Gouvernement de l'Ontario| Sauter le menu de navigation | Ministère des Transports
Site Web principal du gouvernement de l'Ontario.Faites-nous part de vos questions et commentaires.Recherche dans les sites Web.Plan du site Web.English version of this page.
Où suis-je? Page d'accueil > Gestion routière > Enquête sur une défaillance : Rapport final

Le pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial au-dessus de la rivière Montréal à Latchford

Enquête sur une défaillance : Rapport final
1er décembre 2003
Photo du pont é Latchford

Préparé par :
Dino Bagnariol, ingénieur
Ingénieur en chef, Évaluation et inspection
Bureau de la gestion des ponts
Ministère des Transports

Révisé par :
Bala Tharmabala, ingénieur
Chef du Bureau de la gestion des ponts
Ministère des Transports

Brian Peltier, P.Eng., ingénieur
Ingénieur en chef / directeur
Direction des normes techniques
Ministère des Transports


Table des matières

Sommaire

  1. Introduction
  2. Portée de l’enquête
  3. Résumé de la cause de la défaillance
  4. Déroulement des événements menant à la défaillance
  5. Examen visuel préliminaire
  6. Analyse métallurgique
  7. Étude de l’état de la structure d’acier
  8. Inspections après la défaillance
  9. Calcul des structures
  10. Historique de la conception et de la remise en état du pont
  11. Historique des inspections
  12. Conclusions et recommandations

Annexes*

Annexe A – Rapport de l’examen visuel préliminaire
Annexe B – Rapport métallurgique
AnnexeC – Rapport de l’étude sur l’état de la structure d’acier (Partie 1 et Partie 2)
Annexe D - Rapport du calcul des structures
Annexe E – Entrevues
Annexe F – Comité de contrôle par les pairs

*Note : les annexes indiquées ci-dessus ne sont pas comprises dans ce document sur le Web. Pour obtenir une copie de l'enquête sur l'échec, rapport final, y compris toutes les annexes, veuillez contacter le bureau de la gestion des ponts du ministère des Transports de l'Ontario au 905-704-2341. Pour obtenir de l'aide en français, veuillez communiquer avec le ministère des Transports de l'Ontario au 416-327-9149.


Sommaire

Une défaillance partielle du pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial a eu lieu le 14 janvier 2003 vers 15 h. Ce pont en arc en acier est situé sur l’autoroute 11, à Latchford, et enjambe la rivière Montréal. Alors qu’un tracteur semi-remorque en direction sud traversait le pont, le tablier en béton s’est affaissé d’environ 2 mètres au coin nord-ouest en raison d’une défaillance des 3 tiges de suspension. Le pont a été immédiatement fermé à la circulation.

Le présent rapport documente l’enquête menée par le ministère des Transports (MTO) sur la cause de la défaillance. Le rapport décrit la cause de la défaillance et fait des recommandations quant à la façon d’empêcher des défaillances similaires à l’avenir.

En résumé, la défaillance partielle du pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial a été causée par la rupture par fatigue de trois tiges de suspension en acier sur le côté nord-ouest du pont. La défaillance de ces tiges peut être attribuée à une combinaison de facteurs :

  1. La conception originale n’a pas tenu compte du fait que les goupilles dans les suspentes pouvaient gripper et causer des tensions par fatigue en pliage dans les tiges. Les tensions par fatigue en pliage ont fini par entraîner la rupture des tiges.
  2. La partie filetée des tiges a été endommagée durant la construction il y a 40 ans.
  3. La qualité de l’acier ne répond pas aux normes actuelles de ductilité à basse température et de composition chimique.
  4. Les pièces critiques des tiges de suspension ont été cachées à l’inspection car elles étaient à l’intérieur de l’arc.

Les recommandations découlant de cette enquête peuvent être regroupées dans les trois catégories suivantes :

  1. Pratiques de conception

    Il faudrait noter que la conception de ce pont est très unique et que ce pont est le seul en son genre dans le réseau de routes provinciales. En comparant les pratiques de conception des années 1950 à ceux qui sont en vigueur aujourd’hui, nous remarquons que de nombreuses améliorations ont été apportées dans ce domaine. Les codes de conception actuels reconnaissent les problèmes reliés aux structures qui ne sont pas hyperstatiques et les détails relatifs à la fatigue. Toutefois, d’autres améliorations sont recommandées :

    1. Les effets de la rigidité de raccordement et les tensions par fatigue en pliage devraient être pris en considération dans la conception et l’évaluation des ponts en arc en acier et les ponts à poutre triangulée.
    2. En ce qui concerne les conceptions et les remises en état futures, le concepteur devrait identifier les détails critiques et veiller à ce que les détails puissent être facilement inspectés après la construction.
  2. Spécifications relatives aux matériaux et à la construction

    Tout comme les spécifications de conception, les spécifications relatives aux matériaux et à la construction ont connu des progrès considérables au cours des 40 dernières années. Des processus et des matériaux nouveaux et améliorés, ainsi que des exigences plus sévères relatives au contrôle de la qualité et à l’assurance de la qualité durant les processus de fabrication et de construction, ont amélioré la qualité générale de l’acier et d’autres matériaux. Les essais et la performance des matériaux à basse température font partie intégrante du processus de fabrication de l’acier aujourd’hui.

    À ce titre, aucune nouvelle recommandation n’a été faite dans cette catégorie.

  3. Pratiques d’inspection

    Au cours des dernières années, le ministère des Transports a amélioré les pratiques relatives aux inspections des ponts. La mise en place du Règlement de l’Ontario 104/97 en 1997 et la révision en 2000 du Manuel d’inspection de structure de l’Ontario (MISO) ont fourni de meilleures lignes directrices aux inspecteurs. Toutefois, une formation pratique supplémentaire à l’intention des inspecteurs est justifiée, une attention particulière étant portée aux ponts similaires qui ne sont pas hyperstatiques et qui sont sujets à la fatigue. Nous recommandons ce qui suit :

