TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 février 1997
M. Harper (Simcoe-Centre) 8234
Projet de loi C-72. Motion 8234
M. Chrétien (Frontenac) 8236
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8247
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8249
Report du vote sur la motion 8255
Ordre du jour: Initiatives ministérielles 8255
Projet de loi C-79. Motion 8255
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 8258
M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 8269
M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 8269
M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8272
M. Leroux (Richmond-Wolfe) 8272
M. Chrétien (Saint-Maurice) 8273
M. Chrétien (Saint-Maurice) 8273
Mme Brown (Oakville-Milton) 8276
M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 8278
M. Speaker (Lethbridge) 8279
Projet de loi C-79. Reprise de l'étude de la motion 8280
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 8284
Report du vote sur la motion 8286
Projet de loi C-23. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 8286
Projet de loi C-23. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 8287
Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 8289
Suspension de la séance à 16 h 19 8289
Reprise de la séance à 16 h 35 8289
M. Martin (LaSalle-Émard) 8289
Projet de loi C-83. Adoption des motions de présentationet de première lecture 8299
M. Martin (LaSalle-Émard) 8299
Ajournement du débat sur la motion. 8301
Sur la motion de M. Loubier, ajournement du débat 8301
8233
CHAMBRE DES COMMUNES
Le mardi 18 février 1997
La séance est ouverte à 10 heures.
_______________
Prière
_______________
AFFAIRES COURANTES
[
Français]
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai
l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse
du gouvernement à 10 pétitions.
* * *
[
Traduction]
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, j'ai
aujourd'hui deux pétitions à présenter à la Chambre.
La première concerne le Programme d'action communautaire
pour les enfants. Elle est signée par des habitants de toutes les
régions de l'Île-du-Prince-Édouard. Les pétitionnaires demandent
au gouvernement de renoncer aux compressions qu'on se propose
de faire au programme. Il y aura peut-être, dans le budget
d'aujourd'hui, de bonnes nouvelles à leur intention. J'attends avec
impatience de pouvoir vérifier, ce soir, que le programme sera
amélioré et non pas mutilé.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur le Président, ma
deuxième pétition concerne le réseau routier national. Les
pétitionnaires disent que 38 p. 100 du réseau routier national laisse à
désirer et ils demandent qu'une taxe soit destinée à l'aménagement
du réseau routier transcanadien.
Ces pétitionnaires viennent de toutes les régions de
l'Île-du-Prince-Édouard, de l'extrémité ouest de l'île jusqu'à la
circonscription d'Egmont.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD):
Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter, conformément à
l'article 36 du Règlement, une pétition concernant notre réseau
routier national. Je crois que c'est la quatrième pétition du genre
que je présente au nom d'électeurs de ma circonscription. Les
pétitionnaires habitent North Battleford, Cochin, Unity, Gallivan,
Wilkie et Meota.
Les pétitionnaires signalent que 38 p. 100 du réseau routier
canadien laisse à désirer et que l'étude de la politique sur le réseau
routier national a révélé différents avantages au programme proposé
concernant le réseau routier national, dont la création d'emplois, le
développement économique, l'unité nationale, la réduction du
nombre d'accidents mortels et de blessures, la réduction de la
congestion des routes, la réduction du coût d'exploitation d'une
flotte de véhicules et l'amélioration de la compétitivité au plan
international.
Les pétitionnaires exhortent le gouvernement fédéral à
collaborer avec les gouvernements provinciaux pour améliorer la
qualité du réseau routier canadien.
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, j'ai
une pétition à présenter au nom d'habitants d'Edmonton et des
environs, dont certains vivent dans ma circonscription, celle de St.
Albert.
Ces pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait
que 38 p. 100 du réseau routier national est dans un état lamentable,
que le Mexique et les États-Unis sont en train d'améliorer le leur et
qu'une étude sur la politique relative au réseau routier national a
déterminé que la réfection du réseau routier présentait les avantages
suivants: la création d'emplois, le développement économique,
l'unité nationale, moins de décès, moins de blessures, moins de
congestion, des frais d'utilisation des voitures moins élevés et une
plus grande compétitivité internationale.
Ces pétitionnaires exhortent le Parlement à se joindre aux
gouvernements provinciaux pour améliorer le plus possible le
réseau routier national.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai une pétition à présenter au nom d'habitants de la circonscription
de Peterborough qui s'inquiètent de la question de l'alphabétisation
et de la taxation des imprimés. Ces pétitionnaires exhortent tous les
ordres de gouvernement à faire la promotion de l'alphabétisation et
de l'éducation en supprimant la taxe de vente sur les imprimés. Ils
demandent au Parlement d'exempter de la TPS les livres, les
magazines et les journaux.
Au moment où le gouvernement fédéral et les provinces songent
à harmoniser leurs taxes de vente, il importe que les imprimés
soient exemptés tant de la taxe de vente provinciale que de la TPS.
M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président,
j'ai une autre pétition à présenter qui vient d'habitants de
Peterborough qui s'inquiètent des gens qui vivent dans la région de
Moosonee-Moose Factory à la baie James. Ces pétitionnaires font
remarquer qu'il n'y a pas de route entre les localités de Cochrane et
de Moosonee, qui sont reliées par l'Ontario Northlands Polar Bear
8234
Express. Comme il n'y a pas de route, la population de Moosonee se
trouve isolée.
(1010)
Ces pétitionnaires demandent donc au Parlement d'affecter des
fonds à la construction d'une route entre Cochrane et Moosonee,
mettant ainsi fin à l'isolement de la population.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureuse de présenter une pétition signée par des
habitants de la région de la capitale nationale.
Les pétitionnaires signalent au Parlement les avantages
économiques du réseau routier national et font ressortir le fait qu'un
réseau routier national en bon état accroît la sécurité et favorise
l'unité nationale. Ils prient aussi le Parlement de travailler avec les
provinces pour que notre réseau routier national soit le meilleur qui
soit.
M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le
Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente
une pétition signée par des habitants de Fenelon Falls, Bobcaygeon,
Omemee et Lindsay, qui demandent au Parlement d'adopter une
mesure législative pour faire en sorte que le Canada reste un pays
uni, d'un océan à l'autre.
M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je
suis heureux de présenter une pétition au nom des électeurs de
Simcoe-Centre.
La pétition porte sur les dispositions législatives concernant
l'âge de consentir. Les pétitionnaires demandent au Parlement de
fixer l'âge de consentir à 18 ans afin de protéger les enfants contre
l'exploitation sexuelle et les abus.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur
le Président, j'ai l'honneur de présenter des pétitions signées par
plus de 3 000 habitants de la Colombie-Britannique concernant
l'examen du mandat de la Société canadienne des postes. C'est le
Syndicat des postiers du Canada, région du Pacifique, qui a fait
circuler ces pétitions.
Les pétitionnaires signalent que le gouvernement libéral a
ordonné à la Société canadienne des postes de se retirer de la
distribution des prospectus commerciaux sans adresse et que ce
retrait réduit les options à la disposition des sociétés qui veulent
faire de la publicité pour leurs produits ou leurs services à un taux
économique.
Par conséquent, les pétitionnaires veulent que les prospectus
commerciaux sans adresse soient distribués chez eux par les
employés de la Société canadienne des postes. Ils estiment que la
Société canadienne des postes offrent un service excellent et fiable
de distribution de prospectus commerciaux et veulent que ce service
continue.
Ils prient instamment le gouvernement de revenir sur sa décision
concernant les prospectus commerciaux et permette à la Société
canadienne des postes de continuer d'offrir ce service économique
et fiable aux Canadiens. J'appuie certainement cette pétition.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur
le Président, la deuxième pétition porte sur la question des
infrastructures nationales en voie de dégradation. Les pétitionnaires
exhortent le Parlement à ne pas hausser la taxe d'accise fédérale sur
l'essence et à songer sérieusement à mieux utiliser les recettes que
cette taxe génère déjà pour réussir à remettre en état le réseau routier
canadien, qui est en fort mauvais état.
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur
le Président, la troisième et dernière pétition porte sur le projet de
vente de réacteurs nucléaires CANDU à la Chine. Les pétitionnaires
font remarquer que l'exportation de réacteurs CANDU en Chine
place le gouvernement du Canada dans une position indéfendable
sur les plans économique, politique et environnemental.
Par conséquent, les pétitionnaires exhortent le Parlement à
annuler la vente prévue de réacteurs CANDU à la Chine et à se
retirer immédiatement de tout accord visant à apporter à ce pays une
aide financière et technique dans le domaine nucléaire.
* * *
M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du
gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le
Président, je demande que toutes les questions soient reportées.
Le vice-président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
______________________________________________
8234
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Traduction]
L'Ordre du jour appelle: Les initiatives ministérielles
Le 3 décembre 1996-Le ministre de l'Agriculture et de
l'Agroalimentaire-Deuxième lecture et renvoi au comité permanent de
l'agriculture et de l'agroalimentaire du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la
Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence.
L'hon. Raymond Chan (au nom du ministre de l'Agriculture
et de l'Agroalimentaire, Lib.) propose:
8235
Que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé
et d'autres lois en conséquence soit renvoyé sur-le-champ au Comité permanent de
l'agriculture et de l'agroalimentaire.
M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de
l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le
Président, je suis heureux de lancer le débat sur la motion de renvoi
du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission
canadienne du blé, au Comité permanent de l'agriculture et de
l'agroalimentaire.
De nouveau, nous avons décidé de procéder ainsi afin que les
députés membres du Comité et les groupes intéressés qui
souhaiteraient présenter des mémoires aient l'occasion de proposer
des amendements au projet de loi. J'aimerais exposer dans ses
grandes lignes l'orientation du projet de loi, grâce auquel on
modernisera le fonctionnement de la Commission canadienne du
blé.
Même si aucun ensemble de propositions ne peut satisfaire tous
les camps d'un débat trop souvent polarisé entre les agriculteurs sur
la question de la commercialisation des céréales, l'approche du
gouvernement vise néanmoins à répondre aux attentes raisonnables
de la majorité des producteurs de céréales de l'Ouest. L'objectif de
notre politique est de miser sur les points forts éprouvés de notre
système actuel de commercialisation, tout en modernisant la
direction de la Commission, en responsabilisant davantage cette
dernière, en améliorant sa capacité de répondre aux besoins
changeants des producteurs et aux possibilités qui s'offrent à eux,
en assouplissant son fonctionnement, en la rendant capable de
réunir plus rapidement des liquidités et en réduisant au minimum
les complications du commerce international.
(1015)
Beaucoup de changements que nous proposons conféreront aux
agriculteurs un droit de regard plus grand et plus direct sur les
modalités de fonctionnement de leur système de
commercialisation, conformément à la majorité des
recommandations formulées par le Comité d'examen de la
commercialisation du grain de l'Ouest. Dans l'ensemble, les
changements proposés se répartissent en trois grandes catégories.
La première catégorie concerne la structure, la direction et la
responsabilisation de la Commission. La direction générale de la
Commission sera confiée à un conseil d'administration constitué de
11 à 15 membres, agriculteurs pour la plupart. Pour faciliter la
transition vers cette nouvelle structure, le gouvernement nommera
un bureau complet d'administrateurs intérimaires en 1997. Là
encore, ils seront agriculteurs pour la plupart. Puis, au début de
1998, cette majorité de producteurs parmi les administrateurs sera
remplacée par des administrateurs élus par les agriculteurs
eux-mêmes.
Le projet de loi est rédigé de façon à «habiliter» toutes ces
transformations. Cela répond aux conseils du Comité d'examen de
la commercialisation du grain de l'Ouest, selon lesquels nous
devions structurer nos modifications sous la forme d'une «loi
habilitante».
Un certain nombre de groupes d'agriculteurs préférerait,
semble-t-il, que la nouvelle loi soit à cet égard plus précise, fixant la
date de l'élection des administrateurs, confirmant que le nombre
d'administrateurs ainsi élus constituera la majorité et rendant
permanente cette forme de direction, sous réserve, bien sûr, des
modifications ultérieures à la loi.
Le ministre n'a rien contre ces idées. Elles sont tout à fait
conformes aux principes d'action annoncés en octobre dernier.
Dans son état actuel, le projet de loi C-72 permet de les appliquer. Si
les arguments présentés au Comité permanent montrent clairement
que les agriculteurs seraient plus à l'aise si la nouvelle loi était plus
précise et plus rigide relativement à l'élection des
administrateurs-producteurs, le ministre de l'Agriculture serait
heureux de prendre en considération des modifications en ce sens.
Sur la question de la responsabilisation, le projet de loi annonce
de gros changements. Pendant près de 62 ans, la Commission
canadienne du blé a été une société d'État qui ne rendait des
comptes qu'au Parlement du Canada. En vertu du projet de loi C-72,
elle deviendra une entreprise mixte. Pour la première fois de son
histoire, elle aura également à répondre directement aux
producteurs.
Essentiellement, cette responsabilisation à l'égard des
agriculteurs consistera à faire la preuve de son efficacité et de ses
succès commerciaux. Si les performances de la Commission sont
décevantes, le conseil d'administration, qui comptera une majorité
élue par les agriculteurs, pourra modifier son fonctionnement ou, au
bout du compte, enclencher un processus pour modifier ses
compétences en matière de commercialisation.
Essentiellement, ce dont la Commission aura à répondre devant
de Parlement sera de démontrer ses compétences financières. Cela
découle de la garantie unique que confère le projet de loi C-72 à
l'égard de tous les emprunts de la Commission. Non pas
uniquement des accomptes à la livraison. Non pas seulement des
ventes de céréales à crédit. Mais également à l'égard de ses
opérations financières journalières sur les marchés mondiaux. On
parle ici de milliards de dollars par année, garantis par les
contribuables canadiens au besoin.
En tant que mandataire de Sa Majesté et n'ayant à répondre qu'au
Parlement, la Commission jouissait automatiquement de ce type de
garantie générale. Dans le cas d'une entreprise mixte, cela ne vient
pas automatiquement. Il faut la prévoir explicitement dans la loi,
comme le fait le projet de loi C-72.
Le palmarès de la Commission canadienne du blé, en ce qui
concerne l'ensemble de ses opérations financières en tant que
société de la Couronne, est des plus enviables. La Commission jouit
sur la scène internationale d'une cote de crédit élevée. Elle a géré
ses finances quotidiennes avec profit, tirant parti des meilleurs taux
d'intérêt et augmentant ainsi les profits communs des producteurs.
(1020)
Ces normes exceptionnellement élevées seront-elles maintenues
quand la Commission deviendra une entreprise mixte sous un
conseil d'administration différent et quand les attentes en matière
de responsabilisation changeront? C'est tout à fait ce que nous
prévoyons. Mais comme le projet de loi C-72 prévoira légalement
8236
une garantie unique pour la nouvelle Commission, qui reposera
ultimement sur les épaules des contribuables, ce n'est pas trop
demander qu'elle prévoie également des garanties pour protéger les
contribuables.
C'est ce que le projet de loi recherche-le juste milieu entre la
responsabilisation à l'égard des producteurs et la responsabilisation
à l'égard du Parlement. Il importera de soupeser les avantages et les
inconvénients d'un nombre moins grand de dispositifs de protection
du contribuable versus une garantie moins complète.
À noter également que la Commission canadienne du blé possède
maintenant et conservera un pouvoir de décision sur les questions
qui concernent les producteurs d'ailleurs au Canada, à l'extérieur de
son champ désigné d'action, par exemple le pouvoir de délivrer des
permis d'exporter. Voilà une autre raison pour laquelle il importera
qu'elle continue de répondre au Parlement.
Le deuxième groupe de modifications concerne
l'assouplissement du fonctionnement de la Commission et
l'amélioration de ses liquidités. Grâce à ces modifications, la
Commission pourra acheter du blé et de l'orge au comptant,
accélérer les ajustements en cours de campagne, fermer les comptes
de mise en commun en tout temps et remettre le plus rapidement
possible par la suite les profits aux producteurs, délivrer des
certificats de producteur négociables, utiliser sans restriction les
moyens modernes de gestion du risque dans ses rapports avec les
agriculteurs et les clients, supporter les frais d'entreposage ou de
conservation des céréales pour les agriculteurs, autoriser les
livraisons sans limite de céréales par les agriculteurs aux
installations d'entreposage en copropriété et obtenir des céréales à
l'aide de nouvelles technologies, par exemple les silos mobiles sur
les lieux de production.
Ces assouplissements accéléreront le transfert de l'argent des
transactions de la Commission vers le portefeuille des producteurs.
Pour garantir ses achats au comptant et lui permettre d'accélérer la
gestion des ajustements en cours de campagne, la Commission sera
autorisée à constituer des fonds pour éventualités, qui lui serviront
de coussins financiers.
La troisième catégorie de modifications concerne le mandat de la
Commission. La loi ne le modifie pas, mais nous accordons un plus
grand pouvoir de décision aux agriculteurs mêmes. À l'avenir, le
mandat de la Commission pourra être corrigé à trois conditions:
premièrement, que ses administrateurs le recommandent
clairement; deuxièmement, si la modification se répercute sur la
maîtrise de la qualité, que la Commission canadienne des grains y
acquiesce, parce qu'elle estime qu'elle ne menace pas la réputation
de qualité et d'uniformité du Canada; et troisièmement, si la
modification proposée est considérable ou fondamentale, que le
résultat d'un vote pris chez les agriculteurs soit positif.
La Commission canadienne du blé est un mécanisme très efficace
de commercialisation des céréales du Canada. Elle bénéficie de
l'appui d'une majorité de producteurs céréaliers de l'Ouest. Ceux-ci
souhaitent des modifications réalistes et sensibles, mais ils rejettent
un scénario qui mènerait inévitablement à la destruction de la
Commission.
Dans l'ordre actuel des choses, à combien estimerions-nous la
Commission canadienne du blé? Cette dernière vend chaque année
pour quelque 5 milliards de dollars de céréales, en ne conservant,
pour la commercialisation, que quelques cents par boisseau. Elle ne
garde aucun profit, tout le reste retourne aux agriculteurs.
Il s'agit de l'une des entreprises commerciales les plus
considérables du Canada. La Commission fait affaire dans plus de
70 pays, c'est notre cinquième exportateur et notre premier
pourvoyeur net de devises étrangères. Elle a gagné une réputation
enviable, qui rejaillit sur le Canada, auprès de ses clients mondiaux,
pas tant par les prix qu'elle pratique-en effet elle vise à obtenir des
prix forts-, mais par la qualité intrinsèque, la propreté,
l'uniformité du produit, l'appui technique, la fiabilité à long terme,
le service à la clientèle et l'exécution des contrats. Ses clients la
placent au premier rang mondial.
(1025)
Ces caractéristiques, de même que la taille de la Commission,
son envergure planétaire et sa pugnacité commerciale font que le
Canada détient en gros 20 p. 100 du marché mondial et réalise les
meilleurs profits possibles sur ces marchés. Le gouvernement du
Canada estime que cela vaut la peine d'être conservé.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire adhère sans
réserve aux principes que nous avons annoncés et qui sont intégrés
dans le projet de loi à l'étude. Néanmoins, plus d'un mécanisme
permet d'appliquer ces principes. Le ministre accueillera volontiers
les idées des membres du Comité permanent de l'agriculture et de
l'agroalimentaire sur les façons d'amender le projet de loi.
[Français]
M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le
Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui dans
la cadre de la seconde lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la
Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en
conséquence.
Le projet de loi C-72, dont il est question ce matin, ne concerne
que très peu le domaine d'activité agricole au Québec. En fait, nous
comptons plusieurs producteurs de blé et d'orge, sans pour autant
pouvoir rivaliser avec nos concitoyens de l'Ouest canadien.
Cependant, de par la mission et le rôle qui furent confiés au Bloc
québécois, il est de notre devoir de faire valoir notre opinion sur la
question et surtout de tenter de ramener à la base les aspirations du
gouvernement actuel d'avoir une mainmise sur presque tous les
champs d'activités de cet immense pays.
Notre intervention sur la question est d'autant plus importante
puisqu'elle permet une analyse objective de la situation, ce qui aura
pour effet de favoriser le rapprochement entre le gouvernement et
les 130 000 producteurs de blé, mais d'abord et avant tout, de jouer
adéquatement le rôle de chien de garde des intérêts du Québec qui
nous fut confié.
8237
En effet, tant et aussi longtemps que le Québec continuera à
verser des milliards de dollars en taxes et en impôts au régime
fédéral, nous nous obstinerons à réclamer la parité des services et
surtout des contributions financières équitables pour le Québec.
Ce matin, on pouvait lire, en gros titre, dans la plupart des
quotidiens francophones: «Le ministre des Finances à Ottawa dit
encore non au Québec dans la réclamation de la justice en ce qui
concerne la collecte de la TPS du gouvernement fédéral sur le
territoire québécois.» Or, il y aurait un manque à gagner de près de
deux milliards de dollars pour le Québec. Un homme aussi
intelligent que le ministre des Finances affirmait ceci, hier: «Le
Québec ne perd pas d'argent en harmonisant sa TPS et la TVQ, alors
que les provinces Maritimes perdaient cinq points de collecte.»
Cependant, le ministre des Finances, un homme intelligent
comme lui, doit sûrement savoir que, dans la nature, rien ne se crée
et rien ne se perd. Or, dans le budget des provinces Maritimes, au
lieu d'avoir des impôts sur le revenu des particuliers, la Trésorerie
là-bas préférait avoir une taxe de vente plus élevée, ce que le
Québec, l'Ontario et l'Alberta, par exemple, ne souhaitaient pas.
Cependant, dû à ces 5 p. 100, nous, en contrepartie, on doit payer
l'équivalent de 250 millions pour permettre à ces trois provinces
Maritimes de s'harmoniser. C'est un exemple d'iniquité. Alors, tant
et aussi longtemps que le Québec paiera, comme c'est le cas
présentement, ses 30 milliards en impôts, taxes ou autres au
gouvernement fédéral, nous, ici, on sera là pour réclamer cette
justice.
(1030)
Vous connaissez, comme moi, la difficulté du gouvernement
libéral à saisir ce concept pourtant très simple qu'est l'égalité. Ce
qui me porte à dire que nous réclamons autant d'énergie de la part
du gouvernement à l'élaboration d'une politique laitière à long
terme, favorisant la croissance des producteurs, notamment ceux du
Québec, puisque nous produisons, comme vous le savez très bien,
plus de 47 p. 100 du lait de transformation sur tout le territoire
canadien.
Dans cette perspective, je tiens à mettre en garde le
gouvernement que nous ne nous satisferons pas d'un simple énoncé
de politique basé sur des voeux pieux, comme c'en est devenu la
coutume pour le gouvernement libéral. Le projet de réforme de la
Commission canadienne du blé, bien qu'elle constitue un effort
louable de modernisation, apparaît à nos yeux comme étant
nettement insuffisante dans le contexte actuel.
Plusieurs producteurs de blé et d'orge réclamaient un
assouplissement du cadre d'opération de la Commission,
notamment en ce qui concerne la haute direction de l'organisme,
mais surtout une meilleure représentativité des producteurs
eux-mêmes dans l'élaboration des stratégies de commercialisation
à long terme.
Le projet de loi C-72 répond partiellement, n'en déplaise au
secrétaire parlementaire, à ces demandes de longue date des
producteurs, sans toutefois leur accorder la marge de manoeuvre
souhaitée et la latitude nécessaire à la réalisation de leurs objectifs
de production.
J'écoutais, il y a quelques minutes, le secrétaire parlementaire
dire à plusieurs reprises: «On satisfait une majorité de céréaliers de
l'Ouest.» C'est anormal que des rassemblements de producteurs
agricoles de l'Ouest réclament, référendum après référendum, des
modifications à cette fameuse Commission canadienne du blé. Je le
reconnais, la Commission canadienne du blé a joué et joue encore
un rôle déterminant pour la vente, la commercialisation du blé et de
l'orge dans l'Ouest. Je suis honnête en disant que personne dans
cette Chambre ne pourrait prévoir la situation économique, la
situation agricole dans les trois provinces de l'Ouest, n'eut été la
création et la participation de la Commission canadienne du blé.
Cependant, après plus de 62 ans, il est temps de moderniser cet
organisme qui, malheureusement, a dévié un peu de son objectif.
Lorsque le gouvernement procède constamment, par des
nominations partisanes, sans regarder, malheureusement, les
qualités premières des commissaires, on perd cet objectif.
Je le répète et je le répéterai toujours, et le secrétaire d'État, au
risque de le fâcher, pourra peut-être me dire: «Mais toi, Chrétien,
dans l'opposition, tu sais très bien que tu n'auras jamais à nommer
un commissaire à la Commission canadienne du blé.» C'est vrai.
Mais on voit, dans mon comté, par exemple, les nominations depuis
les trois dernières années, et je peux vous dire que,
malheureusement, plusieurs de ces nominations ont été basées
strictement sur le service rendu à ce parti, le financement à ce parti,
mais les compétences, on ne les regarde malheureusement pas ou
très peu.
Cette situation est donc en voie de devenir la marque de
commerce du Parti libéral et, par incidence, du gouvernement qu'il
forme.
(1035)
Les libéraux donnent d'une main pour reprendre de l'autre, c'est
connu. Au lieu d'acquiescer aux demandes des producteurs, le
gouvernement tente, par des moyens détournés et illusoires, de
garder le contrôle de la Commission. Le texte législatif prévoit le
changement de l'organisation sociale de la Commission, du statut
des commissaires vers l'élection d'un conseil d'administration
provenant en partie du milieu.
Or, en partant du fait que l'organisme cesse d'être mandataire de
Sa Majesté du chef du Canada, les producteurs devraient avoir
préséance quant à la composition dudit conseil. Malheureusement,
le gouvernement refuse de se commettre davantage sur la question.
Il refuse, ou du moins il évite, de spécifier le nombre d'agriculteurs
qui pourront occuper les 11 à 15 sièges-puisque c'est assez
flexible-de ce nouveau conseil d'administration.
Je m'inquiète de l'attitude du Parti libéral qui a réussi, depuis son
élection, à placer bon nombre de ses partisans dans les différents
organismes de l'État. En ce sens, la Commission canadienne du blé,
par sa nouvelle structure, continuera d'ouvrir toute grande la porte à
ce genre de nominations partisanes, plutôt que d'offrir aux
producteurs la place qui leur revient dans la gestion de leurs
intérêts.
En terminant, pour bien situer l'importance de la Commission
canadienne du blé, je voudrais rappeler que près de 23 p. 100 de
toutes les exportations mondiales de blé et d'orge sont faites par la
Commission canadienne du blé. C'est très important. On peut situer
8238
à près de cinq milliards, en dollars d'aujourd'hui, la valeur des
exportations.
Puisque nous allons voter sur le projet de loi en deuxième lecture,
nous aurons à suggérer, pour bonifier le projet de loi C-72, quelques
améliorations et si vous les acceptez. . .
Le vice-président: Je m'excuse, mais le temps de parole du
député est écoulé. Nous poursuivons le débat avec le député de
Kindersley-Lloydminster.
[Traduction]
M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.):
Monsieur le Président, nous sommes saisis aujourd'hui d'une
motion visant à renvoyer le projet de loi C-72 au comité. C'est une
chose que nous demandons instamment au gouvernement, non pas
parce que c'est une bonne loi, mais simplement parce que le public,
et surtout les agriculteurs, doivent entendre parler de cette mesure
législative pour être en mesure de constater à quel point elle est
mauvaise.
Le ministre n'a fait absolument aucun progrès dans la réforme de
la commercialisation du grain par la Commission canadienne du
blé, tout comme il n'a rien fait de permanent pour corriger
l'inefficacité du système de transport du grain des Prairies. Il n'a
fait non plus aucun progrès dans l'entreprise de rectifier la méthode
déficiente de recouvrement des coûts.
Ce n'est pas que le ministre ne connaisse pas le problème. Il est
de la Saskatchewan. Il a fréquenté les milieux politiques de la
Saskatchewan durant longtemps, on dirait presque 40 ans, en tant
que chef provincial du Parti libéral, après une très courte période où
il a siégé comme député à la Chambre des communes. Les habitants
de la Saskatchewan votent très rarement pour les libéraux, mais
quand ils le font, ils s'en débarrassent assez vite.
Si les libéraux déclenchent des élections au printemps, il se
pourrait bien que ce projet de loi ne soit pas adopté par le Parlement.
C'est impardonnable de la part du gouvernement de retarder
l'adoption d'une réforme de la Commission canadienne du blé.
Nous voici à la deuxième moitié de février et nous n'en sommes
qu'à l'étape du renvoi de ce projet de loi au comité. Il doit encore
être étudié par le comité, revenir pour la troisième lecture, aller au
Sénat et recevoir la sanction royale. Par-dessus le marché, c'est un
projet de loi qui a beaucoup de lacunes et qu'il faudra grandement
retravailler.
Dans l'état actuel des choses, il est assez improbable que ce
projet de loi soit adopté, à moins que le gouvernement change
d'attitude et se montre disposé à y apporter d'importants
changements.
Le projet de loi C-72 montre clairement à l'industrie du grain des
Prairies que le ministre veut faire échouer la réforme du système de
commercialisation. Si son but n'est pas de faire échouer la réforme,
alors il croit qu'il peut berner l'industrie en essayant de masquer le
fait que les changements visant la commission, et surtout sa haute
direction, seront minimes et le laisseront fermement à la barre de la
commission.
(1040)
Le projet de loi C-72 est une mesure législative mal rédigée, qui
devra être modifiée en profondeur, et j'insiste sur ce point, avant
que l'industrie des Prairies ne l'accepte et plus encore les
agriculteurs individuels qui verront bien que la nouvelle
commission proposée n'est pas la Commission canadienne du blé
plus responsable et plus souple que le gouvernement libéral leur
avait promise.
Le but du projet de loi est de changer le mode de direction, de
remplacer des commissaires nommés par un conseil
d'administration élu. Il est censé créer une institution de
commercialisation plus efficace, davantage axée sur les
communications et plus transparente, mais ce n'est pas ce qu'il fait.
À notre avis, les modifications proposées par le gouvernement
sont limitées et inefficaces et elles constituent un affront pour les
producteurs des Prairies. C'est comme si le gouvernement dit aux
producteurs qu'ils sont incapables de gérer leurs propres activités
de commercialisation, qu'ils sont inférieurs aux producteurs de
l'Ontario et du Québec et à tous les producteurs d'autres denrées du
Canada, lesquels parviennent à gérer très efficacement et
adroitement leur propre commercialisation.
Il reste à voir si le gouvernement libéral permettra que les
changements importants requis soient apportés au projet de loi
C-72, comme le Règlement l'autorise lorsqu'un projet de loi est
renvoyé à un comité avant la deuxième lecture. Nous avons
constaté, d'après notre propre expérience, que les amendements
sont rares et habituellement superficiels et qu'ils ne touchent pas
vraiment au fond.
Beaucoup d'agriculteurs commencent à croire que le ministre de
l'Agriculture a manipulé le processus de réforme de la Commission
canadienne du blé, ce qui a suscité incertitude, division et crainte
chez les agriculteurs de l'Ouest. Je n'ai jamais vu une question
dégénérer en une telle pomme de discorde, et ce avec les
encouragements du ministre. À chaque fois qu'il en a eu l'occasion,
il a mis de l'huile sur le feu au lieu de proposer des mesures
positives, constructives et conciliatoires pour mettre fin à la zizanie
et à la rancoeur croissantes que cette question suscite dans les
Prairies.
M. Hill (Prince George-Peace River): Manque total de
leadership.
M. Hermanson: Le député de Peace River dit que le ministre n'a
fait preuve d'aucun leadership, je souscris entièrement à cette
remarque.
Il a commencé par laisser traîner les choses pendant plus de deux
ans, refusant toute réforme de la commission, ce qui a donné lieu au
climat d'incertitude et de méfiance qui règne aujourd'hui. Ensuite,
il a créé sa propre farce politique en instaurant le processus de
consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest. Mais
lorsque ce dernier a produit un rapport à peu près sensé, le ministre
n'en a pas tenu compte, et c'est particulièrement vrai des importants
compromis qui étaient proposés. Puis, se fiant aux résultats de
sondages secrets, le ministre a décidé que la seule façon de parvenir
à ses fins en ce qui concerne la commercialisation de l'orge était de
poser une question du genre tout ou rien; aucune souplesse, aucun
moyen terme.
8239
Maintenant le ministre pense qu'en nommant, à temps partiel, un
conseil d'administration en partie élu et détenant des pouvoirs
minimum, les agriculteurs qui réclament des changements
importants seront satisfaits et qu'il pourra se laver les mains de
toute cette question. Eh! bien, le ministre se trompe lourdement.
L'un des plus gros reproches que l'on puisse faire à ce projet de
loi est qu'il donne au gouvernement un plus grand contrôle sur la
commission au lieu de remettre contrôle et responsabilité entre les
mains des producteurs qui, en fait, financent la Commission
canadienne du blé. La commission ne sera élue qu'en partie. Le
projet de loi dit qu'un ou plusieurs sièges au conseil
d'administration pourront faire l'objet d'élections. Nous savons que
le ministre acceptera des modifications à cet article, simplement
pour camoufler certains des autres contrôles dont il ne veut pas se
défaire, comme, par exemple, le fait que le gouvernement nommera
le président du conseil et le président, au lieu que ceux-ci soient
choisis par les membres du conseil d'administration élus par les
agriculteurs.
Le gouvernement peut congédier un membre du conseil
d'administration n'importe quand et sans raison. C'est tout à fait
inacceptable. C'est ainsi qu'agissent les dictateurs fantoches. J'ai
honte que le ministre de l'Agriculture ait présenté cette mesure
législative de qualité inférieure qui montre un manque de confiance
absolu dans les agriculteurs que l'on juge incapables d'élire un
conseil d'administration capable et compétent.
Le nouveau conseil d'administration devra suivre les directives
qu'il recevra du gouvernement fédéral, même si les membres
estiment qu'elles ne sont pas dans l'intérêt des agriculteurs.
La mesure législative permet à la Commission de rétablir son
autorité sur le marché des grains de provende. C'est sujet à
controverse. Lorne Hehn, le président de la Commission, disait que
c'était une erreur et qu'il fallait changer cela. Le ministre a dit non,
ce n'est pas une erreur, les gens ont simplement mal compris le
projet de loi. Cela n'est certainement pas sans inquiéter le ministre
de l'agriculture de l'Alberta. Il faut absolument changer cette
disposition du projet de loi pour garantir que l'on ne revienne pas,
en ce qui concerne les grains de provende, à la situation de 1973 où
l'orge ne pouvait même pas franchir une limite de province sans
infraction à la loi. C'est déjà assez grave que les agriculteurs ne
puissent pas faire franchir les frontières internationales à leurs
grains sans enfreindre la loi. Si ce projet de loi n'est pas amendé, les
agriculteurs enfreindront peut-être la loi en vendant le grain de
l'Alberta à la Saskatchewan ou l'inverse. Il faut changer cela.
(1045)
Le projet de loi réduit les possibilités de changements ultérieurs
au mandat de la Commission. Pour obtenir un changement majeur
du mandat de la Commission, les agriculteurs doivent lancer un
processus d'approbation complexe. Le conseil d'administration
doit recommander le changement à la Commission qui doit
l'approuver. Les producteurs doivent ensuite voter sur une question
décidée par le ministre. Ce processus me semble passablement
truqué et, en tout cas, cela ne témoigne pas d'une grande confiance
dans les agriculteurs pour gérer leur Commission canadienne du
blé. Même après le vote, le ministre ne serait pas tenu d'agir en
fonction du résultat. Voilà ce qui en dit long sur l'arrogance et le
manque de confiance. Je trouve absolument écoeurante cette
disposition du projet de loi.
Aucun autre parti politique n'a exprimé sa position aussi
clairement et de façon aussi transparente que le Parti réformiste à
propos des questions touchant la Commission canadienne du blé et
le plébiscite sur le blé et l'orge qui se tient actuellement. Le Parti
réformiste n'a cessé d'affirmer sa détermination à collaborer avec
une Commission canadienne du blé réformée et, donc, plus
responsable, plus souple et orientée vers la participation volontaire.
C'est un débat que les producteurs des Prairies ont à coeur et nous
savons que l'appui à cette réforme s'intensifie. Quoi que fasse le
ministre, les agriculteurs persisteront dans leur volonté et finiront
par atteindre leurs buts.
Nous croyons que seuls des changements positifs à la
commission assureront sa survie et son efficacité dans les années à
venir. Contrairement à ce que prétendent nos adversaires politiques,
nous ne souhaitons aucunement la destruction de la commission.
En terminant, je ferai observer que le ministre de l'Agriculture a
fait plus de tort à la commission, qu'il a fait plus pour convaincre les
agriculteurs de l'inutilité de cet organisme et qu'il a fait plus pour
nous nuire sur le plan international que nous tous, qui avons suggéré
des moyens de nature à rendre la commission apte à préparer les
agriculteurs à affronter la concurrence sur le marché du XXIe siècle.
Le ministre nous fait reculer, alors que nous voulons aller de
l'avant. Ce projet de loi est inacceptable dans sa forme actuelle et il
convient de le modifier en profondeur. J'exhorte les membres du
comité à s'y employer.
M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le
Président, le député de notre parti qui a parlé plus tôt a précisé très
clairement que la Commission canadienne du blé était une des
institutions dans le secteur agricole qui travaillaient uniquement
pour les agriculteurs. Elle partage avec la communauté agricole
tous les avantages d'un guichet unique de vente à une fraction du
coût des recettes réalisées par cette institution.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a expliqué
les principaux objectifs du projet de loi C-72 et je voudrais discuter
de la façon dont nous sommes arrivés à élaborer cette mesure.
La Commission canadienne du blé sert les agriculteurs canadiens
de façon efficiente et efficace depuis plus de 60 ans. Durant toute
cette période, elle a aidé notre secteur céréalier à se bâtir une
réputation internationale de qualité et de fiabilité et elle a obtenu les
meilleurs rendements possible sur le marché pour les agriculteurs
canadiens. Comme mon collègue l'a précisé plus tôt, grâce à la
commission, nos clients peuvent compter sur un approvisionnement
constant, et ils l'apprécient.
Le monde des affaires évolue. Nous faisons des affaires sur un
marché international de plus en plus libéralisé et compétitif. En
même temps, l'évolution de la demande, la réduction des
subventions, les nouvelles applications de la biotechnologie, les
marchés en pleine croissance pour des denrées à valeur ajoutée et
tout un éventail d'autres modifications font que, de nos jours, le
secteur
8240
céréalier doit être plus innovateur, plus autonome et répondre
davantage aux besoins du marché qu'il ne l'a fait par le passé.
Dans ce contexte, l'avenir de la Commission canadienne du blé
fait l'objet depuis plusieurs années d'un débat parfois très intense
parmi les agriculteurs et d'autres intéressés dans le secteur
céréalier, surtout dans l'ouest du pays. En passant, je pourrais
signaler que dans ma circonscription, Brandon-Souris, certains
ont intenté des poursuites devant les tribunaux, car ils jugeaient
nécessaire de contester la Loi sur la Commission canadienne du blé
et, en fait, toute la méthode de commercialisation du grain dans le
monde entier.
Ces modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé
ont pour but de répondre aux principales préoccupations soulevées
durant ce débat et de s'assurer que la Commission canadienne du
blé est bien placée pour poursuivre ses activités en tant que guichet
unique fiable et répondant aux besoins du marché pour la vente du
blé canadien dans les années à venir.
(1050)
En préparant ce projet de loi, notre objectif a été de faire en sorte
que toutes les parties intéressées par cette question difficile aient
pleinement la possibilité d'exprimer leur opinion de façon
équitable.
En 1995, le ministre a établi le groupe de consultation sur la
commercialisation du grain de l'Ouest pour qu'il formule des
recommandations en consultant tous les intervenants de l'industrie
céréalière. Ce groupe de consultation a fait un excellent travail,
remplissant son mandat et offrant une tribune aux producteurs et à
d'autres intervenants pour qu'ils discutent de l'avenir de la
Commission canadienne du blé d'une manière rationnelle, ouverte
et transparente, en se fondant sur les faits et non sur les grandes
déclarations.
Cette consultation sur le grain de l'Ouest, la plus étendue dans
l'histoire moderne, a revêtu la forme d'une série d'assemblées
publiques qui ont eu lieu au Manitoba, en Saskatchewan et en
Alberta. C'est sur cette tribune que les agriculteurs et d'autres
parties intéressées ont présenté leur point de vue sur le régime
actuel de commercialisation du grain de l'Ouest. Ils ont également
proposé des dispositions de rechange.
En outre, le groupe de consultation a tenu pendant 12 jours à
Winnipeg, à Regina et à Edmonton des audiences au cours
desquelles il a entendu 69 exposés. Il a aussi reçu 78 mémoires de
personnes et d'organismes qui n'ont pas comparu devant le groupe,
mais qui ont présenté des mémoires aux fins de renseignements.
À la suite de la publication du rapport du groupe de consultation
en juillet dernier, le ministre a invité les parties intéressées à
répondre par écrit à ces recommandations. Après que le groupe eut
présenté son rapport l'été dernier, le ministre a également fait
parvenir un résumé des recommandations du groupe à tous les
agriculteurs de l'Ouest et les a invités à donner leur opinion.
Dans l'ensemble, 12 000 personnes et organismes ont participé à
ce processus de consultation. Je suis d'avis que les modifications
législatives que nous proposons aujourd'hui traduisent les opinions
de la grande majorité des agriculteurs de l'Ouest et qu'elles donnent
suite aux nombreuses recommandations formulées dans le rapport
du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de
l'Ouest.
D'une façon ou d'une autre, nous prenons des mesures à l'égard
de tous les points soulevés par le groupe concernant l'organisation
sociale de la commission. Selon une des principales
recommandations, la Loi sur la Commission canadienne du blé
devait être modifiée afin de conférer à la commission une nouvelle
structure d'autorité et plus de souplesse pour accomplir ses activités
et servir les agriculteurs. En fait, de toutes les recommandations
contenues dans le rapport du groupe, celle-ci avait bénéficié du
consensus le plus ferme auprès des agriculteurs.
Aux termes du projet de loi, la direction générale de la
commission sera confiée à un conseil d'administration, dont la
plupart des membres seront des agriculteurs. Pour faciliter la
transition vers la nouvelle structure de direction, un conseil
d'administration provisoire sera nommé par le gouvernement l'an
prochain et, d'ici le début de 1998, une majorité des administrateurs
seront élus par les agriculteurs.
L'élection des administrateurs aura de profondes répercussions
sur les activités de la commission, surtout du fait qu'il ne s'agira
plus d'une société d'État. Dans la mesure du possible, nous avons
essayé de minimiser ces répercussions.
Par exemple, parce qu'elle agit au nom de Sa Majesté, la
commission fait des emprunts qui sont automatiquement garantis
par le gouvernement du Canada. Pour minimiser les répercussions,
le gouvernement continuera de garantir les emprunts de la
commission. Il continuera aussi de garantir les versements initiaux
et les ventes à crédit de céréales de la Commission canadienne du
blé.
Néanmoins, le passage à un conseil d'administration élu aura des
répercussions qu'il faudra étudier attentivement. C'est pourquoi le
projet de loi est permissif à cet égard. Les agriculteurs doivent se
rendre compte de ce qu'ils ont maintenant et ils doivent faire la
comparaison avec ce que leur apportera un conseil d'administration
élu plutôt que nommé, s'ils veulent prendre une décision éclairée
concernant leur préférence ultime sur ce sujet particulier.
Un autre groupe de modifications porte sur la plus grande
souplesse à l'égard des activités de la commission et l'amélioration
des rentrées de fonds. Aux termes de ces modifications, la
commission pourra, premièrement, effectuer des achats de blé et
d'orge au comptant. Deuxièmement, elle pourra verser rapidement
des paiements de rajustement au cours d'une campagne agricole.
Troisièmement, elle pourra fermer des comptes communs
n'importe quand et payer sans tarder les agriculteurs.
Quatrièmement, elle pourra délivrer des certificats négociables aux
producteurs. Cinquièmement, elle pourra rembourser aux
agriculteurs leurs frais d'entreposage ou de transport des céréales.
Enfin, elle fera la meilleure utilisation possible des dernières
mesures de gestion des risques en traitant avec les agriculteurs et les
clients. En outre, la Commission canadienne du blé sera autorisée à
établir un fonds de réserve pour pouvoir faire des achats au
comptant et verser rapidement les rajustements.
8241
(1055)
Il importe de signaler que ces modifications ne constituent pas la
seule réponse du gouvernement du Canada aux préoccupations des
céréaliculteurs canadiens et aux recommandations du Comité de
commercialisation des grains de l'Ouest. Nous explorons de
nombreux autres moyens de nous attaquer à d'autres problèmes de
commercialisation et de transport du grain. En novembre dernier,
notre gouvernement a proposé des mesures législatives pour
moderniser le Code canadien du travail.
Ces modifications prévoient notamment que, même si les
entreprises qui manutentionnent le grain et leurs employés
conservent le droit de lock-out et de grève, dans le cas des
interruptions de travail qui mettent en cause d'autres parties, dans
les activités portuaires, les services influant sur les expéditions de
grain doivent être maintenus.
Par les modifications apportées à la Loi sur la Commission
canadienne du blé et de nombreux autres changements que nous
apportons à l'égard du transport et de la commercialisation du grain,
le gouvernement du Canada montre qu'il est attentif aux
préoccupations des producteurs de grain. Il prend des mesures pour
calmer leurs inquiétudes et mettre en place les conditions
nécessaires à la poursuite de la croissance et au maintien de la
prospérité dans le secteur céréalier et les collectivités rurales
au-delà du tournant du siècle.
J'exhorte tous les députés à appuyer cet important projet de loi.
[Français]
M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je
vous remercie de me permettre, aujourd'hui, de prendre la parole
sur le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur la Commission
canadienne du blé et d'autres lois en conséquence. Comme vous le
savez, je représente un comté agricole de la Belle Province, mais il
n'y a aucun producteur de blé et d'orge dans ma circonscription.
Pour parler franchement, le territoire de la Commission
canadienne du blé couvre les provinces du Manitoba, de la
Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Néanmoins, en tant que député faisant partie de l'opposition
officielle, au grand dam de nos collègues réformistes et, bien sûr, du
député de Calgary-Sud-Ouest, je me dois d'intervenir, comme mes
autres collègues du Bloc québécois le feront après moi, dans le
débat entourant un projet de loi important pour beaucoup de
producteurs.
Je sais que nous sommes ici en cette Chambre pour défendre les
intérêts des Québécois et des Québécoises. Nous sommes dans cette
auguste Chambre pour faire la promotion de la souveraineté, mais
nous nous devons également d'utiliser les tribunes que nos
fonctions de députés de l'opposition officielle nous permettent
d'accéder pour parler aux autres nations. Cela comprend également
la nation canadienne. On parle beaucoup, avec le congrès à la
direction du Bloc, de partenariat d'égal à égal.
C'est bien simple: nous sommes, à 52, les représentants de la
nation québécoise, n'en déplaise aux députés de Saint-Maurice et de
Sherbrooke. De plus, je me dois d'ajouter que tant et aussi
longtemps que le Québec paiera des impôts au gouvernement
fédéral, nous avons le devoir et le droit de savoir comment ces
sommes sont dépensées. J'ajoute que nous devons réclamer notre
juste part.
Le dépôt du présent projet de loi fait suite à une recommandation
claire et pressante de changement de la part du groupe d'experts. Le
gouvernement libéral s'est emparé de cela afin de servir ses intérêts.
Bien sûr que l'on veut démocratiser. On veut confier la
responsabilité générale de la direction de la Commission
canadienne du blé à un conseil d'administration.
À première vue, le Bloc ne peut que se réjouir de voir le
gouvernement proposer que ledit conseil d'administration soit
composé dorénavant d'une majorité et surtout de producteurs, au
lieu de trois à cinq commissaires nommés par le ministre. C'est un
bel esprit de démocratisation. Peut-être que nous influencerons les
députés libéraux avec notre bel exemple de démocratie. Je parle ici
de la course à la direction de mon parti. Si c'est cela, tant mieux.
