord de réassurance.
Le comité interministériel se penche également sur une autre
question, les délais de prescription pour les réclamations découlant
d'accidents nucléaires. Aux termes de la loi actuelle, les
réclamations doivent être faites dans les dix ans suivant l'accident.
Certains préconisent cependant une prolongation de la période dans
le cas de blessures ou de décès.
D'autres sont en faveur d'un plus large recours aux systèmes
administratifs plutôt qu'aux tribunaux pour régler les questions
d'indemnisation. Cela pourrait se faire en modifiant la loi afin
d'abaisser explicitement le seuil à partir duquel la Commission des
réparations des dommages nucléaires peut être formée. Il en
résulterait un régime d'indemnisation plus efficace qui faciliterait
les choses pour les victimes d'accidents nucléaires.
Un certain nombre d'autres dispositions de la Loi sur la
responsabilité nucléaire doivent être précisées ou modernisées.
Ainsi, la définition de dommage nucléaire indemnisable devrait être
revue, car elle ne mentionne pas expressément les dommages à
l'environnement, les mesures de prévention ni les pertes
économiques. Cela ne cadre pas avec les tendances internationales
actuelles, ni avec les
8162
préoccupations croissantes du public au sujet de l'environnement,
ni avec les principes d'équité. Il faudra s'interroger sur la nécessité
de réviser la définition de dommage nucléaire en conséquence.
Il faut également étoffer la réglementation qui régit la
Commission des réparations de dommages nucléaires. Les critères
de sélection des membres de la commission pourraient être élargis
pour rendre admissibles des gens de nombreux horizons.
Un autre sujet de préoccupation se rattache au fait que, sous la loi
actuelle, les règles régissant les procédures de la commission ne
peuvent être élaborées qu'une fois la commission mise sur pied. Il
ne semble que logique d'élaborer les règles avant qu'un accident
survienne, car après un accident, il se pourrait que les règles soient
élaborées à la hâte sans que l'on consacre à cette tâche toute la
réflexion qu'elle mérite.
Certains problèmes techniques associés à la loi ont déjà été
mentionnés. Par exemple, il manque un préambule expliquant les
objectifs de la loi et décrivant ses fondements constitutionnels.
Certains ont suggéré que le montant des indemnités soit précisé
dans le règlement et pas dans la loi elle-même puisqu'il est plus
facile de modifier un règlement qu'une loi lorsqu'il s'agit de
rajuster des montants en fonction de l'inflation ou de la capacité des
assureurs d'assumer de plus grands risques.
Certains voient également la nécessité de clarifier et de resserrer
les relations entre le gouvernement fédéral et la Nuclear Insurance
Association of Canada.
En conclusion, j'appuie, avec certaines réserves, le projet de loi
C-249. Je souscris entièrement à l'idée d'augmenter le plafond de la
responsabilité prévu par la Loi sur la responsabilité nucléaire. Cela
dit, nous devons justifier cette augmentation du plafond par des
arguments solides. Nous devons en outre déterminer la provenance
des fonds et l'impact du changement proposé sur la responsabilité
du gouvernement fédéral.
Le vice-président: La parole est au député de
Hamilton-Wentworth. Un collègue lui a cédé sa place parce qu'il
avait un avion à prendre.
(1440)
M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureux de prendre la parole et d'appuyer le projet
de loi C-249 car c'est pour moi une occasion de vous faire partager
une anecdote historique concernant le Canada et le rôle du Canada
dans le domaine de l'énergie nucléaire, lequel je crois est mal
connu.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le Canada faisait beaucoup
de recherches dans le domaine des armes de guerre chimiques et
biologiques à Suffield, près de Medicine Hat, en Alberta. En ce
temps-là, les Canadiens faisaient des expériences en dispersant de
la poussière de substances biologiques et chimiques car ils
s'attendaient à ce que ce soit le type d'arme qu'utiliseraient, durant
la Seconde Guerre mondiale, les Allemands, voire les Japonais. Et
donc, la recherche était axée principalement sur la mise au point de
contre-mesures.
Or, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme ces
recherches étaient effectuées dans les Prairies, le Canada était
devenu le pays expert dans la dispersion de petites particules
au-dessus de très vastes zones.