    1. Inspection immédiate des ponts en arc du MTO avec raccordements à goupilles et suspentes (complété).
    2. Conseiller les municipalités et d'autres propriétaires d’inspecter les ponts avec des détails similaires (complété).
    3. Développer des sections du MISO pour insister sur les exigences relatives à l’accès et aux inspections visuelles « de près » de chaque composant durant les inspections biennales.
    4. Fournir la formation supplémentaire dans le cadre du MISO aux inspecteurs pour veiller à ce que l’intégrité générale de la structure soit évaluée en identifiant les fléchissements et la flexibilité inhabituels et d’autres défauts mineurs.
    5. Des inspections détaillées de fatigue et des essais non destructifs des composants essentiels contre la fatigue devraient être effectués tous les 5 ans.
    6. Pour ce qui est des contrats de peinture, une inspection détaillée de tout l’ouvrage en acier de construction devrait être effectuée par un ingénieur pour vérifier certaines structures, après le nettoyage de l’acier et avant la peinture.
    7. Augmenter la fréquence des inspections à pied effectuées par le personnel d’entretien ou des entrepreneurs régionaux de services d’entretien dans le cas de certains ponts.
    8. Fournir au personnel d’entretien une formation supplémentaire dans l’inspection des ponts.
Haut de la page     

1.  Introduction

Une défaillance partielle du pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial au-dessus de la rivière Montréal, à Latchford, s’est produite le 14 janvier 2003 à environ 15 h. Alors qu’un tracteur semi-remorque traversait le pont en se dirigeant dans la direction sud, le tablier en béton s’est affaissé d’environ 2 mètres au coin nord-ouest en raison d’une défaillance des 3 tiges de suspension (voir figure 1). Le pont a été immédiatement fermé à la circulation.

Photo du pont à Latchford
Figure 1 : Coin nord-ouest

Le pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial est situé sur l’autoroute 11, entre Temagami et New Liskeard. Il s’agit d’un pont d’acier en arc à une travée de 110 mètres avec des suspentes dispsées verticalement. Un tablier en béton, supporté par 12 suspentes verticales de chaque côté, est rattaché à 12 poutrelles. La partie supérieure de chaque suspente est pourvue d’une tige filetée qui se prolonge à travers la semelle inférieure de l’arc en acier et est tenue en place par deux écrous. Chaque suspente est pourvue aussi d’un système d’œillets et de goupilles (dans les parties supérieure et inférieure) pour permettre une rotation libre d’un axe transversal. Une série de longerons en acier (6 par travée) relie les poutrelles et le tablier en béton. Le pont a été construit en 1960 et a été remis en état en 1992. L’acier de construction a été peint en 1998.

Le présent rapport documente l’enquête du ministère des Transports (MTO) sur la cause de la défaillance du pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial. Voici les principaux objectifs de l’enquête :

Trois ingénieurs indépendants ont examiné le présent rapport dans le cadre d’un processus d’évaluation par des pairs.

Haut de la page     

2.  Portée de l’enquête

Le présent rapport a été préparé en examinant l’information de plusieurs sources et en rassemblant les éléments de preuve pour former une opinion scientifique quant aux causes de la défaillance partielle du pont. Les sources d’information comprennent notamment ce qui suit :

  1. Inspections sur place après la défaillance
    • Dans le cadre de l’enquête, quatre inspections visuelles du pont après la défaillance ont été effectuées entre le 15 janvier et le 8 juillet 2003. Les observations notées durant les inspections sont résumées à la partie 8.
    • Un ingénieur métallurgiste du MTO a aussi visité le pont en janvier 2003 et a noté ses observations (voir le rapport du 7 février 2003 à l’annexe A*).
    • Les services d’une société d’inspection de l’acier de construction ont été retenus pour mener une inspection détaillée de tous les composants en acier sur le pont entre mars et juillet 2003. Des essais non destructifs (essais aux ultrasons et essais de contrôle magnétoscopique) ont également été effectués pour divers composants. (Voir les rapports datés du 11 avril et du 11 juillet 2003 à l’annexe C*)
  2. Enquête métallurgique détaillée sur les composants défectueux
    • Les services d’un expert métallurgique indépendant ont été retenus pour mener un examen visuel, des essais de matériaux et une analyse des produits de corrosion des composants défectueux (voir le rapport du 28 août 2003 à l’annexe B*).
  3. Calcul détaillé des structures
    • Un calcul détaillé des structures a été effectué en utilisant un modèle informatique tridimensionnel pour mieux comprendre le comportement des structures du pont et le déroulement possible des événements menant à la défaillance (voir le rapport du 5 novembre 2003 à l’annexe D*).
  4. Dessins de la conception originale et de la remise en état
    • Les dessins de la conception originale, les dessins de la fabrication en atelier des divers composants d’acier composants et les dessins de remise en état du pont en 1992 ont servi comme références durant l’enquête
    • L’historique de la remise en état du pont a également été examiné
  5. Dossiers de l’inspection biennale et des inspections d’entretien
    • Les exigences et pratiques du MTO en matière d’inspection au cours des 10 dernières années ont été examinées
    • Les rapports d’inspection bisannuelle au cours 10 dernières années ont été examinés
    • Les rapports d’inspection de l’entretien des 4 dernières années ont été examinés
  6. Entrevue avec l’entrepreneur dont les services ont été retenus durant la réparation temporaire du pont endommagé
    • Les notes de cette entrevue se trouvent à l’annexe E
  7. Processus d’évaluation par des pairs
    • Trois experts indépendants dans la construction de ponts ont examiné le rapport pour confirmer l’exactitude des conclusions et veiller à ce que les mesures adéquates et les normes professionnelles aient été suivies (voir annexe F*).
Haut de la page     

3.  Résumé de la cause de la défaillance

Voici un résumé des conclusions faites après examen de toute l’information décrite à la partie 2.

La cause principale de la défaillance a été la rupture par fatigue de trois tiges de suspension disposées verticalement et qui supportaient le tablier (voir annexe B*). Les tiges filetées ont été fissurées à la face inférieure du premier écrou, à l’intérieur de la section en arc. La défaillance des suspentes a été progressive pendant plusieurs années et peut être attribuée à une combinaison de facteurs de conception, de construction et de résistance du matériau.

  1. Facteurs de conception – grippage des goupilles

    En examinant les dessins de conception, il semble que les suspentes aient été initialement conçues pour tourner librement d’environ un axe transversal, dans les parties supérieure et inférieure, grâce à des goupilles. Toutefois, des inspections récentes durant l’enquête (voir les parties 8 et 10) indiquent que certaines des goupilles avaient grippé, empêchant ainsi la rotation. Une fois les goupilles grippées, les tiges de suspension étaient assujetties à des contraintes de flexion répétitives à mesure que les véhicules roulaient sur le pont. Comme les suspentes n’avaient pas été conçues pour résister aux contraintes de flexion, des fissures par fatigue se sont installées graduellement dans les suspentes et ont causé une rupture après une certaine période de temps.