Néanmoins, je demeure sceptique devant l'attitude et les réels
motifs du gouvernement libéral, et je m'explique. Les futurs
membres du conseil d'administration seront, d'après le projet de
loi, élus par leurs pairs ou les producteurs céréaliers. Toutefois, le
gouvernement libéral se garde bien de nous dire combien de ces élus
par les producteurs seront sur le conseil.
Dans la documentation présentant le présent projet de loi, on se
garde bien d'avancer un nombre d'agriculteurs élus. On stipule que
le nouveau conseil d'administration sera majoritairement composé
d'agriculteurs élus, mais on ne dit pas quand cela se fera. Ce qui est
plus certain, c'est que nous proposons un conseil d'administration
intérimaire en 1997.
(1100)
De toute évidence, tout le monde sur la Colline ne passe pas une
journée sans parler d'une éventuelle élection pour 1997. Il est
certain que nous aurons des élections partielles, du moins pour les
circonscriptions de Jonquière et de Calgary-Ouest. Je peux vous
l'annoncer, si on se fie aux règles établies. Pour ce qui est d'une
élection dite générale, je laisse le soin au député de Saint-Maurice
de nous dire quand elle aura lieu.
Si je vous parle d'une éventuelle élection, c'est pour bien vous
situer que nous sommes dans un contexte pré-électoral. Vous
comprendrez que, lorsque le gouvernement libéral, par son
ministre, parle de nommer un conseil d'administration intérimaire
en 1997, il serait bien tentant pour eux de procéder à des
nominations politiques, à faire ce qu'on appelle du patronage
politique. Ce ne serait pas la première fois, et il y a fort à parier que
ce ne sera pas la dernière fois non plus.
J'ai toujours peur de voir tel ou tel ministre procéder à des
nominations. À vrai dire, ce n'est pas rassurant du tout. Ce ne l'était
pas avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, alors
pourquoi cela changerait-il quelques semaines plus tard? De plus, le
ministre confirme que le conseil d'administration de la
Commission canadienne du blé sera éventuellement composé,
majoritairement, d'agriculteurs élus. Cela laisse supposer qu'il
pourrait y avoir des membres choisis par le ministre. Le ministre
serait toujours tenté de nommer des amis, des sympathisants du
régime ou encore
8242
des bailleurs de fonds. Rien de nouveau sous le soleil. L'expression
est connue, mais malheureusement, très vraie.
Le Bloc québécois, mon parti, ne peut qu'appuyer le principe du
gouvernement fédéral de donner enfin aux agriculteurs une ou
plusieurs voix au sein de la direction de la Commission canadienne
du blé. Je pense que l'on ne peut que se réjouir de voir un tel
changement se faire. Au point de départ, on le sait, le gouvernement
ne le fait pas de son plein gré. Si le gouvernement fait preuve
d'ouverture, ce n'est pas dans un élan de bonté ou par désir de
démocratisation, mais c'est plutôt dû à des pressions. Des pressions
de qui? Des agriculteurs qui ne cessent de dire au gouvernement que
le système est désuet et qu'il ne répond pas à leurs attentes.
Pourquoi pensez-vous que le groupe d'experts recommande la
modification de sa tête dirigeante? Pourquoi vouloir changer les
quelque trois à cinq commissaires par un conseil d'administration
formé d'agriculteurs élus? C'est que ceux-ci seront plus en mesure
de répondre adéquatement à leurs besoins.
Il n'y a rien de sorcier là-dedans, c'est le gros bon sens. Il faut
ajouter que, dans les doléances des agriculteurs de l'Ouest, il y a
différents mécontentements. Des agriculteurs transfrontaliers
réclament une double mise en marché du grain, soit d'une manière
libre ou par le biais de la Commission canadienne du blé.
Il était devenu urgent, pour le gouvernement, de finalement se
pencher sur cette question. Souvenez-vous récemment de la motion
du député de Wild Rose qui voulait un droit de retrait, une clause de
opting out de deux ans. Il n'a pas trouvé cela tout seul, ce collègue.
Lors de mon intervention sur cette motion, j'avais dit: «On
pourrait octroyer plus de pouvoirs aux producteurs sur le contrôle
des opérations de la Commission canadienne du blé, et permettre à
la Commission d'être plus flexible.» Il est vrai que certains
producteurs flairent, ces temps-ci, des occasions d'affaires. Je
comprends bien qu'ils veuillent commercialiser eux-mêmes leurs
productions à l'extérieur de la juridiction de la Commission
canadienne du blé. Il est vrai que dans les faits actuels, avec ce qui
se passe aujourd'hui, c'est la Commission qui, par ses ventes sur le
marché américain, tire profit de cette situation où les prix sont
meilleurs.
Une chose est certaine, c'est que la Commission existe depuis
plus de six décennies. Sa tâche est de vendre un produit de qualité,
d'offrir aux clients un service hors pair et de voir aussi à maximiser
les rentrées pour les agriculteurs de l'Ouest. Encore là, le système
n'est pas parfait, il y a toujours place à l'amélioration. Est-ce dire
qu'il faut passer outre à ces possibilités de patronage pour que soit
adopté un projet de loi qui comporte de bonnes choses au niveau de
l'assouplissement des opérations et une amélioration des liquidités?
Non, chers collègues. Je sais voir les bonnes choses, mais
également les opportunités de patronage.
(1105)
Il faut aller chercher des gens du milieu, des gens qui connaissent
bien le domaine. Qui sont mieux placés que les agriculteurs, les
céréaliers pour être membres du conseil d'administration de cette
Commission canadienne du blé?
Par surcroît, les faire passer par une élection est, à mon avis, un
excellent choix. Mais attention, il faut voir comment ces élections
se tiendront, car le gouvernement veut fixer les règles. Je ne crois
pas qu'on fera appel à une firme externe comme lors des tirages de
la 6/49, ni à M. Kingsley, le directeur général des Élections.
Cela étant dit, malgré une apparente ouverture, le gouvernement
fédéral veut garder, avec son projet de loi, le contrôle effectif de la
Commission canadienne du blé. Comment? Je vous le donne en
mille. Avez-vous remarqué qu'au paragraphe 3.6(2), le
gouvernement se réserve le droit de révoquer tous les membres du
conseil d'administration, y inclus les agriculteurs élus?
Précédemment, j'ai fait allusion aux modalités d'élection de
ceux-ci, mais j'avais oublié de vous préciser que le président dudit
conseil demeure une personne nommée par nul autre que le
ministre. Je sais bien qu'il est nommé par le gouverneur en conseil
sur recommandation du ministre. Aussi bien dire immédiatement
que c'est le ministre qui le nomme.
[Traduction]
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je
suis heureux de prendre part au débat du projet de loi C-72, Loi
modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres
lois en conséquence.
En parcourant le projet de loi, j'ai été plutôt étonné à la lecture
des dispositions des articles 3.93 et 3.94. L'article 3.93 commence
par la déclaration inoffensive que voici:
(1) Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent
[. . .]agir:
a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission;
b) avec le soin, la diligence et la compétence d'une personne prudente et avisée.
Rien à redire à cela. Nous espérons que les personnes que le
gouvernement nommera par favoritisme aux postes de
responsabilité à la commission respecteront cette promesse. Or, en
poursuivant ma lecture, j'ai constaté que, bien qu'elles puissent agir
avec intégrité, de bonne foi et avec diligence, ces personnes sont
indemnisées si elles ne le font pas. L'alinéa 3.93(3)
a) ajoute en effet
ceci:
(3) Ne contrevient pas aux obligations [. . .]le dirigeant, l'administrateur ou
l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de
celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;
Cela me porte à croire qu'il y a quelque chose qui cloche dans les
états financiers. Si les responsables disposent du rapport annuel de
la Commission canadienne du blé pour 1994-1995, qui a fait l'objet
d'une vérification de la firme DeLoitte et Touche, laquelle semble
en avoir fait un rapport de vérification assez raisonnable, et
commettent des erreurs en prêtant foi à des états financiers qui se
révèlent erronés, ils se verront maintenant exonérés de toute
responsabilité. Mon esprit assez mal tourné se pose la question:
qu'est-ce qui cloche dans les états financiers si les responsables qui
y prêtent foi pourront être indemnisés?
Je passe maintenant à l'article 3.94:
8243
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou
leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens, y compris les sommes versées pour
transiger ou pour exécuter un jugement, engagés par eux lors de procédures civiles,
pénales ou administratives . . .
De quoi s'agit-il ici? Va-t-on indemniser ces responsables à
l'égard de procédures pénales? C'est pourtant ce que prévoient ces
dispositions. Je les lis encore une fois:
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou
leurs prédécesseurs [. . .]de tous les frais et dépens [. . .]engagés par eux lors de
procédures civiles, pénales ou administratives. . .
Qu'est-ce que c'est que ces dispositions? Premièrement, il nous
faut les indemniser s'ils s'appuient sur les états financiers vérifiés.
Puis nous découvrons que nous devons les indemniser également
contre toute procédure pénale découlant de l'exercice de leurs
fonctions. C'est assez fort.
(1110)
Il ne faut pas oublier non plus que la commission est la seule
agence à être protégée parce qu'elle n'est pas assujettie aux
dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Nous ne pouvons
obtenir de renseignements de la Commission canadienne du blé,
parce que la loi la protège. Nous ne pouvons invoquer la Loi sur
l'accès à l'information pour obtenir ces renseignements. Pis encore,
le vérificateur général n'a pas le droit, si je ne m'abuse, d'examiner
les activités de la Commission canadienne du blé et de faire rapport.
Dans les faits, le vérificateur général ne peut examiner les
activités de la Commission du blé et les Canadiens ne peuvent
examiner les activités de la Commission du blé, parce qu'ils n'ont
pas accès aux renseignements nécessaires aux termes de la Loi sur
l'accès à l'information. Dorénavant, les membres de la commission
seront indemnisés contre toute procédure pénale, et voilà que
certains doutes planent quant à l'exactitude de ses états financiers.
Après avoir analysé tout cela, que peut-on conclure? On semble
flairer une conspiration qui camouflerait certaines choses.
L'intégrité du gouvernement et la bonne gestion de la Commission
canadienne du blé seraient remises en question.
Je voudrais que le ministre de l'Agriculture se lève à la Chambre
et nous dise ce qu'il en est. Je ne vois pas pourquoi nous devrions
adopter un projet de loi et créer ainsi un monopole qui serait protégé
par la loi et entouré du plus grand secret imaginable et je ne vois pas
pourquoi nous devrions indemniser les administrateurs contre des
procédures pénales. Nous avons, comme tous les Canadiens, droit à
des réponses à nos questions. Pourquoi ces deux dispositions
ont-elles été insérées dans ce projet de loi?
Le ministre ne nous a en rien expliqué pourquoi il estime devoir
protéger les employés de la Commission du blé qui se fient à des
états financiers qui ont été vérifiés par un vérificateur indépendant.
Je ne vois pas pourquoi il protégerait les employés de la
Commission du blé qui font l'objet de poursuites au criminel.
Monsieur le Président, pouvez-vous me donner une raison pour
laquelle il le ferait? Quelqu'un d'autre peut-il me dire pourquoi? Je
ne vois pas.
Cela nous donne une idée de la manière dont le gouvernement
gère ses affaires. Nous avons vu ce qui s'est passé dans le cas de
l'enquête sur la Somalie. Dès qu'elle est devenue embarrassante, le
gouvernement y a mis fin. Lorsqu'on a eu besoin d'information
dans l'enquête Krever, on s'est heurté à un mur. Quant à l'affaire de
l'Aéroport Pearson, elle est désormais devant les tribunaux. Nous
sommes témoins du fiasco de l'affaire Airbus, que le gouvernement
a bousillée dès le départ. Elle coûte des millions de dollars aux
contribuables et nous avons appris l'autre jour que le ministre de la
Justice a dépensé 160 000 $ de l'argent des contribuables pour nous
posséder. Il faut que cela cesse.
Des activités criminelles ne peuvent être tolérées sous aucun
prétexte. Prévoir une protection dans un projet de loi est sans doute
la pire chose que j'ai vue depuis les trois années et demie que je
siège ici. Prévoir cela dans un projet de loi sur la Commission du
blé, qui est à l'abri de toute enquête de la part du vérificateur
général, de toute demande de renseignements conformément à la
Loi sur l'accès à l'information, c'est digne de la Russie
communiste. Voilà ce que le gouvernement nous sert aujourd'hui.
Et ce n'est pas la première ni la dernière fois. On camoufle des
choses, on trompe les Canadiens, on ne leur dit pas ce qu'on fait
avec leur argent, on ne leur dit pas que quelqu'un trafique
peut-être-et je dis bien «peut-être»-les états financiers et,
maintenant que cela risque de se savoir, le gouvernement veut que
les gens soient indemnisés.
Le fait est que des questions se posent. Je n'ai pas les réponses,
mais je suis persuadé que le ministre de l'Agriculture les a. Il lui
incombe de prendre la parole à la Chambre et de nous dire ce qu'il
essaie de camoufler avec ces deux articles. S'il cherche à cacher une
activité illégale et des états frauduleux, nous devons le savoir. Il
nous faut savoir quelle tête va rouler.
(1115)
C'est peut-être la tête du ministre qui va rouler, car on ne saurait
tolérer pareille activité dans un pays démocratique. J'espère que le
ministre viendra nous dire ici quelles sont ses intentions.
M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président,
nous discutons aujourd'hui d'une motion qui vise à renvoyer le
projet de loi C-72 au comité avant la deuxième lecture. J'appuie
cette motion parce qu'il y a tellement d'aspects de cette mesure
législative qui devraient être soupesés et discutés avant que le projet
de loi ne puisse être adopté.
Les gens ont trois principales réserves au sujet de la Commission
canadienne du blé. La première concerne le manque de
responsabilité de la commission sur le plan des comptes à rendre. Le
niveau de sécurité de cette dernière équivaut à celui du SCRS. La
deuxième réserve concerne l'absence de droit de regard des
agriculteurs sur la commission. Pourtant, les activités de la
commission sont entièrement financées par les agriculteurs.
8244
La troisième réserve concerne le fait que la Commission du blé a
un monopole qui ne lui a été conféré qu'en vertu de la Loi sur les
mesures de guerre et qui ne lui a jamais été retiré. Les agriculteurs
veulent avoir le choix, un choix qui soit très clair pour que personne
ne puisse s'opposer.
La plupart des agriculteurs de l'Ouest et des réformistes appuient
certainement le maintien de la Commission canadienne du blé,
comme organisme de commercialisation. Là n'est pas le problème.
Nous appuyons cela, mais nous souhaitons que les agriculteurs aient
un choix. Dans un pays démocratique, il est presque inimaginable
de ne pas leur donner ce choix.
Je veux parler de ces trois questions. Je sais que je n'aurai pas
suffisamment de temps pour en parler à fond, mais je vais au moins
essayer de le faire. Je vais établir des liens avec le projet de loi à
l'étude. Je ferai ressortir très clairement de mon intervention qu'un
examen du projet de loi s'impose avant la deuxième lecture.
Premièrement, la Commission canadienne du blé est aussi
secrète que le SCRS, ce qui est presque inimaginable. Par ailleurs,
elle n'a pas l'obligation de rendre des comptes. Les gens se
demandent pourquoi ses activités sont entourées d'autant de secret.
Ainsi, le vérificateur général n'a pas accès aux documents de la
Commission canadienne du blé ni aux informations internes de son
conseil d'administration. Par conséquent, nous ne pouvons pas
compter sur un rapport du vérificateur général pour examiner les
activités de la commission et déterminer si les choses sont faites
comme il se doit. Voilà le secret qui entoure les activités de la
commission.
Par exemple, c'est grâce à une fuite que nous avons découvert
qu'un commissaire qui remet sa démission ou qui est congédié a
droit à une indemnité de départ de l'ordre de 290 000 $. En tant que
céréaliculteur qui finance les activités de la commission, je n'avais
aucun moyen de savoir cela. Nous ne connaissons pas le traitement
des commissaires ni, bien entendu, les avantages dont ils
bénéficient.
Généralement, les agriculteurs pensent que les avantages sont
tout à fait déraisonnables. Comme nous sommes ceux qui payont
ces avantages, ces salaires et ces indemnités de départ, nous avons
le droit de savoir à combien ils s'élèvent.
L'obligation de rendre compte est le premier problème. La loi
a-t-elle été modifiée?
Une voix: Non, c'est pire.
M. Benoit: Le projet de loi traite-t-il de l'obligation de rendre
compte? Oui, mais il a empiré les choses, comme vient de le dire
mon collègue.
Prenez le paragraphe 3.93(1) du projet de loi:
Les dirigeants, administrateurs et employés de la Commission doivent, dans
l'exercice de leurs fonctions, agir:
a) avec intégrité et de bonne foi. . .
Le projet de loi énonce ce que doivent faire les administrateurs.
Au paragraphe 3.93(3), on lit:
Ne contrevient pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) et (2) le
dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi sur:
a) des états financiers de la Commission présentant sincèrement la situation de
celle-ci, selon l'un de ses dirigeants ou d'après le rapport écrit du vérificateur;
b) les rapports de personnes dont la profession ou la situation permet d'accorder
foi à leurs déclarations, notamment les avocats, les notaires, les comptables, les
ingénieurs ou les estimateurs.
(1120)
Le projet de loi prévoit qu'ils doivent agir avec intégrité. À
l'article 3.94, on lit:
La Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou
leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou ont agi en cette
qualité. . .
La commission indemnise d'anciens dirigeants, administrateurs
ou employés. Je me demande bien pourquoi. Le ministre peut-il
nous dire pourquoi cette protection a été accordée aux anciens
dirigeants et administrateurs de la commission? D'après moi, la
seule raison est qu'ils ont quelque chose à cacher. On ne peut
certainement pas laisser ce paragraphe dans le projet de loi.
En raison des contraintes de temps, je vais passer à ma deuxième
préoccupation. Les agriculteurs n'exercent aucun contrôle sur la
commission. Ils financent les activités de la commission, mais ils
n'exercent aucun contrôle sur elle. Cela a-t-il été changé? Pas
nécessairement. Le projet de loi pourrait ne pas donner aux
agriculteurs plus de pouvoir sur la commission qu'ils n'en ont
maintenant.
Je lis le paragraphe 3.6(1):
Sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par décret,
désigner au conseil un ou plusieurs sièges dont le titulaire est à élire par les
producteurs conformément au présent article et à ses règlements d'application.
Cela veut-il dire qu'il y aura nécessairement au moins un
directeur élu? La réponse est non. C'est incroyable. «Le ministre
peut décider qu'il y aura un directeur élu.» Ce n'est pas ce qu'il a dit
aux agriculteurs.
Le ministre modifiera sans doute cela parce que les agriculteurs
ne le toléreront pas. Si ce système est imposé de force, on ne peut
prévoir la réaction du monde agricole. Je crois que le ministre peut
comprendre et qu'il retirera cette disposition. Cependant, il n'a
aucune excuse pour avoir mis une telle disposition dans le projet de
loi.
De deux choses l'une: ou il a intentionnellement trompé les
agriculteurs et le reste de la population lorsqu'il a dit qu'il y aurait
des directeurs élus, ou il fait preuve d'incompétence. Nous sommes
devant un projet de loi négligemment rédigé, et c'est intolérable.
Dans un cas comme dans l'autre, c'est inacceptable et le ministre
doit s'expliquer. Les agriculteurs auront-ils plus de poids? Pas
nécessairement.
Troisièmement, il y a la question du monopole ou de la
possibilité de choisir pour les agriculteurs. En général, les
agriculteurs sont favorables à la Commission canadienne du blé.
Cependant, ils veulent aussi pouvoir vendre leurs céréales par
l'intermédiaire d'une société ou les vendre eux-mêmes. C'est là un
choix que tous les autres Canadiens peuvent faire.
8245
Le projet de loi laisse-t-il une option aux agriculteurs? Pas du
tout. Le monopole de la Commission canadienne du blé est
maintenu dans son intégralité, et c'est inacceptable, surtout si l'on
tient compte du contexte dans lequel ce monopole a vu le jour.
Dans ses mémoires, Mitchell Sharp, ancien député libéral et
ministre au sein du gouvernement Trudeau, très proche
collaborateur du premier ministre, parle de l'époque où il était haut
fonctionnaire au ministère des Finances, pendant la guerre, et il dit
que c'est en 1943, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, que
le monopole a été confié à la Commission canadienne du blé. Qu'en
dit Mitchell Sharp? Tous les libéraux devraient lire les mémoires de
M. Sharp. Il dit que, en raison de la guerre, il était raisonnable de
créer un monopole pour la vente du blé. Il reconnaît que cela a fait
baisser les prix, ce qui était l'objectif visé compte tenu de l'effort de
guerre consenti au nom du Canada et de la Grande-Bretagne.
(1125)
M. Sharp affirme qu'il a jugé à l'époque et qu'il croit encore
aujourd'hui qu'il est tout à fait injustifié d'avoir conservé ce
monopole après la guerre. Il estime que cela coûte très cher aux
agriculteurs.
Il fait notamment remarquer que le contrat de cinq ans adopté
après la guerre a coûté des centaines de millions de dollars aux
agriculteurs. Et cela s'explique uniquement par le monopole
accordé à la commission. Les agriculteurs n'ont jamais obtenu
d'indemnisation.
Les livres ont été fermés et le secret a été imposé. La commission
n'a de comptes à rendre à personne. Le monopole demeure, même
s'il n'a plus aucune raison d'être. Il faut changer cela et le plus tôt
sera le mieux. Les agriculteurs n'acceptent plus que cette question
ne soit pas réglée, et il faut faire quelque chose.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD):
Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi
C-72, qui vise à modifier la Loi sur la Commission canadienne du
blé. C'est un projet de loi important, et c'est une question
importante à laquelle je m'intéresse depuis longtemps.
J'ai discuté de cette question avec de nombreux producteurs d'un
bout à l'autre du Canada, surtout en Saskatchewan et dans les
Prairies. J'ai assisté à des réunions du groupe de consultation sur la
commercialisation du grain de l'Ouest dans ma province, en
particulier à celles qui ont eu lieu à Kindersley et à North Battleford.
On retrouve très peu de ce dont nous avons discuté à ces réunions
dans le projet de loi C-72.
L'étape de la deuxième lecture à la Chambre ne se déroulera pas
comme d'habitude dans le cas du projet de loi C-72. Il y aura
seulement un court débat de trois heures, et le projet de loi sera
ensuite renvoyé directement au Comité de l'agriculture pour étude.
J'appuie certainement l'étude en comité, mais je m'oppose à ce
qu'on coupe court au débat à la Chambre.
Cette pratique qui consiste à envoyer un projet de loi directement
au comité avant la deuxième lecture est une innovation récente dans
le processus législatif. Dans certains cas, cette pratique fonctionne
très bien, mais, dans d'autres cas, elle ne fonctionne pas bien du
tout, et je crois que c'est la cas du projet de loi C-72. Le projet de loi
C-72 est important pour tous les agriculteurs canadiens. Il est donc
important pour le Canada.
La deuxième lecture est habituellement l'étape où les députés se
penchent sur le principe d'une nouvelle mesure législative. C'est le
moment d'examiner, dans un débat public, les concepts sur lesquels
le projet de loi est fondé. C'est l'étape où les députés, qui ont discuté
de cette mesure législative avec leurs électeurs, peuvent exprimer le
point de vue de ces derniers à la Chambre et le partager avec les
autres députés dans l'espoir d'influencer l'étude article par article
qui suivra lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.
Tous les députés ne pourront pas prendre la parole durant ce débat
abrégé de trois heures et tous les députés ne sont pas membres du
Comité de l'agriculture. Par conséquent, tous les députés et, ce qui
est plus important encore, tous leurs électeurs ne pourront pas se
faire entendre sur les principes qui sous-tendent ce projet de loi
avant la troisième et dernière lecture, lorsqu'il sera trop tard pour
apporter des changements majeurs. Cette façon de procéder ne fait
qu'accélérer l'étude du projet de loi, en dépit du fait que l'étape de
l'étude en comité sera peut-être raccourcie.
L'idée de raccourcir le débat à l'étape de la deuxième lecture a été
conçue pour les projets de loi hautement techniques et non pour
ceux comme celui sur la Commission canadienne du blé, dont le
contenu revêt également un caractère politique et économique. Je
m'oppose à ce qu'on ait recours à cette façon de procéder pour le
projet de loi C-72. Je crois que le ministre de l'Agriculture l'utilise
simplement pour éviter un long débat public sur un projet de loi
qu'il sait imparfait, mais qu'il ne veut pas améliorer lui-même.
Je vais citer comme exemple le fait que, le jour où le projet de loi
a été présenté, le ministre a dit qu'il était prêt à accepter des
amendements. Le jour suivant, le président du Comité de
l'agriculture a dit que ce projet de loi serait effectivement modifié.
Lorsqu'il a lancé le débat aujourd'hui, le secrétaire parlementaire a
dit que le ministre envisageait des amendements. Si le ministre
savait que le projet de loi comportait des lacunes, il aurait dû le
rédiger comme il faut au départ au lieu de présenter le sujet comme
il l'a fait. Il aurait dû dire: «Je suis prêt à écouter. Parlez-moi.» S'il
savait que des amendements étaient nécessaires, il aurait dû les
apporter au départ.
Je conteste également le moment choisi pour le débat. Il survient
en plein milieu du processus de scrutin concernant la motion sur
l'avenir de l'orge dans le champ de compétence de la Commission
canadienne du blé. J'avais demandé avec d'autres députés que
l'étude du projet de loi soit reportée après la fin du vote concernant
la motion sur l'orge, de manière à permettre au public d'accorder
toute l'attention voulue à ces deux questions. Je regrette que le
ministre ait décidé de ne pas suivre ce conseil.
(1130)
Par ailleurs, pour ne pas paraître entièrement négatif, je suis
heureux que le comité de l'agriculture auquel le projet de loi est
renvoyé envisage de voyager à l'extérieur d'Ottawa pour consulter
des agriculteurs, des groupes d'agriculteurs et des collectivités au
sujet de ce projet de loi. Je crois que le succès de la Commission
canadienne du blé dépend des amendements qui seront apportés et
8246
c'est pourquoi il est important de connaître le point de vue des
agriculteurs et des collectivités.
Si le comité décide de se déplacer et en obtient l'autorisation de
la Chambre, il aura pris une sage décision. J'espère seulement qu'il
aura donné à tout le monde suffisamment de temps pour se préparer
à relever adéquatement le défi qui nous attend.
Ce projet de loi est important et c'est pourquoi je tiens à exprimer
encore une fois mon inquiétude et ma déception devant la décision
du ministre de renoncer à entendre directement les conseils du
Comité consultatif de la Commission canadienne du blé élu par les
agriculteurs, pendant la rédaction du projet de loi. Le Comité
consultatif, qui sera remplacé par suite de ce projet de loi, est
composé des agriculteurs qui connaissent le mieux les opérations de
la Commission canadienne du blé et leurs effets à la ferme.
Le ministre aurait dû consulter le comité consultatif dès le départ,
mais il ne l'a pas fait. Le projet de loi contient des lacunes parce que
le ministre a choisi de ne pas consulter. S'il l'avait fait, cela nous
aurait épargné un débat superflu et beaucoup de temps et d'argent.
C'était tout naturel de demander l'avis du comité consultatif pour la
conception et la rédaction de cette mesure législative, mais on ne l'a
pas fait.
Peu de députés à la Chambre sont des agriculteurs, encore moins
des producteurs de céréales placés sous la juridiction de la
Commission canadienne du blé. Aussi est-il difficile pour les
députés de se rendre compte du stress causé par les économies de
l'industrie céréalière ces dix dernières années. La campagne et les
prix de l'an dernier ont probablement été les meilleurs de cette
décennie qui a été caractérisée en général par des prix bas, de faibles
rendements, une qualité inférieure et un moral de plus en plus bas. Il
y a eu un grand nombre de faillites et de renonciations de même
qu'un endettement agricole élevé, de nombreux suicides et
d'accidents à la ferme.
En même temps, des changements considérables se sont produits
sur le marché international, dont, et non des moindres, les
pourparlers de l'Uruguay Round du GATT sur les subventions et la
création, par la suite, de l'Organisation mondiale du commerce.
Le Canada a convenu avec les États-Unis et l'Europe d'éliminer
un certain nombre de programmes identifiés-peut-être à tort, à
mon avis-comme des programmes de subventions, ce qui a eu
pour résultat de faire perdre aux agriculteurs canadiens leurs
programmes d'aide ponctuels, la subvention du Nid-de-Corbeau et
certaines garanties en matière de gestion des approvisionnements.
J'ajouterai que les gouvernements canadiens sous Mulroney et sous
l'actuel premier ministre ont agi de la sorte sans chercher à obtenir
une action similaire de la part de l'Europe et des États-Unis qui ont
maintenu leurs programmes de soutien agricole tels qu'identifiés
par le GATT.
C'est dans cette ambiance volatile que se trouve jetée la
Commission canadienne du blé, l'organisme de commercialisation
du blé et de l'orge canadiens sur le marché international. Cet
organisme qui a maintenu les ventes et les prix durant la période
turbulente qu'a été cette dernière décennie a été accusé par les
États-Unis d'user de pratiques commerciales déloyales, avec
l'appui d'un certain nombre Canadiens qui, pour beaucoup,
cherchent un moyen d'échapper aux dettes considérables qu'ils ont
accumulées en essayant de surmonter des temps très difficiles.
La Commission canadienne du blé traverse actuellement une
période où elle est très vulnérable, et le gouvernement devrait faire
tout ce qui est en son pouvoir pour la défendre contre ces attaques de
l'extérieur. Ce projet de loi ainsi que-je me permets de le
mentionner-le vote concernant la commercialisation de l'orge ne
font qu'alimenter un débat qui risque d'affaiblir la commission et,
par conséquent, de nuire à son avenir et à l'avenir du revenu
agricole.
Le ministre de l'Agriculture devrait au moins résister à toutes les
pressions visant à obtenir des modifications substantielles et
systématiques de la commission. Il devrait donner à la commission
un appui inconditionnel et sans réserve et s'assurer qu'elle ait la
souplesse opérationnelle dont elle a besoin pour surmonter ses
difficultés internes.
C'est pourquoi, quand on examine le projet de loi C-72, on doit
l'envisager dans un contexte plus large. La meilleure chose que le
ministre puisse faire, pour le moment, serait peut-être de retirer ce
projet de loi, parce qu'il affaiblit la position de la commission et
représente un danger pour les revenus futurs des agriculteurs des
Prairies, au cours d'une période préélectorale, alors que nous
devrions discuter de cette question au cours de la campagne.
Une voix: Il devrait démissionner.
M. Taylor: J'entends mes collègues dire que le ministre devrait
démissionner. J'en profite pour signaler que j'appuie cette
proposition. Cela semble une très bonne idée. Le ministre devrait
démissionner, pourvu qu'il retire le projet de loi avant.
(1135)
Nous avons certainement besoin d'une Commission canadienne
du blé plus solide, et non pas affaiblie. En négligeant de renforcer la
commission, on trahit les intérêts des agriculteurs au profit des
grandes sociétés désireuses de contrôler des marchés internationaux
artificiels.
J'espère que nous examinerons le projet de loi de façon beaucoup
plus détaillée au comité. C'est pourquoi je ne veux pas entrer dans
les détails aujourd'hui. Je veux toutefois signaler certaines choses à
la Chambre pendant qu'il est encore temps. Je remarque que, pour
ce débat raccourci de trois heures, les députés ont droit à dix
minutes. Les discours seraient plus longs s'il s'agissait du débat de
deuxième lecture. Beaucoup d'entre nous seraient beaucoup plus à
l'aise pour exprimer en détail leurs préoccupations au sujet de ce
projet de loi.
D'abord et avant tout, il y a la question de la gestion publique.
C'est très clair que les agriculteurs veulent avoir plus d'influence
dans la direction des affaires de la commission. Il y a de nombreuses
façons d'atteindre ce but, mais le ministre et le gouvernement ont
choisi de créer un conseil d'administration élu avec un président du
conseil et un président nommés par le gouvernement.
8247
Même si le ministre affirme que la grande majorité des membres
du conseil d'administration seront élus par les producteurs, le projet
de loi ne dit pas combien de membres seront effectivement élus.
Nous avons donc de très sérieuses réserves sur cet aspect. Il semble
d'ailleurs y avoir un consensus sur la nécessité d'un meilleur
contrôle du fonctionnement de la Commission par les agriculteurs.
Non seulement il n'y a aucune garantie qu'il y aura plus que deux ou
trois agriculteurs élus, mais en plus il n'y a aucune garantie que leur
présence aura une influence quelconque. Tant que le gouvernement
nomme certains membres et contrôle la nomination des deux
présidents, la Commission ne sera pas responsable devant les
producteurs.
En tant que représentant de la Saskatchewan, des néo-démocrates
et de beaucoup de producteurs, j'estime que nous devrions avoir
certaines garanties sur le fonctionnement à long terme envisagé par
cette mesure législative. La plupart d'entre nous, en Saskatchewan,
appuyons les modifications qui rendront la Commission plus souple
et mieux en mesure de répondre aux producteurs, mais en même
temps nous voulons un meilleur équilibre entre la responsabilité des
producteurs et la responsabilité financière du gouvernement
fédéral.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, il y a probablement aujourd'hui beaucoup de Canadiens
qui suivent les débats sur la chaîne parlementaire. Ils doivent se
demander de quoi nous parlons. Pourquoi les députés de l'Ouest
sont-ils inquiets? Je viens de la Saskatchewan, certains de mes
collègues viennent de l'Alberta et du Manitoba. Ce qui nous
inquiète c'est l'agriculture, et plus particulièrement une question
très précise concernant la Commission canadienne du blé. C'est le
sujet du débat d'aujourd'hui.
Mme Cowling: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
Je me suis levée pour prendre la parole. L'ordre des intervenants
n'est-il pas déterminé par rotation?
Le vice-président: La présidence n'a pas vu l'honorable
secrétaire parlementaire. Je suis désolé. Si je l'avais vue, je lui
aurais certainement donné la parole. Elle a parfaitement raison,
pour procédons par rotation. Étant un parfait gentleman de l'Ouest,
le député est-il prêt à lui céder la place?
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Monsieur le Président,
est-ce que je pourrai continuer plus tard? Jusqu'à maintenant, il y a
eu une véritable pénurie de ministériels pour parler de cette
question. Nous n'avons eu aucune réponse. Ce n'est pas un débat.
Ça n'a été qu'une série de questions posées par le Parti réformiste et
par un député néo-démocrate. Si les ministériels ont quelque chose
à dire, nous serions heureux de les écouter. Même le ministre n'a
pas encore dit un mot.
Le vice-président: Il me semble que le député laisse entendre
qu'il serait lui aussi heureux d'écouter la députée et je suppose qu'il
est d'accord pour que la secrétaire parlementaire prenne la parole
avant lui.
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): C'est d'accord, tant que je
peux parler ensuite.
Le vice-président: L'honorable secrétaire parlementaire de la
ministre des Ressources naturelles, et mes remerciements au député
de Yorkton-Melville.
Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire de la
ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président,
à titre de députée représentant la circonscription rurale de
Dauphin-Swan River, à titre de producteur céréalier et en ma
qualité de fidèle défenseur de la Commission canadienne du blé, je
suis très heureuse de parler du projet de loi C-72, Loi modifiant la
Loi sur la Commission canadienne du blé.
Ce projet de loi découle des recommandations formulées l'été
dernier par le Comité d'examen de la commercialisation du grain de
l'Ouest. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a
demandé au comité de tenir des audiences à grande échelle et de
présenter des recommandations sur la réforme de la
commercialisation du grain dans l'Ouest, afin que le système puisse
fonctionner plus efficacement.
(1140)
Après de vastes consultations, nombre de lettres, appels
téléphoniques, communications par télécopieur ou courrier
électronique, des pétitions, rencontres publiques ou privées,
manifestations, débats parlementaires, sondages et tout le travail
ardu du comité, nous avons constaté que la plupart des agriculteurs
n'avaient pas des opinions extrêmes et irréconciliables.
La même constatation ressort aussi des recommandations du
comité, lesquelles, ajoutées aux avis des députés et des
gouvernements provinciaux, ont aidé le gouvernement du Canada à
rédiger le projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Je sais que les agriculteurs et les partis divergent d'opinions et
qu'il est impossible de prendre des décisions satisfaisantes pour
tous.
Étant donné le morcellement traditionnel de l'industrie
céréalière dans l'Ouest et les profondes divisions entre les
agriculteurs qui défendent les points de vue les plus extrêmes sur la
commercialisation du grain, il est impossible de satisfaire toutes les
parties.
La plupart des agriculteurs veulent conserver la commission,
mais ils désirent une commission quelque peu modifiée. Ils la
veulent plus moderne, plus responsable. Ils veulent pouvoir donner
leur avis sur la façon de faire les choses. Ils veulent que la
commission soit plus attentive à l'évolution de leurs besoins et de
leurs possibilités. Ils veulent un fonctionnement plus souple. Ils
veulent que les rentrées d'argent provenant de la vente de leurs
céréales leur parviennent le plus rapidement possible. Enfin, bien
entendu, ils veulent réduire leur vulnérabilité face aux attaques et
aux barrières commerciales des autres pays.
En revanche, la plupart des agriculteurs apprécient les points
forts reconnus de la Commission canadienne du blé: sa portée
mondiale, sa pugnacité commerciale, sa taille imposante, sa
capacité d'affronter avec succès les courtiers en grains les plus
puissants au monde, sa capacité de minimiser l'impact des
subventions à l'exportation ayant des effets de distorsion sur le
commerce dont usent et abusent Européens et Américains, ses
systèmes de renseignements commerciaux et de surveillance
météorologique-les
8248
meilleurs au monde-et les services complets et poussés qu'elle
offre à la clientèle avant et après vente.
La Commission canadienne du blé dessert actuellement plus de
100 000 agriculteurs des Prairies en tant que seul organisme
autorisé à vendre du blé et de l'orge destinés à l'exportation et à la
consommation humaine au pays. Son chiffre d'affaires annuel frôle
les 5 milliards de dollars, ce qui en fait une des entreprises
commerciales les plus florissantes du Canada. Elle vient au
cinquième rang des exportateurs du Canada et elle est son plus
grand générateur de recettes nettes en devises étrangères. Elle fait
affaire avec plus de 70 pays et s'est forgé pour elle-même et pour le
Canada une réputation très flatteuse auprès de ses clients dans le
monde entier.
Mais nous ne saurions nous contenter de ces réalisations. Nous
sommes confrontés à un nouvel ordre du monde qui exige que nous
modifiions constamment nos méthodes commerciales pour
s'adapter aux changements auxquels entend faire face cette mesure
législative.
Les changements contenus dans cette mesure législative sont à
ranger dans trois grandes catégories. La première catégorie
comprend les modifications apportées à la structure, la gestion et
l'obligation de rendre compte de la Commission canadienne du blé.
La deuxième catégorie porte sur les modifications visant à conférer
plus de souplesse aux opérations de la commission du blé et à
améliorer ses mouvements de trésorerie. La dernière catégorie
regroupe les modifications touchant le mandat de la Commission
canadienne du blé en matière de commercialisation ainsi que le
renforcement des moyens d'action des agriculteurs.
J'aimerais m'attarder sur la deuxième catégorie de
modifications. Afin de favoriser l'achat au comptant et d'accélérer
les paiements d'ajustement, la commission sera autorisée à établir
des réserves pour éventualités. La Commission canadienne du blé
est actuellement restreinte à acheter le grain en provenance des
agriculteurs dans des silos ou des wagons moyennant un paiement
initial à la livraison, que viennent compléter les ajustements, les
paiements intérimaires et le paiement final.
Grâce aux modifications proposées, la Commission canadienne
du blé pourra désormais acheter du grain au comptant. Ce pouvoir
procurera à la commission une plus grande souplesse dans
l'acquisition du grain en ce sens qu'elle pourra faire aux
agriculteurs des offres correspondant à un versement unique. Dans
le cadre du système de mise en commun, la vente au comptant aura
pour effet de réduire l'incertitude en ce qui concerne les livraisons
et d'accroître le rendement des pools, notamment en diminuant les
frais de surestaries, en favorisant des ventes supplémentaires grâce
à des prix intéressants et en améliorant l'efficacité globale du
programme de vente de la Commission canadienne du blé. Avec ce
pouvoir, la Commission canadienne du blé sera en mesure de
soumissionner sur divers prix pour le grain, ce qui lui permettra de
s'assurer des approvisionnements de façon plus efficace et
d'améliorer l'efficience de son programme de vente, ainsi que le
rendement offert aux agriculteurs.
(1145)
La commission sera capable de gérer des ajustements en cours de
campagne durant n'importe quelle campagne agricole de façon
accélérée, car elle n'aura plus besoin d'obtenir au préalable
l'approbation du Cabinet.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral garantit les
paiements initiaux de la Commission canadienne du blé et les
ajustements en cours de campagne. L'exigence actuelle voulant que
tous ces paiements soient approuvés au préalable par le Cabinet nuit
à la capacité de la Commission canadienne du blé d'ajuster
rapidement les prix en cours de campagne.
Pour que la commission puisse fonctionner davantage comme
une entreprise privée et ajuster les paiements aux producteurs plus
rapidement, on va modifier en fin de compte le système actuel de
garanties et d'approbations gouvernementales pour qu'il ne
s'applique qu'aux paiements initiaux qui ont été fixés au début de la
période de mise en commun. Une fois que la Commission
canadienne du blé aura établi un fonds de réserve suffisant, on
l'autorisera à faire tous les ajustements ultérieurs et à effectuer des
versements connexes aux agriculteurs comme bon lui semble.
Je tiens à signaler que durant ses 61 années d'histoire, la
commission n'a jamais accumulé un déficit sur des paiements
initiaux ajustés dans le cadre de n'importe quelle mise en commun.
Les rares déficits que la commission a accumulés durant son
histoire étaient tous reliés au prix initial établi avant le début de la
campagne agricole.
On va donc autoriser la Commission canadienne du blé à établir
le fonds de réserve voulu pour garantir des ajustements en cours de
campagne aux agriculteurs et garantir également les achats au
comptant. Pour accumuler les fonds en question, la commission
pourra notamment se servir des profits sur ses opérations de crédit
qui se sont élevés à 80 millions de dollars environ l'année dernière
et d'un prélèvement sur les ventes des producteurs.
La nouvelle souplesse aidera à transférer plus rapidement aux
agriculteurs l'argent perçu par la Commission canadienne du blé. Il
y a d'autres modifications destinées à accroître la souplesse et la
plupart ont été recommandées par le groupe de consultation sur la
commercialisation du grain de l'Ouest.
Ces modifications donneront à la commission la possibilité
d'offrir les paiements liés au stockage du blé, des paiements
d'intérêt ou d'autres paiements liés à la livraison en ce qui concerne
le grain stocké sur l'exploitation agricole. Cette modification a pour
but d'encourager les producteurs à signer des contrats de livraison
tôt durant la campagne agricole et elle autorisera aussi la
Commission canadienne du blé à payer des primes aux agriculteurs
qui livrent rapidement leurs produits.
Le versement de frais d'entreposage réduira la nécessité pour la
Commission canadienne du blé d'obtenir du grain également de
toutes les Prairies durant la campagne agricole et facilitera ainsi sa
planification logistique. Une meilleure logistique entraînera une
augmentation des rendements nets pour les agriculteurs.
Aux termes des modifications proposées, la commission aura le
pouvoir de verser les ajustements en fin de campagne bien avant le
1er janvier, ce qui est impossible en vertu de la loi actuelle. La loi
donnera à la Commission canadienne du blé le pouvoir de fermer un
compte de mise en commun dans un délai très court durant la
campagne agricole et d'en établir un second pour le reste de la
campagne.
Les certificats transférables délivrés aux producteurs donneront
une plus grande souplesse en laissant les agriculteurs négocier
quand et comment ils veulent être payés pour le grain livré à la
8249
commission. Plus particulièrement, la commission pourra établir un
programme qui donnerait aux agriculteurs un mécanisme grâce
auquel ils pourront échanger leurs certificats dans des conditions
acceptables pour les deux parties.
L'établissement d'installations de stockage en copropriété et la
suppression des quotas de livraison pour les céréales produites
hors-Commission ont rendu désuète une disposition qui précisait
que les livraisons de grain à un silo ne devaient pas dépasser les
quotas établis. Comme la commission doit autoriser le transport du
grain vers les installations en copropriété, cette modification va
officialiser le libre accès des agriculteurs à ces installations.
Avec les modifications proposées au projet de loi C-72, la
Commission canadienne du blé sera en mesure de devenir un office
de commercialisation encore plus efficace pour les céréaliculteurs
de l'ouest du pays.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, je suis déçu encore une fois. Je pensais que, en autorisant
la députée à prendre la parole, nous obtiendrions peut-être les
réponses à quelques-unes des questions que nous avons soulevées,
mais nous ne les avons jamais obtenues. Nous n'avons entendu
qu'un de ces innombrables discours rédigés dans les coulisses par
des bureaucrates. La députée n'a jamais abordé certaines des
préoccupations que soulèvent les agriculteurs de ma circonscription
et, comme la députée le sait, ceux de sa circonscription également.
(1150)
Je vais expliquer en quoi consiste ce débat au profit des centaines
de milliers de personnes dans tout le pays qui se demandent de quoi
nous parlons aujourd'hui. La plupart des députés de l'Ouest qui se
préoccupent d'agriculture débattent de la question. La question
porte sur la Commission canadienne du blé.
Dans le domaine de l'agriculture, le gouvernement a choisi la
Commission canadienne du blé comme secteur particulier de
préoccupation. Le gouvernement maintient un contrôle beaucoup
plus rigoureux, notamment à l'égard de la commercialisation du blé
et de l'orge. Il maintient ce contrôle rigoureux par l'entremise de la
Commission canadienne du blé. Voilà l'essence du débat que nous
tenons aujourd'hui.
La plupart des Canadiens ne savent peut-être pas pourquoi le
débat est important pour les habitants de l'Alberta, de la
Saskatchewan et du Manitoba. C'est parce qu'ils ne sont pas aussi
libres que les Ontariens et les Québécois de vendre leurs céréales, le
blé et l'orge. On les traite d'une manière très différente des autres. Il
faut que les gens comprennent dans quel contexte se situe le débat.
Qui est-ce que je représente? Pourquoi est-ce que je traite de la
question? C'est parce que beaucoup de gens de ma circonscription
me l'ont demandé. Je suis leur représentant. Il est de mon devoir
d'analyser les projets de loi que le gouvernement présente dans un
domaine en particulier, de critiquer ces projets de loi et d'y proposer
des modifications.
Ce qui préoccupe le plus les gens, c'est le retard qu'on accuse
pour apporter certaines des modifications qui offriront aux
agriculteurs les moyens dont ils ont besoin pour bien
commercialiser leurs céréales dans le monde d'aujourd'hui.
Pourquoi s'inquiéter de ce retard? C'est un retard épouvantable. Le
gouvernement est en place depuis trois ans et demi, mais il n'a pas
encore apporté la moindre modification. Les habitants de ma
circonscription s'inquiètent beaucoup de la faiblesse d'un ministre
qui permet une telle situation.
La députée de Dauphin-Swan River a mentionné que le
gouvernement devait être certain de proposer les bonnes
modifications et qu'il y avait de profondes divisions dans la
communauté agricole. Pourquoi ces divisions? Elles sont dues à
l'inertie dont les agriculteurs ont été témoins et à leur frustration. Le
ministre est responsable de ces divisions et il les élargit en
présentant à la Chambre ce projet de loi inefficace.
J'ignore pourquoi le ministre ne s'est pas donné la peine
d'intervenir sur cette question. Les agriculteurs attendent une
réponse. Ils veulent savoir pourquoi il continue d'examiner la
situation. En 1993-1994, la première année de l'actuelle législature,
nous avons demandé au ministre d'entreprendre des modifications
et il nous avait donné la réponse type: «J'examine la situation.»
C'est ce qu'il répète depuis près de deux ans. Il a ensuite constitué
un comité d'examen. Aujourd'hui, il poursuit son examen.