Ce dont il s'agit vraiment dans le projet de loi C-249, Loi
modifiant la Loi sur la responsabilité nucléaire, c'est de retombées
nucléaires. Si un accident se produisait dans une centrale nucléaire,
il y aurait des risque que de la poussière radioactive s'échappe dans
l'atmosphère, polluant et irradiant de vastes régions et entraînant de
graves conséquences pour la santé des hommes et des animaux.
C'est le même problème qu'à la fin des années 40, lorsque-au
début de la guerre froide-on a réalisé que l'Union soviétique avait
mis au point une bombe atomique. J'ai raconté cette anecdote
historique à l'intention de ceux de cette génération qui se
souviennent du début de la guerre froide et de la psychose des
retombées nucléaires. Je pense que les gens dans la cinquantaine et
dans la soixantaine se souviendront de l'époque où leurs parents
aménageaient les sous-sols de leur maison en abri pour se protéger
des retombées nucléaires. Ils se souviendront qu'il existait toutes
sortes de cartes et de graphiques montrant l'effet des retombées
nucléaires.
Ces cartes et ces graphiques, qui avaient été établis
principalement par les Américains et les Britanniques afin de
montrer l'impact d'une explosion nucléaire sur une ville aux
États-Unis ou en Europe étaient entièrement le résultat de la
recherche canadienne dans la dispersion de poussière de substances
biologiques et chimiques.
C'est une anecdote intéressante étant donné que le Canada, qui
est le deuxième pays du monde à développer une capacité nucléaire,
a toujours été en tête des autres pays pour ce qui est des questions
liées à l'énergie nucléaire et certainement de celles liées à la
sécurité nucléaire.
La Loi sur la responsabilité nucléaire prévoit la possibilité qu'un
réacteur ait un accident catastrophique et pollue l'atmosphère,
entraînant des retombées similaires à celles d'une explosion
nucléaire. Il n'y a pas de doute que dans un cas semblable la
disposition qui limite l'indemnisation à 75 millions de dollars serait
tout à fait insuffisante pour couvrir les dommages produits.
Des études canadiennes faites pendant la deuxième guerre
mondiale et la période immédiatement indiquaient qu'en cas de
bombardement nucléaire ou d'explosion d'un réacteur, les
retombées formeraient un éventail du côté sous le vent qui pourrait
atteindre 30 milles. Ce cône de retombées pourrait n'avoir que
quelques milles près du lieu de l'explosion, mais être très large à 30
milles de là.
Depuis lors, suite à divers accidents, notamment celui de
Tchernobyl, nous nous sommes rendu compte que les retombées
nucléaires se font sentir pendant longtemps et très loin. En fait, de la
radioactivité provenant de l'accident de Tchernobyl a été décelée
dans le monde entier, il y a donc eu des retombées considérables.
Il est donc grand temps, après 26 ans, de revoir la mesure
législative canadienne sur la responsabilité nucléaire.
8163
(1445)
De tous les pays du G7, c'est le Canada qui, avec ses 75 millions,
a le niveau de responsabilité le plus bas en cas d'accident. Au
Royaume-Uni et en Allemagne, la responsabilité en cas d'accident
est de 550 millions. Dans d'autres pays d'Europe il n'y a pas de
limite. Aux États-Unis, la responsabilité peut atteindre 13 millions.
Il semble donc que le Canada devrait au moins s'aligner sur le
niveau le plus bas de nos partenaires européens.
Il est vrai que la situation est différente en Europe, en ce sens que
les pays sont petits et qu'il y a lieu d'avoir des conventions
internationales prévoyant les accidents où un pays contaminerait le
territoire d'autres pays. Des conventions prévoient l'indemnisation
des victimes dans d'autres pays.
Comme le territoire est très étendu au Canada et aux États-Unis,
en cas d'accident de moins de 1 000 kilotonnes, cela ne touchera
que le Canada et peut-être les États-Unis, mais il est peu probable
que cela touche d'autres pays du monde. Nous avons pris des
dispositions avec les Américains en cas d'accidents au Canada ou
aux États-Unis. Si la contamination s'étend à l'autre pays, des
dédommagements sont prévus lorsque la vie et les biens de citoyens
du pays voisin sont touchés.