    Le grippage des goupilles a été confirmé par les entrepreneurs qui ont retiré certains composants endommagés du pont en janvier 2003 (voir annexe E*). Les raisons possibles du grippage des goupilles sont examinées à la partie 10. Le grippage peut être attribué à une combinaison de pratiques de conception détaillées (absence d’espace de joint entre la plaque de la suspente et les supports), à la corrosion et au serrage exagéré possible des écrous durant la phase de construction.

  2. Facteurs de construction – Installation des suspentes

    Un autre facteur ayant contribué à la défaillance concerne les défauts trouvés sur certaines tiges de suspension. Comme il est décrit à l’annexe B, le métallurgiste a découvert des défauts dans la suspente 1 (NO), lorsque l’écrou a été retiré de la tige filetée. Un examen de près a permis de révéler que les deux-tiers du filet ont peut-être été meulés (probablement durant la phase de construction en 1960) dans la tentative infructueuse de retirer les défauts dans le filet (voir figure 2). Les défauts n’étaient pas visibles une fois que l’écrou a été placé sur la tige filetée. Le métallurgiste a confirmé que les fissures par fatigue ont commencé à cet endroit. Ces défauts, ainsi que les goupilles grippées, ont entraîné la propagation des fissures par fatigue dans la suspente 1 (NO). Des fissures par fatigue sont aussi apparues dans d’autres tiges de suspension comme il est indiqué aux parties 6 et 7. Toutefois, ces fissures se sont propagées plus lentement que dans les endroits où les défauts ont été trouvés dans les filets.

    Photo de la suspente 1
    Figure 2 : Suspente 1 (NO) – Côté brillant – Filets rectifiés.
  3. Facteurs relatifs à la résistance du matériau – Qualité de l’acier

    La qualité de l’acier utilisé dans les tiges de suspension a aussi joué un rôle dans la défaillance. Les tests métallurgiques effectués sur les tiges de suspension (voir annexe B*) indiquent que l’acier qui a été utilisé n’est pas demeuré ductile lorsque la température est devenue inférieure à –18 degrés Celsius, car la température de transition cassant-ductile était entre –18 et –29 degrés Celsius. Bien que la basse température ait contribué à la défaillance de la suspente 3 (NO) et l’affaissement brusque partiel du tablier le 14 janvier 2003, ces facteurs n’ont pas été la cause finale de la défaillance. La suspente aurait lâché de toute façon en raison d’une fatigue et d’une rupture fragile microscopique ayant lieu graduellement pendant plusieurs années. Toutefois, comme le métallurgiste l’a noté (voir annexe B), la fragilité de l’acier à basse température a accéléré la rupture fragile microscopique au cours des années en plus de l’apparition de la rupture finale.

Haut de la page     

4.  Déroulement des événements menant à la défaillance

Comme dans la partie 3, le déroulement suivant des événements menant à la défaillance a fait l’objet d’une théorie après examen de toute l’information décrite à la partie 2 :

  1. Suspente 1 (NO)

    L’analyse métallurgique (voir annexe B*) du produit de corrosion sur la surface de « rupture fragile » de la suspente 1 (NO) indique la présence d’une forte probabilité qu’il y a eu des fissures 5 à 7 ans avant le 14 janvier 2003. La « rupture fragile » est définie comme étant la rupture finale qui a entraîné la séparation réelle des deux sections de la tige de suspension fissurée. Avant la rupture finale, une partie de la tige de suspension aurait été fissurée à la suite des tensions par fatigue en pliage.

    Après la défaillance de la suspente 1 (NO), la charge a été transférée aux suspentes voisines et à la culée par les longerons en acier, les poutrelles et le tablier en béton. L’action exercée par la charge continue a entraîné des fissures par fatigue dans les suspentes 2 et 3 (NO) et dans la plaque de raccordement des poutrelles aux longerons.

      Photo de la suspente 1
      Figure 3 : Suspente 1 (NO) – La partie filetée indiquant des signes d’usure, d’abrasion et de dommages causés par l’impact

    Il existe une preuve supplémentaire pour suggérer que la suspente 1 (NO) a été fissurée pendant plusieurs années avant janvier 2003. La partie filetée de la suspente 1 (NO) montre des signes d’abrasion et d’usure causés par le frottement contre la douille en acier (mouvement vertical), à mesure que les véhicules traversaient le pont (voir figure 3). La formation d’usure sur la suspente indique que le fléchissement vertical de la suspente en ce qui concerne la douille s’est produit en deux étapes. L’usure sur la partie supérieure de la suspente 1 (NO) est plus prononcée et s’est produit sur une plus longue période de temps (elle a commencé lorsque la suspente 1 (NO) s’est fissurée). L’usure sur la partie supérieure de la suspente avait une longueur d’environ 30 mm. L’usure sur la partie inférieure des filets n’est pas aussi prononcée et s’est produite sur une période plus courte. (Elle a commencé lorsque la suspente 2 (NO) s’est fissurée). La longueur de l’usure totale sur la suspente était d’environ 100 mm. Ces valeurs d’abrasion sont conformes aux valeurs théoriques de la flèche due à la surcharge qui sont déterminées en utilisant le calcul des structures (voir la partie 9 et l’annexe D*).

  2. Suspente 2 (NO) et plaque de raccordement entre les longerons et la poutrelle 1 (NO)

      Photo du raccordement du longeron externe
      Figure 4: Raccordement du longeron externe à la poutrelle numéro 1 (coin NO)

    L’analyse des produits de corrosion de la surface de fracture rapide de la suspente 2 (NO) indique qu’il y a une grande probabilité que la suspente 2 (NO) ait connu une défaillance 1 à 3 ans avant le 14 janvier 2003.

    Les fissures par fatigue ont probablement commencé dans la plaque de raccordement entre le longeron 1 et la première poutrelle (NO) après la défaillance de la suspente 1 (voir annexe B*). L’analyse du produit de corrosion sur la surface du raidisseur indique que la fissure de fatigue a progressé à travers les trous de boulons pendant plusieurs années (voir figure 4). La fissure de fatigue s’est étendue jusqu’à 85 % de la partie transversale du raidisseur. La très faible corrosion sur la surface finale de rupture fragile (environ 15 % de la partie transversale) indique une défaillance probablement complète le 14 janvier 2003 (date de l’affaissement brusque partiel du tablier).


  3. Suspente 3 (NO)

    Une fois que la continuité coupée entre la culée, le longeron 1 et la poutrelle, la suspente 3 (NO), les raccordements entre les suspentes adjacentes et le longeron adjacent à la poutrelle étaient forcés de supporter la charge supplémentaire des suspentes 1 et 2 défaillantes. Toutefois, la suspente 3 (NO) n’a pas pu supporter cette surcharge et a rompu. Cela a entraîné l’affaissement brusque partiel du tablier le 14 janvier 2003.