On a utilisé toutes les excuses possibles pour ne pas faire les
modifications qui donneraient aux agriculteurs plus de contrôle sur
la commercialisation de leurs produits. Tous les agriculteurs qui
participent au débat, peu importe leurs points de vue, demandent la
même chose. Ils veulent avoir plus de pouvoir sur la Commission
canadienne du blé. J'ai réalisé un sondage dans ma circonscription
et j'ai constaté que la grande majorité des gens, soit 90 p. 100 de
ceux qui ont répondu, souhaitent que la commission soit dirigée par
des agriculteurs, et non par des bureaucrates ou des politiciens
d'Ottawa. Ces derniers prennent beaucoup trop de temps à réagir.
Un des principaux défauts de ce projet de loi, c'est qu'il restreint
la possibilité future de modifier la Commission canadienne du blé.
Il confère, en l'inscrivant en plus dans la loi, plus de pouvoir au
ministre de l'Agriculture, plutôt que de permettre aux agriculteurs
de mieux gérer leurs affaires. Tous les Canadiens qui nous écoutent
conviendront que c'est une injustice flagrante. On admettra que les
agriculteurs doivent obtenir ce qu'ils demandent, peu importe de
quel côté on se situe face à la question de la Commission canadienne
du blé.
Certains collègues ont parlé de dispositions du projet de loi qui
causent beaucoup d'inquiétude. Par exemple, l'article 3.94 prévoit
que la commission paiera la note si un de ses dirigeants ou
administrateurs commet une erreur. Les agriculteurs seront quand
même obligés de payer la note.
(1155)
L'article est bien sûr libellé en jargon d'avocat. Il stipule: «La
Commission indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et
employés ou leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa
demande, agissent ou ont agi en cette qualité» et l'article poursuit
en décrivant ce qui fera l'objet d'une indemnisation. Autrement dit,
il décharge de toute responsabilité les gens qui transigent au nom
des
8250
agriculteurs. Il les décharge de leur responsabilité. Pourquoi cela
nous préoccupe-t-il?
Nous savons tous ce qui se passe sur la côte ouest. Des frais de
surestarie pour les navires en attente de chargement dans les ports
sont imposés aux agriculteurs qui n'ont absolument aucun contrôle
sur la situation, mais c'est pourtant eux qui doivent payer la note.
Nous voici saisis d'un projet de loi qui incorpore une telle
disposition dans la loi concernant la Commission canadienne du
blé. Il est absolument déplorable que les agriculteurs aient à payer la
note pour des situations qui échappent complètement à leur
contrôle. Pourquoi ne pas en imputer la responsabilité à ceux qui
sont à l'origine du problème?
Des agriculteurs viennent me voir tous les jours pour déplorer
que leurs coûts de transport ont grimpé en flèche, surtout depuis que
le gouvernement a supprimé sans avertissement le tarif du
Nid-de-Corbeau. Ils font appel à moi en me demandant si je ne
pourrais pas faire quelque chose.
L'ennui, c'est que les personnes qui sont à l'origine du problème
n'ont pas de comptes à rendre. Elles n'ont pas à payer. Cette
disposition figure dans le projet de loi. Cela suscite de vives
inquiétudes.
Le gouvernement dit qu'il met en application les
recommandations d'un groupe d'étude. Encore une fois, il choisit
celles qui font son affaire. Il retient les recommandations très
secondaires dont la mise en application ne risque pas de réduire son
pouvoir.
Le problème auquel font face les agriculteurs tient
essentiellement au fait qu'ils se battent contre le gouvernement
omniprésent. Ils sont maintenus au sol. Leur liberté se trouve
limitée par le ministre et par les bureaucrates à Ottawa. Ils
n'obtiennent pas davantage de contrôle sur leurs propres affaires.
C'est pour eux un vif sujet d'inquiétude.
J'ai noté certaines des expressions que le porte-parole du
gouvernement a utilisées en présentant le projet de loi et qui visaient
à séduire les agriculteurs. Par exemple, il a dit que la Commission
canadienne du blé sera évaluée selon ses succès et ses résultats en
matière de commercialisation ou selon sa compétence financière. Y
a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui permette à un tiers
indépendant, comme le vérificateur général, d'évaluer les résultats
de la Commission? Les agriculteurs ne savent même pas ce qui se
passe. Ils ont beaucoup de mal à déterminer si la Commission fait du
bon travail ou pas.
Le ministre sait ce qui se passe. Personne ne me fera croire que le
ministre ne sait pas ce que veulent les agriculteurs. Ils veulent
exercer le contrôle sur la Commission canadienne du blé. Pourquoi
faut-il qu'elle soit contrôlée par les bureaucrates ici à Ottawa? Cette
question est restée sans réponse.
Si le ministre tenait à détruire la Commission canadienne du blé,
il ne pourrait pas s'y prendre mieux qu'il ne le fait actuellement
avec ces retards et la façon dont il s'occupe de la situation. Qu'ils
soient pour ou contre la Commission, les agriculteurs me disent que
le ministre de l'Agriculture est en train de la détruire. Les
agriculteurs sont exaspérés. Ils sont inquiets à propos de ce qui se
passe.
Si nous voulons avoir un outil de commercialisation efficace, il
faut commencer par mettre en oeuvre certains des changements que
préconisent les réformistes. Le processus en cours ne facilitera pas
les choses. Renvoyer maintenant le projet de loi au comité constitue
simplement une autre tactique dilatoire à mon avis. Je ne pense pas
que le débat que nous tenons ce matin facilitera la mise en oeuvre
des changements qu'il faut apporter à la Commission canadienne du
blé.
M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, le
député de The Battlefords-Meadow Lake a dit que les députés ne
pouvaient pas prendre part aux délibérations des comités et que, par
conséquent, un grand nombre d'entre eux ne pourraient pas débattre
ce projet de loi lorsqu'il serait renvoyé au Comité de l'agriculture.
(1200)
Je dois faire une mise au point et signaler que tous les députés ont
parfaitement le droit de prendre la parole pendant les délibérations
de tous les comités permanents. Il n'y a absolument aucune
restriction. L'affirmation du député est donc, au mieux, fallacieuse.
Je le signale à mes collègues d'en face, il sera tout à fait possible de
faire connaître ces préoccupations au moment de l'étude en comité.
Le projet de loi à l'étude apporte des changements dans la
Commission canadienne du blé pour donner plus de pouvoir aux
agriculteurs. Ce que le député de Yorkton-Melville a dit des frais
de surestarie qu'il faut absorber lorsque le blé n'arrive pas à temps
pour le chargement des navires est plutôt intéressant. Je me
demande à qui il imputerait ces frais.
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Aux chemins de fer.
M. Reed: Aux chemins de fer. J'ai pris note que son chef a fait
cette déclaration à la presse. Je présume que la prochaine mesure
préconisée par son chef sera que le gouvernement reprenne les
chemins de fer en charge pour que ces frais soient payés sur le
Trésor. Est-ce bien cela que le député souhaite?
L'un des merveilleux avantages de la Commission canadienne du
blé et des services qu'elle assure aux céréaliculteurs est que, en
période de difficultés, elle nous permet de répartir ces coûts. En ce
moment où les cours du grain sont relativement plus élevés que ces
dernières années. . .
M. Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Ils ne le sont pas.
M. Reed: Oui, ils le sont, et le député le sait fort bien s'il suit
l'évolution des cours. Il y a toujours la tentation ou l'envie de se
soustraire à la Commission canadienne du blé et à faire ses
transactions directement. Lorsque les cours fléchissent, le vent
tourne et certains céréaliculteurs réclament de nouveau la
protection de la commission.
Les producteurs réclament un double régime qui leur permet de
vendre leur grain de leur côté s'ils le souhaitent sans toutefois être
obligés de le faire. Comment diable la commission pourrait-elle
8251
survivre si, dans une année où les prix sont excellents, les
producteurs se détournent d'elle et si tous ses employés et toute son
infrastructure splendide qui servent à commercialiser le blé restent
à ne rien faire? Une autre année, si les prix baissent, les producteurs
se tourneront en masse vers la commission, qui devra du jour au
lendemain rétablir tout son dispositif.
C'est une façon de faire totalement inacceptable sur les marchés
internationaux. Ou bien nous allons jusqu'au bout et les agriculteurs
vendent leur grain sans faire appel à la commission, ou bien nous
conservons la commission. Je dirai au député que, tant que la
majorité des agriculteurs voudront que la Commission canadienne
du blé demeure en place, elle demeurera en place. Si les producteurs
tournent le dos à la commission, si la majorité d'entre eux n'en
veulent plus, le gouvernement ne va pas la leur imposer.
Les députés auront tout le temps de discuter de la question au
Comité de l'agriculture, où ils pourront se présenter, qu'ils en soient
membres ou non, et exprimer leur point de vue. On les écoutera. Je
fais partie de ce comité, et je veillerai à ce qu'on les écoute.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président,
je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi
C-72, qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du blé, dans
le but de renvoyer cette question au comité.
(1205)
Mon fils et moi et nos familles exploitons une ferme céréalière de
1 500 acres en Alberta, une des régions qui relèvent de la
Commission canadienne du blé. Je dénombre parmi mes collègues
de ce côté-ci de la Chambre de nombreux agriculteurs qui ont eu à
traiter directement avec la Commission canadienne du blé. Cela
m'amuse toujours lorsque j'entends des députés, comme celui de
l'Ontario qui est intervenu juste avant moi, louanger le travail de la
Commission canadienne du blé, eux qui n'ont jamais eu à composer
avec la commission. La province de l'Ontario n'est pas régie par la
Commission canadienne du blé, et je sais qu'un autre député
ontarien s'apprête à participer au débat.
Chez les députés qui échappent au joug de la Commission du blé
et chez les avocats qui chantent les louanges de la commission, il
semble y avoir un peu d'hypocrisie. Si la Commission canadienne
du blé fait de telles merveilles, pourquoi ne fonctionne-t-elle pas
aussi en Ontario et au Québec?
Le projet de loi C-72 est très mal rédigé. Il accroît le contrôle et le
pouvoir qu'exerce le ministre de l'Agriculture, ce qui est
exactement le contraire de ce que réclament les agriculteurs qui
vivent sous la domination de la Commission canadienne du blé. La
mesure législative est tellement affreuse que le ministre de
l'Agriculture devrait démissionner, mais non pas pour cette seule
raison. Le bilan du ministre, depuis qu'il a été élu, il y a de cela trois
ans et demi, et qu'il dirige le portefeuille de l'agriculture, est clair.
J'énumérerai les décisions qu'il a prises et vous expliquerai en quoi
il a failli à la tâche. Par sa façon de traiter les modifications à
apporter à la Commission canadienne du blé et d'aborder tout le
débat entourant la commercialisation dans l'ouest du Canada, il a
rendu furieux tous ceux qui s'intéressent à ces questions.
Permettez-moi de faire un bref rappel historique afin que nous
puissions parler de la Commission canadienne du blé en tout
connaissance de cause. La Commission canadienne du blé a été
créée en 1917, au cours de la Première Guerre mondiale, dans le
cadre d'une loi sur les mesures d'urgence. Je comprends très bien
pourquoi. En temps de guerre, il importe d'avoir la haute main sur
l'approvisionnement de nourriture. Nous avions à l'époque des
engagements à l'égard de la Grande-Bretagne et nous voulions
avoir des prix stables durant la guerre.
Après la Première Guerre mondiale, la Commission canadienne
du blé a été dissoute comme il se devait. Le commerce des céréales a
fonctionné comme une économie de libre marché jusqu'en 1935,
année où la Commission canadienne du blé a été rétablie. Des
pressions avaient été exercées pour que la Commission canadienne
du blé soit rétablie, mais elle l'a été comme un marché séparé du
commerce privé des céréales. C'est ainsi qu'elle a fonctionné
pendant huit ans, soit jusqu'au début de la Seconde Guerre
mondiale. Au plus fort de cette guerre, en 1943, le gouvernement
libéral a décidé que la Commission canadienne du blé devenait
revenir en tant que monopole. Cela s'expliquait encore par la
situation de guerre.
J'appuie la décision qui fut prise à l'époque. Nous devions encore
fournir des céréales à la Grande-Bretagne. Nous fournissions des
céréales à nos alliés. Nous voulions le faire à un prix peu élevé et
stable afin d'appuyer l'effort de guerre.
Après la guerre, toutefois, d'autres facteurs sont entrés en jeu. Il
y avait des contrats quinquennaux. Comme l'a dit tout à l'heure un
de mes collègues, Mitchell Sharp, qui était alors un ministre fédéral,
avait beaucoup critiqué le fait que la commission continuait d'être
un office de commercialisation à comptoir unique alors qu'aucune
guerre n'exigeait plus que ce soit le cas.
Tel est le contexte du débat qui a cours dans l'ouest du Canada
depuis plusieurs années. Le débat en est uniquement un de liberté.
Des agriculteurs veulent mettre leurs produits en commun, avoir la
Commission canadienne du blé pour les commercialiser à leur place
et accepter un prix moyen. D'autres agriculteurs préfèrent
commercialiser eux-mêmes leurs céréales parce qu'ils croient
pouvoir s'en tirer mieux que la commission, parce qu'ils ont des
besoins spéciaux à satisfaire, un paiement important à faire sur leur
exploitation agricole à un certain moment de l'année, par exemple.
Ils ont besoin de liquidités, contrairement peut-être à certains de
leurs voisins.
Voilà sur quoi porte le débat. C'est la question de savoir si on doit
avoir un régime de commercialisation restrictif administré par la
Commission canadienne du blé ou la liberté de choix. Je comprends
parfaitement bien les deux points de vue. Nous vivons dans un pays
libre et démocratique, et je pense que les agriculteurs devraient
avoir le choix entre commercialiser leur grain par l'entremise de la
Commission canadienne du blé, obtenant ainsi un prix moyen, ou
s'en occuper eux-mêmes. J'estime que c'est aux agriculteurs de
décider ce qui leur convient le mieux. Il ne faut pas changer cela.
Voilà la toile de fond de cette question. Depuis trois ans, le
gouvernement libéral a supprimé le tarif du Nid-de-Corbeau, mais
nos concurrents n'ont pas supprimé leurs subventions de façon
équivalente. Nous avons agi plus rapidement que ne le requièrent
8252
nos obligations internationales. Dans l'état actuel des choses, les
agriculteurs paient le plein montant du transport. C'est pourquoi ils
ont été forcés de trouver le meilleur prix possible; c'est une simple
question de survie. C'est ce que font nombre d'entre eux.
(1210)
Cependant, je suis d'avis que le ministre de l'Agriculture
complique la tâche à ces agriculteurs qui veulent survivre. Il leur dit
qu'ils ne peuvent pas commercialiser leur blé et leur orge sur le
marché international. Il leur dit que c'est impossible. Je pense qu'il
laisse entendre en fait qu'ils ne sont pas assez intelligents pour le
faire.
Passons aux faits. Je suis agriculteur. Nous commercialisons un
certain nombre de produits, à l'instar de nos voisins, avec l'aide
d'entreprises spécialisées dans ce domaine. Le canola est l'une de
nos principales exportations, avec le blé. Le canola n'est pas
commercialisé par l'entremise de la Commission canadienne du
blé. Les pois non plus. Les agriculteurs commercialisent les
produits suivants: la fétuque, le trèfle, le lin, le seigle, les lentilles,
et j'en passe. Ils commercialisent le boeuf. Il y a eu une
augmentation de 40 p. 100 des exportations de boeuf depuis la
conclusion de l'Accord de libre-échange. La Commission
canadienne du blé n'a pas à le faire. Il n'y a pas de monopole. C'est
une économie de marché.
Je signale à ceux qui nous écoutent que, s'ils préfèrent passer par
la Commission canadienne du blé pour commercialiser leur grain,
obtenant ainsi un prix moyen, ils n'ont qu'à conserver cette
méthode. Cependant, ceux qui ne veulent pas passer par la
Commission et qui souhaitent examiner d'autres solutions de
rechange devraient avoir le choix.
Voilà qui nous amène à parler des mesures que le gouvernement
actuel a prises depuis 1993. Voyons la liste. Le ministre a non
seulement supprimé le tarif du nid-de-Corbeau, mais il a aussi
décidé d'accroître les pressions dans tout le débat sur la
commercialisation du grain et d'instituer un processus de
consultation sur la commercialisation du grain, il y a environ un an
et demi. Les membres libéraux du groupe chargé de ce processus
ont été triés sur le volet. Le président du groupe est un libéral, ami
du ministre de l'Agriculture. Le ministre s'est sûrement dit que ce
gars-là allait faire ce qu'il souhaitait et qu'il allait présenter un
rapport favorable. Je pense que c'était là le plan à l'origine.
Cependant, une fois que les agriculteurs et les associations
agricoles ont commencé à exposer leurs vues au groupe chargé du
processus de consultation, celui-ci a vu clair. Le groupe a reçu
tellement de demandes l'invitant à se rendre dans différentes
régions de notre pays qu'il a finalement accepté d'aller à Edmonton
et à Regina. Il était censé ne tenir des audiences qu'à Winnipeg.
Dans ma circonscription, il y a un groupe dans la région de
Grande-Prairie Peace River qui a déclaré qu'il était insensé que ses
représentants doivent se rendre à Winnipeg afin d'exposer leur
point de vue aux membres du groupe de consultation et qui s'est dit
que ces derniers devraient venir les entendre là où ils pratiquent
l'agriculture. Il y a donc eu un compromis, et le groupe chargé du
processus de consultation s'est rendu à Edmonton. Ce n'est pas ce
qui avait été prévu au départ. Cependant, les producteurs ont exercé
tellement de pressions en ce sens que le groupe s'est rendu à leurs
arguments.
Les membres du groupe chargé du processus de consultation ont
vu clair et ont rédigé, il faut le reconnaître, un rapport digne de foi,
qui fait état du besoin de compromis dans certains domaines et de
consensus dans d'autres. Ils ont ensuité présenté une série de
recommandations. Toutefois, le ministre de l'Agriculture n'a pas
donné suite à ces recommandations. En fait, il a même refusé de
rencontrer les membres du groupe chargé du processus de
consultation pour en discuter. Il a été aussi méprisant parce que le
groupe n'a pas produit le genre de rapport qu'il voulait.
En outre, le groupe avait recommandé que l'orge ne soit pas
commercialisé par la Commission canadienne du blé. Cependant, le
ministre ne pouvait pas l'accepter et il a décidé de tenir son propre
vote là-dessus. Il savait, d'après un sondage qu'il avait commandé à
Angus Reid plus tôt, que les agriculteurs voulaient pouvoir choisir
le mode de commercialisation de leur orge.
Il savait qu'il ne pouvait pas demander aux agriculteurs s'ils
voulaient choisir comment commercialiser leur orge, parce qu'il
serait perdant et qu'il ne voulait pas cela. Par conséquent, il a
formulé une question où les agriculteurs devaient choisir entre tout
ou rien: voulez-vous vendre votre orge, votre malt et vos grains
fourragers par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé
ou préférez-vous que la commission ne s'occupe pas du tout de ces
produits pour vous laisser les commercialiser vous-même sur le
marché libre?
Ce n'est pas là le débat qui fait rage dans le milieu agricole et
lorsque les réponses à cette question auront été comptées et que le
ministre aura obtenu la réponse qu'il voulait, le débat continuera
parce que l'on n'aura pas répondu à la vraie question.
M. Hermanson: C'est une question malhonnête.
M. Penson: Tout à fait. Cela nous amène aux modifications que
le ministre a décidé de proposer à la Loi sur la Commission
canadienne du blé. Que contiennent-elles? Le ministre et le
gouvernement raffermissent leur mainmise au moment même où ils
demandent aux agriculteurs d'accepter de plus grands risques. Cela
n'est tout simplement pas acceptable. Si les députés examinent le
projet de loi, ils verront un nombre incalculable de passages où il
faut «l'approbation du ministre de l'Agriculture et du ministre des
Finances».
(1215)
Ainsi, le paragraphe 18(1), qui est une nouvelle disposition,
exige que les directeurs de la nouvelle commission suivent toutes
les instructions qui leur sont données par le gouverneur en conseil.
Il est évident que la commission n'est plus qu'une marionnette
contrôlée par le ministre de l'Agriculture.
En terminant, je dirai qu'il est essentiel que le comité de
l'agriculture aille dans l'ouest du Canada. Ce serait très instructif
pour ses membres parce que nous sommes devant un projet de loi
mal rédigé qui ne traduit pas la volonté des agriculteurs. J'exhorte le
8253
comité à prendre tout le temps voulu et à aller rencontrer les
agriculteurs pour discuter d'une question très importante pour eux.
M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe,
Lib.): Monsieur le Président, je veux me pencher sur deux points
qui n'ont pas été examinés en détail durant ce débat sur le projet de
loi C-72.
Premièrement, je veux régler, une fois pour toutes, une question
que certains ont soulevée et qui, en fait, n'est absolument pas
fondée. Je veux parler ici de l'idée selon laquelle cette mesure
législative annule ou vise à annuler le libre mouvement
interprovincial qui existe sur le marché intérieur des céréales
fourragères.
Depuis que le gouvernement a adopté un décret à cet égard en
1974, les céréaliculteurs de l'ouest du Canada peuvent vendre
eux-mêmes leur orge fourragère et leur blé fourrager sur le marché
intérieur, dans des régions désignées, sans passer par la
Commission canadienne du blé. Cela ne change pas.
Nous l'avons dit à maintes reprises, notamment dans la politique
annoncée par le ministre de l'Agriculture en octobre 1996 et dans
les documents distribués à tous les agriculteurs en décembre. Le
ministre a fait des remarques à ce sujet à la Chambre, à une réunion
des producteurs agricoles de Wild Rose, en Alberta, le mois dernier,
et dans une déclaration qu'il a faite à Regina le 21 janvier. Des
fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ont
également répété la même chose, soit qu'aucun changement n'était
apporté au marché intérieur des céréales fourragères.
Comme le ministre l'a dit dans sa déclaration du 21 janvier, ceux
qui persistent à soulever ce point se trompent.
M. Hermanson: Savez-vous au moins de quoi vous parlez?
M. Calder: Oui, je le sais. Si vous écoutez, vous allez
comprendre. Cet argument semble fondé sur l'idée selon laquelle en
abrogeant l'alinéa 46b) de la Loi sur la Commission canadienne du
blé, il semblerait que nous abrogeons la disposition législative
autorisant le décret en question, qui permet le libre mouvement
interprovincial des céréales fourragères dans les régions désignées.
Le décret serait donc annulé. Mais ce n'est pas le cas, et je vais
maintenant essayer d'expliquer pourquoi.
Le décret n'a rien à voir avec cet alinéa de la Loi sur la
Commission canadienne du blé. Il n'en est même pas question.
Plusieurs autres dispositions de la loi sont citées. Ainsi, il est
absolument faux de dire que l'abrogation de cet alinéa annule le
décret.
Si les députés ne veulent pas me croire sur parole, ils n'ont qu'à
vérifier dans le DORS 93-486, aux pages 3872 et 3873 de la Gazette
du Canada, Partie II, volume 127, numéro 20.
Même si le décret était fondé sur l'article 46, il demeurerait
valide tant qu'il n'irait pas à l'encontre de la nouvelle loi modifiée.
Comme ce n'est pas le cas, le décret n'est pas menacé.
Je citerai encore une fois le ministre: «Le gouvernement du
Canada n'a pas et n'a jamais eu l'intention de limiter les échanges
sur le marché intérieur du grain fourrager qui a été libéralisé en
1974.»
Ce simple point ressort catégoriquement du libellé même des
questions posées à l'occasion du vote, cet hiver, des producteurs sur
la commercialisation de l'orge. Le maintien du marché intérieur de
grain fourrager est inscrit dans le libellé même de ces questions.
J'espère que cela mettra un terme au débat, mais si ce n'était pas
le cas et qu'un doute raisonnable faisait surface au sujet de cette
question pendant l'étude détaillée du projet de loi C-72 par le
comité permanent, le ministre a déjà donné l'assurance à l'industrie
qu'il serait heureux de recevoir l'avis du comité sur les mesures à
prendre pour rendre les choses encore plus claires.
(1220)
Je voudrais également parler du projet de loi modifiant le Code
canadien du travail déposé en novembre dernier. Les exportations
de grain sont une importante source de devises étrangères pour le
Canada. Les ventes de grain dépendent évidemment de notre
capacité de livrer du grain de grande qualité dans les délais prévus.
Dans la plupart des cas nous avons respecté ces délais, mais il y
eu des arrêts de travail dans les ports de la côte ouest qui ont entravé
les exportations. Depuis 1972, par exemple, douze arrêts de travail
ont ralenti les exportations de grain, bien que la manutention du
grain ait été la cause de l'arrêt dans seulement trois de ces cas. Les
neuf autres interruptions avaient été causés par des arrêts de travail
des débardeurs.
En novembre dernier, le ministre du Travail a présenté à la
Chambre un projet de loi visant à moderniser le Code canadien du
travail, notamment la partie portant sur les relations de travail, afin
de préciser les droits et les obligations des parties au cours d'un
arrêt de travail. Ces modifications sont à l'avantage du secteur de
l'agriculture et de l'agroalimentaire, parce qu'elles assurent le
transport continu du grain vers les marchés et réduisent les coûts
que subissent les agriculteurs lors des arrêts de travail.
Tous les ports canadiens où l'on fait du débardage et d'autres
activités, comme le remorquage et l'ancrage, devraient maintenir
les services aux navires céréaliers s'ils étaient aux prises avec un
arrêt de travail. Les manutentionnaires céréaliers et leurs
employeurs conservent le droit de grève et de lock-out. Je suis
heureux de voir que cette mesure contribuera à garantir aux
agriculteurs l'acheminement du grain vers les marchés, en cas
d'arrêts de travail dans les ports canadiens.
Le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire est l'un des
plus importants de l'économie canadienne. Si nous continuons à
travailler en coopération avec ce secteur pour en améliorer le
fonctionnement, je suis sûr qu'il favorisera la croissance, la riches-
8254
se, le commerce, la création d'emplois et l'innovation pour tous les
Canadiens. On ne peut nier que nous vivons à une époque de
changements sans précédents. Les changements sont plus rapides
que jamais auparavant. C'est un peu à cause de la mondialisation
créée par la nouvelle réglementation commerciale internationale et
les nouvelles possibilités d'échanges internationaux.
Depuis 61 ans, la Commission canadienne du blé est l'une des
pierres angulaires du succès de notre industrie agricole. Avec les
changements que nous avons adoptés pour bâtir sur ce succès, la
commission est dotée d'un mode de gestion plus moderne, elle sera
tenue de rendre des comptes aux agriculteurs et aura des règles plus
souples qui lui permettront de mieux répondre aux besoins. Ainsi,
les agriculteurs auront plus d'influence sur leur système de
commercialisation et plus de pouvoirs pour relever les défis très
réels qui se présenteront et les possibilités qui s'offriront.
Les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé,
dont nous discutons actuellement, et les modifications au Code
canadien du travail pour améliorer les conditions du transport du
grain dans les ports de la côte ouest, aideront le Canada à bien
commencer le prochain millénaire.
M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.):
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui
au débat sur ce projet de loi.
Contrairement à mes collègues très bien informés de Végréville,
Kindersley-Lloydminster, Yorkton-Melville, Peace River et
Lisgar-Marquette, je ne suis nullement expert dans le
fonctionnement et l'histoire de la Commission canadienne du blé.
Cependant, je suis capable de lire un projet de loi et je n'aime pas ce
que je sens dans celui-ci. Il y a dans ce projet de loi quelque chose
qui pue, et je parlerai essentiellement de deux dispositions.
Le ministre essaie de dissimuler quelque chose et de devancer les
problèmes lorsqu'il dit au paragraphe 3.93(3) que ne contrevient
pas aux obligations que lui imposent les paragraphes (1) ou (2) le
dirigeant, l'administrateur ou l'employé qui s'appuie de bonne foi
sur les états financiers, le fonctionnement de la Commission
canadienne du blé et les rapports des avocats, des notaires, des
comptables, des ingénieurs ou des estimateurs, autrement dit de
sources qui pourraient révéler la vraie nature de la Commission.
(1225)
De quelles révélations le ministre de l'Agriculture a-t-il peur?
Que redoute tant le ministre libéral de l'Agriculture pour prendre la
peine d'insérer une disposition comme celle-ci afin de protéger les
employés de la Commission canadienne du blé? Qu'est-ce qu'il y a
là-dessous? Que sait le ministre que les agriculteurs et les
Canadiens ignorent? Quelque chose se passe-t-il à la Commission?
Est-ce une affaire de mauvaise gestion? De corruption? D'activités
criminelles? On peut le présumer quand on voit les clauses qui ont
été insérées dans ce projet de loi. À quoi s'attend le ministre?
L'article 3.94 sent aussi très mauvais: «La Commission
indemnise ceux de ses dirigeants, administrateurs et employés ou
leurs prédécesseurs, ou les personnes qui, à sa demande, agissent ou
ont agi en cette qualité, ainsi que leurs héritiers»-ils n'ont oublié
personnes-«et mandataires, de tous les frais et dépens, y compris
les sommes versées pour transiger ou pour exécuter un
jugement»-ça semble un peu bizarre-«engagés par eux lors de
procédures civiles, pénales ou administratives auxquelles ils étaient
parties en cette qualité».
À quel genre d'action le ministre s'attend-il qui pourrait justifier
une telle disposition assurant une protection aussi généreuse aux
dirigeants, administrateurs et employés de la Commission
canadienne du blé? Il est question d'accusations au criminel et
d'actions au civil.
On ne peut que soupçonner que les gens qui sont en train
d'étudier de près le fonctionnement de la Commission canadienne
du blé ont découvert quelque chose. Est-ce le cas?
Nous venons d'entendre le député libéral chanter les louanges de
la commission. Si elle est si bonne que ça et si elle sert si bien les
agriculteurs canadiens, j'aimerais poser une question au député, ce
que je ne peux pas faire bien sûr. Peut-être qu'un jour j'aurai une
réponse. Si la commission fonctionne si bien, pourquoi ne pas lui
confier la responsabilité du maïs ontarien, par exemple? Le maïs
sert à nourrir les hommes et les animaux, comme l'orge. Alors
pourquoi ne relève-t-il pas de la Commission canadienne du blé? On
se demande où s'en va la commission.
Mais revenons au sujet de la protection générale que le ministre
de l'Agriculture accorde, aux termes de ce projet de loi, à tous les
dirigeants, administrateurs et employés ayant jamais travaillé pour
la commission. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il y a quelque chose
de louche dans ce projet de loi. Est-ce parce que le ministre de
l'Agriculture craint que l'on découvre quelque chose de louche à la
Commission canadienne du blé? Est-ce pour cela qu'il a essayé de
lui donner une telle immunité et une telle protection dans le projet
de loi?
M. Hermanson: Il y a certainement un encouragement à la
malhonnêteté.
M. Harris: Comme le disait le député de
Kindersley-Lloydminster, quelle magnifique police d'assurance
pour quelqu'un qui a l'intention de commettre quelque acte
criminel ou frauduleux, ou de faire de la mauvaise gestion dans un
domaine où il est en position de confiance. C'est vraiment une
magnifique assurance que de savoir que l'on peut faire ces choses et
ne pas en subir les conséquences. Je suis surpris que le ministre de la
Justice, vu certaines des choses qu'il a présentées à la Chambre,
n'ait pas pondu quelque chose comme cela pour tous les escrocs du
Canada. Quelle belle assurance! Si on travaille pour la Commission
canadienne du blé, on peut faire n'importe quoi en toute impunité,
sans risque de poursuites, sans crainte d'avoir à en faire les frais.
Nous devrions peut-être en parler au ministre de la Justice. Il
pourrait le mettre dans le Code criminel. Il a d'ailleurs déjà mis pas
mal d'autres choses stupides dans le Code criminel.
8255
(1230)
Soyons justes avec les Canadiens. Si l'on peut donner l'immunité
aux employés, aux dirigeants et aux membres du conseil
d'administration de la Commission canadienne du blé, leur donner
ce genre de protection s'ils désiraient se livrer à des activités
douteuses, pourquoi ne pas être juste et ne pas traiter tous les
Canadiens de la même façon, même les escrocs?
Comme je l'ai dit en commençant mon discours, il y a quelque
chose qui ne sent pas bon dans ce projet de loi. Ces deux articles ne
sont rien d'autre qu'une police d'assurance destinée à protéger ceux
qui pourraient avoir des activités douteuses à l'esprit. Rien que pour
ces deux articles, le gouvernement devrait prendre son projet de loi
et se le mettre où je pense.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle
prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre
d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont
en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui sont
contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les oui
l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.
Après l'appel du timbre:
Le président suppléant (M. Milliken): À la demande du whip
adjoint du gouvernement, le vote par appel nominal sur la motion
est reporté à demain, à la fin de la période des initiatives
ministérielles.
* * *
L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles
Le 12 décembre 1996-Le ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent des affaires autochtones
et du développement du Grand Nord du projet de loi C-79, Loi permettant la
modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux
bandes qui en font le choix.
L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord
canadien, Lib.) propose:
Que le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de
certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix, soit
renvoyé immédiatement au Comité permanent des affaires autochtones et du
développement du Grand Nord.
-Monsieur le Président, j'aimerais d'abord remercier mes
honorables collègues d'envisager le renvoi de cette importante loi
au comité pour qu'il en fasse une étude plus approfondie avant la
deuxième lecture.
Dès le début, ce gouvernement a cherché à établir, avec les
premières nations, une relation fondée sur la pierre angulaire de
l'autonomie gouvernementale. Nous avons fait des progrès
remarquables vers l'atteinte de cet objectif et nous sommes
impatients de voir le droit inhérent des peuples autochtones à
l'autonomie gouvernementale pleinement mis en oeuvre partout au
Canada.
Pendant que nous nous employons à atteindre cet objectif, nous
devons aussi éliminer les obstacles au développement social,
économique et politique des premières nations. Certaines
dispositions de la Loi sur les Indiens constituent de tels obstacles.
(1235)
À mesure que les négociations arriveront à terme, menant ainsi à
la ratification d'ententes-et nous participons actuellement à
environ 80 négociations d'autonomie gouvernementale à l'échelle
du pays-la Loi sur les Indiens s'appliquera de moins en moins à
l'ensemble des Premières nations, et aucunement à celles qui auront
conclu des ententes d'autonomie gouvernementale. Cependant,
l'autonomie gouvernementale ne se réalisera pas du jour au
lendemain et, jusqu'à ce que ces négociations prennent fin et que
toutes les premières nations se gouvernent elles-mêmes de nouveau,
la Loi sur les Indiens demeurera en vigueur.
Depuis de nombreuses années, la Loi sur les Indiens occupe une
place unique dans l'esprit et dans la vie des premières nations. Elle
est perçue à la fois comme nécessaire et indésirable, protectrice et
offensante, rempart et prison.
Dans la section de son rapport consacrée à la Loi sur les Indiens la
Commission royale sur les peuples autochtones cite Harold
Cardinal, dirigeant cri, qui résume de façon éloquente les
sentiments ambivalents de plusieurs premières nations à l'égard de
la Loi. Monsieur Cardinal déclare: «Aucune société qui oserait se
prétendre juste ne pourrait longtemps tolérer une telle loi, mais nous
préférerions continuer à vivre dans l'asservissement, soumis à
l'inéquitable Loi sur les Indiens, que de renoncer à nos droits
sacrés.»
C'est là le dilemme. Jusqu'ici, se libérer des contraintes de cette
loi pouvait aussi signifier, pour les premières nations, se soustraire à
sa protection et à la reconnaissance que celles-ci occupent une
position juridique unique au Canada, qui comporte une relation
particulière avec le gouvernement fédéral. Il n'est guère étonnant
qu'on se soit montré très réticent à s'écarter du statu quo.
8256
Cependant, le statu quo ne pouvait ni ne devait être maintenu. La
situation devait changer. Il fallait adopter une approche différente.
Voilà pourquoi nous avons déposé la Loi sur la modification
facultative de l'application de la Loi sur les Indiens. Ce projet de loi
s'éloigne légèrement de la Loi sur les Indiens, mais il ne prive pas
les premières nations des droits que leur confère la loi, et il ne délie
pas le gouvernement fédéral de ses obligations envers les premières
nations. Toutefois, pour qu'il n'y ait aucune confusion ni aucun
malentendu, nous avons inclus un article de non-dérogation dans ce
projet de loi-pour indiquer clairement qu'aucune de ses
dispositions n'abroge les droits actuellement protégés par l'article
35 de la Constitution, ou n'y porte atteinte. Cela s'applique aussi au
droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous reconnaissons aussi que certaines premières nations ne
voudront pas nécessairement adhérer aux dispositions de la
nouvelle loi. Les premières nations voudront étudier cette dernière
et en comprendre les incidences. Voilà pourquoi cette loi est
entièrement facultative. Ceux qui choisiront de s'y conformer
pourront appliquer les dispositions de cette loi à la conduite de leurs
affaires locales et à leur gestion courante. L'actuelle Loi sur les
Indiens continuera à s'appliquer aux premières nations qui
choisiront de ne pas observer la nouvelle loi, ainsi qu'à toutes les
premières nations pour ce qui a trait aux domaines où le texte de loi
proposé ne se prononce pas.
Pourquoi, proposons-nous cette alternative à la Loi sur les
Indiens? Pourquoi proposons-nous la première modification
majeure à la Loi sur les Indiens en 45 ans? La réponse est simple:
l'équité l'impose, la justice l'exige et les circonstances le
réclament.
Nous n'avons pas le choix. La loi sur les Indiens est le reflet
d'une époque révolue. Une époque où les premières nations étaient
traitées comme les pupilles de l'État, une époque où les
gouvernements non autochtones ne croyaient pas que les premières
nations puissent diriger leurs propres affaires et gérer leur propre
vie. C'était une époque où le «grand frère» à Ottawa s'était octroyé
le pouvoir d'envahir et de réglementer les aspects les plus banals de
la vie des premières nations. C'était une époque où les croyances
religieuses et culturelles des autochtones étaient réprimées et où
leurs revendications en matière de justice et de droits fonciers se
voyaient opposer une fin de non-recevoir.
Mais aujourd'hui, nous vivons à une époque bien différente.
Est-il pensable qu'aujourd'hui, en ma qualité de ministre, j'aie le
pouvoir d'exploiter des fermes sur les terres des premières nations,
d'acheter et de distribuer les semences et de décider de la façon de
dépenser les recettes de l'exploitation? La Loi sur les Indiens
m'octroie le pouvoir de faire tout cela sans l'assentiment des
premières nations et sans préavis. La Loi sur les Indiens m'attribue
le pouvoir de disposer des herbes sauvages ainsi que du bois mort ou
tombé sur les terres des premières nations sans leur autorisation.
Dans les Prairies, les fermiers des Premières nations ne peuvent
même pas vendre légalement leur blé ou leurs autres produits
agricoles sans mon consentement.
(1240)
C'est absolument ridicule et inacceptable. Ce n'est pas ainsi que
les Premières nations en arriveront à l'autosuffisance. Ce n'est pas
ainsi qu'un esprit d'autonomie économique peut s'épanouir. Ce
n'est pas ainsi que nous pourrons entretenir des relations plus
harmonieuses avec les premières nations de notre pays.
Il est tout simplement nécessaire d'offrir une autre option. Il faut
que le gouvernement se retire des domaines qui devraient relever de
la compétence exclusive des premières nations. Il faut surmonter
ces obstacles pour permettre aux premières nations de créer leurs
propres systèmes économiques et de construire leur avenir comme
elles l'entendent. Il y a longtemps qu'on aurait dû agir en ce sens.
Aucun gouvernement ne devrait introduire de tels changements
s'appliquant à un groupe particulier de la société sans le consulter et
lui donner toutes les chances de s'exprimer. Nous avons donc
consulté les intéressés de façon très exhaustive, et nous proposons
de poursuivre ces consultations dans le cadre de l'étude en comité.
Voilà pourquoi nous voulons rendre cette loi facultative.
Ce que nous proposons n'a rien de radical. Les modifications
facultatives sont d'ordre mineur, mais, dans leur ensemble, elles
augmenteront notablement les pouvoirs des premières nations et
réduiront ceux du ministre et du ministère des Affaires indiennes et
du Nord canadien.
Cette approche est progressive et vise à agir dans les secteurs où
se dessine un soutien valable et à mener des consultations dans ceux
qui ne jouissent pas de ce soutien. C'est la meilleure façon de
procéder et c'est pourquoi nous agissons ainsi. Voilà précisément la
raison pour laquelle les premières nations et les gouvernements
s'entendent pour continuer les discussions et le dialogue.
Il convient de renvoyer ce projet de loi au Comité permanent des
affaires autochtones et du développement du Grand Nord avant de
procéder à la deuxième lecture. Ce renvoi au comité a aussi de
l'importance parce que nous sommes disposés, le cas échéant, à
apporter d'autres changements au projet de loi C-79. Si nous
suivons le cheminement parlementaire régulier et si nous renvoyons
le projet de loi au comité seulement après la deuxième lecture, le
comité aura l'impression qu'il doit restreindre la portée de ses
amendements. Il importe de ne pas créer une telle impression.
Nous croyons que des discussions publiques franches doivent
avoir lieu. Nous souhaitons que le comité ait toute liberté pour
mener les consultations les plus exhaustives possible et qu'il jouisse
d'une discrétion maximale pour donner suite aux propositions qu'il
pourra recevoir. Si l'on renvoie ce projet de loi au comité à ce
moment-ci, celui-ci aura l'occasion de tenir des audiences
approfondies et de considérer l'opportunité d'ajouter ou de
supprimer certaines dispositions.
Il pourrait bien s'avérer opportun, à l'heure qu'il est, que cette
Chambre songe à établir un mécanisme plus officiel, par exemple,
que le Comité permanent procède à un examen annuel de la Loi sur
les Indiens. Ce processus pourrait permettre aux premières nations
de faire valoir leurs préoccupations en ce qui concerne des aspects
particuliers de la loi. Dans l'intervalle, nous continuerons à
concentrer notre énergie sur la mise en oeuvre du droit inhérent à
l'autonomie gouvernementale, sur le règlement des revendications
territoriales et sur l'amélioration des conditions
socio-économiques.
La Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi
sur les Indiens donne des pouvoirs accrus aux premières nations et
facilite l'exécution de plusieurs tâches. Elle ne représente pas le
terme de notre démarche, mais un moyen d'atteindre nos objectifs.
J'occupe mon poste depuis trois ans. Je croyais que la vallée de
larmes dans laquelle marchent les autochtones depuis des centaines
d'années n'était que cela, une vallée. Ce n'est pas une vallée. En
revenant, ils pensaient que c'était une vallée, mais c'est un mur. Je
8257
vois pratiquement les dirigeants autochtones dans tout le pays
s'armer de piques pour tenter d'escalader ce mur. Nous devons
briser ce mur, peu m'importe si les Nations Unies ont dit pendant
trois années consécutives que le Canada était le meilleur pays où
vivre. Tant que nous n'aurons pas brisé ce mur, tant que nous ne
pourrons pas ramener les autochtones au point où ils se trouvaient
au moment de la première rencontre avec eux, nous ne mériterons
pas cet honneur. Briser ce mur nous permettra de leur assurer un
avenir meilleur et plus équitable dont nous pourrons tous être fiers
en tant que Canadiens.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président,
d'entrée de jeu, je dirais que les paroles du ministre sont un peu
incohérentes avec le plan d'action qu'il développe, mais j'en
parlerai un peu plus tard.
Le fait de dire aujourd'hui qu'on va modifier la Loi sur les
Indiens par ce projet de loi, alors que depuis trois ans, on dit vouloir
s'en débarrasser, dire aujourd'hui qu'on a fait une consultation très
large, alors que 550 communautés autochtones sur 600 au Canada
s'y opposent, je trouve que c'est un écran de fumée.
(1245)
Je le dis au départ, le Bloc québécois votera contre ce projet de loi
et le Bloc québécois est également contre la procédure accélérée.
On ne fait pas cela parce parce qu'on veut donner plus de chance au
comité pour présenter des amendements, c'est parce qu'on veut se
dépêcher d'adopter ce projet de loi.
Je trouve bizarre également que ce projet de loi soit à l'étude
devant la Chambre la journée même où le Budget sera présenté.
Tout le cirque qui se prépare à l'extérieur de la Chambre, tout le
monde se concentre sur la présentation du Budget et non pas sur ce
projet de loi comme tel. Pour ma part, je considère que c'est un
écran de fumée que fait le ministre. Cela s'inscrit aussi dans le
courant historique. Avant de savoir où on va, il faut expliquer où on
en est rendus, il faut expliquer l'histoire.
Avant le contact avec les Européens, les grandes capitales aux
XIVe et XVe siècles ont commencé à rayonner internationalement:
Londres, Paris, etc. Ces gens n'avaient pas connaissance que sur un
autre continent, il y avait aussi des peuples appelés les peuples
autochtones d'Amérique, que ces gens rayonnaient dans toute
l'Amérique. Il n'y avait aucun problème, parce que peut-être que les
deux continents, finalement, ne se connaissaient pas.
Là où les problèmes ont commencé, c'est lors du contact. Je
parle, entre autres, du XVIe au XIXe siècle. Au départ, quand on
rencontre une nouvelle civilisation, on est un peu curieux, il y a
aussi une espèce d'appréhension mutuelle. On ne sait pas ce que
l'autre veut, ce que ces gens viennent faire. Il y a un temps
d'adaptation. Cela commence par des petits échanges
commerciaux, des échanges de cadeaux. C'est un peu ce qui se
passe aujourd'hui en diplomatie. Alors, c'était ainsi à l'époque.
Tout cela a avancé, et finalement, il y a eu un large éventail
d'échanges commerciaux, d'échanges militaires et de coalitions
militaires avec les Premières Nations au contact des Européens. On
est alors entrés dans toute la période des traités.
Naturellement, il y avait, d'un côté, les Européens dotés de
l'autorité du roi, qui arrivaient avec leur sceau pour marquer les
traités, alors que du côté des autochtones, la philosophie était
différente.
D'ailleurs, j'ai un passage qui explique un peu le wampum. Il
m'apparaît important de le citer, car on entend souvent parler du
wampum. La philosophie autochtone y est très bien décrite. Ce
n'était pas un sceau royal, pour eux, c'était des échanges de
wampum:
Un fond de wampum blanc symbolise la pureté de l'entente. Deux rangs de
pourpre représentent l'esprit de nos ancêtres respectifs.
Ils ne respectaient pas seulement leurs propres ancêtres, ils
respectaient même les ancêtres de l'autre partie.
Trois perles de wampum séparent les deux rangs; elles symbolisent la paix,
l'amitié et le respect. Les deux rangs représentent deux voies parallèles, deux
embarcations naviguant ensemble sur le même cours d'eau. L'une, un canot d'écorce
de bouleau, représente les Indiens, leurs lois, leurs coutumes et leurs traditions,
tandis que l'autre, un navire, désigne les Blancs, leurs lois, leurs coutumes et leurs
traditions. Nous voyageons ensemble, côte à côte, mais chacun dans son embarcation
sans que ni l'un ni l'autre n'essaie de diriger l'embarcation de son voisin.
C'était cela la philosophie autochtone. C'est bien loin de la
philosophie des Européens qui, déjà, voyaient pour eux un
terra
nullius, une terre qui était à être conquise. Ces traités ont été signés
de bonne foi par les autochtones, peut-être pas marqués d'un sceau
royal, mais pour eux, la tradition qu'il y avait à l'époque du
wampum, c'est ainsi qu'ils l'exprimaient.
Est venue la proclamation royale par la suite, et encore une fois,
le ton paternaliste que le ministre emploie était très présent à
l'époque.
Je vous lis un extrait de la proclamation royale: «Et comme il est
juste, raisonnable et essentiel à nos intérêts-les intérêts de la
Couronne-et à la sûreté de nos colonies-les colonies de la
Couronne-que les différentes nations de sauvages-parce que
c'est comme ça qu'on les appelait à l'époque-avec lesquelles nous
avons quelques relations et qui vivent sous notre protection, ne
soient ni inquiétées et ni troublées dans la possession de telles
parties de nos domaines et territoires comme ne nous ayant pas été
cédés, ni achetés par nous, leur sont réservés, ou à aucun d'eux,
comme leur pays de chasse. . .» et cela se poursuit.
On voit un peu le ton. Mais ce qui est important, c'est qu'à
l'époque, les autochtones considéraient que c'était de nation à
nation que le roi s'exprimait là-dessus, même si dans les faits, il y
avait un ton certainement paternaliste.
