Commentaires : Les arts communautaires en milieu rural

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En mai 2007, John Brotman a présenté un exposé sur « Les arts communautaires en milieu rural » dans le cadre de la série de conférences « En perspective » sur les arts ruraux, de l’Observatoire culturel canadien. Jonh Brotman part du principe, illustré par de nombreux exemples inspirants, qu’il existe un phénomène appelé « arts ruraux » et que cette forme d’art convient bien aux besoins des régions rurales étant donné sa capacité de construire, de cimenter, d’enrichir et, plus important encore, de transformer les communautés.

Nous pourrions nous demander ce que signifie le mot « rural » et qu’est-ce qui a besoin d’être transformé dans une région désignée comme telle. Selon Brotman, si une communauté se « sent » isolée et n’est pas à même de bénéficier des réseaux d’artistes professionnels des plus grands centres, elle a alors en commun avec d’autres centres « éloignés » un manque d’information, ce qui a pour effet d’entraver sa capacité de production et de réception essentielle de produits culturels. Il décrit des cas où une activité locale « stimulante » réussit à pallier l’isolement rural, grâce à l’intervention d’artistes professionnels et d’artistes invités.

Toute qualification de « rural » et d’« urbain » exige que l’on reconnaisse l’existence d’un continuum entre les deux et aussi d’une variété de milieux ruraux. Certains de ces milieux ont un accès aux commodités et marchés des villes. D’autres, étant donné leurs paysages naturels ou cultivés, sont considérés comme des attraits touristiques et disposent de leurs propres ressources culturelles (1). Dans certaines régions rurales, la production culturelle peut bénéficier de la participation de communautés autochtones, d’organisations culturelles locales, de comités organisateurs de festivals et même d’universités. Il y a aussi des endroits moins facilement accessibles où se sont installés des artistes précisément à cause de leur éloignement, mais qui ne disposent néanmoins que de peu de ressources pour la production culturelle (2). Tous ces endroits se trouvent assez loin des villes importantes, sont plus ou moins peuplés et disposent d’une infrastructure limitée. Leurs économies diffèrent, mais normalement le capital social ne réussit par à soutenir le capital culturel. D’où l’importance de la transformation dont parle Brotman, notamment le développement de la capacité des gens et des organisations de consciemment exprimer leur culture.

Une deuxième question, suscitée par l’exposé de John Brotman et liée aux réflexions sur la « transformation », a trait à la nature des éléments de cet art rural. Selon Brotman, l’art rural est associé à la mise en valeur des capacités, au renforcement des moyens d’action, à la collaboration et à l’accroissement des occasions de réseautage. Il soutient que la transformation qui s’opère lors de la production et de la consommation d’arts ruraux est une transformation interreliée des ressources et des gens de la communauté. Ce que nous en déduisons c’est qu’il est important de stimuler les talents et les ressources de la localité afin de permettre l’activité et la prise de décisions créatives bénéfiques à l’organisation sociale. Il s’agit là d’un heureux défi à relever en ce qui concerne la polarisation des points de vue sur la production culturelle, qui sont orientés soit vers les arts professionnels soit vers les « arts communautaires ». Brotman insiste sur l’idée d’une synthèse des efforts communautaires et des efforts professionnels pour provoquer la « transformation durable » d’une communauté, laquelle ne se trouve ainsi jamais en état de stagnation. Des pratiques et des méthodes englobantes viennent enrichir le bassin de praticiens grâce à de meilleures possibilités, ainsi qu’à une formation, une collaboration et une distribution accrues.

Avant de poursuivre, il pourrait être utile de se rappeler que ce n’est pas là le seul type de production culturelle que l’on trouve dans les milieux ruraux ni le seul qui devrait être mis en valeur, mais si les « arts ruraux » représentent un modèle particulièrement fécond, c’est parce que l’enrichissement du bassin de praticiens provoque un échange plus fructueux d’idées et favorise la production créative. La notion de transformation par les arts ruraux présentée par Brotman touche l’amélioration de la vie sociale et économique des communautés, ce qui aide ces communautés à attirer et à retenir les gens. À cette fin, Brotman ose présenter un concept souvent pernicieux de « liens de rapprochement » (outreach) et y voit le moyen de susciter une expérience d’apprentissage entre des animateurs qualifiés d’activités artistiques et la « communauté ». Pour Brotman, ce concept de rapprochement signifie que des animateurs d’activités d’apprentissage se rendent dans les communautés pour transmettre leurs talents et favoriser la cohésion sociale ainsi que l’épanouissement « émotionnel » et « spirituel » des gens. Une telle façon de procéder a son lot de difficultés et d’inconvénients, mais Brotman n’en parle guère, et il passe sous silence les défis que comporte le « développement » d’une communauté. Il ne parle pas non plus de la production artistique participative dans un contexte de divisions sociales et culturelles souvent présentes dans les communautés rurales et peu peuplées. Je propose donc un ajout aux objectifs énumérés par Brotman, notamment une réflexion sur les enjeux politiques de la culture. Même si cela devait se limiter à des efforts pour assurer l’égalité d’accès à la représentation au sein d’organisations culturelles et pour veiller à ce que la politique culturelle n’institutionnalise pas l’inégalité, les répercussions de telles mesures sur l’institutionnalisation de la culture seraient importantes pour les « arts ruraux ».