  4. Surface fissurée des suspentes

    L’examen des surfaces brisées des suspentes 1, 2 et 3 (NO) a révélé deux surfaces distinctes sur chaque surface fissurée : une surface plus lisse où la fissure de fatigue s’est propagée et une surface à texture grossière où la rupture fragile s’est produite (voir annexe B*). La figure 5 montre la surface fissurée de la suspente 1 (NO). En examinant les surfaces fissurées des 3 suspentes, le métallurgiste a conclu qu’une fissure de fatigue couvrant 80 % de la surface de la suspente 1 (NO), 60 % de la surface de la suspente 2 (NO) et 30 % de la suspente 3 (NO) existait avant la rupture finale. Le fait que la suspente 1 ne se soit rompue que lorsque la fissure avait progressé jusqu’à couvrir 80 % de la section montre que les tiges de suspension ont joué un rôle de sécurité important en supportant la surcharge imposée par le trafic. La suspente 2 (NO) a rompu avec un pourcentage plus petit de la section fissurée puisque la charge sur cette la suspente a augmenté lorsque la suspente 1 (NO) a rompu. La même formation est vraie pour la défaillance de la suspente 3 (NO).

    Photo de la suspente 1
    Figure 5 : Suspente 1 (NO) – Surface de fracture

    Comme nous l’avons déjà indiqué, la suspente 3 (NO) a rompu le 14 janvier 2003, les suspentes 1 et 2 (NO) ayant déjà rompu avant cette date. L’extrême basse température (-30 degrés Celsius, d’après les journaux) et la qualité de l’acier utilisé dans les suspentes ont aussi joué un rôle dans la réduction de la ductilité des suspentes et dans l’accélération de la rupture finale. Les tests métallurgiques ont confirmé que le matériau de la suspente n’est pas demeuré ductile à des températures inférieures à –18 degrés Celsius. Avec une température cassant-ductile entre –18 et –29 degrés Celsius, on peut conclure qu’une section surchargée connaîtrait une rupture de faible ductilité à des températures plus froides de –18 degrés Celsius.

Haut de la page     

5.  Examen visuel préliminaire

Peu après le 14 janvier 2003, un examen visuel préliminaire de la structure et de certains des composants défectueux a été effectué par un ingénieur métallurgiste du MTO. Ces conclusions sont résumées à l’annexe A et sont fondées uniquement d’après un examen visuel du pont et ses composants. À la suite de cette inspection, un expert métallurgique a procédé à une enquête plus approfondie, y compris des essais de matériaux et une analyse des produits de corrosion des composants défectueux (voir annexe B*).

Haut de la page     

6.  Analyse métallurgique

Les services d’un expert métallurgique indépendant ont été retenus pour analyser les composants défectueux. Le rapport final figure à l’annexe B. Les conclusions suivantes ont été faites :

  1. Tiges de suspension

    1. L’analyse chimique du produit de corrosion a révélé ce qui suit :

      Endroit Âge de produit de corrosion sur la surface de fracture fragile Commentaires**
      Suspente 1 (Nord-ouest) 5 à 7 ans La fissure de fatigue a probablement commencé plusieurs années auparavant à l’endroit où une tentative a peut-être été faite pour meuler un défaut dans le filet lors de la construction du pont en 1960
      Suspente 2 (Nord-ouest) 1 à 3 ans La fissure de fatigue a probablement commencé après la rupture de la suspente 1 (NO)
      Suspente 3 (Nord-ouest) 0 ans 14 janvier 2003 (date de l’affaissement brusque partiel)
      Suspente 1 (Sud-ouest)*** 5 à 7 ans La fissure de fatigue a probablement commencé plusieurs années plus tôt à l’endroit où les défaillances ont eu lieu sur les filets lors de la construction du pont en 1960

      ** Voir annexe B* pour les détails.
      *** À la suite de l’affaissement brusque partiel du tablier, on a découvert que 6 suspentes supplémentaires étaient fissurées et que la suspente 1 (SO) était complètement fissurée. Ces conclusions ont été déterminées par l’inspection de l’acier de construction décrite à l’annexe C. Notons que lorsqu’il a été déterminé que la suspente 1 (SO) était fissurée, elle a été retirée du pont et envoyée au métallurgiste pour analyse. Dans son rapport, le métallurgiste indique qu’il croit que la suspente 1 (SO) s’est fissurée il y a 5 à 7 ans et que la rupture a commencé dans une section endommagée de la partie filetée de la tige (au-dessous de l’écrou). Il est arrivé à cette conclusion en constatant que le produit de corrosion sur la suspente 1 (NO) et la suspente 1 (SO) étaient similaires (voir annexe B). Le métallurgiste croit aussi que la défaillance initiale dans les filets a eu lieu lors de l’installation des suspentes. En outre, le métallurgiste a noté que de la peinture grise est présente sur la surface fissurée de la suspente 1 (SO). Ce point est important puisque le pont a été peint pour la dernière fois en 1998 et la suspente 1 (SO) devait être complètement fissurée à l’époque pour que la peinture soit présente sur la surface fissurée.

    2. Propriétés des matériaux

      L’acier spécifié sur les dessins de conception était celui de l’American Society for Testing Materials (ASTM) A373-54T. Cette spécification particulière était temporaire comme l’indique la lettre « T » à la fin de la description. En raison de la performance de cet acier par température très basse, la spécification a été écartée en faveur de la spécification A36 au début des années 1960. Les échantillons testés n’ont pas réussi à se conformer à toutes les exigences en matière de composition chimique pour l’acier A373-54T. En outre, les tests d’élasticité ont indiqué qu’aucun des trois échantillons testés n’a réussi à répondre à l’exigence en matière de limite d’élasticité de l’acier ASTM A373-54T. La limite d’élasticité était d’environ 10 % inférieure à la valeur spécifiée de 32 000 lb/po2 (220 MPa). La résistance à la traction ultime de deux des suspentes était aussi légèrement inférieure à la valeur spécifiée de 58 000 lb/po2 (400 MPa).

    3. Résistance à l’effet d’entaille

      Les tests effectués sur les 3 suspentes ont révélé que la température de transition cassant-ductile était entre – 8 et –29 degrés Celsius. Compte tenu de ces résultats, nous pouvons conclure que ce matériau ne serait pas demeuré ductile à des températures plus froides d’environ – 18 degrés Celsius.