En fin de compte, le projet de loi C-249 n'aborde qu'un seul
aspect de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Il est évident qu'il
faut améliorer et moderniser cette loi à bien des égards. D'autres
collègues ont proposé certaines façons de le faire.
En faisant passer la couverture d'assurance responsabilité de 75
millions de dollars à 500 millions de dollars, nous disons au moins
aux exploitants d'installations nucléaires, qui sont parfois des
exploitants privés, qu'il leur incombe de veiller à prendre toutes les
mesures de sécurité voulues dans le cadre de l'exploitation de leur
installation nucléaire. C'est le moins que nous puissions attendre
des installations nucléaires privées ou publiques.
C'est avec beaucoup de plaisir que j'appuie la lettre et l'esprit du
projet de loi C-249. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a rendu un
grand service à notre pays et à la Chambre en nous saisissant de
cette mesure.
M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke,
Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de l'occasion qui m'est
donnée de m'adresser à la Chambre au sujet du projet de loi C-249,
Loi modifiant la Loi sur la responsabilité nucléaire. Les questions
que soulève cette mesure législative sont importantes pour tous les
Canadiens, et importantes aussi pour notre réputation internationale
de nation nucléaire responsable.
Que le projet de loi ait pour parrain le député de
Notre-Dame-de-Grâce n'a rien d'étonnant quand on sait avec quelle
clairvoyance et quelle sagesse notre collègue a l'habitude de
soumettre à la Chambre des questions d'intérêt national. Je lui rends
hommage pour l'intérêt qu'il porte à la question dont nous sommes
saisis aujourd'hui et pour son attachement au processus
parlementaire.
Lui et moi avons été élus le même jour à la Chambre et, à maintes
reprises, nous avons été voisins de banquette au cours de ces années.
Il a toujours été fidèle à ses convictions et aux principes qu'il défend
dans les divers dossiers dont il a la charge à la Chambre.
(1450)
Comme l'ont indiqué les collègues qui m'ont précédé, le
gouvernement appuie en principe l'idée d'augmenter la
responsabilité des exploitants sous le régime de la Loi sur la
responsabilité nucléaire, ce qu'il juge nécessaire. Nous voulons
néanmoins insister auprès de la Chambre sur la nécessité de
procéder à une révision approfondie de la loi afin de régler d'autres
problèmes.
J'aimerais prendre quelques instants pour expliquer la raison
d'être de la Loi sur la responsabilité nucléaire et les principes qui la
sous-tendent afin de mettre en évidence l'importance de cette loi et
la nécessité d'établir un large consensus sur les modifications qu'il
convient d'y apporter.
Le Canada est reconnu comme un pionnier et un chef de file
mondial de la mise au point et de l'utilisation de l'électricité
nucléaire. Nous avons été, et je m'en réjouis, parmi les premières
nations du monde à établir un régime de responsabilité
spécialement adapté aux particularités du secteur nucléaire. Un
régime distinct s'impose pour un certain nombre de raisons.
Les députés ne sont pas sans savoir que le Canada retire des
avantages économiques et environnementaux considérables d'une
industrie nucléaire forte, en dépit des inconvénients dont nous
entendons presque constamment parler.
Sans les réacteurs CANDU, le Canada aurait été obligé
d'importer des quantités considérables de charbon de la
Pennsylvanie pour alimenter les centrales électriques du Canada, un
pays industrialisé. Les effets sur l'environnement auraient été
dévastateurs. Les réacteurs CANDU assurent au Canada l'une des
sources d'énergie les plus propres et les plus écologiques qui soit.
L'Ontario, en particulier, n'aurait jamais pu parvenir à son niveau
d'industrialisation actuel sans les réacteurs CANDU mis au point au
Canada.
Pour favoriser l'investissement dans l'énergie nucléaire,
cependant, nous devons limiter la responsabilité des exploitants
dans le cas peu probable où il se produirait un accident. Sinon, les
risques financiers sont tout simplement trop grands. Cela est aussi
vrai aujourd'hui qu'il y a 30 ans, à l'époque où la Loi sur la
responsabilité nucléaire a été présentée pour la première fois. Pr
ailleurs, il est important de voir à ce que les Canadiens soient
indemnisés si jamais ils subissaient des blessures ou des dommages
causés par un accident nucléaire.