Lorsqu'on parle de protection, c'est là-dessus que va se
développer la subtilité et la machine à assimilation du
gouvernement fédéral à l'égard des autochtones.
8258
(1250)
Au XIXe siècle, la quasi-égalité a commencé à se dégrader. Il y a
eu la fameuse politique d'immigration où les gens arrivaient des
nouveaux continents à pleins bateaux. Finalement, en 1812, on s'est
ramassé avec dix fois plus de nouveaux arrivants que
d'autochtones, parce qu'ils avaient été décimés par les maladies.
Et le commerce de la fourrure se mourait. Alors, les colonies, le
Dominion, n'avaient plus besoin de la main-d'oeuvre autochtone
pour aller ramasser des fourrures afin de faire des échanges
commerciaux. Cela a commencé à changer. Les nouveaux domaines
d'économie étaient la forêt, le bois, l'agriculture et les minéraux.
Et là, les autochtones ont été saisis comme des gens qu'il fallait
éloigner. C'est là qu'avec cette nouvelle économie, les Indiens sont
devenus un obstacle pour le gouvernement fédéral et, à mon point
de vue, aujourd'hui encore, avec certaines choses qu'on fait là,
teintées de paternalisme, ce qui est presque héréditaire du côté
gouvernemental, on se rend compte que c'est à peu près la même
chose. L'idéologie de la supériorité des Européens s'est développée.
Le ministre est en train de nous dire qu'il modifie la Loi des
Indiens envers et contre tous. Pourquoi, si ce n'est pas qu'il a un
pouvoir actuellement, qu'il l'exerce à plein et qu'il est en train de
décider de l'avenir des Indiens du Canada? Cela représente quelque
500 000 personnes au Canada. Il dit: «J'ai le pouvoir. Je sais que
vous êtes contre, mais je ferai ce qui est bon pour vous.» Il n'y a pas
beaucoup de changements entre cette période et aujourd'hui.
La subtilité, à l'époque, était la fameuse protection de la
Proclamation royale qui, pour le gouvernement, pour le Dominion,
s'est changée en domination-assimilation. Et là, la machine à
assimilation s'est mise en branle.
En 1849, il y a eu une tache odieuse au gouvernement, à des
institutions démocratiques: les pensionnats. On a commencé à
prendre les enfants des tribus autochtones et à les amener dans des
pensionnats pour briser leur culture, leur langue et faire en sorte
qu'on puisse les assimiler aux immigrants, en nombre dix fois plus
grand. Alors, dix fois plus nombreux que les autochtones étaient les
Blancs à cette époque.
En 1867, une date reconnue, chantée de toutes les louanges du
Parti libéral et de tous les partis fédéralistes: la Constitution du
Canada, signée par les Pères de la Confédération, mais sans la
présence des autochtones. Même que le premier ministre
nouvellement élu de l'époque disait qu'il voulait en finir avec le
système tribal et assimiler totalement les Indiens au Dominion.
On voit un peu ce qui poussait le gouvernement de l'époque à
faire en sorte qu'il fallait briser l'aspect gouvernemental des
autochtones. C'est là que la Loi sur les Indiens, tout à fait cohérente
avec le pacte confédératif, venait régenter l'ensemble de la vie des
autochtones. Non seulement on plaçait les enfants dans les
pensionnats mais, en plus, on disait: «Vos gouvernements ne
fonctionneront plus comme ça, vous allez les élire de la façon qu'on
vous dira. On vous chassera de vos terres à certains moments, et s'il
manque de gibier à un endroit, on vous enverra ailleurs. C'est nous
qui décidons.» De plus, s'il y avait des minéraux importants à un
endroit, le gouvernement disait: «Il n'y a plus de gibier à cet endroit,
on va vous envoyer ailleurs», profitant justement de ce
déménagement pour faire de l'argent.
Cela s'est poursuivi de cette façon. C'étaient des déplacements
qu'on appelait, à l'époque, «dans l'intérêt national».
En 1969, l'actuel premier ministre, ministre des Affaires
indiennes de l'époque, a présenté son Livre blanc. C'était la même
chose: la machine à assimilation était en route. Il disait: «Il faut
abolir la Loi sur les Indiens.» On entend les mêmes paroles de la
bouche du ministre aujourd'hui. C'était l'égalité qu'on voulait
prôner. Encore une fois, il y a eu une levée de boucliers chez les
autochtones.
Finalement, les autochtones se sont pris en main. Il y a eu un
mouvement international, et se servant de l'aspect juridique, les
autochtones se sont mis à dire: «Il y a des gens ailleurs sur la planète
qui sont victimes comme nous» et, finalement, la Cour suprême et
les cours supérieures de chacune des provinces ont toujours rendu
des sentences favorables aux autochtones, ce qui a fait en sorte
qu'en 1982, on a été obligé d'ajouter dans la Constitution
canadienne l'article 35 qui protège leurs droits ancestraux.
Donc, le ministre s'inscrit dans cette tradition. Il n'a pas respecté
le livre rouge. D'ailleurs, David Nahwegahbow et Russell Diabo,
qui ont eux-mêmes rédigé le livre, ont dit: «Ils ont renié leurs
promesses, donc on se retire de là.»
Il y a eu des consultations bidon, je l'ai dit. De plus, 550
communautés autochtones ne veulent pas de ce projet de loi, et le
ministre fonce quand même, affronte les partis d'opposition,
l'opposition officielle et le Parti réformiste, s'inscrit à l'encontre de
la philosophie du rapport Erasmus-Dussault.
Alors, l'histoire jugera le ministre. Il n'est pas trop tard pour lui.
Qu'il retire son projet de loi et peut-être que l'histoire se souviendra
de lui en tant que quelqu'un de progressiste, mais, en attendant, s'il
poursuit cette démarche, il sera jugé comme faisant partie de la
machine à assimilation, comme les autres.
(1255)
[Traduction]
M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le
Président, je suis une fois de plus heureux de me prononcer sur le
projet de loi C-79.
J'ai assisté à la conférence de presse où le ministre a présenté
cette mesure législative. Je n'ai pas été impressionné à ce
moment-là et, à présent que j'ai eu l'occasion d'étudier le projet de
loi, je ne le suis pas davantage.
J'ai écouté avec intérêt la conclusion du ministre. Il a parlé de la
nécessité de détruire le mur. S'il existe un mur, c'est bien la Loi sur
les Indiens. Et la seule façon de le détruire, c'est d'abroger la loi.
8259
Néanmoins, je ne crois pas que ce soit une bonne analogie. Il
s'agit plutôt d'un gouffre. C'est un gouffre où on a poussé les
autochtones et dont ils n'arrivent pas à sortir. Maintenant, nous
creusons un deuxième gouffre et nous leur donnons le choix entre
deux gouffres, en introduisant le projet de loi C-97.
À l'issue de la conférence de presse du ministre, Ovide Mercredi,
le chef de l'Assemblée des Premières Nations, a pris la parole au
nom des 500 bandes indiennes qui s'opposent à cette mesure
législative. Il a déclaré ceci: «Nous n'aimons pas la Loi sur les
Indiensno 1, pourquoi aimerions-nous la Loi sur les Indiens no 2?» Il faisait
allusion à ce projet de loi. Il a comparé la Loi sur les Indiens à une
cage en disant: «Pourquoi devrions-nous être heureux quand le
gouvernement nous présente la nouvelle cage qu'il a fabriquée
exprès pour nous?»
Le ministre des Affaires indiennes a promis de modifier la Loi
sur les Indiens. Le projet de loi C-79 ne modifie aucunement la Loi
sur les Indiens. Il s'agit d'une mesure législative qui autorise les
bandes indiennes à se soustraire à l'actuelle Loi sur les Indiens pour
s'engouffrer dans une nouvelle.
Plus précisément, aux termes du projet de loi C-79, la vente de
produits agricoles ou d'artefacts n'est plus subordonnée à
l'autorisation du ministre. La mesure ne dit pas clairement si les
conseils de bande peuvent passer outre à la Commission canadienne
du blé, qui a d'ailleurs été l'objet du débat un peu plus tôt ce matin.
Il faut se demander s'ils seraient tenus de se soumettre aux
règlements de la commission.
Les conseils de bande se voient accorder de nouveaux pouvoirs
de réglementation. Les amendes infligées en cas de violation de la
Loi sur les Indiens, des règlements pris sous son régime ou des
règlements administratifs seront directement versées aux conseils
de bande. Le montant des amendes maximales est fixé à 5 000 $.
Personne n'a à rendre compte de ces recettes et elles ne modifient
nullement le montant en argent des contribuables qui est versé à la
collectivité. Encore là, il nous faut une explication. Nous voulons
comprendre.
Le projet de loi C-79 autorise aussi les bandes à mettre sur pied
un système de paiement volontaire, afin de faciliter le contrôle
d'application des règlements administratifs.
Toujours aux termes du projet de loi C-79, le ministre, et non le
gouverneur en conseil, est investi du pouvoir d'annuler une
élection. Le mandat du chef et des conseillers passe de deux à trois
ans. Cette disposition ne réjouira pas de nombreux autochtones qui
vivent sous la gouverne de conseils de bande non démocratiques.
Le ministre est investi du pouvoir de conclure des ententes avec
les conseils de bande en matière d'éducation. Il semble que ce soit
déjà le cas. Le ministre ne fait-il qu'inscrire dans la loi, ou légitimer,
ce qui se produit aujourd'hui?
En vertu du projet de loi C-79, le ministre n'exerce plus aucun
pouvoir à l'égard de la construction et de la remise en état des
routes. Toutefois, le projet de loi ne dit pas qui sera responsable de
la sécurité publique sur les routes et les ponts qui relèvent des
bandes. Bien des questions restent sans réponse.
La mesure confère aux conseils de bande la gestion des
ressources naturelles sur les territoires qui leur appartiennent.
Cependant, on ne tient toujours pas compte des revenus découlant
de l'exploitation de ces ressources. Et ces revenus ne contribueront
pas à réduire le montant des subventions et autres contributions
émanant du gouvernement fédéral. Le rapport fondamental entre la
Couronne et les peuples autochtones n'a pas changé.
Le projet de loi C-79 comporte un article de non-dérogation. Les
droits issus de traités des peuples autochtones demeurent protégés
en vertu de l'article 35 de la Constitution. Rien dans le projet de loi
C-79 ne touche la fiscalité, l'inscription à titre d'Indien ou de
membre d'une bande ou la protection des terres de réserve. Le
projet de loi C-79 est comme son cousin, le projet de loi C-75.
Le projet de loi sur la gestion des terres des premières nations,
présenté le 10 décembre 1996, crée deux catégories de bande et
prévoit un statut spécial pour celles qui choisissent de se prévaloir
des dispositions du projet de loi C-79.
Le projet de loi C-79 ne répond cependant pas aux critères stricts
de notre parti en matière d'égalité, de responsabilité financière ou
de responsabilité démocratique au niveau de la bande. Ce sont les
trois critères selon lesquels nous apprécions les mesures
législatives.
Le projet de loi C-79 est le premier projet de loi présenté par le
ministre qui ne soit pas une initiative du gouvernement
conservateur précédent. La mesure à l'étude ne tient cependant pas
la promesse du ministre de modifier la Loi sur les Indiens. Il s'agit
d'une mesure indépendante, qui ne modifie pas la loi actuelle sur les
Indiens.
(1300)
Le ministre s'est dépêché de présenter le projet de loi C-79 pour
remplir une promesse et répondre à la Commission royale
d'enquête sur les peuples autochtones. L'examen qu'en ont fait les
fonctionnaires de la Justice est suspect, car on y a apporté des
modifications jusqu'à la veille de son dépôt à la Chambre.
L'Assemblée des Premières Nations soutient qu'une centaine
seulement des 600 premières nations appuient le projet de loi C-79.
Il n'assure pas l'égalité démocratique et il suscite de vives
inquiétudes à propos des pouvoirs accordés aux chefs et aux
membres des conseils de bande.
Le projet de loi C-79 n'assure pas non plus la responsabilité
financière et réduit le pouvoir d'examen du ministre. Le vérificateur
général n'est toujours pas autorisé à examiner les livres des bandes,
tout comme il n'est pas autorisé à le faire dans le cas de la
Commission canadienne du blé.
La constitutionnalité du projet de loi C-79 sera probablement
contestée en raison de l'option offerte. Cela créera un cauchemar
bureautique où les avocats et les consultants s'en donneront à coeur
joie. Cette situation nous préoccupe grandement.
Dans cette mesure législative, tout comme dans le projet de loi
C-75, le ministre se désengage de ses responsabilités et s'en lave les
mains, au lieu de s'attaquer aux dispositions de la Loi sur les indiens
qui ont besoin d'être modifiées ou abrogées.
Les Canadiens, tant les autochtones que les non-autochtones,
avaient besoin de leadership et d'un projet d'avenir. Ils n'ont rien
obtenu de tout cela. Pourquoi le ministre craint-il de prôner
l'égalité? Voici quelques-unes des mesures cruciales que nous
devons prendre pour aspirer à l'égalité. Par égalité, je n'entends pas
assimilation.
8260
La Loi sur les Indiens doit être abrogée et remplacée par une
mesure législative qui tendra davantage vers la véritable égalité.
Nous devrions peut-être l'appeler la Loi sur l'égalité des indiens. Il
faut nous entendre sur une définition de l'autonomie
gouvernementale. Nous n'y sommes encore jamais parvenus.
La majorité des Canadiens, y compris la population autochtone,
appuieront l'autonomie gouvernementale des autochtones en autant
que le gouvernement fédéral entretienne avec les réserves indiennes
le même genre de relations qu'il a avec les provinces et les
municipalités. La plupart des autochtones du Canada-ils sont à
peu près 500 000-vivent déjà dans des municipalités régies par les
provinces. Le gouvernement fédéral est toujours responsable
d'environ 350 000 Indiens visés par un traité qui vivent
actuellement au Canada, dans des réserves ou sur des terres
publiques.
Les Indiens visés par un traité devraient jouir des mêmes droits et
des mêmes libertés que les dizaines de millions d'habitants des
municipalités du Canada et assumer les mêmes obligations et
responsabilités.
Pour que l'autonomie gouvernementale se concrétise, il faut que
la loi canadienne, y compris la charte des droits et libertés,
s'applique également aux autochtones et aux gouvernements
indiens. Nous ne pouvons avoir deux systèmes.
Des gouvernements régionaux indiens ne seront pas vraiment
démocratiques ni financièrement responsables tant et aussi
longtemps qu'ils n'établiront pas des relations normales entre
contribuables et gouvernement. Le gouvernement fédéral doit
s'assurer que les sommes dues en vertu de traités sont en partie
payables directement aux Indiens visés par un traité qui vivent dans
des réserves. Une administration locale de bande pourrait alors
établir un régime fiscal local pour payer pour les services locaux.
Les versements gouvernementaux au titre de l'aide sociale et du
logement pourraient facilement être transférés de cette manière.
Toutes les sommes et avantages dus en vertu de traités devraient être
considérés comme des avantages imposables conformément à la
Loi de l'impôt sur le revenu.
Tous les Indiens visés par un traité devraient payer de l'impôt sur
le revenu, des taxes d'accise et la TPS, à l'instar de tous les autres
Canadiens. Tous les Indiens visés par un traité qui ont droit à des
indemnités ou à des services promis par un traité devraient pouvoir
toucher ces sommes directement du gouvernement fédéral ou par
l'intermédiaire de gouvernements régionaux indiens. Ils devraient
pouvoir choisir cette option en tout temps.
Le gouvernement fédéral et les Indiens devraient honorer tous les
engagements qu'ils prennent l'un envers les autres dans les traités.
Les règlements des revendications territoriales devraient être
négociés publiquement. Ils devraient être établis en termes précis.
Ils devraient être définitifs. Ils devraient être conclus à l'intérieur
d'un calendrier précis et être abordables pour le Canada et les
provinces. Toutes les réserves ou toutes les terres conférées par les
ententes devraient continuer de faire partie d'un Canada souverain.
On devrait publier la valeur et la portée de toues les
revendications territoriales. C'est ce qu'on devrait faire en premier
lorsqu'il s'agit de revendications territoriales des Indiens. Pour que
l'option à l'équité fonctionne, tout Indien visé par un traité qui a
droit à des terres conformément à la formule articulée dans chaque
traité devrait avoir le choix entre prendre lui-même possession de sa
propriété et la joindre au fonds de terres administré par le
gouvernement régional indien.
(1305)
Tout Indien qui souhaite quitter pour toujours la réserve devrait
pouvoir négocier avec le gouvernement une formule
d'indemnisation personnelle qui l'aidera à faire la transition vers un
nouvel emploi et une nouvelle vie à l'extérieur de la réserve.
L'indemnité devrait constituer une juste monnaie d'échange pour
les avantages dus en vertu d'un traité.
Le projet de loi C-79 crée deux catégories d'autochtones. Il ne va
pas faciliter, mais plutôt compliquer les choses en matière d'équité
et de responsabilité. À l'instar du projet de loi C-75, il deviendra un
cauchemar bureaucratique et constitutionnel, élargissant le fossé
entre les autochtones et les non-autochtones et fournissant une
vache à lait aux avocats et aux experts-conseils. Le mieux que nous
avons à faire est de laisser le projet de loi C-79 au Feuilleton.
M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, il
est un vieux proverbe oriental que nous connaissons tous par coeur:
un voyage de mille milles commence par un premier pas.
Il y a trois ans et demi, le ministre des Affaires indiennes et du
Nord canadien a fait le premier, le deuxième et le troisième pas, et il
s'est avancé dans des territoires neufs afin de réaliser de grands
progrès. C'est précisément ce qu'il a fait au cours de ces trois ans et
demi. Il importe de féliciter le ministre de sa perspicacité, de sa
détermination, de son travail acharné et des consultations
approfondies qu'il a menées pendant toute cette période auprès de
toutes les bandes indiennes au Canada.
C'est pour moi un grand honneur que de parler de la motion sur le
projet de loi C-79, qui vise à renvoyer le projet de loi au comité pour
qu'on y recueille d'autres commentaires, qu'on poursuive la
consultation et qu'on apporte peut-être aussi des amendements au
projet. Le projet de loi traite de préoccupations qui ont été trop
longtemps négligées et d'inefficacités trop longtemps tolérées. Il
offre un choix aux premières nations. Si elles le souhaitent, elles
peuvent se soustraire à certaines dispositions de la Loi sur les
indiens, mais elles n'y sont pas obligées.
Le projet de loi vise à réduire les pouvoirs du ministre des
Affaires indiennes et du Nord canadien et à confier aux premières
nations davantage de pouvoirs pour la gestion de leurs propres
affaires courantes.
Certains ont prétendu que le gouvernement n'avait pas assez
consulté avant de proposer le projet de loi. Ils voudraient que les
délais se prolongent encore, qu'on brasse encore des papiers, qu'on
se torde les mains d'impuissance pour finir par accepter le statu
quo. Cela suffit peut-être aux yeux de certains députés, mais c'est
inacceptable pour le ministre et pour le gouvernement.
La vérité, c'est que le gouvernement du Canada essaie
d'améliorer la Loi sur les Indiens non pas depuis un, deux ou trois
ans, mais depuis 50 ans. Le rafistolage a commencé tout de suite
après l'adoption de la Loi sur les Indiens en 1876. Depuis lors, il y a
eu un certain nombre de tentatives visant à rendre la loi plus
pertinente, plus juste et mieux adaptée.
8261
La première grande série de modifications date de 1951 et faisait
suite au rapport d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat. Ces
modifications étaient d'une grande portée, mais elles ne
changeaient en rien la nature foncièrement paternaliste de la loi
initiale. Certes, les pouvoirs du ministre étaient réduits, mais ils
restaient très étendus et envahissants.
Une autre tentative a été faite en 1960. Des observations sur la
Loi sur les Indiens ont été formulées à l'intention d'un comité mixte
et sont restées lettre morte.
En 1969, des consultations approfondies se sont tenues sur toute
la question de la relation entre le gouvernement et les Premières
nations. Dans leur mémoire, les nations unifiées de la région de
l'intérieur de la Colombie-Britannique ont dit quelque chose que
l'on considérait alors comme vrai et que l'on considère encore
comme vrai. Ils ont dit: «La Loi sur les Indiens n'est sûrement pas la
solution aux problèmes des Indiens d'aujourd'hui.» C'était en 1969.
La Loi sur les Indiens n'était pas plus utile alors aux premières
nations qu'elle ne l'est maintenant.
(1310)
La Loi sur les Indiens a été réexaminée en 1970 quand les chefs
de l'Alberta ont publié leur rapport dans lequel ils recommandaient
de modifier et non d'abroger la Loi sur les Indiens. Aucune
modification n'a été apportée. C'était le statu quo.
En 1982, la Chambre a institué un groupe de travail
parlementaire sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, qui
était composé de membres officiels ou membres de liaison, de
représentants de l'Association autochtone nationale et de
l'Association des femmes autochtones. Le groupe a déposé son
rapport, que l'on appelle communément le rapport Penner, en
novembre 1983.
S'il avait été mis en oeuvre, ce rapport aurait fondamentalement
modifié les relations entre les premières nations et le gouvernement
fédéral. La Loi sur les Indiens serait devenue inopérante dans une
large mesure, mais encore une fois, les efforts n'ont guère porté
fruit et la Loi sur les Indiens est restée en vigueur.
D'autres consultations ont eu lieu avec les chefs d'un océan à
l'autre, et le gouvernement a présenté un projet de loi en 1984.
Malheureusement, les premières nations s'y sont opposées, et le
projet de loi est resté en plan après la deuxième lecture.
Le gouvernement de l'époque a présenté un autre projet de loi, le
C-31, dès l'année suivante. Celui-ci visait plusieurs dispositions de
la Loi sur les Indiens qui exerçaient une discrimination fondée sur le
sexe et il rendait la loi beaucoup plus équitable. Il a été adopté, mais
les problèmes sous-jacents de la loi sont demeurés inchangés.
En 1986, le vérificateur général a mené la première vérification
exhaustive au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien. Le rapport du vérificateur général traitait des terres, des
recettes et des fiducies, questions régies par la Loi sur les Indiens.
Après sa publication, le ministère a entrepris une étude approfondie
de ces questions, étude à l'issue de laquelle le gouvernement a
présenté le projet de loi C-115. Les modifications proposées dans
celui-ci s'inspiraient de recommandations formulées par la bande
de Kamloops, en Colombie-Britannique.
Ces recommandations qui avaient été étudiées par le
gouvernement et les conseils de bandes ont ensuite été soumises,
pour commentaires, à tous les chefs, provinces et députés. D'avril à
décembre 1986, d'autres consultations ont été organisées avec les
bandes, les organisations, les provinces et les représentants
fédéraux. Ces modifications, appelées modifications de Kamloops,
ont finalement été adoptées en 1988.
C'est aussi en 1988 que le projet de loi C-122 a été présenté. Il
visait un problème très restreint de la Loi sur les Indiens qui était
signalé dans un rapport du Comité mixte permanent des règlements.
Ce projet de loi n'a pas été au-delà de la première lecture.
En 1988, d'autres modifications ont été apportées à la Loi sur les
Indiens par le projet de loi C-123, qui portait sur le soutien des
mineurs, et le projet de loi C-150, qui corrigeait une erreur
technique découverte dans la Loi sur les Indiens de 1985.
Nous arrivons donc à l'époque actuelle. Je me suis étendu sur les
efforts déployés dans le passé pour modifier la Loi sur les Indiens
parce qu'il est important de situer les modifications optionnelles à
cette loi dans leur contexte. Le projet de loi à l'étude arrive après de
nombreuses années de frustration et d'étude. Les uns après les
autres, les gouvernements se sont penchés sur la question, ils ont
consulté, discuté, examiné, pesé et soupesé. La Loi sur les Indiens
est devenue l'une des lois les plus étudiées de notre histoire.
Cependant, toutes ces études ont donné peu de résultats.
La loi qui existe en 1997 n'a pratiquement pas changé depuis
1951. Les premières nations trouvent, avec raison, cette loi
avilissante pour eux. Nous avons une loi qui traite les premières
nations comme les pupilles de l'État et donne au ministre le pouvoir
d'intervenir dans les affaires des collectivités autochtones.
Le temps est venu d'offrir la possibilité de changer les choses, de
commencer à mettre fin au paternalisme de la Loi sur les Indiens.
Avant de présenter le projet de loi, nous avons mené nos propres
consultations auprès des premières nations et je voudrais en parler
brièvement.
(1315)
Tout d'abord, le ministre a lancé l'idée du projet de loi lors du
sommet des chefs qui a eu lieu en Alberta en mars 1995. Le mois
suivant, il a écrit à tous les chefs, conseillers et leaders des
organisations autochtones pour leur demander leur avis sur les
modifications à apporter à la loi. C'était, comme le dit le proverbe
chinois, le long voyage qui se fait un pas à la fois.
En se fondant sur les nombreuses discussions avec les premières
nations et les contributions reçues, le ministre a présenté une
proposition en septembre 1995. . .
Le président suppléant (M. Lincoln): Je prie le député de
conclure, son temps est écoulé.
8262
M. Reed: Monsieur le Président, je ne voudrais pas ralentir les
travaux de la Chambre.
En conclusion, le ministre a proposé sa vision des choses et les
modifications, qui sont jugées très importantes, seront renvoyées au
comité, qui les étudiera et y proposera des amendements si
nécessaire. Nous espérons que le rêve du ministre deviendra réalité.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président,
je me demandais justement pourquoi on entame l'étude de ce projet
de loi à ce moment-ci. Je viens d'apprendre, dans la conclusion de
mon collègue de Halton-Peel, que c'était pour dire que le ministre
avait bien fini sa course.
Pourtant, ce projet de loi, le projet de loi C-79, ne vient
qu'amender la loi honnie de tous, la Loi sur les Indiens, la Indian
Act. Cette loi infantilise les autochtones, en fait des mineurs, des
incapables. Cette loi leur impose un régime de gouvernement qui a
fait, à toutes fins pratiques, que certains ont perdu ou n'ont pas été
capables de se servir de leur propre régime de gouvernement. Avec
cette loi, on force, presque par la porte d'en arrière, les autochtones
à l'accepter.
Ce qui me choque le plus dans ce projet de loi, c'est son caractère
vicieux. La loi force-même s'il y aura quelques petites
peccadilles, quelques petits bonbons-les conseils de bande qui
veulent ces petits bonbons à accepter eux-mêmes le principe de
cette loi détestée, cette loi qui est, pour eux, symbole de sujétion.
Il y a d'autres raisons pour lesquelles ce projet de loi est
choquant. Il est choquant aussi parce que personne, parmi ceux qui
se sont penchés sur la question des autochtones en commission, ou
autrement au Canada, n'a pensé que, non seulement la solution,
mais le début de la queue d'une solution, passait par des
amendements à la Loi sur les Indiens.
Pourtant, le livre rouge qui était d'une générosité, d'une
compréhension, d'une compassion, offrait toute espèce de mirage,
et jamais il ne parlait d'amendements mineurs à la Loi sur les
Indiens. Nous nous retrouvons très certainement à la veille d'une
élection, et le ministre veut pouvoir dire: «Mission accomplie».
Vous pouvez être certain d'une chose, c'est qu'il ne pourra pas
compter sur nous pour pouvoir dire cela.
Les autochtones du Canada-permettez que je dise les
autochtones-en ont gros sur le coeur. C'est une question à laquelle
je m'intéresse depuis longtemps. J'étais ministre du gouvernement
Lévesque, quand René Lévesque, à l'Assemblée nationale,
solennellement, a reconnu les dix nations autochtones et inuits.
C'était à la suite d'un processus où, en 1983, on avait réuni
l'ensemble des représentants des autochtones et on leur avait fait
des propositions. Ces propositions n'étaient pas toutes jugées
suffisantes, mais c'était le début d'un processus de changement.
Évidemment, comme la Loi sur les Indiens était la loi suprême,
d'un côté, et que de l'autre, il y avait un processus de transformation
supposément commencé au niveau du gouvernement fédéral, avec
le Comité Penner et ensuite la Commission Erasmus-Dussault, les
autochtones du Québec ont préféré dire: «C'est charmant ce que
vous nous offrez, mais on va continuer à utiliser, au niveau du
fédéral, les droits que nous pensons pouvoir nous faire reconnaître
là.» Au Québec, on a reconnu qu'en effet, c'était un processus qui
pouvait être suivi.
(1320)
Mais depuis ce temps, que s'est-il passé? Il y a eu récemment le
rapport Erasmus-Dussault, qui est à des lieues, mais des lieues, sur
une autre planète, de ce projet de loi C-79. On n'entend pas parler de
ce rapport. On ne sait d'aucune espèce de façon sur quelle tablette il
se trouve. Mais ce qu'on voit, cependant, c'est cette espèce de
rejeton qui n'est même pas digne de s'appeler tentative de solution à
la question autochtone.
Au Québec, pendant ce temps, le Parti québécois, qui est devenu
ensuite le gouvernement du Parti québécois, a travaillé fort sur des
propositions à faire aux autochtones, et ces propositions ont été
faites avec les différents groupes autochtones, avec des leaders des
communautés. Ce à quoi on en est arrivé, c'est à la possibilité de
transformation qui débarrasse, une fois pour toutes, de la Loi sur les
Indiens, qui permet à chaque communauté, suivant son rythme, de
devenir gérante de ses ressources, de développer d'ailleurs son
économie, de participer à plus large que son territoire à
l'environnement, et je suis certaine que les autochtones du Québec
commencent à comprendre quelque chose.
Ils commencent à comprendre qu'ils vont avoir intérêt à négocier
avec le gouvernement d'un Québec qui aura décidé de sa
souveraineté, parce que s'ils attendent du Canada des
aménagements dont on leur a promis les contours futuristes, ils vont
s'apercevoir qu'ils ne les verront jamais.
Déjà, et ce n'est pas en soi une gloire, loin de là, parce qu'il y a du
rattrapage important à faire au niveau de la condition des
autochtones, mais déjà, pour toute personne qui connaît un peu le
dossier, il est su et connu que les conditions des autochtones sont
largement meilleures au Québec qu'ailleurs, y compris pour la
connaissance et la rétention de la langue maternelle, que ce soit par
rapport à la population, à l'instruction, à la pauvreté.
Il y a aussi eu l'Entente de la Baie James, signée par Robert
Bourassa, qui demeure un modèle du genre. Malgré le si triste
épisode d'Oka, dont on ne veut pas parler ici, les rapports du
Québec, du peuple québécois avec les autochtones ont été des
rapports qui témoignaient, bien sûr, d'un passé avec lequel il fallait
vivre, mais qui n'avaient pas de commun rapport avec ce qu'on peut
voir ailleurs.
Il est triste en même temps de constater que ce gouvernement, au
lieu de vraiment faire avancer la question autochtone-on peut faire
un parallèle avec la question nationale-ait plutôt choisi la voie de
la facilité, mais une facilité que j'ai caractérisée de vicieuse,
puisqu'elle va forcer les communautés autochtones à accepter les
principes de base de cette Loi sur les Indiens s'ils veulent profiter de
certains aménagements.
8263
J'ajoute qu'il est assez spécial aussi que ce projet de loi soit
facultatif. C'est la bande et son conseil qui devront décider, et quand
ils décident de passer à la nouvelle loi, ils ne peuvent revenir en
arrière.
(1325)
Or, on sait que cette question peut entraîner des divisions
importantes et que, là aussi, le processus de règlement va continuer
à demeurer dans les mains de ceux qui administrent la Loi sur les
Indiens. Au lieu de s'en trouver mieux, la question autochtone se
trouve plus embrouillée que jamais, et avec moins de futur positif
prévisible.
[Traduction]
Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire du ministre
des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je suis
heureuse de participer au débat sur le renvoi de la Loi sur la
modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens au
comité avant la deuxième lecture. Le ministre a déjà donné un
aperçu du contenu du projet de loi. Il a fait référence à l'objectif
global qu'a le gouvernement fédéral d'alléger le poids de son
pouvoir sur la vie des membres des premières nations.
Ce texte législatif ne remplace ni ne modifie la Loi sur les
Indiens. Il se veut plutôt une solution de rechange à certaines parties
de la loi. Les premières nations peuvent choisir de respecter ses
dispositions ou de continuer d'être régies par la Loi sur les Indiens.
Avec le temps, la Loi sur les Indiens sera abolie. Elle est désuète.
Elle est paternaliste, encombrante et coûteuse. Elle accorde au
ministre des pouvoirs dont il n'a pas besoin. Je prévois que, d'ici à
ce que la Loi sur les Indiens soit abrogée, très peu de premières
nations y seront encore assujetties. Il en sera ainsi parce que notre
gouvernement a décidé d'édifier un modèle d'autonomie
gouvernementale fondé sur l'opinion générale des peuples
autochtones. On doit donc considérer cette mesure législative dans
un contexte beaucoup plus large, un contexte marqué par l'énergie
que déploie le gouvernement afin de promouvoir le droit inhérent
des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale.
Au cours de la longue histoire des relations entre les
gouvernements et les peuples autochtones, l'autonomie
gouvernementale de ces peuples a connu des hauts et des bas. Ce
n'est pas une histoire heureuse. Elle dénote un manque fondamental
de compréhension de la part des gouvernements antérieurs. Ils
n'appréciaient ni le raffinement des cultures autochtones, ni leurs
formes de gouvernement. L'histoire de la législation concernant les
premières nations dénote un degré d'arrogance et de paternalisme
qui nous fait secouer la tête et nous demander comment les
gouvernements ont pu faire preuve d'une telle étroitesse d'esprit et
d'une aussi grande insensibilité, et être aussi injustes.
Le cadre de la politique des premières nations se fonde, depuis
200 ans, sur cinq lois. En premier lieu, il y a eu la Proclamation
royale de 1763, qui séparait les terres indiennes de celles qui
constituaient les colonies et instituait un processus permettant
d'acheter des terres indiennes. En deuxième lieu, il a eu la Gradual
Civilization of the Indian Tribes in Canada Act de 1857 et, en
troisième lieu, la Gradual Enfranchisement Act de 1869. Ces lois
avaient pour objet d'éliminer toute distinction entre les Indiens et
les non-Indiens.
En quatrième lieu, il y eu la Loi sur les Indiens de 1876, la
première à porter ce titre. Elle consolidait les lois antérieures et
apportait de nouvelles dispositions. Puis, en cinquième lieu, il y a eu
la Loi sur les Indiens de 1951, qui faisait suite aux
recommandations d'un comité mixte de la Chambre et de l'autre
endroit. Elle présentait des réformes majeures, y compris la
réduction des pouvoirs du gouvernement. Ce sont là les principales
lois, mais, entre ces deux dates charnières, on a adopté plusieurs
modifications qui ont eu une incidence profonde sur la vie
quotidienne des premières nations.
Je vais rappeler certains points constants qui apparaissent dans
ces lois et règlements. Je crois qu'en observant la façon dont les
règles ont été changées au gré des gouvernements successifs, la
Chambre comprendra mieux pourquoi nous voulons maintenant
offrir aux premières nations la possibilité de s'émanciper de la
tutelle du gouvernement. L'un de ces points dominants est la
question fondamentale: qui est Indien? En 1876, il s'agissait d'une
personne de sang indien ou, dans le cas de mariages mixtes, d'une
femme non indienne mariée à un Indien.
La loi de 1951 a substitué la notion d'inscription à celle du sang
indien. Les Indiens inscrits avaient le droit d'adhérer à une bande et
de vivre dans une réserve. Les femmes indiennes mariées à des
non-Indiens n'étaient pas reconnues comme Indiennes. Cela n'a pas
changé jusqu'à ce que la Loi sur les Indiens soit modifiée en 1985.
(1330)
Toutefois, le sujet de l'identité indienne nous amène à remettre
en question le pouvoir décisionnel du gouvernement en cette
matière-il s'agit de déterminer si ce dernier a le droit de retirer à
un Indien ses droits et privilèges. C'était là le but du Gradual
Civilization Act adopté en 1857. Il comportait la notion
«d'émancipation». Un Indien adulte de sexe masculin pouvait
s'émanciper mais il perdait son statut d'Indien.
Au fil des ans, le gouvernement a tenté d'inciter les Indiens à
abondonner leur statut en leur promettant des terres qu'ils
pourraient posséder personnellement, et non à titre de membres
d'une bande. En 1857, le gouvernement promettait jusqu'à 50 acres.
Combien d'Indiens se sont laissé leurrer? Combien ont consenti à
perdre leur statut d'Indien pour obtenir l'émancipation et le droit de
propriété privé sur des terres de réserve? Un seul, et cela entre 1857
et l'adoption de la Loi sur les Indiens, soit 19 ans plus tard. Cette
façon d'inciter les Indiens à renoncer à leur mode de vie traditionnel
ne donnait pas de résultats. La loi a donc été modifiée en 1876.
Dans une expression de paternalisme à couper le souffle, on a
imposé l'émancipation automatique à tout Indien qui obtenait un
diplôme universitaire ou qui devenait médecin, avocat ou ministre
du culte. L'émancipation obligatoire de tous les Indiens de plus de
21 ans a été alternativement intégrée ou retirée de la loi à maintes
reprises au cours des 43 années qui ont suivi. En 1933, on l'a
réintroduite et elle est demeurée en vigueur jusqu'à ce que la loi soit
modifiée en 1951.
8264
Ce qui ressort de tout cela, c'est une série de décisions arbitraires
prises par les gouvernements antérieurs pour tenter de détruire le
tissu social des premières nations en retirant le statut d'Indien à
certains des membres les plus éminents des collectivités des
premières nations. Cela fait partie de l'héritage de la Loi sur les
Indiens. Ces pouvoirs arbitraires s'étendent à d'autres sphères.
En fait, le principal problème découlant de l'émancipation
concernait un autre vaste secteur conflictuel: les terres. L'histoire
des relations entre les gouvernement et les premières nations en
matière foncière témoigne d'un degré alarmant d'imposition
autoritaire de la volonté gouvernementale. La possession
individuelle de terres dans les réserves a été instituée en 1876. Les
résidants recevaient un «billet de location» du surintendant général.
C'était l'unique façon pour les résidants des réserves d'être
légalement reconnus comme titulaires de leurs propres parcelles de
terre. Le surintendant général pouvait ordonner l'arpentage des
réserves et leur subdivision en lots, puis exiger que les membres de
la bande obtiennent des billets de location.
En 1884, un Indien de sexe masculin qui était titulaire d'un billet
de location pouvait léguer sa propriété aux membres de sa
famille-y compris sa femme-mais, pour cela, son épouse devait
vivre avec lui au moment de sa mort et elle devait jouir d'une
«bonne réputation morale». Qui jugeait de sa bonne réputation
morale? Les autorités gouvernementales.
Le gouvernement, et non le conseil de bande, décidait de la façon
de dépenser l'argent provenant de la cession et de la vente des terres
ou des autres ressources de la réserve. Le surintendant général, et
non le conseil de bande autorisait les non-Indiens à résider sur les
terres de réserves ou à les utiliser.
Le gouverneur en conseil pouvait permettre l'émission de baux
relatifs aux droits de superficie dans les réserves
indiennes-l'approbation du conseil de bande n'était pas requise.
En vertu des modifications adoptées en 1919, les propriétaires
fonciers devaient recevoir une indemnisation, mais en 1938, même
cette disposition a été abrogée.
En 1941, on interdisait aux Indiens de vendre des produits
agricoles, des fourrures et des animaux sauvages. Aujourd'hui
encore, la Loi sur les Indiens comporte des dispositions interdisant
aux Indiens de l'Ouest de vendre des produits agricoles sans
autorisation officielle.
Les changements apportés à la loi en 1951 ont éliminé bon
nombre des injustices les plus flagrantes concernant les terres. Les
pouvoirs d'expropriation ont été réduits de façon notable.
L'administration des successions des Indiens a été harmonisée avec
les lois provinciales. Toutefois, plusieurs des anciens règlements
s'appliquent toujours.
(1335)
À l'heure actuelle, on se demande encore comment les anciens
gouvernements ont pu être si rigides et si paternalistes. Cependant,
le jour viendra où les Canadiens se demanderont pourquoi nous
avons conservé tant de restrictions dans la Loi sur les Indiens dans la
seconde moitié du XXe siècle. Le gouvernement a déposé le projet
de loi qui nous est soumis pour nous permettre d'échapper aux
anciens règlements et d'inaugurer une nouvelle ère dépourvue de
paternalisme.
J'invite tous les députés à se joindre à moi pour renvoyer ce
projet de loi au comité pour qu'il l'étudie de façon plus approfondie.
M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD):
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la
parole sur le projet de loi C-79, qui permet ce qu'on appelle des
modifications facultatives à la Loi sur les Indiens. J'ai été très
heureux d'entendre les propos du ministre, au moment où il a
présenté ce projet de loi, et les observations d'autres députés
libéraux, quant aux raisons de modifier cette loi et, éventuellement,
de l'éliminer.
Je félicite le ministre des Affaires indiennes pour le travail qu'il a
effectué au cours des trois dernières années en visitant les
autochtones des quatre coins du pays. Il a probablement voyagé
davantage que tout autre ministre des Affaires indiennes que j'aie
connu.
On dirait que, en voyageant, il en a appris un peu sur ce que les
Indiens ont envie d'entendre. Les mesures qu'il a prises ne sont
toutefois pas celles que la majorité des Indiens voulaient lui voir
prendre. Les Indiens du Canada aimeraient que les propos du
ministre et des députés aient plus de conséquences sur les lois qu'on
leur propose et sur les mesures que prend le gouvernement. Ils
aimeraient qu'on abolisse certains obstacles à leur développement
et qu'on leur assure les ressources dont ils ont besoin pour se tirer
des difficultés dans lesquelles les ont plongés les lois et les
pratiques gouvernementales antérieures.
Je reconnais que le projet de loi C-79 a ses bons côtés, mais c'est
négligeable quand on pense à ce qu'il faudrait faire, de nos jours,
pour les autochtones du Canada. Ce projet de loi autorise le
gouvernement à se retirer de certains aspects de la vie
communautaire des Indiens et laisse les premières nations visées
libres d'accepter la proposition ou de maintenir le statu quo.
Si l'on s'arrête à des éléments précis, on voit par exemple que les
représentants du Ministère ne sont plus tenus d'approuver les
produits agricoles pour la vente. C'est admirable, mais c'est déjà le
cas depuis plusieurs années. Essentiellement, depuis des années, les
autorités, le ministère et le ministre font comme si cet élément de la
Loi sur les Indiens n'existait pas.
Le projet de loi prévoit que les premières nations n'auront plus
besoin d'attendre les instructions du ministre avant de réparer une
route. Je suis sûr que la plupart des premières nations sont très
contentes de ne plus avoir à demander la permission du ministre
pour réparer leurs routes, mais elles n'ont pas d'argent pour les
réparer. Leurs routes sont dans un état lamentable parce que les
premières nations ne disposent pas des ressources nécessaires. Elles
n'ont pas besoin de demander quoi que ce soit au ministre,
puisqu'elles ne peuvent pas les réparer de toute façon. Si le
gouvernement voulait vraiment fournir une aide à cet égard, il
veillerait à ce que l'argent n'aille pas seulement à la remise en état
des routes, mais aussi à l'aménagement de nouvelles routes reliant
les réseaux
8265
routiers provinciaux qui ne desservent pas un grand nombre de
collectivités des premières nations.
Le projet de loi propose aussi de porter de deux à trois ans le
mandat du chef et du conseil. Visiblement, beaucoup de
gouvernements indiens se réjouiraient de cette mesure, mais la
plupart ont demandé que le mandat soit porté à quatre ans. Comme
le mandat d'autres gouvernements qui les entourent est de quatre
ans, beaucoup de gouvernements indiens voient ce qu'ils ont
entrepris interrompu à la fin de la deuxième ou de la troisième année
et la plupart pensent qu'un mandat de quatre ans serait préférable. Il
est très important pour eux de pouvoir fixer leur propre mandat avec
les gens de leurs communautés.
(1340)
Je remarque que dans les documents qu'ils nous a fournis, le
gouvernement dit que cela ne change pas fondamentalement les
rapports fiduciaires de la Couronne et ses obligations découlant des
traités. Le terme fondamentalement est très important pour les
autochtones au Canada pour lesquels la responsabilité fiduciaire du
gouvernement fédéral est primordiale. Il y a responsabilité
fiduciaire et on ne peut pas changer cela. Toutefois, le
gouvernement dit qu'elle ne sera pas fondamentalement affectée.
Cela veut dire qu'il est possible qu'elle le soit d'une certaine façon.
Nous devons nous assurer qu'elle ne le soit pas du tout.
Tout cela fait suite à la publication du rapport de la Commission
royale sur les autochtones. On a beaucoup parlé dans le pays du coût
de ce rapport et du temps qu'il a fallu à la commission pour le
produire. Cinquante-huit millions de dollars ont été consacrés à la
commission royale, de l'argent que, selon les dires mêmes du
ministre, il aurait préféré consacrer au logement.
Quoi que nous pensions du processus et du financement de la
commission royale, le fait est que les documents publiés par la
commission royale sont là. C'est l'étude la plus exhaustive des liens
entre les autochtones et le reste d'entre nous qui ait jamais été
entreprise dans ce pays.
Je n'ai pas la prétention d'avoir lu le rapport de la commission en
entier. Je n'en suis seulement qu'à la fin du premier des nombreux
volumes que compte le rapport, mais je suis ahuri par la qualité de
l'information qui est donnée dans ce document. J'ai feuilleté les
autres, que j'ai bien l'intention de lire dans les mois à venir, et je
peux dire que la commission a fait un travail formidable et a mis le
doigt sur les problèmes auxquels les autochtones font face, en
proposant des solutions pour y remédier.
Se débarrasser de la Loi sur les Indiens fait certainement partie de
la solution, mais pas article après article aux termes de négociations
avec les bandes indiennes, les unes après les autres. Ce dont ce pays
a besoin c'est d'une étude approfondie de la Loi sur les indiens, à
laquelle participeraient le Parlement, les premières nations et les
gouvernements provinciaux, et du remaniement, d'un seul coup, de
cette dernière en s'assurant que tous les ordres de gouvernement
disposent des ressources nécessaires pour que son remplacement
soit un succès.
C'est insensé de vouloir remplacer la Loi sur les Indiens, une
nation à la fois, une disposition à la fois. Cela ne me semble pas être
la façon la plus efficace de s'y prendre. Il ne fait aucun doute que les
études, la réflexion et le travail qui ont été faits par la Commission
royale d'enquête sur les peuples autochtones, et le libellé de son
rapport, révèlent que des changements importants sont nécessaires,
tant en ce qui concerne les attitudes que les programmes, pour régler
les nombreux problèmes qui existent. Certains ne peuvent être
résolus par ce type de négociation; ils le seront par les collectivités
indiennes elles-mêmes.
Quand on demande aux premières nations quels changements
elles aimeraient voir en priorité, les gens ne répondent pas qu'ils
voudraient que le ministre les laisse vendre leurs produits agricoles
comme ils l'entendent. Ils parlent de la pénurie de logements. Ils
parlent de la nécessité d'améliorer leur système de justice et leur
régime de santé. Ils parlent de la nécessité de remanier leur système
d'éducation afin que les jeunes acquièrent une bonne éducation et
une bonne connaissance de leurs traditions et de celles des
communautés avoisinantes, afin que, plus tard, ils puissent réussir.
Les gens des premières nations parlent aussi de culture et de langue,
de développement économique et d'autonomie gouvernementale,
ainsi que des terres et des ressources qui assurent la réussite de leurs
programmes de développement économique.
(1345)
Ce sont autant de questions qui demandent beaucoup d'attention
de la part de tous les députés fédéraux et provinciaux et de toutes les
administrations municipales. En tant que collectivités de gens qui
vivent ensemble, nous devons comprendre l'histoire de notre pays
et savoir comment les divers peuples ont contribué à nous amener là
où nous sommes aujourd'hui. Ce n'est pas en modifiant la Loi sur
les Indiens un article à la fois, pour une bande à la fois, qu'on
atteindra les objectifs visés.
Je souhaite la meilleure des chances au ministre en cette période
préélectorale. Je sais que nous aurons des défis importants à relever.