    4. Abrasion et usure

      La suspente 1 dans le coin NO a montré des signes d’abrasion et d’usure (décrits à la partie 3 ci-dessus). L’annexe B décrit la longueur totale de l’usure comme étant entre 100 et 170 mm et comportant une certaine défaillance d’impact aux filets causée lors de l’affaissement. L’annexe A tient compte uniquement de la longueur de la suspente assujettie à l’usure (de 60 à 75 mm). Cela explique la raison pour laquelle la longueur de l’abrasion et de l’usure totale est différente dans les annexes A et B.

  2. Plaque de raccordement des poutrelles et les longerons (coin NO)

    L’analyse des produits de corrosion de la surface de fracture de la plaque de raccordement des longerons indique que la fissure de fatigue a progressé à travers les trous de boulons pendant plusieurs années (voir annexe B*). La fissure de fatigue s’est prolongée à travers 85 % de la partie transversale du raidisseur. La très faible corrosion sur la surface finale de rupture fragile (15 % de la partie transversale) indique que la défaillance complète a probablement eu lieu le 14 janvier 2003 (date de l’affaissement brusque partiel du tablier). On soupçonne que les fissures dans la plaque ont commencé après la défaillance de la suspente 1 (NO) (il y a 5 à 7 ans).

    Par ailleurs, le métallurgiste note que des traces de peinture grise étaient visibles sur la surface de la surface fissurée du raidisseur. Comme les conclusions tirées pour la suspente 1 (SO), nous pouvons dire que le raidisseur était au moins partiellement fissuré à la date du contrat de peinture (1998).

Haut de la page     

7.  Étude de l’état de la structure d’acier

  Photo du raccordement du longeron externe
  Figure 6 : Raccordement du longeron externe à la poutrelle 1 (coin SO)

Une société indépendante a mené des essais non destructifs sur les tiges de suspension restantes. L’essai aux ultrasons a révélé que 7 tiges de suspension supplémentaires étaient fissurées. L’une de ces tiges (suspente 1 dans le coin SO) était fissurée entièrement et six autres avaient des fissures qui avaient progressé jusqu’à 10 % à 1 5 % de la section transversale totale (voir annexe C* – Partie 1).

D’autres essais non destructifs (voir annexe C – Partie 2) ont également été effectués sur le reste de l’acier de construction (poutrelles, longerons, raccordements, entretoisements, etc.). Durant cette inspection, une fissure a été notée dans la plaque de raccordement du longeron externe et de la première poutrelle au coin SO (voir figure 6 et annexe C – Partie 2). Il est probable que les fissures ont commencé à se former dans cette plaque de raccordement après la défaillance de la suspente 1 (SO) (il y a 5 à 7 ans, comme il est décrit à la partie 6 et à l’annexe B). L’inspection a aussi révélé d’autres défauts mineurs comme il est décrit à l’annexe C.

Haut de la page     

8.  Inspections après la défaillance

Dans le cadre de l’enquête, des inspections après la défaillance ont eu lieu aux dates suivantes : le 15 janvier, le 29 janvier, le 11 février* et le 8 juillet 2003. Voici un résumé des observations de ces inspections. Notons que certains des défauts enregistrés étaient seulement visibles après la fonte de la neige et la baisse du niveau de l’eau dans la rivière. Ainsi, l’inspection de juillet 2003 a fourni la meilleure occasion pour constater certains des défauts.

* À la suite de l’inspection de février, une étude des poutrelles et des élévations de l’arc a permis de mesurer l’affaissement de la poutrelle 1 (SO) qui est d’environ 80 mm. Notons que les poutrelles sont attachées au contreventement externe.

Extrémité nord

Extrémité sud

Photo des fissures transversales dans le tablier   Photo des fissures transversales dans le parapet
Figure 7 : Fissures transversales dans le tablier au-dessus de la poutrelle 2 (coin SO)   Figure 8 : Fissures transversales dans le parapet au-dessus de la poutrelle 2 (coin SO)
 
Photo de l'affaissement de la rampe   Photo du contreventement défléchi
Figure 9: Affaissement de la rampe (coin SO) Figure 10: Contreventement défléchi (coin SO)

Haut de la page     

9.  Calcul des structures

Un calcul détaillé des structures a été effectué pour mieux comprendre le déroulement des événements menant à la défaillance du pont comme il est indiqué à la partie 3. Les résultats sont résumés à l’annexe D. Un modèle informatique tridimensionnel a été utilisé pour calculer les forces et tensions et une vérification a été effectuée relativement à l’aptitude au service et aux états de limite de fatigue. La structure a été tout d’abord vérifiée pour ce qui est de l’état de l’ouvrage fini en théorie en supposant la présence de goupilles dans la partie supérieure et la partie inférieure de chaque suspente. La capacité de tous les éléments a été adéquate dans ce cas avec l’utilisation des charges actuelles prévues par le Code canadien sur le calcul des ponts routiers (CCCPR).

La structure a été ensuite vérifiée en supposant que les clavettes de bride de suspension avaient grippé et que les tiges de suspension étaient assujetties à des contraintes de flexion. Une analyse itérative a ensuite été utilisée où on a supposé la défaillance de divers composants et où les forces et contraintes ont été calculées de nouveau pour chaque itération.

Les conclusions suivantes ont été faites au sujet des suspentes dans le coin nord-ouest :

Bien que les fléchissements de la charge mobile soient théoriques, il y a une assez bonne corrélation avec la longueur des marques d’abrasion et d’usure trouvées sur la suspente 1 (NO) et la suspente 1 (SO) (voir les annexes A et B*). L’annexe B confirme que les marques d’abrasion sont plus longues sur la suspente 1 (NO) par rapport à la suspente 1 (SO), ce qui indique que la partie nord du pont était plus flexible que la partie sud avant l’affaissement du tablier. Ce raisonnement est conforme au déroulement des événements menant à la défaillance et indiqué à la partie 4 qui décrit que la suspente 2 (NO) avait aussi été fissurée pendant une période de 1 à 3 ans avant janvier 2003. Le fait que les fléchissements de la charge mobile aient une corrélation avec les observations réelles sur le terrain valide le modèle informatique utilisé dans le calcul des structures.

Les fléchissements attribuables à la charge permanente étaient aussi vérifiés par rapport à la fissure de la suspente 1 (SO) (voir partie 8). Le cas des deux suspentes (coin NO) fissurées n’as pas été vérifié par des observations sur le terrain. Les fléchissements réels ont peut-être été mal calculés en raison d’une contrainte supplémentaire imposée par l’action de caténaire des longerons, des contreventements et du tablier. Toutefois, les fléchissements théoriques attribuables à la charge permanente susmentionnée peuvent être considérés comme des bornes supérieures possibles des fléchissements réels.