Pour ce qui est de la sécurité nucléaire, le Canada ne le cède à
aucun autre pays. L'industrie est encadrée solidement par la Loi sur
le contrôle de l'énergie atomique et la Loi sur la responsabilité
nucléaire. La première cherche à prévenir et à limiter les accidents
nucléaires; la seconde s'applique lorsque survient un accident.
Toutefois, si invraisemblable que cela puisse paraître, nous devons
être prêts à la possibilité d'un grave accident nucléaire qui pourrait
causer d'importants dommages à une tierce partie.
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Les réacteurs CANDU sont les plus sûrs du monde parce qu'ils
comprennent des systèmes complémentaires intégrés en cas de
défaillance. C'est justement à cause du coût élevé de la construction
de ces réacteurs sécuritaires comprenant des systèmes
complémentaires intégrés qu'ils ont parfois été difficiles à vendre
sur le marché mondial. Les autres pays commencent à se rendre
compte maintenant que le réacteur CANDU est non seulement sûr,
mais très efficient.
J'ai déjà dit que le dossier du Canada en matière de sécurité
nucléaire était un des meilleurs dans le monde.
(1455)
Je voudrais souligner aussi que les travailleurs d'EACL à Chalk
River ont une incidence du cancer plus faible que la moyenne
nationale dans des endroits où il n'y a aucun processus ou réacteur
nucléaire. C'est à cause des caractéristiques de sécurité du système.
Les employés sont bien protégés. Ils font l'objet d'une vérification
tous les jours. Si les autres industries du Canada mettaient autant
l'accent sur la sécurité que l'industrie nucléaire, nous aurions un
meilleur dossier dans tout le secteur industriel du pays.
Les appareils de radiothérapie au cobalt servant au traitement du
cancer ont été mis au point par les chercheurs d'EACL. Nous avons
en vendu dans une douzaine de pays partout dans le monde.
Les réacteurs canadiens produisent des radio-isotopes. Ceux-ci
servent à stériliser les instruments médicaux. On les utilise aussi
pour toutes sortes d'examens de patients qui présentent diverses
blessures ou qui ont différents troubles sanguins. Le recours au
nucléaire explique en partie l'excellence de notre système de santé
au Canada.
Le fait de ne pas utiliser l'énergie nucléaire aurait un effet néfaste
sur la santé des Canadiens, à cause de la poussière de charbon et de
la fumée qui seraient dégagées dans l'environnement.
Au Canada, la R-D dans l'industrie nucléaire avait des fins
pacifiques. Le terme «nucléaire» évoque automatiquement la
guerre ou des explosions, entre autres. Pourtant, les travaux de notre
industrie nucléaire ont consisté à produire de l'énergie pour faire
fonctionner l'industrie et promouvoir la création d'emplois partout
au Canada. Ils ont favorisé un environnement propre et une énergie
peu coûteuse. Ils ont aussi nettement fait progresser l'industrie
médicale au Canada.
Je suis agacé que l'on revienne constamment sur Tchernobyl. Le
réacteur russe est totalement différent de celui qui a été mis au point
au Canada. Les Russes ont construit leur réacteur sans y intégrer des
systèmes de protection de la population. Nous avons fait
exactement le contraire au Canada. Le réacteur CANDU, que nous
avons construit et qui est le réacteur le plus sûr au monde, comporte
des systèmes protégeant les travailleurs et l'ensemble de la
population.
C'est une industrie que nous devrions promouvoir. Je suis
totalement d'accord avec le député qui soutient que, étant donné la
sécurité qui a été assurée jusqu'ici, nous devrions faire davantage
confiance aux chercheurs dans ce domaine.
[Français]
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?
Des voix: Oui.
Le vice-président: Je déclare la motion adoptée. En
conséquence, ce projet de loi est renvoyé au Comité permanent des
ressources naturelles.
(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu pour la deuxième
fois, est renvoyé à un comité.)
Le vice-président: Comme il est 15 heures, la Chambre
s'ajourne jusqu'à 11 heures, lundi prochain.
(La séance est levée à 14 h 59.)