Je défie le ministre de s'attaquer à ces questions sérieuses et
capitales avant les prochaines élections.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il
me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-79, Loi
modifiant la Loi sur les Indiens.
Ce projet de loi permet la modification de l'application de
certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en
font le choix. Il s'agit d'une réforme d'une loi qui a été adoptée il y a
plus d'un siècle. C'est beaucoup. Ces amendements touchent 45 des
120 articles de la Loi sur les Indiens.
Les principaux sujets abordés par ce projet de loi sont les
modalités de succession des biens, les nouveaux pouvoirs conférés
aux conseils de bandes, les procédures électorales, les infractions et
l'application du droit pénal sur les réserves. Par exemple, le mandat
du chef et des conseillers des bandes est fixé à trois ans; on ignore
8266
pourquoi. Et le ministre est investi du pouvoir d'annuler une
élection; on ignore également pourquoi.
Le caractère optionnel des nouveaux pouvoirs conférés par ce
projet de loi signifie que seules les nations autochtones qui en feront
la demande seront régies par cette nouvelle loi. Les autres
demeureront sous l'ancien régime.
Il s'agit d'un mauvais projet de loi. Le rapport de la Commission
royale d'enquête Erasmus-Dussault, tout en soulignant le caractère
désuet et rétrograde la Loi sur les Indiens, exclut une quelconque
modification à ce texte légal comme une voie souhaitable à suivre
pour établir une nouvelle relation entre les autochtones et les
non-autochtones.
Avec le projet de loi C-79, le Canada renoue avec son passé
colonial à l'égard de ses peuples aborigènes. À l'époque, la Loi sur
les Indiens ne visait qu'à assimiler les autochtones. Ce projet de loi
ne recueille même pas l'appui des principaux intéressés, soit les
autochtones. En décembre 1996, 542 communautés autochtones sur
610 se sont déclarées contre ce texte. En d'autres termes, plus de 85
p. 100 des Premières Nations rejettent catégoriquement le processus
entrepris en cette matière par le gouvernement fédéral.
Comment le gouvernement peut-il aller de l'avant, alors que son
projet soulève l'opposition de l'immense majorité de ceux à qui il
s'appliquera? Beaucoup d'engagements promis aux autochtones
par le Parti libéral du Canada n'ont pas été respectés par ce parti,
une fois les élections passées. Même les autochtones, qui avaient
participé à la rédaction de cette plate-forme électorale dans le livre
rouge, ont tenu à se dissocier publiquement du Parti libéral du
Canada quand ils ont constaté l'attitude et le comportement de ce
gouvernement envers les Premières Nations.
Nulle part dans les sept pages des promesses consacrées aux
peuples autochtones dans le livre rouge n'est-il question d'une
modification de la Loi sur les Indiens. D'où sort donc cette
initiative? À la page 94 du livre rouge, on peut lire ce qui suit: «Un
gouvernement libéral s'engage à prévoir des concertations plus
vastes entre les ministres fédéraux et les autorités autochtones pour
les décisions qui touchent directement les Premières Nations, les
Inuits et les Métis.»
Voilà un autre exemple d'un réel problème de concertation sur un
projet de loi qui concerne strictement et directement les
autochtones. Cette façon de procéder va à l'encontre du livre rouge
qui ajoute: «Il est absurde d'élaborer unilatéralement des mesures
budgéraires ou des politiques qui concernent directement les
populations autochtones.»
(1350)
Dans les faits, c'est le coeur de ses engagements envers les
autochtones que ce gouvernement n'a pas respecté. Où se trouve le
«nouveau partenariat», le «respect mutuel» et «l'association des
autochtones aux processus décisionnels» promis par ce
gouvernement avant les élections de 1993?
Le 21 novembre dernier, a été publié le rapport de la Commission
royale sur les peuples autochtones. Il s'agit d'une vaste étude,
importante et très intéressante, préparée par la Commission
Erasmus-Dussault. Je partage les objectifs de ce rapport concernant
l'autonomie gouvernementale, la reconnaissance des nations
autochtones et les revendications territoriales.
Les peuples aborigènes du Canada constituent des nations
distinctes. Comme telles, ces nations doivent bénéficier d'une
autonomie gouvernementale accrue qui leur permettra, entre autres,
de générer des revenus, de protéger leurs langues et leurs cultures.
Elles ont le droit d'être souveraines dans les domaines stratégiques
comme ceux de la santé, de l'éducation, de la langue et du
développement économique. C'est la seule façon d'assurer le
maintien et le développement de leur propre identité.
Mais auparavant, les autochtones doivent avoir franchi l'étape de
la reconnaissance qui leur permettra de négocier directement avec
les gouvernements fédéral et provinciaux. Il faut réparer les torts
historiques qui ont été causés aux autochtones par les différents
gouvernements canadiens. Après plus d'un siècle de politiques
canadiennes visant à l'assimilation ou à la disparition des
autochtones, il est grand temps que le gouvernement fédéral
reconnaisse ses erreurs et prenne ses responsabilités afin d'y
remédier.
Il faut que les nations autochtones soient autonomes, ce qui leur
permettra de s'affranchir de la dépendance financière d'Ottawa. Je
me réjouis du fait que le gouvernement québécois ait négocié et
signé un traité moderne avec les Cris du Québec. En effet, la
Convention de la Baie James a rendu possible l'amélioration de la
situation économique des Cris et leur a permis de prendre en main
leur développement. Il est utile d'ajouter que le partage juste et
équitable des terres a joué un rôle crucial dans le succès de cette
entreprise.
Comme tous le savent, je suis originaire d'Amérique latine,
région où les Indiens sont très nombreux. Dans certains pays, ils
constituent même la majorité de la population. Depuis le début de la
colonisation, en 1492, les peuples aborigènes ont été soumis à
l'extermination et à l'exploitation. Aujourd'hui, plus de 500 ans
plus tard, ils vivent encore dans des conditions inhumaines, dans
des conditions de pauvreté et de misère qui sont inacceptables.
Le rapport Erasmus-Dussault dénonce, avec justesse, les
conditions de vie des autochtones du Canada, «le meilleur pays au
monde», nous dit souvent le premier ministre. En Amérique latine,
ces conditions sont bien pires.
Je profite de cette occasion pour inviter le gouvernement fédéral
à mettre à l'ordre du jour la question des Indiens du continent
américain lors des rencontres entre les différents pays, soit au
niveau bilatéral ou multilatéral, à l'OEA ou dans d'autres forums
internationaux.
Il faut qu'une coopération internationale en cette matière se
développe au niveau des Amériques. Le rapport Erasmus-Dussault
décrit et dénonce les immenses problèmes auxquels font face les
8267
autochtones au Canada en matière de santé, d'éducation, de
chômage, de logement et de criminalité. Les autochtones forment
une minorité qui représente 3 p. 100 de la population. Ils sont
souvent victimes de racisme et de discrimination. De plus, cette
étude souligne que, dans les réserves, plus de 10 000 foyers n'ont
pas de plomberie intérieure.
Les libéraux n'ont rien fait pour solutionner ces graves
problèmes. Et ce n'est pas avec le projet de loi C-79 qu'ils y
arriveront. Alors, pour toutes ces considérations, je voterai contre le
projet de loi C-79.
(1355)
Le Président: C'est au tour de l'honorable député de Lévis. Cher
collègue, je me demande si vous voudriez attendre après la période
des questions orales pour commencer votre discours? Avez-vous
entendu ma question?
M. Dubé: Je suis d'accord.
Le Président: On prendra ces cinq minutes pour commencer les
déclarations de députés, mais c'est vous qui commencerez lorsque
nous reprendrons le débat. Je vous remercie.
[Traduction]
Comme il est 14 heures, nous allons passer aux déclarations de
députés.
______________________________________________
8267
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[
Traduction]
M. Paul Steckle (Huron-Bruce, Lib.): Monsieur le Président,
je suis heureux de prendre la parole à la Chambre, aujourd'hui, pour
rendre hommage à un de mes électeurs, M. Harry Burke. C'est un
artiste qui a été inspiré par les noms gravés dans la pierre du
cénotaphe d'Exeter.
Il a été tellement touché qu'il s'est lancé dans une entreprise
complexe, celle de faire le portrait de tous ceux qui ont si
vaillamment servi la nation en période de crise.
Son projet est parti de l'idée que ces personnes étaient plus que de
simples noms gravés dans le marbre. C'étaient des êtres avec une
famille et des amis dont on devrait se souvenir.
J'ai eu l'occasion de voir le travail de M. Burke. J'ai été frappé
par le réalisme qu'il a su donner au portrait de tous nos concitoyens
morts à la guerre. Ses images étaient si vraies que les membres de la
famille et les anciens combattants, voyant leurs anciens
compagnons, en avaient les larmes aux yeux.
Je voudrais dire à M. Burke combien j'apprécie le temps,
l'énergie et l'émotion qu'il a investis dans cette entreprise. Sa
contribution rend un hommage mérité à ces Canadiens immortalisés
par son oeuvre.
[Français]
M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, la
wollastonite, un minerai peu connu, est un cristallin blanc utilisé
dans la fabrication des plastiques, des céramiques et de la peinture.
Au cours de la dernière décennie, la production de ce minerai a
doublé. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour la première mine de
wollastonite au Canada, située près de Saint-Ludger-de-Milot au
Québec.
À l'heure actuelle, on y prévoit une production annuelle de plus
de 50 000 tonnes, et le potentiel d'expansion de cette mine pourrait
atteindre une production de 85 000 tonnes. Manifestement, ces
prévisions sont synonymes de croissance économique et de
débouchés d'emplois pour les Québécois.
Grâce à de telles initiatives, l'industrie minière est devenue un
pilier de l'économie québécoise, fournissant du travail à près de
17 500 personnes. Pour pousser plus loin cette réussite, je demande
au gouvernement de concrétiser ses promesses et de mettre fin aux
chevauchements réglementaires coûteux qui font obstacle à
l'investissement dans le secteur minier du Québec.
* * *
[
Traduction]
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le
Président, les agents de la Gendarmerie royale du Canada méritent
un traitement juste de la part du gouvernement. La loi actuelle leur
interdit de formuler leurs préoccupations ou leurs griefs par le
truchement d'une association de policiers.
Le Parti réformiste est d'avis que les agents de la GRC devraient
avoir le droit à l'organisation et à la négociation collective.
Autrement dit, ils devraient avoir le droit d'adhérer volontairement
à une association de policiers. Aux agents qui sont pour la
négociation collective, le Parti réformiste dit: «Bravo, ne lâchez
pas.»
De plus, le Parti réformiste estime que lces agents aspirent à une
véritable liberté d'association. Le Parti réformiste appuie donc les
policiers qui, convaincus qu'ils défendent mieux eux-mêmes leurs
propres intérêts, ne souhaitent pas être contraints d'adhérer à un
syndicat. Nous souscrivons à votre droit de travailler comme vous
l'entendez.
Je tiens à assurer les agents de la GRC qui sont à la tribune, sur le
colline ou dans les localités qu'ils desservent, que leurs doléances
n'ont pas été formulées en vain.
Le Parti réformiste défie le solliciteur général d'agir maintenant.
Offrons un traitement juste aux agents de la GRC.
* * *
Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, j'ai
eu le plaisir aujourd'hui de rencontrer des membres de divers corps
de police de ma province natale, le Nouveau-Brunswick. Ils sont
8268
venus à Ottawa à titre de représentants de l'Association canadienne
des policiers.
Les hommes que j'ai rencontrés s'inquiètent du long retard
qu'accuse le gouvernement à proposer une mesure législative
portant création de banques de données sur l'ADN. Les empreintes
digitales sont conservées dans une banque. Pourquoi en serait-il
autrement de l'ADN? L'établissement d'une banque nationale de
données sur l'ADN permettrait aux policiers du pays tout entier
d'avoir accès à quantité de renseignements, ce qui permettrait de
trouver les coupables dans de nombreux cas de crimes violents. Le
gouvernement doit absolument mettre de l'ordre dans ses priorités.
Il ne veut rien savoir d'une banque de données sur les empreintes
génétiques des criminels, mais il veut à tout prix ficher les
propriétaires légitimes d'armes à feu.
(1400)
À tous les hommes et à toutes les femmes représentant nos forces
policières je dis donc: continuez le combat. Quant au
gouvernement, je l'exhorte à présenter enfin cette mesure
législative à la Chambre.
* * *
Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.):
Monsieur le Président, des Canadiens de partout dans notre
merveilleux pays ont récemment célébré le Jour du drapeau et
honoré notre unifolié.
Au cours des derniers mois, 4 000 Canadiens m'ont signalé
qu'ils voulaient faire un serment officiel d'allégeance au drapeau du
Canada et qu'ils appuyaient mon projet de loi d'initiative
parlementaire, le projet de loi C-302.
Plus de 350 conseils municipaux de collectivités comme Gambo,
à Terre-Neuve, Puslinch, en Ontario, Beaconsfield, au Québec, Leaf
Rapids, au Manitoba, et Hay River, dans les Territoires du
Nord-Ouest, ont adopté des résolutions pour appuyer cette mesure
législative.
Les Canadiens prêtent allégeance au drapeau de diverses façons.
Des milliers de Canadiens me disent, individuellement ou par
l'entremise de leur conseil local, qu'il est temps que le Canada
adopte un serment officiel d'allégeance.
* * *
M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.):
Monsieur le Président, je souhaite exprimer mes vives
préoccupations face au dernier exemple d'intolérance envers la
religion et de sectarisme qu'a donné la police de Karachi, au
Pakistan, à l'égard d'une minorité chrétienne.
Je crois que que les gens des diverses religions, y compris les
groupes minoritaires, doivent respecter la foi de chacun. Comme
nous sommes tous des enfants de Dieu, plutôt que de nous détruire
les uns les autres, nous devrions essayer d'éliminer la véritable
source des conflits, l'intolérance envers la religion.
Comme Patrick Henry l'a déclaré: «La religion ne doit s'appuyer
que sur la raison, et non sur la force ou la violence. Tous les gens ont
droit au libre exercice de leur religion et il incombe à tous de
pratiquer la tolérance, l'amour et la charité à l'égard de son
prochain.»
Ainsi, je demande que le gouvernement du Canada incite
fortement le Pakistan à faire preuve de tolérance et de
compréhension sur le plan de la religion.
* * *
L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le
Président, la semaine dernière, le gouvernement du Québec a lancé
un plan qui prévoit de réduire de 246 millions de dollars le budget
consacré à l'environnement, en laissant notamment les industries
polluantes s'autocontrôler.
Le gouvernement de l'Alberta a également entrepris de réduire le
budget de son ministère de l'Environnement de 164 millions de
dollars et de supprimer 1 360 emplois d'ici 1999.
Pour ne pas être en reste, le gouvernement de l'Ontario a décidé
de réduire la taille de son ministère de l'Environnement et de son
budget en matière énergétique d'un tiers, en éliminant 752 postes. Il
a également supprimé 2 150 postes au ministère des Ressources
naturelles.
Face à ces mesures, les Canadiens comptent plus que jamais sur
le gouvernement fédéral pour garantir le respect de normes élevées
en ce qui concerne la qualité de leur eau, de leur air et de leur sol.
* * *
M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le
Président, après 76 mois consécutifs, le taux de chômage national
s'élève à plus de 9 p. 100, ce qui représente les pires taux de
chômage depuis la grande crise de 1929. Dans ma circonscription,
Okanagan-Shuswap, le taux de chômage se situe à 10,7 p. 100.
Il ne s'agit pas là que de chiffres. On parle ici de nouveaux
diplômés qui cherchent leur premier emploi, de travailleurs âgés qui
ont été mis à pied à cause d'une rationalisation et de personnes dans
la fleur de l'âge qui, en dépit de tous leurs efforts, ne peuvent
subvenir aux besoins de leur famille.
En octobre dernier, le taux de faillites avait augmenté de 61 p.
100 par rapport à octobre 1993, lorsque le gouvernement libéral a
accédé au pouvoir. Les familles sont également plus endettées que
jamais.
Ces chiffres sont un tragédie nationale. Quelle réponse nous
donne le gouvernement libéral, généreux et plein de sollicitude? La
semaine dernière, il a déposé un projet de loi qui augmentera
radicalement les charges sociales, de sorte que l'embauche de
nouveaux employés sera plus coûteuse que jamais pour les
entreprises.
Les Canadiens sans emploi veulent savoir où sont les emplois
que le gouvernement libéral leur avait promis.
8269
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ):
Monsieur le Président, pour certains, le Canada est le plus beau pays
du monde, mais c'est aussi le pays dans lequel une famille
québécoise, prestataire d'aide sociale, composée d'un parent et
d'un enfant, doit tenter désespérément de survivre avec 8 337 $ de
moins que le seuil de la pauvreté.
Cette baisse réelle du pouvoir d'achat est un effet direct des
compressions du gouvernement fédéral dans les paiements de
transfert aux provinces.
(1405)
En effet, en vertu du nouveau programme de Transfert social
canadien, les provinces recevront environ sept milliards de moins
pour la santé, l'éducation postsecondaire et l'aide sociale. Le
gouvernement fédéral doit desserrer l'étau et avoir le courage de
mener sa lutte au déficit ailleurs que sur le dos des démunis.
* * *
[
Traduction]
M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur
le Président, le mois dernier, sept groupes du niveau de
l'enseignement postsecondaire représentant des universités, des
collèges communautaires, des étudiants, des professeurs et des
administrateurs de programmes d'aide aux étudiants ont exhorté le
gouvernement fédéral à adopter un train exhaustif de mesures
d'aide aux étudiants pour leur offrir un avenir abordable. Ils font
observer que les dettes des étudiants, qui augmentent rapidement,
suscitent une vive angoisse chez les étudiants et leurs parents.
Les mesures qu'ils proposent comprennent des subventions
ciblées à l'intention des personnes dont les besoins sont criants, une
aide de remboursement, le cas échéant, pour aider d'anciens
étudiants à honorer leurs créances, un programme de travail-études
pour offrir aux étudiants des possibilités de toucher un salaire
pendant qu'ils poursuivent leurs études et des mesures fiscales
visant à aider les Canadiens à économiser pour payer les études de
leurs enfants.
Les néo-démocrates croient fermement que le gouvernement
fédéral doit continuer d'investir dans l'aide aux étudiants, pour que
chaque étudiant qui possède les aptitudes scolaires voulues puisse
bénéficier pleinement des possibilités de l'enseignement
postsecondaire du Canada, peu importe sa situation financière.
Nous exhortons les libéraux à mettre en oeuvre ces propositions
progressistes.
Plus tard aujourd'hui, nous prendrons connaissance du budget
des libéraux et nous saurons s'ils parlent sérieusement lorsqu'ils
disent qu'ils veulent s'attaquer à l'endettement grandissant des
étudiants et à l'inaccessibilité croissante aux études postsecondaires
au Canada.
Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, je
suis ravie d'intervenir à la Chambre aujourd'hui au sujet de
l'engagement qu'a pris le gouvernement à l'égard de l'industrie
cinématographique, à Halifax.
Hier, le député de Dartmouth et moi étions fiers d'annoncer la
construction de trois plateaux de tournage dans la région
métropolitaine de Halifax. La nouvelle capacité de production
aidera à satisfaire la demande de l'industrie cinématographique qui
est enexpansion en Nouvelle-Écosse, ou, comme nous disons, à
Hollywood-Nord.
Nous avons des professionnels hautement qualifiés dans
l'industrie de la télévision et du cinéma, à la fois derrière et devant
la caméra. Ce sont des gens qui adorent leur métier, qui sont
dévoués et qui réussissent. Toutefois, leur succès prend sa source
dans les efforts du gouvernement actuel qui, par l'entremise de
l'APECA, a conclu des partenariats avec le gouvernement
provincial et le secteur privé. Ils travaillent tous ensemble pour
concrétiser la vision de l'industrie cinématographique de Halifax.
* * *
[
Français]
M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur
le Président, dans un peu plus de deux heures, le ministre des
Finances du Canada présentera son quatrième budget.
Depuis l'élection de notre gouvernement, en 1993, bien des
choses ont changé au pays, et elles ont surtout changé pour le mieux.
L'inflation est à son plus bas, les taux d'intérêt et les taux
hypothécaires favorisent les consommateurs et plus de 700 000
emplois ont été créés au Canada.
Le déficit que nous avait laissé le gouvernement précédent a
connu une baisse considérable et l'ensemble des grandes
institutions internationales prévoient que le Canada connaîtra le
plus fort taux de croissance de tous les pays du G-7.
Les Canadiennes et les Canadiens ont repris confiance en leur
gouvernement et cela est dû à l'excellent travail de l'ensemble du
gouvernement libéral actuel.
* * *
[
Traduction]
M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso,
Lib.): Monsieur le Président, le Cap-Breton, ou plutôt le Canada
entier, a perdu une légende vivante avec le décès de Archie Neil
Chisholm, vendredi dernier.
À 89 ans, Archie Neil était devenu le symbole du renouveau
culturel qui est en cours dans l'île du Cap-Breton et il comptait
parmi ses plus éloquents et colorés défenseurs. En plus d'être un
enseignant hors pair, un artiste du spectacle, un communicateur et
un conteur, c'était un fervent de la musique du Cap-Breton. Avec
générosité, il a mis ses talents au service de grandes causes et
8270
d'oeuvres caritatives qui seraient trop nombreuses à énumérer.
Personne ne pouvait présenter un concert avec autant de grâce et
d'enthousiasme que Archie Neil.
La vie de Archie Neil, c'est le triomphe de l'esprit sur l'adversité.
Issu d'une grande famille aux revenus modestes, dans la collectivité
de Margaree Forks, il a souffert de la polio dans son jeune âge. Il a
surmonté les inconvénients de ses humbles débuts et de son
incapacité physique ainsi que d'autres difficultés pour faire de sa
vie un exemple de contribution aux autres.
Je suis fier d'avoir connu Archie Neil Chisholm et d'avoir grandi
à Margaree, sous son influence stimulante. Comme ses nombreux
amis, je regretterai sa présence réjouissante.
* * *
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, juste avant le dépôt du budget fédéral, j'estime de mon
devoir de mettre les Canadiens en garde contre les dix principales
phrases accrocheuses dont se serviront les libéraux pour tâcher de
séduire les électeurs canadiens.
Phrase numéro 10: Je vous montre mon éthique si vous me
montrez la vôtre.
Phrase numéro 9: Livre rouge? Ne parlez pas de livre rouge, cela
risque de gâcher l'instant présent.
Phrase numéro 8: Et si on réglementait?
Phrase numéro 7: Vous voulez bien porter quelque chose de rouge
pour me faire plaisir?
(1410)
Phrase numéro 6: Quels sont mes principes? Eh bien,
qu'aimeriez-vous entendre?
Phrase numéro 5: Si vous n'aimez pas mes principes, je promets
d'en changer.
Phrase numéro 4: Sincèrement, je paierai votre RPC plus tard.
Phrase numéro 3: Vous respecter demain matin? Ah! là, je ne
vous respecte même pas maintenant.
Phrase numéro 2: Pardon, puis-je vous offrir une subvention?
Et voici la phrase numéro 1 que les libéraux utiliseront pour
séduire les électeurs: Faites-moi confiance, je n'ai jamais taxé
personne auparavant.
* * *
[
Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président,
faisons un exercice pour découvrir ce qu'aurait l'air les oeuvres
culturelles canadiennes si les artistes donnaient dans l'unité
nationale:
La La La Human Steps aurait du financement s'il remplaçait le
titre de son dernier spectacle 2 par Un seul Canada uni et unique.
Le dernier Arcand aurait plus plus de chance d'être financé s'il
avait pour titre Le Canada: quel beau pays malgré ce qu'on en dit.
Pierre Falardeau serait subventionné si, au lieu de tourner un film
sur Les Patriotes, il le tournait sur les membres du Doric Club.
Le théâtre du Trident devrait modifier le titre de sa pièce de
Cocteau Les parents terribles pour Le Québec, cet enfant terrible.
Broue devrait devenir Canadian Ale.
Guy Cloutier devrait changer le nom de son spectacle Jeanne la
pucelle pour Sheila la guerrière.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, parce qu'il ferait bien
des victimes au Cabinet fédéral.
* * *
[
Traduction]
M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville,
Lib.-dém.): Monsieur le Président, le budget d'aujourd'hui nous
permettra d'assister à un autre excellent numéro d'illusionniste de
la part du ministre des Finances, sous l'oeil approbateur du premier
ministre qui n'a rien fait pour tenir les deux principales promesses
qu'il a faites aux Canadiens.
Depuis plus de trois ans, les Canadiens n'ont vu absolument
aucun plan de création d'emplois et la TPS n'a pas été éliminée. Le
premier ministre n'a pas tenu parole sur ces deux promesses
verbales, et les Canadiens ne se laisseront pas éblouir par les
mesures budgétaires artificielles qui seront annoncées aujourd'hui.
Je suis persuadé que le ministre des Finances dévoilera un budget
optimiste qui n'annoncera aucune nouvelle hausse de taxes ou
d'impôts. Pourquoi s'en priverait-il, lui qui a déjà fait les poches
des Canadiens avec des taxes cachées?
Les modifications au RPC annoncées la semaine dernière
représentent la plus forte ponction fiscale de l'histoire canadienne.
En fin de compte, le revenu net du Canadien moyen est maintenant
inférieur à ce qu'il était il y a trois ans. Ne soyons pas dupes, car
c'est le salarié moyen qui continue à faire les frais de la mauvaise
gestion financière des gouvernements.
8271
[Français]
M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président,
Montréal demeure, pour notre gouvernement, la pierre angulaire de
l'activité économique québécoise. De très nombreuses entreprises
du secteur de la haute technologie y sont installées, et leur expertise
contribue à faire du Canada un chef de file dans ces domaines sur la
scène internationale.
Le groupe CGI de Montréal est la plus importante société à
propriété canadienne des technologies de l'information. Cette
entreprise a pris part à la dernière mission d'Équipe Canada en Asie.
Lors de son passage en Thaïlande, le groupe CGI, qui emploie
plus de 1 700 personnes au Canada et à l'étranger, a signé un
contrat pour la fourniture d'un système de gestion avec une société
de Chomburi. Le contrat est évalué à deux millions de dollars.
Le secteur de la haute technologie est un des fleurons de
l'économie montréalaise et, grâce à Équipe Canada, notre
savoir-faire se retrouve maintenant aux quatre coins de la planète.
* * *
[
Traduction]
M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le
Président, les mesures que le gouvernement fédéral et la majorité
des provinces ont prises de concert pour assainir la situation du
Régime de pensions du Canada sont un exemple de leadership
responsable.
Il aurait pu être politiquement avantageux d'atermoyer, mais cela
n'aurait pas été dans l'intérêt bien compris des Canadiens, jeunes et
vieux. Retarder la décision n'aurait fait qu'alourdir la note.
[Français]
En fait, c'est précisément parce que les gouvernements
antérieurs ont négligé d'agir que nous nous trouvons dans cette
situation aujourd'hui. C'est justement pour rendre le régime
abordable et durable, pour les générations actuelles et pour celles de
demain, que nous agissons dès maintenant.
[Traduction]
Ceux qui tentent d'exploiter les craintes de la population pour
servir leurs intérêts politiques devraient être honnêtes envers les
Canadiens et leur dire ce qu'ils proposent, c'est-à-dire l'abolition
du RPC. Il est tout aussi irresponsable de tenter de transformer ce
débat en une lutte entre générations.
Les Canadiens sont convaincus de la valeur du RPC et ils veulent
le conserver comme régime de pensions public, et c'est ce que nous
faisons. Voilà ce que c'est, le leadership politique.
8271
QUESTIONS ORALES
(1415)
[Français]
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, on croyait avoir tout vu avec ce gouvernement, mais on
n'est pas au bout de nos peines, semble-t-il.
Voilà que dorénavant, les créateurs et les artistes canadiens
pourront obtenir une aide financière du ministère des Affaires
étrangères pour leurs tournées à l'extérieur du pays uniquement et
seulement s'ils font la promotion de l'unité canadienne. Voilà que le
gouvernement fédéral a décidé d'imposer ses visées politiques à la
création artistique. Du jamais vu, de l'incroyable.
Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine. Comment la
ministre du Patrimoine, qui est responsable de la culture, c'est elle
qui en a la responsabilité pour le gouvernement canadien, peut-elle
permettre que le gouvernement impose des critères politiques au
travail de création des artistes canadiens et québécois?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à la
question de mon ami d'en face. Il a dit, dans sa question, que les
fonds seraient accordés si on répondait à un critère unique. C'est
tout à fait inexact.
Il y a, et mon collègue, le ministre des Affaires étrangères y a fait
référence hier, une série d'objectifs. Il n'est pas du tout nécessaire
de rencontrer la totalité des objectifs, et je soupçonne que le député
d'en face le sait fort bien. Il n'y a qu'une liste d'objectifs, et je vous
en cite un: présenter le Canada comme un pays bilingue composé de
cultures diverses. Est-ce que le député d'en face est contre, par
exemple, le fait que nos artistes aillent présenter la diversité
canadienne à l'étranger? Je ne pense pas.
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, j'ai mon voyage! Le ministre est en train de nous dire
qu'il y a effectivement un critère, et que si tu ne défends pas l'unité
canadienne, tu n'auras peut-être pas ta bourse, peut-être que tu vas
l'avoir, on ne sait pas, c'est la volonté du gouvernement.
Comment le ministre responsable de la Francophonie, adjoint
aux Affaires extérieures, et je ne sais trop à quel titre il me répond,
peut-il prendre avec désinvolture un programme qui tente de mettre
sous tutelle tous les artistes canadiens et, on le sait, les artistes
québécois aussi, qui sont particulièrement visés?
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, c'est précisément le contraire de ce
que je viens de dire au député d'en face. Je lui ai dit clairement qu'il
ne s'agissait pas de critères. Qui plus est, pour les objectifs que j'ai
énoncés-il y en a six-il n'y a aucune exigence de rencontrer tous
ces objectifs.
8272
Il y en a un, le député l'a dit, qui parle d'unité nationale. Un autre
parle de la diversité. Est-il contre la diversité? Un autre, par
exemple, est celui de présenter la culture à l'étranger. Un autre est
celui de parler des exportations culturelles et autrement à l'étranger.
Voilà, il y a tout un éventail, et dans cet éventail, je suis
convaincu que chacun pourra trouver là des mesures par lesquelles
on pourra véhiculer le message de la diversité canadienne à
l'étranger.
M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le
Président, si on vivait un épisode d'Astérix, on dirait: «Ils sont fous,
ces Romains.»
Des voix: Bravo!
M. Gauthier: N'ayez crainte, monsieur le Président, je n'irai pas
au-delà du Règlement, vous le savez. Vous connaissez mon respect
pour le Règlement de cette Chambre.
Le ministre est en train de nous expliquer qu'ils ont mis ce
critère, mais que ce n'est pas nécessaire de le respecter. Ils ont mis
ça par hasard, comme ça, sur les feuilles, l'unité canadienne, mais
ce n'est pas grave si on ne promeut pas l'unité canadienne. Ça n'a
pas de bon sens ce qu'il vient de nous répondre.
Je lui pose une autre question: Est-ce que le ministre va avouer
que le gouvernement a deux objectifs en mettant ce critère
précisément, un nouveau critère que devront respecter les artistes?
D'abord, ils veulent contrôler politiquement la création au Canada,
et deuxièmement, ils veulent réduire substantiellement l'aide aux
créateurs québécois qui, de l'avis du gouvernement, ne sont pas
suffisamment portés à la promotion de l'unité nationale.
(1420)
L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération
internationale et ministre responsable de la Francophonie,
Lib.): Monsieur le Président, je pense que le chef de l'opposition
officielle est en train de s'exorciser un peu trop. Je le remercie pour
sa leçon culturelle en citant Astérix.
Le député d'en face doit savoir, et je le lui ai dit tantôt, qu'il ne
s'agit clairement pas de critères qui doivent être tous appliqués. Il
ne s'agit même pas de critères du tout. Il n'y a aucun prérequis.
Nous respectons la liberté des artistes, et ça, c'est clair.
Ce qu'il y a ici, ce sont tout simplement des objectifs. Un de ces
objectifs est la diversité. Le député d'en face parle d'un autre. Est-il
contre la diversité culturelle et l'excellence culturelle?
Je crois que M. Léveillée, que Mme Edith Butler et plusieurs
autres sont d'excellents exemples de cette diversité culturelle au
Canada. Et j'espère que mon ami d'en face est d'accord avec moi
que ces gens-là son excellents dans leur domaine.
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le
Président, ce gouvernement fait des coupures majeures dans la
culture, mais bizarrement, il trouve toujours de l'argent pour des
campagnes de propagande. La dernière trouvaille de la ministre du
Patrimoine, c'est de proposer une trousse de propagande sur le
Canada destinée aux écoles.
Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine: Le fédéral
avait promis de se retirer des champs de compétence provinciale.
Alors, pourquoi la ministre y plonge-t-elle de plain-pied en
gaspillant les fonds publics avec son kit de propagande pour les
écoles, alors que son collègue des Finances, lui, coupe carrément
dans les paiements de transfert destinés justement à l'éducation?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du
Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, lors d'une
rencontre des ministres des Affaires culturelles en Saskatchewan,
l'an dernier, une des questions qui ont été posées par ces ministres
provinciaux était le manque d'accessibilité au matériel canadien
dont ils peuvent se servir dans les écoles.
L'an dernier, j'ai fait préparer une trousse. . .
Mme Tremblay: Vous n'avez pas le droit de la montrer.
Des voix: Oh, oh!
Mme Copps: . . .qui a tellement été bien accueillie par les
directeurs d'école, qu'après deux semaines, on a reçu des appels
téléphoniques de 3 000 directeurs d'école, y compris plus de 300
écoles au Québec qui, eux, ont fait la demande pour obtenir la
trousse.
M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Ça n'a pas de bon
sens, monsieur le Président!
Après la campagne des drapeaux, après le Bureau d'information
du Canada, après les quiz à la télévision, voilà que la ministre du
Patrimoine en est rendue à vouloir endoctriner les élèves à la
prématernelle.
Où la ministre va-t-elle s'arrêter? Quand allons-nous voir la
feuille d'érable sur les couches?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du
Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'ai accepté le
défi des ministres des Affaires culturelles qui nous ont demandé,
comme gouvernement du Canada, de fournir des informations
volontaires aux directeurs d'école.
Par la suite, j'ai envoyé une lettre aux directeurs d'école, les
informant de cette trousse, au sujet de laquelle j'ai eu une
incroyable réponse. J'aimerais citer, pour fins de référence, le
président de la Fédération des directeurs d'école du Québec, qui a
déclaré aujourd'hui, et je cite: «C'est aux directeurs d'école de faire
preuve de discernement dans leur décision de commander ou non
une trousse pédagogique multimédia.»
Je laisse toujours la liberté aux directeurs d'école. Ce que nous
faisons, nous fournissons les informations. C'est tellement
populaire, qu'après deux semaines, il faut en refaire 5 000 autres.
* * *
[
Traduction]
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, une augmentation de 70 p. 100 des cotisations obligatoi-
8273
res au Régime de pensions du Canada, jusqu'à 10 milliards de
dollars de plus en recettes par année pour le gouvernement, 690 $ de
plus qu'on retranche des chèques de paie des Canadiens. Cela
ressemble drôlement à une taxe, mais pas de l'avis du ministre des
Finances.
(1425)
Hier, à la Chambre, le ministre a déclaré: «Il ne s'agit pas d'une
ponction fiscale; il ne s'agit pas d'une taxe.» Je voudrais que le
premier ministre nous dise si c'est bien la position du gouvernement
du Canada, s'il croit véritablement que les cotisations au Régime de
pensions du Canada ne constituent pas des charges sociales.
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur
le Président, le ministre des Finances a mentionné qu'il s'agit de
contribution que verse chacun des citoyens et des employeurs afin
d'assurer la survie du Régime de pensions du Canada pour les
générations à venir.
Le chef des réformistes affirme que le gouvernement précédent a
fait preuve de négligence et je partage son avis. Voilà pourquoi nous
sommes obligés de redresser la situation, à la demande des
gouvernements provinciaux. Il ne faut pas oublier que ce
programme est une initiative fédérale-provinciale.
Ce que nous avons fait semble plaire au gouvernement
conservateur de l'Ontario. Dans les journaux de la fin de semaine, le
ministre ontarien des Finances criait victoire.
Nous avons agi de la sorte pour remettre de l'ordre dans cet
aspect des finances publiques, dans ce programme
fédéral-provincial.
Les gens doivent comprendre que les gouvernements
provinciaux se servent de ces contributions pour financer leurs
activités. Voilà pourquoi ils voulaient que le problème soit réglé.
Nous avons agi en collaboration avec les gouvernements
provinciaux.
Le premier ministre de l'Alberta était ravi que le problème soit
réglé. Il voulait comme nous tous, comme l'Ontario et comme la
plupart des Canadiens, qu'on remette de l'ordre dans les finances
publiques de notre pays. Ce n'est pas le temps de ne pas dire toute la
vérité aux Canadiens.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, il faut donc conclure que, selon le ministre des Finances
et le premier ministre, les cotisations au RPC ne sont pas des taxes.
J'ai sur mon bureau un document qui traite de la croissance des
cotisations au RPC et au RRQ. L'auteur décrit clairement les
cotisations au Régime de pensions du Canada et au Régime de
rentes du Québec comme des charges sociales obligatoires. Il
explique que les augmentations appliquées aux charges sociales
entre 1986 et 1993 ont entraîné la perte de 26 000 emplois.
L'auteur, Joe Italiano, fait partie de la Division de l'analyse et des
prévisions économiques du ministère des Finances.
Que faut-il croire: la déclaration du ministre des Finances qui
soutient que les cotisations au RPC ne sont pas des charges sociales
et que leur augmentation n'a aucune incidence sur la situation de
l'emploi ou l'analyse de son propre ministère qui prouve tout le
contraire?
M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des
Finances, Lib.): Monsieur le Président, je commencerai par le
commencement et parlerai très lentement pour le bénéfice des
députés d'en face.
Il ne s'agit pas de recettes qu'empoche le gouvernement du
Canada. Le député induit les gens en erreur en affirmant le
contraire. Il induit les Canadiens en erreur.
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Collègues, je vous exhorte à éviter des expressions
comme «induire en erreur» lorsque vous posez des questions ou que
vous y répondez. J'invite le secrétaire parlementaire à répondre à la
question.
M. Campbell: Monsieur le Président, en déclarant que les
cotisations sont des taxes au lieu d'en décrire la véritable nature, ces
députés ont laissé aux Canadiens une mauvaise idée du programme.
Nous parlons ici de cotisations à un régime de pensions de l'État qui
rendent possible le versement des prestations accordées dans le
cadre de ce régime. Il ne s'agit pas de recettes qu'empoche le
gouvernement du Canada.
(1430)
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, le premier ministre a déjà dit qu'il abolirait la TPS et il a
rompu sa promesse. Il prétend que son gouvernement n'a jamais
augmenté les taxes et les impôts. Pourtant, ces charges sociales
viennent, à elles seules, d'être augmentées de 70 p. 100.
Bientôt, le premier ministre enverra ses troupes mener une
campagne électorale dans tout le pays. Partout où ses candidats
participeront à des réunions, ils seront hantés par les promesses
qu'aura rompues le premier ministre au sujet des emplois, au sujet
des taxes et des impôts, au sujet de l'intégrité du gouvernement.
Comment le premier ministre espère-t-il améliorer sa réputation
d'homme honnête et intègre quand il refuse d'admettre que les
cotisations au RPC sont des charges sociales et que l'augmentation
de 70 p. 100 des cotisations représente une ponction fiscale?
Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur
le Président, le secrétaire parlementaire a très bien expliqué ces
cotisations.
Je le répète, ce régime est une initiative fédérale-provinciale.
Nous ne pouvons modifier le régime à nous seuls. Il nous faut la
collaboration des provinces. Or, comme les provinces ont besoin
d'argent pour financer leurs activités, elles nous ont demandé
d'augmenter les cotisations à des niveaux raisonnables pour
l'avenir.
À l'heure actuelle, nous sommes aux prises avec un déficit. Le
chef du troisième parti dénonce toujours les déficits, mais lorsque
nous prenons des mesures pour remettre de l'ordre dans les finances
publiques, il ne nous appuie pas. C'est lui qui a fait volte-face. Il est
si désespéré qu'il tente d'acheter les votes des Canadiens avec leur
propre argent.
8274
[Français]
M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense
nationale.
Hier, questionné sur les activités d'espionnage dont aurait été
victime un diplomate du Québec à Washington par des officiers du
service militaire de l'Ambassade du Canada, le ministre des
Affaires étrangères a déclaré qu'il n'y avait aucune politique,
aucune directive qui ordonne l'espionnage de quelque représentant
du Québec que ce soit, dans quelque ambassade que ce soit.
Considérant que les deux officiers en cause ont possiblement
posé, de leur propre chef, des gestes illégaux en vertu de la
législation américaine, le ministre de la Défense peut-il nous dire si
ces officiers ont été suspendus et s'il a ordonné la tenue d'une
enquête sur les activités de son personnel militaire en poste à
l'Ambassade du Canada à Washington?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
je crois que le ministre des Affaires extérieures a expliqué, hier, de
façon très claire, que personne n'a agi comme espion dans cette
affaire et que rien de néfaste n'a été fait. Nous n'avons aucune
raison de croire que des actions aient été prises, selon la question du
premier ministre, qui auraient été illégales selon la loi américaine.
On sait que les allégations faites sont le résultat d'un malentendu
ou d'une différence d'opinion entre un employé du gouvernement
américain et ses patrons.
Pour notre part, comme l'a dit le ministre hier, il n'y a aucune
politique gouvernementale qui nous demande de faire de
l'espionnage vis-à-vis les gens d'un gouvernement provincial, que
ce soit au Québec ou ailleurs.
M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le
Président, je demande à nouveau au ministre de la Défense
nationale s'il y a eu une enquête ou non, et deuxièmement, s'il n'y a
pas d'enquête et qu'on n'est pas pour en avoir, comment fait-on
maintenant pour accorder les violons, alors qu'hier, le ministre des
Affaires étrangères nous disait que les allégations étaient sans
fondement et avant-hier, le ministre de la Défense nationale
lui-même nous disait que l'affaire devait être examinée?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
mon honorable collègue sait que cette information a été le résultat
de «rapportages», suite à des démarches entreprises par un employé
du gouvernement américain contre son patron.
Il a fait des allégations, portant sur des démarches qui auraient
été faites pour enquêter, à savoir si quelqu'un avait apparemment
assisté à un petit déjeuner.
Lorsqu'on parle d'espionnage, il faut quand même être sérieux.
Quant à moi, à ce moment-ci, je n'ai aucune raison de croire, basé
sur les faits connus, qu'il y ait eu des activités d'espionnage contre
la personne en question.
(1435)
[Traduction]
Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le
Président, d'après le secrétaire parlementaire, les cotisations au
RPC ne constituent pas une taxe, mais une contribution à un régime
de pension de l'État. Examinons donc un instant un régime privé de
retraite, le plus révoltant des régimes privés de retraite du Canada, à
savoir le régime de retraite des députés.
Les Canadiens paient maintenant deux fois plus pour une maigre
pension de 9 000 $ par année dans le cadre du RPC. Grâce au
gouvernement, des gorets parlementaires comme le député de
Sherbrooke et la vice-première ministre vont empocher de cinq à six
fois cette somme. C'est scandaleux!
Comment le premier ministre peut-il demander aux Canadiens de
payer 70 p. 100 de plus de leur maigre pension alors que ses
collègues libéraux et lui-même vont accepter béatement le généreux
régime de retraite des députés?
Une voix: Celle qui parle fait elle-même plus qu'une tranche de
bacon.
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et
ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le
Président, la députée mélange des pommes et des oranges. L'un n'a
rien à voir avec l'autre.
En veillant à ce que le Régime de pensions du Canada puisse
remplir ses obligations futures, le gouvernement s'assure, de
concert avec les provinces, que le régime sera durable. Quant au
régime de retraite des députés, nous l'avons réduit de 20 p. 100 et
nous en avons diminué le coût. Nous avons établi que les députés
doivent avoir 55 ans pour en bénéficier. Encore là, nous avons donc
vu à ce que le régime de retraite réponde davantage aux exigences.
Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le
Président, je suis peut-être un goret, mais j'ai décidé de ne pas
profiter du régime de retraite et les contribuables ne me doivent pas
un seul sou pour cela.
Des voix: Bravo!
Mme Grey: Je ne suis pas une profiteuse de régime de retraite.
J'ai décidé de ne pas y participer, Sheila, elle, de se dégonfler.
Le Président: Nous préférerions tous, je le sais, que les
remarques personnelles soient évitées. Je demanderais à la députée
de bien vouloir poser, sans autre préambule, sa question.
Mme Grey: Monsieur le Président, je voudrais poser la question
suivante au premier ministre: Pour être conséquent et juste à l'égard
de tous les Canadiens, à l'intérieur comme à l'extérieur de la
Chambre, le premier ministre annoncera-t-il aujourd'hui une hausse
immédiate de 70 p. 100 des cotisations au grassouillet régime de
retraite des députés?
L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et
ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Pré-
8275
sident, j'ai déjà dit que les prestations des députés élus après le12 juillet 1995 ont été réduites de 20 p. 100.
(1440)
Au cours du débat sur le projet de loi C-85, sur les allocations de
retraite des parlementaires, un député réformiste que je ne
nommerai pas a dit que les députés devraient recevoir une juste
rémunération, un juste salaire, que leur travail du niveau de cadre
supérieur méritait 150 000 $ par année. C'est ce que nous donnent
les réformistes.
* * *
[
Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le
Président, mon collègue de Bellechasse a demandé par deux fois au
ministre de la Défense nationale s'il y avait eu une enquête à la suite
des allégations portant sur le fait que des employés du service
militaire de l'Ambassade du Canada à Washington auraient eu
certaines activités illégales.
Je demande bien simplement une troisième fois au ministre de la
Défense nationale une question fort simple: Y a-t-il eu une enquête
de la part de son ministère pour vérifier ces allégations? Cela me
semble assez simple comme question.
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
évidemment, à la suite des déclarations qui ont été rapportées dans
les journaux, le ministre des Affaires extérieures et moi-même nous
sommes renseignés, parce qu'évidemment, il faut savoir ce qui se
passe, et il n'y a aucun doute, selon moi, basé sur les
renseignements que nous avons, qu'il n'y a eu aucun espionnage ou
tout autre activité qu'on pourrait qualifier d'espionnage dans la
situation à laquelle l'employé du gouvernement américain fait
allusion.
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le
Président, on vient d'avoir une réponse plus rapide par ce ministre
que par l'ex-ministre. Avec l'autre, il a fallu un bon deux mois avant
de savoir ce qui s'était passé en Somalie, du moins le début de ce qui
s'était passé.
Donc, s'il y a eu une enquête, il y a sûrement eu un rapport écrit
qui a été remis au ministre. Le ministre doit avoir pris sa décision
par la suite sur la base des rapports écrits.
Est-ce que le ministre, dans un souci de transparence, pourrait
rendre ce rapport public afin que les allégations qui sont faites et qui
ont l'air sérieux, puisqu'il y a des affidavits, afin qu'on sache
clairement que ce n'est pas vrai que le Canada agit comme ça et
qu'on mette fin à cette histoire? Est-ce que le ministre est prêt à
rendre ce rapport public, oui ou non?
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
comme je l'ai dit à trois reprises, lorsqu'on a appris, par la voie des
journaux, qu'un employé du gouvernement américain, lors d'un
différend avec son patron, alléguait qu'il y avait eu des discussions
concernant un représentant d'un gouvernement d'une province du
Canada, évidemment, on a demandé ce qui s'était passé exactement.
Selon les informations que j'ai reçues, qui sont très limitées
d'ailleurs, on me dit qu'il était question de savoir si le monsieur en
question assistait à un petit déjeuner.
Ce n'est pas quelque chose que je considère comme de
l'espionnage, même dans l'esprit des séparatistes.