Haut de la page     

10.  Historique de la conception et de la remise en état du pont

  1. La conception originale

    Le pont a été conçu à la fin des années 1950 et a été construit en 1960. La conception elle-même est unique et le pont est le seul en son genre qui appartient au ministère des Transports. Comme c’est le cas avec la plupart des structures à poutre triangulée ou à arc, les concepteurs présument habituellement des assemblages à chevilles partout lorsqu’ils font leur analyse. Dans ce cas, le concepteur a prévu des goupilles et, en ce faisant, n’a probablement pas tenu compte des effets défavorables des moments de flexion dans les suspentes ou de fatigue.

    Dans de nombreux cas, le fait de ne pas tenir compte de la rigidité aux joints est une hypothèse traditionnelle pour l’examen de la résistance statique mais pas pour l’examen de réaction à la fatigue. Dans ce cas, l’effet a été nuisible en raison de l’aspect de fatigue. Une fois les goupilles grippées, le cas de charge est devenu assujetti à la fatigue. Une combinaison de plusieurs facteurs a peut-être entraîné le grippage des goupilles. Le détail de goupille utilisé a contribué au grippage des goupilles car aucun espace de joint n’existait entre la plaque de la suspente et les supports (voir figure 11). Par conséquent, la corrosion minimale, comme il est indiqué à la figure 11, a entraîné le grippage des goupilles. La figure 12 montre un type de rondelle qui est tordu derrière l’écrou. Cette distorsion a peut-être été causée par le serrage exagéré des écrous durant l’installation (même si l’étanchéité requise n’était pas précisée dans les dessins originaux du contrat). La distorsion des rondelles aurait pu être aussi causée par la corrosion des fissures derrière la rondelle. Dans un cas comme dans l’autre, la rotation de la goupille aurait probablement pu être empêchée. La figure 12 montre la distorsion d’un type de rondelle. Un certain nombre de rondelles ont montré cette caractéristique.

    Photo d'une goupille type grippée   Photo d'un écrou assujetti éventuellement à un serrage exagéré
    Figure 11 : Goupille type grippée   Figure 12 : Écrou assujetti éventuellement à un serrage exagéré ou une corrosion des fissures causant la distorsion de la rondelle.

    Voici certains des autres problèmes potentiels relatifs à la conception originale :

    • Le détail de la tige filetée a une faible étendue de travail de fatigue
    • La partie critique de l’ensemble de la suspente (tiges filetées et écrous) était cachée à l’inspection car le bout des tiges filetées était à l’intérieur de l’arc
    • Les rondelles bombées utilisées sur la face inférieure des écrous (à l’intérieur de l’arc) n’ont pas permis la rotation initiale voulue. Les trous surdimensionnés dans l’arc ont poussé les rondelles à se poser sur le périmètre de chaque trou, limitant ainsi le basculement ou la rotation des tiges de suspension. La rigidité verticale variable du support de la suspente, qui résulte dans une large mesure de la présence d’une tôle diaphragme sur un côté du support de la suspente, a aussi contribué à la charge excentrée et de flexion de la partie filetée de la tige de suspension (voir figure 13).
    Illustration d'une rondelle bombée
    Figure 13 : Rondelle bombée utilisée dans la partie supérieure de la tige de suspension (intérieur de l’arc en acier)
  2. Remise en état en 1992

    La remise en état a comporté notamment le remplacement complet du tablier, les travaux de réparation des culées et le remplacement de la ligne externe des longerons. Le tablier a été fait d’un matériau composite avec le pavé et les poutrelles. L’impact de ces changements dans l’articulation est examiné à l’annexe D. De manière générale, les contraintes et fléchissements consécutifs n’ont pas changé de manière significative.

    Avant la remise en état en 1992, le pont a fait l’objet d’une évaluation :

    • L’évaluateur a déterminé que le pont était adéquat pour supporter les charges utiles
    • L’évaluateur a recommandé que les « suspentes devraient être inspectées pour détecter tout signe de défaillance » avant la remise en état
      • L’essai aux ultrasons a été effectué sur les goupilles mais non sur la partie supérieure des tiges filetées
      • L’essai aux ultrasons n’aurait probablement pas été concluant si les fissures étaient très petites à l’époque
    • Le calcul de la fatigue n’a pas été effectué
      • Le calcul de la fatigue n’est pas habituellement requis pour ce genre de structure puisque tous les raccordements sont présumés être goupillés.
      • Dans de nombreux cas, le fait de passer outre la rigidité aux joints est une attitude traditionnelle pour l’examen de la résistance statique.
  3. Contrat de peinture de l’acier de construction en 1998

    Tous les composants en acier du pont ont été peints en 1998. Dans le cadre du contrat de peinture, l’entrepreneur a dû procéder à une évaluation du pont en tenant compte des chargements routiers et du poids de la peinture. Une inspection de l’engagement a été effectuée en août 2000 par le personnel du MTO en vue de déterminer l’état du système de peintures. Le revêtement a été jugé acceptable après cette inspection.

    Il y a des éléments de preuve qui suggèrent que la suspente 1 (coin NO) était déjà fissurée à la date à laquelle le contrat de peinture a été conclu. La figure 14 montre que la partie de la suspente qui a été effectivement peinte varie entre la suspente 1 (NO) et les suspentes 2 et 3 (NO). La partie peinte de la barre ronde est plus longue sur la suspente 1 (NO) que sur les suspentes 2 et 3 (NO). La partie peinte de la barre 1, au-dessus de l’épaule, a été mesurée et elle était d’environ 150 mm. La même longueur sur les tiges 2 et 3 a été mesurée et elle était d’environ 75 mm (voir annexe B*). Cela indique que la suspente 1 (NO) s’était déjà affaissée d’environ 75 mm à la date de peinture du pont, ce qui est conforme au calcul théorique de l’affaissement du tablier (voir annexe D*). Ce calcul est aussi conforme au délai de 5 à 7 ans de défaillance de la suspente 1, compte tenu de l’âge du produit de corrosion sur la surface fissurée. Bien qu’il soit manifeste qu’une partie supplémentaire de 75 mm de la suspente 1 ait été nettoyée et peinte, le défaut relatif à ce point (à savoir la suspente fissurée) n’aurait pas été facile à détecter par le personnel qui s’occupe normalement de l’inspection des contrats de revêtement.

    Photo of paint lines on hangers
    Figure 14 : Lignes de peinture sur les suspentes NO 1, 2 et 3.

    Le métallurgiste note aussi à l’annexe B que des traces de peinture ont été trouvées sur la surface fissurée de la suspente 1 (SO). Cela indique que la fissure a eu lieu à la date de la peinture du pont. En outre, on a trouvé également des traces de peinture sur la surface de la plaque de raccordement (NO) entre le raidisseur et les poutrelles. Cela indique que le raidisseur était au moins partiellement fissuré à la date de la peinture du pont. Toutefois, ces fissures étaient probablement petites et elles n’étaient pas faciles à détecter par le personnel qui s’occupe normalement de l’inspection des contrats de revêtement

Haut de la page     

11.  Historique des inspections

  1. Exigences en matière d’inspection des inspections visuelles détaillées (inspections biennales)

    L’inspection visuelle détaillée de tous les ponts en Ontario est requise tous les deux ans, conformément au Manuel d’inspection de structure de l’Ontario (MISO) et comme il est prévu dans le Règlement de l’Ontario 160/02 – (anciennement 104/97). Le règlement stipule aussi que toutes les inspections doivent être effectuées sous la direction d’un ingénieur.

    Une inspection visuelle détaillée est une évaluation visuelle de près, élément par élément, visant à déterminer les défauts de matériau, les performances insuffisantes et les besoins en matière d’entretien d’une structure. On entend par le terme « de près » « une distance assez rapprochée pour déterminer l’état de l’élément ». Dans certains cas, l’inspecteur utilise un équipement d’accès spécial pour faciliter l’inspection visuelle de près des divers composants.

    Généralement, les inspections visuelles détaillées sont effectuées par des ingénieurs de structure (ou par des techniciens sous la direction d’un ingénieur de structure) ayant plusieurs années d’expérience à son actif dans l’inspection des ponts. Ces ingénieurs pourraient travailler pour le ministère des Transports ou des sociétés de génie-conseil dont les services sont retenus par le ministère. Pour effectuer une évaluation visuelle de tous les composants, l’inspecteur passe habituellement entre 1 et 3 heures sur un pont donné, compte tenu des dimensions du pont, de sa date de construction et de son état. Dans le cas de grands ponts, le temps d’inspection est plus élevé.

    Le Manuel d’inspection de structure de l’Ontario (MISO) a été publié pour la première fois en 1985. Il a été mis à jour en 2000. Les révisions apportées en 2000 sont assez importantes et ont donné lieu à des changements dans le principe d’inspection. Le MISO initial utilisait une procédure d’inspection qualitative selon laquelle l’inspecteur évalue chaque composant en appliquant une échelle de 1 à 6. Le nouveau MISO met davantage l’accent sur l’aspect quantitatif et exige qu’un certain nombre de défauts réels soit enregistré pour chaque composant. Plusieurs séances de formation ont été tenues à l’intention des inspecteurs de 2000 à l’heure actuelle pour introduire les nouvelles procédures d’inspection.

    Voici certains des éléments communs qu’on retrouve dans les deux versions du MISO :

    • Tous les composants du pont doivent être inspectés et les défauts de matériau et de performance doivent être notés.
    • Certaines structures peuvent exiger des inspections plus fréquentes (p. ex. des détails sur les structures sujets à la fatigue, les composants essentiels en cas de rupture et les goupilles dans les structures à arc)
    • Des enquêtes plus approfondies doivent être effectuées lorsque des préoccupations sont soulevées durant les inspections visuelles
  2. Exigences en matière d’inspection relatives aux inspections d’entretien

    Outre les inspections visuelles détaillées indiquées ci-dessus, des inspections d’entretien sont aussi requises régulièrement. Une inspection d’entretien est une inspection visuelle visant à identifier les défauts évidents. Elle est moins rigoureuse que l’inspection prévue par le MISO, indiquée ci-dessus, et le niveau de compétence requis pour effectuer l’inspection est aussi moins rigoureuse.

    Avant l’impartition des travaux d’entretien du réseau routier en octobre 1998, les normes d’entretien de la qualité du ministère (publiées en 1981) exigeaient des inspections à pied mensuelles et des inspections au volant d’une voiture par des patrouilles de la route trois fois par semaine l’été et une fois par jour en hiver. Les inspections à pied étaient informelles et relativement courtes. Elles ne nécessitaient pas l’enregistrement de l’information sur un formulaire. Une inspection routinière est définie comme étant « un aperçu visuel des structures durant les visites aux lieux d’emploi indiqués sur le contrat ou les inspections faites durant les patrouilles routières ».

    Au cours des dernières années, les entrepreneurs embauchés par le ministère dans le cadre des contrats d’entretien régionaux effectuaient ces inspections. Les normes d’entretien en vigueur à la date de l’affaissement brusque partiel exigeaient des inspections d’entretien annuelles par une « personne qualifiée » et des inspections routinières au volant d’un véhicule trois fois par semaine en été et chaque jour en hiver. Les inspections annuelles sont plus détaillées que les inspections à pied précédentes et les résultats sont enregistrés sur un formulaire d’inspection du type liste de vérification. Si des défauts importants sont déterminés durant ces inspections, le personnel en est informé.

    Les contrats d’entretien régionaux définissent la « personne qualifiée » comme suit : « la personne qui entreprend l’inspection aura la connaissance des pratiques d’entretien de la structure ainsi que des problèmes soulevés par le vieillissement, la surcharge et le comportement inhabituel des composants de structures. Cette connaissance est acquise après une période minimale de trois ans d’expérience en matière d’entretien de structures provinciales ou municipales au Canada ».

  3. Historique des inspections visuelles détaillées

    Tous les dossiers d’inspection à compter de 1990 ont été examinés. Les inspections étaient effectuées par du personnel du MTO aux dates suivantes : octobre 1990, juillet 1992, novembre 1994, novembre 1996, septembre 1998, septembre 1999, août 2000, septembre 2001. Différents ingénieurs et techniciens des bureaux régionaux et du bureau central du MTO ont effectué les inspections. Toutes les inspections, sauf celle du mois d’août 2000, étaient des inspections visuelles détaillées exécutées conformément au MISO, sans recours à un équipement d’accès spécial. L’inspection de septembre 2001 a été effectuée conformément à la version révisée de 2000 du MISO. Les rapports datés d’après la remise en état de 1992 contenaient les renseignements suivants :

    • Certaines fissures étaient identifiées sur le tablier en béton et les parapets
    • Aucun défaut n’a été identifié sur les suspentes
    • Aucun défaut n’a été identifié dans l’acier de construction
    • Aucun défaut n’a été identifié dans le contreventement ou la rampe
  4. Historique des inspections d’entretien annuel

    Les dossiers d’inspection ont été examinés à compter de 1999. L’entrepreneur d’entretien régional a effectué une inspection visuelle d’entretien une fois par année de 1999 à 2002, la dernière inspection ayant eu lieu en avril 2002. Aucun problème n’a été signalé. En 2002, l’inspecteur a bien noté la présence de « rouille légère sur les lignes de soudure » pour ce qui est des éléments « poutres et diaphragmes ». L’emplacement exact de la rouille n’a pas été noté.