* * *
[
Traduction]
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, l'augmentation des cotisations du RPC de 1 300 $ que
vient d'annoncer le gouvernement libéral, qui va entraîner la
disparition d'emplois, ne va que rafistoler le régime en portant un
coût terrible aux possibilités d'emploi offertes aux jeunes. Les
jeunes du pays, qui sont déjà aux prises avec une dette nationale de
600 milliards de dollars, vont maintenant être forcés de
subventionner la retraite de leurs aînés qui sont responsables de
l'endettement du pays. Cependant, comme il est toujours un régime
de retraite par répartition, le Régime de pensions du Canada n'est
pas durable.
Le gouvernement peut-il garantir qu'il n'y aura pas d'autres
augmentations des cotisations ni diminutions des prestations du
RPC?
M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des
Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons que donné
suite au souhait des Canadiens en leur fournissant un régime
durable à long terme. En relevant les taux de cotisation, nous
garantissons que les cotisations n'auront pas à être augmentées
autant qu'il aurait fallu le faire si nous n'avions pas pris cette
mesure maintenant. Aucun autre gouvernement n'a pris ce genre de
mesure auparavant. Les provinces sont d'emblée d'accord. Les
Canadiens bénéficieront du caractère durable du régime sur lequel
ils sauront pouvoir compter.
M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le
Président, c'est un peu comme si le gouvernement fédéral disait:
«Nous ne sommes pas coupables parce que nous ne faisons que
conduire la voiture servant à notre fuite.»
Les travailleurs les plus vulnérables, les jeunes, les derniers
embauchés et les premiers à être licenciés, feront les frais du
maintien du Régime de pensions du Canada. Les collaborateurs du
ministre eux-mêmes ont admis que les jeunes cotisants au RPC ne
toucheront pas une pension équitable du régime.
(1445)
Est-il juste de forcer les jeunes à verser presque 10 p. 100 de leur
revenu à un régime de pensions qui leur paiera une pension de loin
inférieure à ce qu'ils toucheraient s'ils avaient cotisé le même
montant à un REER?
M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des
Finances, Lib.): Monsieur le Président, j'ai expliqué-et peut-être
que je devrais parler plus lentement-qu'il est fondamental dans les
sociétés occidentales, depuis le tournant du siècle en particulier,
d'avoir des programmes comme un régime de retraite de l'État et
8276
des programmes d'assurance sociale. Tous les Canadiens, quel que
soit leur âge, sont d'accord là-dessus. Ils veulent avoir la certitude
qu'ils auront de tels programmes quand ils en auront besoin.
Par contraste, le député d'en face et ses collègues ont proposé une
combinaison de choses sur lesquelles ils pourront compter ou non à
un coût inconnu pour les Canadiens. Quand vont-ils nous dire
exactement combien tout cela nous coûterait?
* * *
[
Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma
question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration.
La ministre a décidé de reprendre les expulsions des
revendicateurs du statut de réfugié vers le Zaïre, alors même que ce
pays vit sous un régime autoritaire et fait face à une guerre civile. La
ministre fait preuve d'un manque flagrant de compassion et
d'humanité envers ces personnes persécutées.
La ministre peut-elle expliquer à cette Chambre en quoi la
situation politique au Zaïre s'est améliorée à tel point qu'elle peut
désormais reprendre les expulsions de réfugiés?
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, le comité consultatif
pour les renvois dans certains pays a étudié la situation du Zaïre très
particulièrement. Il a reçu plusieurs avis de personnes, ici même au
Canada et aussi à l'étranger.
Nous avons regardé un peu ce qui se passait dans les instances
internationales. Nous avons constaté que plusieurs pays continuent
à effectuer les renvois vers le Zaïre. Il est très clair que dans
certaines régions du Zaïre, de façon particulière dans l'est, nous ne
retournerons pas des gens vers cette région. Il en est autrement pour
d'autres régions du Zaïre, où c'est tout à fait possible.
Laissez-moi conclure en disant qu'aucune personne n'est
renvoyée vers le Zaïre avant qu'une évaluation de risque soit faite
de cette personne et que nous soyons assurés qu'elle retourne en
toute sécurité dans une des régions du Zaïre.
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, la
ministre, au lieu de se refugier, de se cacher derrière un comité
fantôme, devrait prendre ses propres responsabilités.
La ministre se rend-elle compte qu'elle commet une injustice
flagrante à l'égard des réfugiés zaïrois, dont le pays vit une
instabilité grave, alors qu'elle maintient la suspension des
déportations vers le Rwanda, le Burundi et l'Afghanistan?
L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, il n'est
aucunement question de retourner une personne dont la vie serait à
risque en la retournant dans certaines parties du Zaïre.
Par ailleurs, dans certaines régions du Zaïre, oui, les personnes
peuvent retourner en toute sécurité, et c'est pourquoi nous faisons
une évaluation individuelle. À l'image d'autres pays qui ont
exactement la même politique que le Canada, je peux vous assurer
que nous suivons la situation de façon très détaillée, et que si jamais
nous devons interrompre les renvois, nous le ferons. Jamais nous ne
mettrons en danger la vie d'une personne.
* * *
[
Traduction]
Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État responsable
des Sciences, de la Recherche et du Développement.
On sait que la recherche, la technologie, l'information et la
connaissance sont maintenant les moteurs de la croissance
économique. Que fait le gouvernement pour s'assurer que le Canada
ouvre la voie aux Canadiens qui s'acheminent vers le XXIe siècle?
L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche
et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest
canadien), Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement a une
vision d'avenir pour le XXIe siècle. Nous investissons dans les
sciences et la technologie et nous bâtissons une société de
l'information.
(1450)
Nous avons annoncé, la semaine dernière, de nombreux
programmes scientifiques à l'intention des jeunes. Nous avons
renouvelé le Plan spatial du Canada. Nous avons investi des
sommes considérables dans le Programme canadien de partenariats
technologiques. Avec des programmes comme le Réseau scolaire
canadien, CANARIE, le Projet d'accès communautaire et les
collections numériques, nous faisons en sorte que le Canada puisse
rapidement se mettre à l'heure de l'autoroute électronique. Nous
avons investi dans un fonds de recherche sur les services de santé,
nous avons mis sur pied un fonds de découverte médicale et nous
avons pris de nombreuses autres initiatives. Le vérificateur général
a dit que nous avons la meilleure stratégie de tous les temps en
matière de science et de technologie.
* * *
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il y
a maintenant 76 mois d'affilée que le taux de chômage dépasse les9 p. 100. Le chômage chez les jeunes reste à 17 p. 100. Tous les
programmes d'aide sociale et de création d'emplois mis sur pied par
le gouvernement ont été des échecs. Pourtant, la ministre des
Ressources naturelles aurait déclaré la semaine dernière en Alberta
que les souffrances étaient terminées. Elle veut revenir à la politique
libérale qui consiste à taxer et à dépenser pour créer des emplois.
Le ministre reconnaîtra-t-il que la stratégie d'emploi des jeunes,
qui est financée par les recettes fiscales, n'est qu'un programme
d'aide sociale de plus pour les sans-emploi et ne saurait en aucun
cas constituer une mesure sérieuse pour redonner du travail aux
Albertains et aux Canadiens?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des
ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, notre gouver-
8277
nement a été extrêmement heureux la semaine dernière d'être en
mesure de donner un peu d'espoir aux enfants et aux jeunes
sans-emploi qui veulent sincèrement faire quelque chose de leur
vie. C'est ce que les jeunes Canadiens réclament et c'est ce que nous
leur offrons.
Nous dépensons déjà deux milliards de dollars pour les jeunes
Canadiens. Nous avons annoncé deux nouveaux programmes qui
leur permettront d'acquérir une expérience pratique de travail et,
grâce à ces programmes, 110 000 jeunes Canadiens ne se
retrouveront pas dans la situation où ils sont «sans travail parce
qu'ils n'ont pas d'expérience» et «sans expérience parce qu'ils
n'ont pas de travail». Notre gouvernement fait beaucoup. Nous
devons faire plus, et c'est ce que nous ferons.
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, il
ne fait aucun doute que le gouvernement doit faire plus. Il doit
accorder des allégements fiscaux, pas créer davantage de
programmes financés par les recettes fiscales. Ces programmes ne
font que rendre les gens dépendants de l'aide sociale. Nous savons
et le gouvernement sait que ce sont les entrepreneurs qui créent des
emplois, pas la dépendance à l'égard de l'aide sociale.
C'est pourquoi je demande au ministre d'expliquer la
dépendance du gouvernement actuel à l'égard de l'aide sociale.
Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à tenter de régler le
problème de cette façon plutôt qu'à susciter les carrières
d'entrepreneurs dont nous avons besoin au Canada et à alléger le
fardeau fiscal des entreprises privées? C'est le secteur privé, et pas
le gouvernement, qui créera les emplois. Le ministre est-il prêt à
l'admettre?
L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des
ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député
devra examiner la stratégie de l'emploi avant de la commenter.
Nous créons des emplois. Nous créons des emplois grâce à des
partenariats avec le secteur privé et les organisations non
gouvernementales. Les stagiaires en milieu de travail ne seront pas
accueillis par le gouvernement, mais par les entreprises privées et
les organisations non gouvernementales.
[Français]
C'est la raison pour laquelle cette stratégie pour les jeunes qui
veulent justement trouver de l'emploi, qui veulent avoir une
expérience de travail est tellement appréciée partout à travers le
Canada. En partenariat avec le secteur privé et les organisations non
gouvernementales, nous allons donner à 110 000 jeunes Canadiens,
en partenariat avec eux, des expériences de travail pour briser le
cycle de «pas d'expérience, pas d'emploi et pas d'emploi, pas
d'expérience».
* * *
M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans,
BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la
Justice.
Le 26 novembre 1996, à une question de l'opposition officielle,
le ministre a reconnu avoir reçu une lettre du ministre de la Justice
du Québec lui demandant un amendement au Code criminel,
amendement qui permettrait l'ouverture en eaux canadiennes des
casinos sur les croisières internationales. Le ministre s'était même
engagé à m'informer du résultat de ces consultations auprès de
l'industrie et des gouvernements provinciaux.
Puisque le ministre ne nous a toujours pas informés des récents
développements dans le dossier des casinos sur les croisières
internationales, est-ce que cela signifie qu'il a tout simplement
décidé d'abandonner le projet?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Non, monsieur le Président. Comme je
l'ai dit à la Chambre, il y a quelques mois, nous avons reçu une
proposition de la province de Québec concernant les casinos
flottants.
(1455)
Comme l'honorable député le sait, cela nécessite une
modification au Code criminel. Le ministère de la Justice a amorcé
des consultations auprès des provinces, des territoires, des
autochtones, de l'industrie et des autres personnes intéressées.
Nous sommes maintenant en train de discuter de tous les aspects
de cette question avec les personnes concernées. Dans les mois à
venir, je suis confiant que nous aurons une position à exprimer.
M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans,
BQ): Monsieur le Président, j'aimerais rappeler au ministre qu'il
est question de «jobs, jobs, jobs», comme nous le promettait le livre
rouge des libéraux, lors de la dernière campagne électorale.
Donc, avec la réponse du ministre, dois-je comprendre qu'il
appuiera le projet de loi que j'ai déposé à la Chambre la semaine
dernière?
L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur
général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à mon avis, il est
très important de terminer ce processus de consultation. Comme je
l'ai dit à la Chambre, la question touche à plusieurs intérêts. Je
préférerais avoir les résultats de cette consultation avant d'exprimer
une position.
* * *
[
Traduction]
M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.):
Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale est en
train de se faire la réputation d'un homme qui s'ouvre la bouche
avant que son cerveau. . .
Des voix: Oh, oh!
Le Président: Le député de Parry Sound-Muskoka.
* * *
M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur
le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.
8278
Le ministre peut-il imaginer ce que c'est que d'être un exploitant
d'entreprise touristique dans ma circonscription qui, en mai, se
prépare pour un été très occupé et est soudainement inondé de
questionnaires d'enquête envoyés par une demi-douzaine de
ministères du gouvernement? Je sais qu'il est important de recueillir
des renseignements, mais le ministre pourrait-il dire à la Chambre
ce qu'il fait pour s'assurer que ce fardeau administratif ne nuit pas
aux affaires?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, les propriétaires de petites
entreprises d'un bout à l'autre du Canada nous ont dit qu'ils
s'inquiétaient du nombre de questionnaires d'enquête qu'ils
reçoivent.
À notre demande, Statistique Canada a accepté de travailler avec
les propriétaires de petites entreprises pour qu'ils puissent choisir le
moment de l'année qui leur convient le mieux pour remplir ces
questionnaires d'enquête. Les propriétaires de petites entreprises
savent à quel point il est important, non seulement pour le
gouvernement fédéral mais aussi pour les gouvernements
provinciaux et les administrations locales, que Statistique Canada
ait des renseignements adéquats qui serviront de base aux décisions
stratégiques qui seront prises.
Au cours des deux dernières années, Statistique Canada a pris des
mesures pour réduire de plus de 15 p. 100 le fardeau qu'il impose
aux petites entreprises.
* * *
M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le
Président, ma question s'adresse au premier ministre.
L'actuel premier ministre a déclaré à la Chambre des communes,
le 1er avril 1993, que le Canada ne devait pas se liguer avec les
compagnies pharmaceutiques multinationales en adoptant le projet
de loi C-91 aux dépens des Canadiens pauvres et malades qui
avaient besoin de médicaments. Les actuels ministres de la Santé et
de l'Industrie s'étaient joints à lui pour parler et voter contre le
projet de loi C-91.
Hier soir, le ministre de l'Industrie a dit aux Canadiens qu'un
gouvernement libéral ne raccourcirait pas la période de protection
des médicaments brevetés, ce qui permettrait aux Canadiens
d'économiser des milliards de dollars à l'achat de médicaments
d'ordonnance. Pourquoi les libéraux ont-ils fait volte-face et se
sont-ils rangés du côté des multinationales, aux dépens des
Canadiens qui ont besoin de médicaments d'ordonnance à prix
abordable?
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, ministre de
l'Agence de promotion économique du Canada atlantique,
ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien
et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional
(Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'espère que le député
écoute attentivement, car quelqu'un l'a de toute évidence induit en
erreur.
Le député sait que depuis l'époque à laquelle il faisait référence,
le Canada a adhéré, entre autres choses, à l'accord concernant
l'Organisation mondiale du commerce créée à la suite des
négociations de l'Uruguay Round. Or, l'article 33 de l'ADPIC signé
ultérieurement dispose que la période de protection ne peut se
terminer en-deça d'un délai de 20 ans à compter de la date de dépôt.
Je sais pourquoi le projet de loi C-91 a été tellement controversé.
J'étais ici pendant le débat de ce projet de loi. Je comprends
également à quel point il est important pour le Canada de participer
à des organisations de commerce internationales comme
l'Organisation mondiale du commerce, en particulier si l'on tient
compte de l'importance des marchés d'exportation pour notre
économie.
(1500)
J'invite le député à investir ses efforts dans les travaux du comité
de l'industrie qui examine le projet de loi C-91 mais en même temps
à comprendre le contexte dans lequel se déroule cette étude.
Le Président: J'ai reçu un avis écrit m'informant que le député
de Saskatoon-Clark's Crossing désire soulever la question de
privilège. Je vais entendre le député et je passerai ensuite aux
rappels au Règlement.
* * *
M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD):
Monsieur le Président, je soulève la question de privilège à la suite
d'une réponse que le ministre de la Justice a donnée hier à une
question.
Ce n'est pas une question d'interprétation, ce qui en ferait autre
chose qu'une question de privilège. C'est clair que le ministre a dit
quelque chose qui ne correspond pas à la réalité.
Je vais vous lire ce que le ministre a dit, selon le hansard d'hier. Il
parlait de services utilisés relativement à l'affaire Airbus. Il a dit:
«. . .tous les services qui ont été rendus étaient conformes à ce qui
était prévu dans le contrat.»
J'ai ici une copie du contrat, et l'on voit clairement que ce n'est
pas vrai que ces services ont été rendus conformément au contrat. Je
peux le lire, s'il convient de le faire.
Le Président: Je me demande si le député pourrait préciser quels
sont exactement les privilèges auxquels on a porté atteinte.
M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Oui, monsieur
le Président. Je crois qu'il est contraire aux privilèges des députés
ou de quiconque à la Chambre d'être induit en erreur, et surtout si
c'est par un ministre.
Le Président: Avec tout le respect que je dois à mon collègue, je
dois dire que nous semblons nous engager dans un débat sur cette
question. Le député a mentionné qu'une déclaration avait été faite.
D'après ce que je comprends, il n'est pas d'accord avec le contenu
de cette déclaration. Habituellement, les échanges propres à la
période des questions donnent lieu à des questions auxquelles les
ministres ou secrétaires parlementaires donnent des réponses. C'est
le principe même de la période des questions. Ce n'est sûrement pas
8279
au Président de décider quelles interventions visent à induire en
erreur, pour reprendre les mots du député.
Le député n'a peut-être pas reçu la réponse qu'il attendait ou qu'il
aurait espérée, mais je serais mal placé pour déterminer si une
déclaration induit les députés en erreur ou non.
Pour le moment, à moins que le député puisse préciser davantage
de quel privilège il s'agit, nous avons une question et une réponse et
nous devons tenir pour acquis que nous sommes tous honnêtes et
que la réponse a été donnée de bonne foi. Je voudrais que l'affaire
s'arrête là.
Nous passons à un rappel au Règlement.
* * *
(1505)
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le
Président, durant la période des questions, lors d'un échange entre
la députée de Beaver River et la partie gouvernementale, la députée
de Beaver River a fait remarquer qu'elle avait renoncé à une
pension parlementaire de 1,4 million de dollars pour une question
de principe.
On a clairement entendu le ministre de la Défense nationale
dire-je ne répéterai pas ce qu'il a dit car c'est indigne de la
Chambre. Cependant, il devrait retirer ce qu'il a dit et avoir honte de
sa conduite à la Chambre aujourd'hui.
Le Président: Encore une fois, avec tout le respect que je vous
dois, je n'ai entendu aucun propos antiparlementaire.
M. Williams: Nous l'avons tous entendu.
Le Président: Je vais revoir les bleus pour déterminer si des
propos antiparlementaires ont été tenus et à qui ils étaient adressés.
J'en reparlerai à la Chambre s'il y a lieu. Je reverrai les bleus et
j'écouterai les enregistrements pour déterminer si des propos
antiparlementaires ont été tenus et qui les a tenus à propos de qui.
C'est ainsi que nous procéderons. J'en reparlerai au député s'il y a
lieu.
M. Strahl: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.
Le Président: S'agit-il d'une autre question?
M. Strahl: Oui, Monsieur le Président. Pourriez-vous expliquer
à la Chambre quelle est la différence entre des propos
parlementaires ou antiparlementaires et des remarques visant à
blesser une personne? Y a-t-il une différence?
Le Président: J'ai dit que j'allais revoir les bleus pour
déterminer si des propos antiparlementaires avaient été tenus. Cette
question relève de ma compétence.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le
Président, je voudrais que vous m'informiez, quand vous dites que
vous allez revoir les «bleus», si on peut bien s'assurer que les bleus
ne seront pas modifiés avant que vous puissiez les voir.
Le Président: Oui.
[Traduction]
M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président,
mon rappel au Règlement porte sur la décision concernant mon
collègue d'Okanagan-Similkameen-Merritt. J'aimerais
comprendre ce qui a motivé cette décision. . .
Le Président: Je répète très respectueusement que, selon moi,
les commentaires menaient droit à l'utilisation d'un langage non
parlementaire. . .
Des voix: Oh, oh!
(1510)
M. Benoit: Les commentaires allaient mettre le gouvernement
dans l'embarras, voilà tout.
M. White (Fraser Valley-Ouest): Cela ne s'est pas produit.
Le Président: . . .et je dois répéter respectueusement qu'une
décision a été prise et qu'elle tient toujours.
M. Hart: J'invoque le Règlement.
Le Président: S'agit-il du même recours au Règlement?
M. Hart: Oui.
Le Président: Je me suis prononcé à ce sujet. Je donne la parole
au député de St-Albert pour un autre recours au Règlement.
M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président,
malgré tout le respect que je vous porte et que je porte aussi au poste
que vous occupez, je tiens à préciser que, du point de vue du Parti
réformiste, il semble qu'il existe deux poids deux mesures dans le
déroulement des travaux. . .
Des voix: Oh, oh!
M. Zed: Comment osez-vous?
M. Hart: Comment se fait-il que nous entendions si bien de ce
côté de la Chambre, mais que le son se rende si mal de l'autre côté?
Pouvez-vous entendre ce que je dis maintenant?
M. Speaker (Lethbridge): Nous avons tous entendu les
commentaires de Doug.
M. Strahl: Nous avons déjà reçu des appels téléphoniques à ce
sujet. Tous les gens les ont entendus.
Le Président: Mon cher collègue de St-Albert, comme vous le
savez, lorsque la présidence prend une décision c'est au nom de tous
les députés.
Je sais bien que, dans le feu de l'action, il nous arrive parfois de
nous laisser emporter. Mais si vos remarques s'adressaient à la
présidence et si, comme je l'ai compris, vous avez dit que, en tant
que Président de la Chambre des communes, j'appliquais deux
poids deux mesures, je vous demanderais de vous lever et de vous
rétracter immédiatement, s'il vous plaît.
Des voix: Honte.
M. Williams: Monsieur le Président, je vais rétracter ce que j'ai
dis, si vraiment vous croyez que. . .
Le Président: Je vous remercie. J'accepte votre rétractation.
8280
Maintenant, j'ai une question pour vous. Votre rappel au
Règlement est-il différent de celui que j'ai tranché aujourd'hui?
M. Williams: Ce que je voulais dire, comme je l'ai déjà
mentionné, c'est qu'il y avait une certaine perception au sein du
Parti réformiste. Je n'ai d'aucune façon accusé la présidence
d'appliquer deux poids deux mesures. J'ai dit que c'était la
perception de notre parti, ce qui est différent.
M. McKinnon: Regardez les bleus.
Le Président: Je le répète, en ce qui vous concerne, collègue, je
suggère que nous laissions tomber l'affaire maintenant.
Je vais maintenant entendre un autre rappel au Règlement, le
député de Revelstoke-Kootenay-Ouest.
M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur
le Président, le rappel au Règlement que je fais porte sur la
procédure.
Lorsque la présidence examine les «bleus» pour voir si un député
a utilisé un langage antiparlementaire, la procédure normale devrait
être, si la présidence confirme le fait, de demander au député de
retirer sa déclaration.
(1515)
Étant donné que la déclaration que nous contestons-et qui a été
prononcée à l'endroit de la députée de Beaver River-a été faite
alors que le micro était ouvert et étant donné que la personne qui, à
notre connaissance, a fait la déclaration. . .
Le Président: Cher collègue, je me suis déjà engagé à examiner
les «bleus» et à écouter l'enregistrement. Je vais le faire. Je
m'adresserai à la Chambre si nécessaire. J'ai dit cela également.
Avez-vous un autre rappel au Règlement?
M. Gouk: Monsieur le Président, je ne voulais pas revenir sur ce
point, je voulais soulever un point de procédure. Ce que je voulais
dire, c'est que, lorsqu'un incident de ce genre se produit, lorsque la
déclaration est faite à micro ouvert et dirigée de façon agressive
contre un autre député, qu'il siège d'un côté ou de l'autre de la
Chambre, je prétends qu'il ne suffit pas que le député retire ce qu'il
a dit. Lorsque l'attaque est faite ouvertement, on devrait exiger des
excuses.
Le Président: Là encore, cher collègue, une rétractation à la
Chambre est une reconnaissance du fait que ce qui a été dit était
antiparlementaire. À mon avis, cela représente peut-être les excuses
que le député voudrait avoir.
8280
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[
Français]
La Chambre reprend l'étude de la motion.
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, c'est
maintenant à mon tour d'intervenir sur le projet de loi C-79 qui vise
à apporter des modifications à la Loi sur les Indiens. Comme vous le
savez, cette loi date de plus de 100 ans et elle a été qualifiée, à
plusieurs occasions, comme étant une loi dépassée, qui ne convient
pas à la réalité, et surtout, qui ne satisfait pas aux besoins des
autochtones eux-mêmes.
Cependant, cette loi est tellement imparfaite qu'il faut la changer
et non pas simplement l'amender, comme veut le faire le ministre
des Affaires indiennes. Ce que le ministre veut faire, c'est le
contraire de ce que recommandait dernièrement la Commission
Erasmus-Dussault, c'est-à-dire la reconnaissance d'une injustice à
l'égard des Amérindiens.
À la Chambre des communes, je suis membre de deux comités.
J'ai d'abord participé aux travaux du Comité permanent du
développement des ressources humaines et je participe maintenant
à ceux du Comité permanent de la santé. Au Comité permanent du
développement des ressources humaines, nous avons fait une
tournée à travers tout le Canada et nous avons rencontré plusieurs
communautés amérindiennes.
Il m'a semblé évident, de par les témoignages entendus, non
seulement des Amérindiens eux-mêmes, des autochtones, mais
aussi des gens qui travaillent avec eux, que la population autochtone
était assaillie de problèmes de santé maintes et maintes fois
supérieurs à l'ensemble de la population canadienne.
Malheureusement, beaucoup de préjugés sont encore entretenus
à l'égard des Amérindiens. Au Comité permanent de la santé, et ma
collègue, la députée de Drummond, le sait, il y a eu maintes études
concernant la santé des autochtones. C'est assez déplorable et
même très décevant de constater que malgré ces études, malgré une
commission d'enquête qui a publié cinq volumes sur la condition
des autochtones, on aboutisse à un projet de loi qui ne vise qu'à
apporter des modifications à la Loi sur les Indiens, mais dans une
situation un peu terrible, embarrassante, paradoxale.
(1520)
Cette loi est contraire à beaucoup d'autres lois. Une loi doit
s'appliquer à tout le monde. Or, celle-ci créera dorénavant deux
sortes de citoyens autochtones: ceux qui seront assujettis à
l'ancienne loi et ceux qui seront assujettis à la nouvelle. Elle est
optionnelle. Elle ne va concerner que les bandes amérindiennes ou
les groupes autochtones qui voudront s'y soumettre, et s'y
soumettre avec des bonbons pour les attraper, pour qu'ils renient
leurs droits ancestraux. C'est ce que beaucoup d'Amérindiens ne
peuvent pas faire et ne feront pas.
8281
Malgré l'opposition de la très grande majorité des autochtones au
Canada, ce ministre décide d'aller de l'avant avec cette loi. Dans
quel but? Évidemment, pour donner, avant l'élection, l'impression
aux Canadiens qu'il a fait quelque chose. Il a osé changer une loi qui
existe depuis cent ans. Quel exploit extraordinaire. Mais c'est une
loi qui ne toucherait pas tout le monde, seulement ceux qui le
souhaitent.
A-t-on déjà vu ce genre de situation, une loi facultative, une loi
volontaire? C'est comme si on disait, au Québec, qu'on ne peut pas
rouler à plus de 120 kilomètres à l'heure; seulement ceux qui
rouleraient en deçà de cette limite seraient touchés par la loi et les
autres pourraient choisir une autre loi.
C'est une façon de faire inacceptable. Par contre, certains
pourraient dire que c'est intéressant, que toutes les lois devraient
être comme cela; ainsi, les gens pourraient mieux profiter de leur
liberté d'expression, on pourrait même dire de leur vitesse
d'adaptation. La loi ne fonctionne pas ainsi. Je n'ai pas compris que
la loi était ainsi faite.
Il faut qu'une loi s'applique à tout le monde. Ce que le ministre
veut faire, c'est jeter de la poudre aux yeux aux Indiens, c'est leur
cacher la réalité. Il veut montrer à l'ensemble des autres Canadiens
qu'il vient de faire quelque chose d'important, alors que dans les
faits, c'est une loi qui, dans la plupart des cas, ne serait pas
appliquée. Elle ne va rien changer, seulement donner l'impression
qu'il a fait quelque chose, un peu comme le ministre de la Santé qui
a fait le matamore avec son projet de loi C-71. Finalement, il se
garde tellement de portes de sortie avec cette loi qu'il n'est pas sûr
qu'on pourra l'appliquer.
Je ne sais pas si c'est parlementaire, mais je vais me risquer.
J'appelle cela de l'hypocrisie. C'est fallacieux tout au moins, c'est
trompeur, c'est jeter de la poudre aux yeux. On fait semblant de
faire quelque chose, alors qu'on sait d'avance qu'on ne fera rien. Ce
n'est pas une bonne mesure gouvernementale.
Il est temps que le gouvernement libéral aille en élection parce
que cela semble s'attraper, ça semble contagieux. Tous les ministres
veulent faire un petit quelque chose pour montrer qu'ils ont fait
quelque chose avant l'élection, avant qu'on les change de poste. On
sait que, si les libéraux reviennent au pouvoir, il y a un risque qu'ils
changent de poste. Ils pourront écrire dans leur curriculum vitae
qu'ils ont changé une loi vieille de cent ans. Sauf que l'histoire dira:
Cette loi n'a pas changé grand-chose puisque ne la suivaient que
ceux qui voulaient la suivre. C'est extraordinaire.
J'ai suffisamment fait d'humour sur un sujet sérieux. C'est
sérieux: 438 000 Indiens inscrits au Canada et le ministre veut faire
deux catégories, ceux qui suivent la nouvelle loi et ceux qui suivent
l'ancienne. Il y a déjà deux sortes d'Indiens. Il y a ceux qui ne sont
pas inscrits, 112 600 en 1991. De plus, il faut considérer qu'il y a la
population métisse, qui est au nombre de 139 491. Il y aussi 37 800
Inuits. Cela fait au total 720 000 individus.
Au Québec, c'est 69 300 personnes. C'est quand même 1 p. 100
de la population totale du Québec. Ce n'est pas parce qu'un groupe
ne représente que 1 p. 100 de la population qu'on ne doit pas s'en
occuper. Actuellement, le ministère des Affaires indiennes
maintient un système paternaliste, un système qui maintient les
Indiens, les autochtones du Canada dans un système de dépendance.
Ce que revendiquent les nations autochtones, c'est le contraire,
c'est plus d'autonomie.
Vous allez peut-être me dire qu'ils en veulent un peu trop, que
c'est une négociation. Nous, du Bloc québécois, avons toujours dit
qu'il fallait leur en donner plus.
(1525)
Le Bloc québécois, au lendemain du dépôt du rapport de la
commission d'enquête, a même déposé une motion à la Chambre
invitant le gouvernement libéral à le suivre en disant que les nations
autochtones sont des nations distinctes. En ce sens, on devrait leur
accorder des choses qui leur permettent d'affirmer leur distinction,
de préserver leur culture, mais surtout les moyens de tirer des
revenus qui les sortiront de cette indépendance pour qu'ils soient
enfin plus autonomes et qu'ils puissent gérer eux-mêmes des
services de santé.
C'est incroyable de voir les chiffres, que je n'énumérerai pas ici,
concernant le taux de suicide. Quel est le groupe au Canada dans
lequel le taux de suicide est le plus élevé? Les Amérindiens. Quel
est le groupe au Canada qui a le plus haut taux d'alcoolisme? Les
Amérindiens. En ce qui a trait à la drogue? Les Amérindiens. C'est
aussi ce groupe qui vit le moins vieux. Dans quel groupe se retrouve
le taux de mortalité le plus élevé? Chez les Amérindiens.
C'est tellement terrible que Lise Bissonnette, dans le quotidien
Le Devoir, écrivait ceci:
Or, l'histoire que contiennent les cinq volumes du rapport-en parlant de la
commission d'enquête-est dans l'ensemble celle d'un colonialisme intérieur qui fut
d'une rare brutalité et qui l'est encore, à une époque qui devrait en avoir fini avec le
racisme et l'exploitation. Les Nations Unies ont beau décerner au Canada la palme
du bonheur sur terre, il reste que tous les indicateurs sociaux, quand on les applique
aux seules nations autochtones parmi nous, dévalent vers le bas, sont ceux d'un tiers
monde au milieu de l'abondance. De la scolarisation à la santé en passant par
l'emploi, la règle est le sous-développement, d'un océan à l'autre. «Les autochtones
sont 90 fois plus susceptibles que les autres Canadiens d'être sans eau courante,
écrivent les commissaires. Dans les réserves, plus de 10 000 foyers n'ont pas de
plomberie intérieure.» Comment lire cela, parmi des centaines d'autres ignominies,
dans un des endroits les plus confortables de la planète, et continuer à accepter les
médailles?
Ou à faire comme le ministre des Affaires indiennes et les ministres
d'en face qui disent que nous sommes dans le meilleur pays au
monde.
On ajoute qu'actuellement, un enfant sur cinq vit sous le seuil de
pauvreté au Canada. On traite les autochtones de cette manière en
essayant de faire croire qu'on est dans le meilleur pays au monde,
alors que la situation se détériore.
Cet après-midi, le ministre des Finances va nous dire pourquoi il
a réussi à aller plus vite dans sa réduction de déficit budgétaire, que
c'est en coupant dans l'aide aux démunis, en coupant dans les
dépenses en matière de santé et dans les transferts aux provinces, en
coupant également dans les soins de santé aux autochtones. Va-t-on
maintenant nous faire croire que ça va bien, que c'est extraordinai-
8282
re? Non, monsieur le Président. Les autochtones, comme les
Québécois, comme les Canadiens pauvres méritent plus de justice.
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le
Président, je vous entretiendrai du projet de loi C-79, la Loi sur la
modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.
Ce projet de loi est une réforme de surface de la Loi sur les
Indiens adoptée il y a plus d'un siècle. Les amendements de la loi
affectent 45 des 120 articles de la Loi sur les Indiens et touchent
notamment les domaines suivants: les modalités de succession de
biens, les nouveaux pouvoirs aux conseils de bandes, les procédures
électorales, les infractions et le droit pénal sur les réserves.
Pour contourner l'opposition générale des Premières Nations à
toute modification de la Loi sur les Indiens, le ministère des
Affaires indiennes a décidé de rendre cette loi optionnelle et a réduit
considérablement le nombre d'amendements à la loi par rapport à la
réforme qu'il avait d'abord entreprise.
Le caractère optionnel signifie que seules les nations autochtones
qui le demanderont seront régies par cette nouvelle loi; les autres
demeureront sous le régime de la Loi sur les Indiens non modifiée.
(1530)
Laissez-moi vous dire que nous nous y opposons, car avec le
projet de loi C-79, le Canada renoue avec son passé colonial. En
effet, la Loi sur les Indiens visait à assimiler les autochtones. En
tentant de modifier cette loi du siècle dernier au lieu d'adopter une
nouvelle approche, le gouvernement ne rompt pas avec la politique
paternaliste qui prévalait au moment de l'adoption de la Loi sur les
Indiens.
Une nouvelle approche constructive avec les Premières Nations
est décrite dans le rapport de la Commission royale d'enquête
Erasmus-Dussault qui souligne le caractère désuet et rétrograde de
la Loi sur les Indiens. Dans leur rapport, les commissaires excluent
une quelconque modification de la Loi sur les Indiens comme une
voie souhaitable à suivre pour établir une nouvelle relation entre les
autochtones et les non-autochtones.
En somme, avec la révision de la Loi sur les Indiens, le ministre a
pris la mauvaise direction. En effet, il se borne à proposer une
réforme cosmétique de cette loi paternaliste, qui est rejetée par les
autochtones et qui est désuète dans son ensemble.
En décembre 1993, à la veille du dépôt en Chambre du projet de
loi C-79, le Bloc québécois a reçu les lettres de 542 communautés
autochtones sur plus ou moins 610 qui s'opposent au projet de loi
C-79, soit plus de 85 p. 100 des Premières Nations qui rejettent
catégoriquement le processus par lequel le ministre a rédigé ce
projet de loi.
Ce projet de loi affecte les intérêts et les droits des Premières
Nations du Québec et du Canada. En fait, il n'affecte que ces
communautés. Comment le gouvernement peut-il aller de l'avant
alors que son projet de loi soulève déjà l'opposition de la vaste
majorité de ceux à qui il s'appliquera? En cette période de
rationalisation budgétaire, le gouvernement ne devrait-il pas
impliquer ces minces ressources dans des projets qui recueillent
l'appui des communautés concernées? Pour qui travaille le
ministre?
Le ministre des Affaires indiennes prétend avoir le soutien des
Premières Nations dans sa démarche. De qui s'agit-il? Le ministre
n'a pas dévoilé les résultats de ses prétendues consultations. Il n'a
pas démontré avec transparence qui appuyait son initiative. Quand
on demande au ministre de qui il s'agit, quelles sont les
communautés qui appuient son projet, il nous répond que ce ne sont
pas de nos affaires. Si le ministre travaille pour l'intérêt de groupes
particuliers, il devrait avoir l'honnêteté d'indiquer au grand public
de qui il s'agit.
Les communautés qui rejettent le projet de loi C-79 l'ont signifié
publiquement. Nous avons dans nos bureaux les lettres signées de
chacune des organisations qui s'opposent au projet de loi et au
processus consultatif dont il est issu. Cette opposition, qui
rassemble plus de 85 p. 100 des communautés autochtones du
Québec et du Canada, démontre que les prétendus appuis du
ministre ne peuvent être que très minoritaires. C'est un
comportement absurde.
Très peu d'engagements promis aux autochtones par le Parti
libéral du Canada ont été respectés par ce parti, une fois l'élection
passée. D'ailleurs, même les autochtones qui ont participé à la
rédaction de cette plate-forme électorale dans le livre rouge ont tenu
à se dissocier publiquement du Parti libéral, après avoir constaté
l'attitude et le comportement de ce gouvernement envers les
Premières Nations une fois rendu au pouvoir.
En ce qui concerne le projet de loi C-79, nulle part dans les sept
pages de promesses fictives consacrées aux peuples autochtones
dans le livre rouge n'est-il question d'un renouvellement de la Loi
sur les Indiens. D'où sort cette initiative? Malgré cette absence, le
ministre des Affaires indiennes et le premier ministre ont quand
même réussi à briser les promesses du livre rouge en rédigeant, sans
réelle concertation, un projet de loi qui concerne strictement les
autochtones.
Je vais vous faire part d'une citation du livre rouge du Parti
libéral canadien qu'on retrouve à la page 94: «Un gouvernement
libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les
ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions
qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les
Métis.»
(1535)
Est-que quatre lettres envoyées à l'Assemblée des Premières
Nations en deux ans constituent une concertation plus vaste, selon
les standards du Parti libéral du Canada? Si tel est le cas, les groupes
d'intérêt du Québec et du Canada devraient se méfier si un
gouvernement libéral suggère de les concerter. Mais aux yeux du
Bloc québécois, il ne fait pas de doute que le gouvernement libéral
agit de façon absurde dans le dossier du projet de loi C-79.
En effet, ce gouvernement a élaboré unilatéralement, sans
consultations sérieuses, un projet de loi qui concerne directement
les autochtones. Une autre citation, à la page 94 du livre rouge du
Parti libéral du Canada, dit ceci: «Il est absurde d'élaborer unilaté-
8283
ralement des mesures budgétaires ou des politiques qui concernent
directement les populations autochtones.»
Dans les faits, c'est le coeur de ces engagements envers les
autochtones que ce gouvernement n'a pas respecté. À la page 94:
«un nouveau partenariat»; page 94 encore, «le respect mutuel»;
page 94 toujours, «un gouvernement libéral [. . .]veillera à les
associer aux processus décisionnels». Ce sont autant d'illusions du
livre rouge qui laissent un goût amer aux Premières Nations. Les
quelques lettres qu'elles ont reçues en guise de concertation visaient
simplement à les associer à un projet de loi dont elles n'ont pas pu
influer les orientations fondamentales.
Force nous est de constater que le terme «consultation» ne
signifie pas la même chose pour le Bloc québécois que pour ce
gouvernement. Pour le Bloc québécois, cela représente plus que
quatre lettres envoyées aux communautés autochtones et à leurs
représentants, dont le ministre des Affaires indiennes n'a jamais
voulu dévoiler les résultats. Une consultation implique deux parties
qui discutent et qui réfléchissent ensemble aux conséquences d'une
nouvelle loi. En effet, aucune rencontre formelle portant sur des
changements législatifs à la Loi sur les Indiens n'a eu lieu entre le
gouvernement et l'Assemblée des Premières Nations.
Cela aurait été plus complexe que d'écrire la loi à huis clos, mais
les solutions qui auraient émergé d'un tel procédé seraient plus
durables.
Ce gouvernement est-il en contradiction avec les conclusions du
Comité parlementaire Penner? Je regrette qu'il ne me reste qu'une
minute, parce que j'avais encore des choses à dire.
En conclusion, en refusant de mener des consultations en bonne
et due forme, le gouvernement a produit un projet de loi superficiel
qui ne résoudra aucun problème fondamental et qui, par conséquent,
ne satisfait pas la grande majorité des Premières Nations
concernées, les autochtones.
M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ):
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole
aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-79, la Loi modifiant
la Loi sur les Indiens. Par contre, je ne suis pas très fier de ce
gouvernement libéral pour ce qu'il a fait avec la question des
Indiens depuis les trois ans et demi qu'il a été au pouvoir.
Trois ans et demi dans l'histoire des Indiens, ce n'est peut-être
pas grand-chose au Canada, mais c'est la preuve que le
gouvernement libéral actuel a un manque de vision flagrant. On
présente un projet de loi qui, théoriquement, veut traiter de choses
qui sont assez importantes; on parle de modalités de succession des
biens, des nouveaux pouvoirs aux conseils de bandes, des
procédures électorales, des infractions et du droit pénal sur les
réserves.
Malheureusement, devant l'assaut d'opposition, je dirais, qu'on
a rencontré chez les groupes, plus de 500 groupes amérindiens sont
venus dire au gouvernement, et ils nous ont fait parvenir des copies
de ces lettres, qu'ils ne voulaient pas de ce projet de loi. Et je crois
qu'un constat doit être fait au Canada, et c'est valide aussi pour le
Québec.
Dans le passé, on n'a pas toujours traité les autochtones, les
Amérindiens, comme des adultes, et tenter d'avoir une relation
d'égal à égal avec eux. Le ministre, plutôt que de changer cette
façon de faire, la perpétue. Imaginez l'impact qu'aura le fait que
cette loi soit optionnelle, c'est-à-dire que des communautés
pourront être couvertes par la loi, alors que d'autres ne le seront pas.
(1540)
Vous vous imaginez évidemment que ce sera le bâton et la
carotte. On offrira des avantages particuliers à certaines
communautés pour qu'elles adhèrent à l'application optionnelle de
la loi. Il en découlera un accroissement de situations inacceptables
qui ont déjà été dénoncées, notamment par le vérificateur général du
Canada, concernant l'allocation des sommes, la façon dont l'argent
du gouvernement fédéral est accordé aux autochtones et la façon
dont ils l'utilisent.
On peut s'interroger sérieusement à savoir pourquoi le ministre a
fait ce choix. Pourquoi ne pas être allé en profondeur, ne pas avoir
analysé vraiment le fond de la question comme la Commission
royale d'enquête Erasmus-Dussault l'a fait dans une étude
approfondie? On peut ne pas être d'accord avec toutes les
recommandations de ce rapport, mais il s'agit d'une oeuvre
importante qui a envisagé l'ensemble de la situation. Pourquoi le
ministre arrive-t-il avec un projet de loi que j'appelle un projet de
loi cosmétique, électoral?
On veut pouvoir se promener pendant la campagne électorale en
disant: «Nous avons adopté une Loi modifiant la Loi sur les Indiens;
nous avions dit dans notre programme que nous le ferions et nous
l'avons fait.» C'est beau, la cosmétique électorale, mais ce n'est pas
pour ça qu'on a été élus.
On est élus pour, en bout de ligne, réaliser vraiment les
engagements qu'on met sur la table lors des campagnes afin de
pouvoir être crédible en tant que gouvernement. Dans ce domaine,
comme dans bien d'autres, le gouvernement libéral actuel fait ce
qu'on pourrait appeler une opération de camouflage. C'est comme
si on avait une vieille auto rouillée et qu'on décidait de mettre un
peu de peinture dessus pour cacher, le temps de la période
électorale, les taches de rouille qui vont ressortir.
La situation des Indiens au Canada est une situation beaucoup
plus grave et plus importante. Je vous lis la position adoptée par le
Parti libéral dans le livre rouge. On disait: «Un gouvernement
libéral s'engage à prévoir des concertations plus vastes entre les
ministres fédéraux et les autorités autochtones pour les décisions
qui touchent directement les Premières Nations, les Inuits et les
Métis.» Il y a 542 communautés qui s'opposent au projet de loi
C-79, donc 85 p. 100 des communautés. Quelque part, il y a un
manque de logique. C'est irrationnel. Cette décision du
gouvernement fédéral est même insultante pour les communautés
autochtones.
Il y a une autre phrase dans le livre rouge qui est encore plus
suave quand on la lit aujourd'hui: «Il est absurde d'élaborer
unilatéralement des mesures budgétaires ou des politiques qui
concernent directement les populations autochtones.» En ce
moment, on présente cette loi qui aura des impacts budgétaires et
politiques impor-
8284
tants, notamment à cause du caractère optionnel, et ce, sans l'appui
des communautés autochtones.
Si j'étais membre d'une communauté autochtone, je serais
encore plus abasourdi devant la façon dont le gouvernement du
Canada les traite. Il faut se souvenir que la Loi sur les Indiens est
une loi qui a été rédigée sur le même principe, la même structure
que la loi sur l'apartheid en Afrique du Sud. Cela découle d'une
grande sagesse de l'empire britannique, il y a plusieurs années.
Depuis ce temps, on n'est jamais allé au fond du problème, pour
savoir vraiment comment régler les difficultés avec les
communautés autochtones, les droits réels de ces communautés et
la façon de les traiter.
Aujourd'hui, le gouvernement libéral nous met devant une réalité
assez triste. Si cette loi est adoptée par le Parlement, les autochtones
pourront dire qu'une fois de plus, le gouvernement, comme dirais le
député de Mégantic-Compton-Stanstead, a décidé de pelleter le
problème, de passer à côté de la réalité actuelle.
Si j'étais un autochtone, je serais assez perplexe. À première vue,
je me demanderais ce qui fait que le gouvernement du Canada, qui
est supposé être mon défenseur, qui est prévu comme tel dans la loi,
adopte de telles lois, alors que les seuls qui prennent vraiment notre
défense sont les souverainistes québécois? Qu'est-ce qui se passe
dans ce Parlement pour qu'on soit rendu à des situations
semblables?
Une des réponses, c'est qu'au Québec, depuis plusieurs années,
on a commencé à traiter les communautés autochtones avec le
respect qu'elles méritent. On a commencé par leur reconnaître le
statut de nation, et ensuite, dans des péripéties pas toujours faciles,
on essaie toujours d'établir une relation qui évolue lentement dans
le cadre de négociations.
(1545)
Il ne s'agit pas simplement de respecter un engagement électoral
en faisant adopter un projet de loi pour qu'ensuite, pendant la
campagne électorale, on dise: «Vous voyez, cette promesse, la 82e
ou la 83e, a été respectée, ce qui accroît notre pourcentage à 82 p.
100 ou 83 p. 100.»
Des résultats quantitatifs comme ceux-là ne sont pas ce que le
peuple du Québec et du Canada, ce que les peuples autochtones
s'attendent à recevoir de leur gouvernement. Leur souhait est plutôt
d'aller au fond des questions, parce qu'il y a des problèmes sociaux,
des problèmes économiques importants qui résultent de l'inaction
du gouvernement canadien depuis plusieurs décennies dans ce
domaine. Celui-ci, qui annonçait des choses intéressantes dans son
livre rouge, n'a pu d'aucune façon livrer le produit.
Aujourd'hui, à la veille d'une campagne électorale, il nous place
devant un projet de loi tout à fait inacceptable. J'invite donc les
députés de la majorité à retourner consulter les 542 communautés
qui nous ont écrit pour nous dire qu'elles voulaient que le projet de
loi ne soit pas adopté, qu'elles voulaient qu'il soit rejeté. Elles nous
donnaient les raisons pour lesquelles elles voulaient qu'il soit
rejeté.
Chacun d'entre vous, de la majorité libérale, dans votre
circonscription respective, avant que la campagne électorale
n'arrive, pendant la période où le projet de loi sera soumis au comité
pour étude, devriez aller voir vos communautés et leur demander les
raisons pour lesquelles le projet de loi leur apparaît inacceptable.
Je suis certain que lorsque vous reviendrez de cette consultation,
de cette tournée, vous allez vous organiser pour que votre
gouvernement fasse au moins mourir ce projet de loi ou ait le
courage d'en proposer un qui transforme de fond en comble la
relation avec les autochtones à l'intérieur du Canada, de telle façon
qu'on puisse effacer ce problème majeur. Il faut solutionner un
problème qui entache la qualité de vie démocratique qu'on a dans ce
pays, parce que ce n'est pas avec une solution comme le projet de loi
C-79 qu'on va arriver à des conclusions intéressantes.
Je dirais, en terminant, qu'il faut absolument que tout projet de
loi qui parle de relations avec les autochtones mette comme
principe de base de les traiter en adultes et de respecter leurs droits.
C'est pour cela que le Bloc québécois se place à leur défense contre
ce projet de loi, qui est inéquitable.
Le président suppléant (M. Milliken): Je reconnais maintenant
l'honorable député de Compton-Stanstead. . .
M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead):
Mégantic-Compton-Stanstead, monsieur le Président.
Le président suppléant (M. Milliken): Comme toujours, j'ai
oublié la première appellation.
M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ):
Monsieur le Président, peut-être que vous présumez du résultat de la
prochaine élection, et c'est pour cela que vous me désignez sous
l'appellation de député de Compton-Stanstead. En effet, après la
prochaine campagne électorale, mon comté, qui a été modifié
considérablement et amputé de la section de Mégantic, portera le
nom de Compton-Stanstead.
Je vois donc en vous un visionnaire qui déjà reconnaît que non
seulement je serai réélu dans le comté de Compton-Stanstead,
mais que le Bloc québécois se retrouvera ici en force après les
prochaines élections pour, on le sait, défendre les intérêts des
Québécois et des Québécoises.
Mon collègue, qui ne veut qu'entendre la vérité, a parfaitement
raison, et c'est ce que je vais tenter de faire au cours des quelques
minutes qui viennent. Je vais tenter d'expliquer quelle est la vérité
par rapport au projet de loi C-79.
D'abord, permettez-moi de prendre quelques secondes de mon
temps pour rendre hommage à mon collègue qui s'acquitte de sa
tâche de porte-parole en matière d'affaires indiennes avec un brio
qui est reconnu par l'ensemble des intervenants concernant cette
question, qui en est une fort délicate et importante, non seulement
pour l'avenir des communautés autochtones, mais pour l'avenir de
nos communautés respectives, c'est-à-dire le peuple québécois et le
peuple canadien.
On ne peut traiter de cette question à la légère, comme le
gouvernement libéral le fait depuis déjà des décennies, je dirais
même depuis la fondation même du Canada, c'est-à-dire en niant la
réalité. On vient d'assister, au cours des dernières années, à une
étude qui
8285
n'a aucun précédent en cette matière et je dirais dans l'ensemble de
l'activité gouvernementale.
(1550)
Je parle naturellement du rapport Erasmus-Dussault qui a été
déposé, il y a quelques mois à peine. Cette étude a duré des années,
elle a fait le tour de la question autochtone et elle a proposé, dans ses
recommandations, un plan d'ensemble. C'était la caractéristique, et
ce l'est encore, de ce rapport Erasmus-Dussault de proposer un plan
d'ensemble quand on aborde la question autochtone.
Je ferai également remarquer qu'outre mon collègue de
Saint-Jean qui, je le rappelle, a fait un travail et continue de faire un
travail extraordinaire en cette matière, le gouvernement du Québec
a également pris des positions dans le passé qui allaient dans le sens
des attentes et des demandes des nations autochtones au Québec. Je
me réfère au gouvernement de l'ex-premier ministre, René
Lévesque.
Ce fut le premier gouvernement en Amérique du Nord à
reconnaître les nations autochtones pour ce qu'elles étaient,
c'est-à-dire des peuples, des gens qui avaient et qui ont une culture
différente, qui veulent vivre en développant, en faisant en sorte que
cette culture puisse prendre plus d'importance, non seulement pour
leur propre communauté, mais également influencer les
communautés avec lesquelles ils cohabitent. Au Québec, on a été
les premiers, en tant que peuple, en tant que gouvernement, à
reconnaître ce fait. C'est important de le rappeler.
Il faut également rappeler, au-delà de toute partisanerie, que le
gouvernement du Québec, le gouvernement libéral de Robert
Bourassa, dans les années 1970, a été également le premier
gouvernement à négocier une entente avec une nation autochtone,
les Inuits du nord du Québec concernant le développement de la
Baie James, une entente qui, sans être parfaite, a constitué un
précédent historique, faisant en sorte que des peuples, une nation
autochtone en l'occurrence, soient considérés comme tels, comme
un interlocuteur valable et pouvant décider pour son peuple, ce qui a
amené à l'Entente de la Baie James, qui a été, à plusieurs occasions
dans le passé et c'est le cas encore maintenant, cité en exemple.
Je vais référence à ces deux prises de position pour signaler qu'on
peut, en tant que peuple, vouloir assurer son avenir. On peut, en tant
que peuple, vouloir se développer tout en respectant les peuples
avec lesquels on cohabite et on vit. C'est l'exemple que l'on doit
retenir des positions antérieures prises par les gouvernements du
Québec dans le cas des communautés autochtones.
Ce que l'on a devant nous maintenant ressemble davantage à un
travail bâclé. C'est-à-dire qu'à la suite de la Commission
Erasmus-Dussault, qui a coûté au-delà de 50 millions de nos taxes,
qui a produit un rapport de milliers de pages avec des centaines de
recommandations qui proposent un plan d'ensemble, au lieu de
cela, on arrive avec une proposition du gouvernement libéral, à la
toute veille des élections, proposition qui est bâclée. Ce
gouvernement ne veut pas retourner en campagne électorale sans
pouvoir dire qu'il n'a rien fait dans le dossier autochtone. Donc, le
projet de loi C-79 veut régler à la pièce un certain nombre de
problèmes.
Ce n'est pas de cette façon que cela doit être fait, et je considère
que c'est presque une insulte pour les peuples autochtones de
procéder de cette façon. Ce n'est pas comme cela qu'on va régler les
problèmes que l'on vit avec les nations autochtones en tant que
gouvernement. Il faut reconnaître leur existence, leur réalité et
reconnaître aussi le rapport Erasmus-Dussault qui est, en ce sens,
très important, très enrichissant, et c'est en s'assoyant avec ces
communautés qu'on définira leur avenir.
(1555)
C'est la seule façon logique et intelligente de procéder dans ce
dossier comme dans l'ensemble des dossiers. C'est ce que mon
collègue de Saint-Jean, au nom du Bloc québécois, propose.
Ce n'est pas vrai qu'on va accepter d'appuyer un projet de loi qui
ne constitue même pas le début d'un balbutiement d'un règlement
honorable par rapport aux demandes faites par les nations
autochtones. Il faut que le gouvernement, dont son ministre, qui n'a
pas l'habitude de s'asseoir et de consulter, prenne cette habitude. Il
faut s'asseoir avec les nations autochtones, voir avec elles et leurs
représentants ce qu'elles souhaitent, comment elles veulent que
l'on planifie les changements nécessaires qui doivent intervenir
dans les relations entre le gouvernement fédéral et l'ensemble des
communautés.
Est-ce que le député de Saint-Jean, qui a convaincu ses collègues,
dont je suis, de la justesse de cette proposition, est maintenant le
seul, sommes-nous les seuls à voir ainsi le règlement des problèmes
des communautés autochtones? Non.
Mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup le soulignait
tout à l'heure, et il n'est pas superflu de le rappeler de nouveau, on
sait que les représentants du gouvernement libéral ont, c'est le
moins qu'on puisse dire, l'oreille dure et, parfois, la compréhension
douloureuse, ce qui fait qu'il faut répéter plus d'une fois les mêmes
choses pour parvenir à tout le moins à leur faire comprendre, ou à
être entendus par le gouvernement.
Il est important, dans ce dossier, de rappeler que 542
communautés sur un total de plus ou moins 610, non pas au Québec
mais dans l'ensemble du Canada, s'opposent au projet de loi; 85 p.
100 des Premières Nations rejettent catégoriquement le processus
proposé par le ministre.
Je vais conclure sur cette remarque que je viens de faire: 85 p.
100 des communautés autochtones, des Premières Nations, rejettent
le processus proposé par le ministre. Qu'à cela ne tienne, le
ministre, dans son entêtement, et ce gouvernement, veulent aller de
l'avant. Le ministre et son gouvernement vont bâcler ce projet de
loi, simplement à des fins électoralistes, pour pouvoir dire en
campagne électorale qu'ils ont commencé à s'occuper du dossier
autochtone. On va dénoncer cette situation maintenant et pendant la
prochaine campagne électorale.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle
prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
8286
Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre
d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui
appuient la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le président suppléant (M. Milliken): Que tous ceux qui s'y
opposent veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Milliken): À mon avis, les non
l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le président suppléant (M. Milliken): Convoquez les députés.
(1600)
Et la sonnerie s'étant arrêtée:
Le président suppléant (M. Milliken): À la requête du whip en
chef de l'opposition, le vote par appel nominal est différé jusqu'à
demain, à la fin des ordres émanant du gouvernement.
* * *
[
Traduction]
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 12 février, de la
motion: Que le projet de loi C-23, Loi constituant la Commission
canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en
conséquence, soit lu pour la troisième fois et adopté.
M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, je
me réjouis de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de prendre
part au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-23,
Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Il convient de noter que ce projet de loi constitue le premier effort
consenti en 50 ans pour redéfinir les relations existant entre la
population canadienne et son gouvernement dans l'industrie
nucléaire. Le fait qu'il s'agit du premier effort accompli en 50 ans
constitue pour le Parti réformiste un motif suffisant pour accorder à
tout le moins son appui conditionnel à cette mesure législative.
Certes, nous reconnaissons l'effort ainsi déployé. Mais j'insiste sur
le mot «conditionnel», car ce projet de loi comporte bien des
lacunes.
Les lacunes du projet de loi ont été relevées au sein du comité et à
l'étape du rapport. Ces lacunes subsistent dans le projet de loi dont
nous sommes saisis parce que, comme toujours, le gouvernement
libéral n'a pas daigné examiner sérieusement les propositions des
députés de l'opposition, aussi bien bloquistes que réformistes.
Pourtant, les propositions de mon collègue du Bloc étaient bien
étayées et partaient d'une bonne intention. Elles allaient
sensiblement dans le sens de celles de mon collègue, le député de
Nanaïmo-Cowichan. Les deux groupes d'amendements auraient
eu pour effet d'accroître la transparence des activités qui se
déroulent dans l'industrie nucléaire canadienne.
Je vais passer en revue ces propositions en précisant les raisons
pour lesquelles elles ont été jugées inacceptables. Les propositions
avaient pour but de faire en sorte que l'industrie nucléaire rende
davantage de comptes aux Canadiens et que ces questions soient
compréhensibles pour les Canadiens de tout le pays et nos vis-à-vis.
Je ne comprends pas pourquoi la notion de responsabilité pose un tel
problème aux libéraux, mais c'est évident lorsqu'on se penche sur
les autres questions dont la Chambre a été saisie, par exemple la
TPS, l'affaire Airbus et la commission d'enquête Krever.
Cependant, cela ne les excuse en rien d'agir ainsi dans ce cas-ci.
Les questions de transparence et de responsabilité sont au coeur
de ce projet de loi et si on se fie à ce que les témoins nous ont dit au
comité, les Canadiens y attachent une importance extrême. Depuis
des années, l'industrie nucléaire au Canada fonctionne avec très peu
de contrôle public, très peu de transparence et peut agir en toute
impunité, pourrait-on dire. Quoi qu'il en soit, la population
canadienne a le sentiment que la sécurité des installations
nucléaires n'est pas une priorité pour le gouvernement libéral
actuel, pas plus qu'elle ne l'était pour les gouvernements libéraux et
conservateurs précédents. Le projet de loi C-23 ne remédie pas à
cette situation, ce qui est regrettable, car le gouvernement avait
l'occasion de le faire.
Pour illustrer les lacunes du projet de loi, considérons la question
de la sécurité des installations nucléaires en fonction de
l'élimination des déchets nucléaires. C'est une question sur laquelle
je vais continuellement revenir. En mai 1995 et en novembre 1996,
dans son rapport, le vérificateur général a signalé que l'élimination
de déchets faiblement ou hautement radioactifs coûterait des
milliards de dollars. Toutefois, il a fait remarquer que la part du
gouvernement fédéral des coûts d'assainissement ne faisait pas
partie de ses prévisions budgétaires. Il a ajouté que cela constituait
une dette importante non financée qui modifiait la situation
financière communiquée par le gouvernement.
Mes vis-à-vis vont prétendre, comme la ministre des Ressources
naturelles l'a fait le 26 novembre 1996, que le gouvernement prend
très au sérieux les questions de santé liées à l'élimination des
déchets nucléaires. Or, la réalité et l'absence d'une action concertée
par le gouvernement en disent long sur la négligence et les
problèmes liés aux déchets nucléaires. Quoi qu'il en soit, le
vérificateur général a signalé que le gouvernement fédéral ne tenait
pas compte des coûts associés à l'assainissement des lieux fédéraux
contaminés. Cela devrait montrer aux Canadiens que les méthodes
comptables du gouvernement fédéral laissent à désirer et que les
libéraux n'assument pas leurs responsabilités face aux
contribuables.
(1605)
Lorsque nous comparons cela aux efforts qu'a déployés
récemment le gouvernement fédéral pour remettre à plus tard et,
peut-être, rompre sa promesse d'enfouir des déchets radioactifs de
faible activité près de la ville de Deep River, les Canadiens peuvent
voir que le gouvernement ne parle pas sérieusement lorsqu'il dit
qu'il
8287
veut s'attaquer aux problèmes et trouver les solutions qui
s'imposent en ce qui concerne l'enfouissement des déchets
nucléaires.
Bref, le gouvernement refuse de reconnaître la catastrophe
environnementale qui se produit dans sa propre cour ou les coûts
éventuels associés à son nettoyage. Il revient sur la promesse qu'il
avait faite aux habitants de Deep River et ferme les installations de
recherche et de développement parce qu'il dit n'avoir pas
suffisamment d'argent pour payer pour les services dans ces
domaines. Cependant, je tiens à rappeler aux Canadiens et aux
libéraux que ces derniers n'ont aucun mal à prêter au gouvernement
chinois 1,5 milliard de dollars puisés dans la poche des
contribuables. Les libéraux peuvent agir ainsi pour que le
gouvernement actuel de la Chine puisse construire des réacteurs
CANDU.
Le projet de loi C-23 alourdit le fardeau de réglementation que
supporte déjà l'industrie nucléaire. La Loi sur la sûreté et la
réglementation nucléaires remplace la Loi sur le contrôle de
l'énergie atomique et met en place un nouveau cadre de
réglementation pour l'industrie de l'énergie nucléaire.
La ministre des Ressources naturelles a déclaré que le projet de
loi avait pour objet de moderniser les règlements sur l'énergie
nucléaire et d'éliminer le dédoublement avec les organismes de
réglementation provinciaux. Il y a un demi-siècle que cela n'avait
pas été fait.
Le président suppléant (M. Milliken): À l'ordre. Je donne la
parole au ministre de la Défense nationale qui invoque le
Règlement.
* * *
L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et
ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président,
comme la présidence le sait, on doit entendre un discours très
important à la Chambre cet après-midi.
Au cours de la période des questions, tout à l'heure, la députée de
Beaver River a comparé les parlementaires à des gorets et je
voudrais présenter des excuses, parce que je suis alors intervenu en
faisant une allusion en ce sens. Mes paroles étaient totalement
déplacées. Je les retire.
Le président suppléant (M. Milliken): Je remercie le ministre.
* * *
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi
C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté
nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu pour la
troisième fois et adopté.
M. Chatters: Monsieur le Président, je voudrais établir le
contexte de la mesure à l'étude en retournant 50 ans en arrière.
Quand l'ère atomique a débuté au Canada, nous étions en proie à la
Seconde Guerre mondiale. Les scientifiques qui ont découvert la
fission nucléaire ont compris l'énorme potentiel qu'elle recélait
comme arme si on la contrôlait et comme outil de destruction de la
planète si on ne la contrôlait pas.
Depuis, on a donné aux expériences et aux installations
nucléaires la cote de sécurité la plus élevée possible. La nécessité
absolue du secret a hanté le domaine de l'énergie atomique et
nucléaire depuis lors. Il est certain que la même situation n'existe
plus aujourd'hui au Canada. Le Canada refuse depuis longtemps de
participer à la production d'engins de guerre nucléaires ou des
articles de production de guerre, et aurait dû par conséquent rejeter
également le voile du secret qui entoure la production d'énergie
nucléaire au Canada.
Le rôle nucléaire du Canada a commencé avec la construction
d'installations de recherches à Chalk River, et Ontario, et, chose
assez étrange, la fermeture récente d'un établissement de recherche
à Chalk River pourrait également marquer la fin de l'ère nucléaire
au Canada.
Trop souvent, les activités des installations relevant de l'EACL
sont entourées de secret. Je reconnais que le droit de savoir du
public doit être tempéré par les considérations de sécurité nationale,
mais les problèmes de sécurité nationale ne sont certainement pas
aussi importants aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a une cinquantaine
d'années.
Cela a cependant permis de fournir au gouvernement une excuse
toute prête qu'il peut évoquer pour limiter l'accès des Canadiens à
l'information en ce qui concerne les questions d'énergie nucléaire.
Le projet de loi C-23 aurait pu commencer à dissiper une partie de
l'inquiétude et du malentendu qui accablent les activités au sein de
l'industrie nucléaire canadienne depuis 50 ans.
Je soutiens encore une fois à tous les députés qu'il est nécessaire
de tenir le public informé des questions concernant la sûreté et
l'énergie nucléaires.
(1610)
Étant donné ce qui s'est passé ces derniers mois dans les
installations de l'EACL un peu partout au Canada, la transparence
fait cruellement défaut au gouvernement.
Ainsi, il faudrait expliquer aux Canadiens les raisons de la
fermeture du cyclotron supraconducteur de Chalk River. Il faut que
les Canadiens sachent que la ministre fédérale des Ressources
naturelles a fermé ces installations le 31 janvier 1997, à 11 heures.
Les libéraux n'ont même pas attendu que la Chambre reprenne
ses travaux, car alors il aurait été possible de discuter de cette
fermeture. Même la présence du député de
Renfrew-Nipissing-Pembroke au caucus libéral n'a pu empêcher
cette fermeture. C'est dégoûtant.
Mais peut-être la fermeture du TASCC a-t-elle été sa récompense
pour avoir voté contre le projet de loi C-68 sur la réglementation des
armes à feu. Des centaines de scientifiques du monde entier, dont
trois lauréats du prix Nobel, étaient intervenus auprès de la ministre
des Ressources naturelles en octobre pour sauver ces installations
de recherche. Peine perdue.
8288
Je signale à ceux qui nous écoutent que les contribuables
canadiens ont consacré 70 millions de dollars à la construction de
ces installations. Elles sont maintenant fermées. Elles ne valent plus
rien. Et les chercheurs qui y travaillaient s'apprêtent à partir aux
États-Unis où, bien entendu, la R-D est prise plus au sérieux.
Les anciens employés du TASCC ont dit que le matériel de Chalk
River pourrait se retrouver au Brookhaven Institute, aux États-Unis.
Les réformistes et tous les Canadiens peuvent s'interroger sur la
vision à courte vue du gouvernement en matière de R-D. La
question demeure, toutefois, de savoir pourquoi les libéraux ont
fermé cette installation.
Ils soutiendront que c'est une question de priorités et que le
gouvernement ne pouvait pas trouver l'argent qu'il fallait. Et
pourtant, faute de 3 millions de dollars de frais de fonctionnement,
le gouvernement a bel et bien jeté 70 millions de dollars par les
fenêtres. Et cela, même si des compagnies comme Spar
Aérospatiale finançaient de plus en plus les efforts de recherche au
CSAT au moyen de fonds privés. Éventuellement, l'installation
aurait fonctionné sans le recours à l'argent des impôts.
Toutefois, voyons quels sont en général les priorités et les
engagements financiers du gouvernement. Le CSAT avait besoin de
3 millions de dollars de subventions au fonctionnement pour rester
ouvert. Le gouvernement soutient qu'il n'avait pas cet argent. Et
pourtant, le même gouvernement a consacré quelque 20 millions de
dollars en distribution de drapeaux canadiens, 100 millions de
dollars pour le bureau de propagande de Montréal, et 87 millions de
dollars en prêt à la prospère et solide société Bombardier, de
Montréal. Malheureusement, les libéraux ont dû dépenser plus de 3
millions de dollars de l'argent des contribuables pour s'excuser
auprès de l'ancien premier ministre Mulroney et payer ses avocats.
Les libéraux perdront probablement un autre milliard de dollars
pour avoir eu l'incompétence de bousiller l'affaire de l'Aéroport
Pearson.
Peut-être n'est-il pas juste pour mes collègues d'en face que je
signale les sommes qu'ils ont gaspillées sur ces projets. Les
libéraux voudront sans doute faire remarquer que ces dépenses
n'ont rien à voir avec l'Énergie atomique du Canada limitée ni,
d'ailleurs, avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire que
le projet de loi C-23 vise à constituer.
Les députés d'en face veulent que les Canadiens croient que
l'engagement libéral à l'égard des activités de R et D est conforme
aux promesses du livre rouge.
De toute manière, le vrai coup qui a été porté aux contribuables
canadiens se situe au niveau des dépenses de recherche et de
développement considérées comme prioritaires à l'ÉACL.
Juste avant Noël, le gouvernement a annoncé la vente de
réacteurs CANDU au gouvernement chinois. Pour que l'entente soit
ratifiée, le gouvernement du Canada s'est engagé à octroyer aux
autorités chinoises un prêt de 1,5 milliard de dollars financé à même
l'argent des contribuables canadiens.
Le gouvernement était disposé à mettre sur table 1,5 milliard de
dollars, mais n'a pu trouver une minuscule fraction de la somme de
3 millions de dollars nécessaire pour maintenir en activité les
installations TASCC à Chalk River.
Encore une fois, ce programme, comme bien d'autres dans le
domaine de l'énergie nucléaire, semble entourer de mystère et c'est
ce mystère, plus que toute autre chose, qui est responsable du fait
que la population comprend mal le nucléaire et en a peur.
Cependant, toute activité nucléaire produit des déchets radioactifs.
La contamination radioactive est l'autre grande question à
laquelle doit s'attaquer l'industrie nucléaire d'aujourd'hui et de
demain. Cela pose un grave problème au gouvernement, car non
seulement nous exploitons des mines d'uranium et exportons ce
produit, mais nous en alimentons aussi nos réacteurs.
Le Canada est l'un des principaux producteurs d'uranium au
monde et, par conséquent, l'un des principaux producteurs de
résidus d'uranium. Il s'agit du résidu de l'extraction de l'uranium.
Le gouvernement l'a reconnu et a décidé que toute mesure
législative doit veiller à ce que les industries de l'extraction et du
raffinage de l'uranium soient assujetties aux contrôles
gouvernementaux, comme ceux que l'on trouve dans le projet de loi
C-23.
(1615)
Il est clair que le Canada dispose d'une grande expertise
technique dans le secteur nucléaire et notamment dans la
construction de réacteurs nucléaires. Cette expertise devrait être
mise en valeur, mais pas au détriment d'autres domaines où des
contrôles doivent être exercés.
Encore une fois, je tiens à signaler aux députés d'en face que le
projet de loi C-23 n'apporte pas une solution satisfaisante au
problème des déchets radioactifs, notamment les déchets hautement
radioactifs.
Le problème des déchets hautement radioactifs est exacerbé par
la rumeur de l'évacuation de plutonium de Russie et des armes
nucléaires américaines, qui doivent être détruites. Encore une fois,
le Canada a de l'expertise et peut venir en aide aux autres pays.
Toutefois, il ne peut le faire que si la population est au courant, si
elle comprend bien les risques et si elle donne son accord.
Ce projet de loi ne renferme aucune disposition permettant à un
organisme public d'informer la population sur les conséquences ou
les risques liés à la combustion de plutonium dans un réacteur
canadien.
Il ne fait aucun doute qu'il nous faut un projet de loi comme le
projet de loi C-23. Toutefois, les réformistes estiment qu'il n'est pas
satisfaisant dans deux importants domaines. Le premier était la
sensibilisation du public. Le public a le droit de savoir ce qui se
passe et de contribuer à la prise de décision sur ce que le Canada
devrait faire ou ne pas faire dans le domaine nucléaire.
Les Canadiens doivent avoir davantage accès aux faits que par le
passé. Hélas, les modifications proposées par mon collègue, le
député de Nanaïmo-Cowichan n'ont pas été acceptées. Elles
auraient pourtant réglé le problème de l'information publique par
8289
l'attribution d'une certaine responsabilité en matière d'information
publique à la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
La deuxième carence du projet de loi C-23 est le fait que l'on
supprime la responsabilité ministérielle en matière de promotion de
la sûreté nucléaire. Si la ministre des Ressources naturelles est
responsable de la promotion de l'industrie nucléaire, et cela est en
soi une question, elle doit également être responsable de tous les
aspects de la sûreté nucléaire.
Les députés de l'opposition ont présenté des motions qui auraient
réglé le problème du court-circuitage de la responsabilité
ministérielle, mais le gouvernement a choisi de ne pas en tenir
compte.
Comme je l'ai déjà dit, mes collègues réformistes et moi allons
appuyer le projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Nous tenons
cependant à faire remarquer aux députés des deux côtés de la
Chambre que le projet de loi C-23 est la première tentative en
cinquante ans pour redéfinir la relation entre le public et l'industrie
nucléaire au Canada.
Le projet de loi C-23 ne constitue donc que les premiers pas dans
la bonne direction. Toutefois, on attend encore que le gouvernement
mette en place des mesures qui ouvriraient l'industrie nucléaire à un
examen public plus approfondi.
On espérait aussi que la Commission canadienne de sûreté
nucléaire chargée d'informer le public serait transparente dans la
conduite de ses affaires. Malheureusement, ce ne sera pas là un des
avantages qui découleront du projet de loi C-23.
En terminant, j'insiste pour dire aux Canadiens que les députés
réformistes corrigeraient beaucoup des imperfections du projet de
loi C-23 si on leur permettait de le faire. En fait, il se peut fort bien
que nous en ayons l'occasion après les prochaines élections.
Le président suppléant (M. Milliken): La Chambre est-elle
prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le président suppléant (M. Milliken): Plaît-il à la Chambre
d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Des voix: Avec dissidence.
(La motion est adoptée, le projet de loi est lu une troisième fois et
adopté.)
Le président suppléant (M. Milliken): Étant donné l'heure
qu'il est, y a-t-il consentement de la Chambre pour que nous
suspendions la séance jusqu'à l'appel de la présidence à 16 h 30?
Des voix: D'accord.
(La séance est suspendue à 16 h 19.)
[Français]
La séance reprend à 16 h 35.
Le Président: Comme il est 16 h 30, la Chambre abordera
maintenant l'étude de la motion des voies et moyens no 15 ayant
pour objet l'exposé budgétaire.
* * *
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) propose:
Que la Chambre approuve le politique budgétaire générale du gouvernement.
-Monsieur le Président, je dépose les documents budgétaires, y
compris les avis de motions de voies et moyens. Les détails des
mesures figurent dans les documents. Je demande que ces motions
soient inscrites à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
Conformément à un ordre adopté par la Chambre, je déposerai
aujourd'hui un projet de loi portant autorisation d'emprunter pour
l'exercice financier 1997-1998. J'annonce également que le
gouvernement déposera, à la première occasion, des projets de loi
pour mettre en oeuvre les autres mesures annoncées dans ce budget,
dès lors que la mise en oeuvre de ces mesures l'exigera.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, aujourd'hui, je tiens à
exprimer, au nom du premier ministre et en mon nom, notre
gratitude aux divers comités du caucus et de la Chambre,
notamment le Comité permanent des finances, pour tout le travail
qu'ils ont accompli en préparation de ce budget, le quatrième de ce
gouvernement.
[Traduction]
Comme lors des budgets précédents, les membres du Cabinet
dans leurs ministères respectifs ont été confrontés à des choix
difficiles. Les membres du caucus, pour leur part, ont participé au
débat en première ligne dans leurs circonscriptions. Nous tenons à
leur témoigner toute notre reconnaissance.
Enfin et surtout, nous sommes très redevables aux Canadiennes
et Canadiens qui, en nombre sans précédent, nous ont fait profiter de
leurs points de vue et de leurs idées. Ils ont répondu avec
enthousiasme et dynamisme à l'ouverture accrue du processus
budgétaire. Le pays ne s'en porte que mieux.
[Français]
Nous nous sommes fixé, dès notre arrivée au pouvoir, des
objectifs bien clairs: renforcer l'économie canadienne pour qu'elle
crée davantage d'emplois; faire du Canada une société plus forte en
préservant les programmes qui favorisent le bien-être de notre
population; bref, redonner confiance aux Canadiens et aux
Canadiennes dans leur avenir.
8290
Quand nous sommes entrés en fonction, les Canadiens et les
Canadiennes étaient conscients de la nécessité d'engager des
réformes en profondeur. Ils ne voulaient pas de demi-mesures. Ils
voulaient des solutions durables. Ils voulaient que leur
gouvernement élabore un plan et qu'il le mette en oeuvre. Tout cela,
nous l'avons fait et nous continuons de le faire.
Notre pays a dû prendre des décisions difficiles et s'adapter en
conséquence. Mais nous avons accompli bien des progrès qui nous
placent maintenant sur la voie de la réussite. La tâche qui nous
incombe aujourd'hui est de mener ces progrès à terme.
[Traduction]
Nous voulons faire deux choses aujourd'hui. Nous voulons
d'abord rendre compte à la population canadienne des progrès
accomplis, et ensuite décrire le chemin qui reste à parcourir. Ce
budget montre que les efforts que nous avons déployés pour assainir
les finances de la nation suivent le plan fixé, que nous avons fait
beaucoup mieux que l'objectif visé et que nous gardons le cap sur la
réduction du déficit.
C'est un budget sans nouvel impôt ni nouvelle taxe pour la
population. Un budget qui comporte même des réductions d'impôt
dans certains secteurs. C'est un budget qui ne prévoit aucune
nouvelle réduction aux programmes fédéraux. C'est un budget qui
renforce notre plan de croissance économique, notre plan pour
l'emploi à court et à long terme. C'est un budget qui annonce
d'importants investissements dans des secteurs prioritaires pour les
Canadiens: l'éducation postsecondaire, les soins de santé, et les
enfants.
(1640)
Enfin, c'est un budget qui trace la route à suivre pour les
prochaines années. En effet, nos préoccupations ne s'arrêtent pas à
la fin du mandat en cours; nous devons également préparer le
Canada au prochain millénaire.
Depuis la récession marquée du début des années 1990, la reprise
économique au Canada n'a pas été aussi vigoureuse que nous
l'aurions souhaité. Le témoignage le plus concret de cette réalité est
un taux de chômage toujours trop élevé. Néanmoins, notre
économie prend maintenant de l'expansion et se renforce.
[Français]
Les taux d'intérêt sont à leur plus bas niveau en près de 35 ans.
L'inflation reste bien maîtrisée. En 1996, notre balance
commerciale s'est soldée par un excédent record des exportations
sur les importations. Notre balance courante est devenue
excédentaire pour la première fois en douze ans. Cela signifie
qu'une plus forte proportion des revenus générés au Canada
demeurent dans notre pays, au lieu de prendre le chemin de
l'étranger.
[Traduction]
Ce regain de confiance dans notre économie n'est pas l'effet du
hasard. Ce résultat est dû aux efforts consentis par des millions de
Canadiennes et de Canadiens, qui tous, chacun à leur façon,
travaillent à bâtir un avenir meilleur. Ce résultat a été possible parce
que les gouvernements ont finalement pris conscience d'une réalité
que la population connaît depuis longtemps: des déficits chroniques
et une dette hors de contrôle font obstacle à la création d'emplois.
On peut déclarer, sans exagération, qu'il y a quatre ans
seulement, l'avenir économique de notre pays était exposé à de
graves risques. Un cercle vicieux s'était mis en place. Des déficits
toujours plus élevés faisaient grimper les taux d'intérêt. La hausse
des taux d'intérêt affaiblissait l'économie et la création d'emplois.
Et l'affaiblissement de l'économie combiné à la hausse des taux
d'intérêt faisait grimper encore plus le déficit. Les Canadiens
savaient qu'il était impératif de briser ce cercle vicieux. Nous
l'avons brisé. Nous ne l'avons pas fait pour des motifs idéologiques,
mais par nécessité.
En 1993-1994, le déficit avait atteint 42 milliards de dollars,
environ 6 p. 100 du PIB. Pendant la campagne électorale de 1993,
nous nous sommes engagés à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB,
soit 24,3 milliards de dollars, cette année.
Je ne peux pas encore vous donner de chiffre définitif pour le
déficit de 1996-1997. Nous devons attendre les résultats de janvier,
février et mars, mais il est maintenant clair que nous dépasserons
notre objectif.
En effet, tout en tenant compte des nouvelles dépenses engagées
dans ce budget, nous pouvons affirmer avec assurance que le déficit
pour 1996-1997 ne dépassera pas 19 milliards de dollars, un chiffre
inférieur de 5 milliards de dollars par rapport à l'objectif visé. Ce
chiffre est inférieur de quelque 9,5 milliards de dollars au déficit de
l'an dernier; il s'agit, en fait, de la plus forte réduction jamais
réalisée d'une année sur l'autre.
[Français]
Nous pouvons aujourd'hui affirmer avec assurance que le déficit
pour 1996-1997 ne dépassera pas 19 milliards de dollars, soit 9,5
milliards de dollars de moins que le déficit de l'an dernier. C'est la
plus forte réduction jamais réalisée d'une année à l'autre.
(1645)
De plus, nous sommes en bonne voie d'atteindre nos objectifs de
réduction du déficit pour les deux prochaines années: 2 p. 100 du
PIB en 1997-1998 et 1 p. 100 en 1998-1999.
[Traduction]
Je sais qu'il y a dans le secteur privé un bon nombre de
prévisionnistes qui affirment que nos résultats seront encore
meilleurs que les chiffres que je viens de dévoiler. J'espère
sincèrement qu'ils ont raison. Nous avons toujours dit que nos
objectifs n'étaient pas le meilleur résultat possible, mais le
moindre.
Permettez-moi de m'expliquer. La plupart des prévisionnistes
font l'hypothèse que l'avenir ne réservera aucune surprise. C'est un
luxe que les ministres des Finances ne peuvent pas se permettre. La
réalité est souvent bien différente des prévisions. Le marché
obligataire change d'humeur chaque jour. Les ministres des
Finances, eux, doivent fixer un cap auquel on puisse se fier. C'est
pourquoi nous avons commencé par incorporer à notre plan de
réduction du déficit une réserve pour éventualités de 3 milliards de
dollars. Nous avons toujours déclaré que cette réserve n'était pas là
pour être dépensée-et nous n'y avons pas touché.
Ensuite, en prenant pour point de départ la moyenne des
prévisions du secteur privé, nous avons incorporé une marge de
prudence à nos hypothèses de taux d'intérêt et de croissance.
8291
Grâce à cette approche, combinée aux mesures que nous avons
prises pour réduire les dépenses, nous avons rétabli notre crédibilité
auprès des marchés financiers et assuré un regain de confiance dans
l'avenir économique du Canada. Cela nous a permis de dépasser nos
objectifs; il serait par conséquent insensé de modifier notre
stratégie. Bien au contraire, notre réussite nous commande de
maintenir le cap. Et nous le maintiendrons!
[Français]
Pour 1998-1999, le gouvernement vise un déficit de 9 milliards
de dollars. C'est un montant qu'il pourra financer par ses propres
moyens, sans recourir à de nouveaux emprunts d'argent frais sur les
marchés financiers.
Dans un monde de concurrence toujours plus vive, les
comparaisons internationales ont toute leur importance. Or, en
termes de nouveaux besoins d'emprunt, le Canada se classe de
façon tout à fait enviable. C'est la mesure que de nombreux pays,
comme les États-Unis, l'Allemagne et le Japon, par exemple,
utilisent pour exprimer leur déficit. Or, suivant cette mesure, c'est
le Canada, avec un léger excédent en 1998-1999, qui devrait
enregistrer la meilleure performance financière des sept plus grands
pays industrialisés. Il s'agit d'un redressement sans précédent.
[Traduction]
Permettez-moi de rappeler ce que nous avons déclaré dans
chacun de nos trois derniers budgets. Nous allons équilibrer les
finances du pays. Nous allons y parvenir en maintenant notre
rythme-ferme, mesuré et responsable. Nous allons maintenir nos
cibles mobiles sur deux ans. Et nous n'allons pas changer de cap. De
plus, nous atteindrons nos objectifs, comme nous l'avons fait
jusqu'à présent, par la maîtrise des dépenses-et non en augmentant
le fardeau fiscal.
En fait, l'ensemble des dépenses fédérales, à l'exception du
service de la dette, seront réduites, passant de 120 milliards de
dollars en 1993-94 à 103,5 milliards de dollars en 1998-99. Il s'agit
d'une réduction supplémentaire des dépenses de 2 milliards de
dollars par rapport aux projections établies l'an dernier.
Je n'ai parlé jusqu'ici que du déficit, des dépenses, des besoins
d'emprunt. Mais au bout du compte, l'indicateur le plus important
de finances publiques saines, c'est la capacité de l'État et du pays
tout entier de gérer sa dette. C'est ce qu'on appelle le ratio de la
dette au PIB.
Au cours des 20 dernières années, le ratio de notre dette au PIB a
augmenté. Autrement dit, la dette du gouvernement canadien a,
année après année, augmenté plus rapidement que les revenus du
pays. Il fallait mettre fin à cette tendance. Et nous y mettons fin.
Notre économie va bientôt croître plus rapidement que notre dette.
Une part croissante de nos recettes sera consacrée aux services dont
les Canadiennes et Canadiens ont besoin, au lieu d'aller dans les
poches des créanciers obligataires. Notre objectif est de placer le
ratio de la dette au PIB sur une trajectoire à la baisse, et ce, de façon
définitive. Pour la première fois en plus de 20 ans, cet objectif est
maintenant à notre portée.
(1650)
[Français]
À la lumière de presque toutes les données financières, le Canada
affiche des résultats enviables. Très bien. Mais la vraie question
qu'il faut se poser est quelle est l'importance de tout cela pour
l'emploi? Elle est capitale.
C'est le redressement de nos finances qui a permis un repli des
taux d'intérêt, l'ingrédient essentiel pour la création d'emplois.
[Traduction]
L'amélioration des taux d'intérêt à court terme au Canada a été
spectaculaire. Au cours des deux dernières années, les taux d'intérêt
ont diminué de près de cinq points et demi. Ce qui est le plus
révélateur, c'est que depuis 20 ans les taux d'intérêt à court terme au
Canada ont été, en moyenne, supérieurs de deux points à ce qu'ils
étaient aux États-Unis. Mais au moment même où je vous parle, les
taux canadiens sont d'environ deux points et quart inférieurs aux
taux américains.
Ce redressement spectaculaire n'est pas l'effet du hasard. Cette
liberté retrouvée dans la prise de nos décisions, nous la devons
uniquement à la discipline dont nous avons fait preuve dans la
gestion des finances du pays et au regain de confiance et de
crédibilité qui en a découlé.
Nous savons d'expérience qu'il faut un certain temps pour
qu'une baisse des taux d'intérêt stimule la création d'emplois, mais
nous savons aussi que le processus est maintenant enclenché. Dans
les quatre derniers mois, 85 000 emplois ont été créés dans le
secteur privé. Et, donnée toute aussi importante, la quasi-totalité de
ces emplois sont à plein temps.
Les secteurs de l'économie qui réagissent le plus vite à une
diminution des taux d'intérêt connaissent actuellement une forte
croissance. Les reventes d'habitations ont atteint des niveaux
records. Les ventes de produits de consommation sont fortement à
la hausse. On s'accorde à dire, aussi bien dans notre pays qu'à
l'étranger, qu'aucun des sept grands pays industrialisés ne
surpassera la performance du Canada en 1997. Ainsi, la plupart des
prévisionnistes du secteur privé prévoient la création de 300 000 à
350 000 emplois cette année.
Cela dit, nos perspectives s'améliorent, mais elles pourraient être
meilleures encore. Les chômeurs en savent quelque chose. Et les
travailleurs qui craignent de perdre leur emploi le savent également.
Les familles le savent aussi, dans la mesure où elles s'inquiètent de
ce que l'avenir pourrait réserver à leurs enfants.
Les économistes peuvent bien débattre de la mondialisation et du
changement technologique en termes abstraits, mais les
gouvernements n'ont pas ce loisir. On ne peut traiter la
restructuration actuelle comme s'il s'agissait d'une simple théorie,
ne présentant qu'un intérêt académique. Bien au contraire, c'est un
phénomène qui a des conséquences humaines bien réelles. Au
moment où les économies se restructurent-et les gouvernements
n'y échappent pas-il faut toujours garder à l'esprit l'effet de cette
restructuration sur des centaines de collectivités et sur des milliers
de familles.
8292
Voilà pourquoi nous croyons que le rôle du gouvernement n'est
pas de se croiser les bras, ou d'être un simple observateur. Son rôle,
c'est de se tenir aux côtés des Canadiennes et des Canadiens qui ont
du mal à s'adapter à une réalité en plein bouleversement.
Les intérêts à court terme du marché ne coïncident pas toujours
avec les besoins à long terme de la nation. Un pays, c'est bien plus
qu'un bilan. Pour notre gouvernement, bâtir l'avenir, cela va bien au
delà de la saine gestion des finances publiques.
(1655)
Quand nous sommes entrés en fonction, nous avons bien compris
quel devait être notre programme pour l'emploi et la croissance.
Premièrement, nous devions rétablir une gestion responsable des
finances publiques. Deuxièmement, nous devions investir dans les
secteurs de l'économie qui offraient des possibilités immédiates de
croissance et d'emploi, et ainsi donner un élan à l'économie en
attendant de bénéficier pleinement du fruit de nos efforts de
réduction des taux d'intérêt et de rétablissement de la confiance.
Troisièmement, nous devions planifier au-delà du court terme,
investir pour raffermir la croissance économique à long terme; ces
investissements, par définition, n'auraient pas une incidence
immédiate, mais allaient donner un élan durable dans un marché du
travail en constante évolution.
Ce plan a été partie intégrante de chacun de nos budgets, y
compris celui-ci.
[Français]
Nous avons pris des mesures qui visent les infrastructures, le
commerce, l'emploi des jeunes, la formation professionnelle, les
cotisations d'assurance-emploi, le tourisme, les régions rurales et la
petite entreprise.
Par exemple, quand nous sommes entrés en fonction, nous avons
consacré 2 milliards de dollars sur trois ans au programme Travaux
d'infrastructures Canada. Grâce à un partenariat avec les
municipalités, et avec toutes les provinces, ce programme a permis
le lancement de plus de 12 000 projets.
Le mois dernier, nous avons prolongé le programme pour une
autre année. Cela signifie qu'en 1997 seulement, la contribution du
gouvernement fédéral va s'élever à 600 millions de dollars, dont
425 millions de dollars d'argent frais.
Dans le domaine du commerce extérieur, les quatre missions
commerciales dirigées par le premier ministre ont donné des
résultats sans précédent. De plus, nous avons amélioré le cadre de
financement des exportations canadiennes par de nouveaux
investissements dans la Société pour l'expansion des exportations.
Ainsi, depuis 1992, nos exportations ont augmenté de 50 p. 100 en
volume. Ça, c'est des emplois.
En ce qui concerne les jeunes, la semaine dernière, le
gouvernement annonçait une initiative qui va se traduire, au cours
des deux prochaines années, par 120 000 emplois d'été. Cette
initiative comporte aussi de nouveaux programmes de stage qui
offriront plus de 19 000 emplois, afin que nos jeunes aient la
chance d'acquérir une expérience concrète du marché du travail.
Pour ce qui est des cotisations d'assurance-emploi, nous avons,
dès notre entrée en fonction, annulé la hausse prévue à 3,30 $, et
nous avons ensuite réduit le taux, autant que possible, année après
année. Pour 1998, nos projections tiennent compte d'une autre
réduction, ramenant le taux à 2,80 $.
De plus, l'automne dernier, nous avons annoncé un programme
qui élimine presque totalement les cotisations d'assurance-emploi
pour les employés embauchés cette année par près de 900 000
petites entreprises admissibles.
Ces mesures, combinées à la réforme de l'assurance-emploi,
permettront aux travailleurs et aux employeurs d'économiser 1,7
milliard de dollars, rien que cette année.
Pour l'avenir, nous avons dit clairement, depuis notre entrée en
fonction, que nous allions continuer de réduire les cotisations
d'assurance-emploi aussi rapidement que notre situation financière
le permet.
[Traduction]
Le tourisme est un secteur qui crée beaucoup d'emplois. En fait,
la Commission canadienne du tourisme estime qu'au cours de la
prochaine décennie, 125 000 nouveaux emplois pourraient être
créés uniquement dans ce secteur. C'est pourquoi nous fournissons
aujourd'hui à la Commission 15 millions de dollars
supplémentaires pour la promotion du tourisme au cours de chacune
des trois prochaines années.
Comme par le passé, nous demanderons au secteur privé de
contribuer à part égale. De plus, nous investissons 50 millions de
dollars de plus dans la Banque de développement du Canada pour
aider à financer l'infrastructure touristique dans le secteur privé.
(1700)
Le besoin d'adaptation à un monde en évolution se fait sentir
dans les régions rurales du Canada tout autant que partout ailleurs
dans l'économie. J'aimerais en ce sens être bien clair sur un point:
nous prendrons tous les moyens nécessaires, qu'il s'agisse de
programmes d'infrastructures, du tourisme ou de la haute
technologie, afin que les régions rurales du Canada aient la
possibilité de participer, à part entière, à toutes les initiatives de
notre gouvernement, en préparation du nouveau siècle.
En outre, en plus des autres programmes qui sont annoncés, ce
budget prévoit des capitaux de 50 millions de dollars pour la Société
du crédit agricole, de manière qu'elle puisse accroître sa capacité
d'aide à la croissance et à la diversification des régions rurales.
De plus, nous annonçons aujourd'hui que des fonds annuels de 10
millions de dollars vont être affectés, au cours des trois prochaines
années, afin de faire en sorte que la quasi-totalité des localités du
Canada comptant de 400 à 50 000 habitants disposent de
l'infrastructure électronique nécessaire pour être reliées à
l'autoroute électronique au cours des quatre prochaines
années-soit au total 5 000 localités.
Enfin, nous connaissons tous l'importance de la petite entreprise
dans la création d'emplois. Ce n'est donc pas une coïncidence si
presque toutes les mesures exposées jusqu'ici encouragent les
succès de l'entrepreneurship au Canada. J'aimerais toutefois
souligner deux autres de nos initiatives.
En premier lieu, permettez-moi de rappeler l'annonce faite la
semaine dernière que le Canada permettra aux banques étrangères
d'ouvrir au Canada des succursales. La concurrence accrue qui en
8293
découlera offrira aux petites et moyennes entreprises au Canada un
meilleur choix de financement.
En second lieu, les petites entreprises ont dénoncé
vigoureusement les coûts importants occasionnés par les formalités
administratives imposées par les gouvernements. Par exemple, les
coûts liés à l'obligation de remettre chaque mois au gouvernement
fédéral les retenues à la source. Les petites entreprises ont raison de
le faire. C'est pourquoi nous éliminons cette obligation pour les
petites entreprises qui ont une bonne fiche de conformité à la loi.
Ces entreprises vont maintenant pouvoir verser des retenues à la
source chaque trimestre. Jusqu'à 650 000 petites entreprises
pourraient bénéficier de cette mesure.
[Français]
Dans tous les domaines dont je viens de parler, un nouvel esprit
de partenariat s'est développé. C'est important, car c'est par
l'entremise d'une coopération et de partenariats entre
gouvernements et le secteur privé que nous pouvons mener au
mieux les affaires du pays.