Haut de la page     

12.  Conclusions et recommandations

En résumé, la défaillance partielle du pont Sergeant Aubrey Cosens Memorial peut être attribuée à une combinaison de facteurs relatifs à la conception, à la construction et à la résistance du matériau. Les principaux facteurs ayant contribué à la rupture des tiges de suspension pour cause de fatigue comprennent notamment les facteurs suivants : les clavettes de bride de suspension qui étaient grippées, les défauts trouvés dans les filets des suspentes durant la phase de construction et l’acier qui n’est pas demeuré ductile par température très basse. La défaillance a été progressive pendant plusieurs années.

En passant en revue les pratiques et dossiers d’inspection au cours des années, on constate que le pont semble avoir été bien entretenu et en bon état (cela est prouvé par les inspections régulières et la récente remise en état et les contrats de peinture). La partie 8 décrit certains défauts qui ont été déterminés durant les inspections après le 14 janvier 2003. Il est probable que certains de ces défauts étaient présents lors de la défaillance de la suspente 1 (SO) et de la suspente 1 (NO). Toutefois, le fait que de nombreux et différents inspecteurs et entrepreneurs (contrat de peinture de 1998) n’aient pas détecté ces défauts suggère que ceux-ci n’étaient pas faciles à détecter. L’analyse à posteriori indique que les défauts sont conformes aux problèmes identifiés dans les suspentes ayant fait l’objet d’une défaillance. Toutefois, en examinant ces défauts à part, il aurait été difficile de les relier à la défaillance des suspentes à la date d’inspection. Si les défauts étaient identifiés, les inspecteurs ne les auraient probablement pas associés à la défaillance des suspentes, du fait qu’ils étaient mineurs. Dans la plupart des structures, ce genre de défauts mineurs (p. ex. les fissures dans le tablier) n’auraient pas été une raison pour s’alarmer.

Les recommandations découlant de cette enquête peuvent être regroupées en trois catégories : les pratiques de conception, les spécifications relatives aux matériaux et à la construction et les pratiques d’inspection.

  1. Pratiques de conception

    En comparant les pratiques de conception des années 1950 à ceux qui sont en usage aujourd’hui, nous constatons que de nombreuses améliorations ont été apportées dans ce domaine. Les codes de conception actuels reconnaissent les problèmes reliés aux structures qui ne sont pas hyperstatiques et aux détails assujettis à la fatigue.

    • Le Code canadien sur le calcul des ponts routiers (CCPRO) actuellement en vigueur et l’ancien Code de conception des ponts routiers de l’Ontario (CCPRO) découragent l’utilisation des structures à « chemin de charge unique »
    • Les critères du CCPRO relatifs à la conception et à l’endurance sont sévères dans le cas des nouvelles structures
    • Les détails utilisés pour les assemblages des goupilles et des suspentes ont été améliorés. Les nouvelles pièces utilisent des assemblages de câble avec des espacements entre les plaques dans les assemblages à œillets et à chevilles. Des rondelles à téflon sont aussi utilisées.

    La conception des nouveaux ponts s’est considérablement améliorée depuis les années 1950. Toutefois, d’autres améliorations sont recommandées :

    1. Les effets de la rigidité de raccordement et les tensions par fatigue en pliage devraient être pris en considération dans la conception et l’évaluation des ponts en arc en acier et les ponts à poutre triangulée.
       
    2. En ce qui concerne les conceptions et les remises en état futures, le concepteur devrait identifier les détails critiques et veiller à ce que les détails puissent être facilement inspectés après la construction.
  2. Spécifications relatives aux matériaux et à la construction

    Tout comme les spécifications de conception, les spécifications relatives aux matériaux et à la construction ont connu des progrès considérables au cours des 40 dernières années. Des processus et des matériaux nouveaux et améliorés, ainsi que des exigences plus sévères relatives au contrôle de la qualité et à l’assurance de la qualité durant les processus de fabrication et de construction, ont amélioré la qualité générale de l’acier et d’autres matériaux. Les essais et la performance des matériaux à basse température font partie intégrante du processus de fabrication de l’acier aujourd’hui.

    À ce titre, aucune nouvelle recommandation n’a été faite dans cette catégorie.

  3. Pratiques d’inspection

    Au cours des dernières années, le ministère des Transports a amélioré les pratiques relatives aux inspections des ponts. La mise en place du Règlement de l’Ontario 104/97 en 1997 et la révision en 2000 du Manuel d’inspection de structure de l’Ontario (MISO) ont fourni de meilleures lignes directrices aux inspecteurs. Toutefois, une formation pratique supplémentaire à l’intention des inspecteurs est justifiée, une attention particulière étant portée aux ponts similaires qui ne sont pas hyperstatiques et qui sont sujets à la fatigue. Nous recommandons ce qui suit :

    1. Inspection immédiate des ponts en arc du MTO avec raccordements à goupilles et suspentes (complété).
    2. Conseiller les municipalités et d'autres propriétaires d’inspecter les ponts avec des détails similaires (complété).
    3. Développer des sections du MISO pour insister sur les exigences relatives à l’accès et aux inspections visuelles « de près » de chaque composant durant les inspections biennales.
    4. Fournir la formation supplémentaire dans le cadre du MISO aux inspecteurs pour veiller à ce que l’intégrité générale de la structure soit évaluée en identifiant les fléchissements et la flexibilité inhabituels et d’autres défauts mineurs.
    5. Des inspections détaillées de fatigue et des essais non destructifs des composants essentiels contre la fatigue devraient être effectués tous les 5 ans.
    6. Pour ce qui est des contrats de peinture, une inspection détaillée de tout l’ouvrage en acier de construction devrait être effectuée par un ingénieur pour vérifier certaines structures, après le nettoyage de l’acier et avant la peinture.
    7. Augmenter la fréquence des inspections à pied effectuées par le personnel d’entretien ou des entrepreneurs régionaux de services d’entretien dans le cas de certains ponts.
    8. Fournir au personnel d’entretien une formation supplémentaire dans l’inspection des ponts.
Haut de la page     

Version Adobe Acrobat PDF disponible (1557 K).
Publications en format PDF doivent être lues à l'aide d'un visualisateur Adobe Acrobat Reader.



Dernière mise à jour : 12 janvier 2004