Les mesures que je viens de décrire sont des investissements qui
auront un effet immédiat sur la croissance économique et qui
agiront comme relais d'ici l'accélération prévue du rythme de
création d'emplois. Les Canadiens peuvent être assurés que nous
maintiendrons ce relais tant et aussi longtemps qu'il sera
nécessaire.
[Traduction]
Le gouvernement doit voir plus loin que le court terme et viser
également la croissance économique et la création d'emplois à long
terme. Nous devons avoir une perspective plus large des
infrastructures. Nous devons en étendre la définition pour y inclure
les éléments de notre réussite économique future: l'enseignement
post-secondaire, le savoir et l'innovation. Telles sont les pierres
d'assise de la nouvelle richesse des nations, et voilà autant de
nouvelles infrastructures dans lesquelles le gouvernement se doit
d'investir. Si nous manquons à ce devoir, le Canada de demain en
sortira perdant. C'est la prochaine génération qui devra payer la
note.
Les Canadiennes et Canadiens savent qu'une meilleure
instruction est synonyme de meilleurs emplois. Cela vaut pour les
jeunes qui sont actuellement aux études. Cela vaut également pour
ceux et celles qui se trouvent déjà sur le marché du travail et qui,
pour garder leur emploi, doivent désormais parfaire leur formation
durant toute leur vie active.
Dans le budget de l'an dernier, qui présentait des mesures fiscales
destinées à aider les étudiants ou les parents des étudiants
fréquentant l'université, un collège communautaire ou une école
professionnelle, nous avons augmenté le montant servant au calcul
du crédit pour études, ce qui diminue les impôts que doivent verser
les étudiants ou leurs parents. Aujourd'hui, nous haussons encore ce
montant. En fait, nous le doublons, en deux étapes, pour le porter à
200 dollars mensuellement.
(1705)
Par ailleurs, les étudiants doivent souvent assumer des frais
nouveaux ou plus élevés, à part des frais de scolarité. Jusqu'à
maintenant, ces frais n'étaient pas couverts par le crédit pour
études. Ils le seront désormais.
En outre, d'après les règles actuelles, certains étudiants ou leurs
parents ne peuvent profiter de ces crédits pour frais de scolarité et
pour études parce qu'ils n'ont pas, au cours d'une année, un revenu
suffisant pour utiliser ces crédits. C'est particulièrement le cas des
personnes dont les parents ne peuvent assumer leurs frais
d'entretien, ou les personnes qui s'inscrivent sur le tard à un
programme d'études, pour réorienter leur carrière ou se recycler.
Nous modifions donc les règles pour que les étudiants qui ne
peuvent utiliser ces crédits au cours de l'année de leurs études
puissent désormais le faire en reportant les crédits au titre de
revenus futurs.
Grâce aux mesures que je viens d'annoncer et à celles du dernier
budget, l'aide fiscale combinée des gouvernements fédéral et
provinciaux passera de 900 dollars à plus de 1 200 dollars par année
pour un étudiant type, une augmentation d'un tiers.
Nous prenons également des mesures pour venir en aide aux
personnes qui ont du mal à gérer la dette qu'ils contractent sous
forme de prêts étudiants. Malgré l'assistance offerte par le
Programme canadien de prêts aux étudiants, certains sont
incapables de faire face à leurs obligations de remboursement parce
qu'ils n'arrivent pas à trouver du travail assez vite ou ne gagnent pas
un revenu suffisant. Par conséquent, le gouvernement fédéral fait
passer de 18 à 30 mois la période pendant laquelle les étudiants qui
connaissent des difficultés de ce genre pourront différer le
remboursement de leurs emprunts.
Pendant cette période, le gouvernement fédéral paiera les intérêts
que l'étudiant aurait dû normalement acquitter. Si l'on combine
cette mesure au délai de grâce déjà prévu pour le remboursement
des prêts, cela signifie que les étudiants auront jusqu'à trois ans de
répit après la fin de leurs études pour gérer leurs emprunts.
De plus, le gouvernement fédéral est prêt à étudier avec les
provinces intéressées, les prêteurs et d'autres groupes une nouvelle
option de remboursement des prêts aux étudiants. Les étudiants
auraient le choix, soit de respecter les modalités de remboursement
en vigueur, soit d'opter pour un barème de remboursement lié
directement à leur revenu.
[Français]
Jusqu'ici, nous avons parlé de l'aide aux personnes qui sont déjà
aux études ou qui veulent y retourner pour améliorer leurs
compétences. Mais les parents avec de jeunes enfants craignent
aussi de ne pas avoir les moyens, le moment venu, de leur payer des
études. Les régimes enregistrés d'épargne-études offrent aux
parents un encouragement à épargner à cette fin.
[Traduction]
Nous annonçons aujourd'hui des mesures qui rendent les régimes
enregistrés d'épargne-études plus intéressants et plus souples. Pour
aider les parents à économiser davantage au moyen d'un REEE, le
plafond annuel de cotisation est doublé pour passer à 4 000 $. Cela
va permettre aux parents, qui commencent à économiser seulement
quand leurs enfants ont atteint un certain âge, d'accumuler quand
même une épargne substantielle.
Enfin, nous avons constaté que certains parents hésitaient
peut-être à investir dans un REEE, parce qu'ils avaient peur de
perdre leur épargne si leurs enfants ne poursuivaient pas des études
supérieures. Par conséquent, nous permettrons aux particuliers de
transférer les fonds inutilisés d'un REEE dans leur REER s'ils n'ont
pas utilisé toutes leurs déductions.
8294
Dans leur ensemble, les initiatives annoncées dans ce budget
vont enrichir d'environ 275 millions de dollars par année, à
maturité, l'aide fiscale offerte aux étudiants et à leurs familles.
De même qu'un accès amélioré aux études supérieures est
indispensable aux étudiants et aux personnes qui se trouvent déjà
sur le marché du travail, il faut leur fournir les installations
nécessaires à cette fin.
Les installations de recherche jouent bien souvent un rôle crucial
dans nos universités, nos collèges et nos hôpitaux. Une éducation de
calibre mondial en dépend. Pourquoi? Les installations de
recherche fournissent les outils nécessaires au développement de
compétences de pointe. En fait, la création de nouveaux produits et
de nouveaux services passe par le savoir, l'information et les idées.
Mais c'est uniquement s'il est possible de développer ces produits
et ces services au Canada, et non à l'étranger, que les meilleurs, les
plus brillants pourront contribuer à la prospérité de leur pays.
(1710)
[Français]
En un mot, les centres de recherche dont disposent nos hôpitaux,
nos universités et nos collèges sont à la source même de nos
perspectives économiques futures.
Or, trop souvent, ces installations sont loin d'être à la hauteur des
défis actuels. Le fait est qu'une bonne partie de notre infrastructure
de recherche actuelle ne peut tout simplement pas soutenir les
efforts requis pour maintenir le Canada au premier rang de la
nouvelle économie.
L'innovation ne se produit pas par magie. Elle nécessite des
investissements. C'est pourquoi nous annonçons, aujourd'hui, la
création de la Fondation canadienne pour l'innovation qui sera
dotée d'un capital de 800 millions de dollars afin d'appuyer les
installations de recherche dans nos universités, collèges et hôpitaux.
La Fondation aura pour mission d'appuyer l'infrastructure de
recherche dans les domaines de la santé, de l'environnement, des
sciences et de l'ingénierie.
[Traduction]
L'innovation ne se produit pas par magie. Elle nécessite des
investissements. C'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui la
création de la Fondation canadienne pour l'innovation qui sera
dotée d'un montant de 800 millions de dollars afin d'appuyer les
installations de recherche dans nos universités, collèges et hôpitaux.
La Fondation aura pour mission d'appuyer l'infrastructure de
recherche dans les domaines de la santé, de l'environnement, des
sciences et de l'ingénierie.
[Français]
La création de la Fondation canadienne pour l'innovation
représente une façon entièrement nouvelle de répondre aux défis de
l'innovation que je viens de décrire.
Cette Fondation ne fera pas partie du secteur public. Elle sera
indépendante du gouvernement. Les décisions d'investissement
seront prises par un conseil d'administration dont la majorité des
membres seront issus du secteur privé, du milieu de la recherche et
du milieu universitaire.
Au cours des cinq prochaines années, c'est environ 180 millions
de dollars annuellement que la Fondation pourra verser pour
appuyer nos plus importantes infrastructures de recherche.
[Traduction]
L'enjeu de la Fondation canadienne pour l'innovation, c'est de
préparer l'avenir. L'avenir de nos enfants, l'éducation. En un mot,
c'est l'investissement dans la croissance future de notre économie,
un investissement qui rapportera d'importants dividendes dans
l'avenir. Grâce à des partenariats pour des projets avec les
établissements de recherche, le secteur privé ou les provinces, les
ressources financières de la Fondation pourraient mobiliser jusqu'à
2 milliards de dollars d'investissements, jetant ainsi les bases des
emplois de demain comme d'aujourd'hui.
Jusqu'ici, j'ai décrit notre plan de croissance économique et de
création d'emplois. Mais, si nous voulons avoir une économie forte,
nous avons besoin d'une société forte. Un pays se reconnaît
ultimement à sa volonté et sa capacité de venir en aide aux plus
vulnérables, de soutenir les programmes dont dépend chaque
citoyen.
Notre gouvernement avait promis d'assurer l'avenir du système
de revenu de retraite pour les Canadiens. Nous sommes en bonne
voie d'y parvenir. Aucun autre pays industrialisé n'a pris autant
d'initiatives que le Canada pour relever les défis engendrés par le
vieillissement de la population. Conformément à ce que nous avons
annoncé la semaine dernière, nous sommes parvenus à une entente
avec une majorité de provinces sur un ensemble efficace et bien
équilibré de mesures qui permettront aux Canadiens de compter sur
le Régime de pensions du Canada lorsqu'ils en auront besoin. En
incluant la nouvelle prestation aux aînés qui entrera en vigueur en
2001, nous aurons pris un train de mesures permettant de préserver
le système public de pensions et de le maintenir pour les générations
à venir tout en protégeant pleinement les personnes déjà à la
retraite.
(1715)
Le système canadien de soins de santé universels à financement
public est l'une des plus grandes réalisations de notre pays. Notre
gouvernement est fermement attaché aux principes énoncés dans la
Loi canadienne sur la santé. Nous maintiendrons ces principes et
nous continuerons de les faire respecter.
[Français]
Le gouvernement fédéral appuie la santé, l'éducation et l'aide
sociale en versant aux provinces des paiements de transfert. L'an
dernier, dans le cadre du nouveau Transfert canadien en matière de
santé et de programmes sociaux, nous avons inscrit, dans la loi, un
financement prévisible et garanti pour les cinq années jusqu'à la fin
de l'exercice 2002-2003.
D'ici la fin du siècle, les provinces peuvent compter sur un
transfert stable de plus de 25 milliards de dollars par année sous
forme d'espèces et de points d'impôt. Par la suite, ce transfert
augmentera. La loi adoptée l'an dernier garantit aussi que la partie
en espèces du transfert ne sera jamais inférieure à 11 milliards de
dollars par année. Il s'agit d'un seuil, et non d'un plafond. En fait,
on s'attend à ce que les transferts en espèces aux provinces
commencent à augmenter vers l'an 2000.
8295
Cette contribution du gouvernement fédéral assure le maintien
des principes de l'assurance-maladie. Mais elle ne répond qu'à une
partie du défi.
L'autre partie, c'est la nécessité du changement. Certes, nous
allons protéger l'assurance-maladie, mais ce faisant, nous devons
agir de façon résolue pour l'améliorer, pour la renforcer.
[Traduction]
Lorsqu'il est entré en fonction, le premier ministre a créé le
Forum national sur la santé pour conseiller les Canadiennes et les
Canadiens sur la manière d'améliorer notre système de santé. Le
Forum a remis son rapport au début du mois. Comme l'a déclaré le
premier ministre, ce rapport offre une vision complète et sensée de
la manière dont les gouvernements doivent collaborer pour relever
le défi de l'avenir du système de santé au Canada.
Le rapport du Forum est très clair. Il confirme que même si nous
consacrons des ressources financières suffisantes au système de
santé, ces ressources ne sont pas dépensées aussi efficacement
qu'elles pourraient l'être. Le Forum déclare en outre que nous
devons procéder à des investissements ciblés dès aujourd'hui, pour
que le système fonctionne plus efficacement à l'avenir.
Ce budget prévoit par conséquent 300 millions de dollars pour les
trois prochaines années afin de mettre en oeuvre les
recommandations du Forum national sur la santé. Chaque dollar,
j'insiste sur ce point, sera consacré à la prestation de meilleurs
services de santé aux Canadiennes et Canadiens.
Tout d'abord, le Forum a établi clairement que l'un de nos
principaux défis est de mettre au point des façons innovatrices de
livrer les services de santé. C'est pourquoi nous annonçons
aujourd'hui que nous accordons 150 millions de dollars sur trois ans
pour aider les provinces à lancer des projets-pilotes-par exemple
de nouvelles formules de soins à domicile ou
d'assurance-médicaments, et d'autres innovations-qui leur
permettront de mettre à l'essai des façons d'améliorer les systèmes
de soins de santé. Ce montant sera réparti entre les provinces au
prorata de leur population et les décisions au sujet des dépenses
seront prises de concert avec les ministres de la Santé du Canada.
(1720)
Dans la même veine, nous allons également consacrer 50
millions de dollars au cours des trois prochaines années à la mise en
place, par les deux niveaux de gouvernement, du Système canadien
d'information sur la santé, un système d'échange de données qui
permettra aux responsables des soins, aux planificateurs et aux
citoyens, d'un bout à l'autre du pays, d'avoir accès aux
renseignements dont ils ont besoin quand ils en ont besoin; et qu'il
aient accès, en outre, aux données les plus récentes sur les meilleurs
traitements disponibles.
Le Forum s'est également déclaré en faveur d'un renforcement
des programmes communautaires. Nous sommes d'accord. À
l'heure actuelle, le gouvernement fédéral finance deux programmes
communautaires visant à améliorer la santé des enfants.
Premièrement, le Programme d'action communautaire pour les
enfants, qui vient en aide à des centaines de groupes
communautaires en offrant des cours sur le rôle de parent, en
appuyant des centres de développement pour les enfants, et en
soutenant des programmes de ressources familiales, qui visent tous
à répondre aux besoins des enfants à risque jusqu'à l'âge de six ans.
Deuxièmement, le Programme canadien de nutrition prénatale,
qui favorise la naissance de bébés en bonne santé quand la mère
présente un risque élevé.
Nous annonçons aujourd'hui que les ressources prévues pour ces
deux programmes seront augmentées de près de 100 millions de
dollars au cours des trois prochaines années.
Si les deux programmes dont je viens de vous parler touchent la
situation des enfants canadiens, cela n'est pas le fruit du hasard. En
effet, le Forum a été catégorique sur cet enjeu. L'un des meilleurs
investissements dans les soins de santé pour l'avenir vise justement
à améliorer le bien-être de nos enfants aujourd'hui.
[Français]
Nos enfants constituent notre plus grande richesse, et leur santé
doit venir au premier rang de nos préoccupations. Nous savons que
la santé de nos enfants dépend dans une large mesure du revenu dont
leurs parents disposent et des services auxquels ils ont accès. La
question se pose: que faisons-nous face à cette réalité? La réponse,
pour un trop grand nombre d'enfants et de leurs familles, est toute
simple: pas assez.
Mais aujourd'hui, la pauvreté des enfants est un problème auquel
tous les Canadiens et Canadiennes sont sensibles. Le temps est venu
de rallier nos efforts et de relever le défi. Le premier ministre a pris
l'initiative dans ce dossier; lui et ses homologues des provinces ont
convenu, à la rencontre des premiers ministres de juin dernier, d'en
faire une priorité nationale. Les ministres des Services sociaux de
tout le pays font des progrès remarquables pour tracer la voie que
nous pouvons prendre ensemble.
Nous savons que la pauvreté chez les enfants tient à des causes
multiples. Et que les solutions ne sont pas toutes simples.
Par exemple, il est évident que la solution ultime du problème
passe par une économie en croissance qui crée des emplois. Cet
objectif est au coeur même de notre politique économique.
Nous savons aussi que nous devons agir de façon à assurer que
nos enfants aient accès aux services dont ils ont besoin, par
exemple, des soins médicaux et dentaires, des services d'aide et une
bonne alimentation.
Le fait que beaucoup d'enfants n'aient pas accès à ces services,
aujourd'hui, est carrément inacceptable.
[Traduction]
Le fonctionnement du système actuel de services et de soutien
défie toute logique, et il est par-dessus tout inéquitable.
À l'heure actuelle, dans la plupart des régions au Canada, lorsque
des parents quittent l'aide sociale pour intégrer le marché de travail
8296
afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, il peut
arriver que leur revenu baisse. Leurs enfants perdent l'accès aux
services que leur offrent les provinces au titre de l'assistance
sociale, des services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit.
(1725)
Maintenir un système qui pénalise les parents lorsqu'ils
réintègrent le marché de travail en aggravant la situation de leurs
enfants n'a rien d'une politique sociale éclairée. Cela n'a rien non
plus d'une politique économique éclairée. Retourner sur le marché
du travail devrait améliorer, et non aggraver, la situation des gens.
[Français]
Ce défi exige un effort national qui implique à la fois les
provinces et le gouvernement fédéral. Pourquoi? Parce que les
provinces sont les mieux placées pour offrir les services et le
soutien nécessaires pour répondre aux besoins des familles, et parce
que le gouvernement fédéral a la possibilité, par l'entremise du
régime fiscal, de faire un premier pas qui donnera aux provinces la
marge de manoeuvre pour consacrer les fonds nécessaires à ces
services et à ce soutien.
De quelle façon? Par l'octroi au niveau fédéral d'une aide égale à
toutes les familles à faible revenu, une assise sur laquelle les
provinces pourront établir leurs propres programmes.
[Traduction]
La plupart des grands programmes nationaux qui existent dans
notre pays ont été mis en place par étape. Pensons à
l'assurance-maladie, ou encore aux pensions de vieillesse.
L'important, c'est de faire le premier pas.
Le gouvernement fédéral propose dans ce budget d'accorder 850
millions de dollars pour accroître les dépenses au titre de la
prestation fiscale pour enfants. Ce chiffre comprend une tranche de
600 millions de dollars de nouveaux fonds à compter de juillet
1998; cette somme s'ajoute à la majoration de 250 millions de
dollars des prestations pour enfants annoncée dans le budget de
1996. C'est donc une somme de 6 milliards de dollars qui sera
versée chaque année aux familles canadiennes dans le cadre de la
nouvelle prestation fiscale canadienne pour enfants.
Je m'explique. Dans le budget de l'an dernier, nous avons
annoncé que les fonds prévus pour le supplément du revenu gagné,
qui aide les familles à faible revenu qui travaillent à payer certaines
dépenses, seraient doublés en deux étapes. Dans ce budget, pour
faciliter le passage à un système de prestation nationale pour enfant,
le supplément du revenu gagné sera encore bonifié, et sera
restructuré à compter de juillet prochain.
Premièrement, un montant de 70 millions de dollars, qui devait
être versé dans le cadre de la hausse du supplément l'an prochain,
sera versé dès cette année. Cette initiative fournira, à compter du
premier juillet, 195 millions de dollars en nouvelles prestations à
plus de 700 000 familles gagnant jusqu'à 26 000 $ par année, dont
un tiers sont dirigées par un parent seul, habituellement une femme.
Deuxièmement, la répartition de cette prestation sera modifiée
afin de tenir compte du nombre d'enfants, comme pour les
allocations familiales versées par les provinces dans le cadre de
l'assistance sociale.
Enfin, tel qu'annoncé, nous fournirons des crédits
supplémentaires de 600 millions de dollars par année au titre de la
nouvelle prestation fiscale pour enfants.
[Français]
En tenant compte des 250 millions de dollars consacrés au
Supplément du revenu gagné, qui est intégré à la nouvelle
prestation, c'est 850 millions de dollars de plus, par année, que le
gouvernement fédéral versera à plus d'un million d'enfants et à
leurs familles.
(1730)
[Traduction]
La mise sur pied d'un nouveau système de prestation nationale
pour enfant est un changement de taille qui, en soi, nécessitera une
mise en oeuvre coordonnée avec les provinces. Nous étudions en ce
moment la manière précise de structurer cette mesure. Elle doit être
conçue aux fins de l'utilisation par les provinces des fonds dégagés
par le palier fédéral, afin d'apporter le soutien et les services dont
les enfants ont besoin durant leurs années de croissance.
Pour notre part, nous visons la mise en oeuvre de ce nouveau
système de concert avec les provinces, au plus tard en juillet 1998.
Toutefois, si nos discussions avec les provinces nous permettent
d'aller plus vite, nous le ferons. Le bien-être des enfants canadiens
représente la meilleure cause qui soit pour un nouveau partenariat.
Nous engageons aujourd'hui d'importantes ressources
financières supplémentaires en faveur de cette cause. Mais il ne
s'agit là encore que d'un début. Nous augmenterons les ressources
consacrées à cette fin dès que nous en aurons les moyens. La raison
en est bien claire. Les possibilités dont sont privés les enfants sont
trop souvent synonymes de chances perdues à l'âge adulte. L'avenir
des enfants du Canada, c'est aussi l'avenir de notre pays.
La plupart d'entre nous sommes en mesure de surmonter les
nombreuses difficultés que nous rencontrons dans la vie de tous les
jours parce que nous avons la capacité physique de le faire. Ce n'est
pas le cas des Canadiennes et Canadiens handicapés, qui n'ont pas
la même capacité. Ils se heurtent à des obstacles dans presque tous
les aspects de la vie quotidienne. Ces Canadiennes et ces Canadiens
ne demandent pas un régime de faveur. Ce qu'ils demandent, c'est
l'égalité des chances auxquelles ont droit tous les citoyens. Et ils
ont besoin de notre aide pour l'obtenir.
[Français]
Nous annonçons aujourd'hui des mesures qui font suite aux
recommandations du Groupe de travail fédéral sur les questions
intéressant les personnes handicapées. Ces mesures représentent de
nouveaux pas dans la voie tracée l'an dernier.
[Traduction]
Premièrement, les travailleurs handicapés pourront maintenant
déduire de leur revenu gagné la totalité du coût des services d'un
préposé aux soins. Deuxièmement, les audiologistes seront
désormais autorisés à remplir le certificat requis aux fins du crédit
d'impôt pour personnes handicapées.
[Français]
Troisièmement, la liste des frais donnant droit au crédit d'impôt
pour frais médicaux est élargie sensiblement.
Quatrièmement, nous doublons le montant maximal qui peut être
réclamé au titre des services d'un préposé aux soins à temps partiel.
8297
[Traduction]
Cinquièmement, nous instituons un crédit remboursable en
faveur des travailleurs à faible revenu pour les aider à faire face aux
frais médicaux élevés que doivent fréquemment assumer les
personnes handicapées. Cette mesure améliorera l'aide accordée à
environ 280 000 travailleurs canadiens à faible revenu qui ont des
frais médicaux élevés.
Finalement, le gouvernement crée un Fonds d'intégration doté de
30 millions de dollars qui, en partenariat avec des organisations non
gouvernementales, offrira une aide aux Canadiens handicapés.
Dans l'ensemble, les mesures que je viens de décrire représentent
un investissement d'environ 230 millions de dollars, sur trois ans,
afin d'améliorer la qualité de vie de plusieurs milliers de nos
concitoyennes et concitoyens.
Des millions de Canadiennes et de Canadiens, d'un bout à l'autre
du pays, donnent de leur temps pour participer aux activités
d'organismes sans but lucratif, bénévoles et de bienfaisance. La
générosité dont ils font ainsi preuve et leur travail ont une valeur
inestimable. Leur participation à titre de citoyens contribue à
maintenir et à améliorer la qualité de vie dans nos collectivités. Les
gouvernements ont le devoir d'appuyer leur participation et leur
dévouement.
Nous annonçons aujourd'hui d'importantes mesures visant à
favoriser les dons de charité. Je veux souligner les deux initiatives
les plus importantes.
[Français]
Premièrement, le gouvernement se propose d'augmenter le
montant des dons pour lesquels le contribuable peut demander un
crédit d'impôt au cours d'une année. Il s'appliquera, de façon
uniforme, à tous les organismes de bienfaisance.
Cette mesure aidera tout particulièrement les petits organismes,
comme les banques d'alimentation et les maisons d'accueil.
(1735)
[Traduction]
Suite aux mesures prises dans nos budgets précédents et dans ce
budget, le Canada offre un régime fiscal plus avantageux que celui
qui est en vigueur aux États-Unis dans le cas des dons en argent, et
particulièrement les dons que font les personnes à revenu moyen.
Le système canadien est toutefois nettement moins favorable que
le régime américain sur un point, les dons qui ne sont pas en argent.
En raison de ce désavantage, les organismes de charité canadiens
nous ont indiqué clairement qu'il leur a été beaucoup plus difficile
d'obtenir des dons importants.
Nous proposons donc des modifications dans le régime fiscal des
dons de titres négociés en bourse, qui placeront nos organismes de
bienfaisance sur un pied d'égalité avec les institutions équivalentes
aux États-Unis pour attirer les dons de ce genre.
Ce changement a pour but d'aider les organismes de bienfaisance
de toutes natures, c'est-à-dire, par exemple, Centraide, les
partenaires des Fondations communautaires du Canada, les
universités, et les hôpitaux. Nous allons réexaminer cette
disposition au bout de cinq ans pour nous assurer qu'elle a bel et
bien permis d'accroître les dons et qu'elle profite équitablement à
tous les types d'activités de bienfaisance.
[Français]
J'aimerais maintenant exposer notre politique et notre
engagement en matière de taxation.
Notre objectif est simple: c'est de réduire les impôts.
Nous sommes entrés en fonction, en 1993, après 10 années
d'augmentation constante des impôts. Dans le mois qui a suivi notre
élection, j'ai déclaré qu'il s'agissait manifestement de l'une des
principales raisons pour lesquelles les Canadiens ne faisaient plus
confiance à l'État. J'ai aussi déclaré que nous étions déterminés à
mettre fin à la hausse effrénée des impôts. Et c'est ce que nous
avons fait.
Aucun de nos budgets n'a augmenté les taux d'imposition du
revenu des particuliers. D'ailleurs, dans le budget de l'an dernier et
dans celui de cette année, nous n'avons augmenté aucun impôt. En
fait, nous avons procédé à des réductions d'impôt sélectives là où
nous pouvions obtenir le meilleur effet possible.
[Traduction]
Comme nous l'avions expliqué hier, le budget propose des
réductions d'impôt sélectives en faveur des familles à faible revenu,
des organismes de bienfaisance, des personnes handicapées, des
étudiants et des travailleurs qui poursuivent des études supérieures,
ainsi que des parents qui économisent en vue des études de leurs
enfants.
Nous avons toujours dit que c'était de cette manière que nous
allions amorcer la réduction du fardeau fiscal. De plus, nous
continuons de réduire et de simplifier les droits de douane sur les
importations, une importante réforme qui, l'an dernier seulement, a
généré des économies de 600 millions de dollars pour les
entreprises et les consommateurs canadiens.
Enfin, suite à nos compressions budgétaires, les taux d'intérêt au
Canada ont chuté sensiblement et cette baisse des taux à elle seule a
accru le pouvoir d'achat des Canadiens de plusieurs milliards de
dollars supplémentaires.
C'est dans ce contexte que j'aimerais aborder maintenant la
suggestion faite par certains, qui jugent le moment venu d'offrir une
réduction générale d'impôt.
Notre position est bien simple. Nous voulons réduire davantage
les impôts des particuliers, et nous le ferons dès que le pays en aura
les moyens. Mais ce serait irresponsable de le faire maintenant.
De fait, si l'on peut se permettre, aujourd'hui, de même poser la
question, c'est justement parce que nous avons accompli des
progrès depuis trois ans dans la réduction du déficit et dans la bonne
gestion des finances du pays.
(1740)
[Français]
Proposer, maintenant, une réduction générale d'impôt, c'est
prétendre que la lutte contre le déficit est terminée. Or, elle n'est pas
terminée. Mais elle le sera bientôt, à condition de garder le cap et de
faire preuve de fermeté.
8298
La question n'est pas de savoir si l'on devrait réduire le fardeau
fiscal dès lors que nous avons dépassé notre objectif de réduction du
déficit. Il s'agit plutôt d'établir si nous pouvons nous permettre de
réduire le fardeau fiscal alors que nous avons encore un déficit
important et que le ratio de la dette au PIB n'a pas encore commencé
à diminuer.
[Traduction]
Voyons les choses en face. Il n'y a que deux façons possibles de
financer une réduction générale d'impôt aujourd'hui: en
augmentant notre déficit ou en effectuant de nouvelles réductions
dans les programmes fédéraux. Pour nous, les choses sont claires.
Aucun de ces choix n'est acceptable. Nous n'allons pas abandonner
la lutte, après tous les sacrifices que la population canadienne a
consentis et après tous les progrès que nous avons accomplis
ensemble. Augmenter le déficit, ce serait faire augmenter les taux
d'intérêt. Ce serait miner la confiance et les perspectives d'emploi
et de croissance qu'on peut maintenant entrevoir. Cela, nous
refusons de le faire.
Nous refusons aussi de sabrer davantage dans nos programmes.
Certes, nous devons poursuivre nos efforts pour enrayer le
gaspillage et l'inefficacité. Certes, nous avons réduit nos dépenses,
mais nous l'avons fait sans compromettre les priorités essentielles
du pays. Après trois années à passer au peigne fin les dépenses
gouvernementales, que de réduire d'encore plusieurs milliards de
dollars des programmes déjà amputés, aurait pour seule
conséquence de compromettre les programmes auxquels les
Canadiens sont attachés -des programmes qui jouent un rôle vital
dans le sentiment de bien-être partagé des Canadiens.
Oui, le moment viendra d'envisager une réduction générale
d'impôt. Mais nous ne réduirons pas les impôts avant d'avoir les
moyens de nos ambitions, c'est-à-dire quand nous aurons la
certitude de pouvoir les réduire en permanence. Notre but doit être
le redressement permanent des finances publiques. C'est la seule
stratégie garantie de parvenir à une réduction permanente du
fardeau fiscal.
[Français]
J'aimerais maintenant, en conclusion. . .
[Traduction]
Je viens de dire que j'allais conclure et le leader de la Chambre a
dit: «Dieu merci».
[Français]
J'aimerais maintenant, en conclusion, résumer notre plan pour
renforcer l'économie et faire du Canada une société plus forte, un
plan mis en oeuvre dans chacun de nos budgets.
À notre entrée en fonction, nous devions tout d'abord rétablir la
confiance dans la capacité du pays de gérer ses finances. Nous
avons atteint chacune de nos cibles de déficit, et mieux encore.
Le deuxième élément de notre plan: agir dans les secteurs où un
effet immédiat peut être exercé sur la croissance et l'emploi.
Le troisième élément: renforcer les assises de la croissance
économique et de la création d'emplois à long terme en investissant
dans l'infrastructure du savoir.
Et le quatrième élément: faire du Canada une société plus forte en
investissant dans la santé et dans l'avenir de nos enfants.
[Traduction]
Des initiatives immédiates en faveur de l'emploi et de la
croissance, des investissements à long terme pour une économie
plus forte, les fondations d'une société plus forte, voilà les quatre
éléments de notre plan. Voilà les enjeux de nos budgets précédents.
Voilà les enjeux du présent budget.
En terminant, permettez-moi d'ajouter ceci: une chose doit être
bien claire, il n'est pas question de revenir en arrière. Le temps où le
gouvernement dépensait à outrance, intervenait à outrance, est bel
et bien révolu. Il n'est pas question de revenir à l'époque où le
gouvernement ne pouvait pas, ou ne voulait pas, fixer des priorités
et, en conséquence, dépensait trop pour des choses qui ne
comptaient pas et pas assez pour celles qui comptaient vraiment.
L'usage qu'un gouvernement fait de ressources limitées est le reflet
des valeurs auxquelles il souscrit.
(1745)
Notre gouvernement a établi ses priorités. Ce budget investit
dans ces priorités. Tout en continuant de réduire le déficit, nous
dégageons d'importantes ressources nouvelles en faveur de
l'emploi, des soins de santé, de l'éducation, de nos enfants. Tout
cela reflète nos valeurs.
Nous avons dit très clairement que nous allions maintenir le cap
sur la réduction du déficit. Mais à ceux qui, sous le prétexte de
réduire le déficit, voudraient faire disparaître l'appareil d'État,
permettez-moi de dire que nous voyons les choses différemment.
Selon notre vision, un gouvernement libéré du fardeau du déficit
n'est pas un gouvernement libéré de ses responsabilités. C'est, tout
au contraire, un gouvernement capable de mieux s'en acquitter.
Notre rôle doit être de venir en aide aux personnes dans le besoin.
Nous devons pouvoir exprimer les intérêts de ceux et celles qui sont
submergés par la vague du changement, dont la voix ne peut se faire
entendre parce qu'ils ne sont pas dans le rang des privilégiés. Le
devoir du gouvernement est d'aider le pays à préparer l'avenir.
[Français]
Il va sans dire que les dix dernières années n'ont pas été faciles
pour les Canadiens et les Canadiennes.
Le libre-échange, les changements technologiques ont imposé un
effort d'adaptation exigeant.
Après avoir fait ce que nous devions faire, nous pouvons
constater que le pire est passé et que le meilleur nous attend.
Il est évident que nous ne sommes pas encore arrivés à
destination, mais il est tout aussi évident que nous avons parcouru
bien du chemin, que l'époque des coupures touche à sa fin, que les
finances du pays sont enfin reprises en main, que nous retrouvons la
capacité de forger notre propre destin.
[Traduction]
Il est très clair, en ce qui a trait aux finances du pays, que nous
avons encore du chemin à faire. Mais il est tout aussi clair que nous
avons accompli des progrès considérables. Assez considérables,
8299
assurément, pour nous permettre de forger une vision commune et
bâtir le genre de pays que nous souhaitons pour nos enfants.
Cette vision ne peut être définie en termes idéologiques, de
gauche ou de droite. Elle doit reposer sur l'équilibre fondamental
qui a toujours été au coeur de la vie du pays: l'équilibre entre la
liberté individuelle et la responsabilité collective. Cette vision doit
être inspirée par la conviction que dans une société civilisée, les
institutions publiques, le sens de l'intérêt collectif et les valeurs
communes sont tout aussi importants pour la santé de l'économie
que le bon fonctionnement des marchés.
Si nous avons été obligés de consacrer beaucoup d'énergie à la
solution des problèmes financiers légués par nos prédécesseurs,
maintenant que ces problèmes sont en voie d'être réglés, nous
pouvons nous concentrer sur nos perspectives d'avenir, sur les
grands défis nationaux qui nous attendent.
[Français]
Ne disons jamais qu'il existe un niveau tolérable de pauvreté
chez les enfants. Ne baissons jamais les bras devant un écart
croissant entre riches et pauvres. Et n'oublions jamais ce que nous
devons à nos aînés.
[Traduction]
Et ne ménageons aucun effort pour créer des emplois. Nous
devons nous rendre à l'évidence que les ressources naturelles du
Canada les plus précieuses ne sont pas enfouies dans les
profondeurs de la terre, mais qu'elles sont présentes parmi nous, à
travers les compétences et le talent des gens qui vivent dans ce pays.
Nous devons tout mettre en oeuvre pour que le Canada soit à la
hauteur des normes que le monde a fixées aujourd'hui en matière
d'innovations; mais mieux encore, qu'il prenne les devants et
établisse les critères d'excellence que les autres devront viser à
l'avenir.
Nous avons un message très clair pour ceux qui pensent que nous
n'avons plus les moyens d'avoir une assurance-maladie. S'il y a
jamais eu, dans notre histoire, une époque où nous n'avions pas les
moyens de perdre l'assurance-maladie, c'est bien maintenant, et
nous devons en fait la renforcer.
(1750)
Il n'y a rien qui nous empêche d'y arriver. Nous avons la capacité
de réaliser cette vision, et bien plus encore. Depuis trois ans
maintenant, notre politique vise à permettre au Canada de prendre
un nouveau départ. Le temps est venu de faire de ce départ le
tremplin vers de grandes réalisations.
Il est temps de chasser le doute. Il est temps de tourner le dos à
ceux qui manquent d'audace, aux pessimistes, aux tenants de la
médiocrité. Il est temps de prendre le parti de l'intérêt national.
Affirmons haut et fort que ce pays ne sera bon pour chaque citoyen
que s'il est bon pour tous ses citoyens.
Voilà le cap que nous nous sommes fixé. Nous garderons ce cap,
contre vents et marées.
Des voix: Bravo!
L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.) demande à
présenter le projet de loi C-83, Loi portant pouvoir d'emprunt pour
l'exercice commençant le 1er avril 1997.
(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la
première fois et l'impression en est ordonnée.)
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le
Président, avant d'entrer en matière, j'aimerais saluer, dans les
tribunes, M. Yves Duhaime, le prochain député de Saint-Maurice.
Des voix: Bravo!
M. Loubier: J'en reviens au budget. Le budget présenté
aujourd'hui par le ministre des Finances ne vaut pas le papier sur
lequel il est imprimé. Ce budget est bassement électoraliste.
Il est électoraliste, parce que le ministre des Finances a perdu une
occasion extraordinaire de faire justement des choses
extraordinaires, parce qu'il bénéficiait d'une conjoncture qui, elle
aussi, n'est pas ordinaire. Il aurait pu faire des choses
extraordinaires au niveau de la création d'emplois, au niveau de la
véritable lutte contre la pauvreté, au niveau de la véritable création
d'une impulsion sur l'emploi à long terme, tout en maintenant son
cap sur un déficit zéro pour l'an 2000.
Au lieu de cela, le ministre des Finances a présenté des mesures
bassement électoralistes, des mesures qui ne disent rien qui vaille
sur la nature et la vraie grandeur de ce gouvernement.
(1755)
Prenons, par exemple, la fiscalité. Nous avons pris soin, en
novembre dernier, de suggérer au ministre des Finances, dans une
analyse serrée concernant une révision de la fiscalité des
corporations, des voies de resserrement des dépenses fiscales, des
bénéfices indus aux grandes entreprises. Cela aurait permis de
récupérer pas moins de trois milliards de dollars à réinjecter auprès
des PME pour soutenir leur effort de création d'emplois. Que
retrouve-t-on dans ce budget? Rien, à cet égard. Concernant la
fiscalité des particuliers, c'est exactement la même chose.
Trois ans et demi à la tête du ministère des Finances du Canada et
il est incapable de produire une seule ligne de réforme de la fiscalité
pour la rendre plus juste, plus équitable pour l'ensemble des
contribuables à faible et moyen revenu. Tout ce qu'on a fait, c'est
qu'on a maintenu des bénéfices indus pour les très riches amis du
Parti libéral du Canada.
Le ministre des Finances bénéficiait d'une marge de manoeuvre
extraordinaire, et j'explique. Relativement aux prévisions de déficit
effectuées lors du dépôt de son dernier budget et les prévisions
contenues dans le présent budget, conjugées aux prévisions des
grandes boîtes de prévisions canadiennes, le ministre des Finances
pouvait bénéficier, dès cette année, en 1997-1998, d'une marge de
manoeuvre d'un minimum de huit milliards de dollars.
8300
Autrement dit, tout en maintenant le cap sur la réduction du
déficit, tout en se rendant à un déficit zéro pour l'an 2000, comme
s'est commis le gouvernement du Québec, le ministre des Finances
aurait pu faire des choses extraordinaires. Huit milliards de marge
de manoeuvre! Et le ministre des Finances n'a rien fait de cette
marge.
En matière de création d'emplois, les 1,5 millions de chômeurs
canadiens officiels et les trois millions de chômeurs, qui incluent les
chômeurs qui ne sont pas officiels, mais qui sont retirés de la
recherche d'emploi par découragement ou à cause de mesures,
comme l'assurance-emploi, qui les marginalisent, les trois millions
de sans-emploi auraient dû s'attendre à des mesures consistantes au
chapitre de l'emploi. Ils avaient les yeux rivés sur le ministre des
Finances, ils avaient les yeux rivés sur le budget.
Au lieu de cela, la seule mesure comportant de l'argent neuf dans
ce budget comporte des versements de 25 millions de dollars.
Vingt-cinq millions de dollars, alors que le ministre des Finances
aurait pu, facilement, avec sa marge de manoeuvre de huit milliards,
accaparer une partie du surplus à la caisse d'assurance-chômage
pour réduire substantiellement les cotisations. Pas 10c., pas des
pinottes, pas des pacotilles, mais réduire substantiellement les
cotisations pour donner une impulsion à l'emploi. Il aurait pu le
faire, comme nous le lui demandons depuis bientôt un an et demi au
sujet de la réduction des cotisations.
Il aurait pu aussi annoncer aux chômeurs que la décision qu'il a
prise de mettre en place le nouveau régime d'assurance-emploi,
odieusement appelé assurance-emploi, mis en place en janvier
dernier, il aurait pu prendre une partie du surplus de sa marge de
manoeuvre, surplus généré à la caisse d'assurance-chômage, pour
redonner une protection adéquate aux chômeurs.
Au lieu de cela, le ministre des Finances s'est comporté en
gestionnaire dur, pur et dur: non seulement le cap pour le déficit
zéro pour l'an 2000, mais des surplus à tout rompre. Les chômeurs,
ils n'auront qu'à attendre. Comme disait le premier ministre
récemment: «Les chômeurs, good luck». C'est ça, le ministre des
Finances.
Les enfants pauvres, parlons-en. Il y a quelques semaines, le
ministre des Finances et le premier ministre se sont trouvé une
compassion subite pour les enfants pauvres, lesquels ils ont rendus
plus pauvres depuis trois ans et demi par des coupures aux
programmes sociaux de 4,5 milliards en trois ans. Subitement, la
compassion est là pour les enfants pauvres.
Que donne-t-on aux enfants pauvres? Cette année, 50 millions de
dollars. Cinquante millions, cette année, de plus, d'argent neuf pour
les enfants pauvres. L'année prochaine, il y aura un programme de
600 millions de nouvelles prestations. Très bien, 600 millions, mais
il faut comparer ça au bilan des trois années et demie du
gouvernement. Si on veut comparer les 600 millions de dollars en
nouvel argent qui viendront après les élections, eh bien, ils peuvent
changer d'idée. Ils ont changé d'idée sur la TPS, ils peuvent changer
d'idée sur la prestation de 600 millions de dollars.
(1800)
Ils ont changé d'idée aussi, une promesse non-respectée de 600
millions de dollars d'injection dans les garderies; ils peuvent
changer d'idée sur les prestations aux enfants. Six cents millions de
dollars, alors qu'on a coupé 4,5 milliards dans les programmes
sociaux. Six cents millions de dollars, alors qu'on va retirer en
bénéfices aux chômeurs cette année, uniquement par l'instauration
de l'assurance-emploi, tout près de 1,5 milliard de bénéfices aux
chômeurs. On appauvrit les parents des enfants pauvres, est-ce cela,
lutter contre la pauvreté?
C'est odieux de nous présenter les choses de cette façon. Ils sont
responsables de la montée de la pauvreté des enfants. Ils
réclamaient une politique de lutte contre la pauvreté dans le livre
rouge où ils dénonçaient le million d'enfants pauvres au Canada. Le
chiffre a grimpé à 1,5 million d'enfants pauvres, et ce, par leur
faute, car ce sont eux les principaux responsables.
On met sur pied, dans ce budget, une Fondation, avec tout le
fla-fla, le décor et le théâtre dont le ministre des Finances est
capable de faire preuve. On parle d'une Fondation pour financer la
recherche, entre autres en santé et en éducation supérieure. Il s'agit
d'une Fondation de 800 millions. On s'est demandé tout d'abord à
quoi doit-on confronter ces 800 millions dans les éléments du bilan
du ministre des Finances. À une chose: le ministre des Finances a,
encore une fois, coupé les transferts aux provinces pour le
financement de l'éducation post-secondaire et de la santé.
Ce faisant, une Coalition canadienne est venue nous dire au
Comité des finances que les coupures du ministre ont fait en sorte
qu'au cours des prochaines années, l'effort de recherche
biomédicale, entre autres, sera réduit jusqu'à 30 p. 100; c'est cela le
désastre du ministre des Finances. Et là, on vient nous dire qu'on
met en place une Fondation de recherche; oui, afin de réparer les
pots cassés, parce qu'ils se sont aperçus qu'ils avaient fait une
erreur, mais ils sont incapables de reconnaître leurs erreurs.
Ces 800 millions, il faut savoir de quelle façon il sont financés
aussi. Quand on regarde les prévisions de transferts aux provinces
rendues publiques l'année dernière par le ministre des Finances, et
si on les compare aux transferts révisés présentés par le ministre des
Finances cette année, on s'aperçoit qu'il y a une légère baisse de 800
millions dans les transferts aux provinces. Et justement, la
Fondation de recherche coûte 800 millions. Alors, encore une fois,
c'est clair que cette Fondation, le premier pont de cette Fondation
sera constitué sur le dos des provinces. C'est cela, la poursuite du
ministre des Finances et c'est avec cela qu'on devrait le gratifier;
c'est à partir de ce budget qu'on devrait lui dire qu'il a fait son job?
C'est une honte monumentale.
Je vous fais remarquer, monsieur le Président, que toutes les
nouvelles mesures, annoncées avec tambours et trompettes, sont
toutes des mesures dans des champs de juridiction exclusive des
provinces. Ce sont toutes des mesures dans la santé, l'éducation, la
sécurité du revenu, tous des champs identifiés par la Constitution
comme étant des champs de juridiction provinciale.
C'est tout de même étrange que le ministre des Finances trouve
de l'argent un peu partout pour annoncer, à grands renforts de
publicité, des programmes fédéraux avec un gros drapeau et le
gouvernement du Canada en dessous, et qu'il n'ait pas une cenne
pour maintenir les transferts qu'il effectuait normalement dans les
programmes sociaux auprès des provinces. C'est tout de même
étrange. Ne serait-il pas en train de tasser les provinces
complètement pour s'emparer de leurs champs de juridiction, en
mettant le drapeau et le gouvernement du Canada bien en avant,
pour se faire du capital politique? La réponse est oui.
8301
Les mesures préconisées par le ministre des Finances dans ce
budget sont le prolongement de la politique des drapeaux de la
vice-première ministre. C'est uniquement cela.
J'aurais pu parler longtemps de ce budget, et d'ailleurs, nous en
aurons l'occasion au cours des prochains jours. Mais laissez-moi
vous parler d'un dernier point, une dernière chose importante qui
n'est pas contenue dans ce budget, et c'est la compensation pour
l'harmonisation de la TPS dont le Québec a droit.
Le Québec a harmonisé sa taxe de vente provinciale avec la TPS
dès 1991. Il réclame aujourd'hui une facture de 1,9 milliard de
dollars au gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a conclu
une entente d'harmonisation avec les Maritimes et tout de suite, le
chèque était prêt. Près d'un milliard de dollars payés aux Maritimes
en compensation pour l'harmonisation de la TPS, alors que nous, au
Québec, on a harmonisé depuis 1991 sans aucune compensation.
Nous nous serions attendus, par souci d'équité et de justice envers le
Québec, qu'on fasse mention, dans le budget, d'un premier
versement auprès du gouvernement du Québec pour
l'harmonisation de la TPS. Il n'y a rien de cela là-dedans.
En terminant, j'aimerais citer le ministre des Finances qui, dans
son budget en bref, disait ceci, et je cite: «L'usage qu'un
gouvernement fait de ses ressources est le reflet des valeurs
auxquelles il souscrit.» Avec ce budget, il est clair que le
gouvernement souscrit au cynisme, aux manoeuvres bassement
électorales, et qu'il se rit des contribuables du Québec et du Canada.
J'aimerais déposer la motion d'ajournement du débat sur le
budget. Je propose, appuyé par ma collègue du comté de
Rimouski-Témiscouata, la motion suivante:
Que le débat soit maintenant ajourné.
Sur la motion de M. Loubier, le débat est ajourné.
Le Président: Comme il est 18 h 05, la Chambre s'ajourne
jusqu'à demain, à 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du
Règlement.
(La séance est levée à 18 h 